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29 novembre 2024
Opinions
par Abdourahmane Sarr
OUI, MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Que Boubacar Camara ne veuille pas jouer les seconds couteaux est de son droit, mais nous ne sommes pas convaincus de la vision qu’il propose car elle ne libérera pas le Sénégal du statu quo d’un État centralisé, développementaliste
Nous espérons que Boubacar Camara appréciera avec humour le titre de ce texte de clarification puisqu’il nous a décerné la qualité de président de la République à la suite de notre revue de son livre « Construire le Sénégal du Futur » dans notre contribution intitulée « Boubacar Camara : président ou Premier ministre ».
Pour cela, sa vision est décrite ainsi qui suit « Bâtir un Sénégal prospère par un capital humain épanoui à partir de l’exploitation judicieuse des ressources naturelles [notamment par l’optimisation de toutes les chaînes de valeurs des produits, en renforçant les acteurs essentiels de la société] pour un développement durable ». C’est précisément de cette vision basée sur les ressources naturelles dont nous ne voulons pas, nous lui préférons une bonne gestion par des ressources humaines de qualité libérées d’un État pesant aux choix plus que discutables.
Nous n’avons donc aucun désaccord profond autre que sur la vision car la reformulation de la vision que nous lui avons proposée, après lecture annotée des 300 pages de son livre, capture sa préoccupation sur le capital humain et ses interventions souhaitées : « Un Sénégal associé à ses proches voisins dans un État fédéral libre, développé, et bien géré dans la solidarité à travers l’industrialisation financée par le troc de ressources naturelles en échange des investissements nécessaires. Dans les investissements nécessaires entendez tout ce que Boubacar Camara veut financer par le troc, d’une part, par son État développementaliste (les chaînes de valeur choisies) et, d’autre part, le capital humain pour lequel nous n’avons aucun souci et que nous mettons au rang de priorité que l’état soit développementaliste ou pas. Sans les ressources humaines de qualité, jeunes, femmes, bref ses fils et ses filles, le Sénégal ne pourra pas être bien géré et ne pourra pas conduire son industrialisation.
Le Sénégal, à la croisée des chemins en 2024, devrait être confié à un président de la République à la vision comprise par ceux qui peuvent la comprendre et qui l’acceptent. Notre revue du livre de Boubacar Camara a tiré comme conclusion que sa vision présentée n’est pas désirable pour le Sénégal de notre point de vue car elle se résume à un mode de financement qui ne libèrerait pas l’Afrique, et est inadaptée à un pays « frontier market » comme le Sénégal. Nous avons dépassé le stade du « bartering » pour vendre nos projets potentiels en partenariats public-privé. Nous Sénégalais, et pourquoi pas la classe politique, pouvons avoir un consensus sur le reste des développements de son livre.
Notre revue a permis à Boubacar Camara de réaffirmer deux choses, d’abord réitérer avec force l’amalgame qu’il fait entre un mode de financement et la structuration appropriée d’un partenariat public privé, ensuite sa vision du développement par les ressources naturelles. Tout ce qu’il écrit sur la structuration de projets à travers des « Special Purpose Vehicles », notamment, est vrai mais il n’est point besoin de faire dans le troc pour atteindre ces résultats lorsqu’on a un État bien géré qui a un bon cadre macroéconomique et qui a accès aux marchés financiers internationaux (nous ne parlons pas de bailleurs de fonds bilatéraux ou multilatéraux). Ce n’est peut-être pas la tasse de thé ou de café de Boubacar Camara mais un Sénégal libre dans une Afrique libre devra se faire par le moyen de stratégies à moyen terme d’endettement séparées de ses projets viables finançables par partenariats public privé.
Dans la bonne gestion de la dette souveraine, les déficits et les charges de la dette (intérêts et capital), ce que nous appelons les déficits primaires et les charges de la dette sont refinancés et peuvent ne rien avoir à voir avec les flux de projets spécifiques structurables. Les arguments que Boubacar Camara nous sert le prouvent : « le choix du recours aux ressources naturelles ne doit être écartée ou relégué au second plan…structurer des financements en procédant à un troc…le tout c’est de bien le faire….on se présente aux marchés financiers autrement avec des garanties solides ». La meilleure garantie c’est la bonne gestion du risque souverain d’une part (macroéconomique et structurel), et la bonne structuration de tous les projets d’autre part. Nul besoin de faire du troc pour atteindre les deux objectifs à moins de n’avoir aucune confiance en soi en dehors d’un « special purpose vehicle » avec lequel on peut par ailleurs avoir tous les avantages listés par Boubacar Camara sans convention de troc. Encore une fois, certains pays africains n’ont pas d’autres choix que le troc avec des partenaires spécifiques et/ou d’offrir en garantie les flux de devises sur leurs ressources naturelles privant leurs banques centrales des mêmes devises pour une gestion macroéconomique responsable et souveraine dans la liberté. « La disponibilité d’un partenaire financièrement solide et doté d’une expérience avérée qu’il convient évidemment de sélectionner dans des conditions transparentes », comme le dit Boubacar Camara, ne nécessite pas de troc de ressources naturelles.
Revenant à la personnalisation supposée du débat, n’étant pas d’accord avec la vision de Boubacar Camara pour notre pays, nous lui disons en toute sincérité qu’il a convaincu sur un autre volet, et nous pensons que c’est son parcours qui l’a justifié. De la même manière que ses projets de troc qu’il a vécus ne nous agréent pas pour le Sénégal, Boubacar Camara, de son vécu dans l’administration, nous a proposé 36 secrétaires d’État dont les ministres ne seraient pas les patrons mais le Premier ministre pour dépolitiser l’administration. Nous avons jugé que cette administration qu’il nous a proposée pourrait lui être confiée puisqu’il ne nous a pas convaincu sur la vision. Il a toute notre confiance, pas nous en tant que président de la République, et pourquoi pas, mais un nous en tant que personne et un nous potentiellement collectif de Sénégalais que notre critique aura convaincus. Nous sommes loin d’accuser Boubacar Camara de chercher un poste de Premier ministre. Il peut être assuré, en revanche, que les thèses de notre revue ont bien évidemment eu comme objectif de marquer notre différence maintes fois exprimées. Que Boubacar Camara ne veuille pas jouer les seconds couteaux est de son droit, mais nous ne sommes pas convaincus de la vision qu’il propose car elle ne libérera pas le Sénégal du statu quo d’un État centralisé, développementaliste, qui n’aura pas les moyens de sa politique, ni seul, ni dans une fédération avec ses voisins qui ne pourra avoir qu’une banque centrale hors de portée. Ce dernier point peut être davantage développé si nécessaire car il est lié à tous les schémas de financement, y compris le troc proposé.
Pour l’heure, nous espérons que Boubacar Camara pourra convaincre les Sénégalais qu’il a une meilleure stratégie de financement que les candidats déclarés qui nous proposent également de nous développer par la transformation structurelle dirigée de notre économie ou de nous développer par les ressources naturelles à travers un état développementaliste bien financé. Pour changer de cap, il nous dit lui-même : le commandant du navire doit disposer de tous les outils nécessaires pour déterminer la nouvelle route à suivre et se donner les moyens de s’y maintenir en faisant face à toutes les intempéries. Ce commandant, en l’occurrence l’état, notamment son bras technique, l’administration publique, doit administrer le navire et sa cargaison…l’administration doit…s’arracher des griffes de la politique…». On ne peut pas faire du troc de ressources naturelles sans avoir des valeurs collectivistes que Boubacar Camara partage avec bien d’autres qui n’ont pas choisi le troc, qu’ils débattent sur leurs visions partagées.
Nous préférons responsabiliser les Sénégalais, leurs entreprises, et leurs collectivités locales, « la cargaison », et laisser l'État s’occuper de ce qui nous est réellement commun dans la diversité cultuelle, culturelle, et des citoyennetés. Il ne s’agit pas ici de néolibéralisme, car l'État peut avoir des rôles à circonscrire par nécessité ou opportunité, précision pour parer aux réactions épidermiques des collectivistes.
Nous ne sommes pas encore candidat mais si on devait l’être ce sera pour porter la vision d’un Sénégal de liberté, de patriotisme et de progrès qui fait effectivement l’objet d’une offre publique d’adhésion.
Librement.
Dr Abdourahmane Sarr est président CEFDEL/MRLD, Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp.
Par Madiambal DIAGNE
CHRONIQUE DES COMPARUTIONS FORCÉES D'OUSMANE SONKO
Tout porte à croire qu’il répondra devant la chambre criminelle dans un procès public. Dans tous les cas, la Justice passera : il pourrait être contraint manu-militari à assister à l’audience ou le jugement sera fait par contumace
Qui peut compter le nombre de fois que Ousmane Sonko a eu à menacer certains de ses compatriotes de plaintes devant les institutions judiciaires ? A chaque fois que le leader de Pastef s’est senti effarouché par des dires, faits ou gestes d’un de ses compatriotes, il a brandi, à tort ou à raison, la menace d’abattre les foudres de la Justice sur la tête de l’impertinent, car il dit tenir à préserver sa dignité, son honorabilité. Il s’est aussi toujours posé en procureur pour la garde des biens publics.
Mieux, bien des fois, Ousmane Sonko a effectivement saisi la Justice pour se plaindre et demander l’application rigoureuse de la loi pénale contre des personnes. C’est ainsi, à titre d’exemple, que dernièrement, suite à la publication d’un livre de Cheikh Yérim Seck dans lequel l’auteur évoque des escapades nocturnes inappropriées sur la Corniche de Dakar, à la veille de l’élection présidentielle de 2019, Ousmane Sonko a vu rouge et a annoncé déposer une plainte contre l’auteur du brûlot pour diffamation. Ousmane Sonko a aussi menacé de saisir la Cour suprême de plaintes contre les magistrats Serigne Bassirou Guèye (ancien Procureur de Dakar) et Oumar Maham Diallo (Doyen des juges de Dakar) pour diverses incriminations. Ousmane Sonko a eu à porter plainte contre l’ancien Directeur des Domaines, Mamadou Mamour Diallo et l’homme d’affaires Tahirou Sarr, pour la prétendue affaire de détournement de 94 milliards de francs dans une opération foncière. Une procédure judiciaire a été ouverte jusqu’à finir par un verdict de la Cour de Cassation.
