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27 novembre 2024
Opinions
Par Amadou Lamine Sall
PLUS PRÉSENT QUE LES VIVANTS !
La mort ne nous a pas séparés de Senghor. Elle semble vaincue par le puissant souvenir qui garde Sédar hors de l’eau. Poète et homme d’État fondateur d’une nation au-delà d’une République. Rare en Afrique !
La mort ne nous a pas séparés de Senghor. Elle semble vaincue par le puissant souvenir qui garde Sédar hors de l’eau. Poète et homme d’État fondateur d’une nation au-delà d’une République. Rare en Afrique ! Poète consacré. Professeur consacré. Penseur consacré. Soldat meurtri. Prêtre rêvé et raté. Homme d’État qui a bâti plus l’histoire que l’histoire ne l’a bâti. Un homme accompli. Un chrétien croyant. Je n’ai jamais vu un homme prier autant que Sédar. Par ailleurs, il aimait nous dire ceci : « Je n’ai pas tout réussi. Il n’y a que Dieu pour tout réussir! »
Une grande humilité l’habitait. De la quête du savoir, il avait fait sa table, son lit et son viatique. Des Sénégalais l’ont aimé. Des Sénégalais l’ont détesté. L’homme d’État n’a pas fait l’unanimité. La vérité est que l’unanimité n’existe pas. La politique est une jungle classée, féroce, sans coeur et sans âme. Quand il arrive qu’un poète y entre, il y entre à reculons et en sort à reculons. Senghor n’a jamais cessé de dire combien le Seigneur et tous Ses saints l’avaient puni en le faisant entrer en politique. En portant son pays à l’indépendance, très vite, il a voulu se retirer pour aller écrire et penser. Il confesse combien le coup d’État de Mamadou Dia avait alors déjoué ses plans. Il fallait rester, dit-il, pour consolider l’État, le construire, le protéger. Il mit son autorité et son charisme au service de cette mission, vingt années durant. Il a trouvé ce temps interminable.
Il donna des gages à la culture, à la pensée, à la création artistique, ce qui éleva le Sénégal et le distingua par le monde, à ce jour. La particularité des artistes et des créateurs, c’est qu’ils sont des ambassadeurs qui n’ont pas besoin d’être accrédités par le politique ! Leur particularité à table avec les Grands de ce monde, c’est qu’ils se distinguent dans le menu, en commandant au chef cuisinier des fesses de serpent à la moutarde et quatre rats grillés. Sans sel !
Revenant à Senghor et à sa fermeté métallique pour ce qui relève du respect de l’État, je disais au Président Macky Sall qu’il était une douce colombe, comparé à Senghor, pour ce qui relevait de veiller à la sacralité, la grandeur et l’intouchabilité de l’État. Le béton armé laissé par Senghor ne doit jamais souffrir de la plus infime fissure. Un État ne s’effrite pas quand il s’agit de sa sécurité. Elle n’est pas négociable. Macky Sall est un solide et hermétique élève de Senghor en la matière ! Comme de Diouf !
Bien sûr, bien sûr, il y a la démocratie, il y a les libertés qu’il faut également sauvegarder. Mais la sécurité de l’État prime d’abord sur tout. Cependant, ceux qui se cachent derrière lui pour affaiblir la démocratie et les libertés n’ont pas raison. Ils sont nus. Mais jusqu’où la démocratie et la défense des libertés menacent-elles la souveraineté de l’État ? Qui doit arbitrer, décider ? Les lois, bien sûr ! Mais, n’arrive-t-il pas que des lois soient suspendues par des lois pour donner tous les pouvoirs à la raison d’État en cas de force majeure ? Difficile et complexe ! Mais ne serait-il pas utile, d’abord, de savoir et s’entendre sur le principe pour tous que la vraie liberté, c’est se donner soi-même des frontières ? La démocratie ne peut pas être une indisciplinée et folle école de liberté. C’est plutôt une école des frontières établie ensemble et partagée ensemble dans le respect des droits de chacun. La démocratie est une autoroute à péage régulée. Il faut s’arrêter aux barrières et attendre que son badge ouvre le passage, selon un code établi d’accord partie, d’accord consensus. Ceux qui rompent le consensus en choisissant de passer en force, ont tort et doivent répondre de leur tort et payer.
Revenons à Senghor !
Son étoile ne s’est pas éteinte comme son souffle. Cette étoile jamais ne s’éteindra. Le poète et l’homme d’État y ont veillé en nous laissant le seul héritage qui vaille : la puissance de la pensée ! L’argent et le paraître sont éphémères et ridicules. Les hommes politiques qui meurent sans tombe sont si innombrables ! L’oubli est leur cimetière et il n’existe pas pire cimetière que l’oubli !
Évitons des vies publiques mal servies, mal assumées, caillouteuses, boiteuses, indignes, gluantes, tortueuses, roublardes, sombres, basses, puantes. Servez d’abord votre pays et votre pays vous le rendra beaucoup plus et plus longtemps que l’argent mal acquis dans une éthique affaissée ! « Le temps politique n’est pas celui de la mémoire. » Et il est toujours trop tard quand l’on se rend compte que l’on ne devient plus rien et ne vaut plus rien, parce qu’en vérité, on n’a jamais été quelque chose !
Sous Senghor, entre pouvoir et opposition, on pouvait se détester dans une admiration réciproque. De part et d’autre, le niveau était haut et la noblesse non négociable. C’est fini depuis le départ d’Abdou Diouf ! Le « Sopi » a été dévastateur. Il portait son propre enfer. Il a, dit-on, tiré le Sénégal vers le bas du bas en démocratisant ce qui n’aurait jamais dû l’être. Le populisme a vaincu l’exigence du savoir, le goût du respect de soi, la norme d’accès à la fonction. « Un État n’est pas un hôtel de passe », tranche sèchement l’Ambassadeur de Tombouctou ! Par ailleurs, la faiblesse est humaine, mais elle ne peut pas et ne doit pas être présidentielle ! Macky Sall a remis de l’ordre, du rang, moins de rire, moins de ridicule, moins de honte ! Comme il peut !
Senghor était si démuni ! Je puis en témoigner devant Dieu ! Il avait du mal à faire face à ses impôts, ses factures. Il a refusé des dons de maisons offertes, arguant qu’il ne pourrait pas faire face aux impôts à s’acquitter. Abdou Diouf avait hérité de son mentor cette chasteté financière. C’est ce que j’ai gardé de profond et d’inoubliable de ces deux hommes d’État. De Wade, hormis l’insoutenable « bana-bana » politique, nous avons gardé la belle générosité du cœur. On nous dira que c’était avec l’argent des Sénégalais. Oui, mais ne donne pas qui peut mais le cœur qui veut. De Macky Sall qui nous quitte, nous gardons avec une profonde émotion, pour l’avoir approché, un homme désespérément habité par la justice sociale et qui sait qu’il quitte le pouvoir en ayant beaucoup accompli, mais toujours si peu, face aux enjeux économiques défavorables et aux attentes de son patient et courageux peuple. Cet homme n’est pas une statue. Non, il n’a pas une âme de pierre de rail. Il est touchant, il est prévenant. C’est un croyant. La vérité est qu’un Président qui gouverne n’est pas un ours qui danse ! L’autorité doit être son armure ! Chacun est libre de garder de lui l’image qui lui convient. Senghor, Diouf, Wade n’y ont pas échappé. L’exercice du pouvoir mène rarement dans des jardins de roses. Dans tous les cas, « il n’y a pas de vierges à la maternité ! »
Senghor ? Il vivait chétivement et sans coffre, dans une grande et infinie noblesse. Il était plus grand que la « politique » ! Il fut le vigilant horloger, l’esthète et l’homme du rêve fécondant. Abdou Diouf serviteur placide et chevronné de l’État. Abdoulaye Wade : le fou camionneur, l’homme de l’utopie démesurée. Macky Sall : l’art du froid et impérial praticien et de l’éveillé bâtisseur. Aux quatre mousquetaires, à chacun ses erreurs et ses triomphes ! Un Chef d’État, dit-on, devrait être comme une pomme de terre, c’est-à-dire accessible aux pauvres comme aux riches.
Un proverbe nous dit : « Nourrissez votre enfant jusqu’à ce que ses dents poussent et il vous nourrira quand vous aurez perdu vos dents. » Senghor nourrira le Sénégal, l’Afrique, la pensée mondiale, bien loin encore et très loin dans le temps, des siècles et des siècles à venir, quand les hommes n’auront même plus besoin de dents.
Si Senghor était une maison à louer, les prétendants se bousculeraient mais personne ne saurait verser la caution. S’il était à vendre, personne ne pourrait l’acheter, jusqu’aux banques de France et de Navarre, ainsi que tous les fonds des Émirats Arabes Unis. Ne le loue et ne l’achète que la lame aiguisée du savoir !
Senghor était si fin, si érudit, que le savoir était sa propre peau ! Son héritage intellectuel sera durable d’au moins cinquante mille ans ! Même les personnes peu instruites, l’attestent. Celui que l’on raillait comme étant un « toubab », a laissé la Négritude comme viatique aux Noirs de toutes les couleurs. Le Sénégal, dit-on, a si régressé en matière d’enseignement et de formation, que l’on pourrait emprunter à un ancien ministre de Senghor ces mots si justes qu’il avait tenus à l’endroit d’un maître d’école : « Il vaut mieux le payer à ne rien faire, plutôt que de le laisser dans une classe. »
Prions, priez pour lui et pour tous nos morts chéris et qui nous manquent tant ! Le Sénégal, ce pays aimé, toujours, triomphera de toutes les peurs ! C’est ainsi et ce sera toujours ainsi.
Par Biraam Dorcelus CISSE
L’ABSTENTIONNISME SENEGALAIS EN MATIERE ELECTORALE
Les comportements politiques reposent sur la socialisation politique et leur analyse renvoie à la question des formes de la participation politique des individus
Les comportements politiques reposent sur la socialisation politique et leur analyse renvoie à la question des formes de la participation politique des individus. La participation politique a pour but d’agir plus ou moins directement, sur la sélection du personnel politique et/ou sur les actions qu’il entreprend.
On distingue généralement la participation conventionnelle qui comprend la participation électorale (exercice du droit de vote) et la participation partisane (relations avec des partis ou des élus, participations aux campagnes électorales, adhésions partisanes, activités militantes) de la participation non conventionnelle qui regroupent des activités plus protestataires (par exemple : l’exercice des droits de pétition, de manifestation et de grève ; les occupations de locaux ; les pratiques de séquestration ; les actes de désobéissance civile).
La distinction entre ces deux formes de participation politique varie suivant les époques, les systèmes de valeurs et les régimes politiques existants.
Toutefois, il est en ce sens loisible de convoquer la problématique traditionnelle qui théorise la réticence délétère des Sénégalais à la plénitude d’une participation électorale.
Le fonctionnalisme sociologique est condensé dans une métaphore exprimant la froideur du regard porté par les Sénégalais sur leurs dirigeants et la négligence de leur capacité électorale : en réalité, il existe dans l’esprit sénégalais un désintéressement criard du vote. Voilà synthétisée l’idée du vote procédant d’une fonction sociale et républicaine.
La clarté qu’autorise une connaissance encyclopédique de la sociologie électorale est d’exprimer la pertinence de la part la plus ésotérique du complexe sénégalais du vote. Ce qui justifie l’urgence d’un changement de paradigme au sein même de la théorie, que je désignerais par l’expression de «vote autopoïétique». Ici surgit l’acmé sociologique de la théorie de l’abstentionnisme en matière électorale
Le vote est généralement considéré comme relevant de la participation politique conventionnelle, et non comme le degré zéro de la participation. En effet, il sous-tend une adhésion à la communauté nationale, c’est l’expression la plus éloquente de la dimension identitaire du vote.
La participation électorale se mesure par le pourcentage d’électeurs ayant voté lors d’un scrutin (taux de participation). Elle permet de mesurer d’une part, l’intérêt des citoyens à l’égard du scrutin et/ou du système politique et, d’autre part, le degré d’intégration sociale des individus.
En ce qui concerne l’intérêt des citoyens à l’égard du scrutin, un constat balafré nous tenaille : nous observons, à notre plus grand étonnement, que l’électeur sénégalais n’en a cure des élections législatives et municipales qu’il considère comme étant du «menu fretin», mais qu’il accorde une attention religieuse à l’élection présidentielle qui, selon lui, est le primat de toutes les élections.
Si l’on considère cet état de fait, l’élection présidentielle apparaît comme une réalité hypersensible, une sémantique particulière qui place la personne du Président au présidium de la démocratie. Cette élévation de la fonction présidentielle au pinacle de la République frise quelque peu à la déification de la personne du Président.
De ce qui précède, une analyse mathématique des chiffres issus de la Présidentielle de 2019 et des Législatives de 2022 nous aiderait à comprendre l’idylle entre l’électeur sénégalais et la Présidentielle.
Pour les Législatives de 2022, le nombre de suffrages valablement exprimés s’élève à 3 260 886. Seuls 3 279 110 électeurs sur les 7 036 466 inscrits ont choisi de voter, représentant ainsi un taux de participation de 46,64%. Parmi les inscrits, la majorité n’ont pas voté, soit 53,36%.
Pour la Présidentielle de 2019, nous avons noté 6 683 043 inscrits, seuls 4 428 680 ont décidé de voter, soit un taux de participation de 66,27 % et un taux d’abstention de 33,73 %.
A la lumière de cet exposé, une préoccupation s’impose : qu’est-ce qui justifie ce comportement de l’électeur sénégalais ? Pourquoi participe-t-il plus à l’élection présidentielle qu’aux autres scrutins ?
A notre sens, d’une part, la réponse réside dans la conception que l’électeur sénégalais a de la fonction présidentielle, et d’autre part, des pouvoirs «divins» qui sont dévolus au Président. Pour reprendre la vulgate biblique dans la parabole des talents : «A celui qui a beaucoup reçu, il lui sera beaucoup demandé.»
En effet, l’électeur voit le Président comme un monarque qui lie et délie, qui nomme et dénomme, qui condamne et gracie. Et puisque qu’il en est ainsi, il se doit d’être plus exigeant et plus participatif quant à son choix. Et de ce fait, une participation fervente et massive est notée à chaque Présidentielle, non du fait du scrutin, mais du fait de l’importance de la charge du futur élu. Sous ce rapport, il convient de préciser que l’électeur sénégalais, au cours des dernières années, s’est forgé une maturité électorale «spartiate» qui lui donne la capacité de faire une lecture politique poussée des candidats en lice avant de choisir. Il faut le dire, le temps des achats de conscience est révolu
La conception déifique inséminée dans la fonction présidentielle par l’électeur sénégalais justifie sa place de luxe dans le processus électoral lié au choix du Président.
Il ressort de cette analyse que, plus s’élèvent la pratique de la religion, le niveau de revenu et de diplôme, plus la participation à la Présidentielle est forte. Par ailleurs, l’appartenance géographique joue un rôle, dans la mesure où on note une participation plus élevée dans les localités rurales (du fait de la présence d’élus de proximité relativement connus, d’«un contrôle social» plus serré et d’un sentiment diffus que l’exercice du droit de vote est un devoir civique) que dans les localités urbaines (marquées par le développement d’un vote utilitaire, d’un «vote à la carte» liés aux caractéristiques politiques du scrutin).
Il est de loi d’airain que l’absence de participation électorale se traduit par deux types de comportement :
L’abstentionnisme et le défaut d’inscription sur les listes électorales
Le taux d’inscription sur les listes électorales est fonction de la plus ou moins grande intégration des individus à la collectivité nationale, confirmant la dimension identitaire du vote. Ainsi, ce taux augmente avec l’âge, avec le niveau de diplôme, avec l’existence d’une activité professionnelle et avec la pratique religieuse pour ne pas dire le radicalisme religieux (vote au commande)
L’Abstentionnisme
L’abstentionnisme se mesure à la proportion des individus inscrits sur les listes électorales mais qui ne participent pas au scrutin. Cette mesure est cependant problématique. Parmi les abstentionnistes, certains le sont involontairement (changement de domicile), d’autres sont recensés à tort (faux inscrits, erreurs d’inscription). A présent, procédons à une analyse politique de ce phénomène électoral.
I) L’analyse politique de l’abstentionnisme
Plus forte que - la fréquence des consultations est forte ;
- la notoriété des candidats est faible ;
- les programmes politiques sont peu différenciés ;
- le résultat de l’élection semble acquis ;
- les électeurs sont peu convaincus de l’importance du scrutin (enjeu institutionnel et politique), déterminée en partie par les efforts de mobilisation des candidats et par la place que lui accordent les médias. Cela explique en partie une participation différenciée suivant les scrutins (élection présidentielle, élections municipales, élections législatives).
On s’intéresse ici principalement aux causes proprement politiques de motivations des individus, parmi lesquelles, on peut relever :
- un sentiment d’‘hostilité à l’égard de l’élection ou plus généralement à l’égard du système politique ; - un sentiment d’indifférence qui, en réalité, oriente en grande partie les motivations des électeurs, bien plus que le sentiment d’hostilité.
Il reste qu’un tel sentiment ne marque pas significativement la population des abstentionnistes, dans la mesure où une grande partie de l’électorat ne montre que peu d’intérêt envers la politique.
II) L’analyse sociologique de l’abstentionnisme
Sur les tenants d’une approche sociologique de l’abstention, celle-ci s’explique moins par les sentiments d’hostilité ou d’indifférence des individus que par les sentiments d’incompétence ou du fait d’une faible intégration à la société. Ce type d’analyse insiste donc sur l’influence des diverses situations sociales (ex, appartenance socioprofessionnelle et géographique des individus comme facteur explicatif d’une faible abstention).
Pour A. Lancelot, dans son étude publiée en 1968, l’abstentionnisme recule selon le degré d’intégration à un groupe intermédiaire (importance du cadre de vie, lieu de résidence stratifié socialement ou non ; lieu de travail, homogénéité sociale) et selon le niveau de la participation sociale (pratique religieuse, adhésion à plusieurs associations, adhésion syndicale).
En définitive, l’abstention doit donc être considérée comme le produit d’une norme culturelle conditionnée par des facteurs sociaux, et non comme une attitude politique ou une attitude vis-à-vis de la politique.
Par Madiambal DIAGNE
A ABIDJAN, ALIOU CISSE ET SON GROUPE NE DEVRONT QUE GAGNER !
On ne peut pas aller remporter une si belle coupe au Cameroun et ne pas faire de même en Côte d’ivoire. La saine rivalité sportive ne nous laisse pas le choix : «Allez les Lions !»
La prochaine Coupe d’Afrique des nations (Can), qui se tiendra en terre ivoirienne à compter du 13 janvier 2024, sera très disputée et constituera un important challenge pour l’Equipe nationale de football du Sénégal. Il faut se le prendre pour dit, le Sénégal sera attendu et n’aura pas droit à l’erreur. Mais aussi, nous avons acquis, après un long et douloureux apprentissage truffé de déroutes, la culture de la victoire et nous ne saurions envisager de retomber dans nos amères frustrations de naguère. L’esprit de la «gagne» a soufflé dans la Tanière et tous les Lions du football, toutes catégories et toutes générations confondues, se font plaisir à ce jeu. Après une campagne camerounaise couronnée par un sacre, et de constantes performances dans tous les rendez-vous qui ont suivi pour nos Lions, on ne peut imaginer une Can où nous ne pourrions tenir les premiers rôles. Il y a un statut et une reconnaissance que le football sénégalais a pu acquérir au fil des années, qui demandent leur contrepartie de travail, d’efforts et de sacrifices, pour rester dans le cercle des grands, ou la Cour des grands, comme l’ont chanté Youssou Ndour et Axelle Red.
J’ai la conviction qu’en Côte d’Ivoire, l’objectif des Lions ne doit être ni plus ni moins que d’aller jusqu’au bout. Cela, au niveau sportif, le Sénégal a les atouts qu’il faut avec des joueurs performants dans les meilleurs championnats et toujours prêts au dépassement de fonctions et au surplus d’efforts dès qu’ils enfilent le maillot national.
Le sélectionneur Aliou Cissé a pu, depuis le lendemain de l’élimination en huitième de finale de la Coupe du monde 2022 au Qatar, tester différents dispositifs, faire appel à de nouveaux joueurs, proposer la carte du rajeunissement à certaines positions et surtout garder un groupe discipliné, solidaire et conscient de l’attachement qu’ont les 18 millions de Sénégalais pour eux. Ayant l’occasion de suivre certains des matchs de nos Lions un peu partout, je peux attester d’un état d’esprit bon enfant, d’une atmosphère professionnelle à tous les regroupements des Lions. Ils s’érigent en ambassadeurs de notre pays et assument leurs missions avec concentration. Il ne peut manquer certains ratés, mais nous pouvons dire que nous avons un groupe de jeunes prêts à toujours mouiller le maillot et qui se transcendent à l’appel de la Patrie.
