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27 novembre 2024
Opinions
par Bakary Sambe
AU SAHEL, APRÈS LE MILITARO-POPULISME, L'ISLAMO-NATIONALISME ?
Nous sommes désormais à l’ère de l’endogénéisation d’un salafisme ouest-africain et sahélien, avec une stratégie de normalisation à la faveur d’une puissante vague de souverainisme qui ne néglige plus aucun levier
Au Sahel, le terrorisme est une tragédie sécuritaire dont le caractère spectaculaire détourne souvent l’attention des décideurs d’un autre phénomène inquiétant : la montée de l’islam politique. Malgré une approche différenciée, les deux phénomènes nourrissent pourtant le même dessein : la destruction de l’entité étatique.
Destruction de l’État
Inattendu, violent, dévastateur, le terrorisme mise sur le spectaculaire là où l’islam politique vise une déstructuration progressive des fragiles États de la région en sapant, par la délégitimation, leurs fondements démocratiques et républicains. À cela s’ajoute un islamo-nationalisme lié à l’inséparabilité conjoncturelle entre les imaginaires religieux et nationalistes à l’heure des revendications identitaires.
Ces dernières rencontrent l’adhésion de certains caciques de la gauche traditionnelle, qui rêvaient de « grand soir », et celle des mouvances salafistes appelant au retour aux « valeurs ». Nul autre terreau ne pouvait être plus favorable aux alliances de circonstance entre des « anti-impérialistes » et des acteurs islamistes, tels Cerfi au Burkina Faso ou Izala au Niger.
L’arrivée des régimes militaires a ainsi mis en lumière de possibles connexions entre militaro-populisme et islamo-nationalisme. À Niamey, où Izala s’impose au sein même de la haute administration, les grands corps de l’État prêtent serment sous les Allah akbar des chefs de la junte. À Ouagadougou, les généraux rivalisent d’ardeur dans la récitation du Coran, ovationnés par les troupes et les foules idolâtrant un certain IB [Ibrahim Traoré]. Sa relation antérieure avec les mouvements islamiques et l’imaginaire de la « mission salvatrice » d’un musulman « enfin » arrivé au pouvoir favorisent une sainte alliance entre casernes et mosquées d’un pays majoritairement musulman. En 2014, sous Yacouba Isaac Zida, chef de l’État de transition après la destitution du président Blaise Compaoré, la communauté musulmane manifestait déjà son désir d’être mieux représentée dans les hautes sphères de l’État.
Alliance entre casernes et mosquées
C’est souvent du chaos qu’émergent les messies. Les échecs des régimes « démocratiques » successifs ont paradoxalement fait des coups d’État des moments de respiration intronisant des juntes aux solutions « magiques ». Pourtant, le Niger, le Mali et le Burkina Faso cumulent chacun pas moins de trente ans de régimes militaires, lesquels n’ont jamais pu empêcher ni la corruption ni la mal-gouvernance, et encore moins l’insécurité.
Les longues années de désengagement de l’État depuis les ajustements structurels ont aussi favorisé la montée en puissance d’organisations et d’ONG religieuses investissant des secteurs névralgiques, tels l’éducation, le travail social et les politiques de jeunesse. De plus, les courants islamistes se sont longtemps engouffrés dans la brèche de l’« antisystème » et de la critique du modèle démocratique, qui peine à réaliser les rêves de développement ainsi que les promesses de sécurité et de stabilité. Dans une parfaite stratégie de récupération des frustrations accumulées, les courants salafistes se départissent de leur caractère « importé », malgré l’influence des pays du Golfe. Ils veulent faire figure de réalité « endogène », s’inscrivant aussi dans la problématique – politiquement porteuse – de contestation de l’Occident impérialiste et « néolibéral ».
Endogénéisation du salafisme
Nous sommes désormais à l’ère de l’endogénéisation d’un salafisme ouest-africain et sahélien, avec une stratégie de normalisation à la faveur d’une puissante vague de souverainisme qui ne néglige plus aucun levier. On doit s’interroger sur les capacités d’un tel courant à se poser en recours crédible après l’échec, prévisible, des régimes militaires.
Les tombeurs des régimes civils « incompétents » sont-ils sûrs de ne pas faire le lit d’un militantisme islamique surfant sur le populisme ambiant et peut-être sur leurs échecs futurs pour incarner l’alternative ? Auquel cas les sociétés civiles, bridées par la forte réduction de l’espace démocratique ou embrigadées par des militaires, ne pourront plus arrêter cette vague qui s’annonce encore plus dévastatrice pour les États fragiles de la région.
par Abdoulaye Dieye
SUR LE CHEMIN DE LA PRÉSIDENTIELLE 2024, QUE D’INCERTITUDES ET DE POLÉMIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - En refusant de respecter une injonction de la CENA, la DGE a délégitimé l'Autorité. Si cette dernière usait de ses pouvoirs de dessaisissement ou substitution, les conséquences seraient majeures pour l'organisation du scrutin
Depuis que le président de la République est élu au Sénégal au suffrage universel, onze élections présidentielles y ont été organisées : en 1963, 1968, 1973, 1978, 1983, 1988, 1993, 2000, 2007, 2012 et en 2019. La première alternance au Pouvoir a eu lieu en 20OO et la seconde, en 2012. Beaucoup d’élections présidentielles[1] ont été suivies de contestations plus ou moins violentes au motif qu’elles n’ont pas été transparentes, qu’elles ont été émaillées de fraudes…
A chaque élection présidentielle, sa particularité.
Celle de 2012 (pour ne pas remonter plus loin) a été marquée, entre autres questions, par celle de la recevabilité de la candidature du président d’alors en exercice, le Président Abdoulaye Wade. Il est allé jusqu’à organiser un séminaire international animé par « des professeurs émérites, des doyens et professeurs venant des quatre coins du monde, pour simplement convaincre les sénégalais et la communauté internationale de la recevabilité de la candidature du Président Wade pour un troisième mandat. L’effet escompté n’a pas été atteint et la suite est connue.
Celle de 2019 a la particularité de s’être déroulée sans les opposants au pouvoir les plus en vue[2].
Tout porte à croire que l’élection de 2024 sera aussi marquée par la mise à l’écart de la principale figure de l’opposition, Ousmane Sonko. Élection présidentielle n’a jamais été marquée par autant d’incertitudes. Processus électoral a rarement été marqué par autant de polémiques.
I- Que d’incertitudes sur le chemin de 2024
Par décret n° 2023-339 du 16 février 2023, le président de la République a fixé la tenue de l’élection présidentielle à la date du 25 février 2024. La période de révision exceptionnelle des listes électorales a été fixée par le décret 2023-464 du 7 mars 2023. Pourtant, la rumeur à propos d’un report de la présidentielle est encore là.
1/ L’incertitude liée aux rumeurs actuelles d’un report de la présidentielle
Le Sénégal vit de rumeurs concernant la volonté du pouvoir en place de créer les conditions d’un report de la présidentielle de 2024.
Reporter la présidentielle suppose soit la prolongation du mandat du président de la République, soit sa démission à l’expiration de ce mandat prévue en avril 2024. S’agissant de la deuxième hypothèse (très improbable à notre sens), elle entraine la mise en œuvre de l’article 31 al 2 aux termes duquel, si la présidence est vacante par démission, empêchement définitif ou décès, le scrutin aura lieu dans les soixante (60) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus après la constatation de la vacance par le Conseil constitutionnel. En attendant la tenue du scrutin, le président de l’Assemblée nationale assure la suppléance.
En ce qui concerne la première hypothèse, il y a lieu de constater son « impossibilité » si l’on prend en compte la position du juge constitutionnel sénégalais. Notons d’abord que le droit constitutionnel, c’est la lettre et l’esprit de la Constitution mais aussi ce qu’en pense le juge constitutionnel. Ceux qui parlent de « prolongation du mandat du président de la République » ne tiennent apparemment pas compte de la teneur du Considérant 32 de la «décision» n°1/C/2016 dans lequel le juge constitutionnel dit clairement que Ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quel que soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée. C’est cet argument que le juge constitutionnel avait brandi pour rejeter toute possibilité, pour le président Macky Sall, de réduire son mandat conformément à son engagement.
Puisque le Conseil constitutionnel, même s’il n’est saisi que d’une demande d’avis, statue par des décisions motivées (loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016) et que ses décisions s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (Article 92 al 3 de la Constitution de 2001), nous devons considérer que le Droit a été dit.
2/ L’incertitude liée aux rumeurs (définitivement dépassées ?) relatives au troisième mandat
Le flou entretenu par le président de la République sur sa volonté de briguer un autre mandat a été préjudiciable à la paix sociale. Cela résulte d’une part d’une écriture prêtant à interprétations, d’autre part, de l’attitude du chef de l’État qui s’est séparé de tous ceux qui ont soutenu qu’il n’a pas droit à un troisième mandat et a promu tous ceux qui ont dit le contraire. En vérité, plus qu’une simple promesse électorale, se limiter à ses deux mandats était un engagement pris et constamment réitéré par le président de la République aussi bien devant l’opinion publique nationale qu’internationale[3].
Nous avons la conviction que tout cela aurait pu être évité si le juge constitutionnel sénégalais avait eu une attitude autre que celle qu’il a adoptée. En effet, il convient de rappeler que c’est par lettre n° 0077 du 14 janvier 2016, que le Président de la République avait saisi le Conseil constitutionnel, aux fins d’examiner la conformité du projet de révision de la Constitution « à l’esprit général de la Constitution du 22 janvier 2001 et aux principes généraux du droit ».