Le même Ousmane Sonko avait menacé de porter plainte et a eu à déposer formellement une nouvelle plainte contre Mamadou Mamour Diallo, l’avocat Gaby So, Adji Sarr, Me El hadji Diouf, le Général Moussa Fall, ainsi que d’autres personnes qu’il accuse d’avoir trempé dans un complot dirigé contre sa personne au salon de massage Sweet Beauty. Il a fulminé contre les protections judiciaires et autres privilèges juridictionnels dont bénéficient les avocats et magistrats. Ousmane Sonko a eu à saisir l’Office national de lutte contre la corruption et la concussion (Ofnac) pour dénoncer nombre de ses compatriotes. Le député qu’il était, avait eu à demander la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur des faits susceptibles de prévarication de ressources publiques dans la même affaire des 94 milliards de francs qu’aurait généré une transaction sur le fameux Tf 1451/R, sans pour autant daigner répondre aux convocations de ladite commission d’enquête parlementaire.
Dans l’affaire Petro-Tim, il avait voulu contourner le Procureur de Dakar pour saisir le procureur de Guédiawaye d’une plainte contre Aliou Sall, qu’il accusait d’avoir grugé le Sénégal de plus de 6000 milliards de francs dans l’opération de concession de ressources en hydrocarbures à Frank Timis. Ce même chef de parti politique et maire de Ziguinchor a eu le culot ou l’outrecuidance de déposer trois plaintes contre le Sénégal et les Sénégalais devant la Cour pénale internationale pour des faits de discrimination ethnique et de génocides contre les populations de Casamance (voir notre édition du 12 juillet 2022). A chaque fois que les plaintes ont été enregistrées, les institutions compétentes ont eu à leur donner un traitement adéquat et il est arrivé que Ousmane Sonko, plaignant, eût refusé de participer aux procédures pour tirer au clair les faits dénoncés. Alors, comment peut-il s’offusquer que des Sénégalais comme lui, atteints dans leur dignité, leur honorabilité par ses déclarations répétées, ne trouvent pas légitime de se faire justice ?
C’est le cas du ministre Mame Mbaye Niang, qui estime avoir été injustement accusé, à plusieurs reprises, d’avoir siphonné la somme de 29 milliards de francs des caisses du Prodac. Ousmane Sonko et ses proches crient au scandale et prennent la plainte de Mame Mbaye Niang comme une manœuvre de règlement de comptes politiques, un acharnement. Question toute simple : qu’est-ce qui donne le droit et la liberté à un homme politique de pouvoir porter plainte contre d’autres Sénégalais et que d’autres Sénégalais n’aient pas les mêmes droits de se retourner contre lui, s’ils ont de bonnes raisons de le faire ? Pourquoi diantre les personnes assignées en justice par Ousmane Sonko défèrent-elles aux convocations et que lui trouverait indigne ou illégitime de se présenter devant la Justice pour répondre de ses propres faits et actes ? Mais le plus paradoxal est que lui-même fanfaronnait en disant son impatience à confondre Mame Mbaye Niang devant les tribunaux, quand ce dernier menaçait de porter plainte. On attend de savoir s’il se rendra au procès du 16 février 2023, date de renvoi du procès en diffamation ! Qui ne se rappelle pas également qu’il déclarait exiger un procès public, le plus vite possible, pour se laver des accusations de viols portées par Adji Sarr mais quand, à l’issue de l’instruction judiciaire, il s’est agi de fixer une date pour un procès, il déclare préférer mourir avec ses derniers souteneurs que d’aller à un procès ! Une telle attitude dénote-t-elle de caprices enfantins ou d’une lâcheté ?
Il est à remarquer qu’après de nombreux atermoiements, les pouvoirs publics ont fini par faire montre de détermination à faire appliquer la loi et à le contraindre à répondre devant la Justice. C’est ainsi que malgré ses appels à la résistance, au prix d’un «Mortal Kombat», Ousmane Sonko s’était résigné à aller répondre aux enquêteurs de la gendarmerie dans l’affaire Adji Sarr. Il avait par la suite annoncé refuser de répondre aux convocations du Juge d’instruction et avait fini par y déférer. Mieux, lui qui piaffait de démonter les accusations, avait voulu refuser d’être confronté à Adji Sarr dans le cabinet du magistrat instructeur et, devant la fermeté et l’intransigeance des autorités judiciaires, il avait fait contre mauvaise fortune bon cœur et accepté le supplice de la confrontation judiciaire du 07 décembre 2022. Tout porte donc à croire qu’il répondra devant la chambre criminelle dans un procès public. Dans tous les cas, la Justice passera : il pourrait être contraint manu-militari à assister à l’audience ou le jugement sera fait par contumace. Dans ce dernier cas, le risque serait encore plus fatal pour l’accusé. Le contumax écope du maximum de la peine prévue et pour pouvoir exercer un recours, il devra obligatoirement se constituer prisonnier. Quant au procès en diffamation intenté par Mame Mbaye Niang, il sera loisible à Ousmane Sonko de choisir de ne pas déférer à l’assignation. Mais ce serait encore à ses risques et périls, car il serait sans doute jugé par défaut réputé contradictoire et écoperait fatalement d’une condamnation et un sursis probatoire pourrait ne même pas lui être accordé.
Dans la pratique judiciaire, la défense d’un prévenu jugé par défaut, ne peut être assurée par ses avocats et de lourdes peines fermes sont prononcées, surtout dans de telles situations de défiance de l’institution judiciaire. Un autre argument qui ne plaide pas en faveur du prévenu dans cette affaire est que les organes de presse qui avaient parlé de cette affaire, dans les mêmes termes, avaient écopé d’une condamnation de six mois avec sursis, en dépit de leur comparution à la barre. Au demeurant, on verrait assurément les avocats user de toutes les voies de recours judiciaires possibles, comme ils le font systématiquement dans l’affaire Adji Sarr en dépit des déclarations de leur client pour défier la Justice et les magistrats. C’est un truisme que de dire que certaines démarches sont assimilables à du dilatoire.
Pour l’heure, Ousmane Sonko verse dans ce que d’aucuns ont pris pour de l’enfantillage, en sortant par exemple faire un petit tour dans son quartier et jongler du pied avec un ballon de basket-ball (aux couleurs bleu, blanc, rouge, de la Russie ou de la France ?), le 2 février 2023, au moment où le dossier était appelé par le tribunal. Un bras d’honneur ? Certains observateurs ont pris le fait comme un acte mystique car, à chaque fois qu’il doit répondre à la Justice, Ousmane Sonko trouve le moyen de sortir dans la rue et se laisser toujours filmer par les caméras des personnes présentes ; on observe systématiquement une brève séquence durant laquelle une même personne, souffle quelques prières sur la paume de ses mains. Prières ou pas, les procédures judiciaires ne se poursuivent pas moins normalement, sans encombre.
L’OS s’est-il ramolli ?
Les rodomontades de Ousmane Sonko ne semblent plus avoir de prise sur les foules de jeunes militants excités qui étaient prêts à donner de leur vie pour sauver sa tête. Ousmane Sonko qui, en février 2021, menaçait de jeter plus de 200 mille manifestants dans la rue pour déloger Macky Sall du palais présidentiel, semble s’être ramolli. Deux ans après, il se résout à supplier les jeunes de se dresser pour empêcher sa condamnation. Voyant que ses appels ne sont plus suivis d’effets enthousiastes, Ousmane Sonko a tenté d’expliquer, dans ses dernières sorties, aux jeunes de ne pas écouter les voix qui chercheraient à les convaincre de ne pas lui servir de boucliers. La superbe et l’assurance qu’il affichait semblent avoir disparu.
La situation devient si pathétique qu’il se surprend à supplier les guides religieux d’intercéder en sa faveur et s’agace de leur silence sur son sort. Le déchainement outrancier de ses partisans à l’endroit des guides religieux dénoterait d‘un manque de sérénité pour ne pas dire d’une trouille ou d’un désespoir. En effet, il a eu l’occasion de mesurer les nouvelles capacités et la détermination des forces de sécurité à assurer l‘ordre public. En quelque sorte, la peur a bien changé de camp.
Le risque est assez gros car la plainte de Mame Mbaye Niang semble être partie pour montrer la voie aux autres personnes qui pourraient se sentir victimes de ses déclarations outrancières. L’avocate Me Dior Diagne, accusée d’avoir participé au prétendu complot de l’affaire Adji Sarr, a déjà commis des huissiers pour assigner son accusateur en Justice. Mamadou Mamour Diallo, nanti d’une décision définitive de Justice qui le blanchit dans l’affaire des 94 milliards de francs aurait lui aussi commis des avocats pour se retourner contre son «ennemi intime», pour dénonciation calomnieuse entre autres incriminations. Une cascade de procédures judiciaires se dessine contre cet homme qui a l’insulte et l’invective à la bouche. C’est en quelque sorte la saison des procès pour lui. On ne le dira jamais assez, la marche de la Justice est lente mais elle arrive toujours au bout de sa route.
