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29 novembre 2024
Opinions
Texte Collectif
APPEL À UNE GAUCHE PLURIELLE
L’histoire de la Gauche sénégalaise a toujours été une histoire de division et de dispersion. Le contexte international, les récents développements inquiétants de notre situation nationale, constituent un motif supplémentaire de se retrouver
Même si les forces de Gauche ont uni leurs efforts dans les différentes dynamiques pour la tenue des Assises nationales, la mise en place du M23 comme des coalitions pour l’avènement de la première et de la deuxième alternance, même si ses composantes ont toujours fait preuve de détermination et d’engagement jusqu’au sacrifice suprême, en vue de porter leur part de charge dans le combat pour l’indépendance, la démocratie et la justice sociale dans notre pays, et ce depuis la période coloniale jusqu’à nos jours, l’histoire de la Gauche sénégalaise, dans toutes ses nuances, a toujours été une histoire de division et de dispersion.
C’est ainsi qu’à l’heure actuelle les organisations se réclamant de la Gauche, à cause de leur division, se sont retrouvées trop faibles pour pouvoir peser sur le cours politique de notre pays.
Si l’unité de la Gauche a toujours été une préoccupation permanente de nos différentes organisations, elle est devenue, aujourd’hui, une urgence, un impératif catégorique.
Le contexte international et africain actuel, les récents développements inquiétants de notre situation nationale, constituent un motif supplémentaire et suffisant pour les forces de Gauche de se retrouver.
Elles sont condamnées à réaliser leur unité afin d’être en mesure de jouer pleinement le rôle qui est attendu d’elles. Face à cette situation, elles sont appelées à prendre leurs responsabilités.
C’est pourquoi, des forces de Gauche de notre pays, communistes, socialistes, socio-démocrates, nationalistes, écologistes ont décidé :
1°) de construire une nouvelle Gauche plurielle, unie, démocratique, laïque et panafricaniste, ouverte et inclusive, autour des conclusions des Assises nationales avec un discours nouveau et des méthodes nouvelles ;
2°) d’organiser les Assises de la Gauche plurielle sur la base de termes de références consensuels afin de créer une vaste organisation des partis et mouvements de la Gauche plurielle. Ces Assises seront aussi l’occasion d’aborder toutes les questions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles qui agitent le pays ;
3°) de lancer un appel pressant à toutes les organisations et individualités intéressées à rejoindre notre initiative afin de mettre un coup d’arrêt à la division et à la dispersion de la Gauche, pour permettre à celle-ci de jouer un rôle de défenseur conséquent de la démocratie, de la République, de l’Etat de droit, de la stabilité et de la paix civile pour notre cher Sénégal et pour l’Afrique, dans la perspective des Etats Unis du continent.
C’est le lieu, ici, de souligner avec force que l’unification souhaitée, pour être féconde et porteuse, devra s’appuyer sur les idéaux, les valeurs et les principes de Gauche comme la générosité, l’humanisme, la solidarité, le partage, la justice sociale, l’égalité, le refus de l’oppression et de l’exploitation ainsi que la défense des couches défavorisées.
Il importe plus que jamais de mettre au cœur de la politique l’éthique, la responsabilité, le respect dû au citoyen et la primauté absolue de l’intérêt général, de l’intérêt du peuple.
Actuellement chez nous tout est politisé. On a l’impression qu’il n’y a pas de responsable. Le contrôle et la sanction sont rares. C’est la porte ouverte à la corruption, à l’indiscipline et à l’incivisme. On a des droits mais on oublie les devoirs
Face à une situation politique nationale qui ne cesse d’inquiéter, à moins d’une année de l’élection présidentielle de 2024, le Général Mamadou Mansour Seck sort de sa réserve pour administrer une leçon de vie démocratique. L’ancien chef d’État-Major Général des Armées (CEMGA) de 1988 à 1993 revient pour des interpellations dynamiques sur les priorités qui engagent l’avenir du pays, des générations actuelles et futures, le devenir de notre modèle démocratique.
Sud Quotidien publie in extenso la tribune de l’ancien Cemga.
En effet en lisant les media, en écoutant les hommes politiques, on a l’impression que le Sénégal est en feu ou en voie de l’être. Nos parents de la diaspora expriment leur crainte pour le présent et l’avenir du pays. Or, pour moi, la démocratie comme les Grecs l’ont dit, c’est le pouvoir du peuple quand la compétition des idées et des projets de société alimentent la politique, la violence étant exclue. C’est le peuple seul, dans sa majorité, qui choisit les meilleurs projets de société et ceux qui les proposent pour les élire. La Constitution actuelle, loi fondamentale et les institutions ne sont pas l’œuvre du seul président de la République actuel. Celui-ci ne représente que le sommet de la pyramide dont la base est construite par les générations antérieures que nous devons respecter.
La Constitution américaine date de juillet 1776. A part quelques amendements, le fond et l’esprit sont restés les mêmes. La devise américaine « E pluribus unum » signifie l’unité dans la diversité. Mais la démocratie n’est jamais parfaite, c’est un combat de tous les jours. C’est comme l’asymptote en mathématiques dont on peut se rapprocher sans jamais l’atteindre. Les exemples des émeutes contre le Capitole à Washington et à Brasilia le prouvent. Churchill a dit que la démocratie est la gouvernance la moins mauvaise. Les Assises Nationales ont pourtant montré la voie à suivre
Actuellement chez nous tout est politisé, y compris les faits divers de mœurs cryptopersonnelles. On a l’impression qu’il n’y a pas de responsable. Le contrôle et la sanction sont rares. C’est alors la porte ouverte à la corruption, à l’indiscipline et à l’incivisme. On a des droits mais on oublie les devoirs et que nul n’est au-dessus des lois. Dura lex sed lex : La loi est dure mais c’est la loi. Or n’y a-t-il pas plus important pour la survie de notre pays ? Le terrorisme frappe à nos portes. Le Sénégal est le seul pays sahélien qui n’est pas encore attaqué directement par les terroristes. Mais les réseaux sociaux, qui lavent l’esprit de nos jeunes pour les dévier et les embrigader, se propagent à travers l’internet. Des réseaux dormants, difficiles à détecter, menacent notre société de l’intérieur. Les terroristes considèrent le Sénégal comme un défi. Leur ambition est d’arriver jusqu’à la mer, jusqu’au Golfe de Guinée. Les attaques contre le Bénin et la Côte d’Ivoire, pays côtiers, le prouvent amplement
Au moment où nous devons nous préparer aussi à sauvegarder les 210.000 km2 de nos eaux territoriales pour exploiter notre pétrole et notre gaz off-shore, la sécurité et l’intérêt national doivent être nos priorités. Notre intégrité territoriale et notre cohésion nationale que le MFDC veut menacer depuis 40 ans doivent figurer dans les plans des hommes qui veulent diriger le pays. Le changement climatique est en train de ronger nos côtes par l’érosion.
