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18 février 2025
Opinions
Par Alioune TINE
VOIR LOIN, VOIR LARGE
On ne peut envisager la gouvernabilité de ce pays dans le long terme sans étudier les dysfonctionnements du présidentialisme exacerbé, (de droit divin) mais aussi le cumul entre la fonction de président de la République et celle de chef de parti
La période 2021-2024 est une séquence historique, politique et démocratique inédite dans l’histoire politique du Sénégal : pour la première fois un président de la République y organise une élection à laquelle il n’est pas candidat et le leader le plus populaire de l’opposition ne pourra pas y participer comme candidat parce qu’exclu par une condamnation de la justice pénale.
Au cours de cette séquence historique, la majorité et l’opposition ont essayé de conserver le pouvoir ou de le conquérir par tous les moyens, y compris par des moyens politiques non conventionnels.
C’est la raison pour laquelle on a failli tous frôlé la catastrophe, et il nous semble nécessaire d’en tirer les meilleures leçons.
Cette situation politique a créé une forte polarisation de la société sénégalaise. Toutes les normes de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains ont été transgressées, créant un lourd passif humanitaire. On a vécu une situation politique et sociale hors norme, une forme d’anomie et de perte de sens face auxquelles, par moment, on s’est senti tous impuissants.
Gaz et pétrole
Au cœur de cette problématique se trouve certes, la question récurrente de l’éligibilité et de la limitation des mandats présidentiels à deux, mais aussi l’aggravation des enjeux de pouvoirs au Sénégal avec la découverte du gaz et du pétrole qui aiguise de façon exacerbée tous les appétits. La lancinante question du retour comme par effet de boomerang du troisième mandat depuis 2012, semble être la conséquence de la découverte du pétrole et du gaz (rarement soulevée de façon explicite dans les débats publics).
Les raisons de ce recul sont étroitement liées à la crise structurelle du système démocratique sénégalais, de l’État de droit, de la gouvernance, des droits humains et la compétition sans merci exacerbée depuis 2011-2012 par les enjeux de pouvoir et les nouveaux enjeux géopolitiques liés à la découverte d’immenses ressources gazières et pétrolières.
Les crises et les violences politiques lors d’élections présidentielles ou d’enjeux de pouvoir élevés ont souvent donné lieu à des violences suivies de morts d’hommes, des détentions arbitraires, des cas de tortures, de destructions massives de biens publics et privés et donné lieu à des négociations pour trouver un consensus (1963, 1968, 1988, 1993, 2011).
Institutions
En réalité, le report du scrutin présidentiel initialement prévu le 25 février 2024 a provoqué un séisme politique sans précédent dans l’histoire politique du Sénégal, considéré par l’écrasante majorité du peuple sénégalais comme un « coup d’État constitutionnel » qui a contribué à l’aggravation de la crise. Pour comprendre comment on en est arrivé là, il importe de porter un regard rétrospectif dans la durée sur les crises cycliques et structurelles qui ont scandé l’histoire du système politique et social du Sénégal.
Le report brutal et inconstitutionnel de l’élection présidentielle a ouvert la voie à diverses manœuvres politiques avec le « dialogue politique » et la loi d’amnistie très contestée par l’opinion sénégalaise, créant incompréhensions, cacophonies, prévisibles du reste chaque fois qu’une société est confrontée à de grands dilemmes et à des choix difficiles comme celui de la justice et de la paix. Si bien que toute médiation pour le dialogue politique, nécessaire pour une sortie de crise, était considérée comme suspecte pour la majorité de l’opinion. Quand on arrive à ce degré d’influence radicale, où personne ne croit plus à personne, on doit s’arrêter pour nous interroger sur notre société.
Ce que les prochaines autorités publiques doivent éviter à tout prix c’est le discrédit de la parole donnée.
Il faut préciser qu’au regard du droit international pénal, la loi d’amnistie ne permet jamais d’exonérer les crimes internationaux imprescriptibles et les crimes de sang (tortures, crimes contre l’humanité, génocides, crimes de guerre).
Les questions graves et sérieuses de l’impunité pourraient trouver une solution dans un mécanisme qui accompagnent la loi d’amnistie, notamment une Commission Paix, Vérité, Justice, Réconciliation, Pardon, Réparation des Victimes pour purger les cœurs et les esprits et les laver de tous les ressentiments, de toutes les haines et de toutes les revanches.
On ne peut envisager la gouvernabilité de ce pays dans le long terme sans étudier les dysfonctionnements du présidentialisme exacerbé, (de droit divin) mais aussi le cumul entre la fonction de président de la République et celle de chef de parti, car la responsabilité massive de tout ce qui s’est passé incombe d’abord aux décisions souvent hors-la loi et impunies du Président de la République.
Redistribution
La prise en charge des préoccupations essentielles des populations les plus marginalisées notamment les jeunes et les femmes qui représentent l’écrasante majorité de la population du Sénégal, notamment les préoccupations liées à l’éducation, à la formation et à l’emploi sont pour le Sénégal et la plupart des pays de l’Afrique de l’ouest le défi à relever pour les années qui viennent.
Il est inadmissible et dangereux que les jeunes et les femmes continuent à être marginalisés, continuent à ne voir aucun horizon, aucun futur pour leur épanouissement et leur bien-être et qui se sentent si mal et sans espoir aucun sur le continent au point de risquer leur vie pour un ailleurs où ils ne sont d’ailleurs pas désirés.
Se pose ici la question de la redistribution des ressources naturelles aux citoyens sur toute l’étendue du territoire national, comment mettre en œuvre de façon concrète la disposition de la Constitution disant que « les ressources appartiennent au peuple ».
Concernant les fractures territoriales, elles sont abyssales quand on compare Dakar au reste du pays. Dakar une capitale saturée, polluée, défigurée et de moins en moins vivable, réceptacle de toutes les vieilles voitures d’Europe, n’a pratiquement plus d’espace pour que les humains eux-mêmes puissent se promener en paix et en toute tranquillité, en dehors de quelques rares espaces aménagés de la Corniche.
Le débat sur le changement de la capitale est un grand débat qu’il faut mener aujourd’hui, parce que posé avec juste raison parle président Abdoulaye Wade en 2000, il a été escamoté et oublié. Il faut reprendre ce débat et créer une capitale au centre du pays et tisser une toile d’araignée avec les chemins de fer et toutes les formes d’infrastructures sur l’ensemble du territoire national, envisager de grands travaux qui permettent de trouver de l’emploi pour les jeunes. Transformer le pays dans la durée, relier le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, corriger dans la durée les fractures territoriales et les fractures ethniques émergentes, qui il faut bien le reconnaître sont connectées.
État et confréries religieuses
La question de l’État du Sénégal et de ses rapports avec les confréries religieuses est un des legs de l’État colonial. Car les confréries religieuses, de sensibilité soufie par leur influence sur les populations sénégalaises fonctionnent d’une certaine manière comme les références idéologiques, axiologiques et spirituelles pour la plupart des populations sénégalaises.
Mais avec l’influence grandissante d’une nouvelle sensibilité religieuse de nature wahabite ou salafiste promue par des puissances arabes émergentes du Golfe et du Moyen-Orient, qui considère d’ailleurs les confréries religieuses soufies comme des déviances constituent de nouveaux défis pour toute la sous-région qui méritent réflexion. D’où l’intérêt aujourd’hui de repenser la question de la laïcité au Sénégal et de lui trouver un contenu consensuel qui permette à chaque citoyen d’exercer librement et en toute sécurité sa croyance.
État impartial
Cette crise a également créé des tensions entre les différentes institutions, notamment entre le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Avec la crise que nous avons traversée, tous les seuils critiques en matière de démocratie, d’État de droit et de droits humains ont été franchis.
Le paradoxe de cette séquence politique, c’est que la justice qui est au centre des polémiques, et des débats a été à la fois un remède parce qu’après tout, c’est le Conseil constitutionnel et la Cour suprême qui ont sauvé le processus électoral. La justice a été aussi une espèce de poison car tout au long de la crise on a dénoncé avec juste raison une justice partisane, genre « Coumba am ndeye Coumba amoul ndeye ». Repenser la justice au Sénégal doit être une nécessité absolue.
D’où l’intérêt de revenir sur toutes les pathologies démocratiques et institutionnelles et les crises que ce pays a traversées et qui lui ont permis tout au long de sa trajectoire et dans le passé de trouver des anticorps qui lui ont permis d’avancer et d’avoir sa propre immunité démocratique, comme toutes formes de sociétés démocratiques dans le monde.
