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27 novembre 2024
Opinions
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
TROIS LEÇONS DE KASPAROV
EXCLUSIF SENEPLUS - Analyser les combinaisons possibles pour atteindre la finale de la CAN, c’est bien. Mais cela ne sert pas à grand-chose si on ne comprend pas qu’il faut remporter le prochain match. En l’occurrence, battre la Gambie lundi
Dans les années 2010, j’étais directeur technique d’IBM en Afrique du Sud. Je dirigeais le AIC (African Innovation Center), laboratoire où s’élaboraient et se testaient les technologies du futur. Nous organisions des Software Days, journées dédiées aux logiciels et ouvertes à nos clients et à tous les passionnés d’innovations technologiques.
En ces occasions, nous invitions de grandes personnalités mondiales à venir « étonner » notre public. Cela me permit de rencontrer de hauts personnages au contact desquels j’ai tiré plusieurs leçons de leadership.
C’est ainsi que j’ai pu rencontrer, entre autres : Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis, à Maropeng, berceau de l’humanité en Afrique du Sud ; Gary Bailey, ancien gardien de but de l’équipe de football de Manchester United à Johannesburg ; David Coulthard, ancien pilote de Formule 1 à Abou Dhabi et Garry Kasparov, ancien champion du monde d’échecs à Johannesburg.
Ces quatre, à titre divers, m’ont marqué de façon singulière. Ils avaient merveilleusement su transposer, les leçons de vie acquises dans leur champ professionnel, dans le contexte de l’innovation, du management et du leadership.
J’ai été particulièrement subjugué par Garry Kasparov, maitre mondial incontesté du jeu d’échecs pendant une quinzaine d’années. Capable de parler de pratiquement n’importe quel sujet avec une pertinence et un brio déconcertants, le personnage est d’une vivacité d’esprit fascinante.
Savoir repérer ses mauvaises prises de décision
Développer une stratégie, analyser les faiblesses de l’adversaire et gérer une crise sont les concepts fondamentaux dans le jeu d’échecs, nous dira-t-il. Si un joueur commet de façon répétée des mouvements de pions peu judicieux, cela relève souvent d’un domaine spécifique de faiblesse dans son système de décision en général. Il est alors courant que cette faiblesse s’observe également dans sa réalité quotidienne, en dehors des champs de jeu d’échecs.
Il nous surprit en nous demandant à quand remontait notre dernière mauvaise prise de décision. Chacun fouillait dans ses souvenirs pour remonter à des années en arrière. Erreur ! En réalité, cette action nous semblait lointaine, parce qu’une fois prises, nous jetions nos décisions au rebus et nous passions d’emblée à autre chose, répétant ainsi le même processus défectueux ayant conduit aux mêmes résultats désastreux. Ce fut la première leçon apprise de Kasparov.
C’est ainsi, qu’à mes clients en coaching joueurs d’échecs, je propose des parties, pour pouvoir ensuite analyser avec eux les séquences déployées. Cela nous permet, bien vite, de discerner leur capacité de décision.
Ne pas changer une stratégie qui marche par quelque chose qui convient à l’adversaire
Son jeu interminable qui le consacra champion du monde, lui permit de comprendre son propre jeu. Cette épreuve lui révéla non seulement ses propres faiblesses, mais aussi l’importance de les découvrir. Dans ce tournoi, son adversaire Karpov qui avait pris l‘avantage sur lui en imposant une agressivité typique de son jeu, changea de stratégie en cours de partie pour devenir plus prudent. Cette volte-face le perdit et lui permit, à lui Kasparov, de gagner le titre de champion du monde pour la première fois.
« Leçon : Quand on a établi une stratégie et qu’elle fonctionne, il ne faut pas la changer pour quelque chose qui convient à l’adversaire
Ce fut la deuxième leçon apprise de Kasparov.
En Juin 2021, le Pastef mit le pouvoir à genoux en occupant la rue. Au lieu de consolider son avantage, et maintenir cette attitude de victoire à tout prix qu’il avait toujours montrée, il changea de stratégie. Il écouta les chefs religieux et permit au pouvoir de revenir dans la partie. Macky fera un discours de circonstance, affirmera avoir compris la jeunesse et ... achètera des chars équipés de drones distributeurs de gaz lacrymogènes.
Tel Karpov, le Pastef devra apprendre de ses erreurs.
Je vois seulement le coup d’après, mais c’est toujours le bon coup
La troisième leçon relève d’une interrogation très actuelle à l’heure de l’intelligence artificielle.
Comparer « l’intelligence » de la machine qui réside en grande partie dans le calcul et celle de l’homme qui provient du sens.
Kasparov livra deux matchs [1] contre Deep Blue [2], une machine fabriquée par IBM. Kasparov remporta la première manche en 1996 [3].
Et en 1997, lors de l’édition revanche, la machine Deeper Blue remporta la victoire sur Kasparov [4].
Nous étions tous curieux de savoir les raisons de la défaite de Kasparov. Était-ce la puissance de calcul de la machine ou le « génie » d’une intelligence artificielle embarquée dans Deeper Blue ?
Kasparov était convaincu que certains coups effectués par Deeper Blue étaient l'œuvre d'un grand maitre humain. [5]
La question qu’on lui posa fut de savoir combien de coups d’avance il entrevoyait avant de déplacer un pion. L’arbre de décision augmente de façon géométrique et imaginer cinq coups d’avance équivalait à des millions de positions possibles. Je pensais que c’est dans ce domaine que la machine avait l’avantage sur lui.
Il nous étonna en nous expliquant que la puissance de calcul, la projection des coups à l’avance n’était pas ce qui créait un champion de jeu d’échecs. Selon lui, un ordinateur peut prendre en compte des milliers de coups à la seconde, mais ne saurait pas distinguer pourquoi un coup serait meilleur qu’un autre. Cette capacité d’évaluation échoit beaucoup plus à l’homme qu’à l’ordinateur.
Voir loin ne sert pas si vous ne comprenez pas ce que vous regardez.
Comme dirait J. R. Capablanca [6] : « Je vois seulement le coup d’après, mais c’est toujours le bon coup ». Telle fut la troisième leçon du maitre.
Analyser les combinaisons possibles pour atteindre la finale de la CAN, c’est bien, mais cela ne sert pas à grand-chose si on ne comprend pas qu’il faut remporter le prochain match (le coup d’après). En l’occurrence, battre la Gambie lundi prochain (le bon coup).
Allez les Lions !
Dr Tidiane Sow est coach en communication politique.
[2] IBM est familièrement appelé « Big Blue », le nom du supercalculateur a ensuite évolué en « Deep Blue » (Bleu profond) et « Deeper Blue » (Bleu plus profond) lors du match revanche
[3] Kasparov remporta le match contre Deep Blue par 4 à 2
[4]: Deeper Blue remporta le match contre Kasparov par 3,5 à 2,5
[5] Il s’avéra qu’il n’en fut rien. C’était un bogue dans le supercalculateur d’après les ingénieurs de IBM
[6] Jose Raul Capablanca : cubain, champion du monde d’échecs de 1921 à 1927
G. Kasparov et Dr Tidiane Sow, IBM software day, Johannesburg, May 2011
Par DIAGNE Fodé Roland
A PROPOS DES INITIATIVES MEMORIELLES DES MOUVANCES HISTORIQUES DES GAUCHES COMMUNISTES
Des anciens marxistes-léninistes de l’ex-gauche communiste du PAI, PIT, LD, AJ expriment de plus en plus le besoin d’une transmission mémorielle de leurs expériences malgré et au-delà de la faillite totale dans laquelle sont plongées ces organisations....
Bés Bi le Jour |
DIAGNE Fodé Roland |
Publication 13/01/2024
Des anciens marxistes-léninistes de l’ex-gauche communiste du PAI, PIT, LD, AJ expriment de plus en plus le besoin d’une transmission mémorielle de leurs expériences malgré et au-delà de la faillite totale dans laquelle sont plongées ces organisations suite à leur intégration capitulation dans les gouvernements libéraux de la première et de la seconde alternance néocoloniale. Objectivement ce besoin de transmission mémorielle résulte à la fois des âges avancés mais aussi de l’émergence parallèle de nouveaux bataillons d’une jeunesse militante patriotique et panafricaine qui rejette en bloc, fort justement, les leaders connus renégats qui ont troqué leur engagement révolutionnaire d’antan contre des places ministérielles et autres postes de sinécures au sein des bourgeoisies bureaucratiques d’État néocoloniales.
Des militants de Ferñent ont participé à l’expérience du Comité National de célébration du Manifeste du PAI sous l’égide des Doyens du PAI, feu Moctar Fofana Niang, feu Sadio Camara, feu Gormack Thiam, Alla Kane, Babacar Sokhna, François Lô, Abdou Kane, Abdou Nancy, etc. Expérience qui a produit des livres personnels ou collectifs, des conférences et colloques et un film mis à la disposition de la nouvelle génération. Ferñent considère que ce besoin de transmission de la part des résistants de l’ex gauche, qui ont rejeté les reniements, est légitime, mais note aussi le manque de clarté parfois parce que faisant se côtoyer des exacteurs de la gauche qui sont situés des côtés opposés de la barricade de la lutte de libération et de la lutte des classes, ce qui jette une suspicion voire un discrédit sur la bonne foi des bien intentionnés.
Franchement, les traîtres n’ont rien à y faire. La tragédie du «cancer de la trahison», dont parlait Amilcar Cabral sur la dépouille mortelle de Nkwame Nkrumah, qui s’est abattue sur la gauche sénégalaise avait fait l’objet d’un avertissement clairvoyant d’Engels dès1894 : «Après la victoire commune, on pourrait nous offrir quelques sièges au nouveau gouvernement - mais toujours en minorité. Cela est le plus grand danger. Après février 1848, les démocrates socialistes français (...) ont commis la faute d’accepter des sièges pareils. Minorité au gouvernement des républicains purs, ils ont partagé volontairement la responsabilité de toutes les infamies votées et commises par la majorité, de toutes les trahisons de la classe ouvrière à l’intérieur. Et pendant que tout cela se passait, la classe ouvrière était paralysée par la présence au gouvernement de ces messieurs, qui prétendaient l’y représenter» (La révolution italienne à venir et le Parti Socialiste - P.486).