Après avoir considéré que la demande du président de la République a été formulée en des termes généraux, le Conseil a donné sa propre compréhension de cette demande en considérant qu’il doit se prononcer sur « le respect des principes et des valeurs sur lesquels repose la Constitution ». C’est sur la base de ces valeurs et principes que le Conseil a écarté la possibilité pour le demandeur de réduire son mandat.
Je suis d’avis que pour avoir supprimé la disposition transitoire (c’est bien le Conseil qui l’a supprimée) qui était prévue à l’article 27 dans la rédaction initiale aux termes de laquelle cette disposition s’applique au mandat en cours, le Conseil est en partie responsable de ce qui nous est arrivé à savoir ces discussions et controverses à propos de la possibilité pour le Président de la République de briguer un troisième mandat. Il est vrai que le juge a justifié sa décision par le fait que la disposition n’était conforme ni à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle mais il aurait dû poursuivre son œuvre pédagogique en nous proposant une solution (une rédaction qui nous aurait épargné ce que nous avons vécu jusqu’à l’annonce de sa non candidature). Il pouvait par exemple suggérer au gouvernement de prévoir une disposition transitoire pouvant être rédigée de diverses manières[4]. N’est-ce pas que le Conseil a dit dans son avis qu’il y lieu de rédiger autrement l’article 103 du projet de Constitution (Il a même proposé la rédaction suivante : les dispositions de l’alinéa qui précède ne peuvent faire l’objet de révision sauf pour en étendre le champ d’application). En plus, le juge est allé très loin dans la correction du projet du gouvernement aussi bien dans la forme que dans le fond (Voir les articles 2, 3,4,5…). Le Conseil aurait dû adopter cette attitude pédagogique à propos de la disposition transitoire.
La déclaration du 3 juillet 2023 du président Macky Sall par laquelle il précisa qu’il ne briguerait pas un autre mandat a mis fin au débat et a fait revenir une certaine sérénité dans le pays.
3/ L’incertitude quant aux participants à l’élection présidentielle
Le chemin qui mène à la présidence de la République est parsemé d’obstacles au Sénégal. Selon l’article 28 de la Constitution, peut être candidat à la présidence de la République toute personne qui :
est exclusivement de nationalité sénégalaise ;
jouit de ses droits civils et politiques ;
est âgé de trente-cinq (35) ans au moins et de soixante-quinze (75) ans au plus le jour du scrutin
sait écrire, lire et parler couramment la langue officielle.
Pour être recevable, toute candidature doit être accompagnée :
- soit de la signature d’électeurs représentant, au minimum, 0.6% (44.231 électeurs) et au maximum, 0.8% (58.975 électeurs) du fichier électoral général dans au moins 7 régions à raison de deux mille (2 000) au moins par région ;
- soit de la signature d’élus représentant 8% des membres de l’Assemblée nationale, ce qui correspond à treize (13) députés.
- soit de la signature de cent vingt (120) chefs d’exécutifs territoriaux.
NB : Si le nombre d'électeurs représentatif du minimum, soit 44.231 parrains, n'est pas atteint, il n'est pas procédé au traitement automatisé du fichier. Si le nombre d'électeurs représentatif du maximum, soit 58.975 parrains, est dépassé, il n'est pas tenu compte du surplus qui est nul et non avenu
L’article L.29 du code électoral renseigne que ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale :
1- les individus condamnés pour crime ;
2- ceux condamnés à une peine d'emprisonnement sans sursis ou à une peine d'emprisonnement avec sursis d'une durée supérieure à un mois, assortie ou non d'une amende, pour l'un des délits suivants : vol, escroquerie, abus de confiance, trafic de stupéfiants, détournement et soustraction commis par les agents publics, corruption et trafic d'influence, contrefaçon et en général pour l'un des délits passibles d'une peine supérieure à cinq (05) ans d'emprisonnement ;
3- ceux condamnés à plus de trois (03) mois d'emprisonnement sans sursis ou à une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à six (06) mois avec sursis, pour un délit autre que ceux énumérés au deuxièmement ci-dessus sous réserve des dispositions de l'article L.28 ;
4- ceux qui sont en état de contumace ;
5- les faillis non réhabilités dont la faillite a été déclarée soit par les tribunaux sénégalais, soit par un jugement rendu à l'étranger et exécutoire au Sénégal ;
6- ceux contre qui l'interdiction du droit de voter a été prononcée par une juridiction pénale de droit commun ;
7- les incapables majeurs…
L’approche d’une élection présidentielle au Sénégal n’a jamais été aussi marquée d’incertitudes concernant les acteurs qui vont y participer. En dehors du filtre que constitue le parrainage, la « situation judiciaire » des opposants Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Karim Wade constitue le facteur qui suscite beaucoup d’interrogations.
Le cas Ousmane Sonko, l’opposant le plus en vue du régime
Depuis sa troisième place à l’élection présidentielle de 2019 et ses résultats plus qu’honorables aux élections locales de janvier 2022 et législatives de juillet 2022, l’opposant Ousmane Sonko a eu beaucoup de démêlés avec la Justice. Auparavant, il a été radié de la fonction publique pour manquement au devoir de réserve. Il était Inspecteur principal à la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID).
À deux mois de l'élection présidentielle, l'incertitude plane toujours quant à sa participation à la présidentielle.
Il est difficile de ne pas analyser la situation judiciaire de Ousmane Sonko comme un complot « politico-judiciaire » visant à l’écarter de la présidentielle de février 2024 compte tenu du degré d’implication de l’Etat dans le processus judiciaire et de l’enchainement des évènements suivants ayant comme dénominateur commun, la remise en cause de son éligibilité.
Une éligibilité en question suite à l’affaire « Sweet beauty »
Accusé de viols et autres infractions, il refuse de comparaître le jour de son procès, le 23 mai, dénonçant un complot politique et se réfugie à Ziguinchor. Il est ramené de force à son domicile dakarois par le GIGN et placé sous haute surveillance policière. Il a été reconnu coupable « de corruption de la jeunesse » en première instance, le 1er juin 2023, et condamné par contumace à deux ans de prison ferme.
La première conséquence du jugement par contumace d’un individu est que la personne jugée ne peut pas faire appel. Il s’y ajoute que, même si le contumax a un avocat, ce dernier ne peut le défendre parce que son client est absent. Ces principes ont été strictement appliqués lors du procès du 1er juin.
Si, après la condamnation le contumax vient à être arrêté, le jugement est non avenu. C’est le code de procédure pénale en son article 356 qui prévoit que si les accusés jugés par contumace se constituent ou s'ils viennent à être arrêtés avant les délais de prescription, l'arrêt de condamnation est anéanti de plein droit et il est procédé à nouveau dans les formes ordinaires à moins que le contumax déclare expressément, dans un délai de dix jours, acquiescer à la condamnation.
Arrêté le 28 juillet 2023 sous le prétexte d'un vol de téléphone portable, il est poursuivi pour appel à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l’État, complot contre l’autorité de l’État, actes et manœuvres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves, diffusion de fausses nouvelles, mise en danger de la vie d'autrui, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et placé sous mandat de dépôt.
Tout porte à croire alors que le jugement de la Chambre criminelle qui l'a condamné se trouve anéanti de plein droit en application de l’article 356 du code de procédure pénale sus visé d’autant plus qu’il a vite rédigé une lettre adressée à l'Administrateur du Greffe du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar (TGIHCD) reçue le 03 août 2023, lui signifiant sa décision de ne point acquiescer au jugement.
Le Garde des sceaux, ministre de la Justice, ignorant le principe selon lequel il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas, conteste l’anéantissement du jugement de la Chambre criminelle au motif que le contumax n'a pas été arrêté dans le cadre de l'exécution du jugement du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar. Il cherchait à établir le caractère définitif de la condamnation de Sonko justifiant sa radiation des listes électorales annoncée le 03 août 2023 par le sous-préfet des Almadies. Entre temps, par décret n°2023-1407 du 31 juillet 2023 le parti Pastef a été dissout pour manquement à ses obligations en vertu de l’article 4 de la Constitution et de l’article 4 de la loi n° 81- 17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989.
La question a été tranchée par le TIHC de Dakar après que la décision de radiation a été contestée au tribunal de Ziguinchor conformément à l’article L43 al 2 du code électoral[5] et que la Cour suprême a cassé et renvoyé l’affaire devant le juge de Dakar. Le TIHC considère… qu'il est dit à l'article 307 que le jugement de contumace est anéanti de plein droit lorsque le condamné est arrêté ou s'il se constitue prisonnier avant la prescription de la peine ; qu'il n'est pas discuté que le sieur Sonko est arrêté et détenu ; que même à supposer comme le prétend l'Etat du Sénégal, qu'il s'agit d'une arrestation pour autre cause, dès lors que le contumax fait connaitre de façon expresse lors de son arrestation son état de contumax et déclare qu'il n'acquiesce pas au jugement, l'article 307 du CPP doit trouver application ; …que l'applicabilité des dispositions de l'article 307 CPP est d'autant plus incontestable qu'il est loisible au contumax, tant que la peine n'est pas prescrite, de se constituer prisonnier pour anéantir le jugement sauf à déclarer son acquiescement dans les dix jours ; qu'en le détenant, l'Etat le prive de cette faculté et ne peut, par conséquent, prétendre maintenir les effets de cette condamnation. C’est sur cette base que Le TIHC de Dakar a ordonné, le jeudi 14 décembre, la réintégration sur les listes électorales de Ousmane Sonko. Il a confirmé le jugement rendu en octobre par le juge de Ziguinchor. Cette décision a relancé sa candidature à la présidentielle de février 2024. Il avait alors jusqu'au 26 décembre pour déposer sa candidature et recueillir ses parrainages mais l’administration électoral a persisté dans son refus de lui remettre ses fiches de parrainage.
