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2 décembre 2024
Opinions
par Jean-Baptiste Placca
À EN AVOIR LA CHAIR DE POULE
L'aisance de la connexion entre le pape François et la jeunesse de RDC avait de quoi faire pâlir d'envie les dirigeants politiques africains, qui ont tant de mal à dialoguer avec cette frange de la population qui constitue pourtant l'avenir de leurs pays
«Ôtez vos mains de la République démocratique du Congo, ôtez vos mains de l'Afrique! Cessez d'étouffer l'Afrique: elle n'est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser.» Dès sa première prise de parole en terre congolaise, le pape a donné le ton. La visite de François en RDC a été jalonnée de messages puissants. Faut-il donc en déduire qu’elle est réussie?
Comme il serait malaisé de conclure le contraire ! Au-delà de la ferveur de l’accueil, et de la tonicité des messages délivrés, chaque jour du souverain pontife sur le sol congolais aura été l’occasion, pour lui, de marquer puissamment les esprits. Aucun des maux qui minent le Congo n’a été oublié. Aucun des protagonistes des tragédies imposées à ce peuple n’a été épargné. Chacun a été rappelé à ses devoirs. Y compris le clergé. Y compris les dirigeants. Mobutu, autrefois, situait la position de son pays en Afrique comme la gâchette sur un pistolet. Le successeur de Saint-Pierre, lui, assimile la RDC, pays immense et plein de vie, au « diaphragme de l'Afrique ». Entre l’oxygène que le diaphragme permet de faire circuler dans le sang et le sang que font couler les pistolets et autres armes guidés par l’insatiable avidité des prédateurs, le choix des Congolais devrait être simple.
Mais, contrairement au président Tshisekedi, il n’a pas nommément cité les méchants.
Il n’empêche ! Tous se reconnaîtront, puisqu’il a dressé le portrait de ceux qui se sont imposés au festin du sous-sol congolais, comme de ces autres qui, un temps conviés par un certain Laurent-Désiré Kabila, ont oublié de s’en aller, et ont besoin d’un environnement déstabilisé, pour perpétuer la prédation. C’est aussi à dessein qu’avec gravité, le pape désigne comme un « génocide oublié », la violence que subissent les populations de l’est du Congo.
François a tout dit, en dénonçant le colonialisme économique, tout aussi asservissant, tout particulièrement en RDC, que le colonialisme politique, puisqu’il empêche ce peuple, qu’il assimile à un « diamant précieux d’une valeur inestimable », de profiter de ses immenses ressources. Mais, ce fléau n’est pas que le fait des seuls étrangers. Aussi, a-t-il exhorté la jeunesse à se prendre en main, pour changer de destin.
EXCLUSIF SENEPLUS - Le droit est un investissement physique, économique, social, intellectuel, culturel, politique, sacré et consacré à un moment donné. Il faut le protéger, le respecter. Il pose des questions d’éthique
Pour reprendre les expressions de feu notre aîné Doudou Sine universitaire, s’adressant à Bara Diouf ou Babacar Touré, s’adressant à Vieux Savané, son collègue de Sud Magazine, Hebdo puis Quotidien.
Merci d’avoir osé poser les problèmes de fonds en matière d’institutions politiques.
De fait, le dernier article écrit par Demba Ndiaye et publié par Seneplus.com m’a poussé à reprendre la plume, car j’avais décidé de ne plus continuer à étaler mes états d’âme de citoyen sur les questions de gouvernance politique, sociale, économique, les rassemblant dans mon prochain livre à paraître courant 2023 et intitulé «Souffles et vagues», consacré au regard d’un Sénégalais sur la Covid 19, il va intégrer mes anciens textes sur les questions foncières, les enfants dans la rue, l’encombrement de nos villes, etc.
Ce qui me fait prendre la plume pour la presse écrite, c’est que la contribution de Demba sur les lois et règlements permet de revenir sur les articulations entre le passé, le présent et le futur de nos pays, mieux encore sur les articulations entre politique, société et culture.
Nous avons participé à la fête de la promotion 2018 - 2019 de l’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix (IDHP), Dakar le 16 Mars 2019 et nous y avions présenté une communication dont voici quelque extraits
« Nous mesurons à sa juste valeur l’honneur qui nous est fait par le Directeur de l’IDHP et ses collaborateurs en nous associant à la célébration de la fête de la promotion 2018-2019.
C’est aussi pour nous une opportunité de magnifier la coopération que j’ai développée avec l’IPDH d’abord dans ma fonction d’alors comme facilitateur, modérateur ombudsman à l’UCAD (de 2003 à 2011), ensuite comme professeur intervenant dans les séminaires et encadrements pour les enseignements et recherches liés aux organisations de la société civile, enfin dans le cadre de la synergie en cours pour soutenir la cause du peuple palestinien au Sénégal, en Afrique et dans le monde. Vous comprendrez donc que je sois à l’aise dans le cadre d’un partage sur le thème ; « Paix et Droits Humains ». J’ai eu souvent l’occasion de faire un plaidoyer pour le maintien et la consolidation de la vocation de l’université Cheikh Anta Diop, comme centre d’excellence et de convergence, lieu d’enseignement, de recherche, et de solidarité entre le savoir, le savoir être et le savoir-faire pour la société.
Regard sur le passé
Lors de la 32e commémoration de la disparition du professeur Cheikh Anta Diop, j’ai eu, entre autres questions soulevées), montré l’enjeu de la naissance du droit. Le prétexte a été l’occasion d’un article du professeur Théophile Obenga, publié dans les numéros 25, 26, 27 de la Revue Ankh ; il a pris une porte d’entrée constituée par la veine romaine.J’ai souligné dans mon intervention qu’il faudrait porter attention à la grecque et avant elle, à la civilisation égyptienne ; ce que notre collègue accepterait sans difficulté, étant lui-même par ailleurs helléniste et égyptologue : lui-même donne des indications qui invitent à emprunter cette voie.
Mon insistance sur les veines antérieures avaient pour objectif de revenir sur le caractère concret du droit : en grec, le débat est permis de réfléchir sur les liens entre nomos et nomós ; le chemin du pâturage et le droit ; la seule différence est l’accent sur le O, et il est heureux de constater que les Grecs ont aussi traduit le terme égyptien spt ; les divisions administratives par le terme nomós elles auraient peut-être alimenté les sebayit enseignements écrits, le droit ;enfin il est intéressant de remarquer qu’en wolof, le droit est traduit par yoon (chemin tracé).Droit de pâturage, droit de hache, droit de culture, en indiquant des acquis par des objets, des instruments qui soulèvent des questions d’enjeux, de survie. L’attention doit aussi porter sur les conditions de la promulgation orale ; (lex) en latin vient de lego, ce qu’on a proclamé, énoncé et qui sera porté ensuite par l’écrit sur du bois, de la pierre ou sur une peau d’animal ou sur une fibre végétale
Ces cheminements sont d’autant plus intéressants qu’ils éclairent aussi l’origine de la démocratie qui a été inventée pour limiter la stasis (les troubles permanents) Elle a mis fin aux pouvoirs des rois, des tyrans. J’ai souvent rappelé aux collègues, aux étudiants et aux concitoyens que le demos est le peuple recensé, c’est d’abord l’expression du droit de ceux qui avaient une gué (une terre à cultiver) et oikia (une maison habitable et habitée). Le laos (la population, le peuple qui intègre femmes et jeunes et esclaves) est plus inclusif. On peut considérer que la laïcité est plus révolutionnaire, plus subversive que la démocratie à l’origine. Certes aujourd’hui, on convient que la démocratie est une tension permanente pour plus de liberté et de justice, pour des responsabilités partagées, pour une institutionnalisation de ces dynamiques soulignées et cultivées. La démocratie a eu ses limites, ce qui a créé la voie aux républiques, mais on sait que des républiques ont généré des dictateurs, voire des empereurs
Bien entendu elle s’est enrichie et s’enrichit chaque jour de nouvelles dynamiques sociales, économiques culturelles, religieuses, spirituelles politiques, tenant compte des contextes temporels et géographiques. Ainsi, j’ai beaucoup apprécié la brochure confectionnée par la Fondation Konrad Adenauer Stifting et rédigée par le professeur Maurice Sandieck Dione sur la démocratie sénégalaise : institutions, droits et devoirs du citoyen, Dakar, 2018. Le document informe sur les dimensions historiques et culturelles, sur les principes fondamentaux de la République, les principes d’organisation de l’Etat unitaire, de l’organisation judiciaire, les institutions républicaines, les droits et les devoirs du citoyen, les recours dont il peut user pour se défendre.
Les allusions à la citoyenneté, aux enjeux économiques, sociaux, politiques (ancrage historique et culturel) méritent des développements pertinents pour la perception des articulations. En effet le droit, la démocratie et la paix ont des articulations. Le déclencheur des articulations est la reconnaissance de l’être citoyen, son droit à l’état civil, qui, comme on l’a indiqué, a une base concrète (toit, champ). De là découlent les autres exigences. C’est à juste titre qu’il est formulé dans la charte du Mandé que « Toute vie, aucune vie n’est pas plus concernée, plus respectable qu’une autre…
Sembene Ousmane a eu raison de choisir le titre : « Bouts de bois de Dieu » pour magnifier l’action salvatrice des cheminots de Dakar Niger dans le combat pour la justice sociale, économique et politique, en 1947 dans un Sénégal, une Afrique alors dominée pas les colonialistes en général, les Français en particulier
Il a repris en fait une démarche culturelle très profonde, incrustée dans la langue wolof (Bantu Maam Yalla, bindeef, bu nu tudd, ngeente). Mot à mot les bouts de bois de l’Ancêtre Dieu, qui a fait de nous un enregistré, à qui on a donné un nom avec solennité
L’acte d’énumérer est un acte vivifiant, mais en même temps, le fait d’énumérer, de compter peut-être considéré comme destructeur. On a peur d’être nommé, d’être identifié.