Ce mélange des «torchons et des serviettes», des «bukkis et des volailles» est un résidu de la rupture non totalement assumée qui prête à confusion et discrédite aux yeux des jeunes militants rebelles ces «parts de vérités» de ceux et celles restés fidèles aux valeurs et idéaux du don de soi antiimpérialiste dont ont fait montre des centaines de révolutionnaires du PAI, PIT, LD, AJ, RTAS, RND. Ce fut le cas par exemple de l’échec prévisible du MAG (Assises de la gauche) qui mêlaient collabos et résistants au début de la première alternance libérale néocoloniale. Malgré cette réserve, il est clair que la rencontre entre les résistants de l’ex-gauche communiste et la rébellion patriotique et panafricaine de la jeunesse en quête d’une vie meilleure au pays ne peut qu’être salutaire en ce sens qu’elle met cette dernière à l’école des prouesses héroïques méconnues des anciens pour leur éviter le syndrome de l’éternelle «découverte du feu», pour leur éviter la chimère «qu’avant nous, il n’y avait rien», «l’histoire commence avec moi, ma génération». Une telle rencontre bénéfique à la lutte d’aujourd’hui met aussi l’ancienne génération à l’école de l’énergie, de l’esprit d’initiative et du savoir-faire technique de la jeunesse militante qui maîtrise les moyens technologiques, notamment de communication.
La mémoire critique du passé révolutionnaire est un des guides de l’action du présent et constitue une des assurances vie de la victoire de la révolution et de sa consolidation dans le futur. Sachant le chemin fait par les anciens, leurs réussites et leurs échecs, l’actuelle génération en lien avec leur mémoire partagée saura prendre en compte et mettre en application l’enseignement d’Amilcar Cabral paraphrasant Lénine : «si la révolution peut éclater sans théorie, on ne connaît aucune révolution victorieuse sans théorie». C’est aussi à cela que peut servir la rencontre entre les mémoires révolutionnaires transmises et l’action révolutionnaire de la jeunesse patriotique et singulièrement communiste révolutionnaire. Une telle rencontre est donc un élément nécessaire pour produire sur la base du REOL (Recherche, Elaboration, Organisation de la Lutte) l’analyse concrète partagée de la réalité concrète pour féconder la libération nationale et l’émancipation sociale.
Toutefois, dans leur anthologie mémorielle de la mouvance Reenu Reew Mi/And-Jef/Xarebi, des militants de la première heure de l’ex-courant «armé de la pensée Mao Tsé Toung» écrivent : «L’OML (Organisation Marxiste-Léniniste) est héritière du MCI (Mouvement Communiste Internationale) et des premiers Sénégalais dont Lamine Senghor, Amadou Gaye, Amadou Dièye membres du Parti Communiste Français (PCF) et de l’Union Inter coloniale. Ils sont redevables au PCF et à l’Internationale Communiste (IC) au plan de la formation théorique, et politique, de la pratique militante et de l’entraînement à la lutte contre la répression et l’infiltration policière mais leur déception fut grande en l’endroit du PCF. Car en 1927, suite à l’échec de «l’Union Inter coloniale», des difficultés surgirent et altèrent leurs rapports en particulier avec le PCF. Le nœud principal des contradictions s’est situé au plan de la conception du PCF en matière coloniale. Lamine Senghor déclara très explicitement «le parti (PCF) voit la révolution par le haut, nous nous la voyons par le bas». Selon le PCF, l’indépendance dans les colonies doit être subordonnée à la tactique dans la métropole. Cette divergence s’inscrit dans un problème plus vaste car l’Internationale Communiste (IC) avait une très mauvaise lecture de la situation des colonies (tant en Asie qu’en Afrique) mais aussi de la question noire. Ces questions, ainsi que l’application du Marxisme-léninisme dans les conditions du Sénégal et le Panafricanisme seront au cœur des préoccupations de l’OML» (p. 16).
Il y a manifestement d’abord de la part des auteurs de ce texte, pour le moins, une «très mauvaise lecture», une erreur sérieuse pour ne pas dire plus dans l’amalgame qui est fait entre PCF et IC concernant la question nationale et coloniale, notamment la question noire. Il y a une ignorance des 21 conditions d’adhésion à l’IC. Il n’existe aucune critique visant l’IC de Lamine Arfan Senghor ou de Tiémokho Garang Kouyaté de la ligne sur la question nationale et coloniale, sur la question noire. Lamine Arfan Senghor (décédé avant sa mise formelle en place) et Tiémokho Garang Kouyaté ont été membres de la Commission Noire de l’IC et y ont participé avec le communiste noir étatsunien James Ford, les communistes sudafricains Alfred Nzula, Laguma, etc. Cette Commission ainsi que dans le cadre du Profintern (Syndicalisme rouge) a élaboré des résolutions sur les questions noires aux USA, en Afrique du Sud et plus généralement à l’échelle internationale. Ensuite, il faut préciser que les déviations de droite de la section française de l’IC, le PCF, ont co-existé à l’époque avec des prouesses historiques qui en ont fait le parti des «fusillés» FTP et FTP/MOI de la résistance et de la victoire contre les collabos de l’occupant nazi de la France, les «porteurs de valises» du réseau Curiel pour les combattants algériens, l’un des partis soutiens à la Conférence internationaliste de Bruxelles en 1927 qui a révélé Lamine Arfan Senghor, les grandes grèves de solidarité avec la lutte insurrectionnelle du RIF Marocain, la mise en place des Groupes d’Eudes Communistes (GEC) en Afrique noire, le soutien à la fondation du RDA, puis plus tard au PAI. Ces déviations sont allées croissantes au point que le PCF a voté les «pleins pouvoir» en 1956 sous la houlette des socialistes français contre le peuple algérien, a été relativement silencieux sur les massacres du peuple insurgés du Cameroun de 1955 à 1971 et finalement s’est englué dans l’Eurocommunisme antisoviétique avant de se socialdémocratiser totalement aujourd’hui.
Nous ne pouvons donc que mettre sur le compte de l’étape «d’enfance de l’OML» cette sorte «d’application du marxisme-léninisme dans les conditions du Sénégal et le Panafricanisme au cœur des préoccupations». Nous avons aussi connu «notre enfance» d’apprentissage du Marxisme-Léninisme que notre étude du 7ème et dernier congrès de l’IC sur la tactique anti-fasciste et avant du 6éme congrès, notamment les thèses sur la révolution dans les colonies et semi colonies ont permis de dépasser pour aller vers ce que nous avons appelé «vers la maturité» que la victoire dans les années 89/91 de la contre-révolution bourgeoise en URSS et dans le camp socialiste d’Europe a fait relativement subir un reflux qui s’est manifesté par l’implosion du RTAS. La réévaluation critique rétrospective de notre propre expérience, celle du MCI et camp socialiste mondial, sur une base d’enquête forcément non exhaustive, nous a conduit à définir la défaite des années 89/91 de partielle en signalant l’existence des rescapés du camp socialiste que sont la Chine, la Corée du Nord, le Vietnam, Cuba. Et, dans deux brochures sur les cent ans du PCC et sur la place de la RPC dans l’histoire, à soutenir leurs expériences en cours de préservation et de développement du «socialisme de marché à la chinoise» comme une NEP initialement expérimentée en URSS sous l’égide de Lénine lui-même. Notre approche fait ici un parallèle entre les deux références de la révolution bourgeoise antiféodale que sont celle d’Angleterre de la monarchie parlementaire au 17éme et début 18éme siècles et celle républicaine bourgeoise de la France fin 18éme et début 19éme siècle et se sont prolongées par des formes nationales propre à chaque capitalisme national.
En ce qui concerne la question noire et l’IC, nous soumettons ci-dessous à la critique scientifique révolutionnaire certains de nos propres textes relatant brièvement le travail fait à l’époque par l’IC qui n’a jamais cessé d’œuvrer à la «Bolchevisation» de ses sections nationales à l’échelle internationale jusqu’à sa dissolution en 1943, c’est-à-dire à faire le travail idéologique et pratique de rupture totale avec les stigmates réformistes de la socialdémocratie qui est devenue depuis belle lurette la «gauche» du capital dans le centre impérialiste et du néocolonialisme dans les pays opprimés.
Par Abdoulaye DABO
LA CAN ENTRE PRISME ET REALITE
Des Lions, des Léopards, des Éléphants des Aigles. A côté de ces mastodontes de la brousse et du ciel, quelques espèces moins impressionnantes mais gardant leur côté dangereux. C’est le tableau nominatif qu’offre la Can.
Des Lions, des Léopards, des Éléphants des Aigles. A côté de ces mastodontes de la brousse et du ciel, quelques espèces moins impressionnantes mais gardant leur côté dangereux. C’est le tableau nominatif qu’offre la Can. Des noms totémiques, des appellations qui font allusion aux symboles des nations et des références culturelles. Au simple énoncé de ces noms que portent les équipes africaines, on se croirait dans le grand zoo du monde, dans une véritable faune où se côtoient et s’affrontent des animaux dans des combats mortels. C’est juste une image à laquelle renvoie l’attachement à des croyances, à l’histoire qui a marqué la vie des peuples africains dans le passé tous ces animaux. Pas plus. Ici, ce sont des footballeurs drapés dans leurs couleurs nationales et dopés par leurs hymnes nationaux qui se disputent un prestigieux trophée. Ici, la cible commune, c’est un ballon de foot. Lorsqu’on dressera la crinière quand on sortira les crocs qu’on serre les dents ou qu’on durcisse les trompes, il n’y a aucune inquiétude à se faire. C’est pour offrir un spectacle autour du football dans la pure tradition sportive comme en Europe. Comme en Amérique Latine ou en Asie.