En face de nous, Al-Qaida, Boko Haram et Daesh, veulent nous imposer une interprétation violente du Coran, différente de celle que nos ancêtres ont pratiquée depuis le 9è siècle. Gardons le Sénégal stable et démocratique pour les générations actuelles et futures et refusons de laisser les politiciens prendre en otage notre cher Sénégal.
PAR Boubacar Sanso Barry
QUE SERA L'APRÈS-BIYA, INOXYDABLE PRÉSIDENT CAMEROUNAIS DE 90 ANS ?
Quelle chance il a, ce Biya, de fêter ses 90 ans dans un pays où l’espérance de vie ne dépasse guère 54 ans ! Plus chanceux encore, il est. Car depuis un certain 6 novembre 1982, il est aux commandes de ce pays d’Afrique centrale. Soit 41 ans au pouvoir
Le Djely |
Boubacar Sanso Barry |
Publication 15/02/2023
Ce lundi 13 février, veille de la Saint-Valentin, un président africain célèbre son anniversaire. Le chef de l’État du Cameroun souffle en effet ses 90 ans. Oui, il y a quatre-vingt-dix ans que naissait Paul Barthélemy Biya’a bi Mvondo, à Mvomeka’a [petit village rural du sud du pays]. Autant dire que c’est de l’anniversaire de notre grand-père à tous qu’il s’agit.
Quelle chance il a, ce Paul Biya, de fêter ses 90 ans dans un pays où l’espérance de vie ne dépasse guère 54 ans ! Plus chanceux encore, il est. Car depuis un certain 6 novembre 1982, il est aux commandes de ce pays de l’Afrique centrale. Soit quarante et un ans au pouvoir.
Or, quoique usé par la combinaison de l’âge et du pouvoir, il ne semble pas prêt à aller à la retraite. En tout cas, pour l’heure, c’est un sujet tabou. Personne n’osant s’y aventurer et risquer d’essuyer la colère de celui qui pourtant ne gère plus [le pays] que par procuration.
Mais autour de lui, sans éveiller les soupçons du “Vieux”, les guerres de clans sont déjà à l’œuvre. Signe que le terme est proche. Et c’est bien là tout le problème. Cette fin impréparée avec tout ce qu’elle comporte de risques et d’incertitudes.
L’immunité à toute épreuve
Le président camerounais, c’est l’immunité à toute épreuve. Pendant que, sur l’ensemble du continent, on impute bien des problèmes à la tendance qu’ont certains chefs d’État à s’accrocher trop longtemps au pouvoir, Paul Biya n’est même pas inquiété.
Pourtant, ce goût un peu trop prononcé pour le pouvoir, il en est même la personnification. Tenez, les quarante et un ans qu’il a déjà passés au sommet du Cameroun, c’est l’équivalent de cinq présidents en France [Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron] et de sept autres aux États-Unis [Reagan, George Bush, Clinton, George W. Bush, Obama, Trump et Biden].
Or on lui prête l’intention de vouloir rempiler en 2025. Il est vrai qu’il a survécu à tellement de crises que les Camerounais semblent s’être résolus à laisser la providence faire son œuvre. D’autant plus qu’il n’est pas connu pour faire de cadeaux à ceux qui s’évertuent à perturber son repos.
Négritude, francophonie, diplomatie culturelle… son héritage continue à susciter de l’admiration et des débats. Entretien avec Mamadou Diouf, historien sénégalais et co-commissaire de l'exposition consacrée à l'ancien président au musée du Quai Branly
Avec son credo « enracinement et ouverture », Léopold Sédar Senghor a profondément marqué l’histoire intellectuelle et culturelle du XXe siècle. Président du Sénégal de 1960 à 1980, il a ancré les arts et la culture au cœur de son action politique. Négritude, francophonie, diplomatie culturelle… son héritage continue à susciter de l’admiration et des débats.
Entretien avec Mamadou Diouf, historien sénégalais et co-commissaire de l'exposition au musée du Quai Branly.
PAR Hamidou Anne
PASTEF ET SON PROJET DE GUERRE DE CIVILE
Ousmane Sonko est un homme dangereux dans sa capacité à s’affranchir de toutes les limites de la décence et de la morale et dans son entreprise méticuleuse de désacralisation des institutions républicaines afin de promouvoir le chaos
Les courants populistes autoritaires auxquels le parti Pastef appartient ont un rapport fort à la violence verbale et physique. Le champ lexical de ce parti ne s’extirpe jamais de la mort, de la démagogie, de l’insurrection et de la haine. Des hordes de gens, à travers internet, déversent au quotidien des insanités sur leurs concitoyens qui ont commis le seul crime de ne pas penser comme eux. Politiques, intellectuels, journalistes, chefs coutumiers, guides religieux ; plus aucune conscience n’échappe à la furie verbale de ces barbares que notre pays a enfantés et qui dans l’écrasante majorité des cas élisent domicile dans les appartements politiques à l’odeur fétide du parti de Ousmane Sonko. Cheikh Mahi Niass, le sage de Médina Baye, a récemment eu une parole bouleversante. Il a conclu un discours en s’adressant à ces meutes d’insulteurs promus par M. Sonko, pour leur dire qu’il sait qu’ils vont lui jeter toutes sortes d’anathèmes.
La rhétorique de la haine est dans l’Adn de Pastef, parti qui a ramassé, domestiqué et promu parfois des pans de ce que notre Nation compte d’individus peu recommandables, peu respectables et dont la finalité est la violence systémique. Le populisme que ce parti représente, par le refus de son leader de s’ériger toute limite, a séduit des masses entières qui, engluées dans les difficultés quotidiennes, envisagent une autre possibilité du devenir à travers le renversement de la République et la fin de la démocratie. Le contexte international est également favorable à des mouvements au projet démagogique dont certains sont arrivés au pouvoir avant de laisser un bilan désastreux.
