La dernière parution de Cheikh Yerim Seck a suscité de nombreuses réactions teintées d’indignation dans le landernau journalistique et politique. La controverse se poursuit dans les réseaux sociaux sous un angle particulier, avec comme trame de fond l’accusation portée sur le leader du PASTEF, dans un contexte politique particulièrement tendu, obstrué par la sordide affaire Adji Sarr, dont le traitement juridique défie la raison et tous les fondements du droit positif et naturel. Concrètement, que nous révèle cet ouvrage ?
En l’entame de ses propos, l’auteur se tresse des lauriers sur l’effigie qu’il s’est lui-même dressé en s’arrogeant la capacité d’influer sur le cours de l’histoire sénégalaise. Rien que cela ! Avec assurance, Il nous laisse entendre qu’il nous livre le must de ce que la profession journalistique est à même de produire dans ce pays. Et, dans la phase de promotion de son ouvrage, il anticipait sur les réactions du public, qui serait forcément de nature ad personam, à défaut de pouvoir lui opposer des arguments à la hauteur de son travail « scientifique », comme si ces propos aux allures incantatoires pouvaient conjurer et museler la critique légitime de son ouvrage.
Rien que dans la partie introductive de l’ouvrage, se brosse le portrait d’un personnage suffisant, prétentieux, hâbleur, peu soucieux de cohérence, en vérité le prototype accompli de l’homosenegalensis qu’il dénonce comme une émanation du règne de Macky Sall.
Passons rapidement sur la forme de l’ouvrage qui laisse apparaitre des insuffisances notoires, un travail décousu, des propos hasardeux suffisamment relayer par la presse, en particulier par Cheikh Bara Ndiaye qu’il traite « d’analphabète » pour n’être pas allé à l’école dite française. C’est pourtant cette personne, dont le parcours devrait plutôt nous interpeller sur la valeur de notre système éducatif, qui lui fait la leçon magistrale sur la déontologie et l’éthique journalistique, qui exige au minimum d’observer le sacrosaint principe de la double-vérification de l’information. Pour quelqu’un qui prétend effleurer les cimes de l’excellence, on découvre un personnage téméraire aux propos fortement mâtinés d’esbroufes.
Aucune révélation inédite
Sur le fond de l’ouvrage, Cheikh Yerim Seck nous parle de révélations inédites, d’un travail d’investigation approfondie qui lui a permis d’amasser cette somme « impressionnante » d’informations qu’il nous livre généreusement, comme un effort consenti au nom d’un patriotisme désintéressé.
Même en scrutant à la loupe, avec toute l’attention de l’entomologiste, c’est en vain qu’on trouverait une révélation sur les sujets qu’il aborde. Tous, à l’exception de l’’accusation portée contre Sonko, ont suffisamment été traités avec un professionnalisme remarquable par la presse libre et les acteurs de la société civile, qui portent avec honneur et dignité le combat contre la mal-gouvernance encore récemment pointée du doigt par le rapport accablant de la cour des comptes, et contre les dérives autocratiques et policières d’un pouvoir à la confiance érodée.
Au contraire. Cheikh Yerim Seck s’empare des révélations déjà connues et fortement documentées, non pas pour les étayer de nouveaux éclairages, mais plutôt pour les relativiser, les édulcorer en embouchant la ritournelle gouvernementale sur les réalisations économiques de Macky Sall, avec une emphase particulière mise sur les infrastructures. La fibre sociale vantée du Président, qu’il associe à ses origines modestes, est présentée à travers une série de mesures à caractère social. Prises individuellement, toutes ces mesures n’ont pas eu d’impact significatif sur la société et leur réussite reste fort contestée. A titre d’exemple, l’instauration de la Couverture Maladie Universelle (CMU), qui devait répondre à une demande sociale pressante, n’a pas eu les effets escomptés. Outre l’insuffisance des ressources allouées, comme en atteste la dette persistante de l’Etat auprès des institutions de santé, les carences du plateau sanitaire constituent la véritable entrave à l’offre sanitaire. Les populations rurales marginalisées par les politiques discriminatoires étatiques, restent les enfants pauvres d’une mesure qui se veut pourtant universelle. Au-delà des effets d’annonces de ces mesures nécessaires, c’est le mimétisme, l’impréparation et la gestion approximative qui les caractérisent. Ces dysfonctionnements sont révélateurs de l’absence d’une vision stratégique intégrée, arrimée à un véritable sentiment patriotique, qui place les bonnes personnes à la bonne place et confère à l’action publique toute la détermination requise pour relever les défis inhérents à la conduite des reformes. Au final, comment peut-on véritablement parler de fibre sociale lorsqu’on s’accommode d’une gouvernance peu vertueuse des deniers publics, lorsqu’on promeut le népotisme et le clientélisme par essence discriminatoires, lorsqu’on se complait dans la posture de subordination, en livrant à la prédation des multinationales les ressources stratégiques nationales, toute chose qui obère les finances publiques et compromet structurellement le développement économique et social du pays.
Un livre dépourvu de révélations
De révélations, l’ouvrage en est complètement dépourvu, à l’exception de l’accusation à la fois gratuite, mensongère et inopportune portée à l’encontre de Sonko ; accusation introduite de manière sibylline, au détour d’une argumentation visant à disculper le Président Macky Sall d’être l’instigateur de la cabale montée contre le Président du PASTEF dans l’affaire Adji Sarr. C’est la seule information de l’ouvrage méconnue du grand public, comme le montrent la convergence des réactionssur ce point particulier. On reste tout de même abasourdi par l’outrecuidance de cet individu au passif outrageusement accablant qui ose évoquer une question de mœurs à l’encontre d’autrui, en l’altérant de surcroit.
La lame de fond supposée destructive de cette accusation intervient à un moment où l’acharnement judiciaire de la magistrature, inféodée au pouvoir exécutif, s’essoufflait sous le poids des évidences portées à la connaissance du public, disculpantsans ambagesle Chef de l’opposition sénégalaise. Espérait-il ainsi redonner une nouvelle vigueur à l’acharnement d’un gouvernement enlisé dans ses propres turpitudes ? Ce procédé couard d’éliminer de la compétition électorale présidentielle tout adversaire redouté, inauguré sous l’ère Macky, laisse apparaitre une psychologie assez singulière, une pathologie caractéristique des républiques bananières. La vénalité et la haine ont la caractéristique d’être aveuglantes. Elles inhibent l’intelligence et étouffent la raison. Comment Cheikh Yerim Seck a-t-il pu espérer que cette accusation grossière, montée de toute pièce, pouvait prospérer, à moins d’adhérer au principe cynique évoqué par Bacon « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », ou tout simplement d’être sous l’emprise enivrante de l’appât du gain, la rançon promise aux flibustiers.
Formé à la bonne école de Jeune Afrique, officine vénale de la françafrique, il en a hérité les méthodes et la pratique mercantile, où les hagiographies sur commande, des sections entières du journal consacrées à la propagande se monnayaient à prix d’or, au mépris de toute déontologie. On est bien loin de l’épopée de ces chevaliers de la plume, ces héros intrépides de l’information, au professionnalisme irréprochable, qui sillonnaient les maquis africains au péril de leur vie pour accompagner les mouvements des luttes d’indépendance : la ZANU au Zimbabwe, le FRELIMO au Mozambique, la SWAPO en Namibie, le MPLA en Angola, l’ANC en Afrique du Sud, le FLN en Algérie et à quelques encablures de chez nous, le PAIGC en Guinée Bissau et au Cap-Vert.
Un livre qui porte l’empreinte d’un travail commandité
En vérité, ce livre porte grossièrement l’empreinte d’un travail commandité. C’est une pièce du puzzle élaboré à dessein pour l’élimination d’un candidat encombrant. Mais en persévérant à vouloir récidiver la tentative avortée de mars 2021, Macky Sall fait courir au pays un risque majeur de déstabilisation, dont l’onde de choc n’épargnera pas sa propre personne et ses affidés. Une fois l’effet de surprise passé, ce livre aura la longévité d’un feu de paille, une existence éphémère déjà éclipsée par la sortie de Sonko du 19 janvier, qui redonne le tempo et recadre le débat sur les priorités du moment et la mobilisation nécessaire face aux échéances à venir.
Macky Sall et ses conspirateurs sont pris dans un engrenage suicidaire, une furie sans limite qui les conduira inéluctablement à la déchéance, dont les signes annonciateurs sont nombreux et palpables pour tout esprit lucide. Les regards sont aujourd’hui rivés sur les Chefs religieux qui ont joué un rôle décisif d’apaisement, au moment de l’insurrection populaire qui avait fortement ébranlé le pouvoir en mars 2021. Parallèlement aux conciliabules qui se mènent certainement en coulisse, leur intervention publique pourrait être rassurant et apaiser les esprits survoltés à la perspective d’un procès unanimement jugé comme injuste, tant les preuves, les témoignages et aveux accumulés convergent pour disculper Sonko.
Les risques d’embrasement du pays sont réels. Au sentiment d’injustice ressenti, s’ajoutent les frustrations d’une jeunesse laissée en déshérence, victime collatérale des politiques iniques gouvernementales, enlisée dans la mal-gouvernance, incapables de relever les défis du développement, malgré les nombreux atouts du pays. Les Chefs religieux tiennent leur légitimité de l’héritage légué par leurs vaillants ascendants, qui ont incarné, à un moment donné de l’histoire, le sens de l’honneur et de la dignité, dont les épopées nous sont toujours contées. L’alliance potentielle du trône et du minbar à laquelle s’attèle le pouvoir actuel porte les germes d’une profonde fracture sociale, dont les conséquences néfastes pourraient être préjudiciables au pouvoir religieux. Cheikh Ahmadou Bamba nous en conjurait lorsqu’il donna l’exemple dans ses rapports avec les souverains de l’époque ; posture consignée dans le mémorable opuscule, khalou liyarkham, dont la résonnance contemporaine nous rappelle l’attitude à observer face à un pouvoir désemparé, déployant tous azimuts sa puissance corruptrice, comme seul rempart à la dérive annoncée. Serigne Rafahi Mbacké, Imam aux prêches mémorables et salvateurs, rappelait l’actualité du message du Cheikh, qui balise les rapports entre le spirituel et le temporel.