Le temps du Sénégal est encore là
Au lendemain du sacre à la finale de la Can 2021, je disais dans une chronique intitulée «Je veux croire que le temps du Sénégal est arrivé», tout le bien que je ressentais d’un tel sacre. Au-delà de sa dimension sportive, c’était une concrétisation de plusieurs efforts sportifs, administratifs et d’une volonté politique dont le Président Macky Sall était le premier militant. Il n’a pas hésité, en douze années de magistère, à casser la tirelire de l’Etat pour accompagner les équipes du Sénégal dans les compétitions où elles sont engagées. Il faut dire que son prédécesseur, Abdoulaye Wade, avait indiqué la voie, en mettant des moyens importants à la disposition de l’Equipe nationale de football en 2002 à la Can au Mali et à la Coupe du monde de football en Corée et au Japon. Il disait avec satisfaction à la tête de liesses populaires pour fêter les hauts faits d’armes des joueurs : «J’ai misé sur les Lions et j’ai gagné.»
Nous le disions déjà dans une chronique en date du 27 décembre 2021, intitulée «Au Cameroun, seule la victoire sera belle pour le Sénégal», que l’Etat du Sénégal a, comme à l’accoutumée depuis quelques années, cassé sa tirelire pour l’Equipe nationale. Pourtant, notre pays est loin d’être la plus riche des nations participantes, mais le Sénégal a doté en moyens son Equipe nationale, mieux qu’aucun autre pays participant à cette compétition qui vient de s’achever à Yaoundé. Même le pays-hôte, le Cameroun, n’a pas dépensé pour ses Lions indomptables autant que le Sénégal pour ses Lions de la Teranga. Nous avions donc tous les atouts pour présenter l’équipe la plus complète ; l’exploit a été au rendez-vous, facilité par les conditions favorables. Cette victoire est aussi celle de la résilience. Nous avions été frustrés par la défaite de 2019, en finale, face à l’Algérie (0-1). Nous avions cru qu’on ne nous y prendrait plus à deux fois et le Sénégal se fixera un objectif qu’il est encore, après l’Egypte, le seul pays à avoir réalisé en Afrique, celui de disputer deux finales consécutives de Can. Tels étaient mes mots annonciateurs de notre premier sacre continental. Certains n’avaient voulu y croire !
Il n’y a aucune honte à vouloir que notre pays réédite des exploits qui nous vaudront fierté. Aux plans sportif et administratif, le dispositif qui nous a valu des succès sera encore là et a pu être éprouvé par le temps. Il suffira d’aller sur les mêmes bases avec plus d’abnégation et de détermination pour décrocher une deuxième étoile
S’il y a une invite à faire à l’Etat, à la Fédération sénégalaise de football et à tous les partenaires accompagnant l’Equipe nationale du Sénégal, c’est de faciliter le déplacement des supporters sénégalais en Côte d’Ivoire. La compétition se joue dans un pays relativement proche avec une offre conséquente de moyens de transport. Permettre au plus grand nombre de Sénégalais d’être aux côtés de leur équipe, en plus de la forte communauté sénégalaise bien établie en Côte d’Ivoire, peut donner un supplément d’âme à une bande de jeunes prêts à défendre leur pays et à le sublimer, chaque fois que l’occasion s’offre à eux. On peut bien envisager de mettre en branle des caravanes par voie terrestre pour rallier la Côte d’ivoire à des centaines ou des milliers de supporters. C’est le moment idéal de faire travailler Afrique Dèm Dikk, la succursale de Dakar Dèm Dikk dont la vocation est de conquérir le transport sous-régional de passagers. Au plan maritime, les navires Aline Sitoë Diatta, Aguene et Djabone, entre autres navires et paquebots, peuvent desservir des lignes pour déverser des contingents de supporters à Abidjan. La compagnie nationale Air Sénégal ne devra pas être en reste. Un pont aérien efficace et accessible peut bien être lancé. L’Equipe du Sénégal devra se sentir à domicile à Abidjan. Seule la victoire sera belle. On ne peut pas aller remporter une si belle coupe au Cameroun et ne pas faire de même en Côte d’ivoire. La saine rivalité sportive ne nous laisse pas le choix : «Allez les Lions !»
Oui, tout cela est bien joli, mais à quoi peuvent bien servir les efforts de l’Etat, combinés à ceux de nos champions, pour que nous ramenions encore une fois le trophée continental ? Flatter l’orgueil national n’est pas une raison suffisante. D’autant que nous avons vu, au milieu de l’euphorie nationale, des grincheux cracher sur le trophée, sous prétexte que les priorités étaient ailleurs : le chômage des jeunes en particulier…
Justement, là est toute la magie du football : il est l’ascenseur social qui permet à tout laissé-pour-compte de gravir les échelons de la Nation ; il est capable de créer des richesses et de réconcilier la jeunesse avec le travail, l’effort permanent et l’estime de soi. Dans notre contexte, c’est presque un luxe insolent. Gageons qu’une deuxième victoire à la Can inspirera nos autorités à davantage d’investissements au plan local pour faire du football, et plus généralement du sport, l’un des premiers créateurs d’emplois en direction des jeunes, de pourvoyeur de richesses et d’ambassadeurs du label Sénégal.
WEEK-END DE NGUEMB
Hé le monde là… les temps ont changé dé. On ne parlera peut-être plus d’investiture du candidat du Ps ou de l’Afp. On sera obligé de préciser «candidat socialiste du Ps» ou «candidat progressiste de l’Afp».
Hé le monde là… les temps ont changé dé. On ne parlera peut-être plus d’investiture du candidat du Ps ou de l’Afp. On sera obligé de préciser «candidat socialiste du Ps» ou «candidat progressiste de l’Afp». Amadou Ba a reçu, officiellement, le «nguemb» de la Maison du parti, avec ses «kharfa foufa» et même celui que Niasse lui a noué hier. Avec des prières pour l’Espoir de 1999 qui ne s’est malheureusement jamais concrétisé, ndey- saan ! Bougane aussi «ngembouna» avec beaucoup de «saafara». Pour ne pas rater le parrainage d’abord ! Lamb ji…
LE RAPPORT DE LA CNRI, L’INTÉGRAL
Renouveler les règles du jeu démocratique au Sénégal : c'était l'ambitieux mandat confié à la CNRI. Ce document revient sur l'impressionnante démarche participative entreprise pour associer les citoyens à la réflexion sur la réforme institutionnelle
SenePlus a publié, tout au long de la semaine écoulée, le rapport général de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) en quatre différentes parties. L'object de ces publications est de mettre à l'ordre du jour du calendrier électoral l'ensemble des mesures préconiées par ce creuset citoyen de rénovation de l'armature institutionnelle du Sénégal. Ci-dessous, SenePlus a compilé les quatre parties pour publier ainsi l'intégralité du rapport général de la CNRI, ci-dessous.
INTRODUCTION
Le présent rapport rend compte des travaux de la Commission nationale de réforme des institutions –CNRI- chargée, aux termes de l’article 2 du décret n°2013-730 du 28 mai 2013 l’instituant, de « formuler toutes propositions visant à améliorer le fonctionnement des institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’État de droit et à moderniser le régime politique ». Ce décret fait suite au décret n°2013-682 en date du 17 mai 2013 nommant M. Amadou Mahtar Mbow, ancien Directeur général de l’UNESCO, Professeur à la retraite, Président de ladite Commission.
Aux termes de l’article 4 du décret n°2013-730, la CNRI est ainsi composée :
Président : M. Amadou Mahtar Mbow Professeur à la retraite ;
Vice-président, M. Mamadou lamine Loum, Inspecteur du trésor ;
Rapporteur : M. Abdoulaye Dièye, Juriste, enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Rapporteur adjoint : M. Moussa Mbaye, Sociologue, Psychologue ;
Mme Aminata Diaw Cissé, Professeur de Philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop ;
Mme Ndèye Marie Diédhiou, Institutrice ;
M. Abdoulaye Bara Diop, Sociologue, Ancien Directeur de l’IFAN ;
M. Serigne Diop, Professeur de droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Me Sidiki Kaba, Avocat, Président de la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme[1] ;
M. Cheikh Hamidou Kane, Administrateur civil, Ancien Gouverneur de région, ancien Représentant régional de l’Unicef, Écrivain ;
M. Ahmadou Fadel Kane, Professeur de Géographie à l’UCAD, à la retraite ;
M. Amadou Moctar Mbacké, Magistrat à la retraite, ancien agent judiciaire de l’Etat ;
M. Saliou Mbaye, Archiviste, documentaliste, spécialiste des institutions sénégalaises ; Ancien Directeur des Archives nationales du Sénégal, Professeur à l’EBAD ;
M. Aloyse Raymond Ndiaye, Professeur de Philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
M. Mazide Ndiaye, Économiste, Coordonnateur du Comité de Veille sur le processus électoral ;
M. Seydou Madani Sy, Professeur à la retraite, spécialiste des institutions sénégalaises, Ancien Doyen de la Faculté de droit, ancien Recteur de l’UCAD ;
Mme Maïmouna Ndongo Touré, Magistrat à la retraite ;
M. Samba Traoré, Professeur de Droit à l’Université Gaston Berger de Saint Louis ;
M. Babacar Touré, Journaliste. Directeur d’un des premiers groupes de presse du Sénégal.
La CNRI s’est appuyée sur une plateforme technique coordonnée par Mme Ndella Ndiaye et comprenant MM. Mamadou LY, Sidy Cissé, Ibou Fall et Kader Gueye.
Le mandat reçu du président de la République
Le Président de la République, à travers les deux textes cités plus haut, rendait officielle la Commission nationale chargée de la réforme des institutions mais l’intention de créer celle-ci avait été annoncée le 14 septembre 2012, à l’occasion de la Journée nationale des Institutions.
Par une lettre remise à M. Mbow au cours d’une audience qu’il lui a accordée le 28 novembre 2012, Monsieur le Président de la République charge ce dernier d’« organiser une large concertation nationale sur les réformes à mettre en œuvre à court, moyen et long termes, pour doter le pays d’une armature institutionnelle moderne, à la mesure de son ambition de devenir et de rester une grande nation de démocratie ».
Aux termes de la lettre du Président de la République, les propositions que la concertation aurait à lui soumettre devraient notamment prendre en charge les problématiques suivantes :
« …
La consolidation de l’Etat de droit ;
L’équilibre des Pouvoirs entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire ;
Le renforcement de l’indépendance de la Justice ;
L’approfondissement de la démocratie représentative et participative ;
Le renforcement et la protection des libertés publiques ;
Le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration ;
La territorialisation des politiques publiques ;
La protection et la promotion des valeurs positives de notre société ;
La promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité ;
La stabilité institutionnelle ».
Le Président de la République indique en outre dans sa lettre, qu’il fallait, en tirant parti de l’expérience des « Assises nationales », veiller à ce que « la concertation soit large, participative, inclusive, démocratique et ouverte à tous les segments de notre société : acteurs politiques de la majorité comme de l’opposition, société civile, secteur privé, État, collectivités locales et ordres religieux, etc. » et qu’elle « devra s’appuyer sur les principes et orientations du programme « Yoonu Yokkute » et s’inspirer fortement des conclusions des « Assises nationales » et, en particulier, de la Charte de gouvernance démocratique.
Le décret n°2013-730 du 28 mai 2013 réaffirme en outre en son article 2 le caractère inclusif et participatif que la concertation devait revêtir et charge la CNRI de « formuler toutes propositions visant à améliorer le fonctionnement des institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’État de droit et à moderniser le régime politique ».
La démarche méthodologique de la CNRI
Si les décrets n’ont été signés qu’en mai 2013, c’est, dès le 16 mars 2013, que la Commission a commencé ses travaux par l’adoption d’un code de conduite et l’étude des voies et moyens pouvant lui permettre de mener à bonne fin la tâche qui lui était confiée. Un document de travail élaboré à cet effet fut remis le 07 mai 2013, au cours d’une audience, au Président de la République. Ce document indiquait tout le processus qui devait être suivi jusqu’à la fin des travaux, notamment les principes de base et les stratégies de mise en œuvre des consultations à mener.
Conformément au mandat qu’elle a reçu, la CNRI a estimé que pour que la concertation soit la plus large, la plus participative et la plus inclusive possible, il fallait interroger les citoyens par des méthodes pouvant leur permettre d’exprimer directement leurs points de vue soit individuellement soit de manière collective. Aussi, deux questionnaires furent-ils élaborés. Ils ont servi de support aux consultations qui ont été menées dans tout le pays. Pour préparer ces questionnaires, la CNRI a estimé devoir s’appuyer sur un bref diagnostic de l’évolution des institutions et des pratiques constatées durant les cinquante années d’indépendance, et en particulier au cours de la dernière décennie. En effet, une réforme des institutions n’a de sens que si elle découle d’une évaluation préalable des insuffisances et des dysfonctionnements dont elle montre l’existence et qu’il importe de redresser et elle n’a de chance de succès que si elle est précédée d’une large consultation avec les citoyens.
I-DISPOSITIF ET OUTILS DES CONSULTATIONS CITOYENNES
Pour mener un dialogue fructueux avec les citoyens, la CNRI a mis en place un dispositif et créé des outils pouvant permettre à tout sénégalais le désirant de participer aux consultations citoyennes à travers, d’une part, les panels citoyens, d’autre part, les enquêtes par questionnaires adressés aux organisations politiques et de la société civile (dites « porteurs d’enjeux ») ou aux citoyens.
Le dispositif
Le dispositif repose principalement sur les panels citoyens destinés à recueillir la « commande » citoyenne, consolidée par les résultats des enquêtes auprès des porteurs d’enjeux ; toutefois, pour s’assurer de la pertinence du diagnostic établi, la CNRI a organisé au surplus des fora populaires dont les débats ont porté sur les constats figurant dans ce diagnostic.
Les panels citoyens ont réuni des citoyens sélectionnés de manière à constituer un échantillon représentatif de la population de chaque département en tenant compte du genre, de l’âge, de la profession, de l’habitation, etc. En utilisant un questionnaire adapté et en constituant les citoyens en groupes suffisamment équilibrés pour que les opinions de toutes les catégories de la société puissent s’exprimer, leurs points de vue ont été recueillis sur les principes généraux et les orientations à donner aux réformes considérées comme indispensables;
Les enquêtes par questionnaires faites auprès des diverses organisations politiques, syndicales ou de la société civile désignées sous le vocable «porteurs d’enjeux» ont permis à celles-ci de se prononcer autant sur la pertinence et/ou les orientations primordiales que sur les options et modalités des réformes susceptibles d’être entreprises ainsi que sur le fonctionnement des institutions.
Parallèlement aux panels citoyens, le questionnaire d’enquête (porteurs d’enjeux) a été diffusé partout dans le pays pour permettre à tout citoyen ou toute organisation le souhaitant de participer au débat sur les institutions. Il a enfin été possible de remplir le questionnaire directement en ligne sur le site internet de la Commission.
Les fora populaires ont été ouverts à tous les citoyens voulant y participer. Ils ont permis de larges débats sur les questions institutionnelles en s’appuyant sur les éléments du diagnostic établi par la CNRI; l’objectif recherché était de vérifier la conformité du diagnostic établi avec le point de vue des populations.
Les outils
Les instruments de la concertation ont été constitués par un guide d’entretien pour les panels citoyens et d’un questionnaire d’enquête, détaillé et très précis, à l’adresse des porteurs d’enjeux.
Le guide d’entretien pour les panels citoyens et les enquêtes. Ils ont été confectionnés sur la base des résultats de l’analyse du fonctionnement des institutions et de la pratique constitutionnelle depuis des décennies, l’objectif étant de connaître les points de vue des citoyens sur les réformes institutionnelles à envisager. Ils ont été établis de telle sorte que les réponses correspondent de facto à des orientations en matière de réforme. Ils devaient permettre d’établir clairement la « demande citoyenne » en termes de réformes institutionnelles.
Le questionnaire destiné aux porteurs d’enjeux. Il devait permettre à ceux qui sont consultés de se prononcer sur le contenu même des réformes susceptibles d’être envisagées.
Les questionnaires n’enferment pas ceux qui sont consultés dans le choix d’options préalables ; il est laissé à ceux-ci la possibilité de les compléter en y évoquant des problèmes qui leur paraissaient correspondre à des exigences fondamentales en matière de réformes institutionnelles
Pour toucher le maximum de citoyens et les amener à se prononcer en toute connaissance de cause, ces outils ont été traduits dans les six langues nationales prévues par la Constitution mais également en arabe. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du pays, les populations ont été étroitement associées à la réflexion sur le contenu que devait revêtir la Constitution de l’Etat et ce, en utilisant les langues qu’elles parlent.
II-RENCONTRES DE LANCEMENT DU PROCESSUS DES CONSULTATIONS CITOYENNES
Avant la mise en œuvre du programme ainsi établi, la CNRI a tenu à rencontrer d’abord la presse, puis l’ensemble des partis politiques et des organisations de la société civile légalement reconnus pour leur donner des informations sur le processus et les enjeux des consultations.
La rencontre d’information avec la presse
La CNRI a tenu dans une rencontre avec la presse, le 20 juin2013, à faire connaître la raison d’être de la commission, sa composition, ses méthodes de travail, le dispositif qu’il a mis en place. Les points soulevés par les journalistes ont été les suivants : le critère du choix des membres ; le produit attendu des consultations citoyennes ; l’efficacité du dispositif retenu pour toucher le maximum de sénégalais ; les assurances reçues du Président de la République quant à l’application effective des propositions qui seront faites ; le mode d’approbation des réformes, par voie référendaire ou par voie parlementaire ; nouvelle Constitution ou non ; le budget de la CNRI…
Cette rencontre d’information avec la presse a, au moins, eu le mérite d’apporter une meilleure compréhension du processus des consultations citoyennes qui n’avaient pas encore démarré.
La rencontre avec les partis politiques.
La CNRI a organisé dans la matinée du 22 juin 2013 à Dakar une rencontre avec les partis politiques. Sur plus de deux cents (200) partis invités[2], quatre-vingt sept (87) ont pris part à la rencontre. Sur les invitations envoyées, soixante-dix-huit (78) ont été retournées au siège de la CNRI avec la mention « inconnu à l’adresse indiquée ».
Cette rencontre a permis à la CNRI de recueillir les points de vue, avis, suggestions, recommandations et critiques des participants. Les interventions ont principalement porté sur la durée de six mois de la mission de la CNRI qui, selon certains, serait trop courte, selon d’autres, excessive; la référence au « yoonu yokkuté » et aux « Assises nationales », les garanties qu’aurait reçues la CNRI de Monsieur le président de la République quant à la suite à donner au processus ; la nécessité d’entreprendre des démarches pour intégrer dans les concertations les partis politiques qui ne s’estiment pas concernés par les travaux portant sur les réformes ; la pertinence de l’organisation de nouvelles concertations alors que les conclusions des Assises Nationales ne sont pas mises en œuvre; la nécessité de prendre en considération la production intellectuelle des religieux, la durée de la mission par rapport à la date des élections locales ; les sources de financement et le montant du budget de la CNRI ; ce que devrait être la place des partis politiques dans le processus entrepris ; l’appréciation et l’attitude qu’il convenait d’avoir par rapport aux partis sans siège ni adresse...
Cette réunion a été suivie de rencontres individuelles avec des leaders de partis politiques notamment ceux de l’opposition qui n’y avaient pas participé. Ces rencontres ont permis de lever bien des malentendus.
La rencontre avec les organisations de la société civile.
La rencontre avec les organisations de la société civile a eu lieu dans l’après-midi du 22 juin 2013. Trente organisations de la société civile ont répondu à l’invitation (la plupart étant des coalitions ou organisations faîtières). Leurs interventions ont principalement porté sur: les moyens à mettre en œuvre par la CNRI pour atteindre les villages les plus reculés ; la nécessité d’aller au-delà des termes de références, les voies et moyens à utiliser pour mettre fin à l’émiettement syndical, la nécessité d’aller au-delà des six langues nationales pour toucher le maximum de Sénégalais ; le pourquoi de l’évocation du « yoonu yokkuté » ou de la référence aux « Assises nationales » ; l’aspect communication qu’il convient d’améliorer ; la nécessité de procéder aux réformes qui permettront le contrôle de l’économie sénégalaise par des nationaux ; l’obligation d’impliquer les Sénégalais de l’extérieur…
Des réponses appropriées ont été données à ces diverses interrogations. Les participants (société civile comme partis politiques) se sont félicités de la tenue de ces rencontres et ont salué le caractère rationnel de la démarche suivie par la CNRI, l’ouverture du processus à tous et la place donnée à l’avis du citoyen dans le choix des orientations fondamentales de la réforme.
Par ailleurs, pour tenir compte des souhaits exprimés par ses membres, en se conformant également à la lettre du chef de l’État en date du 28 novembre 2012, qui demandait que « la concertation soit ouverte à tous les segments de notre société y compris les ordres religieux », la CNRI a effectué des visites aux familles religieuses et leur a donné toutes les informations sur le processus.
Visite aux familles religieuses.
