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30 novembre 2024
Opinions
Par Mamadou Ndiaye
ATTENTION, DANGER !
Ça ne se passe pas très bien dans les transports au Sénégal. Le Premier ministre Amadou Ba prend les choses en mains. Mansour Faye, ministre des Transports, se met en retrait. Un signe ? Un signal ?
Ça ne se passe pas très bien dans les transports au Sénégal. Le Premier ministre Amadou Ba prend les choses en mains. Mansour Faye, ministre des Transports, se met en retrait. Un signe ? Un signal ?
Chaque jour apporte son lot d’accidents stupides, de malheur, de blessés graves et de morts atroces sur les routes. Les constats détectent des défaillances humaines : fatigue des conducteurs, défaut de permis de conduire, excès de vitesse ou surcharges des véhicules.
Aucune enquête menée, au double plan technique ou judiciaire, n’a abouti à des carences ou à des manquements imputables aux marques, aux propriétaires ou aux gestionnaires devant pousser le gouvernement à retirer ou à suspendre des licences d’exploitation. L’essor des infrastructures et leur probable interconnexion dans le futur devraient hisser la mobilité à une nouvelle échelle de complexité.
D’ordinaire, la fréquence des accidents incite les autorités à retirer de la circulation les marques et les types de véhicules impliqués, le temps de déceler les causes et d’interpeller les constructeurs. Voit-on le Gouvernement du Sénégal convoquer à Dakar les responsables de Général Motors, Fiat, Renault, Nissan, Peugeot ou Hyundai qui se targuent de détenir d’avantageux indices de fiabilité ? Circulez…
Les acteurs actuels, mal préparés à ces nécessaires transformations structurelles, récusent toute idée de changement qui serait pour eux et selon eux, synonyme de mort programmée. Et pourtant sur les routes, ces refus ont pour conséquence des tragédies humaines avec des éclopés pour la vie, des handicapés qui, hier seulement, étaient des actifs en pleine possession de leur intégrité physique.
Des propriétaires à courte vue, des syndicalistes agités et des souteneurs de mauvaise foi prennent en otage des millions d’usagers dont l’exaspération n’a d’égale que leur impuissance. Rien qu’à voir la litanie des mesures et le socle revendicatif des transporteurs, l’on mesure le fossé qui nous sépare de l’impérative adaptation de notre système routier.
Certes, il se modernise et s’étend. Mais le parc de véhicules ne suit pas la tendance lourde. Au contraire, il s’enlise dans la vétusté, la médiocrité malgré l’existence