A défaut de toute intervention dans ces moments de fortes turbulences sociales, le silence des guides religieux pourrait être compris comme une bienveillance à l’égard des autorités actuelles. Par la grâce de Dieu, le candidat Sonko, qui a suffisamment enduré les vexations d’une justice instrumentalisée, de plus en plus décrédibilisée, forcé d’avaler le calice amer de l’humiliation jusqu’à la lie, sortira grandi et vainqueur de cette confrontation. Et ce ne sont ni les rites sacrificiels des prêtes brahmanes de Delhi ou de Bombay, ni les milliers d’offrandes propitiatoires livrées aux esprits maléfiques d’ici ou d’ailleurs qui déjoueront la décision déjà écrite, jalousement consignée dans la tablette bien gardée. Le peuple sénégalais lui est déjà reconnaissant d’avoir susciter une vive espérance, non pas par la faconde d’un discours aguicheur et fallacieux, bien connu des sophistes politiciens, mais par une éthique, une praxis fondée sur une vision, un projet de transformation sociale qui s’enracine dans une tradition de refus de la soumission et de la compromission (Cheikh Anta Diop, NKwame Nkrumah, Amilcar Cabral, Thomas Sankara, etc.), mais aussi de grandeur et d’humilité, résolument tournés vers notre commun accomplissement.
Le 03 mars 2021, notre pays le Sénégal a failli basculer dans le chaos, plongé qu’il était en l’espace de quelques jours dans une rare violence dont les conséquences aux plans politique social et institutionnel continuent encore de peser lourdement sur le présent et l’avenir de notre vivre- ensemble
Pour rappel, il est important de noter que ces événements fort regrettables sont partis d’une confrontation opposant le pouvoir et une frange importante de la jeunesse soutenant le principal leader de l’opposition alors interpelé par le tribunal dans une affaire de mœurs supposée et qui s’est soldée par quatorze morts restés jusque-là non encore élucidés par la justice.
Et comme si cela ne suffisait pas, la décision malheureuse du Conseil constitutionnel invalidant la liste des titulaires de la principale coalition de l’opposition lors des élections législatives est venue accroître les facteurs de risque, de tension et de confrontation entre ces deux forces qui sont les deux pôles essentiels dans une démocratie moderne.
Cette situation a été aggravée dans la dernière période par le musèlement, l’affaissement de la démocratie et des libertés à travers l’interdiction des manifestations publiques de partis politiques ou de la société civile, des arrestations et emprisonnements tous azimuts de leaders de l’opposition, de journalistes et d’activistes sur la base de simples délits d’opinion ou de présomptions.
Aussi est-il important de noter, à cet effet, que l’ampleur et les proportions prises par la confrontation entre l’opposition et le pouvoir au sein de la nouvelle Assemblée nationale ainsi que l’entrée pour la première fois dans l’histoire du Sénégal des forces de gendarmerie au sein de cet hémicycle, constituent assurément un indicateur probant de la gravité exceptionnelle de la situation
A n’en pas douter, il est clair que, dans ces conditions, la responsabilité de l’Etat pour la sauvegarde de la paix, de la stabilité et de la cohésion nationale est entière et sans équivoque.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que ces événements se déroulent dans un contexte où les populations sont durement confrontées à d’énormes difficultés face au renchérissement sans précédent du coût de la vie, à la crise de l’emploi et à la baisse drastique de leur pouvoir d’achat.
C’est pourquoi, prenant la pleine mesure de la gravité de la situation, nos organisations.
Soucieuses de la sauvegarde de la cohésion nationale et de la stabilité de notre pays ; éprises de paix et de justice sociale :
. déplorent fortement la judiciarisation des conflits et divergences politiques ; ce qui, dans le meilleur des cas, ne peut conduire qu’à la dévalorisation et à l’affaiblissement de la justice.
. Lancent un appel pressant au président de la République pour qu’il prenne d’urgence les mesures les plus appropriées permettant d’apaiser la situation.
. Appellent les chefs religieux, les leaders d’opinions, les acteurs politiques et de la société civile à se lever et à agir sans délai pour le respect des libertés garanties par la Constitution ainsi que des valeurs et principes démocratiques qui seuls peuvent garantir une paix et une stabilité durable.
. demandent instamment à la CEDEAO, à l’UA, à l’Organisation des nations unies et à la communauté internationale de venir en aide au Sénégal par le déploiement rapide et efficace d’un dispositif de prévention et de résolution des conflits avant que la crise ne s’installe car les risques de confrontation irrémédiables entre le pouvoir et l’opposition à la suite des derniers développements judiciaires intervenus dans l’affaire ‘’Sweet beauté ‘’avec le renvoi devant la chambre criminelle du principal leader de l’opposition ont largement dépassé la côte critique d’alerte.
. lancent enfin un appel à l’opposition et à toute la classe politique pour qu’elles prennent la pleine mesure des risques qui exigent de leur part responsabilité et retenue.
Fait à Dakar le 23 janvier 2023
ONT SIGNÉ:
ENDA-GRAF/SAHEL LE FORUM SOCIAL SÉNÉGALAIS LE GRADEC (GROUPE DE RECHERCHE ET D’APPUI-CONSEIL POUR LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE ET LA BONNE GOUVERNANCE) LE RESEAU AFRICAIN POUR LE DEVELOPPEMENT INTEGRE - RADI
par Le Citoyen Apolitique Pratiquant
QUAND LE VENT TOURNE
Le Sénégal est plus vieux que l'histoire politique du président et il continuera d’exister après le départ des acteurs du moment. Aucun d’entre eux n’incarne à mes yeux la figure de l’homme providentiel
Le Citoyen Apolitique Pratiquant |
Publication 24/01/2023
Jeter l’opprobre sur Ousmane Sonko a été un pari perdu. Presque un coup d’épée dans l’eau. Non seulement cela a discrédité Macky Sall, mais il a conforté les Sénégalais dans leur idée de se dresser vent debout… Mais il faut savoir que, malgré les apparences, ce n’est pas le président Sall qui a fait Sonko. Le type est un marqueur générationnel. Il était simplement au bon endroit, au bon moment. Et, bien sûr, Macky Sall a soufflé dans ses voiles, par manque de discernement et par péché d’orgueil.
Pendant des décennies, une succession de mauvaises politiques, d’accaparement du pouvoir, de sa concentration entre les mains d’un petit nombre, de son utilisation envers et contre les intérêts du plus grand nombre (j’en passe des meilleurs) ont fini par causer le délitement de la classe politique. En conséquence, le changement radical est devenu une demande populaire. Il faut bien que quelqu’un l’incarne. « Yafi seuss moy takha fallou ». Et ce ne sera sûrement pas celui qui manifestement tente un passage en force. Plus il insistera, plus il ouvrira une voie royale et triomphante à Ousmane Sonko.
Pour ma part, je ne m’en cache pas, je ne supporte pas Ousmane Sonko, encore moins ses idées. L’attitude de ses affidés me dérange en ce sens qu’ils lui accordent un crédit sans réserve, une dévotion qui ne dit pas son nom. Au poids des arguments, ses adeptes préfèrent celui des poings, la menace et les invectives étant chez eux érigées en doctrine. Peut-être pensent-ils que «…la modération est une chose fatale. Rien ne réussit comme l’excès ».
Ousmane Sonko a une vision manichéenne du monde, une approche très candide des situations qui à l’épreuve du pouvoir (s’il est de son destin de diriger ce pays), finira fatalement par mesurer la distance qui sépare ses lubies de leur mise en exécution dans un contexte de pression (locale et mondiale). C’est cela la vérité ! Nous ne vivons pas en vase clos et nous ne pouvons pas faire fi de ce qui se déroule autour de nous.
Au Sénégal, nous ne votons pas pour un projet, nous votons contre un système. Puisqu’ainsi est la coutume qui nous a valu les alternances que nous clamons à cor et à cri, j’exhorte à choisir le moindre mal lorsque viendra l’heure de désigner notre prochain président. Ceci étant dit, actualité oblige, je ne m’identifie pas à une liste dont les représentants sont Ameth Aïdara, Assane Diouf, Dame Mbodj, Maimouna Bousso et j’en passe. Pas plus qu’à une autre où je retrouve les noms de Farba Ngom, Aliou Dembourou ou autres valets dont le seul soutien au régime se justifie par l’appartenance ethnique !
Pour terminer, je ne chercherai pas non plus d’arguments pour défendre la position du président si d’aventure il venait à jouer sur la sémantique et l’interprétation des textes pour briguer un autre mandat que le droit et la décence ne lui autorisent pas. Le Sénégal est plus vieux que son histoire politique et il continuera d’exister après le départ des acteurs du moment. Aucun d’entre eux n’incarne à mes yeux la figure de l’homme providentiel auquel leurs laudateurs veulent nous faire croire. Donc, j’observe, j’écoute et je fais le choix dont j’espère souffrir et regretter le moins !
PAR Youssou Diallo
QUI POUR AIDER OUSMANE SONKO À NE PAS S’AUTODÉTRUIRE ?
La lettre de démission de Monsieur Amadou Baidy Fall, Professeur des Universités à Paris, de Pastef, m’a poussé à interpeller certains intellectuels et hommes de bonne volonté sur leurs discours et attitudes vis à vis du leader politique de l’opposition
La lettre de démission de Monsieur Amadou Baidy Fall, Professeur des Universités à Paris, de Pastef, m’a poussé à interpeller certains intellectuels et hommes de bonne volonté sur leurs discours et attitudes vis à vis du leader politique de l’opposition, Ousmane Sonko.
Bravo au Professeur Amadou Baidy Fall qui, au moins, est un intellectuel qui a osé ouvrir les yeux à temps et a fait preuve de courage politique et d’honnêteté intellectuelle pour réagir de la façon dont il l’a fait face aux contradictions, dérapages et dérives récurrentes et incompréhensibles du leader de Pastef.
Professeur Fall, vous n’avez pas eu peur du terrorisme et de l’hystérie qui ont fini de pousser à la capitulation de bon nombre d’intellectuels et d’hommes de bonne volonté au Sénégal.
Ils prennent prétexte de « la nécessité historique » d’éviter un cataclysme politique et social imminent dans notre pays avec ses cortèges de morts, de destructions, d’arrestations et de répression. Selon eux on s’achemine, si rien n’est fait, vers un soulèvement populaire suite à un jugement et à une possible condamnation du leader du Pastef, Ousmane Sonko.