Des visites de courtoisie et d’information ont été organisées auprès des dignitaires religieux qui, selon leur disponibilité, ont reçu la délégation de la CNRI aux dates suivantes :
le clergé catholique, le 20 août 2013 ; La délégation a été reçue par le Président de la Conférence épiscopale.
le Khalife général des Tidianes le 21 août 2013. Elle a été reçue par le porte- parole à Tivaouane.
le Khalife général des Mourides, le 22 août 2013 à Mbacké Kadior ;
le Khalife de Léona Niassène, le 22 août 2013 à Kaolack ;
le Khalife de Médina Baye, le 22 août 2013 à Kaolack ;
le Khalife des Layennes, le 27 août 2013 à Yoff,
le khalife de Thiénaba, le 29 août 2013 à Thiénaba,
le Khalife de Ndiassane, le 29 août 2013 à Ndiassane.
la Famille Omarienne, le 23 septembre 2013,
le khalife de Médina Gounass, le29 septembre 2013
La délégation de la CNRI a été bien accueillie partout. Elle est revenue sur l’historique, la mission, le profil de ses membres et la démarche envisagée pour recueillir les avis de tous les Sénégalais qui désirent participer à la consultation sur le fonctionnement des institutions. Elle a également noté que la décision qu’elle a prise de faire traduire les documents en arabe a été saluée et bien appréciée de tous. Le caractère laïc de la République a presque partout été reconnu. Cependant, les règles à mettre en place ne doivent pas constituer une entrave à la pratique religieuse. Les Chefs religieux ont mis en exergue la nécessaire équidistance de l’Etat vis-à-vis des différentes communautés religieuses.
Des vœux de réussite, des encouragements et des prières ont été formulés.
III-TENUE DES CONSULTATIONS CITOYENNES
Une campagne d’information a été menée dix jours avant les consultations citoyennes, pour inciter les citoyens à s’impliquer dans la réflexion menée en vue de la réforme des institutions. Ses effets positifs ont été révélés par le taux de participation aux fora plus que satisfaisant dans la plupart des départements du pays.
La campagne d’information, de sensibilisation et de mobilisation.
Les consultations ayant pour vocation première de susciter un grand débat national, une intense campagne de sensibilisation et de mobilisation a été menée pour informer les citoyens et les organisations sur les modalités de participation aux concertations, en collaboration avec les radios communautaires et d’autres médias. L’objectif de communication consistait à attirer l’attention de l’opinion publique sur les concertations prévues et cela, dans un contexte particulièrement complexe caractérisé, entre autres, par l’hivernage qui entrait dans sa phase la plus délicate avec ses contraintes habituelles sur le monde rural, les vacances scolaires, la défiance ouverte d’une partie de la classe politique et de certaines personnalités de la société civile qui remettaient en cause la pertinence de la CNRI. Dans un tel contexte, il fallait lever les malentendus et donner au citoyen ou qu’il se trouve, la bonne information.
Tous les types de media susceptibles d’aider à atteindre les populations furent utilisés : la presse écrite, la radio et la télévision ; l’internet et les médias sociaux en général etc. S’agissant des canaux hors media, des films documentaires sur le processus, réseaux sociaux (Facebook, Twitter,…) ont été utilisés.
Le slogan retenu a été : « Je suis concerné par les institutions de mon Pays, donc je participe ».
L’accompagnement technique du processus des consultations citoyennes.
Pour faciliter le dialogue à la base, la CNRI a travaillé avec des organisations ayant une expérience avérée des processus participatifs et une implantation réelle sur tout le territoire national. Il s’agit de la Plateforme des Acteurs non étatiques (PFAnE) qui a eu à assurer la coordination des actions d’information des citoyens et de facilitation des consultations citoyennes dans les 45 départements du pays et de l’Organisation nationale de coordination des activités de vacances (ONCAV) qui a assuré l’organisation des Fora populaires dans toutes les localités.
Des facilitateurs chargés de modérer les débats et d’élaborer des synthèses sur les accords et champs de tension sur les différents éléments discutés, ont été recrutés dans les départements et formés le 17 août 2013 et lors d’ateliers nationaux. Pour le recrutement des facilitateurs, des critères objectifs ont été retenus : au minimum bac +2, une expérience en facilitation d’ateliers et de foras, une maitrise d’au moins une langue locale, une capacité de synthèse et de rédaction, une maitrise de l’outil informatique, une bonne connaissance du milieu ….
Les consultations citoyennes ont effectivement été organisées dans la période du 14 au 25 septembre 2013. A cette occasion, des fora (le 14 septembre 2013) et des panels (le 15 septembre 2013) ont été organisés dans les quarante-cinq départements du pays, Les panels citoyens ont enregistré 4.400 participants sur les 4.500 attendus (à raison de 100 participants dans chacun des départements). S’agissant des fora, le taux de participation a varié d’un département à un autre, mobilisant au total plus de 4400 citoyens.
Les consultations citoyennes ont ainsi permis de recueillir les points de vue des populations dans tout le pays.
Les fora et panels ont été organisés sous la responsabilité des facilitateurs chargés de modérer les débats et d’élaborer des synthèses sur les accords et champs de tension sur chacun des éléments discutés. Des superviseurs choisis parmi les membres de la CNRI renforcés par d’autres personnes ressources ont sillonné les quarante-cinq départements pour s’assurer du bon déroulement du processus des consultations.
Par ailleurs, des citoyens les plus divers ont eu à remplir le questionnaire destiné aux citoyens soit en ligne sur le site www.cnri.sn, soit à partir des versions imprimées, distribuées et collectées avec l’aide des facilitateurs de la PFAnE. Ainsi, tous les questionnaires qui ont pu être remontés à la CNRI dans les délais prévus ont pu être dépouillés et analysés.
Traitement et exploitation des données
Le traitement des données a nécessité la codification des questionnaires, dès qu’ils ont été stabilisés mais aussi l’élaboration d’un masque de saisie, la définition d’une procédure pour le traitement des données qualitatives et la mobilisation puis le recrutement des opérateurs de saisie. Cela a donné comme résultat, une présentation des résultats détaillés sous forme de tableaux et graphiques, puis a permis l’élaboration de synthèses spécifiques et transversales des résultats des panels, des enquêtes par questionnaires, etc.
L’exploitation de ces données a permis d’identifier :
les propositions ayant fait l’objet de « larges consensus »[3], sur la base desquelles un premier jet de recommandations et de dispositions constitutionnelles ont commencé à être mis en forme et discutés ;
les propositions sur lesquelles les positions étaient contrastées mais susceptibles[4] d’évoluer vers des « accords solides » à l’issue de réglages avec les représentants des différents porteurs d’enjeux ;
les points objets de rejets («désaccord manifeste ») par les citoyens et/ou les porteurs d’enjeux
les questions à soumettre à des experts pour approfondir et/ou clarifier certaines normes, dispositions ou options.
Pour identifier objectivement la « commande citoyenne », il était indispensable d’adopter une démarche dont toute étape est vérifiable. En réponse au principe de base de la concertation qui indiquait que « les consensus forts issus des consultations citoyennes à la base sont réputés primordiaux par rapport aux positions et contributions des experts et porteurs d’enjeux », la CNRI a défini une procédure de travail qui respecte les options citoyennes sur chaque question débattue[5] . Cette démarche, de nature scientifique, a permis d’assurer une lisibilité et une traçabilité de toutes les opérations de dépouillement, de compilation, de mitigation (le cas échéant), de synthèse et de présentation des données issues de l’exercice. Des critères de classement des résultats des consultations étaient établis et validés en amont du traitement de manière à s’entendre facilement sur ce qui pouvait être considéré comme consensus solide, ce qui ne l’était pas et ce qui nécessitait un approfondissement, des clarifications ou dialogues supplémentaires. Ces dernières ont été approfondies avec les porteurs d’enjeux et les experts selon le cas.
Les résultats issus des consultations citoyennes devaient s’imposer à tous, y compris aux membres de la CNRI qui, dans cette phase, interviennent au bout du processus comme un facilitateur. Dans le cas où, malgré cette démarche, des questions ne pouvaient pas déboucher sur un compromis, la CNRI a été amenée à proposer la solution qui paraissait la plus équilibrée.
Cette approche rompt avec la démarche habituelle qui consistait à mobiliser des spécialistes qui produisaient une charte fondamentale qui, même lorsqu’elle était pertinente, souffrait d’une non appropriation par les citoyens.
L’atelier de réglages avec les porteurs d’enjeux
L’objectif de cet atelier qui a réuni les représentants des partis politiques et ceux des organisations de la société civile était de recueillir les opinions des porteurs d’enjeux sur des questions qui nécessitaient un approfondissement. Cela devait permettre à la commission de lever les ambigüités et d’avoir une meilleure compréhension des positions. Les membres de la commission, notamment les modérateurs et les facilitateurs, ont pu ainsi faire évoluer certaines positions vers plus de consensus. Les résultats de ces discussions ont été exploités par la CNRI dans la suite de ses travaux, à chaque fois que de besoin.
La méthodologie utilisée et les outils mis en œuvre ont permis à la CNRI de recueillir les orientations citoyennes en matière de réforme institutionnelle. Cette demande citoyenne sera résumée dans les pages qui suivent.
IV-PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES ORIENTATIONS CITOYENNES POUR LA RÉFORME
Sur la base du diagnostic établi, une question principale a été soulevée dans chaque domaine et soumise aux citoyens, l’objectif étant de connaître les orientations citoyennes en matière de réforme institutionnelle. Le document renfermant le résultat complet des consultations citoyennes avec les scores enregistrés pour chaque rubrique est annexé au présent rapport.
LA GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Si la souveraineté appartient au peuple, ce dernier a peu de moyens de contrôler l’action des élus auxquels il délègue son exercice ; ce qui nous met devant un double défi : celui de participation des citoyens et celui de reddition de compte de ses délégataires.
Quelles orientations pour rendre effective la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques ?
Les citoyens ont dégagé un certain nombre d’orientations qui, devraient rendre effective la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques. Cela va de l’implication et de la responsabilisation des citoyens dès la conception des programmes à la consultation des populations par l’État en passant par le développement d’instruments de participation citoyenne démocratique. Il y a lieu de renverser le paradigme de prise de décision sur les orientations fondamentales et dans la planification, à tous niveaux et ce, par l’interrogation des citoyens à la base pour toutes orientations et l’institutionnalisation du budget participatif. Les citoyens insistent sur le nécessaire rapprochement de l’administration des citoyens par la création de cadres consultatifs dans les villages et quartiers mais aussi sur la promotion d’une éducation à la citoyenneté renforçant les capacités des populations sur leurs droits et devoirs dans la gestion des affaires publiques, sur le contrôle citoyen et enfin, sur le renforcement de la décentralisation et de la démocratie locale.
Les citoyens sont en phase avec les dispositions qui proposent l’institutionnalisation de la concertation avant toute prise de décision majeure dans la gestion des affaires publiques, le droit accordé aux citoyens d'adresser des pétitions aux autorités en vue de défendre leurs droits ou de dénoncer les actes illégaux ou les abus de pouvoir, la reconnaissance du droit d’initiative populaire dans la procédure législative, le droit des citoyens d’initier un référendum sur des questions d’intérêt national. Les enquêtes auprès des porteurs d’enjeux (organisations politiques et de la société civile) confirment de larges accords autour de ces mêmes propositions.
Quelles orientations pour systématiser la reddition de compte ?
Les citoyens insistent sur la nécessité d’asseoir des mécanismes de reddition des comptes et de contrôle citoyen, notamment la systématisation des budgets participatifs au niveau des collectivités locales, et le suivi-évaluation des politiques publiques.
LES DROITS ET LIBERTÉS FONDAMENTAUX
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Concernant, les droits et libertés, on ne peut manquer de relever, d’une part, un manque d’effectivité de certains d’entre eux (y compris en matière de sécurité des citoyens) et, d’autre part, la persistance dans notre Droit de certaines dispositions liberticides.
Quelles sont les mesures proposées par les citoyens pour une protection efficace des droits et libertés ?
Les citoyens ont noté et déploré les nombreux abus en matière de garde à vue. C’est ce qui justifie la proposition récurrente de la présence obligatoire d’un avocat dès les premières minutes de la garde à vue. Après avoir reconnu la large panoplie de droits et libertés prévus dans les textes, ils déplorent le manque d’effectivité de certains d’entre eux. S’agissant de la liberté de manifestation, les citoyens estiment qu’il y a lieu de veiller à l’application de la loi, d’édicter des délais précis pour signifier aux intéressés l’interdiction d’une manifestation publique afin de permettre la mise en œuvre du droit de recours, de mieux motiver les interdictions et de garantir la sécurité des biens et des personnes.
Pour rendre effective leur sécurité, les citoyens préconisent la mise en place d’un système de sécurité de proximité, le renforcement des moyens d’intervention des forces de sécurité et l’ancrage du civisme et du patriotisme.
En ce qui concerne l’effectivité des droits des personnes vivant avec un handicap, les citoyens proposent la mise en œuvre du statut de la personne handicapée, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique de discrimination positive et l’adaptation des infrastructures pour leur meilleure mobilité. Ces mesures seront de nature à les préserver de l’abandon moral, de la marginalisation et de la stigmatisation.
Les citoyens partagent largement les dispositions qui préconisent que les administrés aient le droit de saisir, à tout stade de la procédure, le Juge constitutionnel par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité dans les affaires qui touchent aux droits et libertés fondamentaux des citoyens. Ils estiment que l’intérêt à agir et, par voie de conséquence, le droit de saisine de la juridiction compétente doit être reconnu aux organisations de défense des droits humains et environnementaux dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. Ils préconisent, enfin, que l’égal accès à l’information administrative soit garanti aux citoyens.
En droite ligne avec ces orientations, les porteurs d’enjeux se prononcent également en faveur de l’institution d’une Charte des libertés et de la démocratie, gage de l’attachement de notre pays aux libertés publiques, à une justice équitable, à la démocratie, à des élections sincères et transparentes, et à la bonne gouvernance. Par ailleurs, pour une administration républicaine, au service exclusif des citoyens, consacrant l’égalité de leurs droits, les porteurs d’enjeux estiment que l’État doit garantir aux citoyens le droit d’accès à l’information sur le fonctionnement de l’administration et la gestion des affaires publiques, de même que la protection des données personnelles
SÉPARATION ET ÉQUILIBRE DES POUVOIRS
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, théoriquement indépendants les uns des autres, ne sont en fait ni séparés ni équilibrés… On note une « prédominance du Président de la République » sur les Pouvoirs législatif et Judiciaire…Il peut décider de tout, sans que sa responsabilité soit réellement engagée… Le Parlement est trop largement soumis à l’influence du chef de l’exécutif : il n’exerce pas toutes ses prérogatives dans le vote des lois et dans le contrôle efficient de l’action du gouvernement… Le Pouvoir judiciaire, supposé indépendant, se retrouve sous une certaine dépendance au Pouvoir exécutif…
Quelles orientations pour avoir un équilibre des Pouvoirs ?
Les citoyens préconisent des réformes au sein de l’Exécutif, du Législatif mais aussi du Judiciaire, avant d’en arriver à la recherche de l’équilibre des Pouvoirs.
Concernant l’Exécutif, les citoyens reconnaissent au Président de la République le pouvoir de déterminer la politique de la nation, d’avoir l’initiative des lois et de nommer aux emplois civils et militaires ; ils préconisent toutefois un certain nombre de mesures destinées à atténuer l’hypertrophie de la fonction présidentielle. C’est ainsi qu’ils estiment que le Président de la République doit cesser d’être chef de parti dès son élection. Ils insistent pour qu’un contenu soit donné à la notion de « haute trahison » et que le pouvoir de nomination du Président soit mieux encadré. Ils réclament l’instauration de l’appel à candidature pour la nomination aux postes de direction dans l’Exécutif ainsi que le respect des critères de compétence et de hiérarchie dans la nomination des personnels des différentes administrations. Ils préconisent que le droit de dissoudre le Parlement soit strictement encadré.
En ce qui concerne le Pouvoir législatif, les citoyens estiment que les réformes doivent porter en priorité sur le mode de scrutin pour l’élection des députés. Ils préconisent dans une large mesure la suppression de la liste nationale (scrutin proportionnel), l’établissement d’un profil standardisé du député par l’exigence d’un niveau minimum d’instruction. Ils préconisent également l’élection du Président de l’Assemblée nationale pour une durée égale à celle de la législature. Ils estiment nécessaire de doter le Parlement d’outils de travail modernes, notamment pour la traduction simultanée en langues nationales et d’avoir recours aux assistants parlementaires pour aider les députés. Les députés nouvellement élus doivent bénéficier des séances de formation sur leur rôle, sur les procédures du Parlement. Tous les députés doivent bénéficier autant que nécessaire des séances de renforcement de leurs capacités. Ils demandent que le Législatif ait une meilleure maîtrise de son ordre du jour. Les citoyens voient à travers l’interdiction du cumul des fonctions de chef de l’État et de chef de parti, un moyen de renforcer l’indépendance du Parlement. Cela permettrait de donner plus de liberté au député dans ses prises de position.
S’agissant du Judiciaire, les citoyens ont beaucoup insisté sur la nécessité de confier la désignation des magistrats à certains postes à leurs pairs, mais aussi et surtout, sur celle de mettre fin à la présidence par le Président de la République du Conseil supérieur de la magistrature. C’est avec une insistance particulière que les citoyens sont revenus sur cette dernière proposition. Mais, à n’en pas douter, la proposition la plus récurrente ici est celle qui demande la révision de la formule « Ministère de la justice » et la mise en place d’une structure indépendante dirigée par un magistrat choisi par ses pairs et dont le nombre de mandats est inférieur ou égal à deux (2). A défaut, les citoyens préconisent la formule d’un Ministre de la justice ne militant dans aucun parti politique.
Les citoyens, sensibles à la condition des magistrats et conscients du fait que celle-ci constitue un élément déterminant de l’indépendance de la Justice pensent qu’il y a lieu de valoriser la fonction des magistrats et des auxiliaires de justice mais aussi d’ancrer l’éthique républicaine dans le corps des magistrats. Les citoyens préconisent l’application de sanctions pénales en cas de corruption avérée mais aussi que soit entreprise par tous les moyens la lutte contre le trafic d’influence. Ils demandent que les décisions de justice puissent être mises à disposition des justiciables dès leur prononcé, et publiées.
Les citoyens souhaitent que le Juge chargé du contrôle de la légalité des actes administratifs soit rapproché des justiciables, par la possibilité de recourir aux juridictions inférieures. Ils proposent la création d’une Cour constitutionnelle en lieu et place de l’actuel Conseil constitutionnel pour clarifier, renforcer et/ou élargir ses compétences afin d’éviter les déclarations récurrentes d’incompétence notées au niveau de l’actuel Conseil constitutionnel. Pour les citoyens, il faut fonder la désignation des membres de la Cour sur la proposition des membres par leur corps d’origine et instituer l’élection de son Président par ses pairs.
Les citoyens affichent de larges consensus sur les dispositions suivantes : le président de la République, une fois élu, cesse d’être chef de parti ; le président de la République est passible de poursuites judiciaires s’il commet des crimes et délits caractérisés dans l’exercice de ses fonctions ; le principe de donner un contenu à la « haute trahison » ; la normalisation des fonctions de ministre (ministre d’État, ministre délégué, ministre sans portefeuille, ministre conseiller, etc. ; la limitation formelle du nombre de départements ministériels ; la suppression de la plupart des agences et leur incorporation dans les ministères appropriés. Les citoyens ont, par contre, montré une franche opposition à l’idée d’une confirmation de la nomination des ministres par le Parlement.
Pour rendre plus équilibrés les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et/ou amener chaque pouvoir à exercer pleinement ses fonctions, les citoyens ne perdent pas de vue l’importance d’avoir un personnel compétent et motivé, protégé par un statut qui lui garantit une certaine liberté d’action.
Tout en confirmant les orientations dégagées par les citoyens, les enquêtes auprès des porteurs d’enjeux font apparaitre des accords très solides sur certaines dispositions visant à mieux équilibrer les relations entre les différents pouvoirs. Par exemple, le président de la République peut toujours soumettre à référendum tout projet de loi relatif aux pouvoirs publics, aux droits et libertés, mais sur proposition du Premier Ministre et après avoir recueilli l'avis du président du Parlement et de la Juridiction constitutionnelle. Il en est de même de la possibilité qu’il a de soumettre au référendum des projets de lois constitutionnelles, après avis du Parlement. Par ailleurs une volonté très nette s’est dégagée, celle de mieux encadrer le pouvoir du président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale : elle doit être possible seulement lorsque celle-ci adopte une motion de censure contre le Gouvernement ou lui refuse sa confiance deux fois dans les douze mois et pour toute autre raison empêchant le fonctionnement normal des institutions dûment constatée par la Cour constitutionnelle.
ADMINISTRATION RÉPUBLICAINE ET CONTRÔLE
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
L’Administration a été peu à peu déstabilisée, souvent désorganisée et rendue de plus en plus informelle… Les contrôles exercés en son sein sont souvent inopérants et mal coordonnés ou leurs résultats inexploités pour éviter de sanctionner des irrégularités avérées ; ce qui contribue au développement de la corruption qui a tendance à la gangréner dans nombre de ses secteurs névralgiques. Les citoyens ont très rarement accès à l’information administrative. La protection des données personnelles n’est pas correctement assurée.
Quelles propositions pour restaurer l’éthique, le civisme, la rigueur et l’intégrité dans la gestion des affaires publiques ? Comment moderniser et rendre l’administration publique plus républicaine et performante ? Comment réhabiliter et rendre plus efficace le travail des corps de contrôle ?