Ousmane Sonko est un homme dangereux dans sa capacité à s’affranchir de toutes les limites de la décence et de la morale et dans son entreprise méticuleuse de désacralisation des institutions républicaines afin de promouvoir le chaos. C’est un individu animé d’une ambition folle d’arriver au pouvoir, fut-ce en marchant sur des cadavres. Il ne recule devant aucune abjection : mensonges, calomnies, sabotage de l’unité nationale, menace des magistrats et officiers supérieurs, insulte aux armées en les traitant de mercenaires, appel à l’insurrection, appel au meurtre du chef de l’Etat, entre autres sinistres forfaits. Dans sa volonté de saper les fondements de la République, il utilise la violence afin d’intimider, de réduire au silence les intellectuels et de soumettre la presse. Aucune nuance dans son propos ; on est dans la dialectique ami-ennemi à l’intérieur d’une société issue notamment des travaux de Carl Schmitt. Sa posture est ainsi classique des mouvements d’extrême-droite qui, dans leur action politique, utilisent l’autoritarisme, le culte du chef, le mythe messianique, le soubassement religieux et le refus de la contradiction et du débat civilisé. En somme, ils récusent les attributs féconds de la démocratie et de l’exercice de la liberté. A Keur Massar, M. Sonko a utilisé un champ lexical de la guerre civile et du meurtre ainsi qu’un imaginaire sacrificiel. Il n’hésite même jamais à verser dans la sémantique du totalitarisme religieux en évoquant la possibilité pour les jeunes qui affrontent l’Etat de mourir en martyr.
Un des députés de son parti à Mbacké, a appelé récemment à la «guerre» contre l’Etat du Sénégal. M. Sonko ne s’embarrassant d’aucune limite, verse aussi dans l’ethnicisme comme fertilisant de son discours. Il a accusé le juge Oumar Maham Diallo d’accointances familiales avec la ministre des Affaires étrangères. Il revient à la charge en expliquant le choix porté sur le Doyen des juges par des critères ethniques. M. Sonko ment et sait qu’il ment. Ce qu’il espère en revanche, c’est provoquer la guerre civile à la suite d’un embrasement sur des bases ethniques. Sauf qu’il oublie que la République est encore debout et que le Sénégal est une société détribalisée, un Etat unitaire mais pluriel. L’imaginaire de la guerre civile, c’est aussi le fantasme d’un peuple pur -Pastef et ses affluents- qui supplante un peuple impur, Benno et dans une plus large acception, tous les patriotes et républicains qui pensent que le projet de M. Sonko est dangereux pour l’unité nationale et préjudiciable aux intérêts économiques et diplomatiques pour notre pays. L’un des ferments des méthodes d’extrême-droite, c’est de faire peur par l’imposition de la tyrannie. De nombreux intellectuels et hommes publics sont couchés par lâcheté, si ce n’est pour miser sur d’éventuelles ristournes à venir.
S’agissant de la peur, M. Sonko a une technique rodée. Il insulte ses concitoyens et menace l’Etat et ses attributs, ensuite ses sbires et soutiens prennent le relais pour propager cette menace afin de la rendre virale. L’un de ses laquais, Alioune Tine, a récemment menacé la République. Sa rhétorique n’est pas fortuite car il a utilisé le terme «guerre civile» en cas de tenue d’un procès sur l’une des affaires concernant le cheval sur lequel il mise désormais. Le dispositif est ainsi huilé. L’attelage Sonko-Tine : une rare image des cavaliers de l’Apocalypse. L’un sous les habits du chef, l’autre en fidèle troubadour. Ils vont à l’assaut de l’édifice républicain, suivis d’une meute informe. La République doit constituer un solide rempart face à leur entreprise séditieuse, afin de garantir tout ce qu’ils abhorrent : la paix civile, la démocratie et la liberté.
par Nioxor Tine
IL PLEUT SUR GALSEN
L’évolution politique de notre pays depuis l’accession de Macky Sall au pouvoir en 2012 est marquée par l’apparition ou l’aggravation de symptômes fortement évocateurs d’une autocratie en gestation
On raconte que le coup d’État chilien du 11 septembre 1973 consécutif à une vaste entreprise de déstabilisation du pouvoir de l’Unité Populaire par la CIA, aurait été déclenché par un message codé "il pleut sur Santiago", diffusé sur ordre des putschistes à la radio et destiné aux militaires. Au tour du peuple sénégalais de poser la question : menace-t-il de pleuvoir sur Galsen ?
À la lumière de la gouvernance du régime de Benno-APR caractérisée par une judiciarisation quasi-caricaturale de la vie politique et une instrumentalisation des forces de défense et de sécurité, il n’est pas du tout incongru de se demander, si notre pays n’est pas tout simplement en train de devenir une dictature.
Cette question est d’autant plus pertinente que l’élite au pouvoir regroupée autour d’un clan familial a fini de domestiquer les pouvoirs parlementaire et judiciaire, accentuant le déséquilibre institutionnel caractéristique de notre République, au moins depuis l’éviction de Mamadou Dia, en 1962. De fait, l’évolution politique de notre pays depuis l’accession de Macky Sall au pouvoir en 2012 est marquée par l’apparition ou l’aggravation de symptômes fortement évocateurs d’une autocratie en gestation.
Il s’agit, d’abord de cette impunité scandaleuse dont jouissent les membres de l’élite politico-bureaucratique au pouvoir contrastant avec la persécution dont sont victimes les personnalités de l’opposition. L’objectif clairement annoncé de réduire cette même opposition à sa plus simple expression, en utilisant divers procédés comme les nominations de complaisance, l’intimidation par des dossiers compromettants ou la corruption entretient le phénomène honni de la transhumance. La finalité sera bien entendu de faire disparaître tous les partis autres que celui de l’autocrate en chef, comme le prouve amplement la traque impitoyable dont le Pastef fait l’objet ainsi que la dégénérescence de tous les partis alliés de l’APR au sein de Benno Bokk Yakaar, qui semblent avoir perdu jusqu’á leur instinct de survie.
La coupure récente du signal de Walfadjri consécutive à l’interdiction arbitraire du meeting de Mbacké concomitante à l’invasion débridée de la capitale du Rail par des hordes de militants de la coalition présidentielle convoyés pour servir de figurants au Conseil des ministres décentralisé, traduit non seulement une atteinte aux droits et libertés mais aussi une volonté farouche de contrôle total sur tous les médias.
Quant au processus électoral, qui depuis 1992, faisait la fierté de notre classe politique, avec l’adoption d’un Code consensuel élaboré par une commission cellulaire sous la férule de Kéba Mbaye, il est devenu méconnaissable et déstructuré en facilitant la manipulation du fichier électoral et l’éviction des adversaires politiques.