Depuis le déferrement du leader du Pastef devant la chambre criminelle par le juge d’instruction Maham Diallo, tout y passe, déni de l’État de droit, attaques et de dénigrement de la justice et des magistrats.
Pour préserver la paix civile et la stabilité du pays, l’harmonie entre les ethnies, les confréries, les acteurs politiques et l’exception démocratique sénégalaise en Afrique, il faut blanchir et soustraire absolument le leader du Pastef des poursuites judiciaires en cours. Autant de discours qui, n’ayons pas peur des mots, relèvent d’une tentative dangereuse de faire capituler l’État de droit et la Justice face au terrorisme politico-médiatique ambiant.
De son côté, comme surpris par son déferrement à la chambre criminelle et en même temps ragaillardi par l’engouement qu’il suscite chez beaucoup de jeunes urbains, Ousmane Sonko a franchi un palier très inquiétant, ce week-end à Keur Massar, dans la surenchère de ce qu’il appelle le mortal combat contre le Président Macky Sall.
Il a déclaré sans sourciller, lors de ce meeting, devant une assistance nombreuse et chauffée à blanc et une presse médusée, qu’il n’ira pas répondre à la convocation du juge devant la chambre criminelle, il a parlé de terminus du « mortal combat, être tué par Macky Sall ou le contraire ! », il a aussi martelé que son « testament était déjà rédigé », il a terminé en appelant « la jeunesse à la résistance populaire pour le défendre et le sauver » de la comparution devant la chambre criminelle .
Malheureusement, ce terrorisme verbal aux relents tantôt guerriers tantôt suicidaires du leader de Pastef et de ses ouailles, semble avoir fait mouche chez certains intellectuels et une certaine presse ; la peur de subir un lynchage médiatique et dans les réseaux sociaux ont fait le reste.
Face à une telle situation, certains leaders d’opinion et des intellectuels appellent à un dialogue entre le Président Macky Sall et Ousmane Sonko en vue d’un apaisement, un arrêt de la machine judiciaire pour l’intérêt supérieur de la nation.
Si leurs préconisations sont suivies, cela risque d’ouvrir de dangereuses brèches sur les principes sacro-saints de l’État de droit et de la République, en particulier sur l’égalité des citoyens devant la loi, sur la justice en tant que dernier rempart de notre démocratie et sur la force publique comme seule force légitime en république, devant s’imposer à tous les groupes, lobbies et fractions du peuple.
Le meilleur conseil qu’ils pourraient donner à Ousmane Sonko par les circonstances que nous vivons, c’est de lui demander de respecter l’institution judiciaire et d’aller au procès pour prouver en tant que citoyen, son innocence et laver son honneur.
Le refus de se présenter devant la chambre criminelle n’est pas négociable. Une telle posture de refus mènerait Ousmane Sonko vers une impasse procédurale et le conduirait vers une condamnation certaine et très lourde.
Il n’a pas le choix de ce point de vue-là.
Ousmane Sonko doit respecter ses avocats en les écoutant et en suivant leurs conseils.
Ne l’oublions pas, dans ce pays qui s’appelle le Sénégal, Majmouth Diop le leader historique du PAI a été jugé et condamné, de mêmes que feu Mamadou Dia le grand Maodo, Landing Savané, Abdoulaye Bathily, Mamadou Diop Decroix, Abdoulaye Wade, feu Cheikh Ahmeth Tidiane Sy Al Maktoum, feu Pape Malick Sy, Moustapha Sy, Karim Wade, Khalifa Sall et tant d’autres, tous aussi célèbres ; et jamais, notre Justice n’a été aussi piétinée et insultée que ne le fait Ousmane Sonko.
Notre État est un État de droit et aucune stature ou représentativité politique, populaire ou religieuse ne peut discriminer un citoyen par rapport aux autres.
L’exception sénégalaise, nous devons tous le savoir, relève plus de notre État de droit, de notre Administration et de notre Justice qu’à autre chose.
En dépit des vicissitudes de l’histoire, notre justice s’en est souvent honorablement sortie dans les grands moments de crises socio-politiques.
Tous les grands leaders politiques et religieux attraits devant Dame justice pour des raisons politiques ou d’opinions ont déféré à ses convocations par respect pour la Constitution et les institutions dont nous sommes librement dotées et aussi par humilité.
Pour ce dossier Sweet Beauty, sa complexité et sa sensibilité relèvent du fait qu’il s’agit d’une affaire de moeurs impliquant un homme politique de la dimension de Ousmane Sonko.
Mais il faut que Ousmane Sonko sache raison gardée ! L’inexpérience et la jeunesse de Ousmane Sonko au plan politique peuvent justifier certaines bambineries dans ses réactions injustifiées. Mais cela ne peut plus perdurer !
Certains intellectuels et leaders sociaux qui pourraient l’amener à la raison, doivent l’aider à grandir et à avancer au lieu de l’enfoncer.
J’ai encore un préjugé favorable pour Ousmane Sonko et pense honnêtement qu’il peut revenir sur le chemin de la normalité sénégalaise. Mais il faut faire vite, le temps presse pour lui ! L’exemple du Président Wade est instructif à ce propos.
Tout en conseillant aux hommes politiques de conquérir l’opinion publique pour gagner les procès politiques, le Président Wade déferrait à toutes les convocations de la Justice et proclamait toujours qu’il ne marcherait jamais sur des cadavres pour accéder au pouvoir. Légalisme et pacifisme !
Encore que pour le cas Sweet Beauty, ce n’est pas un procès politique dans le sens ou ce n’est pas l’État qui a attrait Sonko devant la justice, mais une citoyenne dans une affaire de viol présumé.
Pour en revenir à certains de nos camarades intellectuels, nous fûmes pour certains d’entre nous, des dirigeants de mouvements de masse, étudiants en particulier.
Par l’expérience historique des luttes de masse avec les phénomènes de flux et de reflux, de victoires et défaites, on arrive à cette conclusion terrible, la foule est infaillible, elle ne se trompe jamais, elle a toujours raison sur le dirigeant qui, lui par contre, peut commettre des erreurs, des fautes. Et quand le dirigeant se trompe, les masses deviennent implacables et très ingrates, elles n’ont pas de mémoire !
Les foules comme les peuples sont avec les winners (vainqueurs) et jamais avec les losers (perdants), pour elles, seule la victoire compte. Les cas de Thomas Sankara et de Blaise Compaoré sont là pour illustrer ces propos !
Je n’en dirai pas plus !
Quand on est au niveau où se trouve actuellement Ousmane Sonko en politique, on a pas le droit de se faire hara-kiri ou d’y être poussé.
Notre Justice a jusqu’ici prouvé sa résilience lors des grandes crises socio-politiques, ma conviction est que le dossier sweet beauty ne fera pas exception.
Aidons, pour ceux qui le peuvent encore, Ousmane Sonko à grandir dans les épreuves plutôt que de le pousser, soit par couardise ou par opportunisme vers le mur de l’auto-destruction irrémédiable au double plans politique et personnel .
Par Mamadou Ndiaye
TRACES TENACES
Les hommes politiques et les chefs d’entreprise n’appartiennent pas au même monde. Ils ne parlent pas non plus le même langage. A peine se côtoient-ils dans la vie sans toutefois entretenir de relations suivies, fécondes et fructueuses.
Les hommes politiques et les chefs d’entreprise n’appartiennent pas au même monde. Ils ne parlent pas non plus le même langage. A peine se côtoient-ils dans la vie sans toutefois entretenir de relations suivies, fécondes et fructueuses.
Certes leurs milieux diffèrent. Mais en leur qualité d’acteurs, ils se projettent face à des défis à relever à tout prix. Devant des obstacles ou des difficultés à surmonter, les uns et les autres ont des approches qui découlent de leurs vécus respectifs.
La politique tolère les coups d’éclats que l’entreprise rejette, préférant s’entourer de discrétion pour mieux opérer. L’une aime le bruit tant qu’il est facteur de mobilisation. L’autre peut s’en passer. Puisque l’entreprise souffre de mille maux, il va de soi que les curiosités malsaines la desservent surtout quand elles sont amplifiées par des échos nocifs.
Malgré l’existence des deux univers, le politique et l’entrepreneur agissent sur des réalités et non en dehors de celles-ci. En plus de ce dénominateur commun, ils partagent le souci de l’organisation en se fixant des objectifs et en se donnant les moyens de les atteindre. Ils visent tous à faire forte impression, pas peut-être pour les mêmes buts. Le maître-mot : convaincre. Et puis, rassurer.
Au Sénégal, les acteurs de ces deux univers ne se fréquentent pas assidument. Autant dire qu’ils s’ignorent. Et plus grave, ils se méconnaissent. Alors que tout devrait concourir à des rencontres périodiques pour peser et soupeser l’état du pays. Par des analyses croisées, ils parviendraient à faire « tomber les masques » si jamais il y en avait pour privilégier des échanges dictés non pas par des calculs de circonstance mais plutôt par des considérations conjoncturelles.
La classe politique pourrait découvrir le pragmatisme de l’entreprenariat. Si bien que le marché et ses nécessaires flexibilité (emploi, salaires, charges sociales, performances) cesseraient d’être perçus comme une chimère chez des politiques plus prompts à dire qu’à faire. A tout le moins au Sénégal, les hommes politiques s’enthousiasment peu pour l’entreprise.
Une méprise ou une méconnaissance ? Enigme. En revanche, ils ont tort de négliger ce potentiel vivier de création à la fois de richesse et d’emplois. Les hommes politiques brandissent souvent des solutions « clé-en-mains » sans réelle consistance au demeurant pour juste calmer des impatiences.
Comment ignorer ceux qui se destinent à l’investissement ? Très souvent, ils constituent le baromètre de l’économie d’un pays. Ils portent en eux l’effort et le travail. Leur succès dans un environnement d’équilibre oriente les projets d’investissement et accroît incidemment l’attractivité du Sénégal à l’étranger.
Les leaders politiques snobent souvent les chefs d’entreprises. Ces derniers, à leur tour, évitent de trop fréquenter certains d’entre eux au risque de compromettre leur business. Une prudence qui, en se muant en méfiance, freine bien des audaces ! Néanmoins, d’autres parviennent à tirer leur épingle du jeu en étant « bons copains » avec tout le monde…
Les deux parties gagneraient à mieux se connaître pour ajuster leurs vues respectives, toucher du doigt les réalités et, avantage suprême, abattre le mur de méfiance. De leur coexistence apaisée, naîtrait un climat de sérénité pour une économie placée sous le signe de l’efficacité.
