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27 novembre 2024
Opinions
Par Abdoul Aly KANE
POUR LA PREMIERE FOIS….
La présente contribution s’inspire d’un article d’Alioune Tine paru sur Walf, évoquant le silence du ministre de l’Intérieur actuel chargé des élections sur la non application des décisions de justice concernant la réinsertion d’Ousmane Sonko ...
La présente contribution s’inspire d’un article d’Alioune Tine paru sur Walf, évoquant le silence du ministre de l’Intérieur actuel chargé des élections sur la non application des décisions de justice concernant la réinsertion d’Ousmane Sonko sur le fichier électoral.
Le « droit de l’hommiste » l’interpelle en ces termes : “C’est pour la première fois que le Sénégal fait l’expérience d’une défaillance aussi caractérisée de son administration face à une question majeure de démocratie et d’état de droit pour une raison simple : l’administration électorale ne communique pas, ne dialogue pas, ne se concerte pas avec les acteurs concernés »
Il faut en effet rappeler que, dans un passé récent, les partis politiques en compétition avaient su “dialoguer” pour convenir du choix d’une personnalité neutre pour la supervision des consultations, et répondre ex ante aux desiderata légitimes des uns des autres. Au-delà de l’organisation des élections, le contexte actuel doit interpeler. On pourrait aussi dire, à la suite d’Alioune Tine que, Pour la première fois :
L’élection présidentielle se tient après de violentes confrontations qui ont fait des morts, des blessés, et une foultitude de jeunes militants en prison, et avec des enquêtes toujours en cours pour déterminer les responsabilités. Nul doute que cela ne manquera pas d’influer sur le climat d’un scrutin qui aurait dû se tenir dans un environnement plus apaisé. Il faut souligner que la répression par les forces de défense et de sécurité, a été si lourde que les premiers responsables d’entre eux invoquent à son propos, l’inadaptation de l’appareil du maintien de l’ordre répressif pour gérer ce type de manifestations ;
Pour la première fois :
On va aux élections présidentielles au Sénégal, sans les ténors de la scène politique, soient l’actuel Président de la République qui ne se représente plus, et son principal challenger en prison;
Pour la première fois :
Les décisions de justice enjoignant l’administration chargée de ces élections (DGE, DAF) d’inclure à nouveau le principal opposant dans le fichier électoral duquel il avait été retiré à tort, ne sont pas prises en compte par celles-ci. Au niveau du parti au pouvoir,
Pour la première fois :
On note une sorte d’implosion du parti au pouvoir dont les cadres les plus emblématiques refusent de s’aligner sur le candidat choisi.
On a connu par le passé des sécessions de ténors de partis comme celles de Djibo Djibo Ka, puis Moustapha Niasse du PS à l’orée des élections de 2000, mais à notre connaissance, elles n’avaient pas eu la même ampleur que celle que nous observons aujourd’hui au niveau du parti présidentiel.
Le parti au pouvoir va dans une grande dispersion aux élections avec des personnalités politiques de 1er ordre, comme Mouhamed Boun Abdallah Dionne ancien Premier Ministre, Aly Ngouille Ndiaye ancien Ministre de l’Intérieur, Mame Boye DIAW, ancien Directeur des Domaines, Aminata Asomme Diatta ancienne ministre du Commerce, et d’autres très tôt en rupture de ban, comme Aminata Touré, ancienne Premier ministre, Coumba Ndoffène Bouna Diouf ancien Ministre etc…
Pour la première fois :
Le candidat officiellement investi par son parti, n’en tient pas les rênes.
Le Président de la République qui vient de se voir confirmé à nouveau dans le poste de Secrétaire général de l’APR.
Cette situation me semble inédite, et pose le problème de la liberté de manœuvre du candidat lorsque la campagne électorale sera lancée
De tout cela, il ressort que :
Le caractère inclusif du scrutin est déjà menacé par le jeu de yoyo entre l’administration des élections et les juges du fond sur la question de la légalité de la candidature de SONKO. Un précontentieux électoral est donc du domaine du possible, au regard de la détermination de la DAF, de la DGE et de la CDC, à appliquer les décisions de juges du fond de Ziguinchor et de Kolda
Le dossier de l’opposant vient d’être remis au Conseil Constitutionnel, qui l’a jugé recevable.
L’avenir proche nous dira ce qu’il en sera réellement de la décision finale de cette institution quant aux candidats définitivement retenus pour compétir en février 2024
Enfin cette élection ne charrie pas encore d’informations claires sur la vision des candidats, malgré la publication d’ouvrages de quelques candidats potentiels, mais qui n’ont pas encore l’objet de débats publics approfondis.
Il s’agit de Mame Boye DIAO qui vient de publier «Le Sénégal qui vient» et Ousmane Sonko qui annonce la parution d’un nouveau livre, après la publication de « Pétrole et Gaz au Sénégal », « Solutions pour un Sénégal nouveau », et « les territoires de développement »
Le candidat Amadou Ba, quant à lui, affirme s’inscrire dans la continuité, en gardant la vision (PSE) et les programmes de son prédécesseur, avec un accent particulier sur une politique d’emploi des jeunes, dans un mode encore plus « fast track » que la précédente.
Toutefois l’annonce qui a retenu notre attention est, pour l’instant, celle de la création d’une banque de développement dont les contours et les missions restent à préciser
Au plan sous-régional, les élections vont se tenir dans un contexte de crise la CEDEAO, marqué par la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, et dont la série d’actes posés poussent au pessimisme quant à l’avenir de la communauté économique telle que créée en 1975
En définitive, notre pays aborde un nouveau tournant dans son histoire de pays ayant acquis la souveraineté formelle depuis bientôt 64 ans.
Il est caractérisé par la jeunesse de sa population, aux attentes de celles-ci et de la population en général d’une vie meilleure et d’un renforcement des acquis démocratiques
Avec la violence de la répression des évènements de 2021 et 2023, suivis d’emprisonnements de près de 1000 manifestants si l’on s’en tient aux statistiques reprises par les organes de presse, le pays semble avoir rompu avec le pacifisme d’antan. Les plans et programmes proposés depuis 1960 n’ont pas encore mené à l’avènement d’un Sénégal nouveau.
Dans cette situation, il est utile de signaler aux candidats que l’enjeu est d’autant plus crucial que le Sénégal se trouve à la croisée des chemins au regard de la réorganisation géopolitique de la mondialisation qui se déroule sous nos yeux
L’entame du processus de transformation structurelle de notre économie est urgente. Le modèle économique actuel a fait la preuve de son inadaptation et de son incapacité à satisfaire les besoins essentiels des populations par la création d’emplois décents et la répartition équitable des fruits de la croissance.
Les gouvernants africains dans leur ensemble, ne peuvent plus se permettre de faire fonctionner leurs économies à partir de rentes issues de l’exportation de ressources minières brutes, dont les revenus peinent à couvrir les besoins de populations caractérisées par un croît démographique exponentiel.
Les attentes d’un développement économique à partir de l’aide au développement, de l’endettement auprès des institutions financières internationales ou du financement international privé, dont les délais sont de plus en plus courts avec des taux d’intérêts élevés menaçant la soutenabilité des dépenses budgétaires de remboursements, ont fait la preuve de leur nocivité en matière de souveraineté nationale
Les remèdes prescrits par les institutions de Bretton Woods, visent prioritairement à restaurer l’équilibre budgétaire national via une augmentation des recettes internes (fiscalité) et des restrictions sur les dépenses publiques, le tout en harmonie avec la stricte nécessité de préserver la capacité à rembourser la dette.
Le changement de modèle économique ne peut-être qu’arraché à une oligarchie néocoloniale strictement centrée sur la maximisation de ses marges d’exploitation.
La question à poser est par conséquent de savoir quel est le niveau de détermination des aspirants à la magistrature suprême, de s’engager dans une voie de rupture avec ce modèle qui n’a jamais conduit nulle part au développement économique ?
Il est temps de relever le défi de la transformation structurelle et de ne plus se contenter de la part congrue de la valeur ajoutée que l’on veut bien accorder à nos pays, que l’on se garde bien désormais d’appeler, avec beaucoup de cynisme « pays en voie de développement » alors que nous vivons dans une mondialisation à sens unique. Le Président de la République, lors du dernier Conseil présidentiel de Fatick a d’ailleurs évoqué les difficultés structurelles du pays, qu’il n’aura pas su, lui-même, résoudre sur la durée de son magistère.
“Un pays(le Sénégal) qui après 63 ans d’indépendance n’a pas de langue nationale enseignée, et dont la monnaie constitue un problème, c’est ça les vrais débats économiques débats de société, le reste c’est des faux problèmes au quotidien” fait-il ce jour-là. La monnaie…. Le mot est lâché ; de surcroît, sa place dans ce discours improvisé, intrigue. S’agit-il du Fcfa actuel ? De l’ECO version Uemoa, de l’ECO version CEDEAO ?
Le discours gagnerait à être éclairci, et des positions nettes prises par les candidats, dans un contexte où le Fcfa est le symbole d’une « servitude volontaire » comme dirait l’autre, aux yeux des jeunes du continent qui le considèrent comme la source de tous les malheurs.
Pour en revenir à la question du caractère inclusif que doit revêtir l’élection, nous disons à toutes fins utiles, que le passage en force que constituerait l’élimination de SONKO, pourrait accoucher d’une situation que beaucoup d’entre nous redoutent, à savoir des comportements anarchiques nés du désespoir, avec comme conséquence la présence accrue dans l’espace politique et social, des forces chargées du maintien de l’ordre tel que conçu par les tenants actuels du pouvoir actuel, animé par la farouche volonté de perpétuer leur règne. Auquel cas, Il est permis de conjecturer que le scrutin prochain pourrait accoucher d’un Sénégal nouveau, dont le trait distinctif serait une restriction accrue des libertés de toutes natures que l’on observe dans les grandes dictatures du monde.
