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12 avril 2025
Opinions
Par Mbagnick DIOP
SUBSTITUER L’EVIDENCE AU DOUTE ET TENIR EN RESPECT LES SUBVERSIFS
A peine installée, la cinquième République doit faire face à une conspiration qui en dit long sur le caractère revanchard de certains perdants, très mauvais perdants d’ailleurs, de la présidentielle du 24 mars 2024.
A peine installée, la cinquième République doit faire face à une conspiration qui en dit long sur le caractère revanchard de certains perdants, très mauvais perdants d’ailleurs, de la présidentielle du 24 mars 2024. Audacieusement, ils font converger leurs diatribes et leurs crocs en jambes sur le Président et le Premier ministre dont ils connaissent pourtant l’endurance dans l’adversité politique
Pour dérouler une gouvernance efficace et paisible, le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre M. Ousmane Sonko devront, tout au cours de leur mission, faire montre de sérénité et fermeté afin de substituer l’évidence au doute et tenir en respect les subversifs dotés de moyens redoutables. Comme dit l’adage : il ne faut guère donner du répit au fauve blessé, il faut le neutraliser avant qu’il puisse retrouver la force d’une contre-attaque. Cela est d’autant plus nécessaire que le peuple vulnérable à la manipulation, attend patiemment des actesforts pour que le coût de la vie lui soit allégé.
Les tenants du pouvoir, sortis d’une longue nuit d’épreuves cruelles, savent parfaitement ce dont sont capables leurs adversaires.
La sécurité publique apparaît comme un champ de cactus vénéneux. Il faut dores et déjà que la police et la gendarmerie reprennent assidûment les patrouilles, notamment dans les régions de Dakar et Thiès où des bandes d’agresseurs rivalisent de férocité.
Au chapitre politique, les acteurs, quels que soient leurs objectifs, gagneraient à inscrire leurs actes dans un cadre civilisé, en ayant la claire conscience que les citoyens en ont ras-le bol d’entendre des déclarations guerrières du genre force restera à la loi. Les souvenirs de ces bravades sont encore douloureusement consignés dans la mémoire de milliers de citoyens injustement brimés voire broyés par un régime dictatorial qui a pris fin le 24 mars dernier.
Pour le renforcement de la cohésion nationale, les Sénégalais doivent bannir à jamais les propos et comportements sectaires. Que chacun cultive le champ d’amour sacré, en chantant inlassablement notre belle devise nationale : un peuple, un but, une foi.
Par Alioune Badara DABO
IL NOUS FAUT UN CONSERVATOIRE NATIONAL DU LITTORAL
Il peut avoir pour mission d’imaginer, d’aménager et de protéger le littoral, les espaces naturels et les espaces de promenade et de respiration pour préserver le cadre de vie et le fragile équilibre ville-nature
Le 24 Mars 2024, le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture en portant son choix sur le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye du parti PASTEF les Patriotes. Après six semaines d’exercices du pouvoir, l’arrêt des chantiers sur le littoral constitue, avec la publication des rapports des corps de contrôle et l’audit du site déclassifié de Mbour 4, les décisions phares prises pour la restauration de la transparence dans le domaine de la gestion foncière. Ces mesures conservatoires, quoiqu’appréciables et appréciées par l’opinion, devront être accompagnées par un cadre réglementaire et institutionnel durable qui garantisse l’équité et l’intérêt général dans la gestion foncière au Sénégal. Cette contribution met le focus sur la problématique de la gestion du foncier sur le littoral et entend participer aux réflexions en cours sur les mécanismes et dispositifs à mettre en œuvre pour régler durablement la question foncière sur le littoral sénégalais.
Pourquoi un Conservatoire national du littoral au Sénégal ?
Le littoral sénégalais s’étend sur près de 700 km et correspond à la façade maritime de six régions du Sénégal (SaintLouis, Louga, Dakar, Thiès, Fatick, Ziguinchor). Il est constitué d’écosystèmes naturels et anthropiques, mais menacé par la forte concentration économique et démographique et par les effets du changement climatique (érosion côtière, inondation, salinisation des sols…).
Sa gestion durable a préoccupé les pouvoirs publics depuis les premières heures de l’indépendance, mais aussi la communauté scientifique, l’UICN et les acteurs de la société civile. L’une des premières mesures prises par le Président Senghor consistaient à classer le foncier dans le Domaine Public Maritime (DPM) de l’État : ce dernier étant également soumis à la législation foncière.
La loi de 1976 portant code du domaine de l’État définit le DPM et la zone littorale qui font partie du domaine public naturel de l’État comme étant : « les rivages de la mer couverts et découverts lors des plus fortes marées, ainsi qu’une zone de cent mètres de large à partir de la limite atteinte par les plus fortes marées ». Le DPM est soumis au régime de la domanialité publique qui se caractérise par son exorbitance liée notamment aux principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité qui s’appliquent à lui. L’État ne peut pas transférer un droit à un tiers ni à titre onéreux, ni à titre gratuit. En d’autres termes, le DPM ne peut pas bénéficier d’une prescription acquisitive. Toutefois, l’État peut bénéficier de certains espaces relevant du domaine public en les déclassant pour les faire entrer dans son domaine privé.
Sous le régime du Président Abdou Diouf, d’autres textes viennent s’appliquer également sur le DPM et cherchent à garantir une protection efficace et effective du littoral. En plus de la loi sur le domaine national de 1964, il y a eu également celle relative à l’environnement. L’ambiguïté de ce code de l’Environnement de 1983 a eu des conséquences importantes dans l’application des politiques environnementales. La loi de 1983 ne réglementait que certains aspects de l’environnement (le domaine marin et côtier n’en faisait pas partie) et était cependant complétée par les autres textes intervenants dans des secteurs spécifiques (forêt, chasse, urbanisme, aménagement du territoire, etc.).
La loi de 1996 a apporté des modifications majeures dans la gestion de l’environnement et le foncier. L’organisation territoriale s’est complexifiée avec la superposition de plusieurs échelons de collectivités décentralisées et de services déconcentrés de l’État.
Au niveau du foncier et plus précisément en ce qui concerne le DPM, les collectivités décentralisées malgré l’approfondissement de la décentralisation en 1996 ont peu de compétences en la matière. Leur implication dans la gestion du DPM est timide. Et pourtant, le littoral est, pour certaines collectivités locales côtières, d’une grande importance pour leur développement économique et touristique, mais elles ne sont que partiellement impliquées.
La loi de 1983 a été remplacée par celle de 2001 portant code de l’Environnement, sous le régime du Président Abdoulaye Wade. Elle contient plusieurs dispositions qui peuvent être relatives à la protection du littoral. En effet, le législateur prévoit des mesures de prévention et de lutte contre les pollutions et nuisances qui concernent aussi le littoral. Ceci se concrétise parle classement de certaines installations pour la protection de l’environnement, le respect des règles environnementales par les établissements humains, la gestion des déchets, l’obligation de procéder à l’étude d’impact, et l’établissement d’un plan d’urgence est prévu en cas de situations de pollution grave. De même, des règles sont également établies pour la protection des milieux, avec des mesures de prévention de la pollution des eaux et de la dégradation des sols.
Vers la fin du régime du Président Abdoulaye Wade, le littoral est devenu le théâtre d’une spéculation immobilière intensive. Ce phénomène s’est accéléré avec le régime du Président Macky Sall. Hôtels et immeubles d’habitation ou de bureaux y poussent à grande vitesse.
Les défenseurs de l’environnement ou de la qualité de vie dénoncent la privatisation du littoral à coups de violations des règles de droit. Certaines populations se plaignent de ne plus avoir d’accès libre à la mer et la préservation du littoral apparaît comme une des conditions d’aménagement équilibré des territoires face à l’urbanisation croissante.