Superstition quand tu nous tiens !
Quid de l’État moderne ? Eh bien la protection des données personnelles est brandie par certains pour prôner une sécurisation de l’identification citoyenne
Que faire alors ?
1.Reconnaître que l’exclusion sociale civile est la pire des calamités, elle prive des opportunités éducatives, économiques, culturelles, etc.
2.Ensuite réaffirmer et soutenir le droit à la citoyenneté, de la naissance au décès.
3.Enfin accompagner ce droit dans la vie politique, économique, socioculturelle, dans la jouissance d’un cadre de vie sain et durable.
C’est la raison pour laquelle, nous devons soutenir toutes les actions menées par les organisations de la société civile, les États, les organisations internationales, le secteur privé, les organisations communautaires, les familles, pour l’exercice de ces droits effectifs et surtout la compréhension des instruments juridiques. C’est cela qui permet de cultiver la solidarité et la paix.
Sinon, on peut être toujours surpris de constater l’écart entre légalité et légitimité des institutions et associations et c’est cet écart qui explique souvent les flambées de violence dans les villes, dans les États. La dernière élection présidentielle en 2019 a été riche en renseignements, entre autres par le fort taux de participation citoyenne à plus de 60 % du corps électoral. Mais combien de citoyens et citoyennes ont pu avoir leurs cartes d’identité et d’électeur couplées ? Quelle est la configuration du corps civique au Sénégal ? Voilà des sujets qu’il faudra traiter pour renforcer la culture du droit, de la démocratie et de la paix. Combien n’ont pas jugé nécessaire d’aller voter aux dernières élections locales ou législatives ?
Pour résumer nous insistons sur les exigences des droits humains et de la démocratie : à savoir le pari sur la dignité humaine, les risques mesurés à prendre pour la transparence et la justice. Le grand spécialiste de l’histoire ancienne, Moses Finley, avait raison de souligner que la démocratie est un système politique à hauts risques. C’est le prix à payer pour la paix et le développement solidaire et durable.
On a raison de se révolter contre l’injustice, contre les lois réactionnaires et injustes, contre l’instrumentalisation de la justice
Dans cet exercice, dans ce jeu à améliorer constamment, le marquage, la traçabilité jouent un rôle nécessaire, mais pas suffisant. Il n’est pas question de fétichiser l’écrit, le philosophe Platon qui est loin d’être un révolutionnaire, dans un de ses dialogues (Phèdre), n’avait pas manqué de nous mettre en garde contre le fétichisme de l’écrit, en effet tout ce qui est écrit n’est pas vrai et pire encore, l’écrit peut appauvrir la réflexion critique. Il ne suffit pas d’écrire, il faut aussi diffuser, faire savoir dans les langues comprises par les communautés, revenir sur les conditions de l’élaboration et de l’application des lois. L’efficacité est liée à une stratégie multimédia, multilingue, multiscript.
Les États doivent évaluer périodiquement la déclaration de Barcelone sur les droits linguistiques des peuples, proclamée depuis plus de deux décennies
Transition vers le futur
Le magistrat Pape Assane Touré présentait a produit un livre publié par l’Harmattan/Sénégal sur la logistique (les techniques, les procédures pour l’élaboration des textes de lois) juste après la publication des Mélanges dédiés au Professeur Dominique Sarr, par l’Harmattan et le CREDILA de l’UCAD, sous un titre évocateur qui me ravit. En effet, son libellé « Le tracé et le sentier » renforce mes convictions. Dans le Tome 1 coordonné par les professeurs M. Badji ; A. A. Diop, P. Ngom, notre attention s’est focalisée sur la contribution du professeur André Cobanis intitulée « Le droit africain constitue-t-il une famille ? Propos du juge Kéba Mbaye ». Des développements ont permis de baliser le contexte dans lequel « les nouveaux métiers s’interrogent sur la possibilité de promotion des regroupements qui rompent avec le fractionnement dont les Européens rendus coupables, que les caractéristiques d’un éventuel droit africain sont recherchées ». (op. cit. p.122. Le professeur Cobanis magnifie la contribution d’un des pionniers à avoir mis en valeur les éléments d’unité du droit africain dans le domaine foncier. Il montre l’originalité de la démarche du juge Kéba Mbaye.
Le juge Kéba Mbaye ne se fait pas une image théorique du droit africain tel qu’il se présente dans son authenticité historique. Sa conception est fondée sur une solide culture juridique qui, malheureusement, manque à nos jours, à nombre de ceux qui réclament à juste titre un droit débarrassé de tout mimétisme, original, adapté au génie de ce continent. L’image qu’ils se font des particularismes juridiques africains, se résume trop souvent à de vagues références à la solidarité familiale comme mode de résolution des tensions sociales à la palabre comme technique de prise de décisions collectives. Les analyses de Kéba Mbaye sont d’une tout autre profondeur et beaucoup plus argumentées. Elles sont d’abord fondées sur une délimitation précise de ce qu’il entend promouvoir. Il y revient à plusieurs reprises avec des formules qui se trouvent d’un texte à l’autre, fondées sur une conception réaliste des diverses familles et des zones susceptibles de constituer un ensemble homogène. Il refuse l’idée d’un système commun dans un espace allant « d’Alger à Cape Town ». Il exclut l’extrême nord et l’extrême sud : d’une part l’Afrique du nord, l’Égypte et la Libye (sic) qui sont tournées vers le monde musulman, d’une part l’Afrique du sud qu’il considère comme trop soumise à l’influence occidentale. En revanche, il y adjoint Madagascar qui « a suivi une évolution politique, économique, sociale et culturelle en tout point semblable à celle de l’Afrique noire ». Il s’agit donc de l’Afrique subsaharienne. Il résume sa position sans s’embarrasser de circonlocution : « Le droit africain, c’est comme on l’aurait dit avec crudité (sic), le droit de l’Afrique dont les habitants ont la peau noire »
Le professeur Seydou Diouf est revenu sur le destinataire des Mélanges en l’occurrence Dominique Sarr qui avait une approche très équilibrée de l’histoire du droit. Il était lui-même avisé et pondéré dans son comportement de tous les jours, … » (op. cit p.347, l’œuvre posthume du professeur Dominique Sarr constitue un regard critique sur le fonctionnement de la justice coloniale en même temps qu’elle représente une précieuse référence en matière de droit coutumier (op. cit. p.348).
Il n’est pas exagéré de dire que le professeur Dominique Sarr était un fin connaisseur du droit coutumier africain. Il a bien démontré cette capacité dans ses travaux de recherches sur les traces de célèbres auteurs comme T. Olawale Elias, Cheikh Anta Diop, Guy A. Kouassigan et autres. Il cite abondamment des auteurs comme Burgel, J. Chabas, P. Dareste, etc. qui ont marqué l’histoire du droit coutumier africain. Le professeur Dominique Sarr a analysé et résumé les différentes caractéristiques des coutumes sénégalaises et maliennes » (op. cit. p.352).
Le professeur Seydou Diouf a donné des exemples relatifs aux successions coutumières (peul, joola), les contrats de louage de services (wolof). Sa pensée est large, ouverte et positive à l’image des enseignements qui embrassaient beaucoup de domaines.
Sa méthode historique privilégie l’étude des textes législatifs et des sources jurisprudentielles. Le professeur Dominique Sarr n’était pas seulement juriste comparativiste du droit et des institutions. L’héritage scientifique qu’il a laissé fait aussi de lui un anthropologue. Dans ce domaine, ses enseignements dispensés ont permis à de nombreuses générations d’étudiants de comprendre la dynamique du politique, les formes graduelles de passages des sociétés sans classes aux sociétés de classes, l’origine des rangs, des castes, les relations entre le pouvoir et la famille, le sacré et le profane » (op. cit. p.355)
Pour conclure
Une bonne histoire du droit suppose donc de bonnes connaissances linguistiques, philosophiques, géographiques, anthropologiques, etc.
Théophile Obenga a eu raison dans sa contribution citée au début (La doctrine du Maat, Ankh 25/26/27) de faire de longs développements sur la Maat, puissante doctrine renvoyant à la responsabilité individuelle, la pondération, la mesure, l’équilibre, la dignité, la réciprocité, la justice liée à la vérité, le bon, le beau, le parfait (op. cit. p.142).
Je nuancerai un peu l’équivalence qu’il a établie entre Maat et totalité (op. cit. p.144). Pour ce qui est du wolof, que je connais assez, bien mat renvoie à ce qui complet. Pour exprimer la totalité, on utilise le terme ñumm; et il est intéressant et prudent de noter que le terme ñepp qui est traduit abusivement par «tout le monde» indique en réalité ceux qui sont en nombre plus important (ñi ëpp). La nuance n’est pas négligeable.
C’est vrai, que le complet et la totalité peuvent être dans le même sac (dëgg en wolof signifie piétiner), et vérité dëgg gu wer péng (vérité indiscutable), mais il faut vérifier, en y mettant les pieds. Retour donc au concret qu’on peut transmettre par écrit, dans des registres, des livres.
Nous rappelions lors de l’édition 2007 de la Foire du Livre au Sénégal que le livre est concrètement et dans l’idéal, un assemblage beau et solide, cohérent de feuilles imprimées, défilé de caractères, de lettres, d’images, fruits de l’imitation, de la créativité humaine, le metcha-t-neter est un instrument, un outil divin ambivalent qui peut construire et détruire à la fois. Il permet de fixer la mémoire, skha, sh kai, ce sont les lettres, c’est l’écriture. Toute parole attribuée aux dieux, à la justice, doit être conservée, rappelée, méditée neter metut ou metut neter désigne les paroles divines, les livres sacrés. Les trois grandes religions monothéistes, avec les plus grands livres connus et diffusés (Thora, Evangiles, Coran) sont édifiés sur les fortes et fécondes articulations. Que d’étapes parcourues, pour passer de l’inscription sur les parois fixes des temples au papyrus léger et transportable et modifiable.