Il est clair que le régime de Benno Bokk Yakaar, qui est allé acquérir des armes pour prétendument lutter contre un danger djihadiste certes de plus en plus menaçant en a profité pour renforcer l’équipement des forces dévolues à la neutralisation des luttes populaires enclenchées par ceux que l’impérialisme et ses laquais désignent sous le vocable d’ennemis intérieurs, suivez mon regard !
Au rythme où la police et la gendarmerie nationales procèdent à des arrestations arbitraires et abusives, il va bientôt falloir ouvrir des centres de détention, comme dans le Chili de Pinochet.
Si un putschiste n’est pas forcément un dictateur et peut même initier une phase de transition aboutissant à la restauration de la démocratie, un dirigeant démocratiquement élu peut bel et bien se transformer en dictateur, s’il refuse de convoquer des élections libres et démocratiques.
Cela suppose, pour les prochaines présidentielles, le respect de la limitation des mandats à deux, la convocation à temps du corps électoral, la renonciation à l’inscription frauduleuse de ses propres militants ainsi qu’à la volonté d’écarter les primo-votants et enfin la suppression de tous les obstacles pour tous les citoyens sénégalais désireux de se présenter, à commencer par le parrainage citoyen, sous sa forme actuelle.
Mbacké, une ville presque assoupie se réveille dans une violence déferlante. Les habitants, médusés, constatent impuissants les dégâts causés par des casseurs inspirés par des Cassandres bien au chaud.
Mbacké, une ville presque assoupie se réveille dans une violence déferlante. Les habitants, médusés, constatent impuissants les dégâts causés par des casseurs inspirés par des Cassandres bien au chaud.
Tout le monde semble surpris sauf un : le préfet du département. Il se savait attendu au tournant. En interdisant un rassemblement politique, il voulait éviter le chaos. Informé du « tour de chauffe » qui s’annonçait, il a sûrement pris la décision que dictait la conjoncture du moment.
Cependant, l’interdit a eu peu d’effet sur les manifestants excités sans doute par la très forte présence de policiers dont certains venus en renfort pour la circonstance. En sa qualité de représentant de l’Etat dans le département, le préfet n’ignorait pas donc le risque dans le double sens de l’autorisation ou de l’interdiction.
Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre, les conséquences qui en découlent, traduisent la complexité de la tâche et la délicatesse du moment où plus d’un s’alarment d’une déconnexion entre le pouvoir et le corps social. Or le haut fonctionnaire en poste, de par son statut, incarne certes la permanence de l’Etat sur le territoire considéré, mais on l’oublie très souvent, il est notamment le « garant de l’ordre public et de la sécurité. »
Nul ne conteste que ce qui se jouait vendredi dernier à MBacké relève du maintien de l’ordre qui s’apprécie et s’ajuste à la hauteur de l’humeur sociale qui se profilait. En amont de l’événement, le préfet a-t-il instauré un climat de dialogue avec les organisateurs ? Ces derniers étaient-ils disposés voire ouverts à des discussions en vue de s’accorder sur le service d’ordre (différent des forces de l’ordre) et les itinéraires de ralliement de la place dédiée au meeting ?
Dans les faits, la méfiance s’observait déjà. Elle reflétait une certaine tension qui montait à mesure que l’échéance approchait. Il n’ y a eu ni marchandage, ni tractations pour arrondir les angles et trouver un compromis qui sauve la situation. Chaque partie, en établissant ses options sans exigence préalable, devrait se mettre dans une posture de compréhension mutuelle pour gérer la manifestation. Gérer ? Oui, bien évidemment !
Car bien que reconnu, le droit de manifester reste assujetti au devoir de veille très porté sur tout ce qui peut s’embraser. A la moindre étincelle. Plutôt que d’être dans un ruineux antagonisme, les forces en présence ne gagneraient-elles pas à mieux pacifier leurs rapports pour un bon déroulement des manifestations ? Justement, rien ne… l’interdit.
Et davantage qu’une dissipation, un tel rapprochement, s’il est mutuellement amorcé, accroîtrait les chances du dialogue tout en rétrécissant les voies de provocation de part et d’autre. Un dispositif de police peut –il être présent sans être visible ? A quoi sert-il de brandir des effets démonstratifs si, en face et à un jet de pierre, se dressent des colonnes de « groupes à risques » capables de se mêler à la foule pour nuire ?
Les événements de MBacké démontrent une savante incursion des « éléments incontrôlés » dans les rangs. La police devrait les repérer et ne plus les quitter des yeux en anticipant sur leurs agissements. Peut-elle, à l’image des pays nordiques, extraire ces casseurs des hordes hostiles avant qu’ils ne nuisent ?
La présomption de compétence attribuée aux forces de défense et de sécurité les prédispose à agir avec efficacité par des interpellations mieux ciblées. La confusion est toutefois vite entretenue sur la présence inopinée de ces « émeutiers » quand des militants ou des sympathisants veulent jouir de leurs libertés en organisant des rallyes ou des meetings dans une ambiance toute festive dans les quartiers ou au cœur des grandes villes.
Cette « franche collaboration » entre organisations politiques et forces de l’ordre est de nature à réduite les incertitudes en gommant progressivement les charges. Pour autant, les nuages s’amoncellent dans le ciel des forces de l’ordre !
A cet égard d’ailleurs, les dégâts collatéraux, nombreux et insupportables, pèsent sur les consciences. Comment comprendre les furies qui s’attaquent à des biens (et parfois même à des personnes) ? Rien ne justifie de tels forfaits. Pas plus que rien ne dédouane ces faussaires « encagoulés », prêts à sévir pour étendre le malaise et le chaos, accroître les frustrations et au finish imputer lâchement les responsabilités à « Monsieur tout-le-monde ».
Cette pratique se répand et n’honore pas notre parcours démocratique qui, tant bien que mal, aborde les écueils et les surmonte suivant une tradition d’écoute et de tolérance mutuelles. La vigilance impose aux acteurs politiques de ne point s’écarter de cette route. Elle a été laborieusement tracée au prix de nombreux sacrifices consentis par les générations d’avant.
La démocratie est une succession de combats courageux. Chaque époque ouvre un chapitre qui se clôt quand sonne la cloche d’un nouveau cycle.
A quelle étape sommes-nous dans la présente conjoncture politique ? Il reste évident que les antagonismes s’accentuent, du moins dans les discours. Les appels à un radicalisme plus prononcé se multiplient. Présagent-ils des orages ? Rien n’est moins sûr.