Nous ne comprenons pas pourquoi les services du ministère de l’Intérieur ont persisté dans le refus d’exécuter la décision de justice.
Nous ne comprenons pas quel est le fondement juridique du refus de la Caisse des dépôts et consignations -CDC- de recevoir le cautionnement de O. Sonko.
Nous ne comprenons pas l’attitude attentiste de la CENA à qui le législateur sénégalais a reconnu le pouvoir d’intervenir à tous les niveaux du processus électoral depuis l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats. Elle est chargée de faire respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, la transparence, la sincérité des scrutins en garantissant aux électeurs, ainsi qu’aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits.
Une éligibilité en question suite à l’affaire « Mame Mbaye Nang »
Dans une autre affaire de diffamation, l’ayant opposé au Ministre du Tourisme M. Mame Mbaye Niang, Ousmane Sonko est condamné en première instance à deux mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts. Alors que la partie requérante semblait satisfaite du jugement, c’est le Procureur de la République qui a fait appel confirmant les accusations d’une implication de l’Etat dans une affaire privée et son « intérêt » à obtenir une condamnation remettant en cause l’éligibilité de Sonko.
La Cour d'appel qui a statué en deuxième ressort, le 30 mars, a alourdi la peine en infligeant au maire de Ziguinchor, une condamnation de six (6) mois assortis du sursis pour "diffamation et injures" tout en maintenant la sanction pécuniaire.
L’objectif de priver O. Sonko de son éligibilité n’est pourtant pas atteint si l’on procède à une lecture très stricte de l’article L 29 du Code électoral.
O. Sonko n’a été condamné ni pour crime, ni pour vol, escroquerie, abus de confiance, trafic de stupéfiants, détournement, corruption et trafic d'influence, contrefaçon, ni pour l'un des délits passibles d'une peine supérieure à cinq (05) ans d'emprisonnement. Il n’est pas en état de contumace. Une interdiction du droit de voter n’a pas été prononcée contre lui. Il est frappé d’une condamnation de six (6) mois assortis du sursis. Or, l’article L29,3 vise ceux qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à six (06) mois avec sursis, pour un délit autre que ceux que nous venons d’énumérer.
Il faudra attendre de savoir ce que le pourvoi en cassation introduit devant la Cour suprême donnera, pour en avoir le cœur net.
Les cas Khalifa Sall et Karim Wade
Lancés officiellement le 31 mai courant, les travaux du dialogue national initié par le chef de l’Etat ont été clôturés le 22 juin. Ils ont été présentés par une bonne partie de l’opinion comme devant rendre possible les candidatures de Khalifa Sall et Karim Wade. Le nouvel article L.28, modifié par la loi n° 2023-16 du 18 août 2023 dispose que Nul ne peut refuser !'inscription sur les listes électorales : aux personnes qui, frappées d'incapacité électorale à la suite d'une condamnation, bénéficient de la réhabilitation ou font l'objet d'une mesure d'amnistie ou de grâce.
Pour les personnes bénéficiant d'une mesure de grâce, !'inscription sur les listes électorales ne pourra intervenir qu'après l'expiration du délai correspondant à la durée de la peine prononcée par la juridiction de jugement, s'il s'agit d'une peine d'emprisonnement, ou d'une durée de trois (03) ans à compter de la date de la grâce, s'il s'agit d'une condamnation à une peine d'amende.
Des interrogations demeurent malgré tout quant à la participation des « graciés) à l’élection de 2024. La grâce, contrairement à l’amnistie, n’efface que la peine mais laisse intacte l’infraction commise et la condamnation prononcée. Quelle sera la position du juge devant la déclaration sur l’honneur par laquelle un candidat, condamné à une peine d’amende, atteste être en règle avec la législation fiscale du Sénégal ? Que contient le volet n°3 du casier judiciaire des deux candidats ?
Karim Wade est-il de nationalité exclusivement sénégalaise ?
II- que de polémiques
a/ Polémique à propos de la portée de l’article 2 du décret n° 70-1216 du 7 novembre 1970
Autrement posée, la polémique a porté sur l’aptitude de l’Agent Judiciaire de l’Etat à intervenir en matière électorale ou autre en qualité de représentant de l’Etat.
Pour les avocats du candidat O. Sonko, l'Agent Judiciaire n'est pas recevable à intervenir dans la cause concernant la radiation de leur client puisqu'il ne dispose d'aucune attribution en matière électorale.
Comme réponse, la partie Etat a invoqué l'article 2 du décret n°70-1216 du 7 novembre 1970 portant création de l'Agence judiciaire de l'Etat et fixant ses attributions aux termes duquel : l'Agence judiciaire de l'Etat est chargé du règlement de toutes les affaires contentieuses où l'Etat est partie et de la représentation de l'Etat dans les instances judicaires. Toute action portée devant les tribunaux et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour les causes étrangères à l'impôt ou au domaine doit, sauf exception prévue par un texte spécial être intentée, à peine de nullité, par ou contre l'Agent judiciaire de l'Etat. Pour les avocats de l’Etat, la Direction Générale des Elections, la Direction de l'Automatisation du Fichier et le Ministère de l'Intérieur n'étant pas dotés de la personnalité juridique, l'intervention de l'Agent judiciaire est juridiquement fondée.
A travers l’arrêt n° 72 du 17 novembre 2023, la Cour suprême, statuant sur le pourvoi en cassation formé contre la décision du Président du Tribunal d'instance de Ziguinchor, a considéré que sans avoir à justifier d'un mandat, l'Agence judiciaire a un pouvoir de représentation générale de l'État, sauf lorsqu'un texte confère cette prérogative à d'autres services et celle-ci est admise toutes les fois où une entité ou autorité administrative dépourvue de la personnalité juridique et, par conséquent, de la capacité d'ester en justice, est en cause.
Cela ne semble pas être l’avis de l’ancien ministre, Mamadou Abdoulaye Sow, Inspecteur du Trésor à la retraite pour qui, si, comme l’admet la Cour suprême, l’AJE a un pouvoir de représentation générale de l’État qui lui est donné par un texte de 1970, comment comprendre alors que l’article 54 du décret n° 95-040 portant organisation du ministère de l’Économie, des Finances et du Plan ait prévu que (l’AJE) peut …recevoir mandat spécial de toute administration ou de toute personne publique ou organisme parapublic… pour les représenter en justice ou dans un contentieux extrajudiciaire .
Le TIHC de Dakar intervenant sur la question, considère que le requérant, en saisissant le juge chargé du contentieux de l'inscription sur les listes électorales aux fins d'obtenir l'annulation de la mesure de radiation a, lui-même, installé l'Etat dans la cause puisque l’acteur dont les actes sont contestés, c’est le Directeur de l'Automatisation des Fichiers, une autorité administrative déconcentrée, agissant en cette qualité et, par conséquent au nom de l'Etat du Sénégal. Le juge considère que la représentation de l'Etat dans le contentieux de l'inscription sur les listes électorales n'étant pas conférée à aucune autre entité, il va sans dire que cette prérogative revient à l'Agent judicaire.
b/ Polémique à propos du caractère suspensif ou non du recours en cassation après une décision du tribunal d’instance
La Direction Général des Elections a refusé d’appliquer la décision de réintégration du candidat Sonko conformément à l’ordonnance n°01/2023 en date du 12 octobre 2023 du Président du Tribunal d’Instance de Ziguinchor qui a annulé la mesure de radiation de ce dernier des listes électorales et ordonné sa réintégration par les services centraux du ministère de l’intérieur sur la liste électorale de la commune de Ziguinchor ainsi que sur le fichier général des électeurs au motif qu’il pendait un pourvoi en cassation au niveau de la Cour suprême. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une violation manifeste du code électoral qui énonce très clairement que la décision du président du Tribunal est rendue en dernier ressort, autrement dit, elle ne peut faire l’objet d’appel. La seule possibilité offerte à la partie non satisfaite, c’est un recours en cassation devant la Cour Suprême, conformément aux dispositions de la loi organique sur ladite Cour. Or, celle-ci ne prévoit que certaines hypothèses de suspension d’une procédure par un recours[6].
Il y a quand même eu des Sénégalais qui ont soutenu le caractère suspensif du pourvoi en cassation introduit devant la Cour suprême en arguant du fait qu’il importe de tenir compte de l’hypothèse de la cassation par le juge suprême de la décision d’instance. Le cas échéant, il risque d’y avoir réintégration suivie d’une nouvelle radiation si la Cour suprême casse et tranche la question autrement ou si elle renvoie devant une autre juridiction d’instance qui ne confirme pas le premier jugement.