Ainsi a été le droit dynamique, suivant la marche du temps et les rapports de forces.
Retenons donc que le droit est un investissement physique, économique, social, intellectuel, culturel, politique, sacré et consacré à un moment donné. Il faut le protéger, le respecter. Il pose des questions d’éthique. Fouler du pied les principes du droit acquis ouvre la voie aux incertitudes.
Les Assises nationales ont été au Sénégal un grand moment pour revisiter notre commun vouloir de vie commune. La charte de bonne gouvernance qui a été produite et les recommandations de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) sont une voie que ceux et celles qui veulent une alternative pourraient emprunter.
Réew mi, li mu laaj, moo di lu bees te bax.
Par Assane Guèye
LE BOULEVARD DE LA RÉPUBLIQUE
Le boulevard de la République débouche sur la cour d’honneur. La République est le bien commun, l’intérêt général. Ainsi définie, elle est une idée généreuse et bienfaitrice. Mais point de béatitude. La réalité est plus terrible.
Le boulevard de la République débouche sur la cour d’honneur. La République est le bien commun, l’intérêt général. Ainsi définie, elle est une idée généreuse et bienfaitrice. Mais point de béatitude. La réalité est plus terrible. Le sens commun et l’intérêt général ne sont pas sur de bons rails. Ils sont ravagés par une nouvelle peste qui s’appelle le Mandat. Comme il y a 12 ans, le Sénégal pourrait faire figure de cluster ainsi qu’on disait du temps du covid. Comme en 2011, on pourrait être les dindons de la farce.
Le mandat présidentiel, indûment prolongé ou pas, est un facteur de tensions et d’anxiété. Un abcès qu’il est urgent et moral de crever. Il ne s’agit pas de s’arroger le rôle du professeur de morale mais de se poser en philosophe en méditant les paroles de Confucius : « examine si ce que tu promets est juste et possible. Car la promesse est une dette ». Les belles phrases sont truffées de naïveté. Les jolies paroles annoncent des actes qui le sont moins. Les pistes sont brouillées à desseins. C’est une forme d’habileté de donner du temps au temps pour éviter de scier la branche. Le romantisme ne trouve pas de place dans l’arène politique. Sauf que le mot Consécutifs introduit in extremis dans la constitution a rendu l’équation moins savante. Il s’agit bien d’un verrouillage.
Le garde-fou n’empêche pourtant pas les outrances des thuriféraires qui investissent à tour de bras. Le culte de l’homme fort et irremplaçable est compréhensible. L’ambition a été élevée au rang de crime de lèse-majesté. Toute tête qui essaie de dépasser est écrasée. À une encablure de l’échéance cruciale, on ne voit pas de velléités de transmettre le relai. Une sorte de fuite en avant. Le meilleur moyen de basculer dans l’opposition avec la perte des prébendes. Sans compter le risque de passer son tour chez le coiffeur avec les chasses aux sorcières.
Pas d’amalgame toutefois. Il ne faut pas mêler le nom du Président avec la haute trahison. C’est une pure démagogie. Il a mis en place des édifices de haute facture. Il est bâtisseur d’une ville nouvelle. Même s’il faut s’interroger sur la réalité cachée autour des infrastructures. Les perles se voient sur le collier. Comme s’accumulent les erreurs.
Tous les actes posés semblent paradoxalement le renforcer. Les micros-trottoirs des journalistes au sujet de Ousmane Sonko font souvent écho de procès en sorcellerie le visant. Le sentiment qu’on le persécute se diffuse dans la société. Il tire en partie sa popularité des bévues du camp d’en face même s’il prête lui-même beaucoup le flanc.
Les jours défilent comme des mannequins. Sur la prochaine élection, il y a un manque total de visibilité et de lisibilité. On tourne en rond. Prenons l’exemple de Khalifa Sall dont la situation n’est pas clarifiée. Il a entrepris une tournée qu’on peut aussi qualifier de tourisme. S’agissant de Karim Wade, son exil forcé s’est transformé en un cœur en exil. Les absents ont toujours tort. Un autre cas édifiant, c’est Aminata Touré dont l’éviction comporte une part de misogynie doit s’employer à briser sa solitude politique.
Les candidats déclarés affluent. Chacun veut être président pour ensuite se laisser perdre dans l’immensité de l’Etat. L’étape du débat, des propositions de nouveaux concepts sera brûlée au profit du pugilat. « Ôte-toi que je m’y mette. Je ne l’accepterai pas ». Le Président Senghor qui l’a dit n’entendait pas que l’aventure remplaçât la culture. Oui, le Sénégal manque de leaders cultivés. C’est un grave recul. Au point de confondre le boulevard de la République avec le théâtre de boulevard.
Par Pape Sadio THIAM
LA FRANCE, OUSMANE SONKO ET NOUS
Plus qu’une simple ingérence de la France dans l’affaire Ousmane Sonko, au Sénégal, c’est donc à une activité subversive classique que s’adonne le pays de Marianne, avec la complicité de la bourgeoisie franco-africaine qui prend en otage nos pays.
Plus qu’une simple ingérence de la France dans l’Affaire Ousmane Sonko, au Sénégal, c’est donc à une activité subversive classique que s’adonne le pays de Marianne, avec la complicité de la bourgeoisie franco-africaine qui prend en otage nos pays. Ce qui inquiète sans doute le plus l’alliance anti Sonko, c’est que ce discours « décolonisateur » fait des émules et trouve son écho dans les initiatives parallèles des congénères du leader de Pastef, comme Kémi Séba, Cabral Libi, Charles Blé-Goudé, les militaires au Mali et en Guinée, Banda Kani, les leaders de mouvements citoyens comme Y en a marre, Balai citoyen, Filimbi, Lucha, etc.
Des opposants ostracisés voire écrasés par les régimes fantoches mis en place et soutenus par les services secrets des pays occidentaux, une presse internationale qui travaille à aliéner les élites africaines par la diffusion d’informations truquées, des systèmes éducatifs sciemment extravertis dans le but de maintenir des générations entières dans le mythe de la toute-puissance immaculée de la France. Devenu culturel et psychologique, l’impérialisme occidental, principalement celui français, a pénétré tous les compartiments de la société. Dans les mentalités, dans les discours et dans les institutions politiques et économiques, la présence de l’ancienne métropole dans la démocratie sénégalais relève du constat.
S’attaquer à un système aussi robustement ancré sous la terre, dans les eaux et même dans les esprits ne peut pas être une tâche facile et sans risque. Les intérêts étrangers sont tellement entremêlés aux intérêts d’une certaine bourgeoisie politico-affairiste que la résistance sera forcément multipolaire. Etre sur plusieurs fronts face à des adversaires nombreux et parfois très mystérieux : tel a été, tel est et tel sera probablement le sort de tout révolutionnaire panafricaniste comme Ousmane Sonko
Ce discours et les initiatives qu’elle inspire sur le terrain des luttes politiques sont d’autant plus redoutés par la France et les satrapies africaines qu’il a lieu à un moment où s’accentuent les rivalités de puissance dans le contexte de la « nouvelle ruée vers l’Afrique ». D’autant plus que, précisément, pour Ousmane Sonko le contexte géostratégique mondial ainsi que l’irruption partout en Afrique et dans la diaspora d’une mobilisation citoyenne pour l’« achèvement de la décolonisation », sont des atouts majeurs que la nouvelle génération ne devrait pas vendanger
En faisant de l’exploitation économique et de la marginalisation de l’Afrique son cheval de bataille, Ousmane Sonko a peut-être exhumé un combat que menaient les pères de l’indépendance et des mouvements de libération des années 70. Ce que ces derniers ont fait avec moins de moyens modernes et de « soldats » de l’esprit, il est en train de le faire avec apparemment plus de rigueur dans le domaine de la communication et de la mobilisation.
Ousmane Sonko devenu à tort ou à raison le symbole de la lutte contre l’impérialisme au Sénégal et même en Afrique. Les thèses souverainistes que défendait Cheikh Anta Diop, les efforts politiques de Kwamé Nkrumah, la passion juvénile de Thomas Sankara, etc. que les jeunes ont entendues ou lues de façon distante voire superficielles sont enfin vulgarisées à travers des projets politiques portés par des partis politiques légalement constitués et qui ambitionnent une conquête démocratique du pouvoir.
L’analyste politique français Emmanuel Desfourneaux a proposé une analyse de la gestion électorale d’Ousmane Sonko par le régime de Macky Sall ; dans sa lecture il avance également l’argument d’une « ingérence de la France », mais en réalité il évoque bien plus qu’une simple ingérence. Selon Desfourneaux, depuis la démonstration de force du parti d’Ousmane Sonko du 17 mars 2021, en France on n’est plus certain de pouvoir compter sur Macky Sall face au cas d’Ousmane Sonko. Or Macky Sall a toujours été la « pièce maitresse » de la stratégie d’Emmanuel Macron en Afrique.
Il suffit de regarder la ferveur populaire qui accompagne les sorties du leader du Pastef pour mesurer la force de frappe d’une idée bien assimilées par des milliers de personnes qui s’y reconnaissent. Les hommes convaincus d’une cause ou d’une idée deviennent eux-mêmes les outils de cette idée et sont prêts à lui servir de levier et, s’il le faut de combustible. Si les leaders panafricanistes n’ont pratiquement pas réussi à accomplir leur mission, c’est en partie parce qu’ils n’avaient pas ce bras musclé qu’est une jeunesse ivre de foi et d’espoir.