Aucun candidat sérieux ne peut élaborer un programme pertinent s’il n’intègre l’économie comme un axe prioritaire de son offre politique. Les observateurs scrutent et dissèquent les évolutions des opinions des dirigeants politiques au gré des situations. Ils rédigent des notes et attribuent des points consultés par les grands dirigeants du monde pour déterminer leur stratégie d’alliance ou de mésalliance.
La réussite tant vantée de certains pays « sortis de l’ornière » procède d’une conjugaison des talents au service d’un dessein collectif partagé avec enthousiasme. Seulement voilà : au Sénégal les difficultés que traverse l’entreprise sont multiformes. Elle ne s’affranchit pas des contraintes qui l’inhibent, hélas !
Le virage à amorcer n’est pas encore atteint à cause de facteurs plombant son expansion et sa croissance. Néanmoins la situation pourrait changer quand les conquêtes de parts de marché s’obtiendraient sur des bases de stricte transparence.
Comment dès lors séduire et accueillir des investisseurs étrangers quand ceux de l’intérieur sont moins considérés. Toutes les mesures prises pour taxer le capital, notamment les questions de fiscalité, découragent et n’incitent pas à venir au Sénégal en dépit de ses atouts et de ses avantages compétitifs.
Notre pays s’achemine vers un rendez-vous majeur, à savoir l’élection présidentielle de février 2024. Les candidats sont appelés à concocter des programmes circonstanciés. Quelle sera la place de l’économie dans les ambitions qu’ils nourrissent ? Iront-ils à la rencontre des acteurs pour tester la validité de leurs visions économiques ? Seront-ils à l’écoute du monde de l’entreprise, de l’industrie, de la finance ?
Ces secteurs, et d’autres à explorer, constituent les gisements d’emplois pour résorber le lancinant chômage des jeunes, qualifiés ou pas. En d’autres termes, l’emploi ne se décrète pas, pas plus qu’il ne se règle par des incantations. Il s’agit ici de combiner réflexion et action, avec un accent particulier sur le sens de la mesure.
Au contact des chefs d’entreprise, les politiques peuvent davantage gagner en réalisme en retenant les leçons apprises et à les associer aux solutions à envisager. Un bon état d’esprit peut en découler qui changerait la perception, les rapports et les attitudes. Une addition de compétences réduit les incertitudes et évite les errements.
La recherche d’opportunités d’affaires préoccupe les grandes entreprises en quête de relais de croissance dans les grandes régions du monde. Les pays alignent leur charme et vantent leur position stratégique tout en soulignant les facilités comparatives qu’ils accordent aux multinationales qui veulent s’implanter. L’instabilité et l’absence de prévision, voire les violences résiduelles sont un chiffon rouge pour les investisseurs étrangers soucieux de sécurité et de sûreté.
L’homme politique qui occulte cette dimension d’attractivité pour ne privilégier que les gains immédiats ruine l’image de son pays et abîme tout gage censé redonner confiance aux détenteurs de capitaux nationaux ou étrangers.
Après tout, l’effort rend plus humain…
Par Madiambal DIAGNE
SONKO N’A PAS LAISSÉ LE CHOIX AU JUGE
Les Sénégalais et l’opinion publique tout entière ont besoin de savoir s’il y a eu viols ou pas et s’il y a eu complot ou pas. Ousmane Sonko refusera-t-il de se présenter au procès ? Le cas échéant, il devra y être contraint
Le juge d’instruction, chargé du dossier de viols opposant Adji Sarr à Ousmane Sonko, a rendu une ordonnance renvoyant l’affaire en jugement par une Chambre criminelle. Les charges paraissent suffisantes au Doyen des juges Oumar Maham Diallo. Il a suivi ainsi les réquisitions du ministère public. Une audience publique sera donc tenue et chaque citoyen aura l’occasion d’assister aux débats pour se faire sa propre opinion, ne plus se suffire de ce que veulent bien en dire les avocats ou les journalistes, alimentés de manière parcimonieuse par des «fuites» avec de gros risques de manipulation. Le dossier sera ouvert en public et on saura le fin mot de cette histoire. Il devrait y aller de l’intérêt de tout le monde. Le 15 mars 2021, déjà, nous écrivions dans ces colonnes : «Vivement un procès public Adji Sarr-Ousmane Sonko.»
Le courage de Adji Sarr face aux incohérences de Ousmane Sonko
Adji Raby Sarr se déclare victime et a engagé un combat de David contre Goliath. Elle avait le culot de s’attaquer à plus fort, plus puissant, plus riche, plus influent. Si cette pauvre orpheline, à qui la vie n’a rien épargné comme supplices, a eu autant de ressources, de courage et de ténacité pour accepter de vivre le martyre, demeurer cloîtrée pour sa sécurité, perdre des années de sa vie, en restant persécutée et vivre la peur au ventre, subir toutes les insultes et injures les plus viles, c’est sans doute parce qu’elle doit avoir la vérité avec elle. Quand je l’avais rencontrée au début du mois d’avril 2021, j’avais vu une pauvre fille innocente, fragile à bien des égards, mais qui n’avait qu’un seul espoir, celui d’être entendue, d’être crue. Je l’avais soumise à mon «interrogatoire», pour me faire une idée de son histoire. Je lui avais précisé que je ne comptais pas faire un article de notre discussion. Encouragée par ses proches qui veillaient sur elle, Adji Sarr avait consenti à me conter son histoire avec Ousmane Sonko.
En partant, elle m’a supplié : «Tonton, je ne veux qu’une chose, que les gens sachent la vérité. 14 personnes ont été tuées pour ça. Il a gâché ma vie. J’aurais préféré ne plus vivre.» Elle se prit la tête en sanglots, avec : «Il a gâché ma vie.» J’étais sorti de cet échange en disant autour de moi que Adji Sarr me paraissait crédible. D’ailleurs, la jeune dame n’a jamais varié dans ses déclarations, jusque dans les détails les plus torrides. Son récit devant les gendarmes enquêteurs est identique à celui fait devant le feu roulant des journalistes ou dans le Cabinet du magistrat instructeur. Sa naïveté juvénile témoigne de la vérité et de l’authenticité de ses propos. Par exemple, elle soutient avoir eu cinq rapports sexuels avec Ousmane Sonko, à des dates précises et avec une certaine régularité. Ousmane Sonko, qui refuse de répondre à la question des rapports sexuels, ne les avoue pas moins, dès l’instant qu’il ne les a jamais niés et mieux, il continue de refuser systématiquement un test scientifique pour confirmer que le sperme prélevé ne serait pas le sien. Ce postulat évacué, reste à savoir si les rapports sexuels ont été consentis ou forcés ? On peut bien croire à l’accusation de viols répétés.
En effet, mon bon sens paysan me laisse croire que des tourtereaux qui entretiendraient une idylle suivie dans le temps, s’échangeraient au moins leurs numéros de téléphone et se donneraient des rendez-vous galants, et peut-être pas toujours au lieu de travail de la femme. Quand il avait à aller sur les lieux, Ousmane Sonko n’avait à prévenir que la patronne des lieux, Ndèye Khady Ndiaye. De son côté, le jour où Adji Sarr avait voulu savoir quand Ousmane Sonko viendrait au salon Sweet Beauty, elle s’était adressée à Ndéye Khady Ndiaye, mais pas directement à Ousmane Sonko. Elle devrait, en toute logique, pouvoir joindre ce dernier si tant est que les coucheries étaient consenties. Comment deux adultes consentants qui filent une relation adultérine passeraient par une autre personne pour se fixer des rendez-vous ? L’enquête n’a pu établir un échange quelconque entre les deux personnes, en dehors du salon Sweet Beauty. Les historiques d’appels ou de messagerie de leurs téléphones respectifs n’ont révélé aucun échange, encore moins un message doux ou un «tchat» entre amoureux ! C’est comme si Ousmane Sonko arrivait quand cela lui chantait, tirait son coup et repartait, comme c’était le cas notamment le 21 décembre 2020, le 31 décembre 2020, le 14 janvier 2021 et le 02 février 2021. Le premier viol aurait été commis plusieurs mois auparavant, mais Adji Sarr ne se souvient plus de la date. C’est après ce viol qu’elle avait quitté le salon pour aller à son village, avant que Ndèye Khady Ndiaye ne réussît à la faire revenir après des assurances fermes. Au vu de tout cela, on en arrive à croire qu’il prend la fille pour une moins-que-rien, un vulgaire et méprisable objet sexuel dont il nie jusqu’à l’identité ; Ousmane Sonko s’interdit de prononcer le nom de Adji Sarr.
Au demeurant, Adji Sarr apparaît bien plus crédible que son vis-à-vis. Pendant que Adji Sarr est restée constante dans ses dires, Ousmane Sonko a d’abord refusé d’aller répondre aux enquêteurs, au prix d’appeler au «Mortal Kombat». Aussi, il change de version à chacune de ses sorties médiatiques. Il avait commencé par affirmer sur sa page Facebook n’avoir jamais mis les pieds au salon Sweet Beauty (son avocat, Me Tall l’avait juré la main sur le coran), avant de se rétracter et d’effacer la publication, surtout que, prise de court par la révélation du scandale, la tenancière du salon avait, elle, déjà affirmé aux médias que Ousmane Sonko était un client assidu de la maison, mais qu’elle niait qu’un viol pût se commettre dans les lieux. La presse avait aussi révélé que l’enquête de gendarmerie, grâce à une réquisition téléphonique, avait déjà établi que le téléphone de Ousmane Sonko avait été borné aux jours et heures indiqués par Adji Sarr. Ousmane Sonko servira alors la version loufoque des soins thérapeutiques pour un mal de dos qui, il faut le souligner, semble avoir disparu depuis l’éclatement de cette affaire. Ses proches dont son épouse, kinésithérapeute de son état, ne lui connaissaient pas cette maladie.