Par ailleurs, qu’adviendra-t-il de la mort des 14 manifestants des 6,7 et 8 mars 2021, suite à des appels publics insurrectionnels dont l’auteur est bien identifié ? L’inertie de l’État apparaît coupable, d’autant que des victimes ou leurs ayants-droits ont déposé des plaintes. Dans cette affaire, l’avocat Me El Hadji Moustapha Diouf a déposé une plainte pour l’incendie volontaire de sa maison. Il reste que les choses semblent avoir changé de tournure quant à la façon de faire. En effet, plus personne ne semble se laisser faire ou lui consentir désormais le moindre cadeau. L’ancien procureur de Dakar, Serigne Bassirou Guèye, après de longs mois de lynchage, a fini par se résoudre, le 30 janvier 2023, à lui apporter la réplique et surtout à brandir, de manière claire et nette, la mise en garde de verser dans le déballage si les attaques contre sa personne se poursuivaient.
Le propos de Serigne Bassirou Guèye ne semble pas être tombé dans l’oreille d’un sourd car, comme on l’a relevé, pour la première fois depuis deux ans, Ousmane Sonko a fait le mercredi 01 février 2023, une sortie médiatique au cours de laquelle il s’est gardé de prononcer le nom de Serigne Bassirou Guèye. Fera-t-il un baroud d’honneur pour parler à nouveau du magistrat ? On verra bien ! De toute façon on aura remarqué que quand Me Dior Diagne, elle aussi, lui a rabattu le caquet dans une déclaration publiée dans les médias, plus jamais il n’a prononcé le nom de l’avocate. Cela semble payer de lui retourner ses mêmes armes et méthodes. «C’est un rat qui dégonfle un rat !»
Par Félix NZALE
DE DIOUF À SONKO, LE SYNDROME D’HUBRIS
Il nous apparait en conséquence, et plus généralement, que nos hommes politiques, dès qu’ils accèdent au pouvoir, sont atteints de ce que l’on appelle le syndrome d’hubris
Le Président Abdou Diouf au pouvoir, l’opposant Abdoulaye Wade n’a eu de cesse de le traiter de dictateur et de tripatouilleur à son avantage de la Constitution. Diouf était aussi dépeint par Wade - et Macky Sall, alors membre du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) - comme le champion de la confiscation des libertés.
Abdoulaye Wade arrivé au pouvoir en 2000, présentait les mêmes symptômes de la «maladie» que Diouf, d’après l’opposant Macky Sall et l’ensemble de la classe politique hostile au «pape du Sopi». Selon le patron de l’Alliance pour la République (APR), qui se disait prêt à envoyer plus de dix mille jeunes le déloger du palais présidentiel s’il s’entêtait à vouloir rester au pouvoir au terme de son second mandat, Wade est pire que Diouf.
Ousmane Sonko, le nouvel opposant arrivé sur la scène politique de manière presque anecdotique, estime pour sa part que Macky Sall est le diable en personne.
Wade et Diouf avaient souhaité un renouveau moral face au déclin de certaines valeurs fondamentales, et promis de gommer les abus et les effets pervers du système. Sauf que la cohérence profonde entre les paroles et les actes a, semble-t-il, fait défaut.
Il nous apparait en conséquence, et plus généralement, que nos hommes politiques, dès qu’ils accèdent au pouvoir, sont atteints de ce que l’on appelle le syndrome d’hubris. C’est-àdire cet état d’arrogance et de surestime de soi qui conduit à des erreurs de jugement et à des comportements problématiques. Ils deviennent insensibles aux avertissements et aux critiques, peu disposés à admettre leurs erreurs, et donc incapables de maintenir une perspective humble et réaliste.
Il nous apparait également que l’ «ange» redevient le «monstre» aussitôt qu’il l’a combattu et vaincu. Il gouverne selon les mêmes règles et principes, autrement dit selon ses caprices, ses humeurs et ses désirs personnels. Il parvient toujours à se mettre au-dessus des lois en contrôlant les tribunaux, en noyautant les institutions, en éliminant ses opposants. Son discours ne varie pas : mystificateur et obscène qui souligne la réussite de son régime et vante son génie. Le peuple ? Une fiction utile dont on se sert pour asseoir sa légalité. Rien de plus. Ce peuple, justement, n’a plus l’intention de n’être que cet occupant insouciant et sans titre dans son pays ; un voyageur de passage dans sa propre Histoire.
La génération actuelle a désormais conscience qu’elle est comptable vis-à-vis des générations futures de ses actions et de ses dépravations. L’avenir jugera, il est donc impératif de construire le vivre-ensemble. C’est ainsi d’une nouvelle présence dont les Sénégalais ont besoin qui doit naître du désarroi d’un pays à la dérive.
Ousmane Sonko qui s’est affirmé sur la scène politique comme le chantre de l’antisystème a promis de «tuer» en lui le «monstre» et de nous «rendre» notre fierté et notre liberté. Le leader du parti Pastef sait-il seulement que pour nous rendre notre liberté il faudrait d’abord qu’il soit lui-même libre ? Et pour cela, il devrait savoir que le premier acte par lequel la liberté peut se révéler, c’est avant tout la prise de conscience de sa non-liberté.
S’opposer n’est pas ce qu’il y a de plus difficile, et le Sénégal n’a pas d’existence in abstracto. Le cas échéant, Sonko - ou n’importe quel opposant actuel - devra faire face à des réalités autrement plus complexes. Parce que le pouvoir est aussi conditionné et déterminé par des contingences multiples, endogènes et exogènes, objectives et subjectives
Les Sénégalais ne sont plus dupes, si tant est qu’ils l’ont été. Ils jugent et apprécient sur la base des réponses que l’on apporte à leur pauvreté et à leur déficience. Et plus l’espoir est grand, plus la chute du «monstre» est dramatique.
UN PEU DE RESPECT, MONSIEUR LE PRÉSIDENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Sans l’air d’y toucher, monsieur Abdourahmane Sarr réduit mon ouvrage à « une interview réussie pour le poste de Premier ministre » et affirme que « le Sénégal aurait gagné à avoir Boubacar Camara à ce poste
« Boubacar Camara pourrait être le Premier ministre de ce président qui gagnerait et s’occuperait de « mettre de l’ordre » pour nous en mettant en œuvre les réformes administratives contenues dans son livre ». Voilà ce que trouve à dire, en substance, monsieur Abdouramane Sarr dans un article illustré par sa propre photo et publié le 1er février 2023, dont le titre « Boubacar Camara, président ou Premier ministre ? » renvoie à un pronostic politique comme savent bien s’y adonner ceux qui, bien vautrés dans leur salon, refont le monde.
En parcourant le texte, on se rend compte qu’il s’agit d’un compte rendu de lecture de mon ouvrage « Construire le Sénégal du Futur » paru chez l’Harmattan. Je l’en remercie bien sincèrement et surtout j’apprécie l’occasion qu’il m’offre de revenir sur quelques points essentiels de mon ouvrage notamment ma vision, mon option pour la création de richesses et ma conception du positionnement politique.
Un malentendu profond sur la vision
Après avoir formulé une appréciation générale de l’ouvrage et exprimé sa « perception de la sincérité de son auteur dans son engagement pour le Sénégal » sa volonté de « contribuer à attirer l’attention sur son importance», monsieur Sarr commence par conclure que la vision déclinée dans le livre doit être reformulée ainsi : « Un Sénégal associé à ses proches voisins dans un État fédéral libre, développé, et bien géré dans la solidarité à travers l’industrialisation financée par le troc de ressources naturelles en échange des investissements nécessaires ». De plus, il corrige le titre du livre et propose : « Le Sénégal leader dans une Afrique nouvelle ». Pour renforcer la nouvelle formulation de la vision qu’il propose, il plaide pour que le dernier chapitre sur une meilleure ouverture à l’Afrique soit ramené à la première place.
C’est un premier malentendu.
En effet, la vision qui constitue le fil conducteur de notre travail est sans équivoque et consacre un changement de cap et une rupture radicale par rapport aux options prises jusque-là : « Bâtir un Sénégal prospère par un capital humain épanoui à partir de l’exploitation judicieuse des ressources naturelles notamment l’optimisation de toutes les chaines de valeur des produits, en renforçant les acteurs essentiels de la société pour un développement durable » (p.28)
Monsieur Sarr biffe sans hésiter l’essentiel : « le capital humain épanoui ». Tandis que pour moi, l’homme est « au début et à la fin du développement », il passe sous silence les acteurs à renforcer qui constituent la préoccupation principale et la finalité du projet de société que je propose : l’État, le travailleur, l’entreprise, la femme et la jeunesse.
C’est donc sans étonnement qu’aucune réaction de l’auteur n’ait été enregistrée sur l’Education (Chapitre 4, pp. 65-99 soit 34 pages) et la Santé (Chapitre 5, pp. 101-123 soit 22 pages), points sur lesquels un changement de cap fondamental est opéré : le retour de l’État dans la prise en charge de l’éducation et la santé comme un investissement réfléchi et non plus comme une charge à transférer aux ménages sur injonction des bailleurs de fonds.
C’est également sans surprise que monsieur Sarr ignore tous les développements sur les fondamentaux pour un nouveau socle pour la nation avec des principes directeurs et des valeurs cardinales consensuels qui doivent bâtir et justifier un nouveau pacte de citoyenneté. Je suis convaincu que le processus de formation des États et nations africaines doit être repensé et parachevé pour espérer un développement durable dans la paix, la stabilité et la volonté de vie commune (voir les trois premiers chapitres pp.31-63 soit 32 pages).
C’est en s’attelant à ces préalables qu’il est possible de s’engager dans la transformation structurelle de l’économie avec une production optimale dans tous les secteurs, notamment ceux qui permettent d’obtenir une croissance inclusive, de manager autrement et mieux l’administration publique et de s’ouvrir correctement à l’Afrique.
De plus, il ne s’agit point de plaider pour un leadership du Sénégal pour une Afrique nouvelle introuvable. Il convient, dans une démarche réaliste et prudente, de mutualiser les ressources humaines et naturelles des pays dont les potentialités peuvent permettre d’améliorer durablement la vie des citoyens. Monsieur Sarr s’est peut-être trompé de livre.