Toutefois les politiques environnementales ou d’aménagement du territoire ou de préservation exclusive de cet espace n’ont pas encore atteint les effets escomptés et les ressources foncières sont de plus en plus grignotées notamment sur leurs franges. La croissance urbaine au Sénégal exerce une forte pression sur le littoral. Elle raisonne comme un défi envers les savoirs et pratiques opérationnelles de l’aménagement du territoire, de la planification et la gestion du littoral.
Je pense que la mise en œuvre de la volonté politique de protection du littoral du régime actuel et de la valorisation des espaces naturels, des espaces de promenade et de respiration, et de coordonner en ces domaines les actions des collectivités territoriales avec celles de l’État et de ses établissements publics doit être portée par une entité territoriale forte, viable et porteuse de transition vers des pratiques plus durables.
Les réformes engagées par le Sénégal, à savoir l’Acte III de la décentralisation, définissent de nouveau système de gouvernance des territoires avec notamment la communalisation intégrale des collectivités territoriales de proximité des communes et l’érection des départements en collectivité territoriale. Ce système pose des questions d’échelle de gestion et d’intégration du littoral dans le développement des territoires.
Ce processus d’organisation des territoires, des activités et des usages implique la recherche d’un équilibre entre l’urbanisation et le littoral, entre l’économie et la santé, la ville et les écosystèmes naturels, entre la croissance démographique et la préservation du cadre de vie. Il appelle ainsi, comme le suggère le Président de la république, à mobiliser l’intelligence collective des acteurs des territoires pour préserver le fragile équilibre entre la ville et le littoral.
La suspension des chantiers contribue à l’ouverture d’un débat plus vaste sur l’accaparement du foncier à travers tout le pays. Le Président Bassirou Diomaye Faye a promis de rompre avec le système incarné par son prédécesseur, Macky Sall. Ce dernier avait signé en avril 2023 un décret déclassant une forêt de près de 826 hectares destinée à empêcher l’avancée de la mer, pour y autoriser la construction d’infrastructures, d’équipements collectifs et de logements.
Cette urbanisation croissante situe le littoral à la jonction de différentes politiques publiques économiques, environnementales et action foncière. Il reste donc souhaitable pour le Sénégal, que les différentes stratégies des investisseurs, promoteurs immobiliers, l’État, les collectivités, les associations de protection de la nature soient source d’enrichissement, plutôt que de conflit, et favorisent un dialogue constructif qui exige de chaque acteur un comportement citoyen
La nouvelle institution technique et opérationnelle viendra renforcer le niveau de gestion, de coopération et d’échange, mais aussi de création d’espaces verts, d’espaces de promenade et de respiration, le niveau de collaboration entre l’État, les associations et les acteurs territoriaux dans la conduite, le suivi et l’évolution des politiques de protection du littoral.
Je pense que la mise en place d’un Conservatoire national du littoral (inspiré du Conservatoire du littoral en France, créé en 1975 pour lutter contre l’urbanisation des côtes françaises), structure technique et opérationnelle, traduit l’impératif de compléter notre architecture de gouvernance des ressources territoriales, foncières, marines, par une institution, siège de la protection et de la valorisation du littoral sénégalais.
Les objectifs du Conservatoire national du littoral
L’objectif de la création du Conservatoire National du Littoral est de mettre en place une structure technique et opérationnelle de gestion, de protection, d’animation, de sensibilisation et de création d’espaces de nature et de respiration afin de répondre aux enjeux de la croissance démographique qui crée des besoins inédits, notamment en termes de logement, de mobilité, d’emploi, de gestion de déchets, du cadre de vie, de gestion de l’eau et, de manière générale, de gestion de l’environnement.
Dans un contexte de grandes transformations urbaines, de mutations paysagères, de changements profonds des territoires côtiers liés au lancement de travaux d’envergure visant à relever les défis de la restructuration et de la croissance démographique, il s’agit de préserver le patrimoine naturel et le cadre de vie menacé par cette urbanisation croissante. Concilier les espaces de nature, de promenade, de respiration avec l’aménagement du territoire devient une nécessité.
Le Conservatoire est ainsi créé pour mettre en œuvre la politique de gestion, de protection et de valorisation du littoral, mais aussi de coordonner les actions des collectivités territoriales avec celles de l’État. Il vient renforcer de manière technique et opérationnelle le niveau de collaboration entre l’État, les associations, et les acteurs territoriaux dans la gestion, le suivi et l’intégration de la question environnementale, écologique, sociale dans les politiques d’aménagement du territoire.
Les objectifs opérationnels de la création du Conservatoire du littoral sont les suivants :
• Concilier aménagement du territoire, la gestion durable du littoral, du cadre de vie et la protection des écosystèmes naturels
• Diminuer la pression foncière et gérer durablement les espaces dont la valeur patrimoniale engage notre responsabilité à l’égard des générations futures et ouverture au public des espaces de promenade
• Anticiper les mutations des espaces naturels par une démarche prospective
• Créer des espaces de respiration, de lutte contre l’érosion côtière, les inondations et de participation à la qualité de vie des populations
• Accompagner et animer les projets de l’État et des territoires sous l’angle de la transition écologique
• Développer et mettre en œuvre une stratégie opérationnelle valorisant l’exemplarité environnementale de l’État et des collectivités territoriales
• Protéger les populations contre des phénomènes climatiques extrêmes en permettant un espace de tampon entre la mer et les enjeux humains.
Quelle forme ou statut pourrait prendre le conservatoire du littoral au Sénégal ?
Le Conservatoire peut être un établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle des Ministères de l’environnement, de l’économie, de l’aménagement du territoire et des collectivités territoriales. Il peut être gouverné par deux instances : le Conseil d’administration composé principalement d’élus nationaux, départementaux, communaux et de représentants des ministères. Il est un organisme commun à l’État et aux collectivités territoriales, où les qualités et les rôles complémentaires de l’un et des autres se conjuguent et se renforcent mutuellement.
Il peut avoir pour mission d’imaginer, d’aménager et de protéger le littoral, les espaces naturels et les espaces de promenade et de respiration pour préserver le cadre de vie et le fragile équilibre ville-nature. À ce titre, l’action du Conservatoire s’inscrit dans le cadre des politiques nationales, territoriales en matière de qualité de vie, d’aménagement du territoire et d’environnement.
Le Conservatoire doit avoir pour mission d’intervenir et d’argumenter afin de préserver de manière règlementaire le littoral. Il vise à : (i) prévenir ou endiguer l’urbanisation non maîtrisée ; (ii) concilier l’ouverture au public et la préservation de la biodiversité ; (iii) mettre en valeur les paysages ; (iv) conforter le maintien de la production économique et touristique et (v) prévenir la dénaturation des espaces ouverts par des veilles foncières avec les collectivités et les associations.
Par Dr Idrissa DOUCOURE
LE SENEGAL BATIT SON FUTUR AVEC AUDACE
Dans le cadre de mes contributions régulières au débat national, je souhaite aujourd’hui aborder un thème qui m’a profondément marqué durant les quinze années que j’ai passées en Angleterre
Dans le cadre de mes contributions régulières au débat national, à un moment où les nouvelles autorités du pays affichent une volonté ferme de mettre en œuvre des changements essentiels et systémiques pour la souveraineté du pays dans tous ses compartiments, mais aussi pour un développement endogène et accéléré, je souhaite aujourd’hui aborder un thème qui m’a profondément marqué durant les quinze années que j’ai passées en Angleterre. Cette période a été marquée par plusieurs expériences significatives, notamment le changement de langue d’instruction de mes propres enfants, passant du français à l’anglais en raison de notre déménagement à Londres. Ce changement s’est produit lors des premières années de mon affectation dans cette ville, et j’ai pu observer de près les impacts de cette transition linguistique sur leur éducation. De plus, mes contacts quotidiens avec mes collègues de travail, où aucune place n’était réservée à une autre langue que l’anglais au bureau, m’ont permis de constater l’efficacité d’un tel environnement. Cette immersion totale dans la langue anglaise a révélé des avancées notables dans divers comportements et diverses compétences, démontrant que le système éducatif monolingue ne souffrait d’aucune lacune.