La grande fête colorée qui fait vibrer tout un continent
Les courses poursuites, les sauts, les chutes, seront à mettre au compte de la conquête d’un ballon ou d’un but qui enflamme les foules et vous pousse vers la sublimation. Pas d’une proie à dévorer crue. Ce sont des athlètes qui écrivent toute une histoire. Celle qu’on écrit sur les pelouses et qui ne subit pas l’usure du temps et que la mémoire collective retient. C’est la version humaine et humanisée d’une grande fête colorée qui fait vibrer tout un continent au rythme des rencontres de football. La faune est sortie d’un simple cliché pour se muer en bande de conquérants les uns plus déterminés que les autres à la conquête d’un trophée, en une vitrine où sont exposées les meilleures équipes africaines. Un showroom qui attire de plus en plus de monde à travers tous les continents. Un événement sportif certes, mais de haute portée économique et touristique pour le pays organisateur et baromètre de l’avancée du football africain. C’est ça la réalité de la Can qui tranche d’avec tous ces noms qui, a priori, fait penser à autre chose.
Par Chuka Onwumechili
TOUT CE QU'IL FAUT SAVOIR SUR UNE ANNEE RECORD POUR LA PLUS GRANDE COMPETITION DE FOOTBALL D'AFRIQUE
Les vedettes mises à part, le tournoi continue de se développer en termes d'audience mondiale, d'amélioration des infrastructures, d'attention médiatique et d'augmentation des récompenses.
La plus grande fête du football en Afrique, la Coupe d'Afrique des Nations 2023 (CAN) masculine, est organisée par la Côte d'Ivoire en Afrique de l'Ouest et se terminera par la finale le 11 février 2024. Plus que jamais, l'attention mondiale sera rivée sur les événements de la 34e édition de la Coupe en raison de la participation de certains athlètes qui font partie des plus éminents dans le domaine du football. Ajoutez à cela le fait que le tournoi se déroule pendant l'hiver européen et qu'il n'est donc pas confronté à la concurrence d'autres tournois internationaux majeurs, à l'exception de la Coupe d'Asie de l'AFC. Le tournoi a ses détracteurs, en particulier en Europe, où plusieurs clubs perdront des joueurs clés au profit d'équipes africaines. Malgré cela, rares sont ceux qui doutent que La CAN entre dans une nouvelle ère. En tant qu’chercheur en communication sportive axée sur le football africain, je pense que ce sera une année record pour la CAN. Les vedettes mises à part, le tournoi continue de se développer en termes d'audience mondiale, d'amélioration des infrastructures, d'attention médiatique et d'augmentation des récompenses.
UNE DOTATION RECORD
La Confédération africaine de football (Caf) a annoncé une augmentation de 40 % des récompenses pour les vainqueurs de la CAN. Le pays champion remportera 7 millions de dollars US, le vice-champion 4 millions, le troisième 2,5 millions et le quatrième 1,3 million. Bien qu'encore loin de l'Europe, ces récompenses sont plus importantes que celles ofertes par la Copa América (le championnat de football sud-américain) en 2021. LES STARS Les joueurs africains vedettes sont des noms connus en Europe, grâce à des postes de haut niveau dans des clubs de premier plan. De grands noms comme Victor Osimhen (Nigeria), Achraf Hakimi (Maroc) et Mohamed Salah (Égypte) représenteront tous leur pays lors du tournoi. Ils ont recueilli les trois plus grands votes pour le titre de Joueur africain de l'année 2023. En outre, d'autres finalistes des Caf Awards - Fiston Mayele (Congo), Peter Shalulile (Namibie) et Percy Tau (Afrique du Sud) - participeront également au tournoi. A cette liste s'ajoute le sensationnel gardien de but marocain Yassine Bounou.
LES TELESPECTATEURS DU MONDE ENTIER
Le tournoi sera un événement mondial. La Caf a annoncé une nouvelle série d'accords sur les droits de diffusion. Il s'agit notamment d'accords avec la BBC et Sky au Royaume-Uni, Band TV au Brésil, beIN et Canal+, entre autres. Ces accords signifient que le tournoi sera suivi en direct dans 180 pays à travers le monde. La Caf a également annoncé plus de 6 000 demandes d'accréditation de médias. C'est plus du double des demandes reçues lors de la précédente édition de la CAN.
DES INFRASTRUCTURES DE CLASSE MONDIALE
La Côte d'Ivoire a mis tout en œuvre pour que la CAN de cette année soit un événement de classe mondiale. On estime que le pays hôte a dépensé 1 milliard de dollars pour rénover les routes, les stades, les hôpitaux et d'autres infrastructures en préparation du tournoi. Outre la rénovation des stades existants, le pays a construit trois nouveaux sites. Il y a deux nouveaux stades d'une capacité de 20 000 places. Le Stade Laurent Pokou est situé à San-Pédro dans l'extrême sud-ouest du pays et le Stade Amadou Gon Coulibaly à Korhogo dans le nord. La plus grande nouvelle infrastructure, le Stade Alassane Ouattara, est située juste à l'extérieur de la capitale économique, Abidjan, et a été construite avec 260 millions de dollars pour accueillir 60 000 spectateurs sous un même toit. Certains de ces sites, comme celui de Korhogo, sont accompagnés d'hôtels, de villas et de routes nouvellement construits. En tant que pays hôte, la Côte d'Ivoire bénéficiera également d'une base de supporters qui pourrait renforcer le moral de son équipe et ses chances de victoire.
LES FAVORIS
Une saine rivalité entre les nations - en particulier entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique du Nord - va intensifier les enjeux de la CAN de cette année. Vingt-quatre équipes participent à la phase de groupes et 16 d'entre elles se qualifieront pour la phase à élimination directe. Cela signifie que trois équipes se qualifieront à partir de quatre poules sur les six. Bien que le Maroc soit devenu la première équipe africaine à atteindre la demi-finale d'une Coupe du monde de football masculin, il pourrait avoir du mal à remporter la CAN. Le Maroc a remporté un seul titre de la CAN, en 1976 en Éthiopie, et a atteint la finale en 2004 à Tunis. Mais le pays nordafricain fait partie des favoris en Côte d'Ivoire. Le pays hôte et le champion en titre, le Sénégal, se joindront à aux Marocains. Le Nigeria et l'Algérie sont également des candidats sérieux, tandis que le Mali fait figure d'outsider. Compte tenu de tous ces développements, il ne fait aucun doute que le tournoi établira des records d'audience et d'affluence des stades, ouvrant ainsi une nouvelle perspective pour le tournoi le plus prestigieux d'Afrique. La CAN débute ce 13 janvier 2024.
Chuka Onwumechili
Professor of Communications, Howard University
THECONVERSATION.COM
par Abdourahmane Ba
UNE ÉLECTION CRUCIALE FACE AUX ECHECS DU PSE
L’élection de 2024 représentent une chance de tracer une nouvelle voie vers un développement inclusif et durable. Une utilisation stratégique des revenus pétroliers et gaziers, couplée à une industrialisation ciblée
À l'approche de l’élection cruciale de 2024 au Sénégal, le pays fait face à un tournant décisif, marqué par des enjeux politiques et les limites du Plan Sénégal Émergent (PSE). Cette période offre l'opportunité de réorienter les efforts vers une gouvernance transparente et une diversification économique plus robuste. Le prochain régime devra tirer parti des ressources pétrolières et gazières pour stimuler l'industrialisation et créer des emplois, tout en mettant en place des politiques de développement durable. Des réformes dans la gouvernance, la justice, et la décentralisation sont essentielles pour restaurer la confiance des citoyens et assurer une distribution équitable des bénéfices. La mise en œuvre de ces changements est vitale pour le Sénégal afin de garantir un avenir inclusif et prospère pour tous.
À la veille d'une élection présidentielle décisive au Sénégal (février 2024), le paysage politique se trouve fortement dominé par des manœuvres tactiques centrées sur le processus de parrainage, une pratique qui semble viser l'élimination ou l'affaiblissement des adversaires politiques les plus significatifs du régime actuel. Cette situation, combinée avec l’absence d’évaluations indépendantes rigoureuses et des partenaires techniques et financiers qui adoptent un langage trop diplomatique « pour ne pas froisser Laam-tooro Universel », risque d'éclipser les débats cruciaux sur des questions économiques et sociales pressantes, ainsi que sur les orientations stratégiques des politiques publiques à venir. Dans ce contexte préélectoral chargé, l'importance d'une analyse critique et évaluative par des experts indépendants devient primordiale pour maintenir une perspective équilibrée.
En tant qu'expert évaluateur international en évaluation des politiques publiques, mes observations et analyses sur les données socioéconomiques récentes du Sénégal disponibles, fondées sur des informations probantes validées au niveau national et à l’international, révèlent des contreperformances notables dans la réalisation du PSE. Il est impératif de diffuser ces constatations pour potentiellement contribuer dans l’enrichissement le débat électoral, en déplaçant l'accent des manœuvres politiciennes vers des discussions plus constructives et centrées sur des politiques de développement essentielles au progrès et au bien-être des citoyens sénégalais et de leurs partenaires internationaux.
Le PSE, promulgué en 2014 par le régime sortant avec l’enterrement du Plan « Yoonu Yokkute » lancé en 2012, vise à propulser le Sénégal vers une émergence économique et sociale. Ses objectifs principaux sont de positionner l'économie sur un chemin de croissance forte, inclusive et durable, tout en créant des emplois et en préservant l'environnement et les ressources naturelles. Le plan cherche également à consolider un système politique basé sur la démocratie, la bonne gouvernance et l'État de droit. Il met l'accent sur la promotion des valeurs culturelles essentielles telles que le travail, l'évaluation, la responsabilité, la citoyenneté et la solidarité. Enfin, il vise à assurer la sécurité nationale, à développer de manière équilibrée le territoire sénégalais, à renforcer la cohésion nationale et à contribuer à la paix et à l'intégration au sein du continent africain.