Ousmane Sonko sortira la thèse d’un complot d’Etat auquel il est véritablement le seul à croire, car on ne voit pas comment des comploteurs avaient pu le convaincre de sortir de chez lui, aux heures de couvre-feu, en se cachant de ses deux épouses, de son chauffeur et de ses gardes du corps, encagoulé, pour aller au Sweet Beauty, se déshabiller sans y être contraint et se livrer aux mains de deux masseuses, jusqu’à ce qu’on en arrive à retrouver, dans le vagin de la femme qui l’accuse, du sperme qu’il est aujourd’hui question d’analyser. C’est à croire qu’un chaman officiant pour les comploteurs l’envoûtait, l’hypnotisait, le dépossédait de sa raison à chaque fois et le conduisait ainsi au Sweet Beauty. «Il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister.» Une nouvelle ligne de défense pour Ousmane Sonko ? Il est interdit de rire, le sujet est trop sérieux !
De toute façon, Ousmane Sonko a fini par changer de stratégie de défense pour refuser désormais de répondre à toute question sur cette affaire et s’en tenir à sa théorie du complot dont il va finir par accuser tout le monde. Assurément, Ousmane Sonko ferait preuve d’un crétinisme sidérant s’il arrive à se faire avoir dans un complot auquel auraient trempé autant de personnes : Macky Sall, Antoine Diome, Serigne Bassirou Guèye, Me Dior Diagne, Me Gaby So, Mberry Sylla, Maodo Malick Mbaye, Mamadou Mamour Diallo, le chauffeur de ce dernier, Sidy Ameth Mbaye, le Général Moussa Fall, Dr Alfousseyni Gaye, le juge Samba Sall et aujourd’hui Oumar Maham Diallo, entre autres. Le Commandant Abdou Mbengue qui, au moment des faits, pilotait la Section de recherches de la Gendarmerie nationale chargée de l’enquête préliminaire, a aussi été cité parmi les comploteurs. Ousmane Sonko avait même affirmé que cet officier-gendarme aurait été promu au grade de Lieutenant-Colonel en guise de récompense. La vérité est que Abdou Mbengue avait bénéficié d’une promotion de grade en décembre 2020 et que la promotion devait être effective à compter du 3 avril 2021. L’affaire Adji Sarr a éclaté le 2 février 2021.
En outre, Ousmane Sonko semblait bien savoir de quoi il parlait quand le 20 janvier 2019, à l’occasion d’un meeting électoral à la Place de la Nation, il prévenait que le régime de Macky Sall allait lui coller des affaires de mœurs pour chercher à le discréditer. Il faut vraiment être un parfait crétin pour savoir ce qui se tramait alors contre soi et en dépit de cela, avoir ses habitudes dans un lupanar pour y être victime d’un prétendu complot deux années plus tard… Sur un autre registre, comment qualifier autrement l’opération de subornation de témoins, les collectes de fonds lancées par les partisans de Ousmane Sonko pour rassembler plus de 40 millions de francs pour le Capitaine Touré et autant pour Ndèye Khady Ndiaye ? Le Capitaine Touré est cet officier de gendarmerie qui a été radié pour avoir manqué à son serment et déclaré avoir délibérément sabordé l’enquête. Les avocats de Ousmane Sonko l’ont cité comme témoin dans cette affaire !
Encore une fois, Adji Sarr s’accroche à sa version et Ousmane Sonko poursuit dans les mensonges et continue d’insulter et de menacer juges, procureurs, avocats et journalistes. Le dernier revirement dans sa stratégie de défense est de refuser de répondre à toute question sur les faits pour lesquels il est poursuivi, tandis que les accusations de la plaignante restent encore si précises et circonstanciées. «Malgré la précision et la constance des déclarations de Adji Sarr, Ousmane Sonko se borne à adopter un silence éloquent sur les questions liées aux circonstances des viols ; que le silence adopté par l’inculpé ne fait qu’accréditer les accusations de la victime. Si Adji Sarr a été assez précise sur la manière par laquelle les actes de pénétration ont été commis sur sa personne par Ousmane Sonko, notamment par la menace de lui faire perdre son boulot et de lui pourrir la vie grâce à son envergure sociale, celui-ci s’est emmuré dans un silence coupable sur des questions qui auraient pu le mettre hors de cause, si tant est qu’il était innocent (…)
Le fait de refuser de répondre aux questions liées aux circonstances des viols traduit de la part de l’inculpé, une absence d’arguments à faire valoir face à la constance et à la précision des déclarations de la partie civile.» On peut dire que cela n’a laissé le choix au juge d’instruction que de le renvoyer en jugement et si une telle stratégie persiste, Ousmane Sonko risquera de se livrer à la condamnation judiciaire. Assurément, le chantage à confisquer la paix civile et la menace de lancer des actes insurrectionnels contre les institutions républicaines, des bravades qui ont poussé de nombreuses personnes, de divers bords, à travailler à faire enterrer le dossier sans aucune forme de procès, n’ont pas prospéré et risquent de ne jamais l’être.
Ousmane Sonko devant la barre, le remake du procès Hissène Habré ?
Le Parquet de Dakar aura à fixer une date pour l’examen en audience publique de l’affaire. Si une certaine pratique judiciaire permettait d’examiner les cas de viols en audience à huis clos afin de préserver l’intimité de la présumée victime, l’affaire Adji Sarr devra être l’exception, et pour cause ! Cette affaire a tenu en haleine toute l’opinion publique durant ces deux dernières années, avec son lot de morts, de dégâts. La vérité étalée devant tout le monde devra être une certaine catharsis pour la société sénégalaise. L’intimité de Adji Sarr ? Elle n’en a plus ! La pauvre a été salie, bafouée, mise dans le lit de Monsieur tout le monde, comme une vulgaire pute, sans une once de dignité ou d’estime de soi. Au contraire, si elle dit vrai, Adji Sarr aura bien besoin d’un procès public pour pouvoir espérer relever la tête. Si elle mentait (et je ne crois nullement à cette perspective), elle devrait payer, par la déchéance sociale, tous les torts que cette affaire a eu à provoquer. Le procès devra être public et mieux, retransmis à la télévision pour que nul n’en ignore ! L’affaire du procès de Hissein Habré, l’ancien dictateur tchadien, devant la Justice sénégalaise, avait été diffusée à la télévision. Ce ne serait donc pas une première que le procès Adji Sarr-Ousmane Sonko-Ndèye Khady Ndiaye soit suivi en direct par les téléspectateurs. La demande de la victime pour la diffusion télévisée du procès doit être entendue. Tous les protagonistes devront d’ailleurs demander cela pour que la vérité éclate au grand jour.
En effet, les Sénégalais et l’opinion publique tout entière ont besoin de savoir s’il y a eu viols ou pas et s’il y a eu complot ou pas. Devant les caméras, tout devrait être dit, étalé sur la place publique, sans fioritures, sans ombres ou cachotteries. Ousmane Sonko refusera-t-il de se présenter au procès ? Le cas échéant, il devra y être contraint comme l’avait été Hissein Habré ou comme toute autre personne poursuivie en procédure criminelle. Continuera-t-il de s’emmurer dans le silence ? C’est son droit de garder le silence, mais cela n’empêchera pas le procès de se dérouler. Hissein Habré n’avait pas voulu prendre la parole devant ses victimes et répondre aux accusations, mais ces dernières avaient été entendues et un verdict avait été prononcé par les juges «en leur âme et conscience».
PAR Momar Dieng
LA CROISADE TYRANNIQUE DE MACKY SALL
La gestion comique de la procédure judiciaire de l’affaire dite « Sweet Beauté » et les conséquences dramatiques qui pourraient en découler in fine seront-elles le stade suprême de la descente aux enfers du projet démocratique sénégalais ?
Drôle de démocratie sénégalaise ! Un président de la république auquel la loi suprême (la Constitution qu’il a lui-même fait réviser pour la « verrouiller » selon ses dires) interdit de participer à l’élection présidentielle de février 2024 déroule dans une tranquillité absolument mystérieuse un agenda personnel qui lui permet d’instrumentaliser des gens bien au chaud à des postes de responsabilités stratégiques et déterminantes à la seule fin d’éliminer un adversaire politique qui n’est même plus son concurrent à cette échéance électorale à venir !!!
Après 63 ans d’indépendance, le Sénégal en est encore à l’ère de la démocratie grotesque et mesquine, celle qui reconnaît de facto au chef de l’Etat en exercice le soin de bâtir son propre royaume avec ses propres lois en marge des lois et règlements qui nous sont communs dans le cadre démocratique et républicain. Ce que nous disions depuis quelques années ne s’est jamais démenti : nous avons élu un homme autoritaire et figé dans l’absolue incapacité de lutter loyalement avec ses adversaires, en permanence agrippé aux moyens violents et méthodes coercitives qui naissent de sa volonté de puissance, en quête perpétuelle d’ingrédients et d’expédients qui lui dégagent les chemins de la gloire !
La gestion comique de la procédure judiciaire de l’affaire dite « Sweet Beauté » et les conséquences dramatiques qui pourraient en découler in fine seront-elles le stade suprême de la descente aux enfers du projet démocratique sénégalais ? On constate, effarés mais pas surpris, que le Président le plus impopulaire de la République du Sénégal depuis plus de six décennies aspire à la récidive. Son autoritarisme sarcastique le rend naturellement prévisible à tous les instants et le conduit droit sur les chemins de la tyrannie.
Aux dérives judiciaires, des réponses politiques mais jusqu’à quand ?
Avec Ousmane Sonko, il aspire à rééditer les « coups » qui lui ont permis de liquider politiquement et judiciairement Khalifa Sall et Karim Wade pour emporter la présidentielle de 2019. L’évidence du choix de la guillotine promis au chef du Pastef depuis au moins deux ans sautait tellement aux yeux que son début d’exécution en parait saugrenu, renforcé par le passage en force d’un juge d’instruction destructeur des principes élémentaires d’une justice d’équité. On ignore de quoi sera fait l’avenir du chef du parti Pastef, mais la partie semble moins aisée pour le « cabinet noir » de la république qui fait tant de mal à notre pays.
Pourquoi ? Parce que fondamentalement, aux dérives judiciaires imposées par Macky Sall, Ousmane Sonko a choisi d’opposer une réplique politique. La démonstration de force du meeting de ce 22 janvier 2023 à Keur Massar entre dans ce cadre. Certes, elle ne résout pas l’équation à laquelle il est confronté – répondre ou ne pas répondre à la justice dans un faux-dossier manifeste qui ne lui laisse pour l’instant pas une grande marge de manœuvre – mais elle annonce les couleurs d’une « résistance » dont le contenu et les modalités embraseraient le pays et dont nous avons déjà pu mesurer les conséquences dramatiques en mars 2021. Devons-nous tolérer ce risque potentiellement meurtrier qui nous pend au nez en prolongeant le silence sur les obsessions politiciennes personnelles d’un président de la république qui a renié la plupart de ses engagements solennels pris devant le peuple sénégalais ?