Les citoyens trouvent urgent de lutter contre la corruption, la concussion, l’enrichissement illicite, les détournements de deniers publics, les conflits d’intérêts, les prises illégales d’intérêt et l’utilisation indue des biens et services de l’Etat par l’application stricte et sans discrimination des lois et la criminalisation de certains délits économiques. Cela passe par la réhabilitation des membres des corps de contrôle, leur dotation en moyens de travail et la valorisation de leur carrière mais aussi et surtout la mise en œuvre effective de leurs recommandations. Ils préconisent l’institutionnalisation de la déclaration de patrimoine à la prise et à la cessation de fonction et la mise en œuvre effective de l’indépendance du comptable public vis-à-vis de l’ordonnateur.
Pour mettre un terme à la patrimonialisation des ressources (financières, matérielles, naturelles, de valeurs mobilières et d’immeubles, etc.), les citoyens estiment qu’il y a lieu d’inscrire dans la constitution des dispositions qui protègent les ressources publiques contre ce fléau,de retourner au contrôle systématique de l’utilisation des biens publics (véhicules, logement, etc.) qui était en vigueur dès après l’indépendance,de mettre en place des mécanismes pour rendre effective l’obligation de rendre compte, de limiter le nombre de mandats et de développer la conscience citoyenne dès le plus jeune âge.
Pour éviter la déperdition des ressources publiques, il y a lieu de lutter contre les gaspillages et les fautes de gestion. Les citoyens pensent qu’il faut rationnaliser les dépenses et renforcer le système de contrôle, privilégier l’efficacité dans la gestion et respecter strictement la réglementation en matière de passations de marchés publics.
Les citoyens sont en accord complet avec les règles suivantes : (i) l’obligation de déclaration de patrimoine par les membres du gouvernement, les directeurs des services nationaux, les directeurs généraux des entreprises nationales et des établissements publics ou semi-publics, et les gestionnaires de deniers publics ; (ii) la généralisation et la systématisation de l’appel à candidature pour les emplois de haute direction dans la fonction publique et le secteur parapublic.
Les citoyens estiment qu’un égal accès à l’information administrative devrait être garanti à tous.
Ces mêmes points de vue sont largement partagés par les porteurs d’enjeux. Ceux-ci trouvent important la transformation de l’Inspection Générale d’Etat en une Vérification Générale d’Etat qui serait une autorité indépendante chargée de la vérification générale de l’Etat aux plans administratifs, financiers, techniques et de gestion.
Par ailleurs, s’agissant de la protection des données personnelles, les porteurs d’enjeux estiment que l’Etat doit garantir aux citoyens la protection des données personnelles.
FINANCES PUBLIQUES
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Les finances publiques sont souvent gérées de façon peu orthodoxe, sans que soit prise suffisamment en charge la priorité à accorder aux dépenses destinées à satisfaire les besoins de base des populations ni que soit assurée l’équité dans les allocations faites aux différentes zones ou aux secteurs contribuant à l’amélioration de la condition sociale ou à la production de richesse. De plus, l’exécution des lois de finances s’effectue trop souvent sans respect des inscriptions de crédits votés par le Parlement et avec une banalisation injustifiable des dépassements budgétaires, ou encore un recours abusif aux décrets d’avance et aux marchés de gré à gré….
Comment garantir la transparence dans la gestion des finances publiqueset une répartition spatiale équitable des infrastructures, équipements et services de base ?
Sur le premier point, les citoyens en appellent au respect des principes et des règles de la bonne gouvernance, à l’instauration de l’obligation de rendre compte dans la gestion des ressources publiques et au renforcement du contrôle à tous les niveaux d’exécution. Les citoyens pensent qu’il faut rendre compte à travers le Parlement de l’exécution du budget national, systématiser, au niveau des budgets locaux, l’installation de comités de gestion qui rendent compte à intervalles réguliers, renforcer le contrôle citoyen dans l’exécution des budgets, décentraliser les infrastructures, les équipements et les services, assurer le contrôle strict des ressources financières et promouvoir une éducation pour le changement de comportement.
Ils en appellent également à l’application effective des sanctions prévues pour toute entorse à la législation financière, pour tout détournement de deniers publics et pour toute utilisation indue des biens et services de l’Etat. Cela passe par l’application de la loi dans toute sa rigueur et par la reconnaissance aux organes de contrôle de l’Etat d’un pouvoir de saisine directe de l’autorité judiciaire. Ils préconisent en outre, la création d’une commission nationale chargée de veiller à l’utilisation adéquate des moyens de l’Etat et le développement de stratégies de contrôle citoyen sur la gestion des biens publics.
S’agissant du second point, les citoyens estiment nécessaire que l’on assure une répartition équitable des infrastructures, équipements et services de base entre les différents terroirs ou zones du territoire national. Cela passe par le respect des documents locaux de planification, le retour à la stratégie de planification nationale et à la planification des investissements dans toutes les régions, avec priorité accordée aux régions déshéritées. Ils insistent sur la nécessité de tenir compte des vocations des régions, de remettre à jour les schémas d’aménagement du territoire national, de constituer une base de données des besoins et de les satisfaire par ordre de priorité et en toute équité. Pour les citoyens, il est nécessaire, avant tout, d’identifier les besoins au niveau des différents terroirs ou zones du territoire national, de veiller à responsabiliser les services décentralisés de l’Etat, de renforcer les institutions de surveillance et d’étudier les voies et moyens de faire bénéficier aux collectivités locales les taxes locales (directes ou indirectes) recouvrées par l’État.
Comment assurer une priorisation adéquate des dépenses publiques ?
Pour les citoyens comme pour les porteurs d’enjeux, il importe de déterminer des pourcentages minimaux dans le budget national à consacrer aux dépenses des secteurs de l’éducation, la santé et l’agriculture, et corrélativement, de fixer des plafonds pour les dépenses de représentation des pouvoirs publics (Présidence, Primature, Parlement).
LA CONSTITUTION
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
La Constitution qui régit les institutions de la Nation est peu ou pas connue du peuple, alors qu’elle devrait imprégner l’esprit de chaque citoyenne et de chaque citoyen ; elle a été si souvent modifiée pour des raisons peu louables qu’elle a perdu de son caractère sacré.
Comment faire pour que la Constitution soit connue et appropriée par les citoyens ?
Pour les citoyens, il est impératif de publier la Constitution dans les différentes langues nationales et d’initier les citoyens aux fondamentaux du Droit et à la connaissance des institutions.
Pour eux comme pour les porteurs d’enjeux, les réformes actuellement en discussion qui entrainent des modifications dans la Constitution doivent nécessairement être soumises au peuple par voie référendaire.
Comment mettre la Constitution sénégalaise à l’abri des modifications intempestives et des manipulations diverses ?
L’idée de prévoir, dans la constitution, des domaines non révisables est largement préconisée par les citoyens, qui de surcroit indiquent ces dits domaines. Il s’agit des principes de la république et de l’Etat de droit, des principes de souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale, de la séparation des Pouvoirs, de la laïcité, de la durée et du nombre de mandats du Président, de la concertation comme principe de base de la gouvernance étatique, des règles de succession du président de la République en cas de vacance du pouvoir, du calendrier électoral et des mandats électifs.
Le principe de consacrer des domaines non révisables de la Constitution fait également l’objet de très large consensus dans les enquêtes auprès des porteurs d’enjeux. A la question de savoir quels sont ces domaines non révisables de la Constitution et celles révisables par voie référendaire, on notera que les dispositions mentionnées dans le questionnaire de la CNRI recueillent en général un large assentiment auprès des porteurs d’enjeux.
Pour les citoyens, il y a lieu d’imposer le référendum si la modification porte sur des domaines comme le système électoral, la durée des mandats électifs, le calendrier républicain, le mandat du Président de la République, les modes de scrutin.
SYSTÈME ÉLECTORAL ET REPRÉSENTATION
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Malgré des avancées notoires qu’il importe de renforcer pour stabiliser et transformer en routine la tenue de scrutins sincères dans notre pays, la gestion des élections reste une source de conflits récurrents et de menaces sur la paix sociale. Le système des partis politiques est caractérisé par un foisonnement inquiétant, la multiplication de partis aux idéologies et objectifs souvent peu crédibles… et un clientélisme. La « transhumance », pratique opportuniste et immorale, et la mal-gouvernance sont notées dans le champ politique… On remarque une société civile engagée dont la vocation est notamment de servir de contre-pouvoir et d’organe de défense des intérêts des citoyens et qui joue un rôle de plus en plus actif dans les évènements majeurs de la vie sociale, économique, culturelle politique et dans le développement à la base. Le déficit de bonne gouvernance associative constitue, de manière générale, une limite à l’efficacité et à la crédibilité des organisations qui la composent. On note un foisonnement d’organisations syndicales de plus en plus préoccupant.
Quel mode de scrutin aux élections législatives qui puisse assurer à la fois une représentation de diverses sensibilités et une stabilité des institutions ?
Le point de vue dominant est que les députés soient élus directement par les populations des localités, ce qui implique la suppression de la liste nationale. Toutefois quelques avis contraires émanant des porteurs d’enjeux préconisent le maintien de la liste nationale et donc du scrutin mixte.
Les citoyens veulent la participation des candidats indépendants aux élections locales étant donné que c’est la pratique déjà en vigueur dans les élections présidentielle et législatives. Les porteurs d’enjeux, adhèrent à la mesure même s’ils insistent sur la nécessité de prévoir des dispositions permettant d’éviter toute dérive.
Par ailleurs, les points de vue ont été assez partagés sur certaines questions d’ordre politique abordées par les citoyens ; il s’agit notamment de la généralisation de la parité pour toutes les fonctions électives, l’introduction d’un second tour pour les élections législatives, le vote des militaires et paramilitaires, le remboursement par l’Etat des dépenses des cinq premiers partis politiques lors des élections présidentielles, législatives ou municipales. Sur ces questions, les majorités constatées ne sont pas suffisamment nettes pour permettre de fonder une orientation citoyenne claire.
Comment réduire considérablement le nombre de partis sans nuire à la liberté d’association et au libre choix des citoyens ? Quelles sont les règles et les conditions qui doivent régir la création et le fonctionnement des partis politiques ?
A ces questions, les citoyens font un certain nombre de propositions. Elles ont trait à l’augmentation du nombre de signataires nécessaire à la création d’un parti (propositions : 2000 signatures par région ou 10000 au total, répartis sur au moins 10 régions du Sénégal), à l’augmentation des cautions, au regroupement des partis en fonction de leur idéologie.
Les citoyens estiment qu’un parti politique ne peut pas rester cinq ans sans participer à une élection. Obligation doit leur être faite de participer aux élections et d’avoir au moins 5% de l’électorat, sous peine de dissolution.
Les citoyens pensent enfin que tout doit être mis en œuvre pour assurer l’alternance au sein des partis politiques.
Faut-il un financement public des partis politiques et une limitation des dépenses électorales ?
Les citoyens préconisent une limitation des budgets des campagnes électorales (plafonds à ne pas dépasser), un financement public des partis politiques, en rapport avec la représentativité de chaque parti, une conscientisation des partis à éviter le gaspillage, la création d’un comité de suivi, l’établissement de systèmes de contrôle des campagnes électorales, y compris l’origine des fonds.
Les porteurs d’enjeux, quant à eux, tombent d’accord sur la nécessité d’instituer un financement public des partis politiques, dans des conditions définies par une loi organique.
Par ailleurs, les citoyens comme les porteurs d’enjeux sont en faveur des dispositions suivantes : la fixation d’un nombre optimum de députés au Parlement ; l’exigence d’une nationalité exclusivement sénégalaise pour certaines fonctions de l’Etat (en plus de la fonction de Président de la République, où cela est déjà la règle) ; la garantie d’une libre participation des candidats indépendants à tous les types d’élection y compris les locales ; l’ élection des maires et présidents de collectivités locales au suffrage universel direct ; l’interdiction du cumul des mandats entre certaines fonctions exécutives et fonctions électives (maire et président de l’Assemblée nationale, ministre et maire, ministre et président de collectivité locale, etc.) ; l’instauration d’une stricte limitation du cumul de mandats et du nombre de mandats successifs pour toutes les fonctions électives ; l’impossibilité pour un proche parent du Président de la République de lui succéder immédiatement ; et le fait d’assurer une représentation des Sénégalais de l’extérieur au Parlement.
DIALOGUE SOCIAL
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Le dialogue social est dans l’impasse dans plusieurs secteurs (éducation, santé, etc.) …; à tous les niveaux de l’éducation, le système est en crise et n’arrive pas à s’adapter aux mutations de la société et aux évolutions du monde. En matière santé, les disparités (notamment entre la capitale et le reste du pays), l’insuffisance des ressources humaines et des équipements, etc., induisent de fortes inégalités devant la maladie.
Quelles mesures pour renforcer l’efficacité du dialogue social ?
Pour sortir des impasses connues dans le dialogue social, les citoyens avancent tout d’abord des moyens généraux qui ressortissent de valeurs, de principes et d’attitudes : « Vérité et transparence » « bonne foi des acteurs » « Non- discrimination ; traitement égalitaire de tous les syndicats », « écoute et proximité avec les populations »
Il est également question de sortir d’affrontements entre gouvernements et syndicats sur des aspects matériels, pour instaurer un dialogue social franc et sincère sur des questions de fond, une concertation permanente, à tous les niveaux ; il leur apparaît important que les cadres de concertation soient inclusifs et regroupent toutes les catégories sociales, avec en particulier une demande forte pour une implication de la société civile dans le dialogue social. Il convient, pour les citoyens de systématiser l’organisation de rencontres périodiques et surtout de veiller à une réelle prise en compte des propositions de ces cadres, de remonter les décisions de la base vers le sommet et d’établir une jonction entre les échelles. Il importe aussi d’une part d’assurer le fonctionnement effectif des cadres de concertation et d’autre part, pour l’Etat, de procéder à l’organisation régulière des élections de représentativité au niveau des centrales syndicales dans des secteurs comme l’éducation, de faire respecter les résultats dans la désignation des interlocuteurs des travailleurs, d’honorer les engagements pris mais aussi de faire respecter la loi sur le droit de grève.
Les citoyens prônent la restructuration et la redynamisation du Comité National du Dialogue Social –CNDS- ou la mise en place d’une structure plus opérationnelle ; certains optent pour une Haute Autorité du Dialogue Social ou un nouvel organe représentatif aux moyens renforcés.
Dans tous les cas de figure, les citoyens insistent sur un point qui leur semble fondamental pour donner un nouvel élan et plus d’efficacité au dialogue social : il s’agit de la déconcentration des mécanismes et cadres de dialogue social par la création de structures relais à l’échelle régionale et départementale.
Faut-il créer un nouvel organe à la place du CNDS (Comité National du Dialogue Social) avec des fonctions et/ou compétences renforcées ?
La réponse à cette question est franchement négative au niveau des citoyens qui estiment plutôt qu’il faut renforcer le CNDS et veiller à déconcentrer le dispositif de dialogue social avec des mécanismes ou organes fonctionnels à l’échelle régionale ou départementale.
COLLECTIVITÉS LOCALES
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Des collectivités locales handicapées par la précarité de leurs ressources et par l’immixtion intempestive dans leur fonctionnement d’une tutelle pesante ; elles sont encore dans l’impossibilité de jouer le rôle essentiel qui leur revient dans le développement local celui de l’intérêt des populations… Il est noté par ailleurs une certaine instabilité dans le découpage territorial, instabilité préjudiciable à la démocratie locale et au développement.
Comment s’assurer d’une dotation adéquate de ressources aux collectivités locales (impôts locaux, dotations garanties par l’état, autres) ?
Les citoyens insistent sur la nécessité d’avoir au niveau des collectivités locales une gestion transparente des finances locales et le respect de l’obligation de reddition de compte. Il faut renforcer les ressources existantes et créer d’autres types de fonds d’investissement à travers un accompagnement financier conséquent des domaines déjà transférés, un renforcement des moyens financiers des collectivités locales (fonds de dotations et fonds de concours), un pouvoir donné aux collectivités locales de créer des impôts et de les récupérer, une redéfinition des clés de répartition des ressources entre collectivités locales, un renforcement de la solidarité entre collectivités locales, un bon recouvrement des impôts locaux avec la création d’une brigade spéciale.
Y a-t-il des compétences qu’on devrait ajouter ou retrancher de celles accordées aux collectivités locales ? Si oui, lesquelles ? Pourquoi ?
Les citoyens ont fait des propositions de nouveaux domaines de compétence à transférer aux collectivités locales. Les propositions les plus récurrentes ont trait aux secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de l’hydraulique. Pour certaines zones, c’est le tourisme et les mines qui sont les secteurs les plus indiqués. Les citoyens pensent que le ramassage des ordures ménagères doit rester aux collectivités locales. En conséquence, les citoyens estiment que le transfert de ces nouvelles compétences doit s’accompagner concomitamment du retrait des compétences suivantes : urbanisme et habitat, éducation et santé. Il s’agit là de domaines complexes dont la prise en charge correcte demande un haut niveau de capacités stratégiques et opérationnelles qui n’existent pas encore au niveau des collectivités locales au moment où les enjeux pour le développement national sont trop forts et pressants. D’autres citoyens pensent qu’il faut laisser les compétences comme telles et créer les conditions de leur exercice par le renforcement considérable des moyens.
Par ailleurs, les citoyens adhèrent globalement aux propositions suivantes : la transformation de toutes les communautés rurales en « communes » ; l’érection des départements en collectivités locales ; le fait que toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités locales soit accompagnée de ressources déterminées par la loi. Sur les deux premières mesures, les citoyens assortissent leur accord d’une réserve : qu’il y ait des mesures d’accompagnement.
RELATIONS ENTRE L’ÉTAT ET LES COMMUNAUTES RELIGIEUSES
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
On constate une tendance à l’instrumentalisation de la religion et de l’Etat pour des intérêts personnels.
Quels types de relations entre l’État et les communautés religieuses ?
Pour les citoyens, l’État doit être neutre dans les affaires religieuses et confessionnelles et être équidistant par rapport aux communautés religieuses. Il ne doit pas intervenir dans les affaires religieuses et confessionnelles et, inversement, les autorités religieuses ne doivent pas exercer d’emprise sur lui. Pour eux, l’État a le devoir d’assister les institutions religieuses de manière équitable, transparente et sans discrimination, dans des conditions que doit déterminer la loi et dans le strict souci de préserver et de garantir la paix sociale et l’unité nationale.
Les chefs religieux rencontrés au démarrage des concertations ont reconnu le caractère laïc de la République et ont insisté sur la nécessaire équidistance de l’État vis-à-vis des différentes communautés religieuses.
V-CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
Compte tenu des résultats des diverses et larges consultations auxquelles elle a procédé, dont les résultats sont analysés dans la partie précédente, des avis des experts qu’elle a sollicités ainsi que des réflexions de ses membres au cours de plusieurs réunions et séminaires, la CNRI est arrivée aux conclusions qui suivent sur les points soulevés dans la lettre de mission du Président de la République en date du 28 novembre 2012.
V-1.CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SECTORIELLES
La consolidation de l’État de droit
L’État de droit est celui où l’Etat est soumis aux normes juridiques, au même titre que les citoyens, sous le contrôle d'une justice indépendante et impartiale. Il suppose l’existence de normes juridiques hiérarchisées, de recours à la disposition des administrés et de juridictions pour faire respecter le Droit.
Pour une consolidation de l’Etat de Droit au Sénégal, la CNRI propose un système judiciaire à la tête duquel se trouve une Cour constitutionnelle, aux pouvoirs renforcés, assurant un meilleur contrôle de la constitutionnalité des lois et garantissant la primauté de la Constitution. Ce qui contribue à un meilleur respect de la hiérarchie des normes juridiques. L’initiative d’un contrôle a priori est étendu aux citoyens qui disposent désormais du droit de saisine. En proposant la création de la Cour Constitutionnelle, la CNRI a entendu renforcer, élargir et clarifier les compétences du Juge constitutionnel, ce qui devrait conduire à moins de déclarations d’incompétence. Le contrôle a posteriori s’effectue par voie d’exception. A cet égard, la CNRI vise l’instance d’appel et non plus le niveau de la juridiction suprême où l’on peut soulever une exception d’inconstitutionnalité. Désormais, à l'occasion d'une instance en cours devant une Cour d’Appel, il peut être soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ou est contraire aux engagements internationaux du Sénégal. Le cas échéant, la Cour d’Appel apprécie et transmet, s’il y a lieu, l’exception soulevée au Conseil d’État ou à la Cour de Cassation. Si le Conseil d’État ou la Cour de Cassation estime le renvoi nécessaire, la Cour Constitutionnelle se prononce dans un délai de deux mois. Si la Cour estime que la disposition dont elle a été saisie n’est pas conforme à la Constitution, il ne peut plus en être fait application.
La CNRI préconise le renforcement du dispositif des droits et libertés qu’elle propose de placer sous la surveillance d’un juge spécifique, le juge des libertés qui devrait pouvoir ordonner des mesures provisoires mais rapides tendant à préserver les droits du demandeur, s’il estime, comme le soutient ce dernier, que ses droits fondamentaux ont été violés. Dans le même ordre d’idées, l’intérêt à agir devant les juridictions compétentes est reconnu aux organisations de défense des droits humains et environnementaux dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. La CNRI propose en outre le principe de la présence de l’avocat ou une personne de son choix, après vingt-quatre heures de garde à vue et le renforcement des droits de la personne qui y est soumise.