Une analyse approfondie des stratégies du régime, des déclarations de ses plus hautes autorités, de l’attitude des grandes puissances et des organisations internationales, des hauts responsables politiques du parti et de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakar, ainsi que des profils de ces acteurs permet de conclure sans difficulté que le pouvoir a pris la résolution ferme d’empêcher Ousmane Sonko de participer à une autre élection par tousles moyens
À titre d’exemple, on peut s’interroger sur les incessantes vindictes acharnées contre Sonko par les membres et alliés au régime de Macky Sall qui s’emploient tous les jours, entre panique et excès de délires paranoïaques, à diaboliser Ousmane Sonko, à lui prêter des intentions apocalyptiques, allant jusqu’à le relier à des attentats terroristes qui se prépareraient, le qualifier de « salafiste », comme si c’était illégal, de « jihadiste », de « rebelle », de « fasciste », de « nazi », à menacer sa famille, ses proches et ses collaborateurs, à harceler judiciairement et physiquement tousses alliés de l’opposition, à user de la force illégale au moyen du braconnage juridique, et récemment à le menacer publiquement de mort,sans que les auteurs de ces faits soient inquiétés.
Par Pape Touty Makhtar SOW, A feu Khasset Cissokho
UN SERVITEUR INLASSABLE DE LA CAUSE DU PEUPLE
Khasset Cissokho est parti à la maison le jeudi 26 janvier 2023. Il y a rejoint son père feu Seydou Cissokho, figure emblématique de la gauche sénégalaise, secrétaire général du PIT (ex PAI), parti précurseur de l’indépendance nationale du Sénégal
Khasset Cissokho est parti à la maison le jeudi 26 janvier 2023. Il y a rejoint son père feu Seydou Cissokho, figure emblématique de la gauche sénégalaise, secrétaire général du PIT (ex PAI), parti précurseur de l’indépendance nationale du Sénégal.
Au Panthéon des illustres disparus de la cause révolutionnaire patriotique et démocratique, il trouvera d’éminentes figures de And Jëf/Xarebi avec lesquelles il a cheminé durant ses presque 50 ans de militantisme politique.
Après quelques années d’activisme dans le mouvement scolaire et dans les cercles marxistes-léninistes au lycée El Haj Malick Sy de Thiès, Khasset, sportif talentueux, intègre en 1976 l’organisation And Jëf/Xarebi, d’obédience maoïste. Une organisation qui était en pleine reconstruction, après la grande crise consécutive à la vive répression subie en décembre 1974 et en juin 1975. Il fallait faire montre de courage et d’esprit de sacrifices pour son pays pour courir le gros risque, dans ce contexte de la clandestinité, d’adhérer à AJ/Xarebi.
Justement Khasset Cissokho a fait partie des militants courageux, déterminés à surmonter ces moments critiques de la vie de l’organisation AJ et à assurer sa réédification aux plans idéologique, politique et structurelle. C’est ainsi qu’il a choisi de contribuer à la stratégie de formation du bloc ouvrier-paysan : la jonction entre le mouvement des cheminots de la ligne Dakar-Thiès-Bamako, ligne de conquête coloniale et de résistance patriotique et les luttes paysannes dans la zone rurale du Sénégal oriental.
C’est dans cette région particulièrement délaissée par le régime de Senghor, dans la continuité des politiques coloniales, qu’il s’installa, en qualité de révolutionnaire professionnel. Avec d’autres camarades venus s’établir, ils investissaient la campagne, s’attachaient aux émigrés de retour d’Europe, animaient le mouvement syndical, associatif, sportif et culturel et intervenaient activement dans les projets à caractère agricole et dans les organisations non gouvernementales. Cette implantation, conduite par des camarades résolus, dévoués et désintéressés, a permis à AJ/Xarebi de conquérir, dans la clandestinité, des bastions qui serviront de solides bases politiques, dans la période de l’ouverture démocratique et de participation au jeu électoral. Cet enracinement populaire a été rendu possible par la pratique de la ligne de masse fondée sur l’enquête-recherche-organisation (ERO), visant l’auto-organisation, l’aulo-développement et l’auto-défense des masses populaires.
Cadre révolutionnaire local, Khasset s’est hissé, au début des années 80, au niveau des instances de direction nationale de AJ/Xarebi grâce à ses capacités d’organisateur rigoureux et son intérêt remarqué pour les questions idéologiques. Militant de l’ombre, discret, effacé et efficace, il apportait une réflexion originale nourrie de profonde humanité. Pour lui, les valeurs humaines sont déterminantes en tout. Dans une note d’hommage, un camarade a rapporté que Khasset, dans la case où il habitait sise dans un quartier de la périphérie de Tambacounda, postait sur une planche au-dessus de sa table de travail : « dis-moi quel cadre local tu as, je te dirai quelle organisation locale tu es ».
D’ailleurs, Khasset avait fait du concept d’humanitude un leitmotiv et une base de relecture revifiante de la doctrine organisationnelle marxiste-léniniste « avec les apports de l’astrologie et de la 2 caractérologie ». Penseur, à l’instar d’Edgar Morin, de concepts d’une extrême complexité, il pouvait également faire montre d’ouverture et de tolérance, prônant en tout moment le consensus et l’unité, après l’expression vive des contradictions. Ces qualités ouvraient à Khasset les portes du dialogue avec tous les courants de la gauche et de fidélité à ses amitiés d’hier et d’aujourd’hui. Dans la vie personnelle, aîné d’une fratrie de deux garçons et de quatre filles, il a su comme un funambule rétablir les équilibres et maintenir la cohésion familiale. Il était d’une grande douceur qui pouvait même friser la timidité.
Son fils Seydou nous confiait….
Son fils Seydou nous confiait : « je ne me souviens que papa m’ait fait une fois une remontrance, ni à moi, ni à ma sœur ni à ma maman et pourtant nous n’étions pas exempts de reproche. » Khasset était un militant déclaré de la cause des femmes. Une grande sensibilité pour le genre féminin, qu’il cherchait à honorer jusqu’à l’extrême naïveté. Il avait délibérément choisi le parti des femmes. Il a été sûrement marqué par l’image d’une grand-mère tutélaire et celle d’une maman affectueuse en l’absence d’un père, toujours au front, appelé par le devoir de militant politique professionnel. Khasset avait un goût prononcé pour la lecture et disposait d’une bibliothèque variée, portant sur les sciences humaines, les sciences de la nature, la technologie.
Brillant élève de série scientifique au lycée, il reprit en Russie, durant la pause sabbatique de son parcours de révolutionnaire professionnel, des études approfondies dans le domaine des biotechnologies. Ce diplôme ne lui servit pas à dérouler une carrière professionnelle, hormis un contrat que nous lui avons négocié avec l’IFAN pour servir au laboratoire de biologie marine. Le projet auquel il tenait plus que tout, c’était d’accoucher un livre de bilan et d’hommage, une sorte d’anthologie des militants de la gauche. Il a mené ce processus d’élaboration et de publication d’un ouvrage, parallèlement à son activité militante dans Yoonu Asakan wI (YAW), issue de la crise de AJ/PADS en 2007, dont il fut un des membres fondateurs.
Deux sources de motivation qui lui ont permis de supporter les affres de la quotidienneté d’un ancien révolutionnaire professionnel d’une organisation éclatée et qui ne dispose plus d’intendance pour gérer collectivement ses militants en difficulté matérielle. C’est alors le retour dans le sein familial avec des amis restés fidèles, devenus des frères de cœur. Permettez-moi de partager avec vous quelques extraits de la présentation de l’ouvrage. « Hommage révolutionnaire et citoyen aux luttes politiques de la classe ouvrière et sa gauche organique », Khasset Cissokho, nov. 2015, Edition Njelbeen, que j’avais en charge, par amitié, d’exposer lors de la cérémonie de dédicaces, traversée par de fortes émotions, tenue en mars 2016 au West African Research Center (WARC) à Fann. « En effet, c’est avec une grande générosité que Khasset assume, dans cette publication, sa part de devoir de mémoire. C’est avec engagement et perspicacité qu’il cherche à découvrir : des camarades oubliés à tort tels Samba N’Diaye, sociologue, ou récemment commémoré comme Oumar Diop Blondin, esprit révolutionnaire précoce très tôt assassiné par le pouvoir néocolonial. Samba Ndiaye, un des premiers intellectuels dissidents du PAI aux plans idéologique et politique. Avec Hady Ndir, Wahab Diéne, Marianne d’Enerneville, Ismaila 3 Diakhate et Sam Diallo, entre autres, ils lancent l’initiative du Parti Communiste Sénégalais (PCS), comme premier embryon d’organisation maoïste au Sénégal. Khasset ne s’en limite pas là.
Elargissement du cercle de la nouvelle gauche
Il élargit le cercle aux militants de la nouvelle gauche maoïste : Amady Barro, Adama Seye, Kader Gueye, Laye Mbaye, Alioune Séne, figure remarquable du Mouvement ouvrier et syndical (MOS) de la Régie des chemins de fer, et aussi Ndongo Diagne et Moussa Diop Jileen qui auront marqué la période du M.B.C.R. de AJ/Xarebi dans la clandestinité. J’ajoute, à mon tour, quelques noms pour que la mémoire ne les efface : Jewel Daff, Alfousseyni Cisse, Abdou Salam Kane « Billy », Mamadou Seye cadre à Nestlé, et rendre hommage au premier artisan de la reprographie clandestine de AJ/RR/XAREBI Alioune Ndiaye dit « Lune ».