Aujourd’hui, c’est la tyrannie qui nous menace plus que l’autoritarisme déjà en vigueur depuis dix ans. La tyrannie dont nous parlons, ce n’est rien moins que la propension de Macky Sall à faire du Sénégal et de sa démocratie ce que lui-même en entend : un pays qui fonctionne sous sa botte et celle de ses thuriféraires, où les opposants sont punis devant la loi, où les partisans du président ont l’enseigne « impunité » caricaturée au front, un pays où l’exercice des libertés de presse et d’expression – genre « Libérer Pape Alé Niang » - finit devant le procureur puis à la prison de Rebeuss...
Les tétanisés !
Il est grand temps que les voix autorisées de ce pays sortent de leur torpeur complice et égoïste en faisant fi des largesses (ou non) du pouvoir à leur égard pour oser franchir le Rubicon des mots et des actes qui sauvent le Sénégal d’un basculement sans retour dans la folie. Attendre que la violence politique s’installe pour venir jouer les pompiers-médiateurs après coup ne serait pas glorifiant pour elles. Le président Sall est dans sa bulle, sous un régime mental qui l’a éloigné des réalités sénégalaises, auto-endoctriné victime du renforcement d’incapacités de courtisans aussi désespérés que lui de pouvoir perdre un jour le pouvoir. En janvier et juillet 2022, il a perdu deux fois de suite des élections, locales et législatives, deux expressions démocratiques qui lui ont renvoyé les sentiments profonds de ses compatriotes vis-à-vis de sa gouvernance. La sanction populaire d’une impopularité qu’il ne pourra jamais retourner en sa faveur. D’où l’appel à la dignité et à la lucidité que lui lancent tant de Sénégalais transpartisans…
Tout le monde a compris que l’affaire « Sweet Beauté » est une canaillerie politicienne. Les plus irréductibles partisans du chef de l’Etat le savent. Les citoyens sans attaches partisanes le savent. Même cette confrérie des « neutres », dont de très nombreux journalistes, engluée dans une couardise mercantiliste qui tue en elle toute crédibilité professionnelle, le sait. Sont-ils tous à ce point tétanisés qu’ils en deviennent incapables de dire « basta » à celui qui travaille depuis dix ans à détruire les fondements de notre démocratie ?
En 1993, le puissant journaliste d’investigation burkinabè Norbert Zongo avertissait : « les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur. »
Dieu sauve le Sénégal !
Par Ibou DRAME SYLLA
DJIBRIL SAMB OU L’EMPIRE DU QUELQUE CHOSE
Notre époque offre le spectre d’une humanité oublieuse d’elle-même. Des attitudes qui épousent la pente de la régression occupent les commentaires et autres analyses à travers les médias où se relayent les spécialistes
Notre époque offre le spectre d’une humanité oublieuse d’elle-même. Des attitudes qui épousent la pente de la régression occupent les commentaires et autres analyses à travers les médias où se relayent les spécialistes. Le constat semble effarant : l’homme semble se plaire dans l’abîme de la cruauté s’il n’est pas dans le confort de l’indifférence. Le pessimisme est un poison qui cherche à loger dans le cœur pour malmener la conscience. Et l’un des traits caractéristiques de notre époque est la montée du pessimisme. Les hommes sont habités par un tourment diffus qui n’est pas prêt à quitter. C’est sans doute à point nommé que le philosophe Djibril Samb publie le tome 5 de L’heur de philosopher la nuit et le jour, publié en coédition par Les Presses universitaires de Dakar et L’Harmattan en 2021. En effet, le journal philosophique que tient D. Samb n’est pas un journal intime qui gagnerait, lui, à être dans l’ordre de l’intime. Mais ce qui attire l’attention, avant tout, c’est ce regard pénétrant et cette touche toute particulière qu’il offre au lecteur assidu de L’heur de philosopher la nuit et le jour. Il faut le signaler : ce cinquième tome poursuit et clôt, momentanément, les réflexions tilogiques telles qu’elles sont déclinées par l’auteur lui-même.
Le titre programmatique de ce cinquième tome, « Qu’il est difficile de rester humain », nous met face au chantier de l’humain. Nous pouvons penser à l’idée de « perfectibilité » chère à Rousseau ou au vacillement entre l’ange et la bête, chez Pascal. Seulement la particularité de la démarche sambienne est de nous conduire en 221 pages dans les compartiments de l’humaine condition.
Le lecteur acceptant le contrat avec l’auteur lirait la « Préface » dans laquelle D. Samb donne une information capitale. Il écrit en termes clairs que le tome 5 clôt le cycle de L’heur de philosopher la nuit et le jour. Il est, en se définissant, via Aristote, tel que décrit par Montaigne, en ces termes : un « ruminant intellectuel » (p. 73), ce qui ne manque pas de faire penser à Nietzsche. En explorant le vaste champ du quelque chose – le ti – qui englobe aussi l’humain, notre philosophe réinvestit la pensée kantienne pour y opérer une « révolution copernicienne ». Ce qui est à l’envers doit revenir à l’endroit. Nous ne sommes plus dans la palette du permis, mais dans le giron de l’interdit. Quittant le positif, le philosophe de ce temps s’intéresse au négatif qui est à comprendre, ici, non sous l’angle du mal, mais de la limite, voire de la limitation.
Toujours dans la « Préface », D. Samb répondant à la question « Qu’estce que, proprement, être humain ? » note : « c’est réussir à maintenir le contrôle de l’homo spiritalis sur l’homo animalis, empêcher le débordement du second, voire son explosion, menace permanente. Il peut arriver qu’à l’échelle d’une société tout entière, ce contrôle soit perdu, parce qu’on ne sait plus se poser la bonne question, la question utile, non pas, selon le style kantien : « Que m’est-il permis de faire ? », mais plutôt : « Que ne m’est-il pas permis de faire ? » La vraie question porte sur la limite, non sur l’étendue. Je ne parle pas d’espérer, car il n’y a jamais rien à espérer, mais de faire. » (p. 9.).
Penser avec D. Samb revient à s’engager sur le chemin de la reconquête de soi. Ce chemin est un chantier tout en étant un sentier. D’abord, une épreuve qui nous tire de l’immédiateté avant de nous rendre disponible pour la quête, donc pour l’ouverture vers le monde. Un travail de l’en-commun doit être mené au nom de l’humain. S’engager pour un idéal est une véritable raison de vivre. L’homme n’est pas seulement celui qui donne sens ; il en porte dans son être même. L’exigence absolue de son vécu ne réside pas dans la palette de ses possibles, mais dans son refus de laisser prospérer ce qui ne doit pas advenir. Des mots qui disent la vie dans ce qu’elle a de plus authentique et de plus profond : l’humain. Vivre, ce n’est pas seulement occuper un espace et un temps bien déterminés. C’est fondamentalement porter témoignage des autres et de soi-même. Des intersubjectivités éclairées par la réflexion défilent à travers les pages qui peuvent être lues en tous les sens. Être, c’est être à l’école de l’humain, où tout est source d’apprentissage. Le philosophe de ce temps nous invite à exercer notre esprit, à recevoir des leçons de la vie en ouvrant grandement notre cœur.
D. Samb œuvre dans la réflexion, cette pensée critique, qui ne laisse aucune région du réel. L’humaine condition occupe une place de choix dans ses investigations sur le « ti ». En effet, pour lui, l’homme est le « quelque chose humain vivant » (p. 9). Les turbulences de l’histoire ne laissent pas le philosophe de ce temps indifférent. Cette histoire dont l’acteur principal est l’humain est en perpétuelle ébullition. Étant donneur de sens, l’humain est celui qu’il voit dans l’immense empire du « ti » comme l’édificateur d’un nouvel ordre. Dans la lignée de Térence, le philosophe sénégalais professe son humanisme intégral et radical : « Je dois d’abord rappeler que, à la différence notable de nombre de nos idéologues, je suis un humaniste radical » (p. 18). L’humanisme radical du philosophe Samb et révélant son idiosyncrasie est contenu dans cet appel à toujours faire le bien sans se préoccuper d’une quelconque rétribution. C’est ainsi qu’il déclare : « Si faire le bien ne sert à rien, c’est néanmoins ce qu’il faut faire, car le bien fait toujours du bien au bienveillant » (p. 201). Sa position est sans nuance quand il est question de la dignité humaine. Nous pouvons lire sous sa plume ceci : « Sachez-le : chaque fois que vous humiliez un humain comme vous, vous déchoyez de la dignité de l’humaine condition, et c’est à vous-même d’abord que vous faites du tort » (p. 23.). Évoquant la question des honneurs, de la gloire, de la reconnaissance derrière quoi courent tant d’hommes et de femmes, D. Samb conclut sa méditation du 28 avril 2019 en une formule on ne peut plus édifiante : « la satisfaction intérieure suffit à l’homme sage » (p. 81)
La société génère ses propres logiques de violence et de reproduction. Elle établit des zones de marges où certains peuvent opérer impunément. D. Samb interpelle la classe intellectuelle de l’Afrique qui préfère garderle silence sur des questions sérieuses comme le génocide rwandais. Il signale non sans amertume : « L’Afrique pensante ne semble pas prêter une attention suffisante à la création le 5 avril dernier, parle président français, d’une commission de neuf membres sur les archives concernant le Rwanda » (p. 70). À la décharge honorable de Boubacar Boris Diop, qui en fait son cheval de bataille, nous constatons un silence qui frise l’indifférence, ce cancer moral, le drame rwandais semble être une honteuse affaire qu’il faut taire. Le philosophe de ce temps s’en inquiète, s’il ne s’en offusque pas. Loin de lui une attitude raciale ; il n’est pas régionaliste non plus. Son analyse de la crise nous invite à faire en sorte que pareille situation ne se reproduise. La classe politique africaine, qui est plus à la remorque qu’actrice, a montré ses limites. D. Samb a compris que l’horreur n’advient que là où on lui aménage un lieu de culte. Ce lieu, c’est le silence. Pire, l’indifférence. Il reste alerte parce que constamment éveillé face à la dynamique historique des peuples. Cette posture sambienne est à comprendre sous l’angle d’un réalisme intellectuel consistant à se rendre à l’évidence qu’en ce qui concerne l’Histoire et les peuples, aucun acquis n’est irréversible. C’est au cœur de la civilisation que la barbarie se donne comme réalité tangible. Face aux glorieuses victoires, chacun revendique sa belle part. Au cœur de nos tragédies nationales, voire continentales, chacun scrute le visage de l’autre pour lui faire porter le chapeau de la responsabilité. La classe intellectuelle africaine excelle dans un fait désastreux : elle brille dans l’art d’ajourner les urgences.