Soucieuse de rapprocher davantage la justice du justiciable, la CNRI a proposé le rapprochement du juge de l’excès de pouvoir du justiciable soit par la création d’un ordre administratif de juridictions (Tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel, Conseil d’État), soit par la déconcentration du contentieux de l’excès de pouvoir aux niveaux régional et départemental. Elle est partie du constat de l’éloignement de la Justice par rapport au justiciable en ce qui concerne le contentieux de l’excès de pouvoir. Il est vrai qu’avec le système d’unité de juridiction, il n’existe qu’un seul ordre de juridiction avec les mêmes juges qui sont compétents aussi bien en matière administrative qu’en matière judiciaire. Cela n’est vrai qu’en matière de plein contentieux à travers lequel, le juge du tribunal régional est compétent en toute matière. En ce qui concerne l’excès de pouvoir, on note un éloignement du juge par rapport aux justiciables, surtout du monde rural, dans la mesure où l’unique juge compétent se trouve à Dakar : c’est la Cour suprême, juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des autorités exécutives à travers sa chambre administrative. Il faut rappeler que le recours pour excès de pouvoir est un recours contentieux par lequel tout intéressé peut demander au juge compétent d’annuler un acte administratif pour violation de la légalité. Au Sénégal, le recours pour excès de pouvoir est consacré par la Constitution en son article 72 modifié et complété par la loi constitutionnelle 2008-33 du 07 août 2008 et également par la loi organique n°2008-35 portant création de la Cour Suprême.
L’équilibre des Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire
La CNRI estime que les nombreux dysfonctionnements notés dans l’exercice du pouvoir trouvent leur source dans l’aménagement du pouvoir d’État qui consacre une concentration de l’autorité au niveau de l’Exécutif. Ainsi, elle préconise le renforcement de l’indépendance des Pouvoirs législatif et judiciaire et une meilleure distribution des responsabilités au sein de l’Exécutif pour un meilleur équilibre.
La CNRI propose que le Président de la République demeure le chef de l’Exécutif. Il détermine la politique de la Nation. Il dispose de pouvoirs propres qu’il exerce sans contreseing mais aussi d’autres qu’il ne peut exercer que sur proposition soit du Premier Ministre soit d’autres instances comme le Conseil Supérieur de la Magistrature. Parce qu’il incarne l’unité et la cohésion nationales, il ne doit plus être Chef de parti dès qu’il entre en fonction.
Si la CNRI estime que pour des raisons liées à la stabilité des institutions, il est souhaitable que la Gouvernement dispose au niveau du Parlement d’une majorité de soutien, il y a lieu d’écarter les risques d’abus de majorité par la création des conditions de participation effective de l’opposition parlementaire au travail législatif. Celle-ci est dotée d’un statut et la présence effective au sein du bureau lui est garantie. C’est ainsi que l’un des postes de Vice-président, au moins, est réservé à l’opposition parlementaire. En outre, les postes de Questeur et de Président de la Commission de contrôle et de comptabilité sont obligatoirement répartis entre la majorité et l’opposition parlementaires. Il en est de même des fonctions de Président et de Rapporteur de la Commission des Finances.
La CNRI préconise une meilleure maitrise par le Parlement de son ordre du jour. C’est ainsi qu’elle propose que dix jours de séance par mois soient réservés par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement aura fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour ; que six jours de séance par mois soient réservés par priorité et dans l'ordre fixé par l’Assemblée nationale au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques ; que deux jours de séance par mois soient réservés à un ordre du jour arrêté par l’Assemblée nationale à l'initiative des groupes de l'opposition et des députés non-inscrits et qu’ un jour de séance par quinzaine au moins soit réservé par priorité aux questions des députés et aux réponses du Gouvernement.
La CNRI a identifié la faiblesse des capacités et quelques artifices juridiques liés à la rationalisation du parlementarisme comme entraves à l’exercice des missions du parlement, notamment le vote de la loi et le contrôle de l’action gouvernementale. L’exercice de ces missions fait l’objet d’un encadrement trop rigide au point de rendre sa mise en œuvre difficile. C’est ainsi que pour atténuer les conditions de recevabilité des propositions de loi ou des amendements des députés, la CNRI préconise que les propositions ou amendements des députés soient aussi recevables lorsqu’ils sont accompagnés de mesures d’économies équivalentes sur les dépenses éventuelles en plus des propositions de recettes compensatrices. De plus, le Parlement assumera dorénavant une fonction d’évaluation des politiques publiques.
Pour le renforcement des capacités des députés, la CNRI opte pour le recrutement d’assistants parlementaires avec des profils et un mode de sélection et d’évaluation à étudier sérieusement. Elle en appelle également à la consécration du principe selon lequel l’Administration, tout en étant sous l’autorité de l’exécutif, est à la disposition de tous les autres Pouvoirs publics et notamment le Parlement.
Pour le Judiciaire, la CNRI recommande les réformes ci-dessous énumérées, devant permettre aux magistrats d’assumer pleinement leurs missions dans l’impartialité, l’équité et l’indépendance.
Le renforcement de l’indépendance de la Justice
Seule une justice indépendante à l'égard des Pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir un État de droit.L’indépendance de la Justice a toujours été formellement proclamée mais n’a pas toujours été vécue surtout en ce qui concerne les magistrats du parquet. La CNRI recommande quatre mesures aux fins de renforcer l’indépendance de la Justice.
A l’égard des magistrats du parquet, il est nécessaire de redéfinir l’autorité évoquée à l’article 6 du statut de la magistrature qui dispose que « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice… Ils peuvent être affectés sans avancement par l’autorité de nomination d’une juridiction à une autre s’ils en font la demande ou d’office dans l’intérêt du service, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature ». Cette autorité ainsi déclinée a pu, par le passé, constituer le fondement des « instructions » données au Parquet. Celles-ci sont désormais écartées avec le renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la Magistrature mis à l’abri de toute intervention politique et qui gère entièrement la carrière des magistrats (voir infra).Désormais les rapports entre le judiciaire et l’exécutif perdent toute dimension hiérarchique et se limitent à des liens administratifs et fonctionnels.
A l’égard des magistrats du siège, il faut respecter le principe de l’inamovibilité des magistrats du siège (article 5 de la loi organique n° 92-27 du 30 mai 1992 modifiée portant statut de la magistrature) qui signifie que ces derniers ne peuvent recevoir une affectation nouvelle, même par voie d’avancement, sans leur consentement préalable. Par le passé, ce principe a été souvent contourné à travers le recours aux nécessités de service qui peuvent justifier le déplacement du magistrat du siège surtout que, pour le Conseil d’État, l’autorité de nomination n’a pas à donner d’élément d’appréciation de nature à établir une quelconque nécessité de service (CE, 18 avril 2002, Mbacké Fall et autres). Le recours à la formule d’intérim a également contribué à vider de sa substance le principe de l’inamovibilité. Par conséquent, il devrait faire l’objet d’un encadrement strict.
Il faut, par ailleurs, rendre au juge d'instruction son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de décerner ou non un mandat de dépôt, quelle que soit l’infraction.
Pour garantir la séparation des pouvoirs, le Conseil Supérieur de la magistrature est autrement composé. Celui-ci est l’organe de gestion de la carrière des magistrats. Le Président de la République et le Ministre de la justice n’en sont plus membres. Il s’agit de tirer toutes les conséquences du passage de la Justice du statut d’autorité (voir l’article 59 de la Constitution du 26 août 1960) au statut de Pouvoir. L’article 88 de la Constitution du 22 janvier2001 reprend pratiquement les dispositions de l’article 80 de la Constitution du 7 mars 1963 en énonçant un Pouvoir judiciaire, indépendant du Pouvoir législatif et du Pouvoir exécutif. Le Président de la Cour Constitutionnelle préside le Conseil Supérieur de la Magistrature. Outre le Président de la Cour Constitutionnelle, son président et deux personnalité de haut rang, désignées respectivement par le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale, le Conseil Supérieur de la Magistrature est composé, au titre des membres de droit, du Président du Conseil d’État, du Premier Président de la Cour de Cassation et du Procureur général près ladite Cour, des Premiers Présidents des Cours d’Appel et des Procureurs généraux près lesdites Cours et, au titre des membres élus, d’au moins un nombre égal de membres choisis conformément aux dispositions prévues par la loi organique sur le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Le Conseil Supérieur de la magistrature veille au bon fonctionnement de la justice. Il examine et sanctionne, s’il y a lieu, les détentions préventives abusives, les défauts ou insuffisance de motivation des décisions de justice ainsi que les lenteurs préjudiciables constatées dans leur mise à disposition.
Il y a lieu de placer la Cour constitutionnelle au sommet de la hiérarchie judiciaire et de renforcer ses pouvoirs. A ce titre, elle assume des missions d’intégration et d’unification du système. Elle connaît de la constitutionnalité des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l'Exécutif et le Législatif, des conflits de compétence entre le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation, ainsi que des exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’Appel, le Conseil d'Etat ou la Cour de Cassation. Elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. La Cour Constitutionnelle peut être saisie pour l’interprétation des dispositions de la Constitution. Elle est gardienne de la Constitution.
Pour renforcer son indépendance, il importe de consacrer le principe d’une origine diversifiée des membres de la cour constitutionnelle qui seraient nommés par le Président de la République sur proposition d’instances diverses. Leur nombre passe par ailleurs de cinq (5) à sept (7).
Le renforcement et la protection des libertés publiques
La Constitution de 2001 a la particularité d’avoir consacré les principales normes caractéristiques de l’État de droit moderne. Il n’est guère de libertés et droits qui n’aient été proclamés. La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés civiles et politiques que sont la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté d'association, la liberté de réunion, la liberté de déplacement et la liberté de manifestation. Il est consacré dans cette Constitution la séparation et l'équilibre des pouvoirs conçus et exercés à travers des procédures démocratiques, le respect des libertés fondamentales et des droits du citoyen comme base de la société sénégalaise, le respect et la consolidation d'un État de droit dans lequel l'État et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d'une justice indépendante et impartiale. L’analyse révèle cependant un décalage entre ce qui est formellement proclamé et ce qui est effectivement mis en œuvre et donc, vécu par le citoyen.
La CNRI s’est efforcée en conséquence de renforcer le dispositif des droits et libertés et créer les conditions d’effectivité de leur jouissance par l’aménagement de mécanismes supplémentaires de protection. C’est ainsi que pour rendre effectif le droit de manifestation, les délais pour notifier une interdiction doivent être suffisants pour permettre l’exercice de recours. En outre les interdictions en la matière doivent être clairement motivées. Concernant les personnes vivant avec un handicap l’État et les collectivités publiques doivent leur garantir un libre exercice de leurs droits et les préserver de l’abandon moral, de la discrimination, de la marginalisation et de la stigmatisation. De surcroit, il est recommandé que la Cour des Comptes fasse annuellement un rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi d’orientation sociale, dans ses volets liés à l’emploi, l’accès aux infrastructures (notamment scolaires, sanitaires, etc.), la mise aux normes des équipements sociaux (transport, etc.).
En matière de garde à vue, le principe qu’il s’exerce sous le contrôle du Procureur de la République a été réaffirmé. Il est immédiatement informé de la mesure et tout abus commis à ce stade peut valoir à leur auteur des poursuites pénales ou disciplinaires devant les instances compétentes. La personne gardée à vue doit être informée de ses droits, notamment le droit au silence, le droit à un examen médical et le droit de se faire assister, au terme des premières vingt-quatre heures de garde à vue par un avocat ou, à défaut, par une personne de son choix. La personne gardée à vue doit être informée de la nature de l'infraction sur laquelle porte l’enquête, ainsi que de son droit, en cas de remise en liberté, de connaître la suite de la procédure.
La CNRI a aussi proposé que tous les citoyens aient le droit d'adresser des pétitions aux autorités en vue de défendre leurs droits ou de dénoncer, s’il y a lieu, les actes illégaux ou les abus de pouvoir. La CNRI a également proposé, pour une meilleure protection des droits et libertés, l’institution d’un juge des libertés chargé de statuer dans les meilleurs délais sur les actes suspectés d'illégalité ou d'atteinte aux libertés fondamentales et la reconnaissance de l’intérêt à agir des organisations de défense des droits humains et environnementaux devant les juridictions compétentes dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. En effet, l’intérêt à agir des groupements a toujours soulevé des problèmes au Sénégal. Il n’est admis que pour attaquer en justice les actes individuels concernant un de leurs membres à condition que ces groupements aient reçu un mandat spécial. La CNRI propose également que les personnes morales puissent saisir la Cour constitutionnelle d’un recours lorsqu’une mesure d’ordre législatif ou réglementaire leur paraît porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine.
La CNRI considère, enfin, qu’on ne peut proclamer la séparation des Pouvoirs au préambule et dans le corps de la Constitution, érigerla présomption d'innocence comme principe de droit, rappeler que l’indépendance du Judiciaire c’est la latitude laissée aux magistrats de se prononcer sans interférence d’aucun Pouvoir et en toute liberté de conscience sur les questions qui leur sont soumises, renforcer l'indépendance du juge instructeur dans l'exercice de ses fonctions et admettre que ce dernier soit tenu, sur réquisition du parquet, de décerner mandat de dépôt contre toute personne inculpée de délits aussi insuffisamment définis que ceux prévus à l’article 80, alinéa 1 du code pénal (Cf. article 139 du code de procédure pénale). Il est vrai qu’en introduisant en 1999 l’obligation pour le Procureur de motiver dûment ses réquisitions, un pouvoir d’appréciation venait d’être implicitement conféré au juge d’instruction qui n’était lié que si la réquisition était écrite et dûment motivée. La CNRI estime qu’il y a lieu de supprimer l’alinéa 1 de l’article 80 du code pénal et, par ailleurs, de rendre au juge d'instruction son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de décerner ou non un mandat de dépôt, quelle que soit l’infraction.
La CNRI, en proposant que les dispositions touchant aux libertés fondamentales de la personne humaine ne puissent être révisées que par voie référendaire, a entendu leur apporter une protection supplémentaire.
L’approfondissement de la démocratie représentative et participative
La souveraineté appartient au peuple et la Constitution lui assigne des fonctions constitutionnelles : la désignation des titulaires de l’autorité politique (élection), la participation à certaines décisions politiques (référendum) et la participation à la vie politique par l’intermédiaire des partis politiques. Dans la démocratie représentative, le peuple exprime sa volonté par l'intermédiaire de représentants élus à qui il délègue ses pouvoirs. La pratique révèle cependant une tendance qui consiste à reléguer le peuple au rang de faire-valoir…démocratique. Des décisions sont arrêtées et exécutées sans concertation ni même parfois information du peuple ; des consultations référendaires sont parfois organisées sans que les citoyens ne soient mis en situation de comprendre le contenu du ou des textes qu’ils doivent valider ; l’expression du suffrage est faussée par le trucage d’élections…
La CNRI, partant du fait que le peuple est la source de tout pouvoir dans une démocratie, recommande une consolidation de la démocratie participative. Le citoyen ne doit plus être considéré comme un usager passif du service public ou un simple faire-valoir. Il doit disposer du droit d’initiative en matière législative et référendaire mais aussi du droit d’initier des pétitions. L’approche participative est reflétée à travers l’érection en principe constitutionnel de la concertation avec les secteurs directement concernés de la Nation pour tout projet d’acte juridique ou de décision portant orientation ou réorientation des options fondamentales des politiques publiques. Cela va de l’implication et de la responsabilisation de certains secteurs dès la conception des programmes ou projets à la consultation des populations par l’Etat en passant par le développement d’instruments de participation mais également de contrôle citoyen de la gestion des affaires publiques.
Il doit y avoir la certitude que le système électoral comporte des règles et procédures garantissant la transparence et la sincérité des élections, l’objectif étant de contribuer à refléter de manière fidèle les opinions exprimées et qui doivent être traduites de façon correcte en voix ou en sièges. Le mode d’élection des députés doit être revu. Le souci d’avoir des scrutins plus transparents et plus démocratiques justifie la constitutionnalisation de l’Autorité de Régulation de la démocratie qui a pour mission le contrôle et la supervision de l’ensemble du processus électoral ou référendaire, de l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats.
La CNRI recommande la reconnaissance des candidatures indépendantes aux élections locales mais aussi leur encadrement pour écarter toute dérive.
La Proposition de création d’un Conseil National des Collectivités locales et d’un Conseil consultatif des sénégalais de l’extérieur par la CNRI n’a d’autre justification que celle de consolider la démocratie participative et de favoriser une meilleure prise en compte des affaires locales et de celles de la diaspora dans les politiques et programmes publics. Le Conseil National aura à faire des propositions au Gouvernement sur toute question concernant l’amélioration du fonctionnement des collectivités locales et celle de la qualité de la vie des citoyens et la préservation de l’environnement. Le Gouvernement sera tenu de saisir, pour avis, le Conseil National sur tout projet de loi relatif à la création, à la délimitation, au fonctionnement ou à la dissolution des collectivités locales.
En ce qui concerne le Conseil consultatif des sénégalais de l’extérieur, il devra être saisi par le Gouvernement ou l’Assemblée nationale sur toutes les lois ou dispositions réglementaires touchant la condition de vie des sénégalais de l’extérieur, partie intégrante de la Nation sénégalaise, ainsi que sur les questions relatives à leur participation au développement du pays et à leur réinstallation à leur retour.
Le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration
L’expérience de décentralisation au Sénégal remonte à la période coloniale plus précisément à 1872 avec la création des communes de Saint-Louis et de Gorée. En vérité, le mouvement communal est même plus ancien dans la mesure où, dès l’année 1778, la ville de Saint Louis avait un maire élu. En 1880, Rufisque fut érigée en commune et Dakar le sera en 1887. Ce mouvement s’est poursuivi jusqu’à l’accession du Sénégal à l’indépendance. A partir de ce moment, les autorités ont opté pour une politique de décentralisation progressive et prudente.
Si l’on se limite aux simples aspects formels, la décentralisation est une réalité incontestable au Sénégal mais elle tarde à être concrétisée par un exercice effectif, par les collectivités locales, des compétences qui leur ont été transférées. L’insuffisance des ressources financières en constitue le principal facteur explicatif.
Aux termes de l’article 6 de la loi 96-07 précitée, les transferts de compétences par l'Etat doivent être accompagnés au moins du transfert concomitant aux régions, communes et communautés rurales des moyens et des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences.
La CNRI estime que le respect strict de cette disposition aurait donné un montant très largement supérieur à celui du fonds de dotation de la décentralisation. Elle recommande une hausse substantielle du niveau des transferts financiers de l’Etat aux collectivités locales et plus particulièrement l’augmentation substantielle du Fonds de Dotation de la Décentralisation dont l’enveloppe actuelle est très en deçà de son niveau normal. Aux termes de l’article 58 du texte sus visé ce fonds créé par la loi des finances devait recevoir une dotation représentant un pourcentage donné de la taxe sur la valeur ajoutée perçue au profit du budget de l'Etat. Son montant ne devait pas être inférieur à une proportion des recettes totales de l'Etat, hors emprunts et aides extérieures fixé chaque année, compte tenu de l'évolution des transferts de compétences, par la loi de finances.
La déconcentration consiste à donner compétence à des organes qui exercent leurs fonctions dans une circonscription déterminée tout en demeurant soumis à un pouvoir hiérarchique. Elle pose ainsi le problème des limites de la circonscription et de sa place dans l’administration du territoire.
Si l’on admet que parmi les caractéristiques qu’une politique de déconcentration doit présenter, figurent en bonne place la pertinence du découpage territorial et les mesures d’accompagnement nécessaires au bon fonctionnement de l’échelon déconcentré, on perçoit l’impact négatif de tout choix mal opéré à cet égard. Aussi la CNRI recommande-t-elle la correction de certaines incohérences ou distorsions notées dans le passé dans le découpage de collectivités locales et qui n’a pu être guidé par aucune rationalité. Elle recommande, qu’à l’instar des collectivités locales qui ne doivent désormais être établies que sur la base de critères objectifs de viabilité économique et d’homogénéité géographique, qu’il en soit ainsi pour les circonscriptions administratives déconcentrées qui doivent être créées après étude sérieuse et des concertations avec les populations concernées de manière à obtenir une répartition rationnelle des pouvoirs au sein de l’Etat, entre les niveaux central et déconcentré.
La protection et la promotion des valeurs positives de notre société
La CNRI a fait le constat d’un dépérissement inquiétant des vertus de la citoyenneté, du civisme, de l’éthique, du respect du bien commun, du sens de la responsabilité et de la solidarité. Des actes d’incivisme, d’indiscipline et de défiance vis-à-vis de l’autorité étatique sont de plus en plus notés. Il en est, également ainsi de la promotion d’« anti-valeurs » préjudiciable à la bonne éducation de la jeunesse.