Au-delà de la polémique, l’attitude de la DGE, a fait naître des suspicions légitimes quant à la neutralité et l’aptitude de l’administration électorale pour garantir la transparence et la sincérité du scrutin à venir ainsi que l’égalité des candidats. Or, le système électoral doit promouvoir des conditions d’exercice garantissant la transparence et la sincérité du scrutin ainsi que l’égalité des candidats.
La confiance des acteurs à une élection comporte un enjeu fondamental et même vital : le maintien de la croyance en la vertu de la légitimité démocratique. Cela n’est pas à négliger.
1. Éviter la pléthore de candidats à la candidature passe par un meilleur encadrement de l’opération « retrait de fiches de parrainage ». On pourrait instituer un cautionnement remboursable au candidat dont le dossier a été jugé recevable par le juge constitutionnel. Autant de candidats à la candidature (plus de 260 finalement) contribue à décrédibiliser la station présidentielle.
2. L’épisode du refus de la DGE de respecter une injonction de la CENA, doit faire réfléchir. Elle a enlevé toute crédibilité à cette Autorité. Quelle serait les conséquences d’une décision de la CENA de mettre en exécution les pouvoirs que lui confère la loi, à savoir les pouvoirs de dessaisissement ou de substitution d’action ?
Il est opportun d’étudier les possibilités de rattacher la DGE à la CENA et d’en faire son bras technique.
[1] Ce fut le cas des élections de 1963, 1968, 1978, 1988 et 1993
[2] A Karim Wade et Khalifa Sall, on a créé une situation judiciaire empêchant toute possibilité de participation. Accusé d’avoir profité de ses fonctions pour détourner 1,8 milliard de francs CFA de la régie d’avance de la mairie de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, a été condamné à 5 ans de prison ferme au terme d’un procès qui aura duré près de deux mois et demi.
En ce qui concerne Karim Wade, même si son arrestation était pratiquement une demande sociale, les sénégalais ont été surpris de constater que sur une liste de 25 personnes de l’ancien régime citées comme devant être poursuivies, seul ce dernier a finalement été poursuivi et condamné en 2015, ce qui l’éloigna de l’élection présidentielle de 2019.
A l'ouverture du Groupe consultatif 2014 pour le Sénégal, réunissant le pays, ses bailleurs et partenaires techniques et financiers (PTF), le Président SALL a déclaré ce qui suit : ' …La réforme ramènera à cinq ans, renouvelables une seule fois, le mandat de sept ans pour lequel j'ai été élu. Elle sera d'application immédiate. En visite de travail à Paris, il soutint, à l’issue d’un déjeuner avec son homologue français qu’il fera bel et bien un mandat de 5 ans au lieu de 7. (…il y a déjà une commission que j’ai confiée au président Amadou Makhtar Mbow qui est en train de travailler sur la question. Cette commission me soumettra des propositions, parmi lesquelles la première mesure sera la réduction du mandat en cours de 7 à 5 ans. Que ce soit par référendum ou par un vote à l’Assemblée, je réduirai mon mandat à 5 ans ».
Les différentes déclarations du président de la République exprimées à propos du mandat et qui circulent à travers des vidéos ont été émises entre 2016 et 2018. Cela rend inopérant l’argument selon lequel ceux qui ont voté « oui » au referendum de 2016 ont balisé la voie du « second quinquennat ». Qui n’a pas entendu le Président de la République dire que s’il est élu en 2019, il accomplit son deuxième et dernier mandat et qu’en 2024 « parénassi ».
Voir ci-dessous un extrait de l’avant-projet de Constitution proposé :
Article 151
Le président de la République en fonction termine son mandat au cinquième anniversaire de la date de son élection. Seules ne lui sont pas applicables au cours du présent mandat, les dispositions prévues à l’article 63 al 2.
Le mandat en cours du Président de la République lors de l'adoption de la présente Constitution est compris dans le décompte du nombre de mandats autorisé.
[5] Aux termes de l’article L 43 al 2 du Code électoral, tout citoyen omis sur la liste électorale ou victime d’une erreur purement matérielle portant sur l’un de ses éléments d’identification et détenant son récépissé peut exercer un recours devant le Président du Tribunal d’Instance dans les vingt (20) jours qui suivent la publication de la liste électorale, soit directement, soit par l’intermédiaire de la CENA.
[6] Aux termes des dispositions combinées des articles 36 et 74-2 de la loi n° 2017-09 sur la Cour suprême, le délai de recours et le recours ne sont suspensifs que dans les cas suivants :
1- en matière d’état ;
2- quand il y a faux incident ;
3- en matière de vente immobilière ;
4- en matière pénale, sauf, d’une part, en ce qui concerne les condamnations civiles et, d’autre part, l’existence de dispositions législatives contraires ;
5- dans les cas suivants :
déclaration d’utilité publique ;
expulsion d’étranger ;
extradition ;
litiges relatifs à l’élection aux conseils des collectivités territoriales.
Le professeur Abdoulaye Dièye est enseignant au département de droit public de la faculté des Sciences juridiques et politiques de l'UCAD
par Oumar El Foutiyou Ba
COMMENT ÉVITER DE FAIRE DU CONTRÔLE DE GESTION LE MOUTON NOIR DE LA REFORME DU BUDGET PROGRAMME
La mesure la plus indiquée serait de faire de sorte qu’au sein de chaque programme, les Contrôleurs de Gestion puissent principalement mobiliser leurs efforts sur les aspects liés à la cohérence interne, aux outils métier du Contrôle de Gestion, aux coûts
Dans le cadre de la transposition des directives du Cadre harmonisé des Finances publiques (CHFP) de l'Union économique et monétaire Ouest-africaine (UEMOA), le Sénégal a adopté dans son armature juridique des dispositions encadrant l’exercice du Contrôle de Gestion (CG).
Ce nouvel acteur annoncé dans le champ public semble devoir, si l’on y prend garde, emprunter un chemin semé d’embuches sans doute parce que la fonction CG constitue une question épineuse à plus d'un titre.
Le rôle assigné au Contrôle de Gestion
Les attributions dévolues au Contrôle de Gestion peuvent s’apprécier à travers le décret n° 2020 - 1036 du 15 mai 2020 relatif au Contrôle de Gestion qui le définit comme un système de pilotage mis en œuvre au sein d'un département ministériel ou d'une institution constitutionnelle, en vue d'améliorer le rapport entre les ressources engagées et les résultats obtenus au titre de l'exécution d'un programme budgétaire donné, sur la base d'objectifs préalablement définis.
A ce titre, le Contrôle de Gestion vise à garantir la performance en permettant d'alimenter le dialogue de gestion qui, toujours selon le texte, est le processus d'échanges et de décision institué entre les acteurs de la gestion budgétaire et relativement aux volumes des ressources mises à disposition, aux objectifs assignés et, plus généralement, à la performance des politiques publiques considérées.
Sous ce rapport, le législateur donne au Contrôle de Gestion un rôle conseiller à la performance du responsable de programme qu’il assiste dans la réalisation des objectifs qui lui sont fixés, à travers, entre autres, la préparation du cadre de performance du programme ; la coordination de la déclinaison des objectifs et des indicateurs de performance au niveau des actions et des activités ; l'élaboration, en lien avec les services producteurs de données, des fiches méthodologiques des indicateurs de performance ; la supervision de la mise en place du système de suivi des indicateurs et de reporting vers l'Administration centrale ; la coordination de la rédaction du volet performance du projet annuel de performance ; l'agrégation des résultats des entités opérationnelles territoriales et l'élaboration du rapport annuel de performance
Le décret précise que le Contrôle de Gestion, présent dans chaque programme, est piloté par la Cellule de Coordination du Contrôle de Gestion (CCCG) placée sous l'autorité du Secrétaire général de l’entité ministérielle ou constitutionnelle concernée.
Deux limites sur lesquelles risque de buter le Contrôle de Gestion
Au niveau interne, des insuffisances liées à la discipline et au métier
De nombreux auteurs, et en particulier Löning et al (2008), ont souligné l’un des talons d’Achille du Contrôle de Gestion dans le champ public. De façon générale, l’Administration poursuit l’intérêt général, un concept qui ignore l’idée de profit. Aussi ses missions renferment-elles des finalités purement sociales qui ne sauraient être prises en charge par cette fonction qui interroge, à bien des égards, les revenus et les coûts.
Il est donc à craindre pour le Contrôle de Gestion - une innovation dans l’Administration – qu’il ne se heurte à de nombreuses résistances puisqu’il trouve sur place des habitudes, des méthodes et des procédés qui diffèrent des siens, en particulier sur le champ de l’évaluation des politiques publiques, complexe même pour de nombreux planificateurs.
De plus, l’application du Contrôle de Gestion, une fonction connue pour ses pratiques disparates en entreprise, ne peut guère, au premier abord, trouver un terreau fertile au sein l’Administration eu égard à l’absence d’expertise interne au niveau du Secteur public, ce qui laisse entrevoir les immenses efforts à fournir.
Au niveau externe, un risque de concurrence avec les fonctions Suivi et Evaluation
Le décret n° 2020 -1036 confère de nombreuses attributions au Contrôle de Gestion. Nous avons choisi de mettre en évidence, plus haut, certaines d’entre elles qui seraient de nature à générer des effets de compétition avec les fonctions Suivi et Evaluation.