Mais la spécificité de la crise que le Sénégal traverse depuis 2021 est révélatrice d’une vulnérabilité toute particulière, et des menaces sur l’État, la Nation, le Vivre ensemble et le Contrat social. Cette vulnérabilité est perceptible avec l’émergence de la haine, des ressentiments et d’une défiance radicale vis-à-vis des institutions et qui constituent de véritables poisons qui gangrènent le champ politique et le champ social sénégalais. Si on y prend garde, le Sénégal pourrait connaître dans le futur un sérieux problème de gouvernabilité ou pire le sort de certaines démocraties de la sous-région qui se sont effondrées.
La grande question aujourd’hui c’est la gouvernabilité, les formes de gouvernement et la question centrale d’un gouvernement démocratique, républicain et impartial dans les années qui viennent dans le contexte où le pays change de statut avec l’exploitation du gaz et du pétrole, dans un contexte où les relations internationales changent à une grande vitesse avec une compétition de plus en plus accrue des grandes, des moyennes et des puissances émergentes qui cherchent à exercer leur influence dans les pays de la sous-région.
Mais aussi de la disruption sur l’ensemble des aspects de la vie politique, économique et sociale et même familiale ou individuelle que va inéluctablement entrainer l’Intelligence Artificielle dans les années qui viennent, si l’on n’anticipe pas ces risques et ces menaces dès maintenant.
Comment faire des pays africains non pas seulement de simples objets de géopolitique mais des sujets et des acteurs à part entière capables de défendre leurs intérêts stratégiques dans le cadre d’union régionale comme la CEDEAO ?
Comment faire face aujourd’hui aux risques de désintégration de la CEDEAO face à la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) ? En dépit de tout ce qu’on peut penser, cela pose des questions et des défis sur lesquels il serait mal venu de rester indifférent, notamment la question majeure de la souveraineté sécuritaire qui se pose pour tous les pays africains et pour la région
Par Vieux SAVANÉ
LA VÉRITÉ DES URNES N’EST PAS CELLE DES FOULES
La guerre des foules fait rage, même s’il est hasardeux de se focaliser sur la capacité de mobilisation de tel ou tel camp pour subodorer d’une victoire ou d’une défaite à venir
Assurément, jusqu’au bout tout aura été inédit dans cette course à l’élection présidentielle. Après l’arrêt brutal du processus à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, l’organisation avortée du dialogue qui s’en est suivi, voilà qu’avec le vote d’une amnistie et l’élargissement de prison de Ousmane Sonko, président de l’ex Pastef et son adjoint Bassirou Diomaye, candidat de la coalition Diomaye Président, la campagne électorale emprunte un nouveau tournant.
La guerre des foules fait rage, même s’il est hasardeux de se focaliser sur la capacité de mobilisation de tel ou tel camp pour subodorer d’une victoire ou d’une défaite à venir. Il est même à se demander si ce ne sont pas les mêmes foules qui se retrouvent, au gré des meetings et des cortèges, étant entendu que le temps de la campagne est un moment particulier pour sortir certaines contrées de leur torpeur en y apportant de l’animation et l’opportunité de bénéficier des largesses des candidats, à coup d’argent, de tee-shirts et autres gâteries.
La foule ne saurait donc à elle seule être une mesure d’appréciation des forces politiques en présence. Si tel était le cas, le Sénégal n’aurait pas connu deux alternances démocratiques puisqu’à vue d’œil et de télévision, il n’y avait pas photo avec les foules que drainaient les cortèges des anciens candidats à la présidentielle, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. La vérité des urnes n’étant pas celle des foules bigarrées et exaltées, il a fallu se rendre à l’évidence avec leurs défaites respectives en 2000 et 2012. Une autre donne est celui des inscriptions avec notamment les primo-votants. Se sont-ils majoritairement inscrits ? Ont-ils majoritairement retiré leurs cartes électorales ? Rien n’est moins sûr puisque des préfets de région attirent déjà l’attention sur les milliers de cartes d’électeur en dormance dans les commissions de distribution. Quoi qu’on en dise, ce sont là un certain nombre de paramètres qui vont influer sur l’issue des élections.
L’autre paradoxe qui travaille cette élection présidentielle est qu’ils sont 19 candidats à sillonner le pays en quête des suffrages de leurs compatriotes. Un record jamais atteint comme pour signifier l’attractivité de la fonction présidentielle, chacun essayant de se positionner au mieux dans une future « guerre des places ».
L’ego hypertrophié, nombre d’hommes et de femmes politiques demeurent sensibles aux manifestations furieuses et décadentes des attributs du pouvoir, faisant dire à une observatrice avisée qu’ « ils donnent l’impression que même Dieu est plus modeste qu’eux ».
A se demander alors si la rupture tant souhaitée est encore possible avec de tels travers ? Est-il seulement permis de rêver d’un président, avec les traits tirés, tendu et soucieux, les cheveux blanchis, tout occupé à sortir les Sénégalais de la pauvreté, refusant avec force cette « Comédie du pouvoir » qui se joue dans le ballet des va et vient des membres du gouvernement presque au complet, s’agglutinant à l’aéroport pour saluer « le grand patron», au départ et au retour de voyage. Va-t-on avoir un président de la République garant de la Constitution qui va défendre la laïcité, les libertés individuelles et collectives, promouvoir l’égalité entre hommes et femmes ? Va-t-on enfin voir un président qui veille au strict respect de la séparation des pouvoirs, refuse d’instrumentaliser la justice en mettant le coude sur des dossiers sensibles?
Dans leur grande majorité, nos compatriotes qui ne veulent nullement être les dindons de la farce, semblent pourtant disposés à consentir à tous les sacrifices, à condition que le chef donne le la. Une disposition psychologique dans laquelle ils se trouvaient d’ailleurs suite à la première alternance démocratique, sauf qu’ils ont dû déchanter quand ils ont compris que le pouvoir s’organisait autour de ce que Me Abdoulaye Wade avait confié à un de ses plus proches collaborateurs : « nos problèmes d’argent sont maintenant terminés ». Une situation qui perdure puisque de nos jours encore, l’insulte à la bouche, le laxisme et le népotisme en bandoulière, on continue d’enfanter des milliardaires, pour ne pas dire des enrichis sans cause.
Au-delà de la nécessité de ne pas céder à un dégagisme ravageur, l’enjeu de cette élection présidentielle consiste à choisir une personne dotée de vision et d’expérience, loin d’être sous la fascination du pouvoir ni obnubilé par un second mandat, mais plutôt mue par une vision, un esprit de conquête et de sacrifice. Car il s’agit de refonder les institutions et de participer par l’exemple à la mise en orbite de la conviction selon laquelle seul le travail crée la richesse. Au risque de flirter avec le chaos, ne perdons donc pas de vue que ce pays, constitué de 75 % de jeunes, est tenaillé avant tout par l’urgence de l’espérance.
par Ndiaga Gueye
UN PLAN DE RAMASSAGE DES PROCÈS-VERBAUX, ILLÉGAL, OPAQUE ET SUSPECT
Une enquête révèle l'existence de 826 bureaux de vote fantômes sur la carte électorale, ouvrant la voie à des fraudes massives. Par ailleurs, un second plan de ramassage des PV en dehors de tout contrôle met en péril la sincérité du scrutin
L’analyse de la carte électorale de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 nous a permis de découvrir que 826 bureaux de vote supplémentaires étaient créés dans la carte électorale du territoire national.
Ces bureaux de vote apparaissent en réalité dans deux lieux de vote différents dans la carte électorale. Par exemple, dans la commune de Biscuiterie (Département de Dakar) les bureaux de vote № 20 à 24 apparaissent aussi bien dans la rubrique «Lieu de vote» à « École Biscuiterie » que dans la rubrique « Implantation » à « École Niang ». En conséquence, plutôt que 5 bureaux de votes, ce sont en réalité 10 bureaux de vote qui ont été créés.
Avec cette technique de réalisation de la carte électorale par la duplication des bureaux de vote qui peuvent être qualifiés de parallèles, délocalisés ou fictifs, 826 bureaux de vote ont été créés.
En définitive, il y a sur la rubrique « Lieu de vote » de la carte électorale, 15 633 bureaux de vote et sur la rubrique « Implantation », 826. En fin de compte, Il existe en réalité un nombre un total de 16 459 bureaux de vote sur le territoire national.
Il est important de noter que tous ces 826 bureaux de vote sont indiscernables aux candidats car dans aucun document relatif aux opérations de vote, il n’est point mentionné la rubrique « Implantation ».