C’est la raison pour laquelle j’apporte cette contribution au débat public, à un moment où le Sénégal, les nouvelles autorités ambitionnent de refonder le modèle de développement du pays. Le Sénégal aspire à apporter des modifications profondes à son modèle de vie dans tous les secteurs. Quel est le pays au monde, en dehors de l’Afrique subsaharienne, qui a connu un développement fulgurant en adoptant une langue étrangère comme langue de base dans son système éducatif ? Les éléments d’analyse et de propositions que je présente ici proviennent davantage de mon expérience de citoyen ayant vécu cette réalité pendant plus d’une décennie et de réflexions quotidiennes, plutôt que d’une expertise linguistique ou éducative formelle.
L’éducation est un pilier fondamental de développement d’une nation. Au Sénégal, comme dans de nombreux pays africains, le système éducatif a été largement influencé par la colonisation. Depuis l’indépendance, le français est resté la langue principale d’instruction dans les écoles sénégalaises. Cependant, cette approche présente des limites significatives. Il est temps de repenser notre système éducatif en introduisant l’instruction dans la langue maternelle dès les premiers âges, avant d’introduire le bilinguisme avec le français ou l’anglais plus tard dans le cursus éducatif. Cette approche présente des avantages sans commune mesure que nous allons explorer en détail.
L’introduction du français dans le système éducatif sénégalais remonte à l’époque coloniale. Les motivations derrière cette initiative étaient politiques, économiques et socio-culturelles. Les colonisateurs français cherchaient à créer une élite locale francophone qui pourrait servir leurs intérêts, reproduire et perpétuer le système. Cette élite devait être capable de communiquer en français pour faciliter le fonctionnement de l’administration coloniale et les échanges commerciaux. Cependant, cette approche a créé un fossé linguistique et culturel entre les enfants et leur environnement familial et communautaire. Les enfants étaient obligés d’apprendre dans une langue qu’ils ne maîtrisaient pas et qui n'avait pas la même charge émotionnelle, ce qui a souvent conduit à des difficultés d’apprentissage et à des taux d’abandon scolaire élevés.
L’éducation en français présente plusieurs limites. Tout d’abord, elle crée une barrière linguistique pour les enfants qui ne parlent pas le français à la maison. Cela peut entraîner des difficultés de compréhension et d’assimilation des concepts éducatifs. De plus, l’instruction en français peut nuire à l’identité culturelle des apprenants, en les éloignant de leur langue et de leurs traditions. Un exemple concret pour illustrer cette situation est celui d’un enfant britannique qui serait instruit en français dès le bas âge, alors que même ses parents ne connaissent pas cette langue. Il est évident que ce système éducatif enregistrerait des contre-performances significatives. En comparaison, les enfants coréens ou américains , qui sont instruits dans leur langue maternelle, montrent des performances académiques beaucoup plus importantes.
Les avantages de l’éducation dans la langue maternelle sont multiples et multiformes, notamment le développement cognitif, émotionnel et linguistique. L’apprentissage dans la langue maternelle permet aux enfants de développer des compétences cognitives et linguistiques solides. Les recherches montrent que les enfants qui commencent leur éducation dans leur langue maternelle acquièrent des compétences de lecture et d’écriture plus rapidement et de manière plus efficace. Cela est dû au fait qu’ils peuvent comprendre et assimiler les concepts plus facilement dans une langue qu’ils maîtrisent déjà.
L’instruction dans la langue maternelle renforce le sentiment d’identité culturelle et d’appartenance des enfants et favorise l'acquisition de compétences scientifiques . En apprenant dans leur langue maternelle, les enfants se sentent valorisés et respectés, ce qui renforce leur estime de soi et leur confiance . Cela leur permet également de maintenir un lien fort avec leur culture et leurs traditions, ce qui est essentiel pour leur développement personnel et social. L’enseignement dans la langue maternelle favorise l’inclusion et l’équité dans le système éducatif. Il permet à tous les enfants, indépendamment de leur origine linguistique, de commencer leur éducation sur un socle d'équité et d’égalité. Cela réduit les disparités et les inégalités éducatives, en particulier pour les enfants issus de communautés linguistiques minoritaires.
L’instruction dans la langue maternelle encourage également l’engagement des parents et de la communauté dans le processus éducatif, en leur conférant la légitimité de guider et surveiller la progression de leurs enfants. Les parents sont plus susceptibles de participer activement à l’éducation de leurs enfants lorsqu’ils comprennent la langue d’instruction. Cela crée un environnement d’apprentissage plus collaboratif et plus soutenu, bénéfique pour le développement global de l’enfant.
Introduire le bilinguisme avec le français ou l’anglais à un stade ultérieur de l’éducation, permet une transition plus douce et plus naturelle. Les apprenants qui ont une base solide dans leur langue maternelle sont mieux préparés pour apprendre une nouvelle langue. Ils peuvent transférer les compétences linguistiques et cognitives acquises dans leur langue maternelle, ce qui facilite l’apprentissage et améliore les résultats scolaires.
Pour apporter ce changement dans le système éducatif sénégalais, plusieurs étapes doivent être suivies. Il est crucial de mener une évaluation approfondie des langues maternelles parlées dans différentes régions du Sénégal. Sur cette base, un plan stratégique doit être élaboré pour introduire progressivement l’instruction dans ces langues. Les enseignants doivent être formés pour enseigner dans les langues maternelles. Des manuels scolaires et du matériel pédagogique doivent être développés dans les langues maternelles. Il sera essentiel de sensibiliser les parents et les communautés à l’importance de l’instruction dans la langue maternelle et de les engager activement dans le processus éducatif. Cependant, dans certains milieux religieux où l’école française n’est toujours pas bien perçue, cela constituerait une piste de changement où enfin et à travers tout le pays une adhésion à l’agenda de l’éducation serait acceptée par tous et mieux encore si on y intègre des composantes d’éducation religieuse. Le nouveau type de sénégalaise ou sénégalais que nous voulons , c’est aussi une citoyenne ou un citoyen fortement ancré(e) dans ses valeurs religieuses et morales les plus élevées, et aussi ouvert(e) au monde extérieur.
Afin de ne pas tomber dans nos travers et perdre cet engouement sans les résultats pérennes en place, il me semble indiqué de faire soutenir ce changement majeur par le Bureau de suivi du PROJET, du fait que cela transcende le ministère de l’éducation et interpelle d'autres institutions de la république. Un système de suivi et d’évaluation doit être mis en place pour mesurer l’impact de cette approche et apporter les ajustements nécessaires.
L’instruction de nos enfants dans leur langue maternelle dès les premiers âges est une approche éducative holistique qui favorise le développement cognitif, linguistique, culturel et social de nos enfants. Elle prépare également le terrain pour une transition réussie vers l’apprentissage d’une seconde langue, tout en promouvant l’inclusion et l’équité dans le système éducatif.
par Pape Chérif Bertrand Bassène
L'IMPACT D'UN DÉBAT UNIVERSITAIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le "Goordjiguène" a toujours existé en Afrique : il est temps de dépasser les polémiques stériles et de produire un savoir africain sur la question. À charge pour l’Université Cheikh Anta Diop d'assumer ce rôle
Pape Chérif Bertrand Bassène |
Publication 21/05/2024
Tandis que la presse occidentale et française en particulier, nous apprend que le "Premier ministre Sonko critique les droits LGBT" (Figaro, 2024), qu’il a prévenu sur le risque de casus belli entre l’occident et le reste du monde avec sa défense de l'homosexualité (La voix du nord, 2024 ). La presse sénégalaise quant à elle - se faisant l'écho d'une société civile d’obédience religieuse et d'une classe politique qui essaie d'habiller la nouvelle forme d'opposition - a relevé que le Premier ministre Ousmane Sonko (Pmos) l’a non seulement déçue (Conférence Jamra), mais devrait en plus "retirer ses propos sur l'existence d'une tolérance envers le phénomène d'homosexualité au Sénégal" (Lequotidien, 2024).