A ce stade, on aurait pu clore le débat car le malentendu est profond.
Une erreur manifeste d’appréciation du levier financier des ressources naturelles
Par endroits, Monsieur Sarr met de l’avant ses propres contributions précédentes, son « offre publique d’Adhésion à un Sénégal de liberté, de patriotisme, et de progrès à la classe politique partisane » pour conforter les points des vues « des libéraux qu’ils sont » sans aller jusqu’au bout de la confrontation avec ce qui est proposé dans mon ouvrage.
C’est surtout sur la création de richesse que monsieur Sarr commet une erreur manifeste d’appréciation en tentant de formuler des critiques sur le schéma de financement à partir des ressources naturelles.
Il procède de deux manières.
D’abord, il établit une liste des avantages du financement classique dont il n’est pas question ici et qu’il considère comme une panacée. Pourtant, les résultats médiocres de ce schéma crèvent les yeux et placent nos pays, même les meilleurs élèves des bailleurs de fonds, dans un cercle infernal d’une croissance qui ne rabote pas la pauvreté. Il est constant que le financement habituel du développement par les bailleurs de fonds n’a pas encore changé l’Afrique. L’allergie au recours souverain aux ressources naturelles peut bien se comprendre de sa part.
Ensuite, pour discréditer le recours aux ressources naturelles comme levier de financement, il dresse un tableau noir rempli d’une longue liste d’inconvénients qui ne se rattachent à aucune des propositions que j’ai formulées. C’est un procédé bien connu. En voici un échantillon : « le troc de ressources naturelles pour des investissements pourraient hypothéquer notre avenir inutilement », « une monnaie sénégalaise ou fédérale aux mains d’un État fédéral dirigiste ne serait également pas désirable, à l’échelle nationale, elle impliquerait un état déconcentré plutôt que décentralisé source de convoitises corruptrices, et à l’échelle fédérale, un consensus sur une stratégie de développement qui n’est pas imaginable à court terme », « la gestion de sa banque centrale est hors de portée de l’état développementaliste comme c’est le cas de notre banque centrale régionale », « le Sénégal est diffèrent des pays qui n’ont pas accès aux marchés financiers internationaux pour d’autres raisons », « on risque de sombrer dans la dépendance vis-à-vis de partenaires spécifiques », « il ne serait pas indiqué de dépenser les ressources correspondantes car l’inflation que ça générerait, au vu des capacités de production limitées à court terme, détruirait notre économie « , « ce recours a effectivement lié les mains de plusieurs pays africains qui ont hypothéqué leurs ressources naturelles à la Chine (suivez mon regard !) en échange d’infrastructures », « le risque se lier les mains par le troc avec des partenaires spécifiques », et des évidences du genre « nous ne pouvons pas emprunter toute la valeur actuelle de nos ressources naturelles en une fois ». Quoi encore ? Cela me paraît assez fort de café !
Ce qui est le plus surprenant de sa part est le jugement de valeur de ma démarche auquel il procède en affirmant que monsieur Camara a choisi l’option d’un État stratège pour la création de richesse et « conscient de la contrainte de financement de cet état, il s'est rabattu sur les ressources naturelles à échanger pour financer ses interventions ».
Pas du tout. Au contraire, conscient des énormes potentialités de notre pays et de l’Afrique en général, aussi bien du capital humain que des ressources naturelles, de leur sous exploitation et de l’aliénation abusive dont elles sont l’objet, je considère ces ressources naturelles comme le levier principal pour financer le développement. Il ne s’agit pas d’une solution de secours pour surmonter une contrainte de financement, il s’agit d’un changement de cap qui consiste à rompre avec la contradiction aberrante qui consiste à « s’assoir sur de l’or et à quémander du fer rouillé ».
Ce n’est pas parce que le Sénégal n’aurait pas de difficultés d’accès aux marchés financiers internationaux comme certains pays que le choix du recours aux ressources naturelles doit être écartée ou reléguée au second plan.
Plus qu’une nécessité, c’est une exigence de l’heure de restaurer la souveraineté sur nos ressources naturelles et de structurer des financements en procédant à un troc de nos ressources naturelles pour financer le développement. Le tout, c’est de bien le faire. Il ne s’agit absolument pas, comme l’auteur le subodore, de reconduire les manquements enregistrés dans les négociations des autres pays ou d’adopter les pratiques de mauvaise gouvernance.
Il n’a jamais été question de cela. Au contraire, l’évaluation du « bartering » « Réalisation d’infrastructures – Projet industriel de transformation locale des ressources naturelles » à laquelle j’ai eu la chance de participer, montre que cette option ne signifie nullement le refus de recourir aux marchés financiers internationaux. On s’y présente autrement avec des garanties solides qui renforcent les capacités de négociation des États et les libèrent de l’endettement public excessif et met les États dans une position plus confortable dans les partenariats public-privé.
Plusieurs autres avantages de ce mode de financement sont connus notamment la combinaison souple entre le prêt actionnaire sans intérêt, le prêt sur les marchés financiers, les études de faisabilité et l’audit des titres miniers validés conjointement, l’attribution de pas de porte, l’assistance technique et financière, les modalités de remboursement souples et variées, la prise en compte des contributions fiscales et douanières consenties.
Le troc envisagé offre l’opportunité d’assurer simultanément la réalisation d’infrastructures utiles et le développement industriel. Ces investissements nécessitent des financements colossaux qu’il n’est pas aisé de mobiliser.
En effet, pour le volet infrastructurel, le recours aux finances publiques est assorti à des conditionnalités macro-économiques et de rating, difficiles à remplir. De plus, les exigences des partenaires techniques et financiers et les conditions de remboursement notamment le paiement régulier des charges de la dette constituent des contraintes sur les finances publiques. La convention de troc permet de lever ces contraintes.
Pour le volet industriel, les conditions classiques d’attribution des permis d’exploitation obéissent à des procédures complexes et les clés de répartition sont souvent désavantageux pour l’État du fait des lourds investissements à l’étape de l’exploration consentis par le cocontractant. De plus, les retombées sur les populations et les recettes de l’État sont relativement négligeables. La convention de troc permet d’identifier un partenaire, de lui confier le développement minier ou autre et, en contrepartie, il procède aux investissements nécessaires pour réaliser des infrastructures retenues d’un commun accord.
L’autre avantage réside dans la disponibilité d’un partenaire financièrement solide et doté d’une expérience avérée qu’il convient évidemment de sélectionner dans des conditions transparentes.
Il appartient à l’État contractant ou son représentant de veiller à ce qu’il ne subsiste pas de déséquilibre préjudiciable à ses intérêts dans la répartition du capital de la société véhicule du projet, la mise en œuvre des conditions de remboursement, le recours au secteur privé national, les mécanismes de remboursement, les capacités d’absorption des crédits, entre autres.
Le choix des infrastructures doit également se faire de façon pertinente et obéir à un objectif stratégique précis (l’aménagement pertinent du territoire en reliant notamment des parties du territoire défavorisées par le chainon manquant d’une route ou d’une ligne de chemin de fer, la réalisation de projets jugés hautement structurants etc.).
Enfin, il convient bien évidemment de bien prendre en compte les points critiques et risques du schéma adopté qu’il faut surveiller strictement y compris avec l’aide d’organismes compétents en la matière. Il s’agit entre autres de la gestion de la dette, du contrôle de la quantité des gisements extraits, de l’effectivité des travaux réalisés et leur qualité, d’une valorisation correcte des actifs, du coût réel des infrastructures et d’une plateforme de gouvernance efficiente.
Un État stratège solvable du fait de ses ressources naturelles bien exploitées n’a pas besoin de recourir à titre principal à la dette fongible, du moins pour les infrastructures de rattrapage qu’il est urgent de réaliser pour garantir une croissance soutenue. Cet État n’hésite pas un instant à mettre en jeu une partie de ses ressources pour garantir son développement durable. C’est évident.
Il doit être clair pour tous que les ressources naturelles sont l’épine dorsale du modèle de développement que je propose et servent à la fois de levier et source de financement équitable.
Le plus étonnant dans l’analyse de Monsieur Sarr, c’est la personnalisation du débat.
Un plaidoyer réducteur pour un poste de Premier ministre administratif
Sans l’air d’y toucher, monsieur Sarr réduit l’ouvrage à « une interview réussie pour le poste de Premier ministre » et affirme que « le Sénégal aurait gagné à avoir Boubacar Camara « à ce poste pour mener une réforme de notre administration qui la purgerait de l’influence de la politique politicienne et de la corruption. Il en a la crédibilité. ». Il soutient sans sourciller qu’il ne me reste qu’à chercher le candidat à soutenir et à me consacrer au management de l’administration et à m’éloigner du cercle du leadership car mon « parcours professionnel d’inspecteur d’État » m’y confine. Il n’est point besoin d’aller plus loin car monsieur Sarr se décrit comme ce président en affirmant avec majesté qu’un « Boubacar Camara aurait toute notre confiance au vu de la connaissance qu’il en a et qu’il a brillamment démontré dans son livre ». A vos ordres, monsieur le président ! Devrais-je applaudir ?
Là aussi, monsieur Sarr se trompe de livre. Les positions à occuper dans un échiquier politique ou administratif ne sont pas ma préoccupation dans cet ouvrage. Je connais bien le chemin.
Monsieur Sarr, s’éloignant de l’objet de son article, se place sur le piédestal d’un donneur de leçons qui redresse la pensée de ceux qui pensent différemment et fixe le périmètre de mon intervention m’invitant à m’investir « dans le chantier de la restauration de la dépolitisation de l’administration sénégalaise, son efficience, son efficacité, et sa probité en œuvrant pour l’élection d’un président de la République qui s’engagerait sur cette voie ». Quelle humilité !