En revanche, la discorde actuelle obstrue l’horizon qui ne se dégage pas pour autant. Loin s’en faut. Nous sommes face à une situation politique inédite à un an, jour pour jour, de la prochaine élection présidentielle.
Chaque jour qui nous rapproche de l’échéance libère des pulsions qui, faut-il l’espérer, ne seront pas pires. Faute d’éléments probants, personne ne sait qui sera ou non candidat.
Mais les actes que les uns et les autres posent, agrégés, donnent une lecture sibylline des intentions qui leur sont prêtées. Pousser les Sénégalais à interpréter des faits et des gestes n’aide pas à opérer des choix judicieux « en connaissance de cause ».
La nature ayant horreur du vide, beaucoup d’acteurs de moindre envergure se sentent pousser des ailes et s’autorisent même à des « audaces » que la décence politique réprouve. Ils glissent d’un registre à un autre et zigzaguent entre les plateaux de télévision en quête de projection. Très peu d’entre eux sont des lumières.
L’implosion des réseaux sociaux s’explique par les outrances, les outrages, les hostilités, les mensonges et les rhétoriques haineuses qui se propagent à une vitesse grand V dans notre pays. Cette propension a valeur d’avertissement dans ce pays où trop de fenêtres sont ouvertes simultanément. Le ton de la présidentielle à venir est-il déjà donné sur la Toile ?
Après tout, la politique, c’est le terrain, le contact, la proximité, les échanges et une certaine quête de solennité dans les rencontres avec les populations. L’endurance. Un chantier titanesque. Rien ne sert de courir…
Par Khadiyatoulah FALL
ISLAMISME, ISLAMOPHOBIE : POLEMIQUES ENTRE QUEBEC ET OTTAWA
Le professeur émérite Khadiyatoulah Fall appelle à la nuance, à la liberté religieuse dans la critique et le respect
Nous suivons dans les plateformes numériques les publications de quelques intellectuels, politiciens et universitaires sénégalais qui vivent au Sénégal ou dans la diaspora. Nous avons lu, il y a quelques jours, une intéressante contribution du professeur chercheur universitaire émérite au Québec, monsieur Khadiyatoulah Fall. Ce texte porte sur les défis de l’intégration de l’islam et sur l’islamophobie. Ces défis ont été récemment au cœur de fortes tensions québéco-canadiennes, après qu’une néo-canadienne, musulmane, , récemment nommée conseillère spéciale du PM Justin Trudeau pour la lutte contre l’islamophobie ait tenu des propos jugés offensants, stigmatisants contre la majorité francophone qu’elle aurait qualifié d’anti islam et d’anti musulmans. Le texte du professeur Fall, repris dans différents médias, plaide pour les conditions de dépassement des positions tranchées, agoniques pour ménager le dialogue politique et social. Quel ordre du discours pour sauver le vivre ensemble et la liberté d’expression est la question qui traverse la contribution équilibrée du professeur Fall? Nous pensons qu’au-delà du cas présenté dans le texte de monsieur Fall, cette question est de grande actualité pour renvoyer au blocage du dialogue politique et social que traverse notre pays marqué par la violence verbale, les radicalisations et les polarisations. Le Témoin partage ce texte avec ses lecteurs.
Je partage le sentiment dominant au Québec que madame Amira El ghawaby a commis un grave impair discursif, un sérieux dérapage verbal à l’endroit de la majorité québécoise qu’elle a décrite comme un groupe non porté par «la primauté du droit » mais plutôt par un «sentiment anti musulman». Ce qui peut amener à lire que la société québécoise en serait une de non droit et d’émotions. Il est ressorti aussi que ce dérapage verbal qui stigmatise la majorité québécoise n’était pas une première. Ceci dit, malgré ma ferme désapprobation, je résiste à m’enfermer dans le discours de la flagellation et de la polarisation. Mon propos s’attardera plutôt à renvoyer aux conditions d’une conversation pour pouvoir ensemble « passer à l’avenir ».
De cette « affaire Amira Elghawaby», je crois qu’il est possible que le Québec et le Canada, lucides, raisonnables puissent tous les deux tirer profit pour mieux converser, avec plus de nuances, sur les défis de l’intégration de l’islam et sur la problématique de «l’islamophobie». Nuances qui souvent échappent aux sondages, aux opinions de plusieurs leaders communautaires, des politiciens etmême d’une certaine presse. Le regard sur l’islam au Québec demeure encore fortement orienté par les propos des politiciens, des leaders communautaires et de la presse. Et très peu par les résultats de la recherche universitaire qui existent bien et qui tentent de comprendre l’islam du quotidien, l’islam des ajustements normatifs, l’islam de l’intégration vécus par les musulmans confrontés aux réalités concrètes du terrain. Les connaissances scientifiques élaborées par les chercheurs qui étudient véritablement les conditions réelles d’existence et d’installation de l’islam au Québec et au Canada sont peu prises en charge dans les politiques publiques. Il se pose ainsi le défi de l’articulation entre le monde de la recherche sur l’islam et celui des décideurs et des porteurs de voix.
Si madame Amira El ghawaby devait être maintenue comme conseillère spéciale, chargée de la lutte contre l’islamophobie, il est évident, après ce tollé de critiques, qu’elle sera consciente qu’elle devient une voix de propositions et d’actions futures « sous haute surveillance ». Il est attendu d’elle et de ses collaborateurs qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas avant tout des militants, des idéologues ou des faire-valoir d’une position déjà entérinée. Le Québec, dans sa grande majorité et également en concert avec des ministres et députés québécois du parti libéral fédéral, a fait entendre sa forte indignation. Si madame Elghawaby devait être remplacée, le choix de la nouvelle personne se fera, sans nul doute, en tenant compte de l’impact des critiques formulées par le Québec ainsi que des sensibilités exprimées. Il s’agit définitivement de comprendre que, sur la question délicate de l’islam au Québec et au Canada, nous avons à bâtir des paroles d’inter socialisation, de vivre ensemble qui n’évacuent pas les différences mais qui n’aliènent pas l’autre.
Il ressort de cette saga El ghawaby qu’il est important de s’entourer d’un principe de précaution, d’une prudence, du contrôle des mots et des énoncés lorsque les leaders politiques, lorsque les leaders musulmans se commettent dans l’espace public, en ces moments ci, alors que la place de l’islam au Québec fait polémique, alors que les paroles sur l’islam sont souvent lues, scrutées sous le soupçon d’un excès de victimisation, d’un refus de la critique , d’une possible radicalisation religieuse, d’une ghettoïsation, d’une salafisation ou d’un « frèrisme».