Les prémisses sont là.
Elles ont pour nom : interdictions quasi systématiques des manifestations à caractère politique, obstruction des lieux de réunion (siège de Dethié Fall), mise à contribution outrancière de la justice pour régler des différends politiques etc… Bientôt la prise de parole irrévérencieuse ne sera plus tolérée, avec les conséquences que l’on sait sur la liberté et les droits humains.
Par conséquent, « THE DAY AFTER », un tohu bohu indescriptible pourrait se produire, et mènerait à ce que De Gaulle appelait à tort la “chienlit” pour qualifier à son niveau le “désordre social” qui allaient suivre les manifestations de 1968.
Pour finir, il nous semble utile de lancer un appel aux aspirants à la magistrature suprême, pour rappeler que, présider aux destinées du pays ne signifie essentiellement jouir de la toute-puissance du pouvoir accordé par la Constitution au Président de la République, que nous considérons comme excessif en démocratie.
Des pouvoirs du Président de la République, le pouvoir de nomination nous paraît être le plus pernicieux, lorsqu’il est utilisé à des fins de démonstration de puissance.
Il semble vouloir dire :
« Je te nomme et je te dégomme selon mon humeur » !
« Tu n’étais rien, de mon seul bon vouloir je te fais toi « TOUT » !
« Tu es riche, je t’appauvris » séance tenante pour t’apprendre à obéir !
« Tu n’obéis pas, je te jette en prison afin que nul n’ignore l’étendue de ma puissance !
La liste des formes d’abus de pouvoirs possibles est longue et peut prendre les formes les plus insensées, surtout dans un pays qui est passé du royaume à la République sans en expliquer le sens évolutif.
Les expressions « Borom Réwmi, Borom deukëbi », utilisées par des compatriotes ignorants ou alors adeptes de la flagornerie, témoignent de cette confusion sur le statut du chef de l’Etat, d’ailleurs souvent entretenue à dessein par ce dernier pour renforcer davantage son image de souverain auprès du peuple.
Au-delà de 2024, des réformes s’imposent pour la réduction des pouvoirs présidentiels, dont le caractère hypertrophié est source de dérives autoritaires préjudiciable au bon fonctionnement d’une République démocratique.
Dans cette perspective, la société civile a un important rôle à jouer ; il devient urgent pour le pays qu’elle s’implique dans la définition et des politiques publiques jusque-là laissée à l’appréciation d’un seul homme ou d’un seul parti politique. Elle en est capable de par la force de ses idées et ses capacités de suggestion et de mobilisation.
PAR Ibou Fall
NDELLA MADIOR SE VOYAIT AUSSI AU PALAIS
A quoi échappe-t-on déjà l’an passé, lorsqu’elle manque de peu de se faire élire députée. On l’aurait remplacée à la dernière minute par une certaine Maïmouna Bousso. L’Hémicycle serait passé du tragicomique au burlesque avec sa présence dans les travées
C’est par une scabreuse affaire, à propos de laquelle il est question de la mort de plusieurs enfants, de trafic humain, de maltraitances diverses que Madame Ndella Madior Diouf s’illustre ces derniers jours.
En garde à vue après des révélations sur le petit monde glauque de sa pouponnière «Keur Yeurmandé», elle nous en fait presque oublier qu’elle est de la liste des braves gens qui aspirent à prépouponnière «Keur Yeurmandé» sider aux destinées de notre pays béni des cieux.
A quoi échappe-t-on, déjà, l’an passé, lorsqu’elle manque de peu de se faire élire députée. On l’aurait remplacée à la dernière minute par une certaine Maïmouna Bousso. Le spectacle désolant qui se joue à l’Hémicycle depuis cette nouvelle législature serait sans doute passé du tragicomique au burlesque ineffable avec sa présence dans les travées : imaginez un peu, en rangs serrés, Guy Marius Sagna, Coura Macky, Ahmed Aïdara et Ndella Madior Diouf…
Un quatuor de comiques troupiers pour surveiller l’action gouvernementale, discuter budget, voter nos lois.
Qu’à cela ne tienne : le doute raisonnable ne l’étouffant pas et n’étant pas toujours toute seule dans sa tête, Madame Ndella Madior Diouf trouve sans forcer les mots pour se consoler et se convaincre que le fauteuil de député n’est pas assez chic pour son standing.
Elle visera donc plus haut, le fauteuil présidentiel.
Celui-là même que Léopold Sédar Senghor occupera une vingtaine d’années, marquant de son empreinte notre Histoire avec, surtout, un savoir-vivre jamais pris en défaut.
La vraie tragédie de Ndella Madior Diouf est sa carence cruelle en bonnes manières.
Son sans-gêne dans les médias dont elle est la bonne cliente s’étale comme de la marmelade insuffisante sur une tartine. Son exhibitionnisme en est plus que pathétique, il est quasiment pathologique : de sa vie intime, personne n’ignore plus rien.
Ben si, c’est connu : par exemple, elle les aime grosses et inépuisables…
Si ce n’était que ça… Ses péripéties sentimentales et professionnelles, depuis plusieurs décennies, envahissent la médiasphère avec une régularité qui force le respect. Son enfant hors mariage, son accouchement par césarienne à New York, ses ménages qui floppent, ses coups de cœur qui finissent par se transformer en planches à billets.
Rien ne nous est épargné et le grand public est repu : sa curiosité malsaine qui réclame une ration journalière de sulfureuses tranches de vies est comblée.
Ça ne s’ennuie jamais à ses côtés manifestement, même si personne n’est fait pour y durer.
A-t-elle tort ? La République lui passe tous ses caprices avec une bienveillance déconcertante. Elle serait détentrice de cinq fréquences de radio depuis belle lurette. Sur les ondes de l’une d’elles, la voyance installe ses quartiers, avec ses congénères : l’obscurantisme, l’ignorance, la superstition, la magie noire, de même que leurs produits dérivés qui vont jusqu’à rabibocher en circuit fermé mais payant les célibataires trop timides.
Chez Ndella Madior Diouf, pour parler bref, on est au royaume de toutes les régressions mentales…
C’est en 2008 qu’elle aurait obtenu le récépissé de son parti politique. Si, si, elle est cheffe de parti, comme Abdoulaye Wade, Macky Sall, Idrissa Seck… Et depuis, régulièrement, à chaque élection, elle nous menace de prendre le pouvoir par les urnes.
Ce ne serait pas inquiétant, outre mesure, si, sur la scène publique, d’autres phénomènes ne se tortillaient pas en étalant des moyens colossaux de s’offrir une coûteuse récréation après s’être vachement ennuyée pendant des années pour avoir vendu du poulet pour papa.
Pourquoi pensez-vous donc à Anta Babacar Ngom Diack, ouf, rare fille d’un pauvre milliardaire dont l’animal de compagnie dans sa tendre enfance serait un boa ?
Question impie : à quel moment ça a foiré, pendant que l’éducation de nos enfants est devenue le cadet de nos soucis ?
C’est vrai, depuis que le Sénégal est une République, la horde des mendiants faméliques en haillons, de moins de dix ans, sillonne nos villes sous nos regards neutres. Certains sont sans doute morts de maltraitance dans l’anonymat et l’indifférence générale. La religion ayant bon dos, l’apprentissage coranique autorise le martyre des enfants des gens de peu, et le premier procureur qui s’aviserait à placer sous mandat de dépôt un oustaz imaginatif en tortures risquerait avant les flammes de la Géhenne, la fatwa des érudits.
Ndella Madior Diouf, dans cette sordide histoire, est le pendant citadin et 2.0 de ces gens établis dans tous les coins de notre pays, auxquels des parents irresponsables, en mode de servitude volontaire, confient un enfant à la chance, au destin et à l’aventure.
Emprisonnez, Madame Ndella Madior Diouf, il n’empêche qu’il y en aura toujours encore des milliers comme elle, en divagation dans notre époque, sans doute moins agités du bocal mais persuadés d’avoir leur place au Paradis…
Je ne peux tout de même m’empêcher de m’interroger : que s’est-il donc passé chez Madior Diouf, respectable professeur de Lettres à l’Ucad, tranquille militant de Cheikh Anta Diop devenu le soporifique Secrétaire général du Rnd, pour qu’une pareille monstruosité grandisse à son ombre ?
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
LE DERNIER MESSAGE À LA NATION DE MACKY SALL
EXCLUSIF SENEPLUS - Mitterrand dans son dernier discours avait étalé ses croyances, Senghor s’était inscrit dans le registre de l’espérance. Que dira le président Sall ? Quelles paroles prononcera-t-il qui survivront à sa postérité ?
Voila une année qui tire à sa fin. Dans quelques jours Macky Sall prononcera son message à la nation. A vrai dire les années précédentes, ce n’était plus un discours attendu car trop convenu et où le président se cantonnait à égrener son catalogue de réalisations. Cette fois ce sera diffèrent. Pas parce qu’on n’aura pas droit à la longue litanie habituelle des « réussites », mais surtout parce que c’est le dernier discours qu’il prononcera.
Quelle phrase prononcera-t-il et qui survivra à sa postérité ?
Mitterrand dans son dernier discours avait étalé ses croyances en évoquant « les forces de l’esprit » qui sont passées dans l’Histoire. Senghor s’était inscrit dans le registre de l’espérance. Dans son dernier message à la nation en 1981[1], rêveur, il nous rassurait sur un meilleur avenir assorti à une double condition : “Si encore une fois, nous savons être, non seulement plus unis sur l'essentiel, mais encore et surtout plus attentifs et réfléchis, plus méthodiques, plus organisés, plus travailleurs” et il poursuivait : "Si nous savons également maintenir la démocratie, c'est-à-dire le pluralisme des partis dans le respect des Droits de l'homme et des libertés fondamentales". Voilà ce que disait en substance le président poète au moment de quitter le pouvoir. Quelques 40 ans plus tard, force est de constater qu’on en est hélas au même point. Le pays est divisé, la démocratie en berne.