Au-delà du mépris évident pour les fonctionnaires qui s’aventurent dans le domaine du « cœur » et du débat sur le « leadership » consacré aux « grands » comme lui au lieu de se contenter de s’occuper de la « raison » et du « management administratif », monsieur Sarr fait preuve d’un manque de discernement aveuglant. Ne sait-il pas que les gouvernants qui politisent l’administration publique et s’adonnent à la corruption le font pour avoir la main mise sur un système qui leur permet de brader les ressources naturelles et s’attribuer les marchés publics ? La gouvernance vertueuse est un bloc politique et administratif indissociable.
Les tentatives de réduire à leur plus simple expression les réformes fondamentales proposées n’y feront rien. L’entreprise consistant à effacer les divergences de fond avec les politiques publiques de Macky que « j’aurais jugées bonnes dans l’ensemble » ne passera pas. La négation de la clarté du changement de cap préconisé qui constitue le fil rouge fondant mon opposition au régime actuel et les vagues allusions aux « thèses de Sonko » sont autant de procédés de dévalorisation du travail produit qui n'échappent pas à tout observateur attentif.
Au-delà des appréciations positives et un peu trop flatteuses parfois, l’article rend compte d’une volonté de montrer sa propre différence avec les vues de l’auteur à moins qu’il s’agisse d’une pièce de l’entreprise du pouvoir qui consiste à « décrédibiliser Kamâh dont la stratégie est basée sur la connaissance, le savoir et l’expérience ». Soit. Ouvrons le débat, de manière franche, sur les différentes offres des leaders politiques.
En ce qui me concerne, il doit être définitivement acté que je ne me suis pas investi en politique pour jouer les seconds couteaux. Ma vision est claire et j’ai l’ambition de mettre en œuvre une voie nouvelle pour un Sénégalais épanoui dont le bien être n’est pas une variable d’ajustement.
par Alain Foka
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LA RDC, LA GÂCHETTE DE L'AFRIQUE
Pourquoi d’un coup les grandes puissances (USA, France, Union européenne) traditionnels soutiens du Rwanda le condamnent-elles aujourd’hui pour son soutien au M23 ? Peut on croire en leur sincérité ?
Pourquoi d’un coup les grandes puissances (USA, France, Union européenne) traditionnels soutiens du Rwanda le condamnent-elles aujourd’hui pour son soutien au M23 ? Peut on croire en leur sincérité ? Et si la RDC était la clé pour l’éveil de l’Afrique ? Mais comment transformer ce pays exsangue en solution ?
par Boubacar CAMARA
L’INCENDIE EST SUSPENDU À L’ÉTINCELLE, NOUS N’AVONS PLUS DE CHOIX
Le 13 février 2021, alors que les premiers soubresauts consécutifs à la convocation de l’Honorable député Ousmane Sonko étaient enregistrés, j’avais fait le choix d’adresser une lettre ouverte à Monsieur le Président de la République du Sénégal Macky SALL
Le 13 février 2021, alors que les premiers soubresauts consécutifs à la convocation de l’Honorable député Ousmane Sonko étaient enregistrés, j’avais fait le choix d’adresser une lettre ouverte à Monsieur le Président de la République du Sénégal, Macky SALL.
Deux ans après, je suis au regret de constater que cette missive conserve toute son actualité. Mieux, les craintes que j’y exprimais se sont avérées et cristallisées. En effet, dans cette Lettre, je décrivais le contexte d’un Sénégal fragile en ces termes « les vents forts agitent l’océan. Et notre barque tangue. Il faut écoper. Il faut calmer les esprits. Nous avons tous besoin de sérénité ».
Aujourd’hui, l’incendie est suspendu à l’étincelle.
J’y affirmais en substance, en parlant de l’accusation de viol portée contre M. Sonko, que « cette affaire est truffée d’épaisses zones d’ombres avec un niveau d’implication politique et un amateurisme qui dépassent l’entendement. Les faits intrigants devraient plutôt nous inciter tous à la prudence ».
Au lieu de la prudence, c’est l’escalade.
Au lieu d’un dossier, nous en sommes à trois dont les liens sont manifestes.
Un dossier sur des faits allégués et consignés dans une plainte formelle d’un citoyen accusant l’État du Sénégal de complot ;
Un dossier sur des faits allégués et consignés dans une plainte formelle d’une citoyenne accusant un autre citoyen de viol sous menace armée et réclamant justice ;
Un dossier sur les responsabilités à situer et les éventuelles réparations des préjudices à la suite de la perte de la vie de citoyens au cours ou en marge de manifestations consécutives à la présentation du second dossier en justice.
Aujourd’hui, en s’acheminant vers le traitement des dossiers sans que soit vidé l’accusation de complot porté contre lui, l’État ouvre la porte à une résistance légitime de Ousmane Sonko.
En effet, poussé à bout pendant deux longues années pendant lesquelles M. Sonko s’est défendu avec courage et a attaqué. Il a clairement montré qu’il ne se laissera pas sacrifier dans un dossier qu’il juge biaisé, sous quelque prétexte que ce soit. C’est tout à son honneur.
Défiés, les tenants du pouvoir sont également déterminés à recourir à tous les moyens pour ne pas apparaître comme un État faible et sauvegarder la tranquillité publique, c’est leur devoir.
Mais tout le monde sait parfaitement que lorsque la neutralité d’un instrument aussi puissant que l’État est mise en doute, à tort ou à raison, le risque d’instabilité est aggravé et plus foudroyant pour un pays que les conséquences des agissements personnels les plus répréhensibles de n’importe quel citoyen.
Aujourd’hui, les deux camps n’ont pas hésité à faire feu de tout bois, des familles ont été divisées, des liens brisés, des bornes dépassées.
Dans ce contexte, je suis persuadé que ces trois dossiers ne peuvent pas être vidés correctement dans le respect du temps de la justice, avec la mise en œuvre de toutes les voies de recours d’ici à l’élection présidentielle dont le processus est déjà déclenché. C’est d’une évidence incontestable.
Je suis convaincu qu’il faut en tirer les conséquences et trouver des solutions consensuelles avec l’aide des parties concernées et des bonnes volontés afin de garantir la paix et la stabilité en évitant d’ajouter à l’inévitable tension politique en période électorale, une autre source d’instabilité tout à fait évitable.
Ne nous voilons pas la face ! Nous avons vécu dans la douleur le traitement humiliant infligé à des citoyens opposés au régime actuel dans des conditions où il est difficile de nous convaincre que tout s’est passé normalement et que la tournure prise par les dossiers judiciaires n’a rien à voir avec les suspicions d’un acharnement. L’État doit donc franchir le premier pas en prouvant son innocence. Le reste suivra tout naturellement. C’est à la justice d’en décider en toute responsabilité et au nom exclusif du peuple.
J’avais bien alerté dans ma lettre de février 2021 en ces termes : « Ils vous entrainent dans une voie sans issue et aux conséquences incalculables pour la stabilité de notre pays. N’ouvrez pas la boîte de Pandore ! »
Aujourd’hui, par la force des choses, toute la responsabilité de la paix et la sérénité au Sénégal repose sur le Président Macky SALL. Il lui est encore possible de laisser parler son « âme de bon chevalier » qui a prévalu, dans certaines circonstances. Il a su faire preuve d’une dignité caractéristique du « sang du Sine » que nous partageons quand il a été poussé dans ses derniers retranchements. Je l’imagine se battre jusqu’au dernier souffle s’il était à la place de Ousmane Sonko. Pour une tentative d’humiliation moindre, il est sorti de ses gonds, avec fierté.
Le Sénégal a besoin d’un Macky SALL capable de dépassement et en mesure de renoncer à la force de l’État contre un adversaire politique en partant de l’hypothèse qu’il en a vécu les affres. J’ai encore l’espoir que le Macky Sall souhaité se cache derrière l’image qui nous est servie.
Aujourd’hui, ce qui est fait est fait. Même le souvenir de la douleur est une peine. J’en suis conscient. Il est donc essentiel de se mettre dans les dispositions d’un dépassement. La vie est ainsi faite et chacun doit lâcher du lest pour rendre possible cette aspiration collective du pays, des investisseurs, des entreprises, des ménages, des acteurs politiques et des gouvernants, à la paix et à la sérénité. Concentrons-nous sur ces défis majeurs, dans un élan de concorde civile, chacun selon ses convictions.
Il ne sert à rien de brandir des projets de vengeance contre Macky SALL.
Il ne sert à rien, non plus, d’opter pour la répression et le recours à la force coercitive de l’État pour faire plier des citoyens qui se sentent persécutés.
L’objectif de réaliser le développement économique et social de notre pays dans la paix, dont chacun d’entre nous se préoccupe, est incompatible avec l’instabilité politique et sociale dont on ne sait jamais quelle ampleur et quelle durée elle aura.
Les épreuves personnelles, craintes, calculs et espérances des leaders politiques ne changeront en rien les aspirations légitimes du peuple sénégalais, maintes fois bafouées, et qui attendent d’être satisfaites par ceux qui prétendent leur apporter des solutions.
Nous n’avons pas de choix.
par Jean-Baptiste Placca
À EN AVOIR LA CHAIR DE POULE
L'aisance de la connexion entre le pape François et la jeunesse de RDC avait de quoi faire pâlir d'envie les dirigeants politiques africains, qui ont tant de mal à dialoguer avec cette frange de la population qui constitue pourtant l'avenir de leurs pays
«Ôtez vos mains de la République démocratique du Congo, ôtez vos mains de l'Afrique! Cessez d'étouffer l'Afrique: elle n'est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser.» Dès sa première prise de parole en terre congolaise, le pape a donné le ton. La visite de François en RDC a été jalonnée de messages puissants. Faut-il donc en déduire qu’elle est réussie?