J’ai affirmé à plusieurs reprises que je suis loin de proposer une discrétion discursive des musulmans. La liberté d’expression et la liberté de croyance pour tous constituent de merveilleux acquis de notre démocratie québécoise et canadienne. Je veux plutôt insister sur le fait que la prudence du dire est un acte du vivre ensemble et que la liberté d’expression tombe à plat lorsqu’elle ne fabrique pas de l’interdiscursivité. Je plaide pour une pratique discursive plus avertie, pour une parole qui assume des revendications mais qui soit sensible aux peurs et angoisses de nombreux membres de la société d’accueil qui ont l’impression que les communautés musulmanes sont complices d’un programme de sens du ROC, d’une vision du ROC qui, autour de la dénomination « islamophobie», tend à conforter un préjugé qui décrit la majorité québécoise comme «anti islam» ou «anti musulmans».
Khadiyatoulah Fall, professeur émérite, Université du Québec à Chicoutimi
Par Madiambal DIAGNE
ARRETEZ OUSMANE SONKO POUR DE BONNES RAISONS !
Qu’on se le tienne pour dit, à chaque pas que l’Etat reculera, Ousmane Sonko et ses affidés avanceront de trois pas pour piétiner allégrement l’Etat de Droit. Relisez notre texte du 29 août 2022 intitulé : «Sonko ou le monstre de Frankenstein.»
La débauche d’énergie, de désordre et de violences constatée dans la ville de Mbacké vendredi dernier est bien inutile. Les Forces de sécurité ont dispersé, à coups de grenades lacrymogènes et de matraques, des rassemblements sporadiques organisés par l’opposition sous la bannière du parti Pastef. De gros renforts de troupes ont été envoyés sur les lieux. Ousmane Sonko et ses partisans tenaient à protester contre l’interdiction, par le Préfet, d’un meeting politique prévu dans la ville.
Les habitants de Mbacké, et même de la ville voisine de Touba, ont été importunés par ces événements qui, du reste, n’apportent rien à l’autorité de l’Etat et au système démocratique. Bien au contraire, la répression policière de manifestations de ce type porte indubitablement tort à tout régime, surtout que dans le cas d’espèce, l’ouverture d’esprit, le sens du dialogue et de la conciliation auraient permis facilement d’éviter de tels heurts ou débordements. En effet, le meeting a été interdit non pas pour des motifs de troubles potentiels à l’ordre public ou d’une quelconque menace pour la paix et la sécurité. Le motif invoqué par le Préfet tient à une violation de dispositions réglementaires encadrant l’organisation d’une manifestation sur la voie publique, dans le sens que la lettre de déclaration, déposée au niveau de la Préfecture de Mbacké, n’était signée que par deux personnes responsables alors que, de l’avis des autorités administratives, il en faudrait trois signatures pour satisfaire à la loi.
C’est dire qu’il aurait été plus facile pour le Préfet d’appeler les organisateurs pour leur expliquer, dans l’intimité de son bureau, leur erreur et leur demander de corriger sans encombre ce qui se révèle en définitive n’être qu’un détail. Combien de fois des préfets, policiers ou gendarmes ont discuté, négocié avec des organisateurs de manifestations publiques, pour se faire des concessions mutuelles et s’accorder sur un itinéraire ou sur les modalités de déroulement ? Dans la pratique administrative, il est de coutume que des dossiers administratifs soient complétés ou régularisés en cours de traitement. L’Administration doit faciliter les procédures à ses usagers. C’est ainsi par exemple que les services du ministère de l’Intérieur avaient accepté que des listes imparfaites de l’opposition pour les élections locales et/ou législatives puissent être corrigées avant leur publication. Mieux, d’expérience, on a vu le Conseil constitutionnel autoriser tel ou tel candidat à compléter une pièce administrative ou à la remplacer dans son dossier de candidature à l’élection présidentielle. En d’autres termes, qui peut le plus peut le moins. Franchement, la démocratie et l’exercice des libertés fondamentales s’accommoderaient très facilement d’un tel arrangement sans coup férir, encore moins y perdre son âme. Je continue à croire que les autorités publiques auraient gagné en persuasion et auraient renforcé le niveau de confiance avec les acteurs de l’opposition, s’il y avait eu plus de tact, qu’elles eurent privilégié le côté didactique plutôt qu’une volonté de répression, pour ne pas dire, de règlement de comptes.
A quoi bon interdire, pour défaut d’une petite signature sur trois nécessaires, un meeting qui devait se tenir le 10 février, alors qu’on l’autoriserait pour le 24 février, nouvelle date retenue par les organisateurs qui ont pris, cette fois-ci, le soin de faire figurer trois signatures sur la lettre de déclaration de la manifestation ? Assurément, par ce coup, les autorités administratives viennent de doper à bloc les «pastéfiens» pour leur meeting du 24 février prochain. Ils ne pouvaient pas rêver d’une meilleure publicité et surtout d’une aussi bonne source de motivation ! Ce sera un pari ou un défi pour chaque militant de rallier Mbacké pour grossir les rangs du meeting et y faire une démonstration de force. Or, le meeting de Mbacké aurait même pu se retourner contre les organisateurs qui venaient, quelques jours auparavant, de proférer des déclarations irrévérencieuses à l’endroit du Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké, ainsi que de nombreuses autres autorités religieuses. Sur les réseaux sociaux, des militants attitrés du parti Pastef se sont déchaînés sur les guides religieux et ont eu à choquer plus d’un. C’est dire que ce meeting, préparé par d’autres membres des familles religieuses de Touba, parfois dans une posture irrédentiste vis-à-vis du khalife, pourrait se révéler être un acte de défiance à l’endroit de ce dernier. L’Etat les aurait-il laissés parler à profusion à ce meeting, que les leaders du parti Pastef commettraient des impairs, se seraient tiré une balle dans le pied en poursuivant dans la surenchère et l’invective contre Serigne Mountakha.