Par conséquent, aucun candidat n’aura de représentants dans ces 826 bureaux de vote fictifs. En effet, le Préfet dans sa lettre de saisine aux candidats ne mentionne pas dans le canevas de désignation la rubrique « Implantation ». Les candidats ne seront ainsi représentés que dans les 15 633 bureaux de vote de la rubrique « Lieu de vote ». Dès lors, il est possible de produire des procès-verbaux fictifs de résultats depuis ces 826 bureaux de vote dupliqués.
Il apparaît ainsi la question de savoir les électeurs qui pourraient voter dans ces bureaux de vote fictifs. La réponse a une telle interrogation se trouve dans les résultats de notre étude sur la fiabilité du fichier électoral du Sénégal. Et la conclusion est qu’il n’est ni fiable, ni transparent car plus 1 500 000 électeurs inscrits frauduleusement y sont toujours présents.
Pour rappel, les inscriptions frauduleuses sur le fichier électoral ont d’abord été révélé par le rapport final de la mission d’audit du fichier électoral de 2018 en perspective de l’élection présidentielle de 2019. A la page 35, le rapport révèle l'utilisation de certificats de résidence de complaisance et de faux extraits de naissance pour s'inscrire sur les listes électorales ou opérer des transferts d’électeurs fictifs.
Elles furent confirmées par le rapport final de l'audit de 2021 du fichier électoral qui précise qu'il y a eu 1 114 641 électeurs inscrits indûment entre 2016 et 2018 et selon celui provisoire 1 515 189.
Il est à remarquer, en outre, que lors de cet audit, la sincérité du fichier électoral n’a pas fait l’objet d’une investigation. En d’autres termes, il n’y a pas eu une enquête de terrain pour vérifier et confirmer que les inscrits existent réellement à au moins 90%, et qu’ils habitent ou ont habité à l’adresse déclarée au moment de l’inscription. Ainsi, il n’y a aucune donnée probante issue de ce rapport qui indique que ces inscrits existent physiquement. Ils peuvent ainsi être considères comme des électeurs fictifs tels que étayés par le rapport de 2018.
Enfin, le rapport final de l’audit de 2021 n’a pas recommandé la radiation des 1 114 641 électeurs inscrits frauduleuses dans le fichier électoral à partir de 2016 pour se poursuivre jusqu’à la révision exceptionnelle des listes électorales en vue de la présidentielle 2019. Il ressort de ce qui précède, que ces électeurs fictifs sont toujours présents dans le fichier électoral en vue de la présidentielle du 24 mars 2024.
Aussi, il suffit d’affecter ces électeurs fictifs aux 826 bureaux de vote fictifs, pour les rendre indiscernables et introuvables aussi bien pour les électeurs que pour les candidats. Personne ne se rendra compte de leur existence, ce qui favorise la production de procès-verbaux fictifs de résultats, non issus de vote effectifs d’électeurs.
Au regard de ce qui précède, il est crucial de faire une recherche visant à découvrir le plan de ramassage des procès-verbaux qui sera mis en place en vue du scrutin du 24 mars 2024.
Pour rappel, il ressort de l’article L.87 du code électoral relatif à la transmission des procès-verbaux qu'1 seul plan de ramassage doit être mis en place.
Or dans le guide pratique d'organisation et de fonctionnement du bureau de vote de l'élection présidentielle du 24 février 2019 élaboré par le ministère de l’Intérieur, deux (2) plans de ramassage étaient mis en œuvre.
Dans le 1er plan de ramassage, l’autorité administrative envoie une équipe pour collecter les procès-verbaux, sous le contrôle des délègues de la Cour d'Appel, de la CENA, et des représentants des candidats. Et dans le 2d, elle demande au président du bureau de vote d’amener en personne le procès-verbal à la commission départementale de recensement des votes. Ce deuxième plan de ramassage, prévu dans ce texte réglementaire, est illégal en vertu de l’article L.87.
Une autorité administrative qui prend des décisions de faire convoyer des procès-verbaux à la commission départementale de recensement des votes, en dehors de tout contrôle, des délègues de la Cour d'Appel, de la CENA et des représentants des candidats, rend possible l’acheminement de procès-verbaux fictifs.
A la lumière de ce qui précède, il est d’une urgente nécessité d’initier une investigation afin d’établir si ce second plan de ramassage problématique de procès-verbaux sera redéployé pour le scrutin du 24 mars 2024.
A cette fin, une recherche documentaire a été effectué dont le résultat a été la collecte d’une copie du guide pratique d'organisation et de fonctionnement du bureau de vote de l'élection présidentielle du 25 février 2024, qui aura finalement lieu le 24 mars 2024.
L’examen du document dévoile, à la page 14, que les deux (2) plans de ramassage des procès-verbaux de l’élection présidentielle 2019 sont reconduits pour l’élection présidentielle du 24 mars 2024.
Le deuxième plan de ramassage qui donne aux autorités administratives la prorogative de prendre la décision de faire convoyer, par des présidents de bureaux de vote, des procès-verbaux à la commission départementale de recensement des votes, en dehors de tout contrôle, des délègues de la Cour d'Appel, de la CENA et des représentants des candidats, est lourde de dangers pour l’intégrité du scrutin.
Ce plan de ramassage de procès-verbaux, illégal, opaque et suspect est à faire invalider immédiatement, et sans tarder par les candidats.
L’article L.87, alinéa 2 et 3 du code électoral dispose:«Le plan de ramassage est porté à la connaissance des représentants des candidats ou liste de candidats.
Le plan de ramassage est transmis à la C.E.N.A, pour visa, au moins soixante-douze heures avant le jour du scrutin. En cas de modification, la C.E.N.A, est immédiatement saisie.»
Il ressort de ces dispositions que le plan de ramassage est visé par la CENA au plus tard le jeudi 21 mars 2024 et notifié aux candidats. Ces derniers doivent donc exiger sa transmission le même jour et ainsi saisir, séance tenante, la CENA pour faire annuler le deuxième plan de ramassage.
A défaut, les résultats de ce scrutin ne refléteront la volonté de la majorité des sénégalais car tout procès-verbal fictif acheminé à la commission départementale de recensement des votes est validé.
Une fois l’étape de la commission départementale de recensement des votes franchie, il faut pas compter sur la Commission nationale de recensement des votes, qui n’a ni le temps, ni les ressources humaines, pour délibérer en 3 jours sur des observations issus 16 440 procès-verbaux. Ce sera alors, une victoire des bureaux et électeurs fictifs sur les électeurs sénégalais.
par Youssouph Mbargane Guissé
SOUVERAINETÉ POLITIQUE ET ÉCONOMIE ENDOGÈNE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le bilan des 60 ans d'indépendance force le constat d'échec d'un modèle néolibéral générateur d'inégalités. Il est urgent de cultiver de nouveaux paradigmes au service d'une économie intégrée à l'échelle du continent
Cette réflexion est une contribution à l’enjeu principal de l’élection présidentielle au Sénégal, celui d’un projet alternatif de rupture avec un modèle économique fondé sur la croissance qui depuis l’indépendance de 1960, n’a cessé de creuser des fractures au niveau des territoires et régions, développé des inégalités sociales profondes et crée le désarroi au sein de la jeunesse en proie au mal vivre. Ce modèle dépendant et extraverti a marginalisé les intellectuels académiques et leurs productions critiques ainsi que celles des lettrés, savants et sages des diverses communautés culturelles, spirituelles et religieuses. Cette marginalisation des élites du pays s’est maintenue sous l’hégémonie politique d’une classe dirigeante compradore soumise aux intérêts capitalistes étrangers et en connexion particulièrement depuis le début des années 2000, avec la mafia financière internationale. Les profonds et vastes mouvements populaires de résistance pour la souveraineté et le développement du Sénégal, mais aussi dans notre région ouest, remettent de plus en plus en cause le système néocolonial et son modèle appauvrissant. L’élection présidentielle de ce mois de mars a comme enjeu central de dégager les voies salutaires d’un véritable développement endogène égalitariste et démocratique.