En dépit d'un accent mis sur d'imposantes infrastructures dans le cadre de la mise en œuvre du PSE - autoroutes, Bus Rapid Transit (BRT), Train Express Régional (TER), et autres projets majeurs concentrés essentiellement dans l’axe Dakar-Thiès-Diourbel, dont certains sont toujours en cours d’exécution et d'autres affichant des impacts mitigés sur le quotidien des citoyens - l'analyse de la performance du PSE jusqu'en 2023 révèle des échecs critiques. Ces projets d'envergure, bien que symbolisant le progrès, n'ont pas suffi à impulser une croissance économique alignée ou supérieure aux moyennes régionales de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) malgré la crise dans les pays du Sahel, Mali, Burkina Faso et Niger, et en Guinée et Guinée Bissau. Cette situation est le reflet d'une stratégie de développement économique peu diversifiée et inefficace, surtout dans les secteurs clés l’économie sénégalaise.
Parallèlement, les politiques de développement humain et social semblent avoir été reléguées au second plan, comme en témoigne l'inexploitation du potentiel de la démographie jeune du pays et des lacunes persistantes dans les domaines de l'éducation et de la formation professionnelle, entraînant une hausse de l'immigration clandestine. Le secteur agricole, traité comme le parent pauvre du PSE, connaît une croissance insuffisante, illustrant un écart considérable entre les objectifs ambitieux et les réalisations concrètes. L'escalade de l'inflation ces dernières années révèle des défauts dans la gestion macroéconomique, affectant principalement les populations vulnérables et révélant des manquements dans les politiques fiscales et sociales. En outre, les problèmes de gouvernance sous le régime actuel, marqués par des pratiques de corruption et des faiblesses dans l'État de droit, la justice et la gestion des ressources publiques, mettent en lumière une discordance entre les investissements dans les infrastructures et l'impact réel de ces mesures sur le développement économique, social et institutionnel du pays.
Axe 1 : Promesses non tenues, le fiasco de la transformation économique
L'analyse de la performance dans la mise en œuvre de l'axe 1 du PSE - Transformation structurelle de l’économie et Croissance - en 2023 révèle des incohérences substantielles dans l'exécution des politiques de développement économique. La croissance économique du pays, enregistrée à 4,2% en 2022, est significativement inférieure à la moyenne de 5,6% de l'UEMOA. Ce chiffre, bien qu'indiquant une certaine dynamique haussière depuis la crise liée à Covid-19, suggère une insuffisance dans l'efficacité des stratégies de diversification économique, particulièrement dans les secteurs à haute valeur ajoutée comme la chimie, l'horticulture, et les technologies de l'information et de la communication. Cette sous-performance pointe vers un écart notable entre les politiques économiques planifiées et leur mise en œuvre effective.
Sur le plan démographique, d’après les données du dernier recensement national, le Sénégal présente une structure de population jeune, avec 39,2% de la population en dessous de 15 ans, et la moitié de moins de 19 ans. Cependant, cette jeunesse démographique n'est pas actuellement exploitée de manière optimale dans la constitution du capital humain, une lacune qui se reflète dans la préparation insuffisante de la main-d'œuvre pour les exigences d'une économie moderne et diversifiée. Ces lacunes se sont manifestées avec l’immigration clandestine désespérée montante et inquiétante vers l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique. Le déséquilibre entre les objectifs éducatifs du PSE et les résultats en termes de compétences et de formation de la main-d'œuvre souligne un manque d'alignement énorme entre les besoins démographiques et la planification du développement des ressources humaines où les gouvernements successifs du régime depuis 2014 ont montré des faiblesses certaines dans l’atteinte des résultats escomptés.
L'analyse de la distribution démographique révèle aussi des disparités de genre, avec un rapport de masculinité de 110,8 garçons pour 100 filles chez les moins de 15 ans, et une inversion de cette tendance en faveur des femmes dans les tranches d'âge de 15-34 ans et plus de 60 ans (sic !). Ces données (si confirmées !) impliquent la nécessité d'une planification de développement inclusive plus accrue qui tienne compte de ces dynamiques de genre, signalant des transitions démographiques cruciales, dans la formulation des politiques économiques et sociales. Ce qui a été complétement ignoré dans la mise en œuvre initiale du PSE.
Parlons du secteur agricole avec une part significative de la population (45,6% des ménages), qui montre une croissance très limitée de 0,3% en 2023 (comparée à la croissance démographique de 2,9%), ce qui indique un manque d'efficacité dans l'application des politiques de modernisation agricole tant chantée dans le PSE. Ce déficit, un des plus patent des contreperformances du PSE, montre clairement une inadéquation entre les ambitions de modernisation du secteur agricole formulées dans le PSE et les résultats très faibles obtenus, soulignant l'écart entre les objectifs politiques et leur réalisation pratique.
Enfin, le pic inflationniste de 14,1% en novembre 2023, point culminant d’une crise cyclique des systèmes de production et d’approvisionnement des marchés au Sénégal, pose des questions critiques sur la stabilité macroéconomique du pays, pourtant tant chanté par un gouvernement qui nous a habitué à des chiffres de croissance qui font rêver. Cette inflation élevée qui affecte en première place les populations les plus défavorisées et sans résilience souligne des insuffisances dans la conception et la mise en œuvre effective des politiques fiscales destinées à stabiliser l'économie et les filets sociaux pour protéger les ménages vulnérables qui constituent la majorité au Sénégal, surtout en milieux rural et péri-urbain. Ce qui est aggravé par l'hétérogénéité des tailles de ménages pointé par le dernier recensement national et les disparités entre les zones urbaines et rurales en l’absence d’une approche différenciée des politiques publiques pour répondre aux besoins spécifiques variés des populations.
En somme, l'analyse évaluative de la mise en œuvre de l'axe 1 du PSE révèle une absence d’une stratégie et d’un plan cohérent pour mieux aligner les politiques économiques, éducatives et de développement avec les réalités démographiques et économiques complexes du Sénégal, en vue de promouvoir une croissance économique durable et inclusive, objectif important du PSE.
Axe 2 : L'Effondrement du Capital humain et de la Protection sociale dans le PSE
L'évaluation des performances du Sénégal dans l'implémentation de l'axe 2 du PSE – Capital humain, Protection sociale et Développement durable – révèle aussi des contre-performances notables. La décélération de la croissance économique du Sénégal, passant de 6.5% en 2021 à 4.2% en 2022, a eu un impact significatif sur le financement des secteurs clés tels que l'éducation et la santé. Cette réduction de la croissance, exacerbée par des chocs économiques externes, a entraîné un recul des investissements dans ces domaines essentiels au développement du capital humain. Par exemple, le budget alloué à l'éducation, essentiel pour atteindre les objectifs du PSE en matière d'éducation de qualité pour tous, a subi des contraintes majeures, limitant ainsi l'amélioration de l'accessibilité et de la qualité de l'éducation. Cela est aggravé par les crises universitaires successifs et l’état de chantier des universités régionales dans leur majorité.
En novembre 2022, l'inflation au Sénégal a atteint un sommet historique de 14,1%, exerçant une pression accrue sur les ménages à faible revenu et exacerbant leur vulnérabilité économique. Cette montée vertigineuse du coût de la vie a non seulement menacé les avancées en matière de protection sociale, mais a également rendu illusoires les efforts de redistribution de revenus aux plus pauvres et la protection sanitaire des retraités. L'escalade des prix des biens et services essentiels ainsi l’augmentation des prix ou la surfacturation de l’électricité a frappé de plein fouet les ménages vulnérables, accroissant leur basculement dans la pauvreté, un enjeu majeur que le PSE s'efforce de résoudre sans succès.
La situation macroéconomique, caractérisée par une détérioration du déficit du compte courant exacerbée par l'augmentation des coûts d'importation, a considérablement restreint la capacité du pays à allouer des ressources suffisantes pour les investissements domestiques essentiels, en particulier dans les domaines prioritaires du PSE. Cette réalité, impactant directement la balance des paiements, a limité l'espace budgétaire nécessaire pour les investissements clés en capital humain et en protection sociale, freinant ainsi les objectifs ambitieux du PSE. De plus, la situation budgétaire du pays, marquée par un déficit budgétaire de 6.7% du PIB et une dette publique alarmante de 76.6% du PIB en 2022, pose d'importantes contraintes financières et de solvabilité. Cette conjoncture de dette croissante et de déficit budgétaire élevé entrave la capacité du gouvernement à financer des initiatives cruciales pour le développement du capital humain et l'établissement de filets de protection sociale robustes, essentiels pour le progrès et la stabilité sociale du pays. Malgré l'implémentation de mesures telles que les transferts monétaires pour réduire la vulnérabilité économique, l'efficacité de ces interventions reste questionnable. La persistance de la pauvreté et de la vulnérabilité, en particulier dans les régions rurales, suggère que les mesures actuelles ne sont peut-être pas suffisamment ciblées ou étendues pour répondre efficacement aux besoins des populations les plus démunies.
Les inondations successives tout au long de la mise en œuvre du PSE, exacerbées par les changements climatiques, ont mis en lumière la vulnérabilité du secteur agricole. Cette vulnérabilité a fini de mettre à nu l’absence d'une stratégie de développement durable qui intègre effectivement la résilience climatique. Le secteur agricole, un pilier de l'économie sénégalaise, est le parent pauvre du PSE et n’a pu assurer sa durabilité face aux défis climatiques.