Les missions dévolues à la Cellule de Coordination du Contrôle de Gestion (CCCG), hormis celles dédiées à la maitrise des coûts, entrent en conflit avec celles dédiées aux Cellules d'Études et de Planification (CEP) des ministères. Pour rappel, la loi n° 2022-10 du 19 avril 2022 relative au Système national de Planification donne habilitation aux CEPs ou structures assimilées pour coordonner les fonctions de Planification, de Suivi et d'Evaluation des Lettres de Politique de Développement Sectoriel (LPSD) dont les objectifs stratégiques inspirent l’élaboration du budget-programme.
Les deux cellules citées sont rattachées au Secrétaire général de ministère, coordonnateur des programmes, et contribuent, chacun dans son domaine de ressort, à la performance desdits programmes. Alors que le Contrôle de Gestion est censé assurer son rôle de conseiller à la performance du responsable de programme à travers un représentant dans chaque programme, la CEP, grâce à la coordination de l’élaboration des documents de la chaîne PPBSE (Planification, Programmation, Budgétisation, Suivi, Evaluation), capitalise une expertise sans pareille dans la consolidation de la performance.
Sous ce rapport, ses compétences en matière d’accompagnement à la formulation et à la mise en œuvre de ses processus métier, d’organisation des données, de mise en place de dispositifs de suivi, de domestication de l’information évaluative ou de mobilisation des acteurs constituent des atouts dont aucun ministère ne peut se passer et par rapport auxquels elle surpasse le Contrôle de Gestion. A cet effet, il y a lieu de souligner le rôle central de la CEP dans la définition des indicateurs du cadre de performance de la LPSD qui inspirent tout autre document considéré, ce qui suffit à battre en brèche les dispositions, en rapport avec le Contrôle de Gestion, relatives à cet instrument.
Deux solutions envisageables
Il s’agit d’abord de repréciser le périmètre du Contrôle de Gestion
Quoique fondamental pour bonifier les actions développement, le Contrôle de Gestion n’intervient donc pas dans un champ vierge. C’est pourquoi pour bien s’insérer le nouvel espace qu’il est appelé à investir, à la faveur de la mise en œuvre du budget programme, il lui faut se déployer à travers une approche plus fine de la réalité afin que ses avantages, incontestables, puissent être capitalisés par le Secteur public.
Dans cette optique, il importe d’inscrire son action dans un cadre plus adéquat en valorisant ses apports qui ne seraient pas de nature à concurrencer tout autre acteur dont il viendrait compléter les efforts, les CEP en particulier.
Sous ce rapport, les dispositions du décret n° 2020 -1020 du 06 mai 2020 relatif à la gestion budgétaire de l'Etat avaient pourtant ouvert l’idée d’une solution pertinente face aux écueils qui entravent la bonne application du Contrôle de Gestion qui, faut-il le dire, dans son rôle d’animateur du dialogue de gestion, a besoin de la collaboration de tous.
Les dispositions de ce texte indiquent que le Contrôleur de Gestion facilite le pilotage de la performance des programmes et qu’à ce titre, il est chargé d'élaborer et de mettre en œuvre la stratégie ministérielle de contrôle de gestion ; de piloter la cellule de contrôle de gestion ; d'établir un système de contrôle de la mise en œuvre du programme à travers des tableaux de bord ; d'assurer un suivi des décisions issues du dialogue de gestion ; de contrôler et d'analyser les coûts des activités ; d'analyser les risques d'écarts entre les objectifs et les résultats attendus et de veiller à la prise en charge des mesures d'atténuation de ces risques ; de vérifier la fiabilité des informations contenues dans le rapport annuel de performance.
Il est clair que ces attributions sont au plus près des préoccupations des programmes et se rapprochent de la tradition qu’on connait du Contrôle de Gestion en entreprise. Elles pourraient être étoffées par d’autres de même nature à tirer du décret relatif au Contrôle de Gestion dès lors que celles-ci sont formulées de sorte à le faire participer ou contribuer à tout processus en rapport avec le pilotage de la performance sans qu’il en soit désigné responsable.
Il convient en second lieu de rationaliser le cadre institutionnel des entités ministérielles ou constitutionnelles
Afin de préserver le Secrétaire général de ministère, coordonnateur des programmes, des inévitables arbitrages sur les empiètements de missions et tiraillements entre responsables chargés de la Planification et du Contrôle de Gestion, il serait judicieux d’utiliser ce dernier de façon plus inclusive et intégrée aux dynamiques de suivi et d’évaluation des ministères.
Pour ce faire, la mesure la plus indiquée serait de faire de sorte qu’au sein de chaque programme, les Contrôleurs de Gestion puissent principalement mobiliser leurs efforts sur les aspects liés à la cohérence interne, aux outils métier du Contrôle de Gestion (analyse exécution budgétaire et écarts, ratios comptables et financiers), aux coûts engagés et aux revenus générés.
Leur intervention serait placée sous la coordination du Coordonnateur de la CEP situé à un niveau plus élevé auprès du SG, Coordonnateur des Programmes, puisqu’il revient à celui-ci la charge de veiller à l’alignement de tous les documents à la LPSD mais aussi d’appuyer toute autre entité dans la planification, le suivi et l’évaluation, son cœur de métier.
Présentée ainsi, cette logique teintée du sceau du pragmatisme qui permet à la CEP de se bonifier avec les données traitées par le Contrôle de Gestion au sein de chaque programme, tue le mal à la racine en consacrant la dissolution de la Cellule de Coordination du Contrôle de Gestion.
Au cas où cette Cellule serait quand même maintenue, ses missions d’appui au pilotage de la performance devraient être plus centrées sur le dialogue de gestion, sur la rationalisation des coûts et le suivi des indicateurs des programmes qu’elle n’a pas vocation à élaborer et occulter tout ce qui pourrait empiéter sur les prérogatives de la CEP en matière de Planification, de Suivi et d’Evaluation.
Oumar El Foutiyou Ba est écrivain, Conseiller en Organisation du BOM/SGPR, en détachement en qualité d’Expert sénior en Finances publiques à la GIZ .
par Jean Pierre Corréa
DU CALME BARTH, Y’A PAS LE FEU AU LAC
Anne Hidalgo n’assiste pas à toutes les réunions préparatoires de Paris 2024, et Barthélémy Dias n’est pas le seul maire concerné par les JOJ 2026, il est d’égale dignité avec ceux de Diamniadio et de Saly
D’abord l’information qui a fait office de « polémiques » n’est parue que dans les colonnes d’un seul quotidien sur la pléthore que compte notre pays, ce qui aurait dû amener notre gaillard de maire à plus de circonspection avant de ruer dans des brancards qui vont s’avérer sans poignées et qui vont le mettre dans une situation inconfortable pour le coup.
Pourtant Barthélémy Dias depuis quelques années, fait une sans-fautes, le maire de la capitale a pris de l’épaisseur, de la prestance, sans perdre son mordant de « Boy Town », qu’il assène d’une langue toujours bien pendue et adossée à ce qui est un mélange de fierté et de dignité. L’homme a de qui tenir, les fruits ne tombent jamais loin des arbres.
Mais comme on dit, « la politique est un jeu de séquences, il faut se battre quand il le faut, dialoguer lorsque c’est nécessaire et rester calme quand il n’y a pas lieu de s’énerver. Or la séquence de la réunion du Palais entre le président Macky Sall et le CNOSS, qui prépare les JOJ de 2026, était une séquence qui imposait d’être circonspect et attentif, certes, mais surtout honnête et clairvoyant. Au lieu de cela, Barth s’est laissé aller à ces rodomontades qui le caractérisaient encore naguère, menaçant de tout simplement interdire le déroulement de cet évènement universel à Dakar, si d’aventure, une autre réunion se tenait sans lui…Rien que ça !
Il est important de souligner, que le chef de l’État a le droit, alors qu’il est en train de mettre de l’ordre dans ses tiroirs, à trois mois de quitter ses fonctions, de faire le point entre les services dépendant de son pouvoir de président et les organisateurs, pour voir si tout se passe comme il faut et renforcer certaines initiatives à cet effet.
Il n’a jamais été question de minimiser l’importance du maire de Dakar dans un tel évènement, et cela lui a déjà et maintes fois été démontré. Anne Hidalgo n’assiste pas à toutes les réunions préparatoires de Paris 2024, et Barthélémy Dias n’est pas le seul maire concerné par les JOJ 2026, il est d’égale dignité avec ceux de Diamniadio et de Saly.
Cette séquence est un signe de nervosité qui serait en train de gagner le maire de Dakar, et ça ne lui ressemble pas. Mais de là à menacer de ses foudres une institution aussi importante que le CIO, c’est confondre « Angleterre et pomme de terre » … C’est méconnaître l’architecture même d’une telle institution séculaire… Du calme Barth ! Y’a pas le feu au lac !
C’est vrai qu’il a de quoi s’inquiéter, puisqu’avec le verdict rendu vendredi dernier par la Cour suprême, son mandat de député dépend à présent du bon vouloir du pouvoir en place, même si le plus inquiétant demeure le risque de perdre la mairie de Dakar.
Pourtant, d’après les textes régissant le code des collectivités locales, il ne court en principe aucun risque d’être destitué. Il est bon de préciser « en principe » … Mais on n’en est pas encore là, et il faut tout en restant calme, croire que l’architecte du dialogue qu’il a été, a pu l’être grâce à sa nouvelle stature et à ses lectures toujours justes d’une situation politique gazeuse, que ses positions fermes ont contribué à dissiper.