Répression contre Pastef à Mbacké : Macky Sall perd à pile et à face
Les images de la répression policière à Mbacké et Touba, avec les nombreux saccages de commerces et de biens publics comme privés, ont fait le tour du monde et ne sont point à l’avantage du régime de Macky Sall. D’aucuns ont vu ressurgir le spectre des événements meurtriers de mars 2021 ; et il sera difficile de réfuter l’idée qu’on empêcherait ainsi l’opposition de tenir un meeting. C’est comme si les autorités publiques font le jeu de Ousmane Sonko, surtout avec des dégâts provoqués sur son véhicule, et il semble qu’il l’aurait bien cherché, car des images montrent le conducteur foncer sur un barrage policier. De toute façon, de tels dommages sur le pare-brise auraient pu être du fait même de ses propres partisans qui utilisent régulièrement ces méthodes pour chercher à alimenter leur machine de propagande et de manipulation. Par cette situation, les autorités publiques accréditent l’idée d’une persécution, d’un acharnement contre cet homme politique qui se «victimise», s’enhardit d’une telle situation et devient de plus en plus téméraire. On finirait par lui donner le sentiment d’avoir raison.
Le ressenti d’injustice est d’autant plus recevable, qu’au moment où des meetings ou des randonnées des opposants sont interdits pour des motifs aussi légers ou fallacieux, des responsables du camp présidentiel organisent les leurs et tous autres rassemblements avec des débordements de foules occupant la voie publique et qui promeuvent la candidature de leur champion à la prochaine élection présidentielle de 2024. Si toutes choses seraient égales par ailleurs, le meeting de l’opposition à Mbacké aurait été autorisé et se serait déroulé sans anicroche. Voudrait-on empêcher qu’un rassemblement réussi de l’opposition dans un fief qui lui est acquis balance la forte mobilisation à Thiès à l’accueil du Président Sall ? Si telle était la réelle motivation de l’interdiction du meeting de Mbacké, on pourrait considérer que la démarche est maladroite et manque d’intelligence. De toute façon, la répression a produit l’effet inverse, car elle a éclipsé les belles réalisations et beaux projets exhibés par le Président Macky Sall à Thiès. Finalement, les médias et l’opinion publique ne retiennent de la journée du vendredi 10 février 2023 que les violences perpétrées à Mbacké et que le signal de la télévision Walfadjri a été coupé. Qu’est-ce que Walf Tv a pu faire qu’elle n’a pas déjà fait ? La nouveauté, et le plus sordide dans l’affaire, est peut être que la Direction de Walf Tv a admis elle-même que la chaîne a fait une diffusion commerciale qui se révèle, de surcroît, être des appels insistants à l’émeute.
Du reste, il aurait été plus acceptable de prétexter de risques de troubles ou de manque d’éléments de sécurité déjà déployés par exemple à Thiès pour justifier l’interdiction du meeting. On en arrive à une situation où les pouvoirs publics semblent être excédés par des provocations et défiances récurrentes et auraient voulu les faire payer. Soit ! Seulement, Ousmane Sonko peut rester puéril, insolent, immature et irresponsable en prônant le vulgaire «gatsa gatsa», mais l’Etat n’a pas à tomber à son niveau. Si tant est que les pouvoirs publics voudraient lui montrer de l’exaspération, ne plus lui faire de cadeau et lui prouver que force restera toujours à la loi et que l’ordre républicain sera de rigueur, ils n’ont qu’à l’arrêter pour de bonnes raisons, ou le laisser continuer à narguer son monde, à faire montre d’insolence à l’endroit des institutions républicaines, des autorités religieuses et coutumières et continuer d’insulter toute personne qui ne l’applaudirait pas.
Arrêter Sonko avant qu’il ne soit trop tard !
Les bonnes raisons ne manquent véritablement pas pour empêcher Ousmane Sonko de tout se permettre. L’affaire des viols présumés dont se plaint Adji Sarr aurait pu suffire pour le coffrer, même si d’aucuns trouveraient toujours à redire. Et même dans ce cas, les violations du secret de l’instruction et surtout les autres types de violations répétées des conditions de sa mise sous contrôle judiciaire, donnent des raisons suffisantes de révocation de cette mesure. Au demeurant, ses multiples appels à l’insurrection, suivis d’effets violents et sanglants les 6,7 et 8 mars 2021, avec leur bilan macabre de 14 personnes tuées, ou les appels à empêcher la tenue des élections législatives de 2022 (4 morts) devraient le mener en prison ; tout comme les outrages aux magistrats, les bravades, le discrédit des institutions publiques, les insultes et injures, mensonges et attaques contre des personnes investies de l’autorité de l’Etat (Justice, police, Armée, gendarmerie). Le parti Pastef finance ses activités politiques en violation flagrante de toutes les règles légales et démocratiques.
Tous ces faits sont des motifs légitimes qui enverraient tout autre citoyen dans les liens de la détention ! Dans quel pays au monde un citoyen peut-il menacer devant les caméras de télévision de tuer le chef de l’Etat ou d’envoyer 200 mille manifestants pour le déloger du Palais et rester à dormir chez soi ? Dans quel pays au monde un homme politique donnerait-il l’ordre à son chauffeur de foncer sur un barrage de police et rentrer tranquillement chez lui ? Oui, c’est déjà arrivé au Sénégal ! En février 2015, l’ancien Président Wade, qui n’avait plus toute sa tête suite à l’emprisonnement de son fils Karim, avait forcé un barrage de police pour se rendre à un rassemblement de l’opposition. Une procédure judiciaire avait été ouverte contre le chauffeur, mais les poursuites avaient été vite abandonnées car le pouvoir ne tenait pas à s’en prendre au donneur d’ordre.
Qu’on se le tienne pour dit, à chaque pas que l’Etat reculera, Ousmane Sonko et ses affidés avanceront de trois pas pour piétiner allégrement l’Etat de Droit. Relisez notre texte du 29 août 2022 intitulé : «Sonko ou le monstre de Frankenstein.»
Le plus grave est que ce sentiment d’impunité devient si ancré dans les esprits, qu’ils finissent par considérer que les autorités publiques redoutent le leader du parti Pastef. Lui-même clame sur tous les tons que Macky Sall ou son Premier ministre Amadou Ba sont des poltrons. Seulement, par cet attentisme, cette inaction, les autorités de l’Etat font tort à toute la République et à ses citoyens. Toutefois, de mauvaises réactions, comme celle inappropriée à Mbacké, illustreraient l’allégorie de la trace du serpent contre laquelle on s’acharnerait. En effet, si l’Etat ne peut agir quand la raison et la légitimité sont avec lui et qu’il préfère faire le dos rond dans ces circonstances, qu’il continue ainsi et pour toujours, quand le motif devient illégitime, pour ne pas dire fallacieux. Autrement, c’est cet Etat qui aura provoqué le trouble à l’ordre public, le désordre et le tumulte. Les citoyens auront fini de se résigner à toutes les incartades. Nous nous y ferons ou chacun réglera le problème à sa façon.