Les réformes économiques prévues, notamment dans le domaine des subventions à l'énergie et des ajustements fiscaux, devant présenter des opportunités de réallouer les ressources vers des priorités plus urgentes, n’ont fait que réduire la résilience des populations de plus en plus pauvres. Par ailleurs, ces réformes initiées n’ont pas enregistré les succès escomptés surtout dans leur capacité à atténuer les impacts sur les ménages vulnérables et à favoriser une croissance inclusive, alignant ainsi les dépenses publiques avec les objectifs ambitieux du PSE.
En somme, l'analyse des données économiques récentes suggère que le Sénégal est confronté à d'importants défis dans la réalisation des objectifs de l'axe 2 du PSE. Les contraintes budgétaires, l'inflation élevée, la vulnérabilité aux chocs climatiques et la persistance de la pauvreté et de la vulnérabilité économique sont autant de facteurs qui entravent les progrès dans le développement du capital humain, la protection sociale et le développement durable.
Axe 3 : Le PSE et la quête inachevée de transparence et d'équité au Sénégal
L'analyse approfondie des performances du Sénégal dans la mise en œuvre de l'axe 3 du PSE - Gouvernance, Institutions, Paix et Sécurité - révèle des contreperformances notables dans plusieurs domaines clés. La gouvernance, un élément central de cet axe, montre des signes de faiblesses, notamment en termes de corruption et de détournement de fonds publics. Des rapports indiquent que des ministères clés, tels que ceux des Transports, de la Santé, et de l'Éducation, sont touchés par ces pratiques, ce qui entrave l'efficacité des politiques publiques et compromet l'allocation optimale des ressources.
Dans le secteur de la justice et des droits humains, bien que des lois soient en place pour interdire les arrestations et détentions arbitraires, la réalité sur le terrain diffère. La corruption dans le système judiciaire et l'influence gouvernementale, les détenus politiques très nombreux, couplés à un arriéré judiciaire considérable, compromettent le droit à un procès équitable et l'accès à la représentation légale. Ce décalage entre la législation et la pratique soulève des questions sur l'efficacité de l'État de droit au Sénégal.
La liberté d'expression et de la presse, bien que garantie par la constitution, est soumise à des restrictions et des pressions. Des incidents de violence, le harcèlement et l’emprisonnement à l'encontre des journalistes, la fermeture des signaux de médias non favorable aux désidératas du régime, ainsi qu'une tendance à l'autocensure dans les médias gouvernementaux, limitent l'espace pour un débat public ouvert et transparent. Ces restrictions sont préjudiciables à la création d'un environnement propice au dialogue et à la reddition de comptes.
En termes de gestion des ressources publiques, le Sénégal a fait des progrès dans l'alignement des dépenses sur les priorités de développement. Cependant, la transparence et la responsabilisation restent des défis majeurs. La corruption continue d'entraver une gestion efficace et vertueuse des finances publiques, ce qui est crucial pour la confiance des citoyens et des investisseurs. C’est un des plus grands échecs du régime actuel quand analyse leurs promesses en 2012.
La décentralisation et le renforcement du pouvoir local au Sénégal représentent des leviers cruciaux du PSE pour atténuer les disparités régionales et stimuler un développement territorial harmonieux. Cependant, l'efficacité de ces réformes nécessite une évaluation et une adaptation constantes pour garantir un impact positif sur le développement local. Actuellement, l'application de ces mesures affiche des résultats inégaux, avec une tendance marquée à la discrimination basée sur l'appartenance politique des dirigeants des collectivités territoriales. Cette situation est exacerbée par des actions politiquement motivées, telles que l'arrestation de plusieurs maires de l'opposition ou l'ouverture d'enquêtes judiciaires à leur encontre, soulignant les défis persistants dans la mise en œuvre d'une décentralisation véritablement équitable et efficace.
La mise en place de mécanismes de dialogue entre l'État, la société civile, le secteur privé et les citoyens est nécessaire pour une gouvernance améliorée au Sénégal. Néanmoins, l'efficacité de ces dispositifs dans le développement et l'évaluation des politiques publiques requiert une analyse approfondie pour s'assurer de leur effectivité et impact réel, au-delà d'une simple fonction symbolique ou politique politicienne, et de leur capacité à induire des changements concrets. Toutefois, les turbulences observées lors des élections législatives de 2022, les difficultés rencontrées par les parlementaires tant de l'opposition que du régime à engager un débat constructif sur le développement national et les législations, ainsi que les tentatives de division et d'intimidation envers les députés de l'opposition, incluant des arrestations, ont sensiblement affaibli le rôle de l'Assemblée nationale dans la facilitation d'un dialogue efficace avec le gouvernement sur des questions de développement cruciales.
En ce qui concerne la paix et la sécurité, des efforts sont déployés pour résoudre les conflits internes, tels que dans la région de la Casamance. Néanmoins, la persistance de tensions et de défis sécuritaires dans certaines régions indique que des stratégies plus robustes et inclusives sont nécessaires pour garantir une paix durable et la cohésion sociale. Aussi la menace terroriste et la crise au Sahel sont des menaces qui existent et qui devront être prise en compte de manière beaucoup plus sérieuse.
En conclusion, l'exécution de l'axe 3 du Plan Sénégal Émergent révèle des faiblesses notables dans la gouvernance, la justice et la gestion des ressources publiques. La corruption et le détournement de fonds dans des secteurs clés, combinés à des problèmes dans le système judiciaire et des restrictions sur la liberté d'expression, ont entravé l'efficacité des politiques publiques. Les défis de transparence et responsabilisation persistent dans la réalisation des objectifs ambitieux du PSE en matière de gouvernance efficace et de développement durable au Sénégal.
Repenser le développement face aux échecs du PSE et aux opportunités du Gaz et du Pétrole
La période préélectorale, marquée par des stratégies politiciennes complexes et les défis échecs persistants du PSE, met en lumière l'urgence de réformes substantielles et d'initiatives ciblées pour un développement inclusif. Les élections de février 2024 se présentent comme un pivot crucial, offrant une opportunité de réorienter les politiques publiques vers une meilleure gouvernance, une économie diversifiée, et des services publics plus efficaces. L’accent doit être mis sur l'indépendance des évaluations des politiques publiques et sur une gouvernance transparente pour corriger les lacunes du PSE, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé, et des infrastructures.
Pour impulser un changement significatif, le prochain régime devra se concentrer sur l'exploitation judicieuse des ressources pétrolières et gazières imminentes, en les utilisant comme un levier pour l'industrialisation et la création d'emplois, particulièrement pour la jeunesse majoritaire. Une stratégie efficace d'industrialisation, axée sur la transformation locale des matières premières et le développement de secteurs clés comme l'agriculture et la technologie, est essentielle. Parallèlement, il faut assurer une gestion écologique et responsable des ressources naturelles, en instaurant des mécanismes de redistribution équitable des revenus issus du pétrole et du gaz pour financer des investissements stratégiques dans les infrastructures et les services de base.
La transparence dans la gestion des ressources publiques est primordiale pour restaurer la confiance dans les institutions. La lutte contre la corruption, la réforme du système judiciaire, et le renforcement de la liberté d'expression doivent être des priorités. La décentralisation doit être mise en œuvre de manière équitable, en évitant les pratiques discriminatoires et en favorisant un développement régional harmonieux. Le renforcement du dialogue entre l'État, la société civile, le secteur privé et les citoyens est également crucial pour une gouvernance participative.
L’élection de 2024 représentent une chance de tracer une nouvelle voie vers un développement inclusif et durable. Une utilisation stratégique des revenus pétroliers et gaziers, couplée à une industrialisation ciblée et à des politiques de développement durable, permettra de franchir un cap décisif. Pour atteindre ces objectifs, la prochaine administration doit s'engager à renforcer les capacités industrielles et technologiques du pays, investir dans l'éducation et la formation professionnelle, et assurer une gouvernance transparente et responsable.
Dr Abdourahmane Ba est expert international en évaluation de politiques publiques
Corona, tardé nga ! Rien ne nous arrêtera. Sénégalais yi guemeutouniou leu. Tu es revenu avec ton business ? Nos 1000 milliards d’abord. Même la justice a mis le masque pour qu’on n’identifie pas ces visages démasqués par la Cour des comptes.
Corona, tardé nga ! Rien ne nous arrêtera. Sénégalais yi guemeutouniou leu. Tu es revenu avec ton business ? Nos 1000 milliards d’abord. Même la justice a mis le masque pour qu’on n’identifie pas ces visages démasqués par la Cour des comptes. Tu trouveras le gel de tous tes accessoires. Nous avons fait d’autres tests au Conseil constitutionnel. Sur les 93, seuls 21 sont positifs. Nous avons préféré le bulletin de vote au bulletin du ministère de la Santé. Nioo la gueuneu baadoolo.
par Assane Gueye
LE JOUR D’APRÈS : SORTIR DU TIRAGE AU SORT
Cela remonte à la nuit des temps et on l’a presque oublié. Le tirage au sort a bien été la première forme d’élection. La recherche d’égalité laissait ainsi beau- coup trop de place au hasard.