Retour sur le modèle dominant
La mondialisation achevée au début des années 80, a imposé une nouvelle configuration de l’économie capitaliste libérale aux Etats, nations et pays, les obligeant à des réadaptations, regroupements régionaux et à de nouvelles alliances géostratégiques. On assiste à l’entrée de puissances émergentes sur le marché universel grâce à des innovations technologiques du Numérique, rendant farouche la concurrence des productions et du commerce entre groupes industriels privés et géants de la finance internationale. En Afrique, les Etats- nations désunis et fragiles du fait de leurs économies encore coloniales, ont été obligés d’accepter les conditionnalités d’une restructuration de leurs économies par les institutions de Breton Wood, le Front Monétaire International et de la Banque Mondiale. Ce fut le cas du Sénégal. Cette période drastique d’ajustement structurel et de privatisation libérale des économies a vu la confiscation de leur souveraineté d’Etat et la destruction des acquis sur le plan agricole et industriel pour imposer un modèle de développement productiviste capitaliste, fondé sur la croissance du PIB et les équilibres macro-économiques. Ce modèle néo-libéral favorable aux investisseurs et industriels privés étrangers, a marginalisé les entreprises nationales porteuses de croissance et productrices de richesses. Il a conduit à des inégalités sociales insoutenables, aux violences et à l’insécurité dans les pays victimes d’attaques terroristes jihadistes.
L’hégémonie conceptuelle
A partir de l’application des PAS, l’hégémonie conceptuelle occidentale s’est affirmée, assurée par les experts du FMI et de la Banque mondiale qui ont élaboré une panoplie de concepts imposés aux Etats surendettés et sans « corps d’idées autonomes ». Sous la supervision serrée de ces Institutions, les Etats africains ont comme objectif d’atteindre le développement, concept conçu selon le modèle universaliste occidental,[1]comme un processus de croissance productive de l’activité économique, quantifiée par les outils statistiques. Mais ce concept de développement se révèle un mythe savamment distillé pour masquer la confiscation de la souveraineté des Etats africains, plongés ainsi dans une crise structurelle de domination et de spoliation aggravée. Il a servi à créer l’illusion entretenue que le modèle économique d’exploitation capitaliste et d’asservissement de nos pays allait les conduire à une étape finale de création de richesses et de bien être pour les populations.
Une croissance qui ne se mange pas
Selon l’important Rapport RASA/AROA[2] : « Le développement est le concept sacralisé pour catégoriser le monde selon des indicateurs économiques définis sur la base des réalités des pays d’Europe et d’Amérique du Nord pour rendre compte de leur état « d’avancement » et du retard des « autres » dans leur marche vers le progrès social ». C’est donc la même stratégie qui se perpétue avec les mêmes principes par un renouvellement de concepts savamment dérivés les uns des autres : « Ajustement structurel », « lutte contre la pauvreté », « objectifs du Millénaire pour le développement », « Document stratégique de réduction de la pauvreté », « Emergence », etc.
C’est pourquoi les rapports sur le développement de l’Afrique reflètent surtout un économisme universaliste, étatiste et linéaire avec des indicateurs standards occidentaux qui cherchent à mesurer les prétendus progrès de pays dominés et surexploités. Les évaluations rectificatives, les classements et notations encourageantes, les projections statistiques optimistes des institutions spécialisées, n’ont été en général jusqu’ici que falsifications et manipulations car « l’écart reste important entre les données produites et les réalités des populations, entre les indicateurs théoriques et les situations et pratiques réelles ». Certes « la croissance est bien là, mais elle creuse les inégalités, exclut les populations vulnérables et surexploite les ressources naturelles ».
Les carences du FMI et de la Banque mondiale
Selon le rapport du Bureau indépendant d’évaluation du FMI publié en mai 2011, l’intervention de L’institution en Afrique est un échec global. Cet échec de l’institution financière est dû aux paradigmes universalistes des lois de l’économie capitaliste libérale imposées aux Etats africains, mais également aux méthodes de recherche utilisées sur les réalités du terrain. Le rapport indique les carences suivantes :« une recherche institutionnelle orientée », des « biais idéologiques » donnant « des conclusions préconçues ». Il souligne que « certaines études reposent sur un cadre analytique inapproprié aux réalités des pays étudiés ». Il s’y ajoute selon toujours le Rapport, dans les recherches du FMI, « une incapacité répétée à citer les travaux des chercheurs locaux ».
Quant à la Banque mondiale, elle a été secouée dans un Rapport interne publié en 2015 par un scandale concernant des décaissements au profit des pays en voie de développement. Ce rapport établit que 7,5% de ces décaissements seraient détournés par le biais de sociétés écrans vers les paradis fiscaux comme la Suisse, le Luxembourg, Singapour. L’Union Africaine avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur la gravité d’une telle situation dans les conclusions d’un groupe de travail conduit par Tabo Mbeki, l’ancien Président sud-africain. Le rapport estimait à 56 milliards de dollars annuels la perte subie par le continent africain dues à des transactions illégales.
Aujourd’hui « la Commission Economique des Nations-Unies pour l’Afrique évaluerait les pertes annuelles subies par le continent à environ 148 milliards de dollars, soit une moins-value en termes de croissance de l’ordre de 25% du PIB ». L’auteur en conclut : « On commence à y voir plus clair sur les raisons expliquant qu’en près de 60 ans d’indépendance, pour de nombreux pays africains la contribution de la Banque mondiale reste encore marginale ». A un tel scandale s’ajoutent des résultats de croissance globalement désastreux.
Le règne en plus de la corruption financière et de l’influence des réseaux mafieux jusqu’au sommet des Etats rendent les politiques publiques inopérantes. C’est ainsi que les bilans élogieux sur les grandes infrastructures réalisées n’impressionnent outre mesure les jeunes, les ménages et les populations qui aspirent à la sécurité, à l’emploi et au bien-être, à la dignité.
Des échecs masqués
En aucun cas la crise sociale profonde, l’aggravation de la pauvreté des populations et le désarroi profond de la masse des jeunes, n’empêchent les sempiternels discours officiels présentant les statistiques sur les performances économiques fictives en général. En effet, la dure réalité sociale de la précarité et du dénuement reste têtue. Mais tout ceci est soigneusement masqué, en plus des chiffres et statistiques brandis, par :
- La délivrance de note de satisfécit aux Gouvernants grâce aux taux de croissances dit en bonne évolution, cela malgré la gangrène de la corruption et de la mal gouvernance institutionnelle.
- Le classement dans des revues soi-disant de références comme le Doing Business dont s’indignait l’économiste Ndongo Samba Sylla de la faiblesse des critères et des choix méthodologiques. Ce guide s’avère non scientifique et non pertinent politiquement, rendant les bons élèves bien classés, les plus démunis.
- La distinction par des prix honorifiques à certains dirigeants politiques dans le but de redorer leur blason terni. Toute cette mise en scène théâtrale solennelle et protocolaire est planifiée et organisée à dessein par des groupes de la mafia affairiste internationale pour masquer l’ignoble exploitation financière subie par les peuples sous domination. Un tel bilan désastreux pour les Africains a fait dire à Théophile Obenga que la Banque mondiale et le FMI devraient être interdits de mettre leurs pieds en Afrique. Un tel échec aux conséquences sociales et humaines catastrophiques milite impérativement pour l’alternative de déconnexion du système de dépendance et d’extraversion en place depuis la colonisation, et la reconnexion à une économie continentale africaine souveraine et intégrée.
Le changement de paradigmes
C’est pourquoi un véritable changement de paradigme s’impose pour édifier des économies fortes dépassant le cadre des faibles productions et de l’étroitesse des marchés des Etats-nation actuel. La libération de l’hégémonie conceptuelle universaliste du développement conçu en termes de croissance du PIB, de productivité et de ses outils d’évaluation quantitativistes et statistiques. Cette nouvelle conceptualisation identifie les espaces régionaux naturels de production et d’échanges intégrés ainsi que les acteurs historiques porteurs d’innovation et renouveau du continent. En sortant du morcellement et en élargissant l’horizon par la réunification politique et l’intégration des productions, filières et marchés, les vastes ensembles, on pourrait acquérir « la réduction des couts unitaires grâce aux économies d’échelle par un niveau accru de spécialisation et de concurrence économique, par l’accès à la technologie et par un meilleur partage des idées et des expériences à tous les niveaux ».[3]Les Africains pourront alors produire des économies d’abondance, le bien-être et la prospérité collective.