La CNRI admet que la jeunesse, aujourd’hui, mérite d’être entendue, elle veut sa place dans la société et elle tient à l’occuper. Elle a montré qu’elle peut être suffisamment responsable pour mener son combat contre l’injustice, l’arbitraire, le pouvoir tyrannique. La CNRI estime, tout autant, que le peuple sénégalais a le devoir de rester enraciné dans ce qu’il y a de meilleur dans nos valeurs culturelles et celles, morales et spirituelles du patrimoine commun de l’humanité.Le respect des personnes âgées, le sens de l’honneur et de l’hospitalité, les égards et la considération dus aux autorités et institutions de la République, les comportements empreints de dignité constituent des valeurs à sauvegarder.
La CNRI estime que démocratie ne doit rimer ni avec anarchie ni avec défiance de l’autorité, incivisme et indiscipline caractérisés, chantages, menaces ou offenses aux institutions qui incarnent le Pouvoir. La CNRI a fait le constat de l’existence de plus en plus visible de comportements de défiance vis-à-vis de l’autorité étatique. Elle rappelle la double acception de la notion d’État, qui correspond à un mode d’organisation sociale territorialement défini et à une autorité politique chargée de faire respecter la loi L’autorité de l’Etat doit être restaurée dans le strict respect du principe de la hiérarchie des normes en général, du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la force publique. Cela passe par des décisions mûries et justifiées, bien étudiées et bien motivées, qui ne découlent ni d’une improvisation ni d’une précipitation, précédées, dans la mesure du possible, d’une concertation avec les secteurs directement concernés. Le temps d’une concertation authentique coûte souvent moins cher que celui d’un recul forcé consécutif à une décision solitaire.
La CNRI estime enfin que l’exemplarité des dirigeants ne doit souffrir d’aucune limite à quelque niveau où ils se situent, particulièrement dans la vie publique. L’engagement politique n’exclut pas l’éthique ni la vérité. La mise à l’écart des valeurs éthiques et de la vérité, leur absence ou leur mépris dans les relations entre les hommes favorisent la suspicion, la crise de confiance et privilégient les rapports de force et la violence. L’éthique, valeur cardinale de notre société doit constituer la norme structurante du fonctionnement de toutes les institutions et de l’administration, de la gestion du patrimoine public et du rapport à la nature. Les dirigeants doivent faire montre de courtoisie dans leurs rapports avec les administrés, d’humilité et de transparence dans leurs actions de tous les jours. Le comportement de ceux qui servent l’Etat doit être exempt de toute arrogance. L’équité et le mérite doivent servir de critères pour assurer un traitement égal de tous les citoyens devant le service public, qu’il s’agisse de recrutement ou de carrière d’un agent public, d’accès à l’information ou à une prestation de qualité en faveur d’un usager. Par souci d’équité, l’égal accès aux emplois publics doit être garanti à tous. Les recrutements d’agents publics s’effectuent par des procédures publiques de concours ouverts et transparents.
La promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité
La bonne gouvernance se présente difficilement comme une réalité sans un système de contrôle complet mais aussi efficient. Le paradoxe, au Sénégal, c’est qu’il existe une multiplicité de corps de contrôle dont l’efficacité n’est pas avérée du fait d’un régime juridique et d’un positionnement institutionnel qui ne favorisent pas toujours l’exercice en toute indépendance de leurs missions, la coordination de leur action et le suivi adéquat de leurs recommandations.
La CNRI recommande un réaménagement du dispositif de contrôle autour de la Cour des Comptes, de la Vérification Générale d’Etat -VGE-, de l’Office National de lutte contre la fraude et la corruption – OFNAC-, de l’Autorité de régulation des marchés publics –ARMP de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières –CENTIF-, et une meilleure coordination avec les systèmes de contrôle interne.
La Cour des Comptes est l’institution supérieure de contrôle des finances publiques. Elle définit les normes, outils et procédures relatifs au système de vérification et de contrôle de l’Etat et des Collectivités publiques et assure la coordination entre les organes de contrôle, la dissémination des rapports de contrôle des services internes et de la Vérification générale d’État. La Cour des Comptes vérifie la régularité des recettes et des dépenses et s'assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l'Etat ou par les autres personnes morales de droit public. Elle assure la vérification des comptes et celle de la gestion des entreprises publiques et des organismes à participation financière publique majoritaire. Elle s’assure du respect effectif des priorités sectorielles et évalue le degré de réalisation des équilibres géographiques.
La Vérification générale d’État serait chargée de contrôler, dans tous les services publics de l’État, l’observation des lois qui en régissent le fonctionnement administratif, financier et comptable, d’apprécier la qualité de l’organisation et du fonctionnement de ces services, de vérifier l’utilisation des finances publiques et la régularité des opérations des administrateurs, des ordonnateurs et de tous comptables publics.
L’Office national de lutte contre la corruption veille à la promotion et à l'effectivité de la transparence et de la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques. Il étudie les cas de corruption active ou passive.
L’Autorité de régulation des marchés publics a pour mission d’assurer la régulation du système de passation des marchés publics et des conventions de délégation de services publics. Elle a pouvoir d’initier toute investigation relative à des irrégularités ou des violations à la réglementation communautaire et de faire réaliser des audits techniques et/ou financiers en vue de contrôler et suivre la mise en œuvre de la réglementation en matière de passation, d’exécution et de contrôle des marchés et conventions de service public.
La Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières collecte, analyse et traite des renseignements financiers propres à établir l’origine des transactions, ou la nature des opérations objets des déclarations de soupçons des assujettis.
La CNRI préconise une aggravation des sanctions financières, pénales et administratives applicables en cas d’infraction à la législation financière mais aussi que l
La stabilité institutionnelle
L’instabilité institutionnelle peut résulter soit du jeu des rapports entre l’Exécutif et le Législatif, soit, à l’intérieur de l’Exécutif, des décisions du Président de la République qui dispose du pouvoir discrétionnaire de nommer et de mettre fin aux fonctions de chef du Gouvernement, soit d’un usage abusif de la révision constitutionnelle.
Dans les rapports entre l’Exécutif et le Législatif, la stabilité institutionnelle est une réalité incontestable au Sénégal mais elle est réalisée au détriment de l’équilibre et d’une séparation réelle des Pouvoirs. En effet, l’aménagement institutionnel du pouvoir d’État donne une prééminence au chef de l'État. Il y a une concentration des pouvoirs au niveau de l’Exécutif dominé par le Président de la République qui assume la totalité du Pouvoir exécutif et qui exerce même, du fait de la prédominance de son parti, un certain contrôle sur le législatif. La constitutionnalisation de l’institution gouvernementale en 2001 et l’accroissement des pouvoirs du premier Ministre étaient perçus comme devant contribuer à équilibrer les Pouvoirs. Dans les faits, cela n’a jamais entamé la prépondérance présidentielle, d’abord parce qu’il y a une concordance entre majorité présidentielle et majorité parlementaire. C’est justement cette concordance de majorités qui assure la stabilité institutionnelle. Mais celle-ci est obtenue au détriment d’un ordonnancement institutionnel garantissant une mise en œuvre effective des principes de transparence, de responsabilité et de reddition de compte, une jouissance réelle des droits et libertés, une vie démocratique véritable. La démocratie est un système où tout pouvoir fait face à d’autres pouvoirs disposant de la « faculté d’empêcher ».
La CNRI, ayant constaté que la stabilité institutionnelle repose essentiellement sur la concordance entre majorité présidentielle et majorité parlementaire, a estimé devoir prévoir l’hypothèse inverse d’une non-concordance entre les majorités présidentielle et parlementaire pour éviter dans ce cas toute possibilité de crise institutionnelle. Celle-ci pourrait découler du fait que celui qui détermine la politique de la nation et qui a l’initiative des lois ne dispose pas d’une majorité de soutien au Parlement. La CNRI propose que soit prévue dans la Constitution cette éventualité. Dans ce cas, il est donc prévu que le Premier Ministre soit nommé par le président de la République sur une liste de trois (3) personnalités proposée par la majorité parlementaire. Il revient alors au Premier Ministre de déterminer et de conduire la politique de la Nation. Il a, avec les députés, l’initiative des lois. Le président de la République garde cependant toutes ses autres prérogatives. Il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des institutions. Il exerce certains pouvoirs sur proposition du Premier Ministre. Il met fin aux fonctions du Premier Ministre sur présentation par ce dernier de la démission du gouvernement.
Pour avoir un meilleur équilibre entre les Pouvoirs, la CNRI, comme mentionné plus haut, préconise le renforcement de l’indépendance des Pouvoirs législatif et judiciaire et une meilleure distribution du pouvoir à l’intérieur de l’Exécutif.
Pour une stabilité renforcée des institutions, la CNRI préconise l’encadrement du pouvoir de dissolution du président de la République. Il ne peut dissoudre l'Assemblée nationale que lorsque celle-ci adopte une motion de censure contre le gouvernement ou lui refuse sa confiance deux fois dans les douze mois et pour toute autre raison empêchant le fonctionnement normal des institutions dûment constatée par la Cour Constitutionnelle. En tout état de cause, il lui est interdit de dissoudre ou de suspendre une quelconque institution pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels.
Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre de la Cour constitutionnelle avant l’expiration de son mandat que sur sa demande ou pour incapacité physique ou mentale dûment constatée par un collège de trois médecins désignés par l’Ordre des médecins saisi par la Cour. De même, les Autorités administratives indépendantes disposent de mandats irrévocables avant terme.
En ce qui concerne la stabilité constitutionnelle, la CNRI recommande le respect du caractère rigide de la Constitution. Elle propose que l’initiative de la révision constitutionnelle appartienne à la fois au président de la République, mais sur proposition du Premier Ministre, et aux députés ; que le vote de l’Assemblée nationale soit une étape obligatoire, qu’il s’agisse d’un projet ou d’une proposition de révision. Elle propose que l’approbation de toute révision constitutionnelle soit faite selon le cas soit par voie parlementaire soit par voie référendaire.
La régulation du champ politique.
La multiplication exponentielle du nombre de partis politiques amène à des interrogations légitimes sur les modalités de leur création et de leur fonctionnement. La stricte application de la loi n° 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques modifiée par la loi n°89-36 du 12 octobre 1989 aurait sans doute permis un assainissement et une moralisation du champ politique. En effet, quels sont les partis politiques qui déposent chaque année au plus tard le 31 janvier, sous peine de dissolution, le compte financier de l’exercice écoulé ? Ce compte doit faire apparaître selon la loi, que le parti politique ne bénéficie d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et legs de ses adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations. Qui ignore le fait que les sommes dépensées durant les campagnes électorales dépassent de loin les moyens personnels des candidats et le produit de ces ressources légales ?
Quels sont les partis politiques qui n’encourent point une dissolution parce que déclarant chaque année, au plus tard dans les huit jours qui suivent la date anniversaire du récépissé de leurs statuts, les prénoms, noms, profession et domicile de ceux qui, à titre quelconque sont chargés de son administration ? Combien sont-ils, ces partis, qui auraient dû être dissous pour avoir, par leurs activités générales ou leurs prises de positions publiques, gravement méconnu les obligations qui résultent de la Constitution et qui concernent le respect des caractères républicain, laïc et démocratique de l’Etat ; l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et l’unité de l’État ; l’ordre et les libertés publics ? Quels sont les partis politiques qui ne reçoivent ou n’ont reçu directement ou indirectement des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal ?
Le défaut de contrôle du circuit de financement des activités des partis politiques favorise les financements occultes, source de corruption et la stricte application de la loi est de nature à entrainer la réduction drastique du nombre de partis politiques.
Le Sénégal ayant ratifié les Conventions des Nations Unies et de l’Union africaine contre la corruption qui préconisent l’adoption de mesures visant à accroitre la transparence du financement des partis politiques, devrait amener l’État à étudier les modalités de mise en œuvre d’un financement public des partis politiques notamment de ceux (hors coalition) représentés à l’Assemblée nationale. Cela aura comme avantage, une meilleure maîtrise des circuits de financement des partis, la réduction des inégalités et des injustices et plus d’équité dans l’allocation des ressources publiques mais aussi et surtout la création des conditions de compétitions électorales sincères. En effet, un système électoral crédible doit promouvoir des conditions d’exercice garantissant la transparence et la sincérité du scrutin ainsi que l’égalité des candidats Un scrutin sincère est celui qui se déroule dans des conditions garantissant une expression correcte du suffrage. Tout ce qui peut fausser cette expression est à bannir ; l’inégalité des chances ne découlant que des conditions disparates de jouissance des ressources publiques est à écarter.
La CNRI propose la création d’une Autorité de Régulation de la Démocratie qui, outre la mission de contrôle et de supervision de l’ensemble du processus électoral, assure le contrôle de la régularité du fonctionnement et du financement des partis politiques, la vérification du financement des campagnes électorales. Elle organise aussi la tenue de concertations régulières entre les acteurs du jeu politique.
Elle propose que la délivrance d’un récépissé attestant la création d’un parti politique soit assujettie à la production d’une liste de 10.000 adhérents domiciliés dans 10 régions au moins à raison de 700 adhérents au moins par région.
La restauration de la crédibilité et de l’autorité de l’Administration publique
La CNRI a fait le constat que l’Administration publique souffre de divers maux dus notamment à une politique d’externalisation non contrôlée qui la déstabilise et la décrédibilise. Elle a aussi noté que les dysfonctionnements dus à des chevauchements (entre les missions confiées aux agences et autres structures assimilées et celles incombant aux services de l’Administration), à des abus et des dérives dans leur gestion financière et dans celle de leurs ressources humaines, sont encore notables en dépit de l’adoption de la loi d’orientation 2009-20 du 4 mai 2009 sur les agences d’exécution. La CNRI a également noté que si cette politique d’externalisation était justifiée par l’exigence accrue des usagers du service public en termes de « célérité et d’efficacité et la complexité des procédures administratives », elle a eu comme effets pervers une marginalisation et une « décrédibilisation » de l’Administration publique. Celle-ci a perdu une bonne part de sa neutralité, de son efficacité et de son professionnalisme. La CNRI a enfin fait le constat d’une certaine anarchie dans les appellations des organes créés dans le cadre de cette politique d’externalisation. Si certains sont dénommés « Agences », d’autres, « Haute autorité », « Office », « Autorité », « Conseil » ou « Haut conseil ». Des mesures de correction s’imposent.
La CNRI recommande une vérification de l’état d’exécution des dispositions de l’article 16 de la loi 2009-20 précitée, une évaluation de la politique d’externalisation avec l’accent mis sur les performances réalisées par les différentes structures et une suppression de toutes les structures qui n’ont pas eu des résultats probants. Pour la CNRI, il faut redonner à l’Administration publique toute sa crédibilité et toute son autorité. Cela passe par une normalisation de sa structuration qui doit répondre aux normes d’organisation les plus généralement reconnues, des unités de base aux directions nationales ; elle passe également par un système de recrutements privilégiant la transparente et l’équité avec des dispositifs appropriés qui promeuvent la compétence et le mérite. Cela se réalise par le recours systématique à l’appel à candidature pour les hautes fonctions dans les secteurs public et parapublic et le recours au concours pour l’essentiel des postes inférieurs.
La CNRI réaffirme avec force que l’Administration publique doit être apolitique, neutre et impartiale. Elle est dédiée au service de l’intérêt général et ne doit être détournée de ses missions à des fins personnelles ou partisanes. Ses agents sont soumis à la loi et à un code de conduite qui les obligent à n’accepter ni solliciter, directement ou indirectement, au Sénégal ou à l’étranger, aucun don, cadeau ou libéralité dans l’exercice de leurs fonctions. Ils ne peuvent non plus faire des dons et libéralités de biens mobiliers ou immobiliers appartenant à l’État ou à ses démembrements.
C’est compte tenu des avis exprimés lors des consultations citoyennes et des conclusions ci-dessus que la CNRI a élaboré le texte ci-joint d’une nouvelle Constitution dont elle propose au président de la République l’adoption par voie référendaire.
Brève présentation du texte de constitution proposé par la CNRI
Le texte de Constitution comporte 148 articles non comprises les dispositions transitoires et finales au nombre de 5. Il est structuré en douze titres précédés d’un préambule.
Le premier titre, intitulé « Principes généraux » traite en trois sections, respectivement, des attributs et symboles de l’Etat, des principes d’organisation et de fonctionnement de l’Etat et de la souveraineté.
Le titre 2 porte sur les libertés fondamentales, droits et devoirs du citoyen.
Les titres 3, 4 et 5 ont trait aux trois Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le titre consacré au Pouvoir exécutif comporte deux sections se rapportant respectivement au Président de la République et au Gouvernement. Dans le titre 4 sont traités en trois (3) sections de l’organisation et du fonctionnement de l’Assemblée nationale, du domaine de la loi et de la procédure législative. Le titre 5 consacré au Pouvoir judiciaire est structuré en cinq (5) sections traitant des dispositions générales, de la Cour Constitutionnelle, du Conseil d’État, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes.
Le titre 6 est consacré aux rapports entre les Pouvoirs, plus précisément aux rapports entre l’Exécutif et le Législatif (section 1), aux rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire (section 2) et entre le Législatif et le Judiciaire (section 3).
Le titre 7 concerne la Haute Cour de Justice et le titre 8, les organes consultatifs (Conseil économique, social et environnemental -section 1-, Conseil National des collectivités locales -section 2-, et Conseil Consultatif des Sénégalais de l’Extérieur -section 3-)
Le titre 9 traite, en quatre (4) sections, des Autorités administratives indépendantes. Dans la première il y a des dispositions générales suivies des trois (3) autres relatives respectivement au Médiateur de la République, à l’Autorité de Régulation de la Démocratie et au Conseil National de Régulation de la Communication.
Dans lestitres 10, 11 et 12 sont traités les collectivités locales, les traités internationaux et la révision constitutionnelle.
Tout au long de ses travaux, la CNRI a tenu à s’écarter du débat quelque peu simpliste sur la nature parlementaire ou semi-parlementaire, présidentielle ou semi-présidentielle du régime à instaurer. La conviction largement partagée de ses membres a été d’adopter une démarche pragmatique fondée sur la prise en compte des préoccupations largement partagées par les citoyens à savoir : garantir la séparation et l’équilibre des Pouvoirs, l’exercice démocratique du pouvoir, l'inviolabilité de la dignité humaine et la promotion du bien-être de tous mais aussi le renforcement de la justice sociale et de la solidarité.
Partant du diagnostic qu’elle a établi au démarrage de ses travaux (confirmé par les citoyens et porteurs d’enjeux) et qui a révélé que les Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, théoriquement indépendants les uns des autres, ne sont en fait ni séparés ni équilibrés, la CNRI a cherché, à travers les dispositions suivantes, un aménagement du Pouvoir d’Etat qui garantisse un meilleur équilibre et une séparation plus nette des Pouvoirs :
1- Le président de la République détermine la politique de la Nation mais ne peut exercer certains pouvoirs que sur proposition soit du Premier ministre soit d’autres instances. Parce qu’il incarne l’unité nationale, il ne doit plus être chef de parti dès sa prise de fonction.
2- En ce qui concerne le Parlement, il a été remédié aux risques d’abus de majorité avec la création des conditions de participation effective de l’opposition parlementaire au travail législatif.
En outre, il y a une meilleure maitrise par le Parlement de son ordre du jour. Les députés, bénéficiant de l’apport d’assistants parlementaires sont mieux armés pour faire face aux exigences que leur impose la complexité du travail parlementaire.
3- Sur le plan Judiciaire, les compétences du juge constitutionnel ont été renforcées pour garantir le respect des droits fondamentaux de la personne humaine et régler les conflits de compétence entre l'Exécutif et le Législatif entre autres missions. Il n’y a plus d’autorité directe du Garde des Sceaux sur les magistrats du parquet. Les pouvoirs du Conseil Supérieur de la Magistrature, organe de gestion de la carrière des magistrats sont renforcés.
La CNRI tout en renforçant la panoplie des droits et libertés reconnus aux citoyens a entendu leur accorder une meilleure protection en les plaçant sous la surveillance d’un Juge des libertés. Pour rendre plus effectifs ces droits et libertés, elle estime qu’il y a lieu d’ouvrir au citoyen, un droit de recours auprès du juge constitutionnel lorsqu’il estime qu’une mesure d’ordre législatif porte atteinte à ses droits fondamentaux, de reconnaitre aux organisations de défense des droits humains et environnementaux un intérêt à agir devant les juridictions compétentes dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. En matière de garde à vue, la CNRI recommande la présence de l’avocat (ou d’une personne de son choix, le cas échéant) à la fin des premières vingt-quatre heures de la garde à vue, et le renforcement des droits de la personne.
Estimant que si les citoyens ont des droits et libertés qu’il convient de garantir et de protéger, ils ont également des devoirs à accomplir, la CNRI réaffirme l’obligation pour tout citoyen sénégalais de respecter scrupuleusement la Constitution et les lois et règlements. Le citoyen a le devoir de défendre la patrie contre toute agression et de contribuer à la lutte contre la corruption et la concussion, de respecter, de faire respecter le bien public et de s’abstenir de tous actes de nature à compromettre l’ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publics mais aussi de préserver les ressources naturelles et l’environnement du pays, d’œuvrer pour le développement durable au profit des générations présentes et futures et enfin, d’inscrire à l’état-civil, les actes le concernant et ceux qui sont relatifs à sa famille dans les conditions déterminées par la loi.