Cela remonte à la nuit des temps et on l’a presque oublié. Le tirage au sort a bien été la première forme d’élection. La recherche d’égalité laissait ainsi beau- coup trop de place au hasard. Ceux qui étaient tirés ne le devaient finalement qu’à la loterie, voire la prestidigitation. Ce fut une grande paresse. Doté de milliards de neurones pour réfléchir et être génial, l’être humain ne peut pas se résoudre à confier son sort à la seule chance. Une vie sans mérite est une vie chancelante. La seule circonstance atténuante est qu’on en était au tout début de l’expérience démocratique. Le tirage au sort est tout de même demeuré. Les tournois sportifs l’ayant récupéré sans que personne ne trouve à redire. Mais avoir recours à ce procédé pour fixer l’ordre de préséance des prétendants à la présidence de la République du Sénégal dans le cadre du parrainage a quelque chose de consternant. Qu’un expert électoral se glorifie d’en avoir eu l’idée le premier ne rassure point sur le terme «expertise». Pour dire vrai, cette idée est la plus mauvaise depuis que le Sénégal est indépendant. Elle est irrationnelle. Alors qu’en matière d’élection présidentielle, aucune brèche ne doit être ouverte ni laissée à l’invraisemblable. La présidence, c’est la cour d’honneur, la cour des grands. C’est une ligue des champions. Les critères pour entrer dans le saint des saints doivent d’abord prendre en compte les états de service. Il faut avoir déjà gouverné, avoir été ministre, député, maire, haut fonctionnaire, de profession libérale, de la société savante, capitaine d’industrie ou autres. L’expérience est une exigence car «elle est une école dont les leçons sont coûteuses mais on en sort toujours savant», me répète souvent un mentor. Il faut aussi avoir fait ses humanités. On parle ici de compétence. Mieux vaut un surdiplômé qu’un autodidacte. Mais avec ce qu’on appelle tristement l’air du temps, tout finit par se valoir. Même dans un grand pays comme le Sénégal, on triture de moins en moins nos méninges pour se contenter de la facilité du suffrage au sort. L’explication est toute simple. On n’est pas sortis des sentiers battus.
Profils intéressants
Sans verser dans le simplisme, on dira aussi que la plupart de ceux qui se sont rués à la Direction générale des élections pour la mise à disposition de fiches ont tout fait sauf désacraliser la fonction présidentielle. Ils se sont ridiculisés eux-mêmes si l’intention était d’amuser la galerie. «La différence entre un génie et un idiot est que le génie connaît ses limites», a écrit un grand auteur. Jamais au grand jamais depuis que le Sénégal est le Sénégal, aucun des quatre présidents n’a été déprécié. Bien au contraire. Le palais est non seule- ment resté la cour d’honneur où l’on décide de la politique du pays mais son locataire a gardé des pouvoirs exceptionnels pour gouverner. Le rendez-vous présidentiel n’est plus seulement la rencontre d’un homme ou d’une femme avec son peuple. Cet homme ou cette femme doit être exceptionnel(le). Les noms et profils qui sont passés entre les gouttes du parrainage sont pour l’essentiel dignes de figurer dans la compétition. Ils en ont pour la majorité la carrure et l’envergure. En attendant le dernier mot des sept sages, surtout pas d’arrogance pour ceux qui sont en train de sortir du lot. Le plus dur commence. Il leur faut être habile, futé et instinctif pour avoir la communauté et la communion. À l’endroit de ceux qui sont bloqués, ce n’est pas la fin du monde. Les gémissements ne servent à rien. Il faut être digne, stoïque, beau joueur, voire candide. Car tout le monde ne peut pas être candidat.
LES ÉTUDIANTS DE L’UCAD SACRIFIÉS SUR L’AUTEL DE LA POLITIQUE ?
Depuis la fermeture de l’université en juin 2023 suite aux violentes émeutes qui avaient éclatés, les autorités universitaires ne cessent de jeter les étudiants de l’UCAD dans la gueule du loup à cause des décisions qu’elles prennent pour finir l'année.
Depuis la fermeture de l’université en juin 2023 suite aux violentes émeutes qui avaient éclatés, les autorités universitaires ne cessent de jeter les étudiants de l’UCAD dans la gueule du loup à cause des décisions qu’elles prennent dans le but de finir illico presto l’année académique 2022-2023 sans tenir en compte beaucoup de paramètres.
Les cours de remédiations du deuxième semestre de la faculté des lettres et sciences humaines qui sont organisés hors de l’enceinte du temple du savoir afin de boucler le deuxième semestre, est loin d’être logique vu que l’on a jamais vu un semestre qui dure un mois hors que dans le système LMD (licence-master-doctorat), chaque enseignant doit au moins faire 20H de cours avant la programmation d’un quelconque examen. Nul besoin d’être un expert de l’éducation pour savoir que les apprenants de l’UCAD sont envoyés au casse-pipe et en témoigneront les résultats.
Bien vrai que des dégâts matériels sont notés à l’UCAD mais cela n’est aucunement un frein pour empêcher aux étudiants de faire cours comme il convient. D’autant plus que les professeurs de la dite université ont plus d’une fois lancé un cri de cœur demandant au gouvernement d’ordonner son ouverture. La politique se cache-telle derrière cette fermeture ? Est-il judicieux de voir certaines facultés comme la Médecine ou encore l’Ecole Supérieur polytechnique (ESP) poursuivre correctement les cours alors que les autres n’ont pas cette prérogative ? L’université Cheikh Anta DIOP de Dakar, ouvrira peut-être ses portes après la présidentielle de février 2024.
Par Ibou FALL
LES PREMIERS MINISTRES SE SUCCEDENT ET NE SE RESSEMBLENT PAS
La Présidentielle de 2024 aura vu, les cancres, vous pouvez compter sur les doigts, sept anciens premiers ministres déposer des candidatures qui connaissent des fortunes si diverses devant le Conseil constitutionnel…
La Présidentielle de 2024 aura vu, les cancres, vous pouvez compter sur les doigts, sept anciens premiers ministres déposer des candidatures qui connaissent des fortunes si diverses devant le Conseil constitutionnel…
Disons-le comme ça : ça va du moins mauvais au pire.
Dans le désordre, d’un côté, ceux du Président Wade, entre 2000 et 2012, trois au total : Idrissa Seck, Cheikh Hadjibou Soumaré et Souleymane Ndéné Ndiaye ; et de l’autre, les quatre restants, ceux du Président Macky Sall, de 2012 à 2024 : Abdoul Mbaye, Mimi Touré, Boun Abdallah Dionne et Amadou Ba, l’actuel, toujours en fonction, qui cumule les casquettes de chef de gouvernement et candidat…
Personne ne sait encore ce que va donner le dernier tri du Conseil constitutionnel mais, pour l’heure, il n’en reste plus tellement dans la course. On peut déjà compter Amadou Ba, le candidat officiel du camp présidentiel, dont la machine électorale est manifestement d’une redoutable efficacité, qui passe les doigts dans le nez l’épreuve des parrainages. Moins glorieuses, les qualifications, après rattrapages, de Idrissa Seck, vieux routier de la politique, que l’on découvre en 1988, fringuant directeur de campagne de Wade, le Pape du Sopi ; et de Mahammed Boun Abdallah Dionne, en rupture de ban avec son mentor, Macky Sall, dont il conduit en 2017 la liste aux Législatives et devient son directeur de campagne à la Présidentielle de 2019.
Passent à la trappe Cheikh Hadjibou Soumaré, Souleymane Ndéné Ndiaye, Abdoul Mbaye et Mimi Touré.
C’est sans doute à cause de ce quarteron de recalés que l’on devrait se pencher sur la longue et tumultueuse histoire des chefs de gouvernement du Sénégal.
Grandeurs et servitudes d’une fonction, il était une fois…
Le premier à ouvrir la longue marche, à n’en pas douter, est Mamadou Dia. En 1958, dans l’Afrique occidentale française, Aof, on est encore en République française, sous la Quatrième, et la loi-Cadre vient d’être votée. Dans les colonies, une sorte de transfert des compétences attribue alors aux indigènes une parcelle de pouvoirs.
Au Sénégal, le Conseil de gouvernement local est présidé par le Gouverneur Lamy ; Mamadou Dia, désigné par Senghor pour ces tâches rébarbatives, est d’abord vice-président du Conseil de gouvernement.
Ça ne dure qu’une année…
Le bonhomme est une forte tête qui finit par confiner le Gouverneur Lamy au rôle de spectateur en Conseil des ministres. L’année suivante, après une réforme des textes, Lamy quitte la table et Mamadou Dia en devient le patron.
Rapidement, entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia, ce n’est plus la relation du maître et son disciple, mais les deux faces d’une même pièce. Ils font la paire, et ça marche au point de conduire le Sénégal à l’indépendance sans effusion de sang. Peu de temps après, ils traversent ensemble la tempête de la Fédération du Mali en bloc inébranlable. Modibo Keïta supporte à peine Senghor, mais tient commerce agréable avec Mamadou Dia… Peine perdue : la complicité des deux Sénégalais aboutit à la fin de la Fédération du Mali et la proclamation de la République du Sénégal, après que les Soudanais seront arrêtés et mis dans le train pour Bamako sans autre forme de procès.
Là commence le face-à-face entre les deux têtes de la République du Sénégal. Le Président, Senghor, qui se tourne les pouces le plus souvent, commence à s’ennuyer ; et puis, Mamadou Dia, le chef de l’Exécutif, président du Conseil de gouvernement, avec lequel les grands de ce monde papotent, n’a plus vraiment de temps pour l’écouter…
En réalité, ils ne voient pas le Sénégal de la même manière depuis bien longtemps, mais ne se l’avouent pas.
C’est vrai, leur compagnonnage a quelque chose de romanesque : partis des coins reculés du monde indigène, l’un de Djilor-Djidiack et l’autre de Khombole, main dans la main, et bravant les tempêtes contre vents et marées, ils conduisent le Sénégal à l’indépendance après avoir dompté Lamine Guèye, le citoyen français devenu maître des quatre communes…
Que d’émotions pour en arriver là !
Sauf que Senghor ne voit pas le Sénégal sans la France, et Dia largue déjà les amarres et scrute de nouveaux horizons : le socialisme autogestionnaire du Yougoslave Tito le séduit, il voyage dans le Bloc de l’Est et rêve d’un Sénégal qui s’émancipe du joug colonial.
Pour Senghor, c’est trop tôt et, au Sénégal, il n’est pas le seul à le penser : le «système», comme on dirait aujourd’hui, n’a pas vraiment envie que ça change…
La fin officielle du tandem Senghor/Dia arrive le 17 décembre 1962.