Un leadership nouveau
Les intellectuels africains, chercheurs et savants, industriel et entrepreneurs, ingénieurs, professionnels de métiers, architectes et aménagistes, inventeurs, artistes, conteurs et philosophes, doivent impérativement prendre leur place stratégique dans la direction politique des Etats fédérés de l’Afrique. Ils doivent s’appuyant la mobilisation politique des masses et de la jeunesse, pousser à la sortie les actuelles élites politiques paresseuses, corrompues et contre-productives. Cette nouvelle catégorie politique dirigeante d’avant-garde constitue en ce temps critique, l’armature intellectuelle créative du nouveau monde africain à inventer. Leur mission est d’apporter de nouvelles visions et des choix pertinents dictées par le cours actuel de l’histoire. En effet, la Raison et la Justice, le Bien, le Beau et l’Ethique doivent enfin soutenir les pratiques d’une nouvelle philosophie politique, celle du Renouveau culturel et civilisationnel de tous les Etats fédérés de l’Afrique enfin libre. Nul n’ignore à présent les immenses ressources et richesses matérielle, humaines et culturelles dans chaque pays, chaque région, dans tout le continent de part et d’autre de l’Equateur. L’exploitation coordonnée et la mise en valeur de ce potentiel peuvent alors permettre la montée en puissance rapide de l’Afrique sur le plan économique, politique, culturelle et diplomatique dans un contexte de reconfiguration des rapports de forces à l’échelle mondiale. En tout état de cause, le développement intégral de l’humain n’est pas que matériel, mais aussi culturel et spirituel ; il repose sur ce qui n’est ni quantifiable, ni chiffrable, sur le génie créateur des peuples, leurs cultures, leurs langues, leurs valeurs de vie, l’attachement à la communauté, légalité sociale, la joie de vivre, l’amour de la Création et le respect du Vivant.
[1] Voir à ce titre l’ouvrage qui a fait date sur cette vision : Rostow (1970). Les étapes de la croissance économique. Paris. Points
[2] RASA AROA (2018). Rapport alternatif sur l’Afrique. Un rapport pour l’Afrique et pour l’Afrique. Dakar :
[3] Real Lavergne Dir. 1996. Préface. Intégration et coopération régionales en Afrique de l’Ouest. Paris, éd. Karthala-CRDI.
PAR Abdourahmane Sarr
ENTRE LA PEUR ET L’ESPOIR, CHOISIR SONKO-DIOMAYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le candidat Amadou Ba a l’intention d’endetter le pays davantage pour dérouler la même vision qu’il a mise en œuvre quand il était ministre de l’Économie. Notre pays ne peut pas réaliser son développement dans le paradigme actuel
L’espoir est ce qui fait vivre et jeunesse rime avec espoir. A n’en point douter, sur le plan purement politique, Ousmane Sonko a su cristalliser les espérances de la jeunesse sénégalaise, notamment celle qui n’a pas d’espoir ou d’acquis à préserver. Pour cette frange de la population, la peur de l’inconnu ne prendra pas le dessus sur l’espoir de lendemains meilleurs par une alternance par l’alternative. Les Sénégalais qui ont des acquis à préserver, cette frange de la population pour laquelle le statu quo est source de stabilité, seront sensibles à un message d’apeurement qui peut ne pas avoir sa raison d’être. Non seulement la peur obstrue la raison, elle démotive, décourage, et empêche l’être d’atteindre son potentiel. Nous ne pourrons donc pas avoir le courage du développement par la peur.
Nous avons observé la campagne présidentielle qui est sans surprise bipolarisée entre Ousmane Sonko à travers Bassirou Diomaye Faye et Amadou Bâ. Les premiers sont porteurs d’un message d’espoir, le deuxième a misé sur la peur de l’autre et de l’inconnu pour convaincre. De ce point de vue, Bassirou Diomaye Faye ne sera que le représentant, par les urnes, d’un leadership collectif porteur de progrès et d’espérance à travers un projet. Entre l’espoir et la peur, il faut choisir l’espoir à moins qu’il y ait des raisons objectives de craindre pour se prémunir d’un danger réel. Nous avons foi en la capacité de la jeunesse sénégalaise accompagnée de réaliser le développement du pays avec courage et responsabilité en prenant son destin en main. Prendre son destin en main, c’est avoir le mandat du peuple d’utiliser tous les instruments qui devraient permettre de réaliser les espérances de vie meilleure des sénégalais de demain, donc de la jeunesse.
La majorité silencieuse a la responsabilité d’arbitrer les deux forces partisanes qui se font face par la raison. Nous disions commentant la politique générale du Premier ministre Amadou Bâ déclarée au FMI que « la ligne du Plan Sénégal Emergent (PSE) comptait sur la co-construction de notre développement avec le financement extérieur en devises du privé comme du public sans autonomie monétaire pour ensuite redistribuer les fruits d’une croissance éventuelle » (Présidentielle 2024 : DPG au FMI à reformuler). Cette vision ne libère pas les énergies du peuple lui-même, ce qui en fait un paradigme collectiviste socialisant à l’échelle centrale, et fera de l’Afrique la locomotive de l’agenda du monde. Cette vision socialisante, nous disions, ne nous a jamais réussi et a été réaffirmée dans notre programme 2023-2026 avec le FMI et dans celui du candidat Amadou Bâ baptisée « Prospérité partagée ». Le FMI a confirmé démarrant le programme en cours, que le PSE n’a pas réussi sa promesse de transformation structurelle de l’économie et que notre endettement a financé des infrastructures qui, quoique utiles, n’ont pas contribué à une croissance durable tirée par le secteur privé et génératrice d’emplois et de progrès social (voir Rapports FMI 2023). Après nous avoir dit que notre taux de change était surévalué et que nous devions nous financer en monnaie nationale ou en dette extérieure concessionnelle en devises, le FMI n’en a pas tiré de conclusions autres que l’austérité et les réformes structurelles car il n’a pas ce mandat politique. Le Premier ministre Amadou Bâ, après avoir, à travers son ministre des Finances, pris acte du bilan dressé sur le PSE, et reconnu que les ressources pétrolières et gazières en perspective sont limitées et n’auront pas d’impact sur notre cadre économique, n’a pas proposé un programme présidentiel alternatif. La réorientation annoncée du PSE lors de la déclaration de politique générale présentée aux députés suite à la nomination du Premier ministre Amadou Bâ n’a donc pas eu lieu (Amadou Bâ : DPG Reportée, Candidat de la Continuité).
Alors que notre programme avec le FMI prévoit une réduction de notre déficit budgétaire à 3% du PIB à l’horizon 2025 pour maîtriser notre rythme d’endettement dans ce paradigme, le candidat Amadou se donne 2029 comme horizon pour ce même niveau de déficit. Il a donc l’intention d’endetter le pays davantage pour dérouler la même vision qu’il a mise en œuvre quand il était ministre de l’Économie, des Finances et du Plan. Il avait réalisé une croissance non soutenable par l’endettement et donc politicienne pour la réélection du président Macky Sall en 2019. Notre pays ne peut pas réaliser son développement dans le paradigme actuel qui est basé sur la dette extérieure en devises, concessionnelle ou pas aux vues des contraintes de notre banque centrale. Changer cette option nécessite une autonomie monétaire à l’échelle nationale ou de l’UEMOA si cette dernière a les mêmes options économiques.
La coalition Diomaye Président est la seule à avoir annoncé cette perspective nécessaire comme le disait le président Macky Sall lui-même en Conseil des ministres décentralisé et perspective qu’il faudra réaliser avec les mesures d’accompagnement. Une des conditions, pour le Sénégal et la Côte d’Ivoire locomotives de l’UEMOA, est bien évidemment la réduction de leurs dettes publiques notamment en devises de même que leurs déficits budgétaires dans un proche horizon, 2025 au plus tard. Il faudra ensuite mettre un marché des changes en place, marché à approfondir et accompagner progressivement avec la libéralisation des flux de capitaux extérieurs dans la zone. Il faudra dans ce cadre s’assurer de l’inclusion financière de nos populations, de nos entreprises, et de nos collectivités locales, l’accès au crédit étant actuellement difficile sinon impossible pour la plupart. Cette inclusion financière devra se faire avec une banque centrale transparente ayant une autonomie d’objectifs et d’instruments pour assurer la stabilité des prix qui est essentielle.
De notre lecture, Ousmane Sonko et la coalition Diomaye Président ont présenté un projet souverainiste qui veut, dans l’autonomie monétaire, s’affranchir de la domination de l’étranger, mais dans le collectivisme de plans de développement à l’échelle locale. Ceci en fera un paradigme libéral puisque les pôles aux plans et processus de développement autonomes seront nécessairement en compétition. Ce projet collectivise ainsi, en partie, avec un état développementaliste à l’échelle décentralisée de pôles régionaux, la direction du pays. S’il doit co-construire avec l’étranger, ce sera à ces échelles tout en accompagnant la libération des énergies des populations là où elles vivent dans la diversité culturelle, cultuelle, et sociale renforçant la libre solidarité locale qui accompagne la justice sociale à l’échelle centrale. Cette vision se rapproche de notre préférence, c’est-à-dire la souveraineté, mais dans le libéralisme et l’autonomie monétaire nationale ou sous-régionale dans l’UEMOA seulement, mais aussi dans le progressisme social et culturel. Nous disions que cette vision responsabiliserait les Sénégalais et le secteur privé national ou sous-régional dans leur propre développement et choix culturels de même que ceux de leurs communautés de base autonomisées avec une Côte d’Ivoire acquiesçant. A défaut, ce sera Senexit pour ces objectifs. Nous avons baptisée cette vision Souverainiste Libérale et Progressiste. Nous nous sommes donc retrouvés dans la formule du candidat Bassirou Diomaye Faye : « Un Sénégal souverain, juste, prospère, dans une Afrique en progrès ». La co-construction du développement et de l’industrialisation avec l’investissement étranger en complément à l’échelle de pôles régionaux peut rencontrer la vision du maire de Sandiara qui a rejoint la coalition Diomaye Président. Cette vision est aussi compatible avec celles de Boubacar Camara, de Boun Dionne, et de Mamadou Lamine Diallo sur l’industrialisation et les moyens de son financement à cette échelle.