Alors, dès lors, pourquoi donc s’énerver ? Dakar accueillera les JOJ de 2026. Que ça plaise ou non au maire de la capitale. « Meroum guinar safoul tousinier ».
UNE DERNIÈRE MISSION POUR MACKY SALL
Alors que 2023 marque son crépuscule, Macky doit prononcer ses vœux présidentiels dans un contexte de fortes tensions politiques. Si des ruptures semblent irréversibles, il peut encore œuvrer à apaiser les esprits pour garantir une élection pacifique
Nous en sommes, comme chaque année, à l’heure des vœux. Pour nos familles, nos amis, nos proches, pour nous-mêmes. C’est l’époque où l’on entend fleurir des résolutions pour que les choses ne soient plus comme elles avaient été les mois écoulés. On sent que l’humain a besoin de changer. Beaucoup de gens font des vœux. Même les dirigeants en font. Pendant 12 ans, de manière rituelle, le président de la République est apparu sur nos écrans, pour faire un bilan -souvent exhaustif à l’ennui- sur ses réalisations, en termes d’infrastructures et de réalisations économiques. Bilan qu’il conclut souvent en nous faisant miroiter un futur, le plus proche possible, meilleur.
Macky Sall, dans ce domaine, n’a pas vraiment innové. Ses prédécesseurs, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, faisaient exactement pareil. Connaissant la personne, on sait que l’on échappera difficilement à la litanie des réalisations déjà opérées ou en cours d’exécution. Ce n’est pas au crépuscule que l’on va décider de déménager, dit un adage swahili. Et Macky Sall en est à son crépuscule. Ce n’est plus le moment d’attendre de lui des coups d’éclat. Surtout pas avec les gros obstacles qu’il a dû surmonter depuis près de 3 ans maintenant. En 2021 et 2023, le Sénégal a été secoué dans ses fondements. A un moment, surtout en mars 2021 et juin 2023, on a même craint que la chienlit n’emporte l’Etat. L’ironie est que la secousse qui a fait trembler les fondements du pays a été provoquée par le pagne mal noué d’une jeune femme ayant à peine atteint la majorité. On a alors pu voir une vilaine face de l’homme politique sénégalais, face que l’on n’imaginait jamais rencontrer dans ce pays.
Même à l’époque où Me Abdoulaye Wade et ses compagnons étaient parvenus à contraindre Abdou Diouf à décréter un couvre-feu et un état d’urgence, on n’avait jamais senti de détestation entre les acteurs politiques. Les contestations politiques pouvaient donner lieu à des excès, même à des violences et des casses, mais la classe politique parvenait toujours à trouver des espaces pour échanger, pour dialoguer. Abdoulaye Wade sortait de prison pour occuper un fauteuil ministériel, jusqu’aux prochaines échéances électorales. Tout cela, appuyé par des bons mots qui faisaient la joie des «titrologues» des rues et des commentateurs des grand-places.
Aujourd’hui, l’écart qui sépare certains acteurs politiques semble en avoir fait des ennemis. Avec l’amplification des réseaux sociaux, le langage politique est devenu vulgaire et criminogène. En plus, Internet a donné de la voix et de l’espace à tout ce qu’il y a de mauvais en l’homme sénégalais.
Avec tout ce qu’il a accompli dans ce pays, on imagine mal Macky Sall vouloir laisser, parmi son legs, l’image d’une classe politique dominée par des discours haineux, qui ne connaît plus le langage de la décence. Il n’a plus le temps de provoquer de profonds changements de mentalité. Mais il peut néanmoins commencer. Il a pris la bonne initiative de laisser à son «candidat dauphin», Amadou Ba, la corvée des inaugurations. Il est temps pour lui de se donner une dernière mission, à savoir prendre de la hauteur, afin d’aider à élever la classe politique au niveau d’excellence qu’il souhaite voir notre pays atteindre sur le plan économique. La mission est urgente, pour que nous puissions vivre une élection pacifique.
Il faudra souhaiter que les efforts du chef de l’Etat trouvent du répondant auprès de la classe politique, parce qu’il faut être deux pour dialoguer. Ce sera le seul moyen pour que le pays sorte gagnant de la Présidentielle du 25 février prochain.
par Ousmane Sonko
CHEIKH ANTA DIOP, UNE LUMIÈRE POUR LES DÉFIS ACTUELS ET À VENIR
Notre monde est en crise d'humanité et de civilisation. La pensée de celui dont nous célébrons le centenaire indique de regarder du côté de l'Afrique où se joue son avenir, là où précisément l'Humanité est née
Les échos de la célébration, par la communauté scientifique africaine et sénégalaise, de la vie et de l'œuvre du professeur Cheikh Anta Diop, me sont parvenus.
La commémoration du centième anniversaire de ce grand savant panafricain survient alors que la jeunesse, les communautés et les élites progressistes sont résolument engagées dans un combat politique et culturel pour la renaissance de l'Afrique et de sa Diaspora. Au centre de cette reconquête de l'initiative historique par les Africains, se trouve l'enjeu capital de la réappropriation de nos patrimoines historiques, culturels, linguistiques ainsi que celles de nos valeurs qui font la magnificence des civilisations africaines depuis l'Égypte pharaonique noire.
Faut-il le rappeler, le renouveau intellectuel et culturel dans lequel s’inscrit mon engagement repose sur la souveraineté. Et le projet porté par Pastef s'enracine dans l’histoire des peuples africains en lutte pour leur dignité et fondamentalement pour la souveraineté, la sécurité, la gouvernance démocratique, la richesse partagée et le bien-être de tou.t.e.s. conformément aux valeurs morales et humaines profondes de notre continent.
C’est pourquoi, la vision et le programme de Pastef s’inspirent d’ailleurs en partie de la pensée stratégique du professeur Cheikh Anta Diop dont l'enseignement doit être plus et mieux institutionnalisé.
Je suis d’ailleurs déterminé à relever le défi de l'éducation dans nos langues africaines, à donner des moyens accrus à la recherche dans tous les domaines, à développer la formation professionnelle valorisant tous les métiers productifs, artistiques et culturels. Mais surtout, je suis déterminé à mener une politique réellement panafricaine de remembrement solidaire des espaces économiques, commerciaux et culturels pour une économie d'abondance au Sénégal, dans notre sous-région et sur tout le continent africain.
Je sais que le professeur Cheikh Anta Diop a mis l'accent sur l'exploitation judicieuse de nos ressources foncières, minières, forestières, hydro-électriques, etc. en s'appuyant sur la recherche technologique de pointe. Il a par ailleurs démontré la nécessité de réaliser des infrastructures modernes de sorte à connecter toutes les régions du continent entre-elles. Tout ceci doit selon sa pensée renforcer le sentiment d'une nouvelle citoyenneté panafricaine. Et tout cela est l'aspiration exprimée par une jeunesse africaine en plein éveil de conscience.
Au demeurant, notre monde est dévasté par des inégalités sociales insoutenables, des violences et des guerres destructrices. Il est en crise d'humanité et de civilisation. La pensée de celui dont nous célébrons le centenaire indique de regarder du côté de l'Afrique où se joue son avenir, là où précisément l'Humanité est née.
Pour toutes ces raisons, je souhaite plein succès à cette importante célébration d’un homme modèle de vertus dont les travaux sont d’une brûlante actualité.
par Khadim Ndiaye
CHEIKH ANTA DIOP, 100 ANS AUJOURD’HUI
A l'occasion du centenaire de sa naissance, replongez dans les souvenirs que Jan Carew a laissés de sa rencontre avec Cheikh Anta Diop en 1972 en Éthiopie
En 1972, Cheikh Anta Diop se rend à Addis-Abeba (Éthiopie) pour assister à la Conférence annuelle de l’Association of African Studies (ASA) qui se tient dans l’immeuble de l’Organisation de l'unité africaine (OUA).
Diop y est accueilli par Tsegaye Gebre-Medhin (1936-2006), son disciple éthiopien, qu’il dirigera en thèse sur le théâtre égyptien dans les années 1980. Il y rencontre également Jan Carew (1920-2012), homme de lettres d'origine guyanaise, qui enseignera plus tard à Princeton et Northwester University.
La conférence enregistre la présence d’un autre invité de marque : le Guyanais Walter Rodney, auteur du fameux ouvrage, How Europe Underdeveloped Africa.
Jan Carew, narrateur enchanteur, rapporte quelques détails de ce séjour qu’il passa en compagnie de si distingués participants.
« Rodney et Diop ensemble à Addis-Abeba, quel événement historique ! », s’exclame-t-il. Le premier, « fils de la diaspora africaine », avait, selon ses termes, « consacré sa vie d'érudit-militant à entretenir la flamme de la libération africaine », tandis que le second « avait usé de ses formidables dons intellectuels, de son courage et de sa vision d'une Afrique libérée, pour redonner à ce continent et à ses peuples la place qui leur revient dans l’histoire du monde ».
Diop et Rodney n’ont pas pu, malheureusement, échanger longuement. Ils se sont croisés en passant, sollicités qu’ils étaient, tous les deux, par les interpellations de nombreux étudiants et curieux venus assister à la conférence. Décrivant leur aura et l’attraction qu’ils exerçaient lors de cette rencontre, Carew note que les deux illustrent invités étaient « comme des lions intellectuels au milieu des moutons académiques lors de cette conférence de l’ASA en 1972 ».