Ça épiloguera longtemps sur le sexe des anges à ce sujet : coup d’Etat, pas coup d’Etat ? Les versions et les avis évoluent beaucoup de 1962 à 2024… Il reste à constater que la République, alors, ne peut plus supporter deux têtes, et qu’il faut en couper une.
Mamadou Dia, gracié en 1974, restera un des plus farouches opposants du régime Ups qu’il aura contribué à installer aux affaires. Il ouvre ainsi la longue tradition des anciens chefs de gouvernement devenus ensuite des ennemis irréductibles de leurs anciens camarades.
Sorti de là, Senghor, qui ne fait plus vraiment confiance à grand-monde, initie une réforme au terme de laquelle il supprime le poste et devient président de la République et à la fois chef du gouvernement.
Il tient la barre jusqu’en 1970.
Entre-temps, bien des événements secouent le pays, au sortir des élections présidentielle et législatives : en 1963, les Forces de l’ordre ouvrent le feu sur des récalcitrants qui peinent à admettre les résultats du scrutin. Officiellement, quarante morts… Rebelote en 1968, alors que les troubles sociaux mettent en péril le régime, reconduit avec 100% des votes à la Présidentielle et aux Législatives.
Est-il nécessaire de rappeler qu’il échappe de justesse en 1967 à une tentative d’assassinat ? Le pistolet du conjuré s’enraye alors qu’il tente de tirer sur Senghor à bout portant.
Le temps des réformes est là, manifestement.
Et le Président Senghor nous sort du chapeau un fonctionnaire longiligne qui n’a pas un sourcil plus froncé que l’autre, en l’honneur duquel il crée le néologisme «Primature». Ce veinard, Abdou Diouf qu’il se nomme, personne ne sait vraiment ce qu’il pense. Il nous vient de l’ecole nationale de la France d’Outre-Mer, Enfom, qui vous taille des administrateurs de colonies adroits dans l’art de mâter les Nègres. Signe particulier : il est béat d’admiration pour Jean Collin, un Toubab rien de plus Sénégalais, sorti peu avant lui de la même fabrique de dresseurs d’indigènes, qui passe au Cabinet du Président Dia, sera puni par un poste de Gouverneur de région avant de tâter aux Finances, et à l’Intérieur devenu son fief inexpugnable, depuis lequel il contrôle la République.
Ça va servir pour plus tard, jusque dans l’après-Senghor.
Abdou Diouf, pour ce que l’on peut en retenir sous Senghor, ne provoque pas de clash, rentre le cou et évite de faire de l’ombre au patron. Il se dit également que des ministres de son gouvernement l’écrasent même de leur personnalité, du style Babacar Bâ que l’on entrevoit quelque temps comme le dauphin de Senghor, ou Adrien Senghor, le neveu tout-puissant ou… Jean Collin, un taiseux qui a les yeux et les oreilles de l’Etat.
Senghor parti, Abdou Diouf qui le remplace choisit comme Premier ministre Habib Thiam. Apparemment, c’est son meilleur ami. Chacun des deux est le parrain d’un fils de l’autre, pour vous dire. On retiendra de leur compagnonnage le voile pudique dont Habib Thiam couvre leurs relations : remercié en 1983 après les élections couplées durant lesquelles il est tête de liste des députés socialistes, installé au Perchoir brièvement, et victime d’un «complot» comme on dirait aujourd’hui, il revient en 1991 après une longue traversée dans le… privé. Entre-temps, aucune déclaration fracassante, pas même un soupir ne se fait entendre de sa part. Il ne rejoint pas l’opposition, ne rappelle pas les services inestimables rendus qui lui seraient payés par l’ingratitude, ne menace personne d’aucun déballage.
Rien à voir avec les premiers ministres limogés de ces vingt dernières années : autres temps, autres mœurs ?
Lui succède Mamadou Lamine Loum. Avant ça, le nouvel impétrant est un agent du Trésor qui gravit tous les échelons avant de devenir ministre du Budget. Son nom se médiatise lors du fameux plan d’urgence, Sakho-Loum, qui évite au pays, nous serine-t-on, la banqueroute. Habib Thiam s’en va, et Loum s’installe en 1998. Ce n’est pas une bête politique. Plutôt un technocrate qui n’a manifestement pas l’ambition de devenir le successeur de qui que ce soit.
Il se susurre qu’il chaufferait la place pour Ousmane Tanor Dieng, alors tout puissant ministre d’Etat replié à la Présidence, qui attend son heure de gloire.
Hélas, l’Alternance…
Quand Wade arrive au pouvoir le 19 mars 2000, personne n’est surpris de la nomination de Moustapha Niasse à la Primature. Le Pape du «Sopi» nous l’annonce en pleine campagne électorale, quand débute le deuxième tour. Rien de neuf sous nos cieux puisque ce n’est pas la première fois que Niasse est titulaire de la fonction. En 1983, déjà, après les élections, Habib Thiam casé au Perchoir, Abdou Diouf l’y nomme, le temps de présenter une réforme qui supprime le poste. Moustapha Niasse est viré peu de temps après, pour avoir démontré son art du coup de tête et du pugilat au détriment de Djibo Kâ en pleine réunion du Bureau politique du Ps, sous les yeux d’un Abdou Diouf sidéré.
Il y fait long feu, encore, cette fois sous Wade et rejoint le camp de l’opposition pour y ronger son frein. Ça va durer jusqu’en 2012, avec l’arrivée au Palais de Macky Sall, lui aussi ancien Premier ministre qui rejoint le camp adverse avec hargne et bagages.
Qui se ressemblent, s’assemblent ?
Mame Madior Boye, qui remplace Niasse, première femme à cette fonction, est une vénérable dame tranquille, une magistrate qui ne fait pas de vagues. Ministre de la Justice en 2000, elle s’installe à la Primature sans manifestement la moindre ambition d’être cheffe de l’Etat.
On a même le sentiment que Madame la Première ministre ne veut pas déranger…
Rien à voir avec son successeur, Idrissa Seck, qui clame urbi et orbi qu’il est né pour être président de la République. Le quatrième de préférence. Forte tête, fort en thème, dès sa Déclaration de politique générale, malgré sa voix cassée, il marque son territoire. Ses détracteurs font remarquer au Président qu’il ne l’a même pas cité… Il ne mettra pas longtemps pour devenir suspect. Ses crocs rayent les parquets trop profondément. Dans l’entourage du Président Wade, ça s’échine à le démolir. Rien ne sera de trop. Après son limogeage, il bivouaque en prison sous l’accusation infâmante de détournement de deniers publics dans les fameux «Chantiers de Thiès». Il en ressort par un non-lieu auréolé d’un mythique «Protocole de Rebeuss» dont tout le monde parle, mais que personne ne voit.
C’est Macky Sall qui lui succède. Mieux, le tout nouveau Premier ministre, frais émoulu du ministère de l’Intérieur, sonne la charge de l’accusation qui conduit Idrissa Seck en prison.
La politique n’est pas un jeu d’enfants de chœur, n’est-ce pas ?
Macky Sall, le nouveau chouchou du clan Wade, ne tarde pas à s’en rendre compte lorsque, propulsé au Perchoir, il subit les tirs du camp présidentiel qui commence à lui trouver des attitudes ingrates… L’abominable crime dont ça l’accuse : il aurait voulu humilier Karim Wade dans l’Hémicycle à propos des comptes de l’Anoci, parce qu’il comploterait pour la succession du Président Wade.
Ah, l’ingrat !
Macky Sall, contraint de rendre ses mandats de président de l’Assemblée nationale et maire de Fatick, échappe de peu à la machine à broyer de l’Etat qui le destine à la prison.
Cheikh Hadjibou Soumaré est son successeur, que Souleymane Ndéné Ndiaye remplace.
La récente épreuve des parrainages nous confirme à quel point ce ne sont pas des foudres de guerre.
Arrive Macky Sall au pouvoir en 2012. Quand il nomme le sémillant Abdoul Mbaye, banquier respectable, «fils de» que son pedigree embellit plus que de raison, le président de la République fait terne figure, comparé à son Premier ministre qui pose précieux et sait jacter en public.
L’illusion ne dure pas.
Lorsqu’il est viré comme un malpropre, le fils du Père Kéba jure de rester loyal et au service de la République quelque temps, avant de changer de ton et muer en irascible opposant.
On se console comme on peut ?
C’est la précédente ministre de la Justice, la très médiatique Mimi Touré, qui s’y colle. Elle promet «d’accélérer la cadence», le progrès et l’émergence n’ayant pas la patience d’attendre ces lourdauds de Sénégalais…
Sa participation malvenue à une élection locale l’oblige à rendre le tablier, ranger sa cravache et ronger son frein, laissant la place à Mahammed Boun Abdallah Dionne. Un zélé serviteur de Macky Sall qui, tout comme Moustapha Niasse en 1983, présentera, comme chef de gouvernement, la réforme qui supprime son poste.
On est sadomaso ou on ne l’est pas…
Il vient, pour cette Présidentielle, comme Idrissa Seck, de franchir péniblement le barrage des parrainages.
Ce qui ne les grandit pas.
C’est Amadou Ba qui, donc, au final, remporte la timbale de Premier ministre désigné par le patron à sa succession. On lui met à disposition le redoutable appareil électoral de Benno bokk yaakaar, qui mène Macky Sall de victoire en victoire depuis 2012.
Relativisons : ils ont perdu la majorité aux dernières Législatives, l’an dernier.
L’actuel locataire de la Primature est un inspecteur du fisc qui gravit les échelons en rentrant le cou comme Abdou Diouf le fait avec Senghor de 1970 à 1980. Quand il est mis au placard après son exil comme ministre des Affaires étrangères, Amadou Ba n’a pas un soupir, ni un murmure pour s’en plaindre. Malgré ses soixante balais, pas un cheveu blanc. Son «étifor» est irréprochable et son sourire mécanique. On ne lui connaît pas de fâcheries jupitériennes, ni de frasques dans le privé comme dans le travail.