La dernière fois où il parla, il nous surprit. C’était au mois de juillet dernier. Contre toute attente, il annonça une bonne nouvelle pour le Sénégal : il ne sera pas candidat en 2024. L’effet de surprise fut tel qu’on le soupçonna pendant quelques mois encore de n‘avoir pas abdiqué. La principale raison était que pendant des années, malgré nos injonctions et objurgations, il avait laissé planer le doute sur une éventuelle troisième candidature, mère de tous les maux, renvoyant du reste de sa coalition tous ceux qui se prononçaient contre cette initiative scélérate.
En attendant dans deux mois, il ne sera plus président de la République. Une délivrance ! Sortir de ce cycle de troisième mandat dans lequel il nous avait enfermés, entamer la refondation dont nous avons besoin. Fermer cette parenthèse qui nous a fait beaucoup mal. Voilà les priorités. Certains me rétorqueront si ce n‘est lui cela pourrait être son frère – comprenez Amadou Ba –. Nous savons que dès que ce dernier sera aux commandes, il n’aura de cesse que d’effacer Macky de la scène publique comme Gottwald le fit de Clémentis sur la photo[3]. Pour l’heure, Amadou Ba joue au jonc, plier sans rompre car il sait que sans Macky et son appareil Benno, il n’ira de façon sûre, nulle part.
Se mettre donc sous sa coupe, avalant des couleuvres ça et là, - les sorties intempestives de ses camarades de parti laissent peu imaginer qu’elles n’aient l’aval du boss de l’APR – et épaissir son cuir restent donc sa posture. Avec un peu de chance, il pourrait peut-être remporter la mise. Mais rien n’est certain. A l’évidence le lest Macky le plombe, toute la question est de savoir jusqu’à quel point !
En termes de certitude, en 2024 la rue Mermoz où habite le président sera (re)livrée à la voie publique. L’air y sera assurément plus pur : Point de pétarades de grosses motos, ni de manoeuvres de véhicules de protection/répression en perpétuel mouvement. Être voisin du président n’a cependant pas que des inconvénients : certains riverains avaient suspendu leur service de gardiennage individuel. La gendarmerie nationale veillait sur la rue. Leur sécurité aux frais du contribuable. Il n’y a pas de petits bénéfices. Tout est bon à prendre. Fini tout cela, ils devront revenir à la dure réalité de la vie sans privilèges. Je ne sais pas si les voisins immédiats, délogés pour raisons de sécurité contre forte compensation je présume, seront contents de retrouver leur demeure après une si longue absence. Ils trouveront que leur rue a bien changé. Elle est pavée et refaite à neuf. On y roule pas on y glisse comme sur un coussin d’eau. Au départ les cars rapides avaient voulu en faire un itinéraire bis pour rallier Ouakam mais je présume que la propreté des lieux et la présence de gendarmes bien visibles (les chauffeurs de « car rapide « n’aiment pas les gendarmes) ont dû les dissuader d’établir cette rue comme voie secondaire car je ne les vois plus.
La fin d’année est propice à l’esprit de digression. Où en étais-je ?
Tout le monde attend que Macky ne soit plus président en mars 2024. Etonnamment que Macky ne soit plus président semble avoir plus d’intérêt que qui sera le nouveau président. La certitude qu’il ne sera pas président l’emporte largement sur la curiosité de qui le remplacera. On redoute les heurts et le chaos qui pourraient naître de cette dernière campagne mais comme toujours on pense qu’on s’en sortira même si on ne sait pas trop comment. La résignation d’aujourd’hui sur les manquements de ces derniers mois : une justice aux ordres, une DGE figée dans une position hiératique de vassalisation à l’exécutif refusant d’appliquer les lois, n’est soutenable que parce qu’elle est perçue comme un contre feu à une espérance que l’on chérit de tous nos coeurs et qu’on sait qu’elle adviendra car on sait qu’il ne sera plus président en mars 2024. C’est toute la force de l’espoir, comme d’ailleurs celle qui fait emprunter des chaloupes à des milliers de jeunes pour rejoindre l’Europe.
Amadou Ba comme solution de rechange reste leur solution qui risque de ne rien changer s’il ne change pas. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire car il nous faut une refondation et non une continuité. Ce verdict est sans appel.
Alors quel destin attend Macky ?
Devenir une ombre misérable qui aura besoin de l’ombre pour se protéger ? - Cette ombre que lui a proposée Macron et qu’il a acceptée en public alors qu’il est encore président du Sénégal – une sorte de destin à la Fouché à la différence qu’il gardera le titre ‘ d’« ancien président » et il ne sera certainement pas sans fortune. Par contre, il pourrait être sans importance. Jugez-en !
On parlera de lui dans la postérité en faisant référence au billet de 500 frs CFA ou en disant que « Deukk bi deffa Macky » pour dire que les temps sont durs, qu’on est dans la dèche. Une métonymie venait de naître. N’est-ce pas pervers et contradictoire d’aller acheter « son fondé »[4] du soir avec un « macky »[5] ? Idrissa Seck, cynique en diable avait débusqué l’anomalie et l’avait raillé en disant que le legs de Macky Sall se résumait au plus petit billet de notre monnaie. Et pourtant le camp majoritaire aurait pu rétorquer que Che Guevara incarnait la petite pièce de 3 pesos et que les Cubains prenaient le bus avec un « Che ». La valeur du billet peut être inversement proportionnelle à la valeur de la personnalité. C’eut été la bonne réplique à Idy. Mais cela aurait été un autre débat.
Je m’imagine la vie sans Macky. Je resterais surement quelques mois avant de « m’adapter » à la nouvelle figure qui arrivera. Il était devenu le sujet de la plupart de mes articles. Je serai sevré de « matière première » pour ainsi dire. Je m’y ferai.
En attendant, j’attends son dernier message à la Nation pour ce 31 décembre 2023. Cette fois je regarderai et j’écouterai car il y aura une part de lui dans le texte. La révélation de la croyance de Mitterrand, l’espérance de Senghor, quel sera le dernier mot de Macky ? Comme disent mes amis anglo-saxons : « I can’t wait »[6]
D’ici là, joyeuses fêtes et bonne année !
Dr C. Tidiane Sow est Coach en communication politique.
En 1980, en prélude à l’élection présidentielle française qui devait se tenir en mai de l’année suivante, Coluche, un humoriste identifiable à sa salopette rayée et à son nez rouge ou rougi, déclare officiellement sa candidature à la présidence de la République, poussant ainsi à l’extrême, la désacralisation de la fonction. On pourrait dès lors se demander si cet acte ne remettait pas en cause la légitimité de ceux qui détiennent le pouvoir, car en s’alignant avec les hommes politiques il se «hausse» à leur niveau et induit l’idée qu’ils sont des bouffons.
C’est ce que l’on peut comprendre quand, lors d’une interview il répond au journaliste qui lui « indiquait » que sa place était sur les planches d’un théâtre, et que sa candidature est une grosse farce, en mettant le doigt sur une certaine réalité triviale : « Je ferai remarquer aimablement aux hommes politiques qui me prennent pour un rigolo que ce n’est pas moi qui ai commencé. Finalement, si je comprends bien, tout le monde a le droit de vous faire rire sauf moi. J’arrêterai de faire de la politique lorsque Georges Marchais arrêtera de faire rire ».
Plus tard, bien que fort de plus de 16% des intentions de vote dans les sondages, il jette l’éponge. A la question de savoir s’il donnerait une consigne à tous ceux dont l’intention était de voter pour lui et au crédit de qui, il répond : « Je ne roule pas pour Mitterrand. Je ne roule ni pour Giscard, ni pour Marchais, ni pour Debré. Je ne roule avec personne parce qu’ils sont tous en panne ».
Soyons clairs. Il n’est aucunement question ici, de mettre tous les acteurs politiques dans la même charrette que celle dans laquelle les a mis Coluche. Il s’agit ici, de ceux qui se sont glissés parmi les 266 candidats à la candidature et qui se sont évaporés au soir du 26 décembre, date officielle de la fin du dépôt des parrainages. Dotés d’un sens exagéré et non fondé de leurs « talents, rêvant d’être admirés sans réserve, ils ont disparu comme par enchantement. L’Etat ne devrait-il pas prendre des mesures pour qu’à l’avenir, nous soyons épargnés de ces guignols qui nous ont pompé l’air ?
Entre la date du retrait des listes de parrainage et celle de leur dépôt, quelques-uns très tôt conscients que l’affaire n’était pas aussi aisée et que leur « célébrité » était surfaite, se sont désistés, rejoignant un ex futur rival ou ont trouvé un poste de « mandataire pour discuter avec tous les acteurs du processus électoral, dans la perspective d’une alliance pour la coconstruction et la citoyenneté ». D’autres, dont le quotient intellectuel ne dépasse pas la température corporelle, ont été au bord de l’extase dès que les médias ont prononcé leurs noms. Certains, chantant comme des casseroles, convaincus être nés pour recevoir les vivats de citoyens qu’ils confondent avec leurs groupies, ont rivalisé avec quelques autres, déjà en campagne électorale, dont le cerveau, cette « obscure région des idées », n’en n’a jamais produite aucune. Si ce ne sont certains, depuis qu’ils se sont rencontrés avec eux-mêmes, ne se quittent plus, conscients de constituer un beau couple avec… eux-mêmes. Rajoutons quelques pipoteurs, des culbuteurs de femmes, braguette ouverte à toutes les dérives, et un homme de droit imprudent, vaniteux qui a emprunté une voie oblique et qui se retrouve dans une impasse. Pour le moment du moins. « Les hommes se répartissent en trois classes : les vaniteux, les orgueilleux et les autres. Je n’ai jamais rencontré les autres » avait écrit Jules Renard. Dans ce cas précis, nous non plus. Je n’oublie pas ceux qui ont cru pouvoir trouver le moyen de batailler farouchement pour se faire une honnêteté après des déboires judiciaires et tous ceux qui changent d’avis sur la justice qu’ils qualifient de « couchée » ou « debout » selon la décision les concernant. Un tropisme quoi. Or, l’annulation d’une décision est un droit. La contester ? Le droit l’autorise. Se pourvoir en cassation, c’est également les textes de Droit qui le permettent. La seule chose qu’il faut espérer est que les lumières jaillissent et fassent progresser la justice.