Carew loue également leur intégrité morale, soulignant chez eux, « le même genre d’honnêteté intellectuelle et d'intégrité morale » qui faisait grimacer les « accommodants ».
Ce face-à-face de 1972 entre ces deux grands esprits était leur première et dernière rencontre.
En marge de la conférence, Tsegaye, emmena Diop et Carew en excursion d’une journée durant laquelle ils découvrirent les beautés de la campagne éthiopienne.
Carew raconte exquisément le périple : « Nous traversâmes des lits de rivières asséchés et nous nous reposâmes à l’ombre d’acacias solitaires que les charbonniers avaient épargnés. Le premier lac que nous avons visité se trouvait dans un immense bassin concave bordé de collines blanchies jusqu’à l’os. Une combinaison de bûcherons débauchés, de pluies et d’érosion avait dénudé le paysage de sa végétation. Au bord du lac, il y avait un arbre sacré comme une sentinelle solitaire qui contemplait son image dans l’eau calme. L’écorce était tachée de sang sacrificiel et des centaines de clous avaient été enfoncés dans son tronc. »
Au cours de l’excursion, ils rencontrent une vieille femme que Carew décrit comme « courbée en deux sous le poids d'un énorme paquet de fagots ». La femme, poursuit Carew, « monta lentement la colline, équilibrant son fardeau et agrippant la terre de ses pieds nus. Elle luttait, non seulement avec le poids de son baluchon, mais aussi contre un vent froid et persistant. »
De manière spontanée, les trois hommes allèrent à sa rencontre pour l’aider. « Son visage, rapporte Carew, qui avait été brûlé par le vent et le soleil pendant des décennies, avait des rides profondes creusées par les saisons de labeur, en portant et en élevant des enfants et en luttant contre les angoisses quotidiennes. Pendant un instant, il y eut un regard effrayé dans ses yeux. Tsegaye lui parla doucement, mais elle continua péniblement, ignorant notre offre d'aide. »
Cheikh Anta Diop insista et la suivit. Se faisant aider de Tsegaye qui traduisait ses propos, Diop arriva à persuader la vieille dame d'accepter un don d'argent à sa famille. Ce que Carew qualifia de « geste d'amour, de compassion et d'amitié ».
Poursuivant leur chemin, les trois hommes semblaient fusionner avec la nature. Diop, solide, paraissait infatigable. « En marchant, écrit Carew, dans les collines où l’herbe desséchée avait été aplatie par le vent, et où Diop ne semblait jamais se fatiguer, nous nous arrêtions pour regarder un pélican se poser gracieusement sur la surface ensoleillée du lac. »
Subjugué par l’énergie du Sénégalais, déployée tout au long du séjour, Carew conclut : « Diop semblait avoir réussi une enviable harmonie entre énergie physique, spirituelle et intellectuelle. Je n’ai pas pu m’empêcher de le voir en contraste frappant avec les nombreux intellectuels noirs que je devais rencontrer constamment lors de conférences, et qui, dans leur tentative frénétique de redorer leur héritage et d’être acclamés par leurs mentors blancs, se déchiraient littéralement psychologiquement. »
Eh bien, cet homme sur lequel Jan Carew ne tarissait pas d’éloges aurait eu 100 ans aujourd’hui
par Alioune Dione
CHEIKH ANTA DIOP, INTINÉRAIRE D’UN SAVANT COURGEUX ET ANTICONFIRMISTE
Cheikh Anta Diop est avant tout un mémoire vivant, le panthéon du savoir nègre qui a su remettre sur les rails une vérité mise sous silence depuis plusieurs générations. Ces réflexions ne doivent pas être laissées aux oubliettes
« L’ignorance de l’histoire de son peuple est une forme de servitude ».
La lumière a jailli le 29 décembre 1923 dans le terroir de Caytu, un village se situant à 29 kilomètres du département de Bambey dans la région de Diourbel. C’est dans cette contrée qui se trouve à 150 Kilomètres de Dakar que Cheikh Anta Diop, digne fils de la Linguère Maguette Diop et du jeune Massamba Sassoum Diop qui décède peu de temps après la naissance de son prodige, a vu le jour. Orphelin de père, le jeune Cheikh Anta passe son enfance sous la tutelle d’érudits soufis, ce qui lui confère une base d’enseignement coranique et philosophique ancrée dans l’esprit du mouridisme. Son intelligence frappe très tôt son entourage, ce qui lui donna la possibilité d’entamer ses études scolaires à l’école française de Diourbel. Dès son arrivée à Diourbel, il vit sous le toit de Cheikh Ibra Fall, disciple ésotérique de Cheikh Ahmadou Bamba et père adoptif de Cheikh Anta, il lui inculqua la rigueur et l’ardeur du travail, valeurs intrinsèques du mouridisme.
Diourbel fut un terroir de formation et d’émancipation pour Cheikh Anta Diop, son enseignement en primaire fut sanctionné par le certificat de fin d’études primaires qu’il obtint en étant le premier du centre. Après sa réussite, il retrouve sa mère à Médina dans la banlieue dakaroise pour s’inscrire au lycée Vallenhoven qui est l’actuel lycée Lamine Guèye. Sa soif de connaissances et ses bases linguistiques solides en Wolof lui poussent à vouloir créer un alphabet commun pour les langues africaines. Un projet osé qu’il va abandonner pour mieux poursuivre sa carrière scientifique. Cheikh Anta fit sa première partie d’études secondaires à Dakar mais ses différends avec son professeur de français M. Boyau lui poussent à quitter Dakar pour s’inscrire en série mathématique au lycée Faidherbe de Saint Louis.
Esprit curieux, Cheikh Anta finit par obtenir son baccalauréat en Mathématique à Saint Louis, diplôme qu’il va réenrichir par son brevet de capacité coloniale en philosophie à Dakar. Parcours typique d’un jeune intellectuel à la conquête du savoir. Cette ingéniosité acquise si tôt lui conduit à Paris où il s’inscrit au lycée Henri-IV pour devenir ingénieur en aéronautique. Parallèlement, il va s’inscrire à la Sorbonne où il décroche sa licence de philosophie.
Préparant sa thèse sur l’historiographie africaine intitulée De l’antiquité Nègre Egyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique Noire d’Aujourd’hui dans laquelle, il affirme l’origine négroïde de la civilisation égyptienne, Cheikh Anta peine à réunir un jury pour sa soutenance. Ce refus des académiciens d’être membres du jury de sa thèse n’avait rien d’académique mais il était d’ordre idéologique. Le jeune chercheur sénégalais venait de faire bouger la ligne de stabilité scientifique sur l’hégémonie hellénistique comme source et fondement de toute science.
Les idéologues de ce refus cherchaient à protéger une supériorité scientifique et culturelle de l’Occident à l’égard des autres « races » secondaires, de ce fait, ils ne pouvaient pas accepter cette « vérité » qu’avançait un jeune nègre. Le combat d’historicité qu’a entamé Cheikh Anta a laissé perplexes le monde scientifique et surtout les Egyptologues sur l’origine négroïde des égyptiens. Une thèse que Cheikh Anta n’est pas le premier à avancer mais il est le premier à le démontrer avec tant d’acuité. Son courage intellectuel pour montrer que la scientificité n’obéit pas à des critères standards lui rapproche d’Aimé Césaire qui s’est battu pour lui trouver une maison d’édition. Quoi de plus normal que de publier cette thèse chez un éditeur africain ? L’ouvrage fut publié dans Présence Africaine, une maison d’édition créée par le philosophe Sénégalais Alioune Diop pour définir l’originalité africaine. L’ouvrage publié sous le titre Nations nègres et culture va bousculer l’univers intellectuel occidental. Historien, socio-anthropologue, philosophe et scientifique Cheikh Anta s’est battu sur tous les fronts de la science pour défendre sa thèse. Cette opiniâtreté lui a valu l’acceptation de sa soutenance en 1960. Cette soutenance polémique qui a duré sept heures de temps fut sanctionnée par une mention honorable pour tenir l’intellect rebelle hors des amphithéâtres occidentaux. Les critiques qui lui ont été faites sont d’ordre bibliographique et méthodologique pourtant dans le fond du problème aucune antithèse concernant l’origine négroïde de l’Egypte antique.
Cette brèche historique qu’à ouvert Cheikh Anta dans le monde scientifique ne sera pas laissée inexplorée. De conférence en conférences, d’ouvrage en ouvrages, Cheikh Anta approfondit sa pensée avec des arguments à la fois comparatifs, linguistiques et génétiques. L’ouvrage Nations nègres et culture vu comme un nouveau souffle de revalorisation de la conscience africaine n’en est pas seulement un ouvrage de galvanisation des Noirs et d’anoblissement des origines nègres, il est avant tout une thèse scientifique affirmant l’origine négroïde et monocentrique de l’Égypte antique. Elle démontre une souveraineté scientifique de l’Afrique noire dans les mathématiques, la géométrie et les sciences dites molles, ce qui lui opposera aux fondateurs du mouvement de la négritude qui s’axaient plutôt sur une relativité culturelle alors que Cheikh Anta Diop va au-delà d’une relativité qui ne décrit pas la réalité historique des faits.