Nous concluons cette contribution de soutien à la coalition Diomaye Président en disant que dans les programmes des autres candidats que nous avons lus, il y a des mesures de réformes sur lesquelles les Sénégalais peuvent avoir un consensus. Ces réformes qui peuvent être utiles et pertinentes relèvent dans bien des cas du management et non du leadership ou d’une vision alternative au statu quo et ne sont donc pas déterminantes de notre point de vue. Bien sûr, nous pouvons toujours renforcer nos institutions et notre démocratie qui dans un passé récent nous ont démontré leur solidité. Nous pouvons également améliorer les performances de beaucoup de secteurs notamment la santé, l’éducation, les infrastructures et les biens et services publics horizontaux. Le préalable, cependant, c’est la création de richesses pour leur financement durable dans la souveraineté sans intervention étatique inutile au-delà de la correction des défaillances et des sous-provisions de biens publics et dans les limites des capacités objectives de l'État.
Créer de la richesse, c’est accompagner l’entreprenariat et la liberté économique dans tous les secteurs productifs même dans l’agriculture, l’élevage et la pêche et savoir distinguer ce qui est simplement de la redistribution ou de l’idéologie collectiviste socialisante interventionniste et ce qui est de l’économie pure. Même dans la fourniture de services publics de base, l'État peut privilégier de financer et subventionner mais n’est pas obligé de produire afin d’encourager l’efficacité et l’efficience, la compétition, tout en promouvant l’égalité des chances. La décentralisation et la territorialisation de la définition même des politiques publiques et la comparaison des performances d’unités territoriales autonomes en concurrence peuvent permettre l’émulation vers le haut et la sanction localisée des échecs. De ce dernier point de vue, le Sénégal gagnerait à écouter le candidat Serigne Mboup. Karim Wade quant à lui a la responsabilité d’accompagner la vision souverainiste libérale et progressiste qui parachèvera le SOPI et qui relève le défi qu’avait lancé son père à la jeunesse africaine de trouver la voie du développement dans le libéralisme (voir Eco et Libéralisme : Relever le défi d’Abdoulaye Wade).
Librement.
Dr. Abdourahmane Sarr est président CEFDEL/MRLD
Moom Sa Bopp Menël Sa Bopp
par Mamadou Abdoulaye Sow
SEUL LE POUVOIR LÉGISLATIF EST COMPÉTENT POUR ACCORDER DES EXONÉRATIONS FISCALES
L’État ne peut accorder de son propre chef une remise d’impôt à une entreprise. L’effacement de la dette fiscale décidée par le président de la République n’est rien d’autre qu’une amnistie fiscale qui ne dit pas son nom
Seul le pouvoir législatif est compétent pour accorder (ou habiliter l’Exécutif à accorder) des exonérations fiscales de toutes natures ou pour décider d’une mesure d’amnistie en matière fiscale
Notre attention a été attirée par les termes d’un article intitulé : « Le cadeau d’au revoir de Macky Sall à la presse sénégalaise » publié hier par un média. On y lit que « le président Macky Sall a annoncé un effacement de la dette fiscale contractée par les entreprises sénégalaises de presse qui s’élève à plus de 40 milliards ».
L’État a l’obligation de percevoir les impôts prévus dans les lois de finances.Il ne peut accorder de son propre chef une remise d’impôt à une entreprise.
Dès lors, les citoyens ont le droit de connaitre la disposition légale qui autorise le chef de l’Etat à passer l’éponge sur les infractions fiscales par dérogation à l’interdiction posée par l’article 715 du Code Général des Impôts (CGI) qui dispose : « En dehors des cas limitativement et expressément prévus par la loi, aucune autorité publique, ni l’administration, ni ses préposés, ne peuvent accorder de remise ou modération des impôts, droits, taxes, redevances, intérêts, amendes et pénalités légalement établis, ni en suspendre le recouvrement, sans en devenir personnellement responsables ».
Si la mesure que vient de prendre le président de la République est une remise de dette fiscale, il y a des conditions de forme (notamment la demande de remise ne peut résulter d’une décision collective) et de fond fixées par l'article 706 du CGI et son arrêté d’application à respecter. Au final, il faut un support juridique c’est à dire la décision favorable de l'autorité compétente en l’occurrence le ministre chargé des Finances qui autorise les services d'assiette à procéder au dégrèvement des impositions en cause pour permettre l'annulation de la dette fiscale dans les prises en charge du comptable public chargé du recouvrement.
Voici in extenso ce que dit l’article 706 de la loi fiscale dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-10 du 30 mars 2018 :
« 1. Le contribuable, en situation économique ou financière difficile, qui reconnaît le bien-fondé d'une imposition établie à son nom, peut introduire une demande de remise ou de modération de sa dette fiscale.
2. La demande adressée au Ministre chargé des Finances, doit être déposée auprès du chef du service des impôts compétent avec l'ensemble des justificatifs de la situation qui la motive.
3. Pour une même dette fiscale, le contribuable ne peut déposer qu'une seule et unique demande. Il est tenu, sous peine d'irrecevabilité de celle-ci, de consentir, auprès du comptable compétent, un effort fiscal sur la dette encourue.
4. La demande de remise ou de modération n'est pas suspensive du recouvrement de la dette fiscale.
5. La demande de remise ou de modération ne peut porter sur des impôts ou taxes effectivement collectés ou retenus ainsi que sur les pénalités y afférentes. Il en est de même des impôts ou taxes régularisés pour cause de manœuvres frauduleuses.
6. Les modalités d'application du présent article seront déterminées par arrêté du ministre chargé des Finances ».
Sauf l’existence d’une nouvelle règlementation qui nous est inconnue, le texte portant application des dispositions de l’article 706 du CGI est l’arrêté n° 025903 du 26 novembre 2018.
L’article 4 de l’arrêté précité règlemente l’effort fiscal obligatoire exigé avant l’instruction d’une demande de remise d'une dette fiscale. Il prévoit pour les personnes morales :
« - Pour une dette inférieure à 10 millions : 20% sans être inférieur à 500.000
- Pour une dette comprise entre 10 millions et 50 millions : 10% sans être inférieur à 2.000.000
- Pour une dette comprise entre 50 millions et 200 millions : 5% sans être inférieur à 5.000.000
- Pour une dette supérieure à 200 millions : 2% sans être inférieur à 10.000.000 »
Quant à l’article 8, il exclut les cas ci-dessous du bénéfice de la remise ou de la modération d’impôts :
« - les difficultés de l'entreprise dues à des manœuvres frauduleuses ;
- l'entreprise en procédure collective ;
- la récidive dans les infractions liées à l'assiette et au recouvrement des impôts et taxes ;
- plusieurs demandes de remise pour une même dette ;
- les impôts ou taxes effectivement collectés ou retenus ainsi que les pénalités y afférentes ;
- les impôts ou taxes régularisés pour cause de manœuvres frauduleuses ».
En résumé, selon le premier alinéa de l’article 64 du décret n° 2020-978 portant Règlement général sur Ia Comptabilité publique, « les demandes en remise ou modération doivent être adressées au ministre chargé des Finances appuyées de toutes pièces probantes dans le mois de l'évènement qui les motive, sauf celles qui sont provoquées par la gêne ou l'indigence du contribuable, lesquelles peuvent être formulées à toute époque ».
A notre sens, l’effacement de la dette fiscale décidée par le président de la République n’est rien d’autre qu’une amnistie fiscale qui ne dit pas son nom. Or, seul le législateur a le pouvoir d’accorder une amnistie. En effet, sans faire la distinction entre deux types d’amnisties, l’article 67 de la Constitution prévoit que la loi fixe les règles concernant l‘amnistie.