La floraison de candidatures toutes catégories confondues n’est-elle pas la conséquence de notre goût de l’homme providentiel, généralement choisi sur le tas ajouté au monarchisme de l’institution présidentielle, où, le chef de l’Etat détient tous les pouvoirs ? La lutte pour le pouvoir ne vise pas, jusqu’ aujourd’hui en tout cas, une transformation de la société vers un mieux-être des populations, mais convoite le contrôle de prédation pour une redistribution dans des chaines et des réseaux clientélistes, parce que l’Etat est nourricier. L’expression camerounaise de « politique du ventre », résume et renvoie à une conception de l’Etat perçu comme lieu d’accès aux richesses, aux privilèges, au pouvoir et au prestige pour soi et pour son clan. Positions de pouvoir sont les voix prioritaires, voire monopolistiques qui mènent aux ressources.
Une fois la fonction présidentielle occupée, on rentre dans l’Histoire. Le président de la République a les apparences d’un roi, quelques fois même, de droit divin, or, en même temps, il ne l’est pas. Il est de droit républicain mais sa toute-puissance présidentielle s’accompagne d’une irresponsabilité politique.
On comprend dès lors, que dans un camp comme dans l’autre, au pouvoir comme dans l’opposition, dans les partis politiques ou les coalitions, on est en face de groupes qui sont identiques. Les majorités se font au gré des négociations d’appareils et de combinaisons d’ambitions personnelles. Notre désillusion se loge peut-être dans la réorientation brutale opérée par Senghor, lors du premier référendum du Sénégal indépendant, organisé en mars 1963 après le « coup d’Etat » de décembre 1962. « Deux caïmans ne peuvent pas cohabiter dans un même marigot » avait-il donné comme prétexte. Ce référendum supprime le poste de Président du Conseil et instaure un régime présidentiel qui n’a fait que se renforcer au fil du temps et des référendums. Depuis lors, le Président de la République est à la fois au Palais pour dire le discours performatif du pouvoir d’Etat et au parti pour être politiquement audible, porté aux nues par des transhumants, ces acteurs du reniement, du revirement en même temps de ralliement, qui après avoir bénéficié de tous les privilèges d’un régime, démissionnent pour s’allier à un nouveau pouvoir dans l’espoir de bénéficier d’avantages. Le rôle du Premier ministre, s’il est rétabli, s’efface parallèlement à celui du président de la République qui se dilate et se répand. C’est un attrape-tout qui préside, gouverne, inspire, insuffle, explique et prononce sous les ors d’un palais un discours différent d’un candidat battant la campagne dans des meetings électoraux.
Le Conseil Constitutionnel fera le tri parmi les 77 candidats qui, à ce jour ont déposé leurs fiches de parrainage. Parmi ceux qu’il désignera candidats officiels, sera le prochain président de la République. La campagne électorale présidentielle, mère de toutes consultations électorales est un moment propice à la confrontation d’idées. Ce sera à nous citoyens électeurs de ne pas nous contenter de « tourner la page », parce qu’il est vain d’aborder l’avenir avec un rafiot promis au radoub. Le Sénégal a les moyens d’affronter le grand large. Il ne lui manque que la vérité d’un homme d’Etat pour nommer ses maux. Et le courage pour les affronter.
EXACERBER LES TENSIONS ALORS QU’UNE ÉLECTION EST CENSÉE APAISER CELLES-CI
RAPPORT SENEPLUS D’ANALYSE PRÉ-ÉLECTORALE – Quelle est la portée du pouvoir de supervision de la Cena ? Une Administration peut-elle s’y opposer ? Une décision de justice faisant l’objet d’un recours peut-elle l’entraver ? (3/3)
(EXCLUSIF SENEPLUS) - Un autre sujet de désaccords entre les parties prenantes dans le processus électoral est celui lié aux prérogatives des divers acteurs du processus électoral et la question de leur chevauchement. Cette question s’est posée avec une acuité particulière et une intensité presque dramatique dans la mesure où elle recélait deux enjeux majeurs : la possibilité juridique et factuelle d’une participation de l’opposant Sonko à la présidentielle et, d’un point de vue plus institutionnel, le rôle et les pouvoirs de la CENA dans le processus électoral.
A la suite du jugement rendu par le Tribunal de Ziguinchor annulant la radiation de Ousmane Sonko des listes électorales et ordonnant sa réinscription (jugement du 12 octobre 2023), les « mandataires » de celui-ci se sont présentés à la Direction des élections afin de récupérer les fiches nécessaires au « parrainage » de leur candidat, toujours emprisonné. La direction des élections – qui est un démembrement du ministère de l’Intérieur – a opposé un refus au motif que ledit jugement faisait l’objet d’un recours et que celui-ci en « suspendait » l’exécution.
De leur côté, les avocats de l’opposant ont fait valoir qu’un tel caractère suspensif ne figurait nulle part dans la loi. Ils ont alors saisi la CENA, laquelle a demandé à la Direction des élections de remettre les fiches de parrainage au candidat. Cette dernière a derechef opposé un refus et les conseils de M. Sonko ont alors demandé à la CENA de se substituer à l’Administration en vertu de son pouvoir général de supervision du processus électoral (art L5 et L11 du Code électoral) et de son pouvoir « de dessaisissement et de substitution » de toute défaillance (art L13).
Entretemps, sans doute indisposé par la décision de la CENA, le président de la République a pris un décret renouvelant entièrement la composition de l’institution, le mandat de l’équipe sortante étant au demeurant épuisé depuis des années. Ce décret lui-même n’a pas tardé à être contesté devant la Cour suprême, certains des nouveaux membres s’étant illustrés dans le passé par des prises de positions partisanes, au mépris donc de l’exigence d’impartialité attendue d’eux.
En l’occurrence, la Direction Générale des Elections (DGE) a refusé, en dépit des dispositions pertinentes du code électoral, de respecter la décision du Tribunal d’Instance de Ziguinchor en invoquant le caractère non définitif de cette décision. Les dispositions du code électoral sont pourtant très claires. Elles prévoient que tout citoyen omis sur la liste électorale ou victime d’une erreur purement matérielle portant sur l’un de ses éléments d’identification et détenant son récépissé peut exercer un recours devant le président du Tribunal d’Instance dans les vingt (20) jours qui suivent la publication de la liste électorale, soit directement, soit par l’intermédiaire de la CENA. C’est cette disposition que les avocats du candidat Sonko ont mis en œuvre en saisissant le Président du Tribunal d’Instance de Ziguinchor, lieu de son inscription. Ce dernier, conformément à la loi, a statué dans les délais fixés puis a notifié sa décision dans les deux (2) jours à l’intéressé et à l’administration locale.
La décision du président du Tribunal est rendue en dernier ressort, autrement dit, elle ne peut faire l’objet d’appel. La seule possibilité offerte à la partie non satisfaite, c’est un recours en cassation devant la Cour Suprême, conformément aux dispositions de la loi organique sur ladite Cour. Or, celle-ci ne prévoit d’effet suspensif d’un recours que dans certaines hypothèses, qui ne concernent absolument pas le contentieux électoral.
C’est dire que la DGE n’est absolument pas fondée à refuser d’appliquer la décision de réintégration du candidat SONKO conformément à l’ordonnance n°01/2023 en date du 12 octobre 2023 du Président du Tribunal d’Instance de Ziguinchor qui a annulé la mesure de radiation de ce dernier des listes électorales et ordonné sa réintégration par les services centraux du ministère de l’intérieur sur la liste électorale de la commune de Ziguinchor ainsi que sur le fichier général des électeurs.
La DGE a également refusé de respecter une injonction de la Commission électorale nationale autonome (C.E.N.A). En effet, suivant requête en date du 30 octobre, la C.E.N.A a invité la DGE à prendre, en relation avec tout concerné du ministère chargé des élections, les mesures nécessaires pour faire tenir à la disposition du mandataire de Monsieur Ousmane Sonko et ce dans les meilleurs délais, la fiche de parrainage, la clé USB ainsi que tout autre outil de collecte prévu par la loi. La DGE a opposé une fin de non-recevoir à cette demande avec comme explication qu’elle s’en tenait à son précédent communiqué[1].
Dans le même temps, les développements récents de la situation politique nationale ont mis en évidence des limites de l’organe de supervision des élections qu’est la CENA, certaines lui étant imputables, d’autres étant le fait des autorités politiques elles-mêmes, et notamment du président de la République.
C’est à la C.E.N.A que le législateur sénégalais a reconnu le pouvoir de contrôler et de superviser l’ensemble des opérations électorales et référendaires. Elle veille, en particulier, à leur bonne organisation matérielle et apporte les correctifs nécessaires à tout dysfonctionnement constaté. La C.E.N.A fait respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, la transparence, la sincérité des scrutins en garantissant aux électeurs, ainsi qu’aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits. La C.E.N.A a le pouvoir d’intervenir à tous les niveaux du processus électoral depuis l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats.
Alors que toute l’opinion se demandait comment la C.E.N.A comptait donner suite à la position de la DGE, quelle attitude, elle allait adopter, allait-elle mettre en œuvre les pouvoirs que lui reconnait la loi à savoir prendre des décisions immédiatement exécutoires d’injonction, de rectification, de dessaisissement, de substitution d’action, nonobstant son pouvoir de saisine des juridictions compétentes.