Le souci de donner plus de crédibilité et de renforcer le système de représentation justifie la constitutionnalisation de l’organe qui a pour mission le contrôle et la supervision de l’ensemble du processus électoral ou référendaire mais aussi la proposition de création d’un Conseil National des Collectivités locales et d’un Conseil consultatif des sénégalais de l’extérieur pour, respectivement, une meilleure prise en compte des affaires locales et de celles des sénégalais de la diaspora dans les politiques et programmes publics.
D’autres innovations et modifications importantes ont été introduites par rapport aux dispositions constitutionnelles actuellement en vigueur. Certaines d’entre elles constituent de véritables innovations en ce sens qu’elles n’ont jamais figuré dans un texte constitutionnel au Sénégal. Il s’agit notamment des dispositions suivantes :
Pour une meilleure protection des droits et libertés et une consécration des devoirs du citoyen :
L’obligation du référendum pour toute modification d’une disposition relative aux libertés fondamentales de la personne humaine : Art.150 al.3.
L’institution d’un juge des libertés : Art.51 al 2.
La reconnaissance de l’intérêt à agir devant les juridictions compétentes des organisations de défense des droits humains et environnementaux, dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics : Art 51 al 3.
La réglementation de la garde à vue : Art.22.
L’élargissement des candidatures indépendantes à tous les types d’élection : Art.14 al 2.
La reconnaissance du droit de pétition aux citoyens : Art26.
L’introduction du référendum d’initiative populaire : Art.13 al 2.
L’introduction en faveur du citoyen du droit initiative législative : Art.94 al 2.
La reconnaissance au citoyen d’un droit de recours auprès du juge constitutionnel : Art.109.
Le principe d’une consultation des citoyens pour les attributions liées au patrimoine foncier et ou aux ressources naturelles : Art 15 et suiv.
La constitutionnalisation du droit d’accès à l’information administrative et de protection des données personnelles : Art.6 et 34.
Le droit à l’information et à la protection des données personnelles qui font l’objet d’un suivi par le médiateur : Art.142.
La constitutionnalisation des devoirs du citoyen : Art.52.
Explicitation du principe de la laïcité : Préambule, Art.30 al2.
Le principe d’une assistance de l’État aux communautés religieuses, de manière transparente et sans discrimination : Art.30 al 3.
L’interdiction des milices privées et groupes paramilitaires et encadrement juridique strict des sociétés privées de sécurité : Art. 28.
La traduction et la large diffusion de la Constitution en langues nationales : Art. 154.
La notion de progrès expressément mentionnée dans le texte du serment du Président élu : Art. 61
L’introduction à l’école publique de l’éducation religieuse à la demande des parents : Art. 43.
Pour un meilleur équilibre et un strict respect de la séparation des Pouvoirs :
La redéfinition des rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire : Art.105- 106.
L’interdiction faite au Pouvoir exécutif d’entraver le cours de la justice ou de s’opposer à l’exécution d’une décision de justice : Art.129.
L’institution d’une Cour constitutionnelle Art. 1O7-108
L’interdiction faite au Pouvoir législatif de statuer sur des contentieux juridictionnels, de modifier une décision de justice ou de s’opposer à son exécution : Art. 130.
L’encadrement du droit de dissolution de l’Assemblée nationale : Art.120.
Appréciation par l’Assemblée nationale de la durée de l’exercice des pouvoirs exceptionnels et possibilité d’y mettre fin en cas d’abus dûment constaté par la Cour Constitutionnelle : Art. 123 al 3.
Le renforcement du Parlement (droit d’amendement parlementaire aménagé pour une meilleure effectivité et prérogatives de fixation de son ordre du jour par le Parlement renforcées)
L’autorisation parlementaire avant tout envoi, engagement ou retrait de troupes dans des conflits armés à l’extérieur : Art.92.
La définition de la Haute trahison : Art.131 al 2.
L’élargissement des autorités susceptibles d’être traduites devant la Haute Cour de Justice : Art.132.
Pour le renforcement du système consultatif :
L’institution d’un Conseil national des Collectivités locales : Art.135.
L’institution d’un Conseil Consultatif des Sénégalais de l’Extérieur : Art.137.
Pour le renforcement des instances de régulation au service du citoyen :
La détermination constitutionnelle du régime juridique des Autorités administratives indépendantes : Art 138.
L’institution d’une Autorité de Régulation de la Démocratie : Art.143.
La Constitutionnalisation de l’Organe de Régulation de la communication. Art.141.
La Constitutionnalisation du Médiateur de la République : Art. 139 et 141.
Pour la normalisation de la vie publique et des pratiques administratives :
Les limitations et le non cumul des mandats : Art. 76 al 4.
La fixation du nombre de députés : Art :80.
Les limitations du nombre de ministres : Art.76 al 5.
La Constitution prévoit et réglemente l’hypothèse d’une non-concordance entre les majorités présidentielle et parlementaire : Art.75.
Le certificat attestant l’aptitude physique et mentale du candidat à la présidence intègre le dossier de candidature : Art.59.
Limite supérieure de l’âge d’un candidat à la Présidence de la République : Art 58.
La réglementation constitutionnelle des conditions de recrutements d’agents publics et de nomination aux fonctions de direction de services nationaux, d’organismes du secteur parapublic et de nomination des autorités administratives indépendantes : Art.11.
La normalisation des cadeaux, dons et libéralités dans l’Administration publique Art.9 à 11.
La normalisation des titres et fonctions de ministre : Art.76.
La réaffirmation des principes de fonctionnement de l’Administration publique : Art.9.
La déclaration de patrimoine : Art.6 al 2 ; 62 ; 80 al 4 ; 107 al 8.
Pour le renforcement de la rationalité et de l’équité dans les budgets national et locaux.
Le dispositif de renforcement des finances locales (dotation collectivités locales) : Art.135.
L’évaluation par la Cour des Comptes du respect effectif des priorités sectorielles et le degré de réalisation des équilibres géographiques et en fait mention dans son Rapport annuel : Art. 104.
Pour la préservation des ressources naturelles et de l’environnement.
La fixation d’un contenu précis des obligations de l’État en matière environnementale : Art.41.
Les dispositions sur le foncier et les autres ressources naturelles : Art.15 à 18
V-2.RECOMMANDATIONS FINALES
La CNRI ayant fait le constat de l’ampleur des modifications qu’elle propose, recommande l’adoption d’une nouvelle Constitution au lieu d’une simple révision de celle en vigueur. Elle suggère la traduction de l’avant-projet de Constitution dans les langues nationales avant toute soumission au peuple.
Une partie des recommandations qu’elle a faites a trouvé traduction dans l’avant-projet de constitution qui a été élaboré.L’adoption des textes infra constitutionnels s’avère nécessaire pour rendre la loi fondamentale applicable dans son ensemble. La CNRI recommande en particulier et en priorité l’adoption des lois organiques sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, la Cour constitutionnelle et l’Autorité de Régulation de la Démocratie. Cette dernière, mise en place, devra organiser des concertations avec la classe politique et les autres acteurs autour du mode de scrutin aux élections législatives pour qu’on ait, comme par le passé, des règles électorales consensuelles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la CNRI propose de donner suite à la volonté largement exprimée par les populations de suppression de la liste nationale, et de consacrer la mise en œuvre du scrutin majoritaire à deux tours à l’échelle des circonscriptions électorales (l’échelle du département ayant la préférence des citoyens).
Une deuxième partie des recommandations n’ayant pas vocation à figurer dans une Constitution nécessitera l’institution d’une Commission restreinte de suivi de leur mise en œuvre. Celle-ci sera chargée d’identifier les textes en vigueur qu’il convient de modifier à cette fin.
La CNRI a enfin noté que bon nombre de préoccupations récurrentes exprimées par les citoyens ne découlent pas toujours d’une absence de réglementation mais parfois d’un défaut d’application du cadre juridique qui existe. Elle en veut pour preuve la dilapidation décriée du patrimoine foncier ou les atteintes à la tranquillité publique. Elles découlent parfois d’un défaut de mise en place des mesures d’accompagnement nécessaires en termes de textes d’application ou de structure sans lesquels aucune effectivité n’est garantie.
En effet, la CNRI est partie du constat qu’en dépit du fait que le système foncier sénégalais est légalement dominé par le principe d’inaliénabilité des terres qui caractérise celles du domaine national et du domaine public de l’État, il y a dans la réalité une aliénation souvent illégale d’une partie non négligeable du patrimoine foncier au profit d’intérêts divers, parfois extérieurs au pays au risque de priver à long terme les paysans de terres et le Sénégal, des leviers essentiels de sa liberté et de son développement. L’inaliénabilité constitue une précaution contre les dilapidations éventuelles des patrimoines publics. Le simple respect de la loi qui aménage des techniques (ECUP ou immatriculation) et des garanties (utilité publique, indemnisations ou remboursement des impenses) et soumet à autorisation législative la vente des biens du domaine privé de l’État est de nature à préserver le patrimoine foncier. Il reste évident que les citoyens et collectivités concernés doivent être informés de tout acte ou opérations juridiques envisagées sur ces terres. La CNRI déplore le retard dans l’adoption des décrets d’application de la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale en vigueur depuis 2004. Dans le même ordre d’idées la préoccupation liée à l’accès aux documents administratifs ne découle pas d’un vide juridique mais du fait que la Commission d’accès sur l’information administrative et la protection des données personnelles tarde à être fonctionnelle. En effet, aux termes de la loi n° 2006-19 du 30 juin et du décret n°2006-596 du 10 juillet 2006, les documents administratifs sont l’ensemble des documents reçus par les autorités administratives dans l’exercice de leur fonction, qu’ils soient nominatifs ou non nominatif. L’accès aux documents non nominatifs est libre et gratuit sauf quelques restrictions (sécurité de l’État, honneur des familles et des individus, etc.). L’accès aux documents nominatifs est libre et gratuit pour les ayants droits ; il est partiel pour les non ayants droits. Tout citoyen a droit d’accès aux documents nominatifs le concernant. La demande est faite auprès de l’autorité qui détient le document et qui est tenue de répondre dans les deux mois, soit par une réponse positive, soit par une réponse négative écrite et motivée. Si au bout de deux mois, aucune réponse implicite ou explicite n’est parvenue au demandeur, ou si la réponse ne lui paraît pas satisfaisante, il saisit la Commission d’accès sur l’information administrative et la protection des données personnelles tarde à être fonctionnelle.
S’agissant des atteintes à la tranquillité publique, la CNRI a noté que l’apathie des autorités étatiques n’est pas le résultat d’un défaut de base légale pour agir. Aux termes de l’article 129 du code des collectivités locales, les représentants de l'État exercent les pouvoirs de réprimer les atteintes à la tranquillité, telles que le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique.
[1] Nommé ministre de la Justice en septembre 2013, M. Kaba n’a pas participé à la suite des travaux de la CNRI.
[2] Sur la base d’une liste fournie par le ministère de l’Intérieur
[3] Noter que nous avons classé les propositions en fonction de leurs scores, avec la nomenclature suivante : Au-dessus de 95% d’avis favorables = « très large consensus » ; Entre 90 et 95 % = « large consensus » ; Entre 85,01 et 90% = « accord très solide » ; Entre 80 et 85% = « accord solide » ; Entre 70 et 79,99% = « majorité confortable » ; Plus de 60 et Moins de 70% = « majorité ». Ces critères de classement ont été établis de façon ad hoc et n’ont d’autre but que d’aider à distinguer plus clairement des niveaux d’adhésion aux différentes propositions de réforme On peut estimer que ces items ont été classés selon un barème volontairement sévère car il s’agit de promouvoir les consensus les plus solides pour en tirer les orientations de la réforme en vue.
[4] À la lecture des résultats et/ou après analyse au sein de la Commission
[5] Bien que les résultats des panels citoyens soient déterminant, la CNRI a pris en compte, lors de ses délibérations, les données de toutes les consultations ainsi que de celles des questionnaires des citoyens et ceux remplis directement en ligne.
ANNEE 2023 : CENTENAIRE DE TROIS PERSONNALITES SENEGALAISES ET D’UNE INSTITUTION SCOLAIRE, CREUSET DE L’EXCELLENCE EN AFRIQUE
Il s’agit des trois figures emblématiques nées en 1923, une année historique, à savoir Valdiodio Ndiaye (avocat, homme politique) de Cheikh Anta Diop (scientifique, historien, anthropologue, homme politique) et d’Ousmane Sembène
Il s’agit des trois figures emblématiques nées en 1923, une année historique, à savoir Valdiodio Ndiaye (avocat, homme politique) de Cheikh Anta Diop (scientifique, historien, anthropologue, homme politique) et d’Ousmane Sembène (écrivain, réalisateur, scénariste connu pour ses positions militantes sur les questions politiques et sociales). L’année 1923 est également une date historique avec la création du Prytanée militaire de SaintLouis, une institution scolaire qui fait la fierté de l’élite africaine. Me Valdiodio Ndiaye, le Professeur Cheikh Anta Diop et le cinéaste Ousmane Sembène auraient vécu 100 ans s’ils étaient en vie en 2023 au même titre que le Prytanée militaire de Saint-Louis qui célèbre cette année 2023 son centenaire. C’est dire que l’année 1923 a vu naître au Sénégal des monstres sacrés qui méritent une attention toute particulière et une reconnaissance de la Nation. Dans cette série de publications en quatre parties, nous allons nous évertuer à visiter le passé héroïque de ces leaders, chacun dans son domaine respectif. Ce sera également le cas de ce temple du savoir le Prytanée militaire de Saint-Louis qui fait la fierté de tout un continent.
Pour ouvrir cette série d’hommages, nous allons évoquer dans le premier jet l’une des figures emblématiques de notre histoire politique, à savoir Me Valdiodio Ndiaye. Valy comme l’appelaient ses proches est avocat et homme politique sénégalais né officiellement le 7 avril 1923. Valdiodio Ndiaye est le fils de la Linguère Sira Mbodje issue de la lignée des Guelewars du Sine et du Saloum. Son père, Sa Balagnar Ndiaye est également un prince de la lignée des rois Ndiaye, une famille régnante dans le Saloum des profondeurs. Valdiodio Ndiaye a passé son enfance à Kaolack où il a fait ses études primaires avant d’aller poursuivre ses études secondaires au lycée Faidherbe de SaintLouis.
Contrairement à beaucoup d’étudiants de son époque, au moment de passer le baccalauréat Valdiodio Ndiaye n’obtiendra pas de sursis pour son service militaire et devra passer l’examen en candidature libre. Il est sorti major des épreuves du baccalauréat. Parmi ses promotionnaires, nous pouvons retenir Cheikh Anta Diop, Cheikh Fall et l’écrivain Birago Diop.
En 1947, Valdiodio Ndiaye s’inscrit en Droit et en Philosophie à la faculté de Montpellier. En Janvier 1951, il soutient sa thèse sur la citoyenneté. Une soutenance qui lui vaut la mention très honorable avec les félicitations du jury. Il rentre au Sénégal en compagnie de son épouse elle-même juriste de formation. De cette union sont nés quatre enfants dont l’aîné deviendra également avocat. En 1951, Valdiodio s’installe à Kaolack comme avocat et entre en politique pour être élu conseiller territorial en 1952. Pour Valdiodio Ndiaye, «la démocratie est un chœur immense où toutes les notes ont leur place, même les notes dissonantes» ; propos qui donne tout son sens à son engagement politique. En 1957, avec la loi cadre, il devient ministre de l’Intérieur du Premier gouvernemental du Sénégal formé par le Président du Conseil Mamadou Dia. De septembre 1958 à Mai 1959, il assume les fonctions de ministre de l’Education nationale ainsi que l’intérim de la Présidence du Conseil. Il devient de facto l’architecte avisé d’une difficile réforme administrative qui supprime les chefferies traditionnelles qui sont issues du milieu princier au Sénégal. Pour réussir son entreprise et sa mission, il entame de longues tournées à l’intérieur du pays pour des négociations avec ses parents membres de la chefferie traditionnelle. C’est ce travail très important qui a permis d’établir les bases destinées à consolider l’Unité Nationale au Sénégal.
En 1958, c’est en l’absence du Président Senghor et du Président du Conseil Mamadou Dia. Me Valdiodio Ndiaye, ministre de l’Intérieur chargé de l’intérim du Président du Conseil avait la lourde charge d’accueillir le Général De Gaulle dans le cadre de la tournée en Afrique de l’Ouest relative au référendum de septembre 1958 qui marque l’éclatement de l’Afrique Occidentale française.
Valdiodio Ndiaye, du haut de la tribune officielle, a bien précisé au Général De Gaulle que les peuples africains veulent l’Indépendance. Réponse du Général De Gaulle à travers son discours historique : «Je salue Dakar et le Sénégal lié depuis trois cents ans à la France et réciproquement. Je salue l’Afrique qui est libre qui veut la liberté. Je vois que Dakar est une ville vivante et vibrante. Alors si les porteurs de pancartes veulent l’Indépendance ; qu’ils la prennent.» Une réponse du Général De Gaulle diversement appréciée mais ce qui a plus retenu les attentions, c’est le discours historique et héroïque de Me Valdiodio Ndiaye qui a osé publiquement affronter le Général De Gaulle pour lui asséner de telles vérités.
Malheureusement et ironie du sort, commencent les signes précurseurs de la décadence de l’homme qui a marqué de fort belle manière l’histoire politique du Sénégal. En décembre 1962, le destin de Valdiodio Ndiaye bascule à travers des accusations mal fondées de complot contre l’Etat et tentative de coup d’Etat. Il fut arrêté en même temps que le Président du Conseil Mamadou Dia. Pendant son arrestation, son épouse Claire, ses quatre enfants et deux de ses neveux seront expulsés du Sénégal. Il sera interdit aux enfants de rendre visite à leur père emprisonnés dans une localité très éloignée de Dakar à savoir Kédougou. Valdiodio venait d’être condamné à 20 ans de prison ferme pour complicité et tentative de coup d’Etat. Pourtant à l’issue d’un procès marathon, le Procureur général Ousmane Camara, que Dieu lui prête longue vie !, n’a réclamé aucune peine. Du Procureur général Ousmane Camara, l’avocat émérite de Valdiodio Ndiaye, Me Abdoulaye Wade disait : «J’étais venu aujourd’hui ferrailler avec le Procureur général, le juge Ousmane Camara, mais heureusement que nous sommes tous les deux du même côté». Valdiodio Ndiaye et ses compagnons d’infortune tels Mamadou Dia et trois autres ministres se retrouveront à Kédougou pour purger leur peine.
Grâce à la mobilisation internationale de personnalités politiques et membres de la société civile défendus par les ténors du barreau comme Robert Badinter et celui qui est devenu le troisième Président du Sénégal à savoir Me Abdoulaye Wade, Valdiodio Ndiaye en compagnie de ses codétenus est enfin libre en 1974. Il aura donc passé 12 années de prison dans l’honneur et la dignité et s’en est allé une décennie plus tard en 1984. A sa sortie de prison, il transfère son cabinet à Dakar où était déjà installé son vieil ami Abdoulaye Wade. Son cabinet à Dakar dirigé aujourd’hui par son fils Guédel Ndiaye. Son neveu direct, Me Pape Sambaré Diop, fils de la sœur de Valdiodio. N’Guenar Ndiaye a aussi suivi des études en Droit en France à l’image de son oncle et est devenu notaire titulaire installé à Dakar. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la styliste Collé Ardo Sow, épouse du notaire Sambaré Diop, s’est inspirée du prénom de la mère de Valdiodio Ndiaye, Linguère Sira Mbodje et a appelé son événement culturel Sira Vision.
Pour reparler de Valdiodio Ndiaye, son engagement politique a fait du personnage emblématique un valeureux homme d’Etat dont le nom est gravé à jamais dans les annales de l’histoire du Sénégal. Les hommes politiques actuels doivent s’inspirer de ce grand homme d’Etat digne et très engagé au service du pays à quelques encablures de l’élection présidentielle du 25 février 2024. Chapeau bas Me Valdiodio Ndiaye rappelé à Dieu le 5 mai 1984 à Dakar et inhumé à Kaolack, sa région d’origine.
À suivre, l’article sur l’une des figures emblématiques de l’histoire du Sénégal née en 1923, à savoir Cheikh Anta Diop avant Sembène Ousmane et la prestigieuse école du Prytanée militaire de SaintLouis.
Mbaye DIOUF
Par Assane Gueye
LA SYNCOP 28
Quelque 100 000 participants, 195 pays, 4000 journalistes et 2000 lobbyistes ont été témoins du saupoudrage de Dubaï. La 28ème Conférence des Nations Unies pour le climat a de prime abord manqué de sobriété.