La nouvelle opposition en gestation, que veut réanimer l'honorable Moustapha Diakhaté, n'hésite pas à accabler l'université Cheikh Anta Diop (Ucad). Elle dit condamner "l’attitude opportuniste du recteur" qui aurait "violé la décision du Conseil académique portant suspension de toutes les activités politiques dans le campus." Pour M. Diakhaté, le Professeur Mbaye, n'aurait pas dû "autoriser cette rencontre qui n’a aucun caractère officiel et scientifique encore moins y prendre part."
Nous voulons pondérer cette posture plus politique que scientifique.
Comme le dit une sagesse biblique, « nul n'est prophète en son pays ». Et certainement pas un Ousmane Sonko – "prophète du Pastef" (pour coller à l'imaginaire de ses partisans qui l'appelle Ousmane Mu sella mi) – qui a prédit et œuvré pour la chute de cette élite politique qui le sera chez les thuriféraires d’un régime fraichement renvoyé dans l’opposition politique.
Sinon, le débat que messieurs Mélenchon et Sonko ont tenu à l'Ucad 2, a bel bien un cachet officiel dès lors que c’est l’Ucad qui invite. En plus du fait que les deux hôtes du jour sont deux leaders de mouvements politiques dont l’un est de surcroit le Premier ministre du Sénégal. L’Ucad dont la devise est Lux mea lex, est par sa tradition un espace de débat éclairé pour défendre les libertés et toutes les libertés. Dès lors, il aurait été plus pertinent d’analyser l’impact national comme international de cette rencontre.
Sur le plan national, cette conférence a permis au recteur d’initier une réconciliation (que l’on espère sincère) avec la communauté estudiantine dont les nouveaux venus – qui ont accusé plus de huit (8) mois de retard – à qui il avait l’obligation professionnelle pour ne pas dire pédagogique de redonner le goût du monde universitaire. C’est en conséquence que le Professeur Mbaye a accepté humblement la critique des huées qui n’étaient que l’expression de la colère des étudiants après les mesures "intellecticides" qu'il a appliquées – le recteur n’a jamais fait preuve de prise de responsabilité consciencieuse sur l’avenir des étudiants sénégalais de l’Ucad et telles que les franchises universitaires et les libertés académiques le lui autorisaient – et qui ont terni l’image académique de l’institution.
En outre, où mieux que l'Ucad pour insuffler un tel débat sur l'avenir des relations entre l'occident et l'Afrique, avec des questions aussi cruciales comme celles des droits humains qui nécessitaient une certaine dialectique. La pédagogie dialectique, c’est ce qu’une certaine presse au service d’une nouvelle opposition n’a pas voulu faire ; elle a préféré baigner dans la culture de crétinisation de l’espace public.
Rappelons qu'un débat sur la même thématique avait déjà eu lieu en 2007 à l’Ucad, quand le président Nicolas Sarkozy était venu "présenter sa conception de l'Afrique et de son développement" aux étudiants sénégalais (Elysée, 2007). En lieu et place d’une rupture, Nicolas Sarkozy s’est révélé un Hegel d’un autre âge avec des théories qui auraient fait sourire des Léopold Sédar Senghor et autres Cheikh Anta Diop.
Or cette fois-ci, dans ce débat (d’un Mélenchon) respectueux de l’Afrique, les questions de droits de l'homme dans l'Etat (nation) sur les relations entre l'Europe et l'Afrique ont littéralement dominé. Et paradoxalement, la nouvelle opposition n'a pas remarqué que le Pmos – tant qu'à parler de démocratie et de droits de l'homme – n'a pas hésité à critiquer l'Etat, "le gouvernement français (qui n'a pas) dénoncé" l’entrave des libertés au Sénégal. Pis, relève Sonko, le président Emmanuel Macron avait accueilli et "félicité" son homologue sénégalais "au pire (moment) de la répression". C'était tout comme, "une incitation à la répression, une incitation à la persécution et à l’exécution de Sénégalais dont le seul crime a été d’adhéré à un projet politique" (Casavance, 2024). Cette critique qui n'a certainement pas plu la nouvelle opposition, l'a empêché d’écouter de manière intelligible la suite du débat.
N'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. L’opposition a alors délibérément choisi de pervertir le propos du Pmos sur le phénomène "Goordjiguène". En le faisant, les journalistes et polémistes de tout acabit ont cherché à rabaisser le débat sur la place de l’homosexualité dans les rapports occident/Afrique ici posée dans l’espace universitaire, cadre scientifique par excellence et dont l’impact international est assuré.
Qui dit université dit universalité, là où comme le dit le Pmos, il faut et il est possible de "reconnaître, connaître, comprendre et accepter les spécificités" dans leur totalité. La question des mœurs par exemple, prévient-il à juste titre, risque d’être le prochain "casus belli" entre l’Occident et le reste du monde. Alors qu’elle ne peut pas se poser dans le contexte africain de manière verticale, elle "revient régulièrement dans les programmes de la majorité des institutions internationales et dans les rapports bilatéraux", souvent "comme une conditionnalité pour différents partenariats financiers"(Casavance, 2024). Toujours cette propension de l’Occident à se positionner comme forme de mission civilisatrice.
Ousmane Sonko ne tient pas un discours que ne peut entendre le monde universitaire, quand il fustige la prétention scientifique de l’Occident qui croit savoir que les "sociétés (africaines) ne connaissaient pas ces questions". Ce qu’il réfute donc en insistant sur le fait que chaque société "a établi et perpétue librement ses mécanismes d’absorption des effets sociaux qu’il faut respecter dans la limite de l’humainement raisonnable" (Casavance, 2024).
La théorie que défend le Pmos est ce qu’on appelle dans le monde de la recherche scientifique, les épistémologies du sud ou décoloniales. Ainsi demande-t-il une certaine "prudence" par rapport à cette problématique, demande de tempérer une certaine hégémonie de leurs systèmes de savoirs occidentaux. Car au Sénégal par exemple, le phénomène "Goordjiguene" n’est pas que "toléré", c’est une matérialité que les communautés historiques sénégalaises "gèrent et continuent de gérer à leur façon et selon leurs réalités socioculturelles".
En Afrique, le respect de la vie privée est une question très hautement morale et non légale. Ainsi dans l’Etat-nation où la présence d’Etat n’est pas encore totalement effective en termes de lois qui reconnaissent les droits et devoirs de chaque individu ; on n’en est pas encore arrivé à ce stade où le "borom niari tour" doit revendiquer un statut d’individu titulaire de droits et libertés du seul fait de son orientation sexuelle. Après tout, c’est l’Etat-nation d’héritage qui a appris les Africains à criminaliser l’homosexualité. Tous les journalistes et polémistes pro-loi sur l’homosexualité ne font en réalité que perpétuer honteusement un vieil héritage de l’Etat colonial. Alors même que le "Goordjiguène" existait comme individu dans nos communautés et conformément aux cadres de régulations sociales africaines qui doivent désormais rester comme la référence pour les Africains.
D’ailleurs, c’est comme en Europe où un "borom niari diabar", aurait des problèmes par ce qu’il "s’attaquerait au mode de vie" des Français s’il voulait faire reconnaître ses deux femmes comme individus avec des droits et des devoirs dans la loi française...Et pourtant au Sénégal, le code civil reconnait les coépouses comme personnalités juridiques !
Le monde est mutant et sera métissé ; ce n’est pas aux enfants du président Léopold Sédar Senghor qu’on va apprendre cela ; un jour viendra peut-être quand les Français reconnaitront la polygamie.
Le débat est complexe certes, mais pour autant, les Africains sont en mesure de le régler. Elle nécessite une certaine pédagogie politique, et à charge pour l’université sénégalaise de produire les connaissances qui vont avec cette pédagogie. D’ailleurs, parce que ce débat s’est posé à l’Université Cheikh Anta Diop, toutes les universités du monde ont le regard tourné vers l’université sénégalaise. Car c’est un défi qui est lancé au monde entier, une mission que le Pmos donne aux intellectuels sénégalais en qui il fait plus confiance pour produire les connaissances sur le sujet.