La réponse à toutes ces interrogations a été donnée par le Président de la République qui, à travers le décret n°2023-2152 du 03 novembre 2023, a nommé une nouvelle équipe de la CENA. Le mandat de presque la totalité des membres de l’équipe qui venait d’être renouvelée avait expiré depuis, pour certains, deux ans et demi. C’est une anomalie que le chef de l’Etat a tenté de réparer avec beaucoup d’irrégularités dans le décret et à un moment où, tout laisse croire, qu’il s’agit d’une punition de l’ancienne équipe.
C’est le code électoral qui dispose que la C.E.N.A comprend douze (12) membres nommés par décret. Ils sont choisis parmi les personnalités indépendantes exclusivement de nationalité sénégalaise, connues pour leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité, après consultation d’institutions, d’associations et d’organismes tels que ceux qui regroupent Avocats, Universitaires, Défenseurs des Droits de l’Homme, Professionnels de la communication ou toute autre structure.
Deux membres parmi les douze nommés ne sont ni neutres ni impartiaux. Il s’agit de militants du parti au pouvoir. Il s’agit de Monsieur Cheikh Awa Balla Fall, Inspecteur général d’Etat à la retraite et de Monsieur Serigne Amadou Ndiaye, Professeur d’Université à la retraite. Leur militantisme (le premier l’assume ouvertement à travers une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux[2]) est connu de tous. L’on aura, apparemment pas pris en compte la « jurisprudence » Amadou Abdoulaye DIeng nommé, en 1993, Président de l'Observatoire national des élections (O.N.E.L) à la veille de l'élection présidentielle alors qu’il était impliqué dans le mouvement de soutien Horizon 2000 pour la réélection du président Abdou Diouf. La contestation fut vive et le Conseil d’Etat saisi à travers un recours pour excès de pouvoir. Le juge n’aura pas à trancher car le Président de l’O.N.E.L démissionna quelques jours après.
En nommant douze membres de la CENA, le président a implicitement mis fin aux fonctions de M. Seydou Nourou BA dont le mandat ne doit expirer qu’au mois d’octobre 2024. Il a été nommé membre de la CENA par le décret n°2018-1930 du 9 octobre 2018. Le législateur dispose pourtant qu’il ne peut être mis fin, avant l’expiration de son mandat, aux fonctions d’un membre de la CENA que sur sa demande ou pour incapacité physique ou mentale, dûment constatée par un médecin désigné par le Conseil de l’Ordre, après avis conforme de la CENA.
M. Abdoulaye Sylla, Inspecteur général d’Etat à la retraite a été nommé par décret n°2023-2153, Président de la C.E.N.A alors qu’il est membre du Conseil constitutionnel (il a été nommé par décret n°2018-2126 du 6 décembre 2018 pour un mandat de 6 ans). Nous présumons qu’il a démissionné du Conseil constitutionnel après avoir suivi la procédure prévue à l’article 5 de la loi n° 2016- 23 du 14 juillet 2016 qui dispose : il ne peut être mis fin, avant l’expiration de leur mandat, aux fonctions des membres du Conseil constitutionnel que sur leur demande ou pour incapacité physique, et sur l’avis conforme du Conseil.
Incontestablement, des leçons doivent être tirées de ces événements très récents. Elles font apparaître la nécessité de répondre aux questions suivantes :
Quelle est la portée du pouvoir de supervision de la CENA ? Une Administration peut-elle s’y opposer ? Une décision de justice faisant l’objet d’un recours peut-elle l’entraver ?
Le mandat des membres de la CENA peut-il subsister dans les faits alors qu’’il est théoriquement épuisé ? Quel doit alors être le comportement des membres de l’institution eux-mêmes et celui de l’autorité qui nomme ? Au-delà des discussions juridiques, cet épisode, ne met-il pas en évidence une forme de désinvolture à l’égard des institutions, de divers côtés ? Quelle doit être la « dignité » d’un organe de ce type ?
Les crispations nées de cet événement – qui ne sont pas terminées au moment où ces lignes sont écrites – nécessitent sans doute une précision du rapport de la CENA, organe indépendant, avec les autorités en place, quelles que soient celles-ci.
Les scénarios possibles -
A la lecture du contexte politique et social sénégalais actuel, trois (3) grands scénarios nous paraissent concevables, chacun d’eux appelant quelques recommandations.
Scénario 1 :
Il est le plus « optimiste » et suppose réunies les conditions suivantes :
Toutes les personnes emprisonnées à la suite des événements politiques qui ont secoué le pays sont libérées avant les élections ;
Ces élections sont parfaitement inclusives, le parti « Pastef » notamment, dissous, est réellement – et non, bien sûr, juridiquement, formellement – « représenté » dans la compétition ;
Les décisions rendues par les juridictions appelées à intervenir d’ici février 2024 ne sont pas sérieusement contestées ;
L’élection elle-même se déroule sans accroc majeur et un vainqueur est désigné sans que sa victoire ne souffre de contestation importante.
Dans un tel cas de figure, des initiatives pour le renforcement du système démocratique sénégalais pourraient néanmoins être imaginées après les élections. Il prendrait la forme d’une éradication de quelques problèmes de fond révélés ces deux ou trois dernières années : la question du mandat et des pouvoirs du président de la République, le rôle et la place de l’organe chargé d’arbitrer les élections (la CENA), la problématique de l’indépendance de la justice…
Scénario 2 :
Il est le plus « pessimiste » et recouvrirait les réalités suivantes :
Les personnes emprisonnées n’auraient aucune chance d’être libérées et ne participeraient donc pas à l’élection ;
Celle-ci ne serait pas inclusive, des candidats majeurs seraient écartés de la compétition ;
Le soupçon de « partialité » de la CENA et des tribunaux, fondé ou non, est largement partagé ;
L’élection elle-même pourrait être entachée de fortes contestations parce qu’il existe un contentieux préélectoral substantiel.
Scénario 3 :
C’est un scénario « intermédiaire ». Il serait constitué des éléments suivants :
Les personnes actuellement emprisonnées le resteraient ;
L’opposant Ousmane Sonko resterait également emprisonné et ne pourrait se présenter au scrutin ;
Néanmoins, cette frange radicale de l’opposition s’identifie à une personne dont la candidature est déclarée recevable ;
La campagne électorale elle-même se déroule de façon correcte et, rien ne laisse envisager la possibilité d’une contestation de la sincérité du scrutin.
Les Scénarios 2 et 3, de notre point de vue, ne se distingueraient pas sur le plan des recommandations qu’ils appellent. Celles-ci pourraient être les suivantes :
les arbitres du jeu électoral seraient solennellement rappelés à leurs devoirs : la CENA et le pouvoir judiciaire, mais aussi l’Autorité de régulation des médias (CNRA). Compte tenu de la particularité du contexte, ils veilleront à très scrupuleusement exécuter leur mission. La société civile pourrait même, dans cette perspective, mettre en place des formes de dispositif de veille qu’elle pourra déterminer ;
les partis politiques seront encouragés ou appuyés dans leur volonté d’être présents à toutes les étapes du processus de l’élection ; seule leur présence étant, en dernière analyse, le moyen d’éviter des fraudes ou des contestations ;
les candidats aux élections, notamment présidentielles, devront publiquement prendre l’engagement d’accepter les résultats définitifs du scrutin. Il convient de rappeler que dans l’histoire politique sénégalaise depuis 2000, un tel engagement a eu un effet cathartique sur l’élection. Et de fait, les tensions post- électorales ont toujours été instantanément résorbées par des déclarations de reconnaissance de la victoire de l’autre camp. Il en a été ainsi en 2000 et en 2012. Il est incontestable qu’il a eu un effet dans le dénouement pacifique de l’élection et il a bien été obtenu, de la part des candidats, entre les deux tours.
Deux réserves doivent être faites en conclusion :
Il est évident que le climat préélectoral n’est pas serein. Si l’élection de février 2024 se déroulait mal au surplus, il est certain que la tension socio-politique s’aggraverait dangereusement. Au débat sur la légitimité de l’élection – qui tourne autour de son caractère inclusif ou « fermé » - ne doivent pas s’ajouter des soupçons de mauvaise organisation matérielle ou de fraudes.
Si des mesures de « désescalade » ne sont pas prises d’ici février 2024, et si notamment le scénario 2 décrit ci-dessus se produisait, les lendemains électoraux pourraient également exacerber les tensions alors qu’une élection est censée apaiser celles-ci.
À suivre le premier rapport de 2024 à partir du 1er janvier.
[1] Communiqué ainsi libellé « …Sur celle question, il y a lieu de préciser qu’il n’y a pas encore de décision définitive, l’Etat du Sénégal ayant décidé d’exercer les voies de recours qui s’offrent à lui.
Par conséquent, le dossier suit son cours judiciaire… »
[2] En 2019, il a mis en place le mouvement de soutien TGV à Guédiawaye pour la réélection de Macky
PAR Tamsir Anne
QUELLE POLITIQUE LINGUISTIQUE POUR LE SÉNÉGAL ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Il devrait s’agir de trouver un système original, multilingue, qui élève les langues nationales à une égale dignité que le français et qui s’ouvre davantage à d’autres grandes langues internationales
La question des langues nationales s’est invitée de façon inattendue dans le débat politique national. Des commentaires faits par le chef de l’état sur l’écriture des langues nationales avaient dans une récente sortie soulevé une vague de protestations et inspiré des mises au point. Ce qui est important ici est de rappeler que la codification des langues nationales est régie par plusieurs décrets dont le premier est le Décret présidentiel no 71566 du 21 mai 1971. Des décrets ultérieurs en 1975, 1985 et 2005 ont apporté des ajustements et correctifs nécessaires. Bien que les défis à ce niveau soient mineurs, des réformes s'avéreront, comme pour toute langue vivante, toujours utiles dans le futur. Les questions fondamentales de ce débat, auxquelles la classe politique dans son ensemble devrait répondre, sont plutôt relatives à la place et au statut que les hommes politiques aspirant à diriger le Sénégal entendent accorder aux langues nationales. Quelles stratégies ont-ils définies dans leurs programmes concernant ces problématiques et quelles mesures concrètes prévoient-ils d'adopter pour les mettre en œuvre ?