Pour Khasset, le devoir de mémoire est un impératif humaniste : « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. » Par cet acte, il a voulu honorer des hommes et des femmes qu’il a connus directement ou indirectement ; des gens qui représentent à ses yeux la citoyenneté, l’engagement au service des autres, l’altruisme. Des anonymes disparus sont loués parce que pour lui « tous les êtres humains sont mortels et chaque mort a sa valeur. Chacune des vies a servi à quelque chose de durable et pourtant peu visible »
En effet, la mort témoigne sûrement de la fragilité de l’homme, la finitude de son vécu. Elle témoigne aussi de la puissance de l’homme qui a posé des actes louables, des actions qui finissent par s’inscrire dans la durée ici-bas et même, disons, dans l’éternité. Sa grande générosité lui a également ouvert la mémoire pour évoquer des citoyens de son quartier d’enfance, des condisciples du lycée E.M. Sy, des membres de sa propre famille dans la vivante ville ouvrière de Thiés. Les sources nourricières et les foyers de formation et d’édification du caractère de ce groupe de jeunes thiéssois nommés 76ards (soixante-seizards s dont il se réclamait fièrement Vs soixante-huitard) sont passés en revue. Tout s’y mêle : les acteurs sportifs (foot-balleurs), les cercles de lecteurs (des aventures de Blek le rock), les artistes en herbes et les apprentis musiciens (musique afro latino-américaine). Pour Khasset, la prégnance du celbé, initiateur de rite de passage, dépasse le moment de la circoncision. Son rôle initiateur et poétique couvre toute l’adolescence.
A l’action de mûrisseur de fruits précoces des celbé, s’ajoute la tendresse protectrice de l’irremplaçable grand-mère, feue Moussou Makhan Sakaliba « Nâ ». Nous avons personnellement pu mesurer l’attachement de Khasset à cette grande dame. Symboliquement, elle a été une source d’inspiration et un lien dans l’effort de construction théorique et organisationnelle prolétarienne, fondé sur l’axe ferroviaire du « train express » avec le Mali, via Tambacounda. Le chapitre 3 de l’ouvrage de Khasset nous renseigne sur l’image du père présent absent. Un dirigeant révolutionnaire, signataire du Manifeste de 57 du Parti Africain de l’Indépendance (PAI), devenu Parti pour l’Indépendance et le Travail (PIT).
Seydou Cissokho, un père marqueur, souvent appelé par le devoir militant, mais dont les présences, même ombragées, 4 éclairent sur le patrimoine familial et politique du clan Cissokho dont Khasset a été un digne héritier. Je concluais la présentation en ces termes : « Cet ouvrage est pour l’auteur, un défi physique, intellectuel et moral à lui-même, une interpellation de sa famille politique et organisationnelle, une arme de reconstitution de la famille biologique, un legs d’amour à ses enfants Inâ, Seydou, Bouba, Ass, Souleymane...
Une ode à ses amis ; et surtout et avant tout, un acte de délivrance personnelle. Une renaissance empreinte de violence sacrificielle, bref un acte de catharsis ! » Enfin, je peux témoigner qu’il a loué avec ferveur le Seigneur de lui avoir fait la faveur de pouvoir conduire à terme cette œuvre libératrice de son âme qui l'a réconcilié avec lui-même et avec sa fitra, avant que l’indésirable invitée, la maladie, ne vienne parasiter son corps.
par Mohamed Lamine Ly
SURMONTER LA CRISE DE LA MUTUALITÉ PAR LE DIALOGUE
Pour sortir le mouvement mutualiste de l’ornière, des spécialistes de plus en plus nombreux préconisent de rendre aux mutuelles leur autonomie et leur liberté d’action et de tirer les leçons de l’échec de l’adhésion volontaire
À la fin du mois de janvier, une note de service de l’ANACMU destinée à ses chefs de service régionaux avec ampliation aux autorités administratives et aux PCA d’unions régionales et départementales des mutuelles de santé faisait état d’un changement d’orientation dans l’octroi de subventions aux mutuelles de santé. En résumé, il s’agit de la suppression des 3 500F alloués à chaque bénéficiaire enrôlé et qui constituait la pierre angulaire du programme. Ce montant, quoique modique, n’a vraiment jamais pu être régulièrement versé par les finances publiques et était incriminé dans la faible attractivité des paquets de prestations offerts, induisant à son tour, un faible taux de pénétration. Pour ce qui est des bénéficiaires des bourses de sécurité familiale et de la carte d’égalité des chances, leur prise en charge devra désormais se faire par l’intermédiaire de l’ANACMU, par l’achat de prestations directement au niveau des structures de santé. Face à la vigoureuse réaction des organisations mutualistes, les explications laborieuses du directeur de l’ANACMU ne nous permettent pas encore d’y voir tout à fait clair. Toujours est-il que nous nous trouvons en face de l’éclatement d’une crise de la CMU, telle qu’elle a été conceptualisée par l’actuel régime, crise qui couvait depuis plusieurs années, qui trouve ses racines dans le déficit de financement mais surtout le refus conscient ou non, d’octroyer au mouvement mutualiste son autonomie pleine et entière.
Selon un économiste de la Santé réputé, très au fait de l’évolution du mouvement mutualiste sénégalais, la crise actuelle résulte d’une grosse maladresse de l’ANACMU, qui ne devrait pas avoir pour vocation de se substituer aux mutuelles de santé communautaires mais devrait se limiter à son rôle d’accompagnement et d’encadrement.
Il faut rappeler, que ces mutuelles communautaires dites mutuelles au premier franc ont prioritairement pour cibles, les acteurs du secteur informel et du secteur rural. Ces derniers ne sont pas éligibles aux régimes obligatoires d’assurance-maladie, mieux élaborés, destinés aux travailleurs du secteur moderne de l’économie, salariés et donc théoriquement mieux lotis, bénéficiant, soit d’imputations budgétaires pour les fonctionnaires ou de lettres de garantie pour les salariés du secteur privé.
Il est vrai, que dans le cadre de la mise en place de ces mutuelles, les pouvoirs publics de notre pays ont toujours privilégié, depuis le lancement de la CMU en septembre 2013, l’approche top-down, consistant à mettre sur pied des mutuelles de santé, non pas à partir de matrices communautaires, mais en s’appuyant sur les autorités administratives et territoriales.
Il en a résulté le fait que plusieurs étapes ont été brûlées, notamment l’information, la sensibilisation et le diagnostic communautaire sans oublier la mise en place de comités d’initiative et les études de faisabilité,
De plus, les professionnels de santé n’ont pas été suffisamment impliqués, dès l’entame, ce qui a impacté sur le partenariat avec les structures de soins. C’est ainsi que de grandes difficultés sont apparues dans la collaboration entre mutualistes d’un côté et acteurs sanitaires, de l’autre, qu’on pensait pouvoir régler en procédant judicieusement à la séparation entre les fonctions de vendeur de prestations dévolu au ministère de la Santé et de l’action sociale et celle d’acheteur attribué au ministère en charge du Développement communautaire. On pensait, ainsi, améliorer le processus de facturation des prestations, qui avait pâti de la confusion des rôles, dans un contexte où le contrôle médical était embryonnaire voire inexistant et où l’État central, n’ayant pas toujours les moyens financiers de ses ambitions, cherchait des boucs émissaires pour les retards de décaissement des fonds destinés aussi bien aux structures de santé qu’aux organisations mutualistes.
Par ailleurs, dans la mise en œuvre de la couverture sanitaire universelle, les préoccupations clientélistes et politiciennes se manifestant notamment, par des initiatives de gratuité populistes et inconsidérées ont souvent primé sur les nobles objectifs d’humanisme, de solidarité et d’entraide. Elles ont ainsi contribué à plomber l’approche volontariste de promotion des mutuelles de santé́ dans la perspective d’une couverture universelle de l’ensemble de sa population.
Les critères techniques ayant trait à la vérification des conditions préalables à la mise en place ont souvent été relégués à l’arrière-plan. Il s’agit, notamment de l’existence de difficultés réelles de financement des soins par les populations et aussi de liens de solidarité ou de traditions d’entraide entre les futurs membres, de la disponibilité́ d’une offre de soins de qualité́ minimale couplée à la présence d’une capacité́ contributive minimum. C’est l’inexistence de ces facteurs requis qui explique que la grande majorité des mutuelles a fini par se retrouver dans une impasse. Les solutions préconisées, ressemblant à s’y méprendre à un cautère sur une jambe de bois, tournaient autour de la création de bureaux CMU dans les structures de santé et/ou de la départementalisation du mouvement mutualiste.
Quant aux collectivités territoriales, elles se sont certes investies (hébergement, enrôlement de certaines catégories de la population...), mais elles ont failli dans l’initiation d’actions en faveur du développement du mouvement mutualiste dans la plupart de leurs territoires respectifs. De plus, elles ont, souvent réussi à instrumentaliser les organisations mutualistes, en les caporalisant (comme c’est fréquemment le cas avec les comités de développement sanitaire), au lieu de respecter leur autonomie.
De la même façon, le leadership du mouvement mutualiste a pu être parasité par des acteurs issus d’autres milieux (associatif, sportif ou politique), pas toujours imbus des principes de base du mouvement mutualiste (solidarité, participation démocratique, autonomie et liberté…)
Tout cela s’est traduit par une absence d’appropriation par les communautés de base de la dynamique mutualiste, ce qui constitue une sorte de péché originel, dont la crise actuelle semble découler.
Pour sortir le mouvement mutualiste de l’ornière, des spécialistes de plus en plus nombreux préconisent de rendre aux mutuelles leur autonomie et leur liberté d’action et de tirer les leçons de l’échec de l’adhésion volontaire, en la rendant obligatoire, grâce à des financements plus conséquents.
Dr Mohamed Lamine Ly est médecin spécialisé en santé publique, Secrétaire général de la COSAS.