Gageons que les programmes de recherches tendant à promouvoir une perspective africaine des questions de démocratie et des droits de l’homme feront légion bientôt à l’Ucad et ne ferons que redorer l’image de l’université sénégalaise.
Pape Chérif Bertrand Bassène est maître de Conférences, Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Par Elng
SONKORISATION, N’EST PAS SANKARISATION
Aucune similitude entre les deux personnages, car différents à tous points de vue, si ce n’est, une vaine tentative d’imitation du Burkinabé. Et sur ce point, une copie, ne vaut jamais l’original.
Aucune similitude entre les deux personnages, car différents à tous points de vue, si ce n’est, une vaine tentative d’imitation du Burkinabé. Et sur ce point, une copie, ne vaut jamais l’original.
Leur pedigree est différent, autant leur tempérament. L’un original, sincère, sorti des sentiers battus, qui se retrouvait bien avant son auteur, dans l’esprit, dans ce slogan magique, optimiste à l’extrême, ce fameux » Yes we can » de Barack Obama. Sankara a su renverser la table avec une inspiration du modèle chinois, reposant sur l’idéologie de manger à sa faim, par soi et pour soi-même. Il a réussi cette prouesse de réaliser, cette rupture iconoclaste de changement des mentalités et surtout, de l’identité nationale d’abord, puis panafricaine, ensuite. La nouvelle appellation du pays, Burkina Faso, chasse la Haute Volta, mais garde le Cfa par intelligence et réalisme.
Toujours, dans les changements de paradigmes, le consommer local, la souveraineté alimentaire, devenue une réalité, le port vestimentaire, portent le cachet du jeune révolutionnaire, brillant, mais seul dans son îlot révolutionnaire.
Mais, ce qui l’a aidé, est sans doute, sa sincérité, l’exemple, qu’il a incarné, en soignant d’abord son éthique, étant le modèle offert à l’imitation, mais encore, ses propos, sorte de bréviaire, qui ont fédéré la jeunesse autour de sa personne : « L’éducation ne consiste pas à gaver, mais à donner faim.” “Les racines de l’éducation sont amères, mais ses fruits sont doux.” “Elever un enfant, c’est lui apprendre à se passer de nous.” “N’oublions pas que les enfants suivent les exemples mieux qu’ils n’écoutent les conseils.” dixit.
Sonko, quant à lui, est d’abord un homme pressé, imbibé du « système, » qu’il veut nier, si l’on sait de manière avérée, qu’il en est, un pur produit, de surcroît, apparatchik. Il est né, a grandi, a étudié, a servi dans un pays à la douce culture, matinée d’une religiosité très marquante dans les différentes religions du pays. Difficile de redresser un bossu, si ce n’est dans le cercueil. Son opposition face à l’ancien régime, est un phénomène nouveau et jusqu’ici difficilement digeste. Sa quête pour le pouvoir, fut radicale, dure, ponctuée de propos violents, que l’opinion, n’est pas prête d’oublier. Quid d’une jeunesse trempée dans le discours souverainiste, casseure, encouragée à la destruction de biens privés comme publics ? Ces potentiels héritiers, la relève du pays, qui n’a pas été sensibilisée sur demain, les enjeux du développement durable, mais plutôt éduquée à la » résistance « . Hélas, c’est ce même discours d’opposant, toujours d’actualité, qui risque de se prolonger, nonobstant les urgences. Nous pouvons accompagner la Sonkorisation, jusqu’à l’extrême limite de nos forces, cela va de soi, en tant que citoyens, patriotes dans l’autosuffisance alimentaire, dans l’industrialisation, dans la révision d’accords, etc., mais de manière sincère, paisible, réfléchie, organisée, pondérée.
Mais surtout, il est important, de souligner, pour la bonne marche du pays, l’impérieuse nécessité, par le Premier ministre, tout puissant qu’il est, de libérer de l’espace pour éviter tous les désagréments d’une saturation, surtout médiatique. Qu’il n’oublie pas dans sa frénésie « révolutionnaire souverainiste », qu’il a un chef, le président de République, en l’occurrence, cela pour éviter à l’horizon, un embrouillamini fatal. Le Sénégal, est toujours, un État organisé, qui ne connaît pas pour l’instant le bicéphalisme et dont les institutions, fonctionnent normalement.
Sankara était issu d’un monde sans construction, sans ombre et où la lutte, s’imposait d’elle-même. Sonko plus jeune, est né dans un monde, où tout semble rangé, sauf pour les pauvres, autre différence entre les deux.
Sankara luttait pour un peuple, Sonko pour une population. Des deux postures, il y a des nuances.
par Patrick Chamoiseau
BIENFAISANTE SÉCHERESSE
EXCLUSIF SENEPLUS - Elle nous enseigne à penser l'eau, à chaque seconde, chaque jour durant, à mieux réaliser nos dilapidations ordinaires, et à la mignonner goutte à goutte comme nous devrions le faire toulitan, en ressource précieuse, fragile
Bienfaisante sécheresse, qui nous amène à désirer la pluie, au point qu'une journée pluvieuse, n'en déplaise à l'imagerie occidentale, serait, enfin, à ce niveau de conscience, une bien jolie et belle journée.
Bienfaisante sécheresse. Elle nous révèle notre esprit épicier, rapia du nord rapia du sud rapia du centre, loin de toute vision d'ensemble, qui nous prive ( dans notre micro-espace ) d'une intelligence de l'en-commun du manque ; et nous illustre notre perte de la-main-solidaire des traditions du Lasotè ou des philosophies conviviales du Bèlè.
Bienfaisante sécheresse. Elle nous enseigne à penser l'eau, à chaque seconde, à chaque instant, chaque jour durant, à mieux réaliser nos dilapidations ordinaires, et à la mignonner goutte à goutte comme nous devrions le faire toulitan, en ressource précieuse, fragile, à respecter, à préserver, à conserver, à recycler, car elle nous sera très certainement enlevée dans les aridités prochaines du changement climatique.
Bienfaisante sécheresse. Elle nous montre comment nous vivons en mode déterritorialisé, hors sol, ignorants du contexte Caraïbe, au point que nos collectivités, nos mairies, nos écoles, nos hôpitaux, nos cabinets médicaux, nos Ehpad, nos maisons, nos refuges éventuels ... ne disposent même pas d'une citerne stratégique capable de faire face à ce petit-mille-fois-moins-pire-que-ce-qui-nous attend-dans-les-vingt-ans-qui-viennent.
Bienfaisante sécheresse. Elle nous rappelle à quel point nos équipements de captage, de traitement, de canalisation, de distribution, de mutualisation et de maintenances sont obsolètes, et combien nos capacités de renouvellement et d'anticipation sont indigents, ce qui devrait nous donner l'envie d'y porter la manœuvre car plus tard est assuré plus triste.
Bienfaisante sècheresse qui nous intime, à l'horizon du voumvak climatique, de quitter cette déresponsabilisation diffuse, ce renoncement à soi que l'on crie Outre-mer, pour retrouver une pensée politique, une rigueur de l'agir, et pour ainsi œuvrer, en dignité et responsabilité, à «Faire-pays. »
Bienfaisante et innocente sécheresse qui nous baille la leçon. Je n'en suis que témoin.