Aucun programme de leader politique ne semble, à notre connaissance, esquisser de politique linguistique claire, allant au-delà de simples pétitions de principes et constats d'échec. Leurs positions, quelle que soit par ailleurs leur affiliation politique, restent généralement vagues et évasives. Le temps d’une campagne électorale la créativité des uns et des autres pour trouver des noms porteurs d’adhésion populaire (Aar Senegaal, Ànd defar Senegaal, Bennoo Bokk Yaakaar, Taxawu Senegaal, Yewwi Askan etc.) ne connaît plus de limite. Cependant, une fois élus, ils reviennent systématiquement au français, une langue que, selon les estimations les plus optimistes, plus de trois quarts de la population ne comprennent pas. Le français serait-il la barrière, dont parlait Cheikh Anta Diop il y a plus de quatre décennies, que les politiciens érigent arbitrairement entre eux et la population pour échapper au contrôle populaire ? Comment s’étonner dès lors que la participation citoyenne tant proclamée demeure un vœu pieux ? Lorsque l'écrasante majorité des populations se sent déconnectée ou ne comprend pas le sens des politiques publiques formulées dans une langue qui leur reste étrangère, le dialogue de sourds devient inévitable. Le sens des textes législatifs et juridiques, des programmes politiques, économiques et sociaux élaborés majoritairement sans leur concours leur reste globalement opaque et inaccessible. Pourtant, la dimension linguistique est évidente dans les diverses crises récurrentes qui secouent notre société : crise de la citoyenneté, crise des valeurs, divorce entre administration et administrés, crises politiques et sociales.
La démocratie par exemple, étymologiquement le gouvernement du peuple par le peuple en langue grecque, ne peut véritablement fonctionner dans une langue que le peuple ne comprend pas. Le débat démocratique, hormis les périodes électorales, reste essentiellement le domaine d'une minorité ayant le privilège de maîtriser la langue française. La question du troisième mandat qui a fortement secoué les fondements de notre système démocratique lors des deux premières alternances est édifiante à ce sujet. Car, en dehors de ses aspects proprement juridiques, il s’est également agi d’une querelle sémantique sur l'interprétation d'une disposition de la constitution, qui à notre sens, n’aurait dû souffrir d'aucune ambiguïté. Si l’on s’en souvient encore, l’un des experts français, commis il y a plus d’une dizaine d’années par le président Wade, avait laconiquement déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une question de droit mais de français.
En réalité, contrairement à des préjugés tenaces, la question des langues nationales n'est ni une préoccupation dépassée ou secondaire, mais se trouve bien si l'on y regarde de près au cœur des défis du monde moderne. L’exemple de l’Union Européenne, dont nous nous suffisons des langues, devrait nous donner à réfléchir. L’UE est en effet aujourd’hui la grande championne de la diversité linguistique dans le monde avec un total de vingt-quatre langues officielles. Tous les actes juridiques de l’Union doivent être disponibles dans ses 24 langues officielles. La charte des droits fondamentaux de l’Union postule par ailleurs le droit pour tout citoyen de communiquer avec les institutions européennes dans l’une des 24 langues officielles de l’UE, et les institutions sont tenues de lui répondre dans la même langue. L'argument de la diversité linguistique, utilisé dans le contexte sénégalais pour écarter l'impératif de considérer effectivement les langues nationales dans toutes les politiques publiques, perd de son poids au regard de ces expériences. Les énormes avancées technologiques dans le domaine du traitement automatique des langages naturels permettraient également de réduire sensiblement la complexité de certains problèmes.
Une autre idée reçue voulant réduire la langue à un simple outil de communication, à un « code dépersonnalisé » est également à rejeter. Au-delà d’être l’outil de communication le plus sophistiqué qui se puisse concevoir encore, la langue est loin d’être neutre ; elle véhicule toujours une vision spécifique du monde et transporte des valeurs, des modes de vie et de pensée. La langue est autant une mémoire qu'une empreinte distinctive d'une culture qui se construit et s'articule à travers elle. Elle modèle, comme disait le linguiste américain Sapir, du seul fait qu’elle est langue l’univers intellectuel, moral, spirituel, que nous pensons. Par conséquent la crise des valeurs et la crise de la citoyenneté devraient être réexaminées sous ces différentes optiques.
La crise endémique de l’école également, qui implique autant la baisse générale du niveau des élèves que la perte de compétence non seulement en français mais aussi dans les langues nationales, mériterait l’exploration de nouvelles pistes.
L'Unesco recommande depuis des décennies un modèle d'enseignement multilingue basé sur les langues maternelles pour améliorer significativement les performances des apprenants. Les nombreuses études et programmes menés depuis plusieurs années par l’organisation internationale convergent dans leurs résultats sur les points suivants : les enfants qui apprennent les six à huit premières années de leur scolarité formelle dans leur langue maternelle ont non seulement de meilleurs résultats scolaires que leurs pairs qui reçoivent un enseignement dans une langue qui leur est totalement étrangère, mais ils développent également une plus grande aptitude à apprendre une autre langue étrangère et obtiennent de meilleurs résultats dans les disciplines scientifiques. Enfin, sur le plan psychologique, un enseignement dans la langue maternelle renforce l'estime de soi et favorise la créativité, au lieu d'une simple mémorisation par cœur. Il va sans dire, espérons-nous, que de tels résultats ne sauraient en rien découler automatiquement de l’introduction des langues nationales. Plusieurs autres facteurs clés de succès, d’ordre politique, social, culturel et organisationnel sont tout aussi déterminants. Bref il devrait s’agir de trouver un système original, multilingue, qui élève les langues nationales à une égale dignité que le français et qui s’ouvre davantage à d’autres grandes langues internationales, africaines d’abord, mais aussi au chinois et japonais par exemple. La prise en compte effective des langues nationales dans un enseignement multilingue, loin d'impliquer un chauvinisme ou une volonté de repli sur soi, peut bien au contraire signifier plus d'ouverture sur le monde sans pour autant se suicider culturellement.
La politique a de toute évidence un rôle capital à jouer dans cette grande entreprise de transformation de nos différents systèmes sociaux. La tâche est certes ardue et demande des efforts conjugués et l’adhésion de tous les segments de la société. Elle sera même le labeur cumulé de plusieurs générations, mais notre génie propre, notre capacité de tirer profit de l’expérience d’autres peuples ainsi qu’une volonté politique inflexible nous permettront de relever à coup sûr, haut la main, tous les défis. Nous sommes convaincus que la maîtrise et le développement des langues nationales sera comme en Europe a l’époque de la Renaissance le catalyseur d’un renouveau intellectuel, scientifique, politique, culturel et moral.
Dans ce domaine comme dans d'autres, nous devons seulement avoir le courage de faire nos propres expériences, d'apprendre et de tirer profit de nos erreurs, plutôt que de continuer à vivre avec des leçons, des certitudes et des vérités qui ne sont pas les nôtres.
Dr. Tamsir Anne est Senior IT-Consultant, auteur-chercheur.
par Ibrahima Thioye
LES ERREURS DE LA MOUVANCE PRÉSIDENTIELLE
La logique de combat présente des limites en démocratie, car la mouvance présidentielle lutte contre un ennemi protéiforme. La toute-puissance de l’acteur qui détient les moyens de l’État ne perdure que s’il bénéficie d’un bon niveau de capital confiance
Cet article met en lumière cinq erreurs de la mouvance présidentielle. Celles-ci sont des réflexions, des discours ou des actions qui ne contribuent pas au succès sur le marché électoral.
Erreur 1 — Une mauvaise appréciation des principaux déterminants du vote
Erreur 2 — Une illusion de toute-puissance et une logique de combat contre-productive
Erreur 3 — Des atteintes à la démocratie et aux libertés individuelles et collectives
Erreur 4 — Des problèmes de communication
Erreur 5 — De fortes hésitations à propos du troisième mandat et du dauphinat
À des nuances près, tous les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance partagent les pratiques sous-jacentes aux trois premières erreurs. La quatrième erreur concerne la communication du camp présidentiel qui est paradoxalement favorable à Ousmane Sonko. En plaçant ce dernier au cœur de tous les débats, elle a largement amplifié sa notoriété. La cinquième erreur a engendré des contradictions internes au sein du camp présidentiel et pose surtout la question du positionnement clair du candidat de BBY.
Erreur 1 — Une mauvaise appréciation des principaux déterminants du vote
Cette mauvaise appréciation des principaux déterminants du choix des électeurs résulte d’une fixation sur le paradigme selon lequel en gagnant la confiance des leaders d’opinion, on assure l’adhésion des masses populaires qu’ils drainent. Ce paradigme s’est souvent appuyé sur l’argent, l’érigeant en déterminant principal du vote. Un tel système favorise l’achat de conscience, la transhumance politique et amplifie le népotisme et la corruption. Il était efficace avant la montée des nouvelles aspirations de patriotisme stimulée par l’arrivée des smartphones. Il est désormais devenu désuet, inopérant, et a atteint ses limites surtout dans les grandes agglomérations qui concentrent une forte proportion de l’électorat.
À côté de ces fortes aspirations de patriotisme et de besoin de souveraineté à tous les niveaux émergent des exigences et des attentes nouvelles propres au contexte du système démocratique évolué, intégrant les nouvelles valeurs du digital (liberté d’opinion, ouverture, tolérance, transparence, humilité, etc.). Elles deviennent de plus en plus importantes pour l’acteur politique qui veut établir des interactions fécondes en interne ou avec les électeurs.