Je ne sais pas vous, mais moi, je me demande s’il n’est pas trop poli pour un vrai Sénégalais.
Par Ibou FALL
Par Abdoul Aly KANE
LES PARADOXES DE L’AGRICULTURE SENEGALAISE
L’agriculture occupe 70 % de la population active mais n’arrive pas à nourrir les Sénégalais que nous sommes. Notre pays est importateur net de produits agricoles, malgré une dotation en facteurs de production exceptionnelle.
L’agriculture occupe 70 % de la population active mais n’arrive pas à nourrir les Sénégalais que nous sommes. Notre pays est importateur net de produits agricoles, malgré une dotation en facteurs de production exceptionnelle. Cette problématique demeure encore non résolue depuis notre accession à la souveraineté internationale (1960), malgré divers plans et programmes mis en œuvre par les pouvoirs politiques successifs.
Cette dépendance aux produits alimentaires extérieurs est apparue au grand jour avec la crise financière de 2008 mais aussi et surtout avec les effets de la pandémie du Covid 19 et la guerre russo-ukrainienne sur les chaînes de production mondiales et l’inflation consécutive à la crise énergétique provoquée par les sanctions sur le gaz et le pétrole russes.
Aussi, les dirigeants des pays d’Afrique, traditionnellement importateurs nets de produits alimentaires, surpris par la rareté de l’offre extérieure de produits alimentaires, ont entonné brusquement, pour la plupart d’entre eux en tout cas, un hymne à la « souveraineté alimentaire ».
Pour exploiter les terres cultivables en continu, il faut des aménagements hydroagricoles, des infrastructures hydrauliques d’exhaure, de retenue, de transfert des ressources en eau, ainsi que des réseaux d’irrigation.
Les experts hydrauliciens du Sénégal sont d’avis que son potentiel hydraulique est surdimensionné par rapport aux besoins de la population.
Seuls trois pour cent (3%) des eaux de surface et près de 30% des eaux souterraines sont utilisées pour l’alimentation humaine (hydraulique urbaine et rurale) et l’agriculture, laquelle demeure encore dépendante globalement des aléas d’une saison des pluies très courte.
En réalité, le développement de ce potentiel hydraulique destiné à l’agriculture est surtout lié à des obstacles d’ordre financier. En effet, si l’eau potable urbaine est en mesure de mobiliser les ressources financières nécessaires et adaptées pour la mise en place des infrastructures et du matériel d’exploitation, il en est autrement du secteur agricole.
Les ressources financières qu’il exige sont généralement importantes car les infrastructures, en particulier les aménagements hydro-agricoles, sont réputés lourds. De surcroît, le secteur agricole est considéré par les banques comme étant fortement exposé au risque de défaut de paiement au regard du caractère erratique de ses performances.
Suite à la sécheresse des années 70, plus précisément de 1973, le Sénégal et des pays partenaires réunis dans le cadre de l’OMVS ont mis en service, en 1989, des barrages à vocation hydroélectrique (Manantali) et agricole (Diama).
Le barrage de Diama permettait de bloquer l’intrusion saline, qui rentrait sur près de 150 km à l’intérieur des terres rendues de ce fait non cultivables, et de dégager pour le Sénégal environ 240 000 hectares potentiellement irrigables.
Notre pays pouvait ainsi disposer d’un potentiel de 240 000 hectares sur les 375 000 disponibles sur toute l’OMVS. En effet, le plus fort potentiel de terres irrigables de cette organisation se trouve au Sénégal qui, à lui seul, en représente 58,5%. Il est suivi de la Mauritanie (31,5%), de la Guinée (5%) et du Mali (5%).
Malgré cet énorme potentiel de ressources hydriques et de terres irrigables, le Sénégal reste à ce jour « importateur net » de produits alimentaires. Paradoxalement, d’autres pays moins dotés en facteurs et en proie au stress hydrique comme le Maroc sont exportateurs nets de produits agricoles, horticoles, et en particulier, vers le Sénégal.
Malgré le fait que le royaume chérifien connaisse l’une des pires sécheresses de son histoire depuis cinq ans (2018 et 2023), l’industrie horticole fournit plus de 33 % de ses recettes d’exportation.
La situation en est au point où le ministère en charge de l’eau dans ce pays du Maghreb prend au sérieux l’hypothèse que la dotation en eau puisse descendre, à l’horizon 2030, en dessous du seuil de pénurie situé à 500 m3.
Selon les données officielles du royaume, le commerce du Maroc avec l’Afrique a affiché, en 2022, une hausse de 45% pour atteindre un record de 65 milliards de DH, soient près de 3900 milliards de Fcfa, avec un nombre de camions partant du Maroc vers les marchés africains évalué à 45.000 (les produits alimentaires agricoles représentaient 28 % des volumes transportés).
Le Maroc est l’un des principaux fournisseurs d’oignons du Sénégal, de la Mauritanie et du Mali. Aussi, la suspension des exportations d’oignons qu’il avait décidée en février dernier avait conduit le Sénégal, en proie à une pénurie, à demander la levée de la mesure, ce qui fut fait en juillet 2023.
Cette décision avait été prise par les autorités marocaines pour privilégier le marché national en réponse à la hausse des prix à l’époque.
C’est dire l’état de dépendance de notre pays à l’égard de ce produit (parmi d’autres), largement consommé par nos compatriotes.
En définitive, malgré des investissements massifs réalisés depuis près de 35 ans, les résultats escomptés des barrages et des aménagements (développement des cultures irriguées, autosuffisance alimentaire, aménagement des terres, production hydroélectrique, etc.) demeurent bien en deçà des prévisions initiales.
Avec l’érection de Diama, sur 240 000 hectares irrigables dans notre pays, seuls 130 000 sont irrigués depuis 1989.
D’une manière générale, notre agriculture demeure faiblement financée malgré son poids dans l’économie et le rôle primordial qui est le sien pour la sécurité alimentaire qu’elle peut procurer. Malgré, enfin, l’importance de la démographie qu’elle mobilise (60 à 70% de la population active).
De plus, l’importation des produits alimentaires, induite parla faiblesse de la production agricole pèse sur les comptes courants extérieurs tenus au niveau de la BCEAO, dont le niveau est sapé par l’inflation.
Il est notoire que, n’eut été la position extérieure nette positive de la Côte d’Ivoire en UEMOA, le Sénégal souffrirait de manque de devises pour faire face à ses importations.
Selon le ministre des Finances, « la contribution de l’agriculture dans la formation du Produit Intérieur Brut, qui est de l’ordre de 15 %, reste encore faible au regard de la population active qu’elle emploie ».
Cette déclaration faite lors du « Forum national sur le Foncier » de décembre 2023, qui sonne comme un aveu d’impuissance, est suivie d’une sorte de relativisation ainsi formulée (nous citons) : « cette réalité, largement partagée par les pays en développement, demeure la principale entrave à la réalisation de la souveraineté alimentaire »
Face à cette situation, quelles sont les solutions préconisées par l’argentier du pays ? «Il nous faut, pour parvenir à une agriculture performante, bâtir une large coalition des différents acteurs autour d’une approche holistique, incluant sécurisation foncière, développement des chaînes de valeur agricoles, préservation des écosystèmes, gestion durable des ressources, etc. » (fin de citation)
Ainsi, nous comprenons mieux que le président Macky Sall n’ait consacrée qu’une faible partie à l’agriculture dans son discours à la nation du 31 décembre 2023.
Le passage consacré à l’agriculture est succinct en ce qu’il se limite à la phrase suivante : « Nos efforts ont également porté sur les trois piliers de notre stratégie de souveraineté alimentaire : l’agriculture, dont le budget a plus que doublé entre 2012 et 2023, la pêche et l’élevage »
Ce discours de clôture de son magistère à la tête du pays fait plutôt la part belle aux réalisations d’infrastructures routières et autoroutières, et à « la modernisation du système de transport urbain et interurbain », sur lesquelles on le sent plus à l’aise.
Bref, et à l’instar de ses prédécesseurs, malgré une multitude de structures dédiées et de programmes(PRACAS, DAC etc.) ayant entraîné un endettement colossal (de 200 milliards de Fcfa en 2012 à 16 000 milliards en 2023), le président Macky Sall n’aura pas réussi à faire du secteur de l’agriculture la locomotive de la transformation structurelle de l’économie de notre pays.
Il reviendra à son successeur de tenir compte des expériences du passé, en particulier des menaces qui pèsent sur le commerce mondial des produits alimentaires, en proie à des chocs exogènes devenus fréquents depuis l’année 2020 (COVID, guerre en Ukraine, conflit Israël Hamas) mais aussi sur les chaînes de production, d’approvisionnement et de transport à l’échelle du monde, et appellent à davantage de souveraineté économique, alimentaire en particulier.
Les problèmes internes du secteur de l’agriculture dans sa configuration actuelle devront également être réglés. Au-delà de la question foncière, il y a les problèmes d’équité quant à l’accès aux semences, aux engrais et autres subventions pour ce qui concerne les spéculations traditionnelles (arachide, niébé, mil etc.), et dont les solutions sont toujours remises aux calendes grecques par les gouvernants, au regard des coûts politiques qu’elles sont susceptibles d’engendrer pour eux qui songent toujours à l’élection prochaine.
In fine, malgré la concurrence inégale avec l’agriculture occidentale, protégée parce que fortement subventionnée et bénéficiant des technologies les plus avancées, nous pensons que la croissance agricole doit être tournée vers le marché intérieur et la conquête du marché sous régional.
Pour le marché intérieur, cible prioritaire, cela devrait aller de pair avec une politique de promotion de nouvelles habitudes de consommation, d’incitation du secteur privé à investir dans le secteur ainsi que de disponibilité de ressources financières adaptées via des banques de PME spécialisées à créer.