Par Oumar Absatou NIASSE
APPEL AU RESPECT DE NOS INSTITUTIONS
Face à des appels contraires aux textes visant à démettre le recteur de l'Ucad, réaffirmons les mécanismes légaux de désignation des autorités universitaires. La démarche vise à ancrer le débat dans les principes du système d'enseignement supérieur
Je voudrais préciser dans ce texte que je soumets à l’opinion publique, les principes de fonctionnement des universités du Sénégal en se fondant sur les textes qui régissent leur fonctionnement actuel. Il nous semble important de faire ce rappel après certaines sorties médiatiques de personnes qui appellent, franchement ou mezza voce, au remplacement immédiat du Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Loin de verser dans une polémique stérile, il est loisible à tout un chacun de lire avec nous le texte de la loi n° 2015-26 du 28 décembre 2015 relative aux universités publiques et de comprendre que ladite loi a permis de mettre en place de nouveaux organes de gouvernance des universités avec un Conseil d’administration ouvert au monde socioéconomique, un Conseil académique chargé de toutes les questions pédagogiques et un Recteur nommé à la suite d’un appel à candidatures et qui assure la direction de l’université.
L’université Cheikh Anta Diop de Dakar s’est ainsi dotée, à l’instar de toutes les autres universités, d’organes chargés de son fonctionnement. Il est bon de savoir que le décret 2021-1500 du 16 novembre 2021 fixe les règles d’organisation et de fonctionnement de l’université. A son article 25, il est mentionné que l’université Cheikh Anta Diop de Dakar est dirigée par un recteur. Son mode de désignation et quelques-unes de ses attributions y sont précisés. Il faut les lire et fonder toute appréciation sur l’université sur ces textes. Cela pour permettre à l’opinion de comprendre qu’il est dangereux de laisser prospérer des déclarations d’individus dont certains sont membres des personnels universitaires et foncièrement de mauvaise foi, qui appellent à démettre immédiatement un recteur. Nous ne pouvons pas à cet égard, à titre personnel, rester silencieux face à cette demande contraire aux textes réglementaires de notre institution dont nous avons participé au combat pour leur adoption.
Nous avons donc réitéré pour que nul n’en ignore, de dire haut et fort, et l’écrire, que le mode de désignation du recteur dans les universités sénégalaises depuis l’adoption du décret N° 2021-846 relatif aux modalités de nomination du Recteur dans les universités publiques, stipule dans son article 1er que lorsque le mandat du Recteur arrive à son terme ou lorsqu’une vacance est constatée, un comité de validation et de sélection est mis en place à la suite d’un appel à candidatures ouvert aux professeurs titulaires de nationalité sénégalaise des établissements d’enseignement supérieur. Il arrête la liste des candidats établie par ordre alphabétique en plus d’un rapport circonstancié sur chaque candidature proposée. Sur cette base, le président de la République procède par décret à la nomination du Recteur parmi les candidats composant la liste transmise au Mesri par le comité. Le processus est en cours à l’université Assane Seck de Ziguinchor suite à l’appel à candidatures, lancé par le Conseil d’administration le 30 avril 2024, avec une date-limite des dépôts des dossiers fixée le 30 mai à 17h. C’est le même processus qui a abouti en décembre 2023 à la nomination du Recteur de l’université Alioune Diop de Bambey, installé le mercredi 13 décembre 2023.
De grâce, que ceux qui s’agitent et qui veulent que le vent de changement qui souffle dans les directions nationales prenne la direction de l’Université Cheikh Anta Diop pour remplacer l’actuel recteur, cessent de rêver. Les syndicats se sont battus pour obtenir de l’autorité d’alors l’adoption des nouveaux textes afin de donner aux pairs la prérogative d’élire les autorités au niveau des établissements universitaires. C’est un acquis syndical de haute portée, qui confère aux universitaires une réelle implication dans la gouvernance des établissements universitaires. Chers concitoyens, chacun est libre de s’engager et de défendre une position politique, mais de grâce ne faisons pas de l’amalgame. Nos amphithéâtres ne doivent pas servir de tribune à aucun parti politique pour dérouler ses activités. Il s’agit d’un précédent dangereux pour notre pays. Pas mal d’édifices dans ce pays, mieux placés que l’Ucad, pourraient accueillir un meeting politique.
Nous lançons un appel à toutes les organisations de la communauté universitaire (Syndicats des Pats, Syndicats des Pers, Amicales des étudiants, Associations des enseignants à la retraite et Associations de parents d’élèves et d’étudiants) de faire bloc pour sauvegarder les principes fondamentaux de notre université. Nous ne devons pas abdiquer, à moins de nous infléchir face à nos responsabilités pour la préservation de ce temple du savoir. Nous invitons les nouvelles autorités étatiques, garantes de la stabilité du pays, jouissant d’une réelle légitimité que le vote des citoyens leur a conférée de mettre les intérêts des Sénégalais au-dessus de toute position partisane. Nous dénonçons publiquement et appelons ouvertement à la condamnation par les toutes les franges des organisations de la communauté universitaire, l’organisation et la tenue d’un meeting politique dans le campus pédagogique de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Par Madiambal DIAGNE
LE DÉSASTRE MÉLENCHON
Quelle bienveillance le Sénégal pourrait-il espérer de la France que son Premier ministre pourfend publiquement et offre une tribune officielle à un opposant que Macron ne voudrait pas voir même en peinture ?
L’invitation de l’homme politique français Jean-Luc Mélenchon au Sénégal par le Premier ministre Ousmane Sonko est, on ne peut plus, inopportune. Ousmane Sonko a certes tenu à faire savoir que l’invitation a été servie à un allié politique, peut-être un «camarade», au titre des relations internationales de son parti politique Pastef. On aurait pu accepter cette façon de présenter les choses, si tant est qu’avant le jour de la visite, Pastef et les «Insoumis» aient entretenu des relations suivies ou de compagnonnage sur la scène internationale, ou que Ousmane Sonko eût rencontré Jean-Luc Mélenchon ou au moins aurait eu à lui adresser une invitation ou une quelconque missive. Il n’y a rien de tout cela. Cette invitation était tombée comme une surprise qui s’est révélée finalement être une bien mauvaise initiative pour le Premier ministre du Sénégal et son camp politique. Il faut dire que c’est de tout bénéfice pour Mélenchon qui ne détient même plus de mandat électif, mais c’est à l’opposé une grosse bourde pour son hôte.
Après quelques dictatures finissantes d’Amérique du Sud, d’autres autorités officielles d’un pays trouvent Mélenchon fréquentable pour l’inviter et lui dérouler le tapis rouge. Que le Sénégal se mette sur la même ligne politique et diplomatique, montre l’étroitesse d’ambition de nos dirigeants ! Cette invitation a pu donner à Jean-Luc Mélenchon dont la cote de popularité s’est dégradée dans son propre parti «La France Insoumise» et encore plus dans l’establishment politique de son pays, une tribune dans une prestigieuse université pour faire son show. Il a pu chercher à séduire un électorat d’origine africaine vivant en France. On relèvera néanmoins qu’il s’est gardé fort sagement de lancer des diatribes ou des piques à Emmanuel Macron. En effet, une tradition bien ancrée dans l’esprit des hommes politiques français est de ne point s’en prendre aux dirigeants de leur pays à partir de l’étranger. Sans doute, les nouvelles autorités sénégalaises en apprendront une leçon. Par contre, Ousmane Sonko n’a pas eu la même retenue, le tact ou la convenance. Dans un élan de provocation, il s’est permis de pourfendre la politique de Emmanuel Macron, sous les applaudissements de ses partisans. La France appréciera. Serait-il nécessaire de lui rappeler que le chef de l’Etat français ne saurait être son alter ego ou son interlocuteur ? Résultat des courses ?
Le Sénégal a tout à perdre dans cette opération
Ousmane Sonko a, de tout temps, pourfendu les relations de proximité de nos dirigeants avec leurs homologues francais. Il a considéré cela comme une certaine inféodation. Un tel discours d’opposant n’est pas nouveau en Afrique, où la «Françafrique» a été dénoncée avec beaucoup de commodité, par tout opposant qui se voudrait tant soit peu «panafricaniste» ou soucieux des intérêts des peuples africains. Une fois arrivés au pouvoir, les dirigeants de Pastef s’empressent d’afficher leur proximité avec d’autres milieux politiques français. Cela donne raison à Léopold Sédar Senghor qui rétorquait malicieusement à son opposant Cheikh Anta Diop que «chacun a son Français et, à l’occasion, sa Française». Toute une histoire !