Erreur 2 — Une illusion de toute-puissance et une logique de combat contre-productive
Le sentiment de toute-puissance est renforcé par les dispositions légales qui confèrent tous les pouvoirs au président de la République. En déclarant qu’il réduirait l’opposition à sa plus simple expression, Macky Sall avait annoncé son approche. Celle-ci a bien fonctionné avec Karim Wade et Khalifa Sall qui n’ont pas pu prendre part à l’élection de 2019. Avec Idrissa Seck, la « réduction » s’est faite par l’intégration de Rewmi dans le camp présidentiel. Il ne restait que Pastef, dont la notoriété se limitait surtout à une partie de l’intelligentsia et de la diaspora.
Pour de nombreux observateurs, tous les actes posés contre cet adversaire n’ont servi qu’à augmenter le niveau de notoriété et le capital confiance des deux marques que représentent Sonko (marque leader) et Pastef (marque parti). Le positionnement des marques Sonko et Pastef tourne autour de deux éléments phares : honnêteté et patriotisme. Auprès du segment cible (les jeunes), il incarne la vraie posture « antisystème ». Tout autre candidat qui souhaite obtenir ce positionnement sera confronté à un obstacle majeur, car malgré la situation de Sonko, qui est en prison, et la dissolution du parti Pastef, c’est cet élément qui constitue leur véritable atout. La marque Sonko s’est installée dans l’esprit des larges masses avec un positionnement qui correspond parfaitement aux aspirations de celles-ci.
La logique de combat est une option qui présente des limites en démocratie, car la mouvance présidentielle est en train de lutter contre un ennemi protéiforme. Ce dernier s’incarne à travers des marques mères (Sonko et Pastef) capables de générer d’autres marques filles (Diomaye et peut-être d’autres). Plus la mouvance présidentielle s’inscrit dans la logique du combat avec des atteintes à l’État de droit et une remise en cause des libertés individuelles et collectives, plus la notoriété et le capital confiance de Sonko augmentent, transformant ce dernier en mythe, en super-héros qui, même s’il est écarté des prochaines joutes électorales, aura une capacité assez forte de mobiliser en faveur de celui qui sera élu prochain président de la République.
Erreur 3 — Desatteintes à la démocratie et aux libertés individuelles et collectives
On a assisté durant cette période récente à une remise en cause des acquis démocratiques et à des restrictions de libertés fondamentales : interdictions systématiques et répressions brutales des manifestations, entraves aux libertés des partis ou d’autres organisations de la société civile. En démocratie, toute atteinte aux acquis démocratiques suscite indignation et ressentiments. On interdit les manifestations à la place de l’Obélisque, mais Cheikh Bara Ndiaye et Sa Ndiogou de Walf organisent tous les jeudis un live qui est suivi en direct par près de 20 000 personnes et enregistre jusqu’à 100 000 vues en 48 heures ou 72 heures. Il s’agit d’un meeting virtuel qui a une audience particulièrement importante.
La démocratie a cette capacité de se défendre elle-même contre ceux qui utilisent des moyens antidémocratiques au sein du système. La toute-puissance de l’acteur qui détient les moyens de l’État ne perdure que s’il bénéficie d’un bon niveau de capital confiance. Si ce dernier, ancré dans la perception des électeurs, s’érode, la chute de cet acteur s’ensuivra grâce au jeu démocratique. En démocratie, plus le niveau de conscience des électeurs s’élargit, moins ils accepteront l’usage de moyens antidémocratiques, quel que soit le camp de l’auteur. Les électeurs ont deux solutions pour faire face aux dérives antidémocratiques : les manifestations immédiates d’indignation ou le bulletin de vote.
Erreur 4 — Des problèmes de communication
Depuis l’indépendance, on a assisté à l’utilisation exclusive des médias officiels par le pouvoir en place, réduisant ces outils à des instruments de propagande. Après 2012, un autre phénomène est apparu. Le pouvoir a entrepris de tisser des relations très étroites avec la plupart des médias classiques privés de type télévision ou presse. Dans l’imaginaire collectif, mise à part une minorité de médias — Walf, Sen TV —, tous les autres ont une ligne éditoriale qui ressemble à de la propagande au service du gouvernement. Mais durant la même période, on a également assisté à l’émergence de sites en ligne, offrant ainsi au public une diversité de points de vue.
À partir de mars 2021, toute la communication a tourné autour de Sonko. Après l’affaire « Adji Sarr », il y a eu l’affaire « Mame Mbaye Niang » et c’est le délit de vol de portable qui a servi de prétexte à son incarcération. Tous ces dossiers, même s’ils ont entamé l’honorabilité et la quiétude de Sonko, lui ont assuré une notoriété très importante non seulement auprès des jeunes, mais aussi au niveau des autres segments.
Par ailleurs, ce que beaucoup d’observateurs ne comprennent pas, c’est le message que Macky Sall veut envoyer en prenant des photos avec des personnes qui étaient auparavant farouchement opposées à la mouvance présidentielle et qui « changent de veste », même si elles furent d’anciens insulteurs ou pourfendeurs de son régime. Cela peut en inciter certainement d’autres à se « rendre », diminuant ainsi les capacités de nuisance des adversaires, mais détruit l’image de marque du Président.
Erreur 5 — De fortes hésitations à propos du troisième mandat et du dauphinat
En retardant le processus de désignation de son dauphin, cela a exacerbé les tensions en interne. Le candidat désigné a beaucoup de mal à se démarquer et à afficher un positionnement différent de celui de Macky Sall. Dans l’esprit des populations, Amadou Ba est un Macky Sall bis.
Comme évoqué en introduction, ces cinq erreurs ne contribuent pas au succès sur le marché électoral.
- L’enrôlement de leaders d’opinion, qui s’est souvent appuyé sur l’achat de conscience et la transhumance, n’entraîne plus une adhésion systématique des masses drainées par ces derniers. Efficace par le passé, il est devenu inopérant dans les zones à forte pénétration de smartphones, où l’on note de nouvelles aspirations et exigences.
- La toute-puissance et la logique de combat contre un adversaire politique présentent de sérieuses limites. Pire encore, elles contribuent à développer la notoriété de ce dernier.
- Les atteintes à l’État de droit ne peuvent perdurer dans un système démocratique. Les électeurs ont tendance à « corriger » tout acteur qui ne respecte pas le jeu démocratique.
- La communication de la mouvance présidentielle est brouillée par les « affaires Sonko », malgré les réalisations importantes au niveau des infrastructures.
- Les hésitations du président qui ont accompagné tout le processus de désignation d’Amadou Ba ne garantissent pas le maximum de chances au camp présidentiel. Ce candidat a beaucoup de mal à se démarquer de son tuteur et cela ne lui permet pas de construire un positionnement adéquat.
Ibrahima Thioye est consultant.
Par Mohamed GUEYE
SE DONNER UNE DATE DE SORTIE DES PMA
Le Sénégal se targue de très bons résultats sur son Indice de développement humain, et le gouvernement se gargarise des progrès dans la réalisation des infrastructures, dans l’accès à la santé et à la scolarité, entre autres.
Le Sénégal se targue de très bons résultats sur son Indice de développement humain, et le gouvernement se gargarise des progrès dans la réalisation des infrastructures, dans l’accès à la santé et à la scolarité, entre autres. Résultats indéniables, comme ne sont pas non plus contestables les progrès fait dans le domaine économique. Il n’empêche que le pays patauge toujours dans la mare des Pays les moins avancés (Pma). Ce n’est pas une prouesse dont se vantent les membres de ce cénacle, ce qui explique le silence gardé par les autorités sur le sujet.
Ce qui fait que la sortie du ministre de l’Economie, du plan et de la coopération, Doudou Ka, qui a établi dans le dernier Jeune Afrique, les indicateurs qui permettraient au pays de «marque(r) une progression vers un développement hors de la catégorie des Pays les moins avancés». Une forte déclaration qui a l’avantage de poser de manière claire le problème que l’on se propose à résoudre
Il n’est pas compréhensible qu’avec tous les progrès qu’il est censé avoir accompli, que le Sénégal soit encore classé, par toutes les instances multilatérales et bilatérales, comme un Pma. Alors qu’il se présente comme l’un des poids lourds économiques de la Cedeao, le pays ne peut que constater qu’il est bien seul dans une catégorie dans laquelle on ne retrouve ni la Côte d’Ivoire, ni le Ghana, ni non plus… les Iles du Cap-Vert ! C’est dire que notre pétrole et notre gaz bientôt exploités, feront bon ménage avec la bauxite de Guinée, l’or du Mali, le diamant de Sierra-Leone, ou l’hévéa du Libéria. Une façon de rappeler qu’une exploitation des ressources naturelles ne garantit pas nécessairement le développement.
Souvenons-nous que les Pma, appelés ainsi par le Comité des politiques de développement (Cpd) du Conseil économique et social des Nations unies, sont désignés à la suite de critères bien précis. Il s’agit d’abord, du niveau du Revenu national brut (Rnb) par habitant du pays. Ce critère a été fixé en 2021, à moins de 1222 dollars américains. Le second critère concerne l’indice du capital humain. Divisé en deux sous-indices, à savoir ceux de la santé et de l’éducation, il a des indicateurs comportant le taux de mortalité infantile, le taux de mortalité maternelle, la prévalence du retard de croissance dû à la malnutrition, ainsi que le taux brut de scolarisation dans le secondaire, le taux d’alphabétisation des adultes et l’indice de parité entre les sexes pour la scolarisation dans le secondaire.
Le dernier critère porte sur l’indice de vulnérabilité économique et environnementale. Les critères portent notamment sur «la part de l’agriculture, de la chasse, de la sylviculture et de la pêche dans le Pib ; (ii) l’éloignement et l’enclavement ; (iii) la concentration des exportations de marchandises et (iv) l’instabilité des exportations de biens et services. Le sous-indice de vulnérabilité environnementale comporte quatre indicateurs : (i) la part de la population vivant dans des zones côtières de faible élévation ; (ii) la part de la population vivant dans des zones arides ; (iii) l’instabilité de la production agricole ; et (iv) les victimes de catastrophes». Cela a été tiré d’un document de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced).