Quelque 100 000 participants, 195 pays, 4000 journalistes et 2000 lobbyistes ont été témoins du saupoudrage de Dubaï. La 28ème Conférence des Nations Unies pour le climat a de prime abord manqué de sobriété. Tous ces gens respectables qui l’ont honorée de leur présence ont quasiment tous pris l’avion pour s’y rendre. S’ils étaient si attachés à l’écologie, ils auraient mieux fait de marcher pour prouver leur sincérité. La micromobilité est certainement moins polluante que l’aéroplane qui déverse sa quantité de particules dans l’atmosphère. Les faux amis de la nature, à dire vrai, ne prêchent pas par l’exemple. Il suffit de voir les repas au menu souvent précédés au cours de ces grand-messes de petits fours, canapés et cocktails. Des plats bourrés de produits carnés, donc de protéines, sont ingurgités. Ce qui veut dire que parmi les écolos autoproclamés, les végétariens ne sont pas légion. Une autre absurdité, disons une provocation qui laisse pantois. Le président de cette COP, Sultan Al Jaber, est le PDG de la compagnie pétrolière d’Abu Dhabi. Choix loufoque et symptomatique du manque de sérieux et de respect qui ajoute du discrédit sur le rendez-vous annuel qui finit toujours de toute manière en rendez-vous manqué. Mais le reste du monde qui n’y est pas est incrédule, blasé. Cette majorité silencieuse reste tranquillement à la maison, loin du fatras et du concours du plus beau discours sans lendemain comme cela se passe du reste tous les ans avec l’Assemblée générale de L’Onu.
Les COP écopent camouflet sur camouflet
Villégiature, perte de temps et autodérision. Les COP comportent les germes de leur propre flop. Pas surprenant qu’elles écopent camouflet sur camouflet. Effectivement, tous les prétentieux qui veulent sauver la nature gaspillent leur temps et leur énergie. Dame nature est plus résiliente que tout. Elle sera encore là quand nous aurons fini d’embarquer pour des horizons lointains. Quoiqu’il se passe, elle est sa propre arche de Noé. Les larmes de crocodile des pompiers-pyromanes n’y feront rien. La nature naturante va gagner et va reprendre ses droits. Dans ses gesticulations, l’être humain ne cherche qu’à sauver sa peau. Parce qu’il n’est pas un singleton sur terre, il n’en est même pas le centre de gravité, encore moins «maître et possesseur de la nature». Comment un philosophe émérite comme Descartes peut dire une telle énormité ? C’est la terre et les vers de terre qui entretiennent la terre qui auront le dernier mot. Nous y venons, nous serons ensevelis sous terre. Humanité, humilité et humus sont de la même famille. Jouons balle à terre et finissons-en avec l’arrogance. 80 milliards d’individus ont déjà existé depuis que l’Homme est sur terre. Les 72 milliards ont été emportés par l’ange de la mort. Il en reste 8 qui s’inquiètent avec beaucoup d’égocentrisme du réchauffement et du dérèglement climatique. Les scientifiques onusiens du GIEC sonnent régulièrement l’alarme jusqu’à être anxiogènes. On est au- devant d’une insolation ou d’une hypothermie collective. Sortir du fossile ou entrer dans la fossilisation. C’est notre punition si on ne veut pas être momifiés. Au même moment où se tenait la pâle COPie, un déluge de bombes continue de pulvériser Gaza, à quelques kms de là. C’est dire combien les copistes ont de l’affect.
Les Sénégalais à la COP ont laissé derrière eux un désastre écologique
Dans la débandade générale et la vaste mascarade multilatérale, qu’en est-il précisément du Sénégal ? Le désert y avance inexorablement. La Grande muraille verte signifie qu’on s’emmure dans nos turpitudes. Les Sénégalais n’ont plus la main verte. Ses villes sont en ciment. La capitale en particulier ne ressemble plus à rien. Le maire Barthélemy Dias veut planter 100 000 arbres. Il ne sait pour le moment que poser des pavés après avoir cessé de jeter des pavés dans la mare. Clairement, les Sénégalais qui se sont présentés à la COP ont laissé derrière eux un désastre écologique. «Notre maison brûle et on regarde ailleurs». Qui ne craque pas devant la formule de Chirac. Oui, chez nous, il est un sujet essentiel dont personne ne parle. Il s’agit du droit et bien-être des animaux. Les équidés (cheval et âne), les populations de chats et de chiens sont si malmenés, tellement mal-traités dans ce pays qui a pourtant eu les premiers médecins vétérinaires d’Afrique. Birago Diop et autres. Grandeur et petitesse. Les points d’eau y sont également comblés au profit des sites d’habitation qui explosent en même temps que la démographie. Un pays sahélien qui ensevelit ses zones humides, c’est le comble de l’ironie. Ici donc, comme un peu partout dans ce monde immonde, le loup est dans la bergerie. Un proverbe arménien résume fort bien la situation. «Honteux de ce qu’il voit tous les jours, le soleil se couche en rougissant». Carton rouge à la COP.
par Lamine Niang
APRÈS SABASSY FAYE, NOUS DÉCOUVRONS OUSMANE RACINE THIONE
Dans un Sénégal où les décisions judiciaires sont très souvent politisées ou influencées par des intérêts puissants venant de tous les bords, le juge courageux se distingue par sa ténacité à rester impartial et à suivre la voie de la vérité
Dans un contexte politique marqué ces dernières années par une succession de décisions de justice arbitraires et iniques pour écarter de la course présidentielle, le chef de l’opposition politique, le verdict du juge Ousmane Racine Thione, rendu ce jeudi 14 décembre au tribunal de grande instance hors classe de Dakar, redonne espoir. Le magistrat demande la réintégration du candidat Ousmane Sonko sur les listes électorales, confirmant ainsi le jugement rendu par Sabassy Faye en octobre au tribunal de Ziguinchor avant d’être cassé par la Cour suprême mi-novembre.
C’est une autre véritable éclaircie dans le ciel ténébreux de la justice sénégalaise qu’il faut apprécier à sa juste valeur, tant le niveau de dépit collectif envers le troisième pouvoir avait atteint tous les sommets. Les nombreuses réactions euphoriques des Sénégalais, exprimées allègrement aussi bien dans les foyers qu’à travers les réseaux sociaux à l’annonce du verdict, illustrent bien l’inattendu de cette décision, célébrée comme une victoire. Signe d’un soulagement populaire et reflet de l’immense espoir qu’incarne Ousmane Sonko.
Le juge Thione, à la suite de Sabassy Faye, est venu donc nous rappeler qu’il y a encore des magistrats honorables, fidèles à leur serment professionnel de rendre des décisions impartiales basées uniquement sur le droit.
Cette décision si importante dans un contexte extrêmement polarisé nous rappelle également qu’il y a toujours des juges courageux au Sénégal, dans la lignée de Kéba Mbaye, qui se dressent comme un phare dans la nuit sombre de la justice sénégalaise. Ils sont guidés par une conviction inébranlable envers la loi et l’équité, même au milieu des tempêtes de l’intimidation et des menaces étatiques. L’honneur qui les habite en toutes circonstances est élevé au-dessus des calculs circonstanciels pour satisfaire les lubies déraisonnées et fantaisistes d’un chef de l’État hanté par la perte prochaine du pouvoir.
Dans un Sénégal où les décisions judiciaires sont très souvent politisées ou influencées par des intérêts puissants venant de tous les bords, le juge courageux se distingue par sa ténacité à rester impartial et à suivre la voie de la vérité. Il ne se plie pas aux pressions extérieures, résistant aux vents de la popularité momentanée pour rester fidèle à son serment de défendre la loi.
Il sait que ses décisions peuvent avoir un impact durable sur la société et sur l’évolution du droit. Il agit avec la fermeté de caractère nécessaire pour remettre en question le statu quo lorsque la justice l’exige, même si cela signifie affronter de réelles menaces sur sa vie professionnelle ou familiale.
L’héritage d’un juge courageux va bien au-delà de sa carrière. Il incarne l’idéal de la magistrature en inspirant les générations futures à poursuivre la quête infatigable de la vérité et de la justice, faisant ainsi progresser la société vers un avenir plus équitable et éclairé.
Nous espérons que les fonctionnaires de la CENA et de la DGE retrouveront enfin toute la lucidité nécessaire et comprendront toute la responsabilité historique qui pèse sur leurs épaules en évitant toute forme de dilatoire dans la remise des fiches de parrainage au chef de l’opposition sénégalaise. La justice a tranché, Ousmane Sonko est remis légalement dans la course à l’élection présidentielle 2024.
par Ibrahima Thioye
RAPPELS SUR LE MARKETING POLITIQUE
Une cohérence entre la vision, le modèle de création de valeur, l’offre, la marque et le positionnement assure une bonne proposition de valeur.
Cet article s’adresse aux acteurs de l’écosystème politique (partis, responsables politiques, organisations de la société civile, chroniqueurs, journalistes) ainsi qu’à tout citoyen qui s’intéresse à cette grille d’analyse marketing. Pour ceux qui aspirent à remporter les suffrages des Sénégalais, ainsi que pour leurs équipes, ces rappels peuvent s’avérer très utiles. Comprendre ces concepts est une chose, mais les intégrer dans les pratiques quotidiennes en est une autre. Sont abordés ci-après quelques concepts marketing regroupés en catégories.
1. Marketing et bon sens
2. Besoins, aspirations, attentes et exigences des électeurs
3. Évolution des déterminants du choix des électeurs
4. Segmentation, ciblage, positionnement et perception
5. Vision, offre et proposition de valeur
6. Notoriété, image de marque et capital confiance
7. Valeurs et systèmes de valeurs
8. Stratégie, positionnement et mix marketing (ou leviers d’action marketing)
9. Discours, communication, médias et propagande
10. Ruptures avec l’arrivée des canaux digitaux
1. Marketing et bon sens
« Le marketing contribue à la réalisation des objectifs des organisations en créant, révélant, promouvant de la valeur pour leurs publics. » (J. Lendrevie & al.)
Il relève du bon sens. Plus la culture marketing se développe au sein des organisations, plus celles-ci tiennent compte de la dimension stratégique en amont du processus : modèle de création de valeur pour l’électeur, segmentation, ciblage, positionnement, politique de marque, etc.
2. Besoins, aspirations, attentesetexigences
Ce sont des éléments d’entrée (ou inputs) à partir desquels l’entité politique élabore son offre politique. Ils servent également de points de repère dans le pilotage au quotidien. La meilleure offre est celle qui est en phase avec eux. Il arrive des moments où de nouvelles aspirations s’emparent du corps électoral (ou marché électoral), à l’image d’un virus. Dans un tel contexte, l’acteur qui réussit dans ce marché est celui qui prend en charge ces aspirations avec un positionnement (perception que les électeurs ont de l’acteur) très clair, pertinent et distinctif. Dit autrement, c’est l’acteur qui offre la meilleure proposition de valeur (promesse représentant la plus-value de l’offre politique) aux électeurs qui réussit sur ce marché électoral.
3. Évolution des déterminants du choix des électeurs
Les déterminants des intentions de vote sont liés aux besoins, aspirations, attentes et exigences des électeurs. Comme un second souffle, on observe actuellement dans notre sous-région une nouvelle ère où les aspirations telles que le patriotisme, la bonne gouvernance, l’émergence économique, jusque-ici réservées à une intelligentsia, commencent à imprégner les larges masses populaires. Elles deviennent ainsi de forts déterminants à côté des besoins affectifs ou immédiats. De nouvelles attentes et exigences émergent aussi sous l’essor du digital. Le respect des valeurs associées à la démocratie républicaine, telles que la liberté d’opinion et les droits des citoyens, est considéré comme une exigence dans une société qui a une longue tradition démocratique.
4. Segmentation, ciblage, positionnement et perception
La segmentation de l’électorat permet d’affiner le processus de construction de l’offre politique en identifiant de façon pertinente les différents sous-marchés homogènes. Le ciblage définit clairement le ou les segments auxquels s’adresse principalement l’offre politique. Le positionnement est la place qu’occupe une marque dans l’esprit des électeurs ; il traduit la façon dont l’acteur politique souhaite être perçu par l’électeur en général et surtout par son segment cible. Cette perception constitue un baromètre essentiel de différenciation.
5. Vision, offre, proposition de valeur
Une cohérence entre la vision, le modèle de création de valeur, l’offre, la marque et le positionnement assure une bonne proposition de valeur. Celle-ci, associée à un bon réseau de valeur (appareil efficace, moyens adéquats, alliances idoines), constitue un élément central dans le succès de l’acteur politique auprès de son électorat. La marque de l’acteur politique (qu’il s’agisse d’une marque-parti ou d’une marque-leader) qui exprime sa personnalité a un lien affectif avec son électorat. Elle représente un actif intangible et un capital important pour l’entité politique.
6. Notoriété, image de marque et capital confiance
La notoriété d’une marque est un indicateur crucial. L’acteur politique doit toujours s’assurer de sa notoriété au sein des différents segments de l’électorat. L’image de marque, ou la valeur perçue par les électeurs, constitue une représentation positive ou négative que ces derniers se font de la marque. Le capital confiance et le capital sympathie sont les fruits d’une proposition de valeur solide et sont des leviers essentiels pour le choix des électeurs. Le soin apporté à la gestion de la marque, mais surtout à l’image de marque, influe sur les intentions de vote.
7.Valeurs et systèmes de valeurs
La marque est toujours associée à certaines valeurs. Les électeurs les perçoivent et font la différence entre les valeurs professées et les valeurs réelles en usage. Dans notre contexte, il est important de suivre l’évolution des systèmes de valeurs. Ceux-ci se comportent comme des containers englobant les valeurs.
8. Stratégie, positionnement et mix marketing
La stratégie marketing doit être en phase avec la stratégie globale de l’entité politique. Elle doit intégrer les dimensions suivantes : compréhension des besoins et aspirations des électeurs à travers des études et sondages, segmentation, positionnement et politique de marque. Le pendant du mix marketing PPPP (produit, place, prix, promotion) du domaine commercial à la sphère politique est le mix marketing PPBP (programme ou offre politique, place, bulletin de vote et promotion de la marque par la diffusion des discours idoines).
9. Discours, communication, médias et propagande
La stratégie et le plan de communication permettent de mettre en œuvre les différents moyens pour promouvoir l’offre politique de l’acteur. Toute stratégie de communication doit tenir compte des cibles et des canaux idoines pour les atteindre. Les millenials et la génération Z utilisent de plus en plus les canaux digitaux. Ils ne se contentent plus des discours de propagande. Ils veulent prendre part aux conversations. Savoir activer ces leviers de manière adéquate est de la plus grande importance pour un acteur politique.
10.Ruptures avec l’arrivée des canaux digitaux
L’arrivée du smartphone, couplée aux réseaux sociaux, a beaucoup changé la donne en introduisant des ruptures : une abondance de l’information, une instantanéité dans l’acquisition de celle-ci et une conversation généralisée. Tract, meeting, pétition, manifestation de mécontentement prennent d’autres formes qui ont pour noms : live, post, hologrammes, etc. Les indicateurs de mesure d’audience et de notoriété évoluent lorsqu’on passe du physique au virtuel. Une rupture de fond introduite par le digital est l’émergence de nouvelles valeurs intitulées STOAH (sharing : partage, transparency : transparence, openness : ouverture, authenticity : authenticité, humility : humilité). Elles vont devenir des attentes de plus en plus pressantes, voire des exigences, dans l’interaction que tout acteur (commercial ou politique) entretient en interne ou avec son environnement.
L’orientation marketing apporte une valeur ajoutée aux organisations. Il arrive que des entités, sans formalisme, répondent intuitivement et de la bonne manière aux questions cruciales du marché électoral. Comme monsieur Jourdain, elles font du marketing sans le savoir. Celles qui veulent garantir leur succès en utilisant le processus marketing doivent répondre, entre autres, aux questions suivantes : quel est votre segment cible ? Comment recueillez-vous leurs besoins, aspirations ou attentes ? Comment est positionnée votre marque (leader ou parti) au niveau de ce segment ? Quelle stratégie mettez-vous en place lorsqu’un autre acteur occupe un positionnement privilégié au niveau de votre segment cible ? Quelle est la notoriété de votre marque auprès des différents segments ? Quel est le niveau du capital confiance de votre marque auprès du segment cible et auprès des autres segments ? Quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour développer ce capital confiance ? Quels sont les « retours électeurs » sur les principaux discours ou prises de position que vous leur adressez ?
Par Daouda DIA
ALERTE DANGER ! ÉTAT DE VETUSTE DES CHALOUPES DE LA LIAISON MARITIME DAKAR- GOREE
La Liaison Maritime Dakar Gorée dispose de deux chaloupes d’une capacité de 350 places chacune. Toutefois, avec les pannes récurrentes, il y a à se demander si elles disposent de permis de navigabilité.
Le lundi 11 décembre et le ce jeudi 14 décembre 2023, en moins d’une semaine, les Goréens ont subi l’arrêt total du fonctionnement des deux chaloupes Beer et Coumba Castel privant les élèves, les enseignants, les travailleurs de pouvoir se rendre à Gorée ou Dakar pour vaquer à leurs occupations en toute sérénité. Il y a quelques semaines, la chaloupe a failli chaviré sur la plage de Gorée. Les images sont là pour le prouver. Une situation récurrente et indigne !!
La Liaison Maritime Dakar Gorée dispose de deux chaloupes d’une capacité de 350 places chacune. Toutefois, avec les pannes récurrentes, il y a à se demander si elles disposent de permis de navigabilité. Les Goréens subissent de manière récurrentes l’arrêt du fonctionnement total des chaloupes pour se contenter de pirogues ou de bateau remorqueur d’une capacité maximale de moins de 40 places debout (pas de places assises) sans gilets de sauvetage pour la traversée. Il ne s’agit plus de panne des chaloupes mais bien d’une vétusté et le pire est devant nous si aucune action urgente et d’envergure n’est pas faite par l’État.
La direction du Port Autonome de Dakar reste aphone face à cette situation lamentable arrimée d’une gestion prévisionnelle chaotique de la liaison maritime Dakar-Gorée ; les autorités étatiques de promesses en promesses pour l’acquisition d’une nouvelle chaloupe depuis 2014 brillent par leur incommunication et leur opacité face à cette situation catastrophique. La vétusté des chaloupes est manifeste, les normes de sécurité maritimes ainsi que les exigences de service de sécurité des passagers à bord sont quasi inexistantes. Combien de fois les Goréens, les touristes ont-ils subis des incidents majeurs occasionnant d’énormes frayeur en plein mer ? Faut-il s’attendre au pire pour agir ? Sommes-nous amnésiques ?
Il est regrettable que le Port Autonome de Dakar à travers la Liaison Maritime Dakar Gorée privilégie l’approche chiffre d’affaires au détriment de la sécurité et de la sureté. Nous sommes face à une urgence, celle d’acquérir dans l’immédiat un navire digne du nom pour assurer la continuité territoriale entre Dakar et Gorée, Patrimoine mondial de l’Humanité. N’oublions pas que Gorée constitue une des vitrines du Sénégal, quatre touristes sur cinq visitent Gorée, idem pour les visites officielles d’hôtes de marque. Nous devons sauver Gorée du pire !
La vérité est que nous ne devons plus emprunter les chaloupes Beer et Coumba Castel si nous voulons nous rendre à Gorée du fait du danger réel qui guettent tous les passagers Goréens, touristes, africains, sénégalais ! les chaloupes sont vétustes et insuffisamment sécurisées. Les stigmates de la tragédie du bateau «Le Joola» sont encore visibles. Que le Port nous brandisse les permis de navigabilité des chaloupes!
Nous constatons régulièrement des arrêts de fonctionnement des chaloupes de Gorée au détriments des habitants de l’Ile de Gorée notamment les élèves, les travailleurs, les enseignants, les mamans qui doivent se rendre à Dakar pour le marchés, les restaurateurs, les touristes. Pourtant depuis 2013, nous alertons de manière régulière et à ce jour aucune action concrète d’envergure n’est faite. La Commission de contrôle du Port en charge de la liaison maritime Dakar Gorée ne se réunit plus, c’est à se demander qui est en charge de la gestion de cette crise structurelle que subit les Goréens.
Le Directeur du Port Autonome de Dakar le sieur Mountaga Sy trouve du temps à accueillir un bateau de croisière mais pas de temps pour prendre en charge la question cruciale de la vétusté des chaloupes depuis près de 10 ans. S’est-il une seule fois déplacé au niveau de la liaison maritime Dakar-Gorée depuis sa nomination à la tête de la Société nationale du Port autonome de Dakar (SN-PAD) le 28 septembre 2022. Quel mépris! Sommes-nous en face d’une défaillance des services publics ? Bien entendu, le service communication de la LMDG peut continuer à donner de multiples communiqués pour justifier des « pannes techniques », tel n’est point le cas, il s’agit bien d’une défaillance structurelle ! Malheureusement, la politique étouffe tous les enjeux de développement.
Le Président de la république pour des questions de sécurité a acquis en 2017 une nouvelle vedette baptisée « Fatick » à cinq milliards huit cent quarante-neuf millions trois cent trente-neuf mille soixante (5 849 339 060) Fcfa pour la visite de ses pairs à Gorée. Pourtant, le coût d’une telle vedette dépasse largement celui des deux chaloupes qui transportent des citoyens sénégalais en priorité qui après tout, demeurent les actionnaires principaux de l’État parce que c’est eux qui votent et qui versent des impôts. Sommes-nous, nous Goréens, des citoyens de seconde zone ?
L’acquisition d’une nouvelle chaloupe est plus que urgente, autrement, le réveil sera brutal pour tous !! le spectre du naufrage du Joola, une des pires tragédies maritimes de l’humanité, est présent !