Dans le cas d’espèce, on devra noter que le Sénégal ne saurait, dans l’immédiat, tirer un trait de plume sur ses relations avec son premier partenaire économique, la France. Quelle sera alors la posture du gouvernement de Ousmane Sonko devant les autorités officielles françaises pour discuter de partenariat, encore que, c’est assurément le Sénégal qui se trouve dans une posture d’avoir besoin, de manière urgente, de la France, et non le contraire.
Quelle bienveillance le Sénégal pourrait-il espérer de la France que le Premier ministre pourfend publiquement et en offrant une tribune «officielle» à un opposant que le président Macron ne voudrait pas voir même en peinture ? On sait les mesures de représailles que le gouvernement français avait appliquées contre le Sénégal, après l’audience que le président Macky Sall avait accordée à Marine Le Pen, leader du Rassemblement national, en janvier 2023. Pourtant, le régime de Macky Sall était réputé avoir de meilleures relations avec les «macronistes» que l’actuel tandem Diomaye-Sonko. Macky Sall avait été brièvement visité par un esprit de souverainisme ! La France de Macron qui avait retenu après cet épisode, une partie de l’aide budgétaire accordée au Sénégal, se ferait-elle violence ou ferait-elle preuve de transcendance jusqu’à faire, pour le nouveau gouvernement, notamment sur le traitement des questions comme le service de la dette ou de nouveaux financements ou encore un portage des préoccupations du Sénégal devant les institutions de Bretton-Woods, plus qu’elle n’avait fait pour Macky Sall ? Plus que jamais, le Sénégal aura besoin, dans les semaines à venir, du soutien des administrateurs français au Conseil d’administration du Fonds monétaire international. Il n’est pas sûr qu’ils prendront leurs instructions de JeanLuc Mélenchon ! Si Ousmane Sonko voulait faire de la provocation ou un pied de nez à Emmanuel Macron, il risque de l’apprendre à ses dépens.
Le président de la République, quant à lui, semble rester dans une certaine «normalité» et continue de dire à qui veut l’entendre qu’il souhaite avoir des relations normales avec la France.
Bassirou Diomaye Faye n’a pas reçu Mélenchon
Les péripéties de la visite de Jean-Luc Mélenchon à Dakar révèlent-elle une certaine cacophonie ou une dualité au sommet de l’Etat entre le Premier ministre Ousmane Sonko et le président de la République Bassirou Diomaye Faye ? Le chef de l’Etat n’a pas rencontré le «grand invité», qui a passé quatre jours au Sénégal, du 14 au 18 mai 2024. En tout cas, personne n’est au courant d’une telle audience. Cela apparaît comme une incongruité aux yeux de nombreux observateurs. Est-ce un partage des rôles entre le Président et son Premier ministre, lequel resterait sur le terrain du populisme tandis que le chef de l’Etat garderait les bonnes convenances diplomatiques ? Jusqu’où grand monde s’y tromperait longtemps ? De toute façon, la visite de Jean-Luc Mélenchon a suscité une polémique fort préjudicielle pour l’image du Premier ministre Sonko. Sa «tolérance» affichée pour la cause Lgbt jure d’avec ses déclarations antérieures. Il a toujours bâti sa propagande politique en promettant de lutter farouchement contre la franc-maçonnerie et l’homosexualité. Ousmane Sonko et ses partisans accusaient le régime du Président Macky Sall de faire la promotion de telles contre-valeurs sociétales au Sénégal. D’ailleurs, avaient-ils embarqué dans cet élan bien des milieux religieux. L’invitation à Jean-Luc Mélenchon et surtout son discours plaidant la cause Lgbt, a sonné comme un reniement de leurs professions de foi.
Devant le président américain Barack Obama, Macky Sall avait été sans ambiguïté pour le refuser. L’autre point négatif de l’initiative de Ousmane Sonko aura été qu’un Premier ministre qui se trouve dans une situation de faire face aux plus grandes urgences de sa déclaration de politique générale ou de tenir ses promesses de réduction du coût de la vie ou même d’organiser les services de l’Etat, préfère trouver du temps pour recevoir un invité qui ne représente pas un gouvernement et deviser sur des questions idéologiques. En effet, les priorités devraient être à autre chose, comme finaliser le fameux Projet, vendu en rêve aux Sénégalais et au moins de finir de s’installer et de prendre en main les affaires de l’Etat, avant de s’occuper à animer des conférences publiques.
Ousmane Sonko souffrirait-il tant que Bassirou Diomaye Faye soit actif sur la scène internationale alors que lui-même n’y soit pas encore visible ? Est-ce la raison pour laquelle le Premier ministre qui n’a pas encore daigné visiter l’intérieur de son propre pays, voudrait faire de la «diplomatie», au titre de son parti politique et ainsi a-t-il encore annoncé un déplacement à l’étranger pour visiter des régimes putschistes au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Niger ? Ironie de l’histoire, il n’aura pas le prétexte de prétendues relations entre partis politiques à entretenir dans ces pays. A ce que l’on sache, ces régimes ne s’appuient guère sur des formations politiques mais sur la puissance de feu de leur artillerie contre leurs populations ! Au demeurant, devrait-on lui enseigner que la diplomatie reste l’un des domaines les plus réservés du président de la République ? A ce rythme, il sera difficile de ne pas croire à une ambiance de rivalité ou de compétition entre le Premier ministre et le président de la République… Ce serait bien très prématuré, il faut le dire !
Par Hamidou ANNE
JE N’AI JAMAIS LU PAUL AUSTER
L’écrivain américain Paul Auster est mort. Je connais très peu son travail, n’ayant jamais lu ses romans. En revanche, l’auteur provoque chez moi une mélancolie bouleversante. Il me fait penser à la course tragique du temps que rien ni personne n’arrête.
L’écrivain américain Paul Auster est mort. Je connais très peu son travail, n’ayant jamais lu ses romans. En revanche, l’auteur provoque chez moi une mélancolie bouleversante. Il me fait penser à la course tragique du temps que rien ni personne n’arrête. J’ai un étrange attachement à Paul Auster sans jamais avoir réussi à lire quelque chose de lui. Cette situation vient d’une anecdote que je vais relater dans les lignes suivantes. Que le lecteur sache ici pardonner ce récit quelque peu impudique mais que les circonstances me poussent à raconter. Nous avions entre 15 et 16 ans, à Pikine, dans la fin tumultueuse des années Abdou Diouf. Le pays était vieillot, lassé des près de quarante années du socialisme. Dans les quartiers populaires, nous étions des adolescents difficiles, agités, entre l’école, le foot et la bagarre.
Nous allions à nos premières soirées au Bideew Bi night-club. C’était l’époque des premières amourettes, des navétanes et du rap soul, bientôt supplanté par le hardcore imposé par le mythique groupe Rap’Adio. Je passais des semaines chez les Laobés où habitait mon ami Ilimane. On dormait sur le même lit, alternativement chez lui ou chez moi, quand il venait loger à la maison.
Il était meilleur que nous tous au foot, c’était le numéro 10 de l’équipe, buteur agile, très talentueux. Il savait faire rire, avait une joie de vivre et une intelligence sensible aux mots. Il savait faire attention aux gens. Nous étions des gamins pauvres et fragiles mais joyeux et inconscients de notre sort, à vrai dire.
Un jour IIimane a laissé chez moi un livre de Paul Auster qu’une amie française de son père, guide touristique à Saly, lui avait offert. C’était un recueil de deux scénarios de l’auteur : Smoke et Brooklyn Boogie. Ils ont été adaptés au cinéma par Wayne Wang en 1995.