BA Maymouna.
INTERVIEW DU DR FARBA LAMINE SALL PAR MAYMOUNA BÂ, CHERCHEUSE AU CREPOS, DAKAR, 2014
Couverture médicale universelle : « les conditions de succès passent par l’adhésion obligatoire à un régime d’assurance-maladie et le ciblage des bénéficiaires des politiques de gratuité »
Coalition pour la Santé et l’Action sociale (COSAS)
À TRAVERS LES CHEMINS SINUEUX VERS LA COUVERTURE SANITAIRE UNIVERSELLE ; 2 Avril 2018
LY Mohamed Lamine,
QUELS PREALABLES POUR LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE AU SENEGAL?; 8 Novembre 2012
LY Mohamed Lamine,
LES INITIATIVES DE GRATUITE RISQUENT DE PLOMBER LA CMU. ; 3 Février 2014
LY Mohamed Lamine,
COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE: MYTHE OU RÉALITÉ ?; 26 Novembre 2016
PAR Mary Teuw Niane
LA RENCONTRE AVEC LE MONDE PARALLÈLE
Nos grands-parents aimaient nous dire que le bruit des voitures, la lumière des lampes électriques poussaient nos voisins du monde parallèle à déménager, à s’éloigner de nous emportant avec eux toute la baraka attachée au terroir.
Jommi naa, mi fosaa ma,
La rencontre avec le monde parallèle
Le monde parallèle existe-t-il toujours ?
Nos grands-parents, vos arrières grands-parents aimaient nous dire que le bruit des voitures, la lumière des lampes électriques poussaient nos voisins du monde parallèle à déménager, à s’éloigner de nous, emportant avec eux toute la baraka attachée au terroir.
De plus en plus, je me demande si le monde parallèle ne s’est pas mué en monde virtuel nous accablant de ces malédictions.
Le monde parallèle dans lequel nous vivions lorsque nous étions gamins s’est petit à petit évanoui.
En fait, j’ai du mal à comprendre comment, en quelques décennies, on a oublié les peurs ancestrales de marcher au crépuscule, à l’aube et à midi.
Où sont passés les monstres affreux indescriptibles qui peuplaient nos savanes, qui pouvaient surgir au détour d’un sentier.
Toutes nos communautés avaient-elles des hallucinations invraisemblables ?
Je me souviens des femmes et des hommes qui devinrent des malades mentaux. Les parents nous expliquaient qu’ils avaient rencontré un djinné méchant. Une personne était devenue subitement muette parce qu’elle s’était mise imprudemment en face d’un phénomène surnaturel qu’elle ne devait jamais raconter aux êtres humains. Et ce garçon devenu brutalement aveugle pour avoir regardé dans le ciel la pléiade, la nuit de sa première apparition, ses yeux fermés à jamais ne verront plus cette constellation les pétales déployées.
Le monde parallèle était très apparent dans Saint Louis et ses environs. Où sont passés ces tonneaux qui roulaient dans les rues du côté de l’hôpital de Saint Louis qui imposaient au malheureux passant : « monte ou je monte ». Et cette Voie Jaune, Hoolol, qui sortait de Mbarigo, traversait l’actuel emplacement de l’Université Gaston Berger et se jetait dans la rivière le Djeuss. Cette terrible voie immatérielle était tellement crainte que peu de personnes osaient en parler. Il paraît que le voyageur imprudent qui l’empruntait pouvait rencontrer des êtres mi hommes mi animaux. Dans tous les cas aucun voyageur qui emprunta Hoolol n’eut l’esprit lucide pour raconter ce qu’il vit là-bas.
Ce monde parallèle ne peut pas s’évanouir définitivement.
Les êtres maléfiques qui le peuplaient, invisibles, se sont-ils glissés dans notre espace public ?
Ne sont-ils pas les causes surnaturelles de cet autoritarisme, de cette violence et de ce machiavélisme de notre espace politique ?
Où est passé le monde parallèle ?
N’était-il pas simplement le fruit de nos ignorances que la connaissance a dissipé ?
par Abdourahmane Sarr
BOUBACAR CAMARA, PRÉSIDENT OU PREMIER MINISTRE ?
Boubacar Camara pourrait être le Premier ministre de ce président qui gagnerait et s’occuperait de « mettre de l’ordre » pour nous en mettant en œuvre les réformes administratives contenues dans son livre
C’est avec plaisir que nous nous sommes attelés à la lecture attentive du livre de Boubacar Camara « Construire le Sénégal du Futur ». Nous nous étions promis de lui consacrer un article du fait de notre perception de la sincérité de son auteur dans son engagement pour le Sénégal et également pour contribuer à attirer l’attention sur son importance. Son livre est effectivement paru en même temps que celui de Cheikh Yerim Seck « Macky Sall face à l’histoire » qui l’a éclipsé puisque traitant du sujet favori des Sénégalais, les intrigues politiques.
Suite à la lecture du livre, nous sommes arrivés à la conclusion que le dernier chapitre devait être le premier et la vision définie au début du livre reformulée ainsi qui suit pour être plus exacte : Un Sénégal associé à ses proches voisins dans un État fédéral libre, développé, et bien géré dans la solidarité à travers l’industrialisation financée par le troc de ressources naturelles en échange des investissements nécessaires. Nous aurions ensuite titré le livre : « Le Sénégal Leader dans une Afrique Nouvelle ».
De ce fait, au-delà de la bonne gouvernance et de la solidarité, la thèse principale de Boubacar Camara se trouve dans sa stratégie de financement par le troc de ressources naturelles qu’auraient les états fédérés et à défaut de cet état à court terme, le Sénégal qui changerait de cap. Nous disions dans des contributions précédentes que l’alternance au pouvoir dans un pays pouvait se justifier par trois facteurs : 1) Une mauvaise allocation des ressources budgétaires 2) Une gestion peu efficiente, efficace, et éthique des affaires publiques 3) une mauvaise stratégie de création de richesses, ou les trois à la fois. Pour nous, le problème principal du Sénégal se trouve dans notre stratégie de création de richesse car dans le contexte d’une grande pauvreté, une mauvaise allocation de ressources insuffisantes, le manque d’éthique et d’efficacité d’un état centralisé source de convoitises corruptrices, et l’incapacité de financer la solidarité, sont des conséquences pour les libéraux que nous sommes. Si en revanche, on est adepte d’un État stratège à travers le budget pour la création de richesse, comme semble l’être Boubacar Camara, il est normal qu’il mette l’accent sur la nécessité d’une administration développementaliste agissant avec une éthique à toute épreuve, mais surtout capable de financer sa vision. Engagé dans ce dernier paradigme et conscient de la contrainte de financement de cet état, Boubacar Camara s'est rabattu sur les ressources naturelles à échanger pour financer ses interventions.
Cependant, dans l’argumentaire, Boubacar Camara a plus convaincu sur la gouvernance et l’éthique que sur la création de richesses. En effet, il n’est pas nécessaire d’opérer un troc de nos ressources naturelles pour financer un État stratège, car que ça soit une dette non liée cash fongible ou du troc, dans les deux cas, il s’agira d’une dette garantie par des revenus potentiels y compris de l’exploitation de ressources naturelles. Il est d’ailleurs préférable dans une stratégie d’endettement à moyen terme, de ne pas se lier les mains par le troc avec des partenaires spécifiques, car nous ne pouvons pas emprunter toute la valeur actuelle de nos ressources naturelles en une fois. Même si nous le pouvions, il ne serait pas indiqué de dépenser les ressources correspondantes car l’inflation que ça générerait, au vu des capacités de production limitées à court terme, détruirait notre économie comme c’est le cas dans les pays victimes de la maladie dite « hollandaise » riches en ressources naturelles. Il est préférable d’avoir accès aux marchés financiers (en monnaie nationale ouverts aux résidents et non-résidents ou en devises) et avoir la liberté de financer comme nous le voudrions un état développementaliste en partenariat public-privé. Ces partenariats seraient ouverts à la concurrence dans un cadre macroéconomique maitrisé sans sombrer dans la dépendance vis-à-vis de partenaires spécifiques. Cette dernière façon de faire a effectivement lié les mains de plusieurs pays africains qui ont hypothéqué leurs ressources naturelles à la Chine en échange d’infrastructures. Ces pays n’ont pas nécessairement accès aux marchés financiers internationaux pour d’autres raisons. Le Sénégal n’a pas le même problème.
Ceci dit, même avec cette problématique de financement résolue par la dette fongible plutôt que le troc, il demeure qu’un état stratège financé du fait de sa solvabilité découlant de sa richesse en ressources naturelles bien exploitées, devra être efficace, efficient, et éthique dans sa gestion. De ce dernier point de vue, Boubacar Camara a convaincu.
Que Boubacar Camara nous ait plus convaincu dans le registre du management que du leadership n’est pas étonnant au vu de son parcours professionnel d’Inspecteur d’État. Il a fait un diagnostic de tous les secteurs et a fait des recommandations pour améliorer leur gestion, c’est la perspective d’un auditeur. Il a brillamment exposé la nécessité de séparer 15 fonctions ministérielles politiques de fonctions administratives dans 36 directions pourvues en personnel par le mérite sous le leadership de 9 secrétaires d’état également fonctionnaires. Ces secrétaires d’état seraient sous l’autorité hiérarchique d’un Premier Ministre. Ce Premier Ministre ne pourra en réalité être qu’un administratif et c’est de ce point de vue que nous avons titré notre article, Boubacar Camara, Président ou Premier Ministre. Il nous semble que Boubacar Camara a réussi une interview pour le poste de Premier Ministre et le Sénégal aurait gagné à l’avoir à ce poste pour mener une réforme de notre administration qui la purgerait de l’influence de la politique politicienne et de la corruption. Il en a la crédibilité.