On voudrait laisser prospérer l’idée que Ousmane Sonko chercherait à aller en prison pour des motifs moins infâmants que l’affaire de viols et autres sévices sexuels dont se plaint Adji Sarr ; nous préférons dire que le motif importerait point, dès l’instant que son emprisonnement résulterait d’une violation grave et effective de la loi de la République ! Chercherait-on à appliquer et faire respecter les lois de la République ou à faire honte ou humilier un adversaire politique ?
Le risque est grand que le citoyen en arrive à regretter l’absence d’autorité de l’Etat et devenir nostalgique d’un Djibo Leyti Ka, qui avait pris sur lui de mettre un terme aux provocations et autres agressions contre l’Etat et la République du fait de Serigne Moustapha Sy et des responsables du Mouvement Dahiratoul Moustarchidine Wal Moustarchidati. En octobre 1993, Djibo Ka avait ordonné à la police d’aller chercher Serigne Moustapha Sy, suite à de graves injures et attaques contre le Président Abdou Diouf. L’histoire raconte que devant d’ignobles insultes à son endroit, le Président Abdou Diouf nourrissait des appréhensions pour faire cueillir Serigne Moustapha Sy, mais son ministre de l’Intérieur restait droit dans ses bottes, assurant qu’il ne saurait laisser la République se faire agresser de la sorte ; quitte à ce que son action lui coûtât son poste après coup ! En février 1994, avec l’affaire de l’assassinat de six policiers sur le Boulevard Général De Gaulle, le ministre de l’Intérieur fit arrêter Pape Malick Sy et, dans la foulée, fit dissoudre le mouvement.
Un autre exemple historique est celui d’un Idrissa Seck, Premier ministre, qui avait intimé l’ordre à la police d’aller chercher Serigne Khadim Bousso, poursuivi pour banqueroute frauduleuse et qui refusait en 2003 de répondre à la Justice, ou encore d’une Aminata Touré, ministre de la Justice, qui avait fait arrêter Cheikh Bethio Thioune en 2012, dans l’affaire du meurtre d’un de ses disciples à Médinatoul Salam. Tout cela pour que force restât à la loi. Malheureusement, on peut avoir l’impression aujourd’hui que les rigueurs de la loi ne tombent que sur les nombreux jeunes lampistes, des badauds arrêtés suite à des instigations manifestes dont les auteurs connus sont pourtant épargnés. Les arrestations de ces personnes deviennent à la longue inutiles et improductives.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
MACKY PAR TOUS LES MOYENS
EXCLUSIF SENEPLUS - Que le régime Macky-APR-BBY veuille retourner l’opinion relèverait encore de la « politique » ordinaire si dans le même temps le président ne s’attaquait aux fondements de la démocratie
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 13/02/2023
Plus que jamais, le président Macky Sall semble se voir en candidat pour 2024 ! Et l’APR/Benno Bokk Yakkar mettra tout en œuvre pour lui obtenir ce troisième mandat. Le président de la République pour sa part usera et abusera de tous les moyens et pouvoirs de sa fonction. L’ensemble des pouvoirs et moyens politiques, juridiques, constitutionnels et infra constitutionnels, ainsi que financiers sont de fait déjà mobilisés.
On a même entendu un notable du camp présidentiel appeler à …l’assassinat du leader de Pastef. Les procédures seraient déjà en cours pour amnistier Karim Wade et Khalifa Sall et les faire participer à la présidentielle de 2024 dans l’espoir de diviser l’opposition et de diluer ainsi l’offre Sonko. Des milliards sont mobilisés pour acheter les « porteurs de voix » et autres « influenceurs » afin de drainer le bétail politique vers les verts pâturages de l’APR.
« Je demande aux responsables de se mobiliser comme un seul homme pour faire de cette opération de vente des cartes, le début du combat pour la victoire », déclarait ainsi le président de la République, président de l’APR en novembre dernier.
Les meetings de « démonstrations de force » « d’adhésion des masses à la politique du président Macky Sall et de manifestation de satisfaction de ses nombreuses réalisations » étaient dès lors lancés. Après Pikine, puis Guédiawaye et Thiès, on les tiendra au cours de ce mois-ci dans toute la région de Dakar, de Colobane à la Patte d’Oie, et à travers tout le pays de Fatick à Kaolack, de Tambacounda à Ziguinchor et à Bignona.
Dans le même temps, Macky Sall sillonnera toutes les régions du pays sous le couvert de « conseils présidentiels pour le développement » et autres « conseils de ministres décentralisés ». Il s’agit en réalité de revigorer la campagne électorale permanente à peine déguisée pour renforcer l’alliance entre l’APR et ses partis satellites dont les élections législatives de juillet dernier ont révélé toutes les limites. Il s’agit aussi et surtout de faire oublier que l’APR/Benno Bokk Yakkar est désormais minoritaire dans ce pays et ne bénéficie que d’une majorité de façade à l’Assemblée nationale.
Que le régime Macky-APR-BBY veuille retourner l’opinion et qu’il utilise toutes sortes de manœuvres pour cela relèverait encore de la « politique » ordinaire si dans le même temps le président de la République ne s’attaquait aux fondements de la démocratie que sont la liberté d’opinion, la liberté d’expression et l’indépendance de la justice.
Dans le même temps que les journalistes Pape Alé Niang et Adama Gaye sont jetés en prison, l’un contraint à une longue grève de la faim pour recouvrer sa liberté et l’autre à l’exil, que des citoyens sont régulièrement arrêtés et condamnés pour activités politiques et délits d’opinion, que des prisonniers politiques croupissent en prison depuis plus d’un an, on continue de « mettre le coude » sur les nombreuses enquêtes de détournements d’argent publics dûment étayes pourtant, comme celui portant sur les Fonds Covid ou encore celui dit du Prodac.
Alors que Macky Sall sillonne le pays en mobilisant à son service toute l’administration, gouverneurs, préfets, maires et forces de défense et de sécurité, les manifestations publiques d’Ousmane Sonko sont le plus souvent interdites quand elles ne sont pas réprimées.
C’est ainsi l’État de droit qui assure et garantit la participation des individus et des groupes au processus démocratique et à la vie publique de manière équitable, impartiale et sans discrimination ni intimidation qui est remis en cause.
C’est cela le plus grave : le président de la République, l’APR et Benno Bokk Yakkar sapent de fait la base du fragile système démocratique qui a permis à ce pays de fonctionner tant bien que mal dans la stabilité et la paix depuis 60 ans.