Djibril Samb est dans la sphère du « petit nombre de grands esprits, d’une fraicheur et d’une indépendance exceptionnelle, surgis au cours des millénaires » (Jaspers). Et parce que la pensée philosophique se manifeste dans « la façon dont s’accomplit, au sein de l’histoire, la condition d’un être humain auquel se révèle l’être même » (Jaspers).
Dans le domaine de la pensée, D. Samb n’est pas un détaillant, mais aucun détail n’échappe à son inspectio mentis. Sa pensée ne s’inscrit nullement dans la contingence ; le philosophe est plutôt sous la conduite d’une exigence absolue. La pensée critique seule guide sa conduite avec une ouverture qui actualise en permanence cet accueil si cher aux humanistes
En portant son regard sur la vie humaine et ce qu’elle recèle comme richesse, notre penseur nous met face à nous-mêmes. C’est dans cette perspective que les trajectoires de Adawiyya Rabia et Vincent Lambert sont évoquées d’une manière diachronique.
Les différents portraits de Rabia sont établis avec minutie (p. 104) en déclinant les étapes de sa vie (p. 88). D. Samb, pour accéder à Rabia, passe par la production poétique de celle-ci. C’est ainsi qu’il s’évertue à étudier les quatorze poèmes de Rabia (p. 88). Cette vie se décline en trois phases. La première étape : débauche, deuxième étape : l’amour voué à un homme, et troisième étape : orientation vers Dieu. Cette dernière phase a pour conséquence l’oubli, voire l’effacement de soi pour laisser toute la place au Divin. Rabia passe de l’humain au divin (p. 102). Un homme peut se lasser d’aimer quelqu’un d’autre, mais l’amour de Dieu ne déraille pas ; il n’est pas dans une visée intéressée, voire égoïste. Finalement, tout se passe comme si Rabia, déçue d’un amour non réciproque, décide de se tourner vers son Seigneur qui ne trahit pas. D. Samb donne un avis global sur Rabia : « Quoi qu’il en soit, je garde, pour ma part, de Rabia, l’image d’une femme puissamment humaine [… ] Ce qui est étrange, c’est que malgré l’élévation de son idéal mystique, dont l’amour est le foyer irradiant, elle soit restée, encore aujourd’hui, une figure irremplaçable de la piété populaire » (p. 106). Rabia mourut octogénaire.
L’accident de Vincent Lambert (p. 124) et les rebondissements qui s’ensuivirent sur le plan judiciaire ont intéressé notre philosophe. Dans son analyse de ce qu’il est convenu d’appeler le « cas Vincent Lambert », D. Samb montre qu’au-delà de l’aspect juridictionnel qui entoure cette affaire avec des positions conflictuelles, voire contradictoires, des protagonistes, il nous faut tenter d’en saisir la dimension métaphysique. Cette problématique métaphysique est au cœur de cette question sambienne : « Si la vie n’est maintenue, littéralement, que par des procédés artificiels, doit-on en conclure pour autant que cette vie n’est plus une vie ? » (p. 122). Vincent Lambert a vécu dans le coma pendant onze longues années.
Notons que Rabia et Vincent Lambert sont deux figures humaines, parmi d’autres, qui servent de fondement illustratif à notre philosophe pour instruire le chantier qu’engage l’humaine condition. Notre philosophe conseille : « Si tu veux bien commencer ta journée, et bien la passer, commence par t’installer dans une disposition bienveillante à l’égard de ton prochain, quel qu’il soit ! » (p. 67). Déjà, dans la « Préface », il parlait de l’exigence pour tout homme de cultiver « la bienveillance envers son prochain », celle-ci étant « enracinée dans l’amour de la paix » (p. 9). Toutefois, il reste lucide et réaliste en portant un regard sur l’humaine condition. « Nous sommes tellement humains par nos travers et nos petits cotés » (p. 85)
D. Samb engage une lecture d’un roman, dans ses méditations, qui profite à son lecteur. Le monde de l’an 3000, tel que décrit dans le roman de Souvestre, semble avoir des germes bien plantés au cœur de notre civilisation (voir p. 210-211.). Face à la logique performative, l’homme contemporain érige en échelle d’évaluation non pas la bête et l’ange, mais la bête et la machine. Le problème de l’argent-roi qui régente la vie des hommes est analysé avec beaucoup de minutie par notre philosophe
Il inscrit le combat, ce corps à corps, avec l’adversité, au cœur de la vie en soutenant : « Il n’y a d’avenir que pour ceux qui se battent, car ceux qui se battent sont ceux qui vivent » (p. 194). L’humanité est malade de ses hommes dont la lourdeur rive au sol. Disparition de la poésie, donc de la liberté de rêver. Le lecteur de D. Samb revient saisi et même frappé en faisant une jonction entre la vie en l’an 3000 et le cas typique de Vincent Lambert. L’abolition des frontières entre les disciplines constituées donne accès à des choses inédites. C’est là que tout prend sens et acquiert une portée. Penser sur l’œuvre de D. Samb tient plus à une entrée dans un sanctuaire plutôt que d’en sortir. Une œuvre qui vous habite par la force argumentative et la précision conceptuelle. Chez notre philosophe, le rien même est digne d’intérêt. Dans la série des méditations (t.1 à t.5), D. Samb s’inscrit dans une pratique philosophique qui va au-delà de la contingence et même de la nécessité. C’est ainsi que dans le tome 5, il décline sans ambages sa posture intellectuelle en notant que le philosophe de ce temps « aime la liberté et réprouve l’oppression » (p. 129.).
Notre philosophe pose le problème du vécu humain et du couronnement de celui-ci - la mort - en termes philosophiques et plus globalement humanistes. D. Samb, en fidèle lecteur de Platon et platonisant, adopte aussi une attitude stoïcienne. De là, sa lecture de la douleur, de la peine et de la souffrance est assez édifiante sur son élévation spirituelle. Dans son entreprise d’enquête et d’analyse du « ti », le philosophe Samb met sa propre pensée à l’épreuve d’un regard objectif. Cette marque éthique est une force morale qui témoigne de sa grandeur. Ce tome 5 est une somme, un trésor. Tout ce qui est traité par Djibril Samb acquiert une portée heuristique. En D. Samb, il nous faut vénérer « cet effort lourd de signification accompli » (Jaspers).
Par Pathé NDOYE
DAKAR, LA MOBILITÉ URBAINE À L’ÉPREUVE DES EMBOUTEILLAGES
La circulation dans la capitale sénégalaise est devenue intenable aux heures de pointes. Déjà, à la descente du travail, un parcours de 10 km, à partir du centre-ville, peut durer 1h30 à 2 heures de temps environ
La circulation dans la capitale sénégalaise est devenue intenable aux heures de pointes. Déjà, à la descente du travail, un parcours de 10 km, à partir du centre-ville, peut durer 1h30 à 2 heures de temps environ. Sans mesures urgentes de limitation du nombre de véhicules en circulation et d’adaptation de la ville aux besoins des citadins, les bouchons continueront à asphyxier le quotidien des Sénégalais.
Cette situation s’explique par :
- une explosion démographique marquée par l’étalement du tissu urbain vers les communes périphériques (croissance de 3,5% de la population entre 2021 et 2022, prévision de 11% à l’horizon 2025),
- une mauvaise répartition spatiale des activités économiques créant ainsi des flux de migration pendulaires entre le centre-ville et la banlieue,
- une forte croissance des véhicules particuliers individuels (entre 8 et 9% par an) due à la mesure de 2012 faisant passer l’âge des voitures admises au Sénégal, en provenance de l’étranger de 5 à 8 ans,
- le déficit de capacité des infrastructures de transport et une offre de transport de masse largement insuffisante.
La forte concentration des besoins de déplacements, qui en résulte, est aggravée par le défaut de planification des grands projets, le mauvais phasage des travaux sur les axes stratégiques, les défaillances sur le contrôle du code de la route, l’indiscipline voire l’incivisme de certains automobilistes.
Certes, de grands projets d’infrastructures structurantes ont été réalisés dans la capitale et vers l’Est du pays pour faciliter le déplacement des biens et des personnes. Cependant, très rapidement, échangeurs, autoponts et axes routiers stratégiques ont fait les frais de la croissance vertigineuse du trafic. Les embouteillages, au niveau des autoponts récents de Saint Lazare, de la cité keur Gorgui et du Giratoire de Lobatt Fall en constituent une parfaite illustration.
Le système de mobilité est inefficace car la durée du parcours au kilomètre enregistrée est généralement supérieure à 12 min/km pendant les heures de pointes. Aussi, la majorité des personnes préfèrent-elles se déplacer en véhicule particulier pour pallier le manque de confort constaté dans les taxis urbains et les lenteurs des véhicules de transports collectifs. Obligées de quitter leur domicile une heure à deux heures plus tôt pour se rendre à leur lieu de travail, une fois au centreville, elles sont confrontées à l’équation du stationnement. Du coup, utilisant les trottoirs réservés aux piétons et une partie des voies de circulation pour se garer, les usagers réduisent la largeur roulable de la chaussée, engendrant, du coup, un désordre indescriptible.
Le système de mobilité est aussi inefficient, au regard de son coût élevé. Les véhicules, bloqués dans les congestions, consomment beaucoup de carburant subventionné par l’État. Leur exposition à l’environnement de la route, la chaleur et le risque considérable d’accidents accélèrent leurrythme de vieillissement. Ces facteurs, combinés à l’état des routes, augmentent la fréquence des pannes et génèrent des surcoûts d’entretien aux frais des conducteurs et des passagers.