Au reste, il subsiste une question : quid des organes de presse qui se sont déjà acquittés de leurs impôts dans les délais ? Si ces derniers ne sont pas remboursés de leurs impôts régulièrement payés durant la période concernée par cet « effacement » d’impôts, il y a rupture du principe d’égalité fiscale entre organes de presse.
Mamadou Abdoulaye Sow est inspecteur principal du Trésor à la retraite.
Par Hamidou ANNE
CE 24 MARS, LA DEMOCRATIE DICTERA SA LOI
Comme depuis six décennies, les Sénégalais iront ce 24 mars aux urnes pour choisir leur chef d’Etat. Ce rendez-vous démocratique est une séquence importante de notre tradition républicaine.
Comme depuis six décennies, les Sénégalais iront ce 24 mars aux urnes pour choisir leur chef d’Etat. Ce rendez-vous démocratique est une séquence importante de notre tradition républicaine. Depuis nos Pères fondateurs, nous avons collectivement choisi la voie démocratique pour confier les destinées de notre pays à un homme ou une femme. La légitimité de nos dirigeants découle ainsi du suffrage universel ; et notre attachement à ce choix est une marque de grandeur de notre peuple, inspire pour nous le respect des autres et fait du Sénégal une exception. Comme le dit mon ami Ibou Fall, non sans cette espièglerie qui le caractérise, le Sénégal n’est pas un pays africain mais un pays en Afrique.
Quand, au lendemain de la vague des indépendances, le continent était enfermé dans des logiques tribales, nous fondions une nation solide orientée vers un dessein commun. A cette époque, les dictatures et autoritarismes étaient la norme, mais nous avions à la tête de notre Etat un grand homme, qui avait renoncé très rapidement au parti unique pour ouvrir le jeu démocratique. Nous avons su éviter les putschs militaires quand ils étaient une voie traditionnelle de prise du pouvoir. Nous avons résolument opté pour la démocratie, le panafricanisme et le multilatéralisme.
Depuis, sans interruption, l’espace public est un terrain d’affrontement des idées et des programmes avec comme arbitre le Peuple souverain. Ce 24 mars, après les troubles et les turbulences issus de la séquence entamée le 20 janvier avec la publication de la liste définitive des candidats à la Présidentielle, les Sénégalais vont accomplir un devoir citoyen. Le scrutin sera libre, transparent et le vainqueur sera désigné. Le lendemain, les Sénégalais auront le loisir de vaquer à nouveau à leurs occupations. L’incise démocratique totale où chaque citoyen représente une voix sera refermée pour laisser la République, avec sa promesse fondée sur le mérite, reprendre ses droits.
Il est indéniable que cette élection est particulière. Notre pays est à un point de bascule pour plusieurs raisons. Pour la première fois, un Président sortant ne sera pas candidat à sa propre succession. Le pays est désormais producteur d’hydrocarbures ; ceci promettant une transformation de sa structure économique mais générant aussi des craintes car l’or noir est en Afrique un puissant accélérateur de la déstabilisation.
Au plan social, le Sénégal sort de trois années éprouvantes avec des vagues de violences sans précédent qui ont produit des morts, blessés et destructions de biens publics et privés.
Il s’y ajoute que pour la première fois un candidat fasciste à la Présidentielle est capable de remporter le scrutin. Autour de lui s’agrège un mouvement qui profite des infrastructures de la démocratie mais qui n’est pas démocrate ; un mouvement qui peut se hisser au sommet des institutions de la République sans être républicain ; un mouvement dont le profil génétique est la sédition, l’islamisme et l’intolérance.
Les peuples sont souverains et jaloux de leur souveraineté. Le nôtre a fait des choix en 2022 aux Municipales et aux Législatives dont les conséquences ont pesé sur notre stabilité. Il faut se rappeler les blocages de l’Assemblée nationale poussant à deux reprises la gendarmerie à intervenir pour permettre l’expression du jeu démocratique dans l’Hémicycle.
Un ami proche me disait récemment : «On ne peut pas vouloir le bonheur des gens contre leur volonté.» Il a raison, et je suis un démocrate convaincu et un citoyen viscéralement attaché aux principes républicains. Les électeurs sont souverains et il faudra s’incliner devant leur choix, quel qu’il soit. Ils ont le choix entre poursuivre dans un régime de la paix civile en choisissant parmi des candidats aux projets divers et concurrents mais qui demeurent dans l’arc républicain. Comme ils ont le loisir d’opter pour un basculement vers l’irréparable en faisant tomber notre pays dans le gouffre du fascisme après que parmi nos voisins beaucoup ont basculé dans des régimes militaires.
Ce choix entre un horizon de paix et de démocratie et une poussée vers l’aventure m’interroge et devrait nous pousser à la prudence, au sens des responsabilités et à une extrême dextérité dans le choix que nous allons faire ce 24 mars.
Comme à chaque fois que je désespère du monde, je lis ou j’écoute l’écrivain et académicien français François Sureau. Cette fois, il citait Malraux pour, disait-il, «partager une sorte d’espoir tremblant mais réel : la vie l’emportera, l’amour, la créativité, la réforme politique l’emporteront».
Mamadou Ndiaye
TERRES NOURRICIERES
De quoi vit le monde rural, une fois l’hivernage terminé ? Autant les pluies soulagent et réconfortent, autant la saison sèche hante les esprits dès qu’elle s’installe.
De quoi vit le monde rural, une fois l’hivernage terminé ? Autant les pluies soulagent et réconfortent, autant la saison sèche hante les esprits dès qu’elle s’installe.
En parcourant l’intérieur du pays on s’aperçoit de la diversité des tableaux, des paysages changeants, de la baisse des rythmes, de l’intensité des échanges (trocs et marchandages).
Certains greniers se vident assez vite compte tenu de la consommation effrénée des récoltes de céréales et de l’écoulement d’une partie dans les marchés hebdomadaires, carrefours de transactions en hausse constante.
Cette brève photographie ne répertorie pas l’univers rural peuplé d’autres acteurs de fraîche reconversion qui portent en bandoulière leur nouvelle fierté d’appartenance.
D’autres encore, fuyant l’épouvante urbaine, se réfugient dans les enclos ruraux, la nouvelle frontière de l’épanouissement, de la tempérance, de l’harmonie, du naturel et de l’authenticité.
Ici la nature répond bien de son nom propre : faune et flore se conjuguent, sécrétant une phénoménale symphonie qui laissent pantois les nouveaux arrivants dotés d’une culture de destruction très prononcée.
La ville consomme et détruit. La campagne absorbe et restitue. Ces deux espaces de vie ne s’opposent pas frontalement mais les humains qui les habitent les ont si imprégnés de leurs modes de vie typés au point de singulariser des identités remarquables.
Le contraste est saisissant et frappant à la fois. Que perdent les campagnes en accueillant ces nouveaux venus bardés de certitudes ?
En hivernage, lorsque les paysans ont fini de scruter le ciel, s’ensuivent les tâches pénibles sur fond d’une longue période de dèche et de soudure. Donc de manque permanent voire de déficit chronique.
Seuls ceux qui le vivent, l’appréhendent quand s’épuisent les ressources alors qu’aucune panacée ne s’offre à eux comme recours ou secours.
Fonctionnant au jour le jour, ils ne parviennent pas à intégrer la prévision dans le quotidien. Si bien que les retournements de conjoncture les frappent au portefeuille et dans la grange. En se tarissant, la ressource les expose à une précarité certaine et ils vivent alors d’expédients et s’en réduisent à ces moyens pour se tirer d’embarras.
Les nouveaux ruraux, qui ne le sont que de nom, et qui les rejoignent dans ces aires de vie, s’organisent mieux et se prémunissent contre les aléas.
Désormais, ils appartiennent au même espace mais s’en démarquent par des traits de comportements acquis en ville et maintenus en campagne pour les commodités qu’ils offrent et le confort qu’ils procurent.
L’aisance accentue la différence et creuse le fossé au détriment des populations rurales dont le sort, au demeurant peu enviable, n’inspire qu’indifférence alors qu’ils affrontent d’avantage une paupérisation.
A mesure que s’étendent les habitats et les mouvements, le foncier agraire se rétrécit : moins de superficies cultivables, extensions des vergers (fermiers du du dimanche), appauvrissement des sols et assèchement progressif des terres jadis arables et riches en oligo-éléments. Les pourtours de l’aéroport Blaise Diagne de Diass démontrent à suffisance cet envahissement et l’extinction de l’authenticité rurale à mesure que la modernité pénètre les enclos familiaux.