La publication de l’œuvre de Cheikh Anta en 1954 annonce une rupture de perception rendant caduques toutes les théories qui avançaient l’origine polycentrique de l’Homme. Son courage intellectuel et son anticonformisme scientifique se confirment juste après sa soutenance où il prend le chemin du retour au Sénégal pour former les futurs intellectuels. Pourtant, sa candidature à la chaire de Sociologie à l’université de Dakar fut rejetée afin qu’il ne puisse pas formater les nouveaux étudiants à adhérer aux théories qu’il avançait. Ce rejet du poste d’enseignant-chercheur à ladite université qui porte son nom aujourd’hui va lui ouvrir les portes de l’IFAN où il sera assistant sous la direction de Théodore Monod. Ses travaux à l’IFAN sur le Mali et son laboratoire de datation des échantillons archéologiques par la méthode de radiocarbone lui donnent accès à des données qui vont plus éclairer sa thèse sur l’origine négroïde de l’Egypte et les relations socioculturelles et historiques que partagent les ethnies africaines et ceux des égyptiens antiques. Cette posture rebelle de l’intellect qui affirme que l’humanité a pris naissance en Afrique n’a pas manqué de résistances même chez ses disciples comme Amadou A. Dieng qui affirme : « l’un deçà de l’homme et l’au-delà de l’homme ne peut être connu par l’homme ». Cette critique est loin d’être scientifique dans la mesure où il est tout son ancrage repose sur une doctrine ésotérique refusant à l’Homme la capacité d’être à la fois sujet et objet de son origine et de son devenir.
Malgré la richesse de son parcours intellectuel, l’engagement politique de Cheikh Anta Diop fut un moment déterminent de son itinéraire intellectuel. Élevé dans un environnement mouride ou le nationalisme et l’anticolonialisme sont des doctrines for imprégnées, Cheikh Anta avait très tôt intériorisé les prérequis idéologiques contre toute négation ou domination. Ce qui lui a valu cet attribut d’adolescent hostile à l’autorité que lui taxait M. Boyau. Cette idéologie contestataire lui pousse à lutter farouchement contre la colonisation. Engagé en politique dès l’année 1947, Cheikh Anta consacre sa vie aux indépendances africaines. Il milite au Rassemblement Démocratique Africain dont il devient le secrétaire de 1950 à 1953. Dans cette organisation Diop fustige l’union française entre les pays africains et la France et propose un État fédéral africain. Ses prises de position à l’encontre de la Métropole vont se poursuivre jusqu’aux indépendances des pays africains en général et celle du Sénégal en particulier.
Dès 1961, Cheikh Anta Diop créa le Bloc des Masses Sénégalaises. Son engagement politique sera la cause de son emprisonnement en Juillet 1962, il sera libéré le mois d’Août de cette dite année. Son parti BMS fut dissout par le président Léopold Sédar Senghor en 1963. Suite à cela, il fonde le Front National Sénégalais pour contrecarrer la politique pro-occidentale Senghorienne, le parti sera interdit en 1964. En 1976, il crée un nouveau parti, le Rassemblement National Démocratique (RND), déclaré illégal peu après. Senghor démissionne du pouvoir en décembre 1980 et Abdou Diouf son successeur supprime les lois interdisant la formation de partis politiques. De cette façon, les charges qui pesaient contre Cheikh Anta Diop ne sont plus valables et le RND est légalement reconnu. Cependant, après les élections, Anta Diop refuse d’occuper le siège obtenu à l’Assemblée nationale pour protester contre ce qu’il considère comme des élections frauduleuses. Son esprit nationaliste et anticonformiste ne l’a pas propulsé en politique mais il a permis l’éclosion d’idées foisonnantes donnant corps et âme à l’afrocentrisme. Cheikh Anta au-delà de son apport intellectuel a donné un nouveau souffle de vie aux africains afin qu’ils se départissent de leur pessimisme ambiant et des affirmations fallacieuses faisant des peuples africains des populations non prométhéennes, primitifs et anhistoriques.
Cheikh Anta Diop est avant tout un mémoire vivant, le panthéon du savoir nègre qui a su remettre sur les rails une vérité mise sous silence depuis plusieurs générations. Ces réflexions ne doivent pas être laissées aux oubliettes car elles permettent un renouveau culturel et scientifique et déclenche un vent de changement et d’autonomie qui commencent à souffler partout en Afrique.
« Il faut veiller à ce que l’Afrique ne fasse pas les frais du progrès humain. (..) froidement écrasée par la roue de l’histoire. (…) On ne saurait échapper aux nécessités du moment historique auquel on appartient ».
Alioune Dione est Socio-anthropologue, auteur : Afrique et Contemporaneïté.
NE TIREZ PAS
Le tirage au sort pour le contrôle du parrainage sera suivi comme un tirage de la Can ! Entre passer parmi les premiers et se retrouver à gérer des doublons, c’est comme entre poule abordable et poule de la mort.
Le tirage au sort pour le contrôle du parrainage sera suivi comme un tirage de la Can ! Entre passer parmi les premiers et se retrouver à gérer des doublons, c’est comme entre poule abordable et poule de la mort. Des outsiders pourraient faire bonne impression avec ce mode. Et donc, il pourrait y avoir des surprises dès la phase éliminatoire de ce vendredi. Ay waay on risque de filtrer ay kangam ! Après avoir juré d’avoir bouclé leur collecte depuis longtemps. Ne tirez pas SVP ! Mais tous doivent s’en remettre à la «sagesse» des sept.
Par Assane Guèye
LA FETE EST FINIE…
La fête est finie. Le rictus use le sourire. La morosité profite de la porosité. La vie est onéreuse. Elle le sera de plus en plus. La précarité est au plus près à mesure que les milliards pleuvent. Le Sénégalais galère.
La fête est finie. Le rictus use le sourire. La morosité profite de la porosité. La vie est onéreuse. Elle le sera de plus en plus. La précarité est au plus près à mesure que les milliards pleuvent. Le Sénégalais galère. Dakar meurt d’ennui. Elle est illuminée de guirlandes sans être radieuse. Les cœurs ne brillent pas de mille feux. Sans lumière, ils sont de pierre. Les anges du civisme se comptent sur le doigt d’une main. Le démon a pris la main. Il a le visage de la discipline plongée dans une piscine sans fond. Le manque d’intérêt pour l’intérêt général est aussi un naufrage. Les années défilent comme des mannequins. 2023 a été un éternel recommencement de l’histoire.
La fête est finie. C’est chacun pour soi. Habillé aux couleurs de Coca-Cola, le père Noël, à son corps défendant, commet un impair. Les enfants ont eu moins de cadeaux. Au pied du sapin, on leur pose plus souvent des lapins. Les enfants de chœur sont aussi privés parce que les adultes n’ont pas la main sur le cœur. Le portable collé à la main est désormais chevillé au corps. Il baisse les vigilances les plus intraitables et génère des misanthropes. Après le mésentère, dernière découverte dans l’anatomie de l’Homme, le cellulaire est devenu un nouvel organe humain. «Nos créatures finissent par nous échapper», a dit l’inventeur d’Internet. À force de mauvaise utilisation, on en a fait une poubelle remplie de détritus. Les applications sont là pour nous rappeler qu’on ne s’applique plus.
La fête est finie. La musique n’est plus bonne. Elle a déjà été jouée. Les discothèques disparaissent. Les Disc-Jockeys sont moins intéressants. Les outils sont plus sophistiqués mais il n’y a plus beaucoup de génie pour s’en servir. Le talent se fait rare. «La musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots», a dit Wagner. Chez nous, ça parle beaucoup. La parole ne remplacera pas l’action ni la partition.
La fête est finie. L’année finissante est celle de l’autodafé. Visité en plein jour par l’obscurantisme, le temple du savoir a été mutilé. Les étudiants ne l’ont pas assez protégé. Ils en paient le prix. La soif de connaissance ne vaut plus rien à l’instar de lux mea lex. L’aplatissement a éteint les lumières. «Fermer une école, c’est ouvrir une prison», dit Victor Hugo.
La fête est finie. La bousculade au Conseil constitutionnel préfigure-t-elle la débandade. La quantité porte préjudice aux profils sérieux. Tout le monde parle en même temps. Personne ne s’entend au milieu de la cacophonie et la confusion. L’éligibilité est mise sur le même plan que la présidentiabilité. On mélange tout au lieu de faire le ménage.
La fête est finie. Le candidat du pouvoir croit au pouvoir de la continuité. Pourquoi n’a-t-il pas cherché un autre mot pour s’éviter la vacuité ? Le PM-candidat a des efforts à faire dans le discours pour ne pas risquer la discontinuité. Au sein de l’opposition baroque, on ne voit pas plus d’originalité. Elle balance les mêmes banalités à force de démagogie.
La fête est finie. Le divorce d’avec la jeunesse est brutal. La colère est là. Les gouvernements successifs se cassent les dents sur l’écrasante charge sociale. Les gens sont à bout. S’ils arrivent au bout de leur odyssée, ils ne voient jamais l’eldorado. C’est une légende. Une contrée utopique dont les murs étaient soi-disant en or. C’étaient des roches contenant du mica qui brillent au soleil. Pourtant, les damnés de la terre restent et demeurent les damnés de la mer. Citoyens d’un pays si stable, les candidats à l’exode se bouchent aussi les oreilles devant la perspective du pétrole et du gaz. Ils ne sont pas impressionnés.
La fête est finie. Les défaites vont s’accumuler au rythme des crises. Une fête de l’esprit nous tirera peut-être de ce mauvais pas. 2024 commence bon an mal an par le long tunnel de la Présidentielle.