Pour sortir de la catégorie des Pma, un pays doit atteindre les seuils de sortie établis pour au moins deux des 3 catégories. Le Cpd revoit la liste des Pma tous les trois ans selon les critères cités ci haut. Il faut que pour chaque critère, les pays aient dépassé les seuils de sortie durant au moins 3 années d’affilée, pour garantir qu’ils ne retomberont pas en dessous.
Le Sénégal a déjà dépassé le critère du Rnb, en ayant dépassé 1370 dollars américains depuis 2021. Le pays peine cependant à maintenir son indice de capital humain à un niveau acceptable pendant longtemps. L’Indice de capital humain se révèle être le tendon d’Achille du pays. Cette faiblesse a d’ailleurs été relevée par le Millenium challenge corporation (Mcc) américain lors de sa revue pour l’éligibilité du pays à un nouveau compact (voir Le Quotidien no6247 du vendredi 22 décembre 2023).
Sans doute qu’il y a des avantages à rester dans la catégorie des Pma. On emprunte à des taux concessionnels. On bénéficie de certaines facilités en termes d’exportations de ses produits vers les pays plus développés. En contrepartie, si l’on peut dire, on ne peut pas avoir une économie compétitive, si l’on doit toujours exporter ses matières premières sans les transformer sur place, accentuant ainsi le niveau de chômage de sa jeunesse. Par ailleurs, on se retrouvera avec une économie totalement extravertie, qui devra compter sur les échanges extérieurs pour nourrir sa population.
Depuis 2001, le Sénégal a goûté à la sauce des Pma. Il est plus que temps d’être plus ambitieux et de changer de changer de plat. Le gouvernement devrait en faire la priorité pour les cinq prochaines années.
PARRAINER LES BÉBÉS !
Ce pays est unique. On parraine n’importe qui et n’importe quoi ! Alors que ce scandale Ndella Madior émeut tout un pays, personne ne songe à parrainer ou faire parrainer ces bébés.
Ce pays est unique. On parraine n’importe qui et n’importe quoi ! Alors que ce scandale Ndella Madior émeut tout un pays, personne ne songe à parrainer ou faire parrainer ces bébés. Sans père ni mère. Parrainage lamb sakh, c’est plus facile que prendre en charge ces innocents. Voilà pourquoi il faudra aussi «filtrer» ces «candidats» à l’adoption des enfants. Si seulement on prenait tout cet argent déposé à la Cdc par des marchands électoraux pour assister ces pouponnières !
Par Fadel DIA
BYE BYE, LA FRANCE !
Ce n’est pas nous qui quittons la France, c’est la France qui nous quitte, et nous ferme ses portes, l’une après l’autre, y compris celles que nous croyions les mieux verrouillées
Ce n’est pas nous qui quittons la France, c’est la France qui nous quitte, et nous ferme ses portes, l’une après l’autre, y compris celles que nous croyions les mieux verrouillées. Elle n’a pas seulement quitté le Mali, le Burkina Faso et le Niger, (et encore il ne s’y est agi que de fermer des bases et des ambassades), elle est après l’adoption de la loi Macron sur l’immigration, sur le point de quitter nos consciences.
Adoptée le lendemain de la Journée Internationale des Migrants, issue d’un projet hors contrôle du gouvernement, ficelée en trois heures par une commission parlementaire réduite et sous les directives du pouvoir exécutif, votée dans la panique, sous les acclamations de l’extrême droite qui a salué en elle une « victoire idéologique », c’est une loi dont la légitimité même pourrait être mise en cause. Sa promulgation devrait être l’occasion de tourner définitivement la page de la France célébrée chez nous comme « la patrie des droits de l’Homme », de pays des lumières, celui qui a inscrit la Fraternité sur le fronton de ses édifices. Il est vrai que ce n’est pas seulement elle mais toute l’Europe qui se ferme à nous, avec cet éternel paradoxe qui la caractérise puisqu’en même temps, elle nous reproche d’emprunter les autres portes qui s’ouvrent devant nous !
Nicolas Sarkozy avait démontré son ignorance de l’histoire de l’Afrique, Emmanuel Macron s’illustre par sa méconnaissance de l’histoire de la France. Le jeune homme immature en politique dont l’arrivée au pouvoir reste encore une énigme a, par cette loi, qu’il dit pleinement assumer et qui ne lui inspire ni honte ni regret, provoqué une rupture politique et morale et mis en cause les principes républicains fondamentaux qui ont fait la démocratie française. C’est une loi qui a dû se faire retourner dans leurs tombes tous ces enfants de l’immigration que sont Léon Gambetta, Emile Zola, Marie Curie, Paul Valéry etc. qui ont vécu sous une république à laquelle la France doit la reconnaissance du droit au sol. Comme on n’est jamais trahi que par les siens, ce sont aussi des enfants de l’immigration, qui sans doute ne laisseront pas les mêmes traces dans l’histoire, Gérald Darmanin, Eric Ciotti, Elisabeth Borne, Yaël Braun-Pivet etc. qui sont parmi les principaux artisans de cette déconstruction.
L’immigration a toujours été, en France, le disque dur du FN puis du RN, et avant de devenir le nouveau flambeau des Républicains, elle a fait l’objet d’une incroyable inflation législative (29 lois en quarante ans). C’est pourtant la première fois qu’une loi sur l’immigration cède sur toutes les lignes rouges de l’extrême droite et reprend ses principales revendications, dont la plupart ne figuraient pas dans le document laborieusement élaboré en 18 mois par le gouvernement -restriction des prestations sociales accordées aux immigrés en situation régulière, exclusion des sans papiers à l’hébergement d’urgence, remise en cause de l’aide médicale d’Etat ;
- glissement vers la préférence nationale et remise en cause des principes d’égalité des droits ;
- limitation du droit au sol dont l’automaticité n’est plus reconnue, mesure qui est pourtant sans lien avec une loi sur l’immigration ;
- durcissement du regroupement familial …
Cependant c’est sur une autre des dispositions de cette loi que je préfère m’appesantir, car si elle ne s’applique qu’à une population restreinte, c’est une mesure chargée de symboles parce qu’elle concerne une catégorie que l’on croyait sacralisée, celle des étudiants. Désormais, en France, il y a chez les étudiants aussi, les bons et les mauvais migrants, et parmi ces derniers figurent ceux qui viennent des pays d’Afrique qui sont à la fois les plus pauvres et les seuls à n’avoir que le français comme unique langue d’enseignement. Il leur est désormais exigé, de s’acquitter, au préalable, d’une caution retour qui ne leur sera restituée que lorsqu’ils quitteront le territoire français, car il est hors de question qu’ils y prennent racines. C’est une forme de prime d’otage, une « marchandisation de l’université », dénoncée par les plus prestigieuses structures d’accueil qui jugent qu’elle dégrade un domaine où précisément la France avait conservé une certaine attractivité. Pour nous, c’est un reniement de l’engagement de l’ancienne puissance coloniale à solder ses comptes et à constituer une communauté solidaire avec ceux auxquels elle avait imposé l’usage de sa langue, et par un curieux hasard, le Niger vient de suspendre sa participation à la Francophonie dont il était l’un des trois membres fondateurs! Cette ségrégation qui ne dit pas son nom ne servira qu’à ternir la réputation de la France comme « terre d’excellence d’enseignement supérieur et de recherches », au moment où on annonce qu’elle ne compte que 4 universités dans le top 100 du dernier classement académique (dit de Shanghai) des meilleures universités mondiales. Alors tant qu’à acheter une place, autant la choisir dans les meilleures, et dans celles qui forment dans des langues qui offrent bien plus de possibilités d’emplois que le français !
Bye bye à la langue française, avait lancé le Rwanda en décidant de basculer de la francophonie à l’anglophonie, et moins de vingt ans ont suffi pour opérer le revirement car, on l’oublie trop souvent, la langue française est une langue très minoritaire dans les pays africains communément appelés francophones. Il est peut-être temps, pour ces pays, de s’interroger s’il ne leur faudrait pas passer directement à la phase suivante : bye bye la France !
Pour en revenir à elle justement, on s’y inquiète que la nouvelle loi ait fracturé la majorité, au point de faire naître une fronde de députés et de ministres. C’est un évènement anecdotique car le macronisme ne survivra pas à Emmanuel Macron qui laissera le nom du président qui avait solennellement promis de faire barrage aux idées de l’extrême droite et qui en fin de compte, aura servi de passeur aux idées lepénistes. Ce qui serait plus lourd de conséquences ce serait que cette loi, qui est texte le plus régressif jamais voté en France sur l’immigration et dont le ministre de l’Intérieur lui-même a reconnu qu’il contenait des « mesures contraires à la constitution », s’avère inapplicable, ou improductive, ou sans effet sur les difficultés qu’elle était censée régler. On peut en tout cas noter qu’elle a déjà suscité une levée de boucliers qui fait vaciller ses auteurs et qui est le fait de parties qui comptent dans le pays et qui n’ont pas toujours les mêmes intérêts : universitaires, responsables humanitaires, professionnels de santé, syndicats, chefs de collectivités territoriales, mais aussi chefs d’entreprises dont certains ont estimé que la France allait avoir besoin de près de 4 millions de travailleurs étrangers d’ici au milieu du siècle.
On assiste ainsi à ce paradoxe : ce sont les initiateurs de la loi, dont le président de la République et la Première Ministre, qui supplient le Conseil Constitutionnel de servir de « voiture-balai à leur conscience », selon le mot d’un de leurs opposants, et de mettre fin à leur calvaire en sabrant les mesures qui font débat.
Dans le langage diplomatique tout ce jeu ressemblerait à de la real- politique, dans le langage ordinaire il porte le nom d’opportunisme ou plus simplement de lâcheté !