Ainsi, s’il s’avère que le président de la République que nous élirons est adepte d’un État stratège, il aurait une administration efficace, efficiente, et travaillant dans l’éthique sous la direction d’un Premier ministre administratif. C’est ce que le Sénégal a eu sous Senghor (suite à la dualité sur la direction de l’exécutif avec son conflit avec Mamadou Dia) et également sous Abdou Diouf qui a eu à jouer le rôle de Premier Ministre administratif avant de supprimer le poste comme président. Sous sa présidence, les institutions de Bretton Woods ont pris le leadership et lui l’administration avec des Premiers ministres administratifs. La politisation de l’administration sous Abdoulaye Wade nécessite donc un retour à l’orthodoxie et sa restauration, et de ce point de vue, un Boubacar Camara aurait toute notre confiance au vu de la connaissance qu’il en a et qu’il a brillamment démontré dans son livre.
Il laisserait ainsi le débat du leadership se tenir sur, d’une part, la voie d’un État développementaliste pour le Sénégal, ou celui d’un État décentralisé faisant confiance à son secteur privé dans ses diversités locales à appuyer plutôt qu’à orienter dans des directions potentiellement contraignantes. Le troc de ressources naturelles pour des investissements qui pourraient hypothéquer notre avenir inutilement en est déjà un exemple. Une monnaie sénégalaise ou fédérale aux mains d’un État fédéral dirigiste ne serait également pas désirable. À l’échelle nationale, elle impliquerait un état déconcentré plutôt que décentralisé source de convoitises corruptrices, et à l’échelle fédérale, un consensus sur une stratégie de développement qui n’est pas imaginable à court terme. En effet, cet État fédéral serait nécessairement libéral à cette échelle, décentralisé et respectueux des diversités, et la gestion de sa banque centrale hors de portée de l’état développementaliste comme c’est le cas de notre banque centrale régionale. A défaut, son régime de change sera fixe pour que ses composantes nationales adeptes d’un état développementaliste soient contraintes par une discipline budgétaire. Cette contrainte de discipline étant réelle, cet état continuera à étouffer son secteur privé par la fiscalité intérieure ou douanière, et à s’endetter à son détriment.
Nous invitons Boubacar Camara à s’investir dans le chantier de la restauration de la dépolitisation de l’administration sénégalaise, son efficience, son efficacité, et sa probité en œuvrant pour l’élection d’un président de la République qui s’engagerait sur cette voie. S’il s’avère qu’il reste convaincu de la nécessité pour le Sénégal d’hypothéquer ses ressources naturelles et de poursuivre la voie d’un État développementaliste comme ce fut le cas en Asie mais sans les ressources nécessaires et une banque centrale, il pourrait soutenir un candidat avec les mêmes convictions. Les développements du livre ne s’éloignent pas des politiques de Macky Sall qu’il a jugées bonnes dans l’ensemble, et ne s’éloignent pas non plus sur beaucoup d’aspects des thèses d’Ousmane Sonko, s’ils arrivent tous les deux à identifier les secteurs à soutenir pouvant développer le Sénégal.
En revanche à certains endroits, Boubacar Camara semble jouer dans l’équilibrisme en disant que le rôle d’une administration de développement est d’accompagner la création de richesse, ce qui n’est pas la même chose que de définir la voie de création de richesse dans une approche collectiviste et irrespectueuse des individualités et du petit secteur privé non choisi. Nous le citons : « La vocation de l’administration publique est d’accompagner la création de richesse…Elle ne doit en aucun cas constituer un obstacle…ou retarder la mise en œuvre de projets. Elle ne doit ni s’abstenir de faire quand il faut agir, ni retarder ou hésiter à laisser faire, le cas échéant ». Si le « first best » c’est d’accompagner, c’est une administration libérale différente de celle qu’on appelle « Doomed to Choose » ou « Condamné à Choisir » donc développementaliste, bien qu’envisageable si nécessaire dans le « first best ». Boubacar Camara n’a donc pas clairement défini le cap à changer et comme nous le disions en introduction nous pensons que la vision du livre devrait être reformulée et clarifiée.
Dans tous les cas, il pourrait être le Premier ministre de ce président qui gagnerait et s’occuperait de « mettre de l’ordre » pour nous en mettant en œuvre les réformes administratives contenues dans son livre, y compris des institutions qui sont exactement les mêmes qu’actuellement, exceptée une vice-présidence à une femme que nous soutenons. On ferait ainsi d’une pierre deux coups. Il s’occuperait de la « raison », le management de toute la communauté nécessitant une décentralisation autonomisante et responsabilisante respectueuse des citoyennetés locales gages de liberté, et laisserait le « cœur », le leadership, à d’autres comme il en a fait la distinction concernant l’agent en position de service de l’État.
Nous concluons cette revue par dire que nous sommes en accord parfait avec Boubacar Camara sur un Revenu Minimum Garanti qui consacrerait la solidarité nationale donnant l’égalité d’opportunités et non l’égalité des résultats à tous les Sénégalais, tout en protégeant nos couches vulnérables. Son financement est un challenge. Nos amis libéraux sociaux apprécieront, car cette forme de solidarité développée dans le livre est libérale. De ce fait, l’idéologie dite « travail solidaire » proclamée dans le livre est ambiguë. Le fruit du travail libre et non collectif n’appartient en principe à aucune idéologie, mais la forme de la solidarité OUI. En bons libéraux, nous sommes pour la démocratie politique, économique, cultuelle et culturelle, et pour le progrès consensuel et la libre solidarité y compris décentralisée et contre le conservatisme excessif qui serait démocratiquement imposé. C’est l’objet de notre Offre Publique d’Adhésion (OPA) à un Sénégal de liberté, de patriotisme, et de progrès à la classe politique partisane.
Librement.
Dr. Abdourahmane Sarr est président CEFDEL/MRLD
Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
DIRE C’EST FAIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Tous les ingrédients d’un bonapartisme tropical sont exploités. Nous voici dans une situation qui déconstruit toutes nos certitudes sur l’exception démocratique sénégalaise
« Les États néo-patrimoniaux ont l’apparence de « l’État moderne », mais la confusion des intérêts privés et publics affaiblit le processus de centralisation des institutions étatiques et favorise la corruption patrimoniale par l’autorité rationnelle légale » Daniel Pei Siong Goh. Nous sommes en plein dans ce cas de figure dans le champ politique sénégalais qui est en train de toucher le fond de sa légitimité et de sa crédibilité.
Le fond, dans une ambiance de tyrannie qui ne dit pas son nom et qui expose son cortège de maux, de morts (plus d’une vingtaine) et de remords (après 11 ans au pouvoir.) La disqualification de Karim Wade, de Khalifa Sall, l’identique tentative programmée envers Sonko, l’expulsion de son poste de député d’Aminata Touré, élue depuis seulement quatre mois, en disent long sur la « patrimonialisation » du pouvoir. Le Président par ces actes confirme qu’il est la clé de voûte de toutes les institutions (Pouvoir exécutif, judiciaire et législatif) en occultant les réalités et évolutions de la sociologie politique, notamment la colère qui gronde dans tous les segments de la société sénégalaise et qui n’a jamais atteint ce niveau au moment où son mandat arrivera à son terme en 2024.
Tous les ingrédients d’un bonapartisme tropical sont ainsi utilisés et exploités : renforcement des moyens de répression, « patrimonialisation » des institutions, corruption industrielle avec le lancement pêle-mêle de grandes infrastructures bardées de commissions et de surfacturation, une classe politique semblable à une racaille, un ramassis de transhumants au gré de la verdeur du pâturage, une ambiance de guerre permanente des mots, des violences multiformes y compris à travers les réseaux sociaux où la vie privée se confond avec la vie publique.
Les éléments de langage constituent la matrice de la sociologie politique de nos pays africains avec un faible niveau d’instruction, une pauvreté exponentielle dont le corollaire est l’exclusion des couches les plus vulnérables de la société que j’appellerais les Gens d’En Bas. La guérilla verbale en cours dans le champ de bataille comme le Sénégal Arena où tous les coups sont permis y compris sous la ceinture et derrière la nuque. Comment en est-on arrivé là avec une société en déliquescence, en mode destruction massive. Avec l’avènement des réseaux sociaux et la réification des clivages idéologiques, les éléments de langage deviennent clivants au détriment des valeurs de la cohésion sociale et au profit de la déconstruction de l’élégance républicaine et du vivre ensemble.
Est-ce la fin de la démocratie cosmétique pour ne pas dire tropicale pour les besoins de la consommation internationale en vue d’une nouvelle identité pour être fréquentable par les institutions de Bretton Wood, de G8 et les agences de notation qui dictent les politiques publiques ?
Bonapartisme tropical
La question que je ne cesse de me poser, c’est véritablement la nature de nos États post-coloniaux. Nous sommes sortis de l’État colonial à l’État post-colonial mode copié-collé avec les institutions qui n’ont aucune assise sociologique et inspiration socioculturelle africaine. Quand le président lui-même déclare que c’est lui-même qui a conçu la Constitution et l’a verrouillée pour que « nul n’ait plus de deux mandats » on est où la ? comme dirait l’autre ! Est-ce que le Sénégal avec des traditions démocratiques fortes mérite cette arrogante attitude d’un président né après les indépendances ?