Comme il serait malaisé de conclure le contraire ! Au-delà de la ferveur de l’accueil, et de la tonicité des messages délivrés, chaque jour du souverain pontife sur le sol congolais aura été l’occasion, pour lui, de marquer puissamment les esprits. Aucun des maux qui minent le Congo n’a été oublié. Aucun des protagonistes des tragédies imposées à ce peuple n’a été épargné. Chacun a été rappelé à ses devoirs. Y compris le clergé. Y compris les dirigeants. Mobutu, autrefois, situait la position de son pays en Afrique comme la gâchette sur un pistolet. Le successeur de Saint-Pierre, lui, assimile la RDC, pays immense et plein de vie, au « diaphragme de l'Afrique ». Entre l’oxygène que le diaphragme permet de faire circuler dans le sang et le sang que font couler les pistolets et autres armes guidés par l’insatiable avidité des prédateurs, le choix des Congolais devrait être simple.
Mais, contrairement au président Tshisekedi, il n’a pas nommément cité les méchants.
Il n’empêche ! Tous se reconnaîtront, puisqu’il a dressé le portrait de ceux qui se sont imposés au festin du sous-sol congolais, comme de ces autres qui, un temps conviés par un certain Laurent-Désiré Kabila, ont oublié de s’en aller, et ont besoin d’un environnement déstabilisé, pour perpétuer la prédation. C’est aussi à dessein qu’avec gravité, le pape désigne comme un « génocide oublié », la violence que subissent les populations de l’est du Congo.
François a tout dit, en dénonçant le colonialisme économique, tout aussi asservissant, tout particulièrement en RDC, que le colonialisme politique, puisqu’il empêche ce peuple, qu’il assimile à un « diamant précieux d’une valeur inestimable », de profiter de ses immenses ressources. Mais, ce fléau n’est pas que le fait des seuls étrangers. Aussi, a-t-il exhorté la jeunesse à se prendre en main, pour changer de destin.
EXCLUSIF SENEPLUS - Le droit est un investissement physique, économique, social, intellectuel, culturel, politique, sacré et consacré à un moment donné. Il faut le protéger, le respecter. Il pose des questions d’éthique
Pour reprendre les expressions de feu notre aîné Doudou Sine universitaire, s’adressant à Bara Diouf ou Babacar Touré, s’adressant à Vieux Savané, son collègue de Sud Magazine, Hebdo puis Quotidien.
Merci d’avoir osé poser les problèmes de fonds en matière d’institutions politiques.
De fait, le dernier article écrit par Demba Ndiaye et publié par Seneplus.com m’a poussé à reprendre la plume, car j’avais décidé de ne plus continuer à étaler mes états d’âme de citoyen sur les questions de gouvernance politique, sociale, économique, les rassemblant dans mon prochain livre à paraître courant 2023 et intitulé «Souffles et vagues», consacré au regard d’un Sénégalais sur la Covid 19, il va intégrer mes anciens textes sur les questions foncières, les enfants dans la rue, l’encombrement de nos villes, etc.
Ce qui me fait prendre la plume pour la presse écrite, c’est que la contribution de Demba sur les lois et règlements permet de revenir sur les articulations entre le passé, le présent et le futur de nos pays, mieux encore sur les articulations entre politique, société et culture.
Nous avons participé à la fête de la promotion 2018 - 2019 de l’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix (IDHP), Dakar le 16 Mars 2019 et nous y avions présenté une communication dont voici quelque extraits
« Nous mesurons à sa juste valeur l’honneur qui nous est fait par le Directeur de l’IDHP et ses collaborateurs en nous associant à la célébration de la fête de la promotion 2018-2019.
C’est aussi pour nous une opportunité de magnifier la coopération que j’ai développée avec l’IPDH d’abord dans ma fonction d’alors comme facilitateur, modérateur ombudsman à l’UCAD (de 2003 à 2011), ensuite comme professeur intervenant dans les séminaires et encadrements pour les enseignements et recherches liés aux organisations de la société civile, enfin dans le cadre de la synergie en cours pour soutenir la cause du peuple palestinien au Sénégal, en Afrique et dans le monde. Vous comprendrez donc que je sois à l’aise dans le cadre d’un partage sur le thème ; « Paix et Droits Humains ». J’ai eu souvent l’occasion de faire un plaidoyer pour le maintien et la consolidation de la vocation de l’université Cheikh Anta Diop, comme centre d’excellence et de convergence, lieu d’enseignement, de recherche, et de solidarité entre le savoir, le savoir être et le savoir-faire pour la société.
Regard sur le passé
Lors de la 32e commémoration de la disparition du professeur Cheikh Anta Diop, j’ai eu, entre autres questions soulevées), montré l’enjeu de la naissance du droit. Le prétexte a été l’occasion d’un article du professeur Théophile Obenga, publié dans les numéros 25, 26, 27 de la Revue Ankh ; il a pris une porte d’entrée constituée par la veine romaine.J’ai souligné dans mon intervention qu’il faudrait porter attention à la grecque et avant elle, à la civilisation égyptienne ; ce que notre collègue accepterait sans difficulté, étant lui-même par ailleurs helléniste et égyptologue : lui-même donne des indications qui invitent à emprunter cette voie.
Mon insistance sur les veines antérieures avaient pour objectif de revenir sur le caractère concret du droit : en grec, le débat est permis de réfléchir sur les liens entre nomos et nomós ; le chemin du pâturage et le droit ; la seule différence est l’accent sur le O, et il est heureux de constater que les Grecs ont aussi traduit le terme égyptien spt ; les divisions administratives par le terme nomós elles auraient peut-être alimenté les sebayit enseignements écrits, le droit ;enfin il est intéressant de remarquer qu’en wolof, le droit est traduit par yoon (chemin tracé).Droit de pâturage, droit de hache, droit de culture, en indiquant des acquis par des objets, des instruments qui soulèvent des questions d’enjeux, de survie. L’attention doit aussi porter sur les conditions de la promulgation orale ; (lex) en latin vient de lego, ce qu’on a proclamé, énoncé et qui sera porté ensuite par l’écrit sur du bois, de la pierre ou sur une peau d’animal ou sur une fibre végétale
Ces cheminements sont d’autant plus intéressants qu’ils éclairent aussi l’origine de la démocratie qui a été inventée pour limiter la stasis (les troubles permanents) Elle a mis fin aux pouvoirs des rois, des tyrans. J’ai souvent rappelé aux collègues, aux étudiants et aux concitoyens que le demos est le peuple recensé, c’est d’abord l’expression du droit de ceux qui avaient une gué (une terre à cultiver) et oikia (une maison habitable et habitée). Le laos (la population, le peuple qui intègre femmes et jeunes et esclaves) est plus inclusif. On peut considérer que la laïcité est plus révolutionnaire, plus subversive que la démocratie à l’origine. Certes aujourd’hui, on convient que la démocratie est une tension permanente pour plus de liberté et de justice, pour des responsabilités partagées, pour une institutionnalisation de ces dynamiques soulignées et cultivées. La démocratie a eu ses limites, ce qui a créé la voie aux républiques, mais on sait que des républiques ont généré des dictateurs, voire des empereurs
Bien entendu elle s’est enrichie et s’enrichit chaque jour de nouvelles dynamiques sociales, économiques culturelles, religieuses, spirituelles politiques, tenant compte des contextes temporels et géographiques. Ainsi, j’ai beaucoup apprécié la brochure confectionnée par la Fondation Konrad Adenauer Stifting et rédigée par le professeur Maurice Sandieck Dione sur la démocratie sénégalaise : institutions, droits et devoirs du citoyen, Dakar, 2018. Le document informe sur les dimensions historiques et culturelles, sur les principes fondamentaux de la République, les principes d’organisation de l’Etat unitaire, de l’organisation judiciaire, les institutions républicaines, les droits et les devoirs du citoyen, les recours dont il peut user pour se défendre.
Les allusions à la citoyenneté, aux enjeux économiques, sociaux, politiques (ancrage historique et culturel) méritent des développements pertinents pour la perception des articulations. En effet le droit, la démocratie et la paix ont des articulations. Le déclencheur des articulations est la reconnaissance de l’être citoyen, son droit à l’état civil, qui, comme on l’a indiqué, a une base concrète (toit, champ). De là découlent les autres exigences. C’est à juste titre qu’il est formulé dans la charte du Mandé que « Toute vie, aucune vie n’est pas plus concernée, plus respectable qu’une autre…
Sembene Ousmane a eu raison de choisir le titre : « Bouts de bois de Dieu » pour magnifier l’action salvatrice des cheminots de Dakar Niger dans le combat pour la justice sociale, économique et politique, en 1947 dans un Sénégal, une Afrique alors dominée pas les colonialistes en général, les Français en particulier
Il a repris en fait une démarche culturelle très profonde, incrustée dans la langue wolof (Bantu Maam Yalla, bindeef, bu nu tudd, ngeente). Mot à mot les bouts de bois de l’Ancêtre Dieu, qui a fait de nous un enregistré, à qui on a donné un nom avec solennité
L’acte d’énumérer est un acte vivifiant, mais en même temps, le fait d’énumérer, de compter peut-être considéré comme destructeur. On a peur d’être nommé, d’être identifié.
Superstition quand tu nous tiens !
Quid de l’État moderne ? Eh bien la protection des données personnelles est brandie par certains pour prôner une sécurisation de l’identification citoyenne
Que faire alors ?
1.Reconnaître que l’exclusion sociale civile est la pire des calamités, elle prive des opportunités éducatives, économiques, culturelles, etc.
2.Ensuite réaffirmer et soutenir le droit à la citoyenneté, de la naissance au décès.
3.Enfin accompagner ce droit dans la vie politique, économique, socioculturelle, dans la jouissance d’un cadre de vie sain et durable.
C’est la raison pour laquelle, nous devons soutenir toutes les actions menées par les organisations de la société civile, les États, les organisations internationales, le secteur privé, les organisations communautaires, les familles, pour l’exercice de ces droits effectifs et surtout la compréhension des instruments juridiques. C’est cela qui permet de cultiver la solidarité et la paix.