J’ai commencé le livre, c’était une période où je lisais tout ce qui me tombait sous la main, des magazines comme Onze, Femme Actuelle, OK Podium, France Football, aux ouvrages communistes comme les affreuses productions de Kim Il Sung ou les gentillets romans de Boubou Hama. Sur ce livre de Auster, j’étais quelque peu intrigué par ce type d’écriture où on ne racontait pas des histoires mais on disait l’heure, la météo, les allées et venues de personnages dans une extrême froideur. Mais j’ai très vite arrêté ma lecture car ce texte était très ennuyeux. Je découvrais sans le savoir l’écriture du scénario.
Des années plus tard, nous avons déménagé. La famille de Ilimane aussi, car les eaux des fortes inondations des années 2004/2005 ont arraché nos maisons. Le Président Wade avait eu l’idée du bassin de rétention qui eut raison de notre terrain de football.
J’ai pris le chemin des études et du service de l’Etat. Ilimane, qui avait arrêté l’école au collège, a changé de vie. Il a fait allégeance à un chef religieux, a décidé de suivre la voie Baay Fall. Le garçon taciturne est devenu blagueur même gouailleur. Le jean et le t-shirt ont cédé au njaxass et sa tête était désormais ornée de longues dreadlocks.
Il est devenu quelqu’un d’autre, nous nous voyons moins qu’avant, car il passait beaucoup de temps dans les champs de son guide spirituel, mais nous restions frères presque de sang.
Dix ans plus tard, nous étions devenus des adultes. Par le plus grand des hasards, il est venu un jour à la maison. Nous avons papoté comme souvent, refait le monde et raconté nos folies de jeunesse. Mes parents l’adoraient comme les siens ont toujours fait preuve pour moi d’une infinie tendresse. En partant, il a vu le livre de Paul Auster et a demandé à le reprendre. Mes tentatives de l’en dissuader ont été vaines. Je ne comprenais pas pourquoi lui qui avait arrêté tôt l’école, qui ne lisait jamais, avait subitement besoin de reprendre son livre. Tant pis, j’avais cédé.
Je l’ai raccompagné ensuite. Nous avons marché longtemps et, en nous séparant, avant de lui remettre le livre, j’eus l’idée saugrenue d’écrire sur la première page «A jamais»
Quelques semaines plus tard, on m’annonça brutalement la mort de Ilimane. D’une tuberculose paraît-il… En vrai, je ne sais toujours pas. On ne dit jamais de quoi sont morts les gens ici. On ensevelit leurs corps, outre de sable, d’un voile de pudeur et de foi. Allah avait donné. Il a repris. A Lui nous appartenons, à Lui nous retournons. On fait difficilement le deuil de nos morts. Je ne sais toujours pas de quoi sont morts les miens mais je sais que je ne guérirai jamais de la disparition de Ilimane Sow. Je le revois encore partir avec son caaya (pantalon bouffant) et son anango (boubou) en njaxas, les locks opprimées sous un gros bonnet. Livre de Paul Auster en main.
Paul Auster a accompagné mon adolescence. Son souvenir a cohabité avec mes pensées tristes sur l’injustice de la mort. Je n’ai jamais vu les films Smoke et Brooklyn Boogie. Je n’ai jamais lu Paul Auster. A son évocation, j’ai toujours gardé deux mots : à jamais.
Par Xaadim NJAAY
MALENTENDU CULTUREL
Que les politiciens français de gauche et les politiciens africains célèbrent leurs convergences de vues sur certains points. La culture les divisera toujours cependant sur d’autres points.
J’ai écouté Mélenchon et Sonko à l’UCAD et j’ai aimé les piques contre Macron. Le président français, théoricien opportuniste de «l’amour entre la France et l’Afrique», en a pris pour son grade pour son silence complice et sa collusion avec un président qui s’est procuré frauduleusement des armes qu’il a dirigées contre sa population. Sonko devait également, à mon avis, tancer vertement l’ambassadeur de France au Sénégal, très aphone lors des événements sanglants à Dakar et dans les autres villes du pays.
En général, un ambassadeur de France dans un pays francophone d’Afrique, ça parle fort ! Se croyant en terrain conquis, il est d’habitude très volubile sur les événements locaux. Je me suis un peu marré toutefois, je l’avoue, quand le désaccord s’est fait sentir sur la question des LGBT. Il y a eu là, me suis-je dit, un véritable malentendu culturel. Mélenchon, héritier de la Révolution française, d’où sont issues les valeurs de gauche et de droite, était conséquent avec lui-même en tant qu’homme dit de gauche. Il perpétuait l’héritage d’une des grandes idéologies politiques de la France.
Quand on est un homme de gauche en France, on défend un certain nombre de valeurs (justice sociale, solidarité sociale, progrès social, etc.) Un homme de gauche, un vrai, va même jusqu’à défendre le libéralisme sexuel. Dans les années 1970, des intellectuels de gauche parmi les plus réputés (Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Louis Aragon, Jack Lang, etc.) avaient signé un texte pour exiger la relaxe pure et simple de trois pédophiles poursuivis pour des rapports sexuels avec des filles et garçons mineurs. Derrière leur soutien, il y avait l’idée de libérer l’enfant du carcan familial. Voilà des personnes qui vont jusqu’au bout de leur logique!
La liberté sacrée de l’homme exige, selon ces hommes de gauche, que les humains se libèrent de tous les «assujettissements» : Dieu, la société, la famille, le mariage et même le corps ! Eh oui, il faut une libération des corps selon eux. Qui nous dit que ce que l’on voit dans un corps d’homme est un homme? Que ce que l’on voit dans un corps de femme est une femme ? L’être humain voudrait peut-être se considérer comme «non-binaire». C’est le terme consacré. Son «apparence de genre» doit être distinguée de son «identité de genre», nous dit-on aujourd’hui en Occident.
Un homme de droite défendrait de son côté les traditions (ceci va jusqu’à la défense d’une «identité nationale»), l’ordre, la limitation du rôle de l’État, les libertés individuelles, etc. Un politicien africain, élevé et grandi dans un contexte africain, se perd dans cette classification. Il se verrait au centre. Le «centre» est aussi une idéologie politique en Occident. Ousmane Sonko, dans un contexte français, serait plutôt un politicien du centre. Il partage certaines valeurs de la gauche : justice sociale, répartition des riches (li ñépp bokk, ñépp jot ci), besoin de réformes (on initie de grandes réformes en ce moment au Sénégal), solidarité avec les démunis, les parias, etc. Il a aussi des valeurs en commun avec la droite (sauvegarde de certaines traditions, notamment de la différenciation sexuelle).
Au libéralisme des mœurs que brandirait un homme de gauche en France, un politicien sénégalais ou malien opposerait la pudeur et la différenciation sexuelle (un homme est un homme, une femme est une femme : «góor ña ca góor ña, jigéen ña ca jigéen ña»). Si j’étais à l’UCAD ce jour-là, je me ferais médiateur. Après avoir écouté les deux conférenciers, j’aurais fait une synthèse sur les marqueurs culturels et la corporéité dans les deux espaces (France et Sénégal).
Les deux politiciens, Mélenchon et Sonko, qui avaient tous les deux raison du fait de leur histoire singulière, comprendraient beaucoup mieux leurs divergences. Cette rencontre était essentielle pour clarifier un certain nombre de points et saluer le courage d'un homme politique français de gauche. La voix bruyante de Mélenchon, au milieu d’un paysage politique français aphone sur les événements au Sénégal, est à saluer à sa juste mesure. Jërëjëf Melaŋson !
Que les politiciens français de gauche et les politiciens africains célèbrent leurs convergences de vues sur certains points. La culture les divisera toujours cependant sur d’autres points. Cheikh Anta Diop, dérouté par certains politiciens français de gauche, n’avait pas hésité à critiquer leur attitude : «Dès que vous parlez de patrimoine culturel, disait-il, la gauche et la droite occidentale se touchent et souvent la gauche est plus minable que la droite.» Pour finir, les politiciens africains, pour ne pas tomber dans une sorte de névrose, devraient, je le pense, créer des concepts et des idéologies politiques tirées de leur vécu propre. Le combat décolonial est aussi un combat conceptuel.