Les stratégies d’inféodation des leaders syndicaux, du patronat, de la société civile, des leaders religieux dans les institutions de la République (HCCT, CESE, Assemblée nationale, PCA , CSS, IPRES, comité de surveillance sous forme de cooptation), ont été consolidées pour mieux assouvir les prébendiers. Tout est sens dessous dessus. Les leviers traditionnels de la confrérie, des grands électeurs notamment dans certains corps de métiers, comme les transporteurs, le patronat, les grands quotataires de riz et de ciment et des clans ont connu une déflagration avec la poussée socio-démographique des jeunes. Les résultats des élections ne reflètent plus la sociologie politique du fait d’une fracture sociale accélérée entre la caste politique d’affairistes et financières et les gens d’en-bas qui subissent la baisse spectaculaire et pénalisante de leur pouvoir d’achat, et que frappe le manque de perspectives de développement. Plus que jamais, ils ne se reconnaissent plus à travers cet État patrimonial. Les dernières élections locales et législatives ont préfiguré la puissante force politique de l’opposition sociologique que représente YAW en s’adjugeant les bastions électoraux au plan démographique somme toute plus que symbolique. La disqualification de la liste nationale de YAW au profit des suppléants est une première dans l’histoire de la démocratie sénégalaise. Le taux d’abstention de 53% pour les législatives illustrent la cassure entre les catégories des populations et leur perception des joutes politiques.
Au-delà du verbiage sur la judiciarisation de la politique, nous voici dans une situation qui déconstruit toutes nos certitudes sur l’exception démocratique sénégalaise, et un manque d’élégance républicaine au profit des privilèges de caste.
« Complotisme » et menaces terroristes introuvables
La jeunesse que j’ai vu le 23 janvier 2023 à Keur Massar est une jeunesse décomplexée, sans perspectives, qui n’a rien à perdre et qui continuera de se mobiliser contre le système de pillage des ressources, notamment celles allouées à la lutte contre la Covid-19. Tous les signaux d’une explosion et d’un affrontement sanglant sont aujourd’hui au rouge. Est ce qu’il y aura d’élection présidentielle en 2024, avec quels candidats et dans quelles conditions ?
Le gouvernement du Sénégal a soumis et fait adopter par l’Assemblée nationale, en procédure d’urgence, le projet de loi N°10/2021 modifiant la loi N°65-60 du 21 juillet 1965 portant sur le Code pénal et le projet de loi N° 11/2021 modifiant la loi 65-61 du 21 juillet 1965 portant sur le Code de procédure pénale, le vendredi 25 juin 2021 dans des conditions difficiles avec une « bunkérisation » de Dakar par des gendarmes et des policiers puissamment armés, avec du matériel d’assaut dont on ignore la provenance après mars 2021 (Biden, Macron, Xi Jinping, Erdogan ?). C’est au nom de ces lois liberticides que des leaders politiques, des parlementaires et des activistes, des artistes et des journalistes seront arrêtés et même poursuivis et rapatriés de France, avec pour conséquence que la rue va s’embraser avec son cortège détestable de pertes de vies humaines si on n’y prend pas garde.
La gauche fossile
Après l’envahissement des Dazibao au début de la présidence 2012 avec des affiches et poster du président pour illustrer la présidentialisation de l’alternance, la gauche parapluie de BBY reprend du service au nom d’un front républicain vide de sens du point de vue de l’éthique de la République.
La “gauche“ fossilisée s’agrippe derrière le wagon de l’APR pour appeler à un front républicain pour faire barrage comme en France à ceux qu’ils appellent l’extrême droite pour justifier leurs prébendes et privilèges multiformes.
Où est le front républicain quand le régime continue de piétiner les droits et libertés individuelles pour lesquels le peuple s’est battu pendant plusieurs décennies, subissant des arrestations en cascade y compris des activistes sur les réseaux sociaux, comptant ses morts lors des manifestations avec une violente répression des forces de défense et de sécurité ?
Les menaces qui pèsent sur l’avenir du Sénégal sont très graves et personne ne doit les minimiser. Le génie sénégalais doit être mobilisé pour faire échec à cet entêtement boulimique du pouvoir et couper ses tentacules dans la société.
Au-delà des agendas électoraux se profile un mal-être généralisé des Sénégalais d’en bas qui n’ont que le cœur pour supporter cette misère intérieure tant on les pousse à perdre leur dignité et leur morale de vie pour survivre. La cohésion sociale se trouve éclaboussée avec une fracture ouverte doublée d’une hémorragie sociale de la misère généralisée dans les couches sociales dont la vulnérabilité s’est aggravée. Le temps de la raison est arrivé pour le président Macky et sa caste de politiciens de la dernière heure, de prendre de la hauteur républicaine et de l’élégance citoyenne pour ne pas entamer des actions suicidaires contre le patrimoine sénégalais qui lui a permis d’être président à l’âge de 49 ans. L’histoire chargée du Sénégal depuis les empires du Sénégal (jolof, Sine, Saloum et Fouta Toro) est plus forte que toute autre considération.
PAR Diom Wouro Bâ
ET SI ON ARRÊTAIT DE JOUER AVEC LE FEU
Arrestations intempestives, injures, appels à la violence, menaces, défiance à l’endroit des institutions, et bien d’autres fléaux – tous imbriqués les uns aux autres - sont devenus la règle dans le champ politique sénégalais.
Arrestations intempestives, injures, appels à la violence, menaces, défiance à l’endroit des institutions, et bien d’autres fléaux – tous imbriqués les uns aux autres - sont devenus la règle dans le champ politique sénégalais. La société se fracture. Le débat d’idées cède la place à une rigide animosité entre factions.
Ce tableau sombre n’est pas nouveau : la surenchère et les dérives sont indissociables de l’histoire politique du Sénégal. En revanche, ce qui inquiète, c’est la proportion sans précédent qu’a prise la perte de confiance de beaucoup de citoyens à l’égard du système judiciaire. Banaliser un tel état de fait serait une option dangereuse puisque nier l’existence d’un problème, c’est refuser de lui trouver une solution.
On ne répétera jamais assez que la manière avec laquelle le dossier Karim Wade avait été géré, les accusations à la base de l’emprisonnement de Khalifa Sall suite à sa décision d’être candidat à la présidentielle de 2019, la vague d’arrestations actuelle de membres de l’opposition et de la société civile, sont tant de facteurs qui parasitent le jeu politique en cours. D’autant plus qu’au même moment des sympathisants du camp du pouvoir, soupçonnés d’être coupables d’infractions, ne sont pas inquiétés ou bénéficient facilement de liberté provisoire. Tout au moins, ce sont là des perceptions largement partagées.
Si on ajoute à cela des signaux qui indiquent une probabilité de candidature du Président Macky Sall en 2024, on se rend compte que le ras du vase est en passe d’être dépassé. Les thèses des tenants du pouvoir pour justifier cette candidature éventuelle sont choquantes et relèvent de l’arrogance, voire du parjure, notamment lorsque l’actuel Ministre de la Justice, légisticien de la réforme constitutionnelle de 2016, s’y met. En effet, le pacte de 2016, au cœur de la campagne de Benno Bokk Yakaar pour le Oui au référendum, disait clairement que le Chef de l’Etat ne pouvait nullement être candidat en 2024 s’il était réélu en 2019. Le concerné lui-même l’a dit aussi bien en français qu’en wolof. Dès lors, chercher des subterfuges juridiques, parler de Conseil constitutionnel ou encore invoquer le souhait de la base, sont autant de justifications inacceptables.
La jeunesse sénégalaise a besoin de repères, de modèles d’intégrité morale. Elle est en droit d’attendre le bon exemple du « premier des Sénégalais ». Et est-il besoin de rappeler que l’arbitraire engendre la révolte ?
Monsieur le Président, dites fermement aux flagorneurs qui veulent vous engager dans une voie qui va salir la « page de votre histoire » que vous n’enverrez aucun dossier de candidature au Conseil constitutionnel en 2024. C’est ce que vous aviez promis aux Sénégalais en 2016. La décision est avant tout la vôtre. Nul ne devrait pouvoir vous obliger à faire ce que vous n’avez pas envie de faire, car j’ose espérer que votre engagement de 2016 était sincère. Il y va de votre crédibilité, de la quiétude du pays et du legs que vous allez laisser à la postérité.
Quant à ce qu’il est convenu d’appeler l’« Affaire Sweet Beauté », l’on comprend parfaitement la ligne de défense adoptée par Ousmane Sonko et ses partisans, en tenant compte de tout ce qui a été rappelé plus haut. Toutefois, aucune personne de bonne foi ne peut nier que seuls les deux protagonistes savent réellement ce qui s’est passé au salon de massage. Certes, si on se fie à ce que les uns et les autres ont exhibé sur la place publique, les incohérences les plus frappantes sont du côté de Adji Sarr. Mais cela est-il une raison suffisante pour exiger d’un juge d’instruction, qui en sait sans doute plus que beaucoup d’entre nous, de rendre un non-lieu ? Le Sénégal a-t-il atteint le niveau désespérant où la rue rend les verdicts ? L’histoire a montré plusieurs fois que le manque de perspicacité d’une partie prenante d’un procès a été à la base d’erreurs judiciaires. L’intime conviction de citoyens autres que le juge ne saurait ni condamner ni acquitter un justiciable, sous peine d’installer l’anarchie, au sens le plus négatif de la doctrine.
Si l’objectif de Sonko était d’alerter, en vue d’un procès équitable, il a eu raison de le faire et l’objectif a été atteint. En revanche, il créerait un précédent dangereux s’il mettait à exécution son refus de comparaître. Adji Sarr aussi a des droits. Et le juge sait désormais que l’opinion suit et attend des conclusions claires et convaincantes.
Ce dossier a déjà versé trop de sang : quatorze jeunes Sénégalais y ont laissé la vie. Et le plus choquant est que ce drame semble être rangé aux oubliettes des faits divers. On n’en parle plus ou très peu. A-t-on le droit de sacrifier d’autres enfants de ce pays – souvent issus des milieux défavorisés -, au nom du maintien ou de la conquête du pouvoir ?
Nul n’a le droit de faire basculer ce pays dans la violence.