Sinon, on peut être toujours surpris de constater l’écart entre légalité et légitimité des institutions et associations et c’est cet écart qui explique souvent les flambées de violence dans les villes, dans les États. La dernière élection présidentielle en 2019 a été riche en renseignements, entre autres par le fort taux de participation citoyenne à plus de 60 % du corps électoral. Mais combien de citoyens et citoyennes ont pu avoir leurs cartes d’identité et d’électeur couplées ? Quelle est la configuration du corps civique au Sénégal ? Voilà des sujets qu’il faudra traiter pour renforcer la culture du droit, de la démocratie et de la paix. Combien n’ont pas jugé nécessaire d’aller voter aux dernières élections locales ou législatives ?
Pour résumer nous insistons sur les exigences des droits humains et de la démocratie : à savoir le pari sur la dignité humaine, les risques mesurés à prendre pour la transparence et la justice. Le grand spécialiste de l’histoire ancienne, Moses Finley, avait raison de souligner que la démocratie est un système politique à hauts risques. C’est le prix à payer pour la paix et le développement solidaire et durable.
On a raison de se révolter contre l’injustice, contre les lois réactionnaires et injustes, contre l’instrumentalisation de la justice
Dans cet exercice, dans ce jeu à améliorer constamment, le marquage, la traçabilité jouent un rôle nécessaire, mais pas suffisant. Il n’est pas question de fétichiser l’écrit, le philosophe Platon qui est loin d’être un révolutionnaire, dans un de ses dialogues (Phèdre), n’avait pas manqué de nous mettre en garde contre le fétichisme de l’écrit, en effet tout ce qui est écrit n’est pas vrai et pire encore, l’écrit peut appauvrir la réflexion critique. Il ne suffit pas d’écrire, il faut aussi diffuser, faire savoir dans les langues comprises par les communautés, revenir sur les conditions de l’élaboration et de l’application des lois. L’efficacité est liée à une stratégie multimédia, multilingue, multiscript.
Les États doivent évaluer périodiquement la déclaration de Barcelone sur les droits linguistiques des peuples, proclamée depuis plus de deux décennies
Transition vers le futur
Le magistrat Pape Assane Touré présentait a produit un livre publié par l’Harmattan/Sénégal sur la logistique (les techniques, les procédures pour l’élaboration des textes de lois) juste après la publication des Mélanges dédiés au Professeur Dominique Sarr, par l’Harmattan et le CREDILA de l’UCAD, sous un titre évocateur qui me ravit. En effet, son libellé « Le tracé et le sentier » renforce mes convictions. Dans le Tome 1 coordonné par les professeurs M. Badji ; A. A. Diop, P. Ngom, notre attention s’est focalisée sur la contribution du professeur André Cobanis intitulée « Le droit africain constitue-t-il une famille ? Propos du juge Kéba Mbaye ». Des développements ont permis de baliser le contexte dans lequel « les nouveaux métiers s’interrogent sur la possibilité de promotion des regroupements qui rompent avec le fractionnement dont les Européens rendus coupables, que les caractéristiques d’un éventuel droit africain sont recherchées ». (op. cit. p.122. Le professeur Cobanis magnifie la contribution d’un des pionniers à avoir mis en valeur les éléments d’unité du droit africain dans le domaine foncier. Il montre l’originalité de la démarche du juge Kéba Mbaye.
Le juge Kéba Mbaye ne se fait pas une image théorique du droit africain tel qu’il se présente dans son authenticité historique. Sa conception est fondée sur une solide culture juridique qui, malheureusement, manque à nos jours, à nombre de ceux qui réclament à juste titre un droit débarrassé de tout mimétisme, original, adapté au génie de ce continent. L’image qu’ils se font des particularismes juridiques africains, se résume trop souvent à de vagues références à la solidarité familiale comme mode de résolution des tensions sociales à la palabre comme technique de prise de décisions collectives. Les analyses de Kéba Mbaye sont d’une tout autre profondeur et beaucoup plus argumentées. Elles sont d’abord fondées sur une délimitation précise de ce qu’il entend promouvoir. Il y revient à plusieurs reprises avec des formules qui se trouvent d’un texte à l’autre, fondées sur une conception réaliste des diverses familles et des zones susceptibles de constituer un ensemble homogène. Il refuse l’idée d’un système commun dans un espace allant « d’Alger à Cape Town ». Il exclut l’extrême nord et l’extrême sud : d’une part l’Afrique du nord, l’Égypte et la Libye (sic) qui sont tournées vers le monde musulman, d’une part l’Afrique du sud qu’il considère comme trop soumise à l’influence occidentale. En revanche, il y adjoint Madagascar qui « a suivi une évolution politique, économique, sociale et culturelle en tout point semblable à celle de l’Afrique noire ». Il s’agit donc de l’Afrique subsaharienne. Il résume sa position sans s’embarrasser de circonlocution : « Le droit africain, c’est comme on l’aurait dit avec crudité (sic), le droit de l’Afrique dont les habitants ont la peau noire »
Le professeur Seydou Diouf est revenu sur le destinataire des Mélanges en l’occurrence Dominique Sarr qui avait une approche très équilibrée de l’histoire du droit. Il était lui-même avisé et pondéré dans son comportement de tous les jours, … » (op. cit p.347, l’œuvre posthume du professeur Dominique Sarr constitue un regard critique sur le fonctionnement de la justice coloniale en même temps qu’elle représente une précieuse référence en matière de droit coutumier (op. cit. p.348).
Il n’est pas exagéré de dire que le professeur Dominique Sarr était un fin connaisseur du droit coutumier africain. Il a bien démontré cette capacité dans ses travaux de recherches sur les traces de célèbres auteurs comme T. Olawale Elias, Cheikh Anta Diop, Guy A. Kouassigan et autres. Il cite abondamment des auteurs comme Burgel, J. Chabas, P. Dareste, etc. qui ont marqué l’histoire du droit coutumier africain. Le professeur Dominique Sarr a analysé et résumé les différentes caractéristiques des coutumes sénégalaises et maliennes » (op. cit. p.352).
Le professeur Seydou Diouf a donné des exemples relatifs aux successions coutumières (peul, joola), les contrats de louage de services (wolof). Sa pensée est large, ouverte et positive à l’image des enseignements qui embrassaient beaucoup de domaines.
Sa méthode historique privilégie l’étude des textes législatifs et des sources jurisprudentielles. Le professeur Dominique Sarr n’était pas seulement juriste comparativiste du droit et des institutions. L’héritage scientifique qu’il a laissé fait aussi de lui un anthropologue. Dans ce domaine, ses enseignements dispensés ont permis à de nombreuses générations d’étudiants de comprendre la dynamique du politique, les formes graduelles de passages des sociétés sans classes aux sociétés de classes, l’origine des rangs, des castes, les relations entre le pouvoir et la famille, le sacré et le profane » (op. cit. p.355)
Pour conclure
Une bonne histoire du droit suppose donc de bonnes connaissances linguistiques, philosophiques, géographiques, anthropologiques, etc.
Théophile Obenga a eu raison dans sa contribution citée au début (La doctrine du Maat, Ankh 25/26/27) de faire de longs développements sur la Maat, puissante doctrine renvoyant à la responsabilité individuelle, la pondération, la mesure, l’équilibre, la dignité, la réciprocité, la justice liée à la vérité, le bon, le beau, le parfait (op. cit. p.142).
Je nuancerai un peu l’équivalence qu’il a établie entre Maat et totalité (op. cit. p.144). Pour ce qui est du wolof, que je connais assez, bien mat renvoie à ce qui complet. Pour exprimer la totalité, on utilise le terme ñumm; et il est intéressant et prudent de noter que le terme ñepp qui est traduit abusivement par «tout le monde» indique en réalité ceux qui sont en nombre plus important (ñi ëpp). La nuance n’est pas négligeable.
C’est vrai, que le complet et la totalité peuvent être dans le même sac (dëgg en wolof signifie piétiner), et vérité dëgg gu wer péng (vérité indiscutable), mais il faut vérifier, en y mettant les pieds. Retour donc au concret qu’on peut transmettre par écrit, dans des registres, des livres.
Nous rappelions lors de l’édition 2007 de la Foire du Livre au Sénégal que le livre est concrètement et dans l’idéal, un assemblage beau et solide, cohérent de feuilles imprimées, défilé de caractères, de lettres, d’images, fruits de l’imitation, de la créativité humaine, le metcha-t-neter est un instrument, un outil divin ambivalent qui peut construire et détruire à la fois. Il permet de fixer la mémoire, skha, sh kai, ce sont les lettres, c’est l’écriture. Toute parole attribuée aux dieux, à la justice, doit être conservée, rappelée, méditée neter metut ou metut neter désigne les paroles divines, les livres sacrés. Les trois grandes religions monothéistes, avec les plus grands livres connus et diffusés (Thora, Evangiles, Coran) sont édifiés sur les fortes et fécondes articulations. Que d’étapes parcourues, pour passer de l’inscription sur les parois fixes des temples au papyrus léger et transportable et modifiable.
Ainsi a été le droit dynamique, suivant la marche du temps et les rapports de forces.
Retenons donc que le droit est un investissement physique, économique, social, intellectuel, culturel, politique, sacré et consacré à un moment donné. Il faut le protéger, le respecter. Il pose des questions d’éthique. Fouler du pied les principes du droit acquis ouvre la voie aux incertitudes.
Les Assises nationales ont été au Sénégal un grand moment pour revisiter notre commun vouloir de vie commune. La charte de bonne gouvernance qui a été produite et les recommandations de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) sont une voie que ceux et celles qui veulent une alternative pourraient emprunter.
Réew mi, li mu laaj, moo di lu bees te bax.