Neufs mois de désœuvrement et trois mois d’activités agricoles, ce scénario est à abandonner pour privilégier d’autres alternatives. Il est heureux de constater que le maraîchage s’introduit peu à peu entre les deux saisons.
La formule séduit plus de monde. A ces activités traditionnelles, l’agriculteur ajoute la dimension maraîchage même si les vocations ne sont pas les mêmes.
Après tout, une diversification des sources de revenus favorise une stabilité dans le milieux paysans que les politiques ne devraient négliger aucunement.
Les saisons de pluies se suivent sans se ressembler. Compte tenu de ces aléas difficiles à cerner et à maîtriser, la cohérence dicte aux pouvoir publics la nécessité d’associer maraîchage et agriculture afin de produire plus et mieux dans une approche de sécurité et de sûreté alimentaires.
Le Kenya réussit bien cette formulation sans toutefois provoquer d’antagonisme entre maraîchers et agriculteurs. Leur complémentarité jugule les pénuries, lutte à la fois contre les pratiques inflationnistes et les bradages si les prix rémunérateurs sont promus.
Que mille zones de maraîchage éclosent, rien de mal ! Pourvu que légumes, fruits et fleurs inondent les marchés afin de réconcilier les Sénégalais avec les labels de terroirs.
Numériquement, ils constituent une force et représentent un poids.
Électoralement cela pèse. Indéniable. L’ébullition dans le monde rural renseigne sur l’engouement que suscite cette présidentielle inédite et singulière à plus d’un titre.
L’effet moutonnier ne carbure plus. Les électeurs des contrées lointaines ne sont plus perçus comme du bétail électoral « taillable et corvéable à merci » !
Autres temps, autres seigneurs terriens…
Ils sont de plus en plus conscients de leur prépondérance pour revendiquer une autonomie de pensée, de jugement et d’action.
Le vote paysan sera déterminant dans le scrutin attendu dimanche 24 mars.
Les marchés transversaux (loumas) absorbent quantité de produits
du cru issus de nos terroirs. Leur complémentarité et les différences de maturation sont des facteurs décisifs pour placer le monde rural au cœur des politiques prioritaires de développement.
Faut-il le dire à haute et intelligible voix : le désœuvrement a un coût. Il pourrait être corrigé en dégageant des perspectives appuyées sur les opportunités déjà mentionnées. Le maraîchage est ce gisement.
A l’échelle du pays, une géographie de cette activité génératrice de revenus conséquents, peut changer le visage du monde rural avec des ambitions plus affichées selon les spécificités des régions.
La meilleure façon de contourner un tel capital humain immobilisé, consisterait à appuyer les efforts consentis par les pionniers.
Ces derniers s’en sortent bien. Toute leur production trouve preneurs, tandis que les marchés sont assez approvisionnés. Ce qui augure d’une embellie dans les années à venir.
De Potou au Niombato, du Walo au Sine, sans compter les terres irrigables du Nord, l’existant peut flatter les volontés si l’Etat se décide à inverser le cours des choses.
Autrement dit, en intensifiant le soutien au monde rural qui a besoin de rompre les chaînes de son enfermement.
En clair, l’intérieur du Sénégal commence à enchanter les Sénégalais portés par ces nouvelles frontières qui se profilent.
Par Abdoulaye THIAM
IDY, L’ULTIME COMBAT !
Après 2007, 2012 et 2019, Idrissa Seck va participer pour la 4ème fois à l’élection présidentielle. A 65 ans l’ancien Premier ministre pourrait livrer son dernier combat.
Après 2007, 2012 et 2019, Idrissa Seck va participer pour la 4ème fois à l’élection présidentielle. A 65 ans l’ancien Premier ministre pourrait livrer son dernier combat. Brillant, intelligent, grand tribun, l’ancien ministre d’Etat, Directeur de campagne de Me Abdoulaye Wade, concepteur de la très célèbre «Marche Bleue» semble avoir quand même perdu beaucoup de son aura.
Certainement à cause d’une tortuosité qui lui colle à la peau. En 2007, il ne faisait l’ombre d’aucun doute que Idrissa Seck devrait abréger le régime de son mentor Me Abdoulaye Wade. L’opinion publique était acquise à sa cause. Malheureusement, Idy s’est perdu dans les «rencontres de Midi» sur initiative de Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, porte-parole d'alors du Khalife Général des Tidianes.
Ce qui avait permis à Me Wade de remporter les élections, haut la main avec 55,90 % contre 14,92 % pour Ndamal Cadior. Il va ensuite connaître une descente aux enfers symbolisée par une dégringolade de son score à l’élection présidentielle de 2012 où il n’obtiendra que 7,86 % des suffrages. Une très peu honorable 5ème place pour quelqu’un qui s’est vu tracer un destin de président de la République.
Toutefois contre toute attente, tel un phénix, Idrissa Seck va encore renaitre de ses cendres. En 2019, il réussit à réunir une bonne partie de l’opposition à sa cause. 899556 électeurs lui accordent leur voix. Soit 20,51 % des suffrages valablement exprimés. Sauf qu’un tel pourcentage ne lui permettra pas de mettre Macky Sall en ballotage.
Chef de l’opposition, Idrissa Seck pouvait alors garder ses chances intactes en perspective de la Présidentielle de 2024. Que nenni ! Comme en 2007, il rejoint la coalition Benno Bokk Yaakaar et se voit octroyer le poste de président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Mieux, deux de ses collaborateurs (Diatara et Saleh) sont nommés ministres dans le gouvernement. Mais à l’approche de la Présidentielle, Idy claque à nouveau la porte du Benno et s’engage dans un ultime combat. Atteindra-t-il enfin, cet ultime but qui le fuie depuis 2007 ? Rendez-vous ce dimanche 24 mars.
Par Félix NZALE
AU NOM DE LA MEMOIRE DES VICTIMES
Trois années de massacres, de traque d’opposants et de journalistes, d’embastillement tous azimuts de citoyens dont le seul tort, au fond, a été de se soulever contre une tendance autoritaire et pour plus de dignité
C’est une des voix les plus fortes et les plus crédibles qui s’est prononcée dimanche dernier sur les ondes de la Rfm, en ce temps de campagne électorale. Non pour s’égarer dans des propos et considérations politiciens, mais pour exprimer le sentiment de millions de Sénégalais. Thiaba Camara Sy, président de «Demain Sénégal», a raison : personne ne doit se conformer à l’oubli de ce qui s’est passé durant les tragiques événements de 2021 à 2024.
Trois années de massacres, de traque d’opposants et de journalistes, d’embastillement tous azimuts de citoyens dont le seul tort, au fond, a été de se soulever contre une tendance autoritaire et pour plus de dignité. Au bout du compte, des dizaines de Sénégalais (hommes et femmes) tués parce que des politiciens en ont décidé ainsi pour assouvir leur appétit de pouvoir !
Le président Macky, dont le mandat a quasiment expiré, a eu la «géniale» idée de nous sortir une loi d’amnistie (du 6 mars 2024) par laquelle l’on veut nous imposer l’oubli au nom d’une prétendue «réconciliation nationale». On ne parle pas de pardon parce que pour pardonner, il faut préalablement identifier les coupables et établir les responsabilités. Pardonner qui et pourquoi, alors qu’aucune enquête n’a été menée à ces fins ? Qui y a intérêt ? Oui Thiaba, vous avez raison : «cette loi d’amnistie est une insulte qu’on rajoute à l’injure ; une reconnaissance de culpabilité, mais également un déni de justice». Mais qu’en pensent donc nos candidats à la présidentielle ?
Bassirou Diomaye Faye a évoqué la question de l’indemnisation future des victimes. Il est toutefois clair qu’aucune somme ne saurait guérir les familles endeuillées et les blessés du traumatisme moral et psychologique. Les victimes ont besoin que quelqu’un, le Tribunal en l’occurrence, établisse la faute qui a causé le préjudice. De quelle faute s’agit-il ? Qui l’a commise ? Préciser le préjudice est important pour les victimes ; dire quel comportement est fautif, quel comportement ne l’est pas est aussi important pour la société et pour ceux qui courent le risque d’avoir un comportement fautif.
Lorsque Mme Thiaba Camara Sy invite la société civile à s’engager dans un processus de mémoire pour que les noms des victimes ne tombent pas dans l’oubli, elle a conscience de la défaillance morale et éthique de nos autorités, pourtant astreintes - en l’occurrence - au principe de désignation de la faute. Il est par conséquent heureux de savoir qu’une procédure au niveau international «en faveur du rétablissement de la vérité, de la justice avant le pardon» va être engagée.