En outre, le système de mobilité, consommant énormément d’énergie et produisant beaucoup de gaz à effet de serre (GES), devient polluant. Le couple accélération –décélération en augmente le danger, non sans rendre les citoyens particulièrement vulnérables aux maladies respiratoires. Le recours massif au transport individuel accroit fortement les besoins en consommation de carburant. La prolifération des stations-services sur les axes structurants est un exemple de la hausse de cette option.
La prolifération des embouteillages, de plus en plus inquiétante, recommande un nouvel examen d’un certain nombre de mesures dont celle portant sur l’âge des véhicules admis au Sénégal, en provenance de l’étranger, fixé à 8 ans depuis 2012. Cette dernière a certes permis de baisser le coût d’acquisition des véhicules d’occasion, mais son effet dévastateur surla capacité des infrastructures de transport interroge sur son efficacité.
En revanche, il nous semble important d’insister sur ces fortes suggestions. L’une des leçons, tirées de la douloureuse pandémie de la Covid-19, est l’impertinence de toujours se réunir physiquement pour atteindre les objectifs. La plupart des pays, ayant pris des mesures de restriction de circulation, ont relevé, à cette période, une réduction de 70% du volume des déplacements quotidiens, et de 39% des distances parcourues par rapport à un jour ouvrable en présentiel. Aussi, le décalage des horaires de travail de l’administration avec une incitation des entreprises privées à cette mesure (7h - 16h, 7h30 – 16h30, 8h – 17h, 8h30 – 17h30 et 9h – 18h) permettrait-il d’étaler les heures de pointes entre 06h - 09h et 16h – 21h pour répartir ainsi le trafic sur une plage plus large afin de soulager les voies. Néanmoins, une analyse sociologique des conditions de travail prévalant au Sénégal aiderait à prendre en compte les limites de cette solution.
La forte nécessité de renforcer la capacité du système de transport de masse s’impose aussi. Partant, les autobus conventionnels, les métros et trains express, avec leur capacité de transport jusqu’à 80 passagers, par wagon, et jusqu’à 15 000 passagers par heure, sont à mettre fortement à contribution. C’est pourquoi l’initiative du Gouvernement du Sénégal, consistant à lancer, durant ces quatre dernières années, deux projets innovants comme le Train Express Régional (TER) Dakar – Diamniadio et la ligne de Bus Rapide Transit (BRT) est à encourager. Toutefois, le TER est aujourd’hui confronté à un déficit de rames aux heures de pointes. Quant à la future ligne de BRT, elle permettra certes de reprendre le trafic des véhicules de transport en commun en améliorant la qualité de service, mais le rétablissement des voies existantes de circulation sur un profil en travers avec une (01) voie par sens ne fera qu’accentuer les embouteillages. Une panne d’un poids lourd sur la voie bloquerait le trafic pendant une heure, voire plus. Les usagers de l’Autoroute de l’Avenir Dakar – AIBD font aussi les frais des bouchons sur les sorties, résultant principalement des remontées des embouteillages du réseau secondaire et sur la section courante entre Thiaroye et Rufisque dont les seuils de circulation saturée sont déjà dépassés.
En outre, il serait judicieux de développer le covoiturage avec les véhicules particuliers personnels. Un système de covoiturage performant, avec une application efficace de mise en relation des usagers avec les conducteurs, permet d’augmenter jusqu’à 1,5 voire 2 le taux d’occupation moyen des voitures (actuellement inférieur à 1,2 personnes par voiture au Sénégal) et de réduire d’un 1/3 le trafic aux heures de pointes. Il contribue aussi à l’efficience du système de mobilité par la réduction du coût de trajet en partageant les frais de carburant et de péage. Pour illustration, au Sénégal, un aller Dakar – Thiès, par autoroute, revient sur l’Autoroute en moyenne à 10 000 FCFA pour 70 km, en voiture individuelle. En covoiturage avec trois autres passagers, les frais sont réduits de 70% environ pour le conducteur.
Par ailleurs, interdire et verbaliser rigoureusement les arrêts et stationnements sur les artères principales deviennent une exigence. Sur de nombreux axes routiers en 2 x 2 voies, les véhicules sont stationnés sur l’une des voies de circulation, et souvent, en quinconce. Ce désordre oblige les conducteurs à slalomer et dégrade le niveau de fluidité. L’encombrement permanent des barreaux de liaison Autoroute – Route nationale à hauteur de « Poste de Thiaroye », de Pikine en est suffisamment révélateur.
Il s’y ajoute la nécessité de la mise en place d’un système de « Péage de congestion ». À Dakar, trop de véhicules accèdent au centre-ville alors que les voies de circulation et les places de parking, aménagés selon les règles de l’art, ne sont pas dimensionnés pour cette sollicitation. Une limitation des flux de trafic du centre-ville permettrait de réduire fortement la formation des bouchons. Cette mesure nécessite forcément la mise en place d’un système de transport de masse par télécabines, lignes de bus, ou tramways, ayant produit des résultats encourageants dans les pays développés
La prise en charge du « dernier kilomètre » demeure une autre suggestion. Généralement, les congestions sontrepérées sur les extrémités des axes de circulation structurants menant au centre-ville. Pour gérer ce bout de trajet, le recourt à une politique d’aménagement et de gestion du territoire, qui favorisent une mobilité durable, est indispensable.
Enfin, la réduction des besoins de déplacements constitue un des remèdes. Cette mesure se décline par un meilleur aménagement du territoire avec le développement de pôles mixtes regroupant les fonctions résidentielle, administrative, éducative, commerciale et sociale. Le projet du pôle urbain de Diamniadio, lancé depuis 2015, était censé répondre à cette préoccupation. Mais, le retard de réalisation des VRD, des services annexes collectifs et du respect des échéances des promoteurs, atténue son opérationnalité.
En définitive, la question de la mobilité urbaine demeure une véritable équation. Le mouvement de plus en plus intense, dicté par la loi du profit, met les systèmes de transport sous pression. La seule augmentation de la capacité des infrastructures présente ses limites. Par conséquent, il revient au gouvernement de multiplier les initiatives et favoriser le dialogue avec tous les protagonistes du développement socio-économique, afin de trouver les réponses efficientes à cette épineuse question de la mobilité.
Par Félix NZALE
LA GRANDE CONFUSION
Le Sénégal est devenu un pays où l’on ne croit plus que le menteur ; où l’on soupçonne la personne honnête ; où les «insignifiants», sans connaissances ni moyens intellectuels et spirituels, ont confisqué la parole
Confusion totale. Le Sénégal est devenu un pays où l’on ne croit plus que le menteur ; où l’on soupçonne la personne honnête ; où les «insignifiants», sans connaissances ni moyens intellectuels et spirituels, ont confisqué la parole
Dans ce pays, l’on a renoncé à toute ambition de devenir meilleur. Il y fourmille des détournements sans détourneurs, des viols sans violeurs, des crimes sans criminels, des arrivistes cyniques et pervers.
Dans ce pays, il n’y a plus de débat. Les médias qui ont vocation à structurer leur espace de sorte à rendre possible les échanges de perspectives sur des questions essentielles ont abdiqué. Le nouveau type de sénégalais a renoncé à l’affrontement sur les idées. Il est devenu un fantôme. Virulent mais invisible. Destructeur mais inconsistant. Grâce ou à cause des réseaux sociaux, c’est une bouche nocturne aux propos invérifiables qui corrodent le jugement, détruisent les réputations d’hommes et de femmes de bien, préparent les lynchages. Ce fantôme est dans la rumeur qui, soit dit en passant, n’est rien de moins qu’un virus.
Dans ce pays, l’excellence sonne comme une abstraction, un non-sens. Le crétinisme, la manipulation et le chantage étant les armes de ceux qui imaginent que le bien consiste dans leur réussite personnelle, leur pouvoir, leur fortune et la satisfaction de leur avidité.
Ces catégories de personnes gagnent en audience alors que celles qui sont porteuses de sens et de savoir, celles qui ont autorité à dire, sont tristement mises à l’écart.
Confusion, oui. Trahison aussi. A quoi servent nos intellectuels et nos guides religieux ? Par essence l’intellectuel est celui qui nourrit le lien social, pour que ne soient rejetés dans les marges ceux qui subissent sans pouvoir dire. Il a donc une responsabilité sociale qu’il lui faut assumer. Hic et nunc. Mais pas seulement. Il doit parler et agir pour les générations actuelles, répondre pour et devant les générations futures.
Dans ce pays, pour paraphraser le philosophe Julien Benda, les «clercs» sont dans la trahison. Ils ont abandonné la défense des valeurs fondamentales pour sombrer dans les passions du verbe et de l’action rémunérés. Certains se disent patriotes. Mais leur patriotisme tient plus à «l’affirmation d’une forme d’âme contre d’autres formes d’âme».
La plupart de nos guides religieux et intellectuels ont répondu à l’appel du pouvoir et de ses privilèges. Ils y ont perdu leur dignité et leur honneur. Références mortes et enterrées.
DE LA RESPONSABILITE DES INTELLECTUELS
D’autres se sont réfugiés dans ce qu’ils appellent la «Société civile». A notre sens, la séparation de la «Société civile» et de l’«Etat» procède d’un contresens théorique. Elle est devenue un alibi pratique dont le cynisme permet surtout à des intellectuels de se présenter en héros de la «Société civile» quand ils sont en réalité les hommes et femmes les plus efficaces dont dispose le système de domination et d’oppression.
Dans ce pays, rien n’a plus de sens pour personne. Personne n’a plus peur de rien. En l’occurrence, ne serait-il pas nécessaire de redéfinir un autre usage de la peur qui rende possible un rapport positif entre elle et la responsabilité ? Reconsidérer la peur non comme faiblesse ou pusillanimité, mais comme signal mobilisateur précédant l’art de se poser et de poser les bonnes questions. Celles qui sont productives et qui font avancer les problèmes au lieu de tout paralyser dans une même attitude de refus pétrifié. En vérité, nos différentes postures procèdent de cette peur : peur de l’autre, peur des affrontements discursifs, peur des éventualités…
Et maintenant, qui pour sauver ce pays ? Qui pour aider à lever les yeux, tourner la tête, s’étonner… lorsque nos élites font obstruction à tout mouvement d’arrachement, à toute prise de distance initiale dans la quête légitime de l’égalité des droits, de la vérité et de la justice ?
La réflexion suivante d’Albert Camus est à méditer, de ce point de vue. «J’ai appris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice, il fallait donner sa vie pour la combattre».