Par Assane Guèye
LE BOULEVARD DE LA RÉPUBLIQUE
Le boulevard de la République débouche sur la cour d’honneur. La République est le bien commun, l’intérêt général. Ainsi définie, elle est une idée généreuse et bienfaitrice. Mais point de béatitude. La réalité est plus terrible.
Le boulevard de la République débouche sur la cour d’honneur. La République est le bien commun, l’intérêt général. Ainsi définie, elle est une idée généreuse et bienfaitrice. Mais point de béatitude. La réalité est plus terrible. Le sens commun et l’intérêt général ne sont pas sur de bons rails. Ils sont ravagés par une nouvelle peste qui s’appelle le Mandat. Comme il y a 12 ans, le Sénégal pourrait faire figure de cluster ainsi qu’on disait du temps du covid. Comme en 2011, on pourrait être les dindons de la farce.
Le mandat présidentiel, indûment prolongé ou pas, est un facteur de tensions et d’anxiété. Un abcès qu’il est urgent et moral de crever. Il ne s’agit pas de s’arroger le rôle du professeur de morale mais de se poser en philosophe en méditant les paroles de Confucius : « examine si ce que tu promets est juste et possible. Car la promesse est une dette ». Les belles phrases sont truffées de naïveté. Les jolies paroles annoncent des actes qui le sont moins. Les pistes sont brouillées à desseins. C’est une forme d’habileté de donner du temps au temps pour éviter de scier la branche. Le romantisme ne trouve pas de place dans l’arène politique. Sauf que le mot Consécutifs introduit in extremis dans la constitution a rendu l’équation moins savante. Il s’agit bien d’un verrouillage.
Le garde-fou n’empêche pourtant pas les outrances des thuriféraires qui investissent à tour de bras. Le culte de l’homme fort et irremplaçable est compréhensible. L’ambition a été élevée au rang de crime de lèse-majesté. Toute tête qui essaie de dépasser est écrasée. À une encablure de l’échéance cruciale, on ne voit pas de velléités de transmettre le relai. Une sorte de fuite en avant. Le meilleur moyen de basculer dans l’opposition avec la perte des prébendes. Sans compter le risque de passer son tour chez le coiffeur avec les chasses aux sorcières.
Pas d’amalgame toutefois. Il ne faut pas mêler le nom du Président avec la haute trahison. C’est une pure démagogie. Il a mis en place des édifices de haute facture. Il est bâtisseur d’une ville nouvelle. Même s’il faut s’interroger sur la réalité cachée autour des infrastructures. Les perles se voient sur le collier. Comme s’accumulent les erreurs.
Tous les actes posés semblent paradoxalement le renforcer. Les micros-trottoirs des journalistes au sujet de Ousmane Sonko font souvent écho de procès en sorcellerie le visant. Le sentiment qu’on le persécute se diffuse dans la société. Il tire en partie sa popularité des bévues du camp d’en face même s’il prête lui-même beaucoup le flanc.
Les jours défilent comme des mannequins. Sur la prochaine élection, il y a un manque total de visibilité et de lisibilité. On tourne en rond. Prenons l’exemple de Khalifa Sall dont la situation n’est pas clarifiée. Il a entrepris une tournée qu’on peut aussi qualifier de tourisme. S’agissant de Karim Wade, son exil forcé s’est transformé en un cœur en exil. Les absents ont toujours tort. Un autre cas édifiant, c’est Aminata Touré dont l’éviction comporte une part de misogynie doit s’employer à briser sa solitude politique.
Les candidats déclarés affluent. Chacun veut être président pour ensuite se laisser perdre dans l’immensité de l’Etat. L’étape du débat, des propositions de nouveaux concepts sera brûlée au profit du pugilat. « Ôte-toi que je m’y mette. Je ne l’accepterai pas ». Le Président Senghor qui l’a dit n’entendait pas que l’aventure remplaçât la culture. Oui, le Sénégal manque de leaders cultivés. C’est un grave recul. Au point de confondre le boulevard de la République avec le théâtre de boulevard.
Par Pape Sadio THIAM
LA FRANCE, OUSMANE SONKO ET NOUS
Plus qu’une simple ingérence de la France dans l’affaire Ousmane Sonko, au Sénégal, c’est donc à une activité subversive classique que s’adonne le pays de Marianne, avec la complicité de la bourgeoisie franco-africaine qui prend en otage nos pays.
Plus qu’une simple ingérence de la France dans l’Affaire Ousmane Sonko, au Sénégal, c’est donc à une activité subversive classique que s’adonne le pays de Marianne, avec la complicité de la bourgeoisie franco-africaine qui prend en otage nos pays. Ce qui inquiète sans doute le plus l’alliance anti Sonko, c’est que ce discours « décolonisateur » fait des émules et trouve son écho dans les initiatives parallèles des congénères du leader de Pastef, comme Kémi Séba, Cabral Libi, Charles Blé-Goudé, les militaires au Mali et en Guinée, Banda Kani, les leaders de mouvements citoyens comme Y en a marre, Balai citoyen, Filimbi, Lucha, etc.
Des opposants ostracisés voire écrasés par les régimes fantoches mis en place et soutenus par les services secrets des pays occidentaux, une presse internationale qui travaille à aliéner les élites africaines par la diffusion d’informations truquées, des systèmes éducatifs sciemment extravertis dans le but de maintenir des générations entières dans le mythe de la toute-puissance immaculée de la France. Devenu culturel et psychologique, l’impérialisme occidental, principalement celui français, a pénétré tous les compartiments de la société. Dans les mentalités, dans les discours et dans les institutions politiques et économiques, la présence de l’ancienne métropole dans la démocratie sénégalais relève du constat.
S’attaquer à un système aussi robustement ancré sous la terre, dans les eaux et même dans les esprits ne peut pas être une tâche facile et sans risque. Les intérêts étrangers sont tellement entremêlés aux intérêts d’une certaine bourgeoisie politico-affairiste que la résistance sera forcément multipolaire. Etre sur plusieurs fronts face à des adversaires nombreux et parfois très mystérieux : tel a été, tel est et tel sera probablement le sort de tout révolutionnaire panafricaniste comme Ousmane Sonko
Ce discours et les initiatives qu’elle inspire sur le terrain des luttes politiques sont d’autant plus redoutés par la France et les satrapies africaines qu’il a lieu à un moment où s’accentuent les rivalités de puissance dans le contexte de la « nouvelle ruée vers l’Afrique ». D’autant plus que, précisément, pour Ousmane Sonko le contexte géostratégique mondial ainsi que l’irruption partout en Afrique et dans la diaspora d’une mobilisation citoyenne pour l’« achèvement de la décolonisation », sont des atouts majeurs que la nouvelle génération ne devrait pas vendanger
En faisant de l’exploitation économique et de la marginalisation de l’Afrique son cheval de bataille, Ousmane Sonko a peut-être exhumé un combat que menaient les pères de l’indépendance et des mouvements de libération des années 70. Ce que ces derniers ont fait avec moins de moyens modernes et de « soldats » de l’esprit, il est en train de le faire avec apparemment plus de rigueur dans le domaine de la communication et de la mobilisation.
Ousmane Sonko devenu à tort ou à raison le symbole de la lutte contre l’impérialisme au Sénégal et même en Afrique. Les thèses souverainistes que défendait Cheikh Anta Diop, les efforts politiques de Kwamé Nkrumah, la passion juvénile de Thomas Sankara, etc. que les jeunes ont entendues ou lues de façon distante voire superficielles sont enfin vulgarisées à travers des projets politiques portés par des partis politiques légalement constitués et qui ambitionnent une conquête démocratique du pouvoir.
L’analyste politique français Emmanuel Desfourneaux a proposé une analyse de la gestion électorale d’Ousmane Sonko par le régime de Macky Sall ; dans sa lecture il avance également l’argument d’une « ingérence de la France », mais en réalité il évoque bien plus qu’une simple ingérence. Selon Desfourneaux, depuis la démonstration de force du parti d’Ousmane Sonko du 17 mars 2021, en France on n’est plus certain de pouvoir compter sur Macky Sall face au cas d’Ousmane Sonko. Or Macky Sall a toujours été la « pièce maitresse » de la stratégie d’Emmanuel Macron en Afrique.
Il suffit de regarder la ferveur populaire qui accompagne les sorties du leader du Pastef pour mesurer la force de frappe d’une idée bien assimilées par des milliers de personnes qui s’y reconnaissent. Les hommes convaincus d’une cause ou d’une idée deviennent eux-mêmes les outils de cette idée et sont prêts à lui servir de levier et, s’il le faut de combustible. Si les leaders panafricanistes n’ont pratiquement pas réussi à accomplir leur mission, c’est en partie parce qu’ils n’avaient pas ce bras musclé qu’est une jeunesse ivre de foi et d’espoir.
Une analyse approfondie des stratégies du régime, des déclarations de ses plus hautes autorités, de l’attitude des grandes puissances et des organisations internationales, des hauts responsables politiques du parti et de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakar, ainsi que des profils de ces acteurs permet de conclure sans difficulté que le pouvoir a pris la résolution ferme d’empêcher Ousmane Sonko de participer à une autre élection par tousles moyens
À titre d’exemple, on peut s’interroger sur les incessantes vindictes acharnées contre Sonko par les membres et alliés au régime de Macky Sall qui s’emploient tous les jours, entre panique et excès de délires paranoïaques, à diaboliser Ousmane Sonko, à lui prêter des intentions apocalyptiques, allant jusqu’à le relier à des attentats terroristes qui se prépareraient, le qualifier de « salafiste », comme si c’était illégal, de « jihadiste », de « rebelle », de « fasciste », de « nazi », à menacer sa famille, ses proches et ses collaborateurs, à harceler judiciairement et physiquement tousses alliés de l’opposition, à user de la force illégale au moyen du braconnage juridique, et récemment à le menacer publiquement de mort,sans que les auteurs de ces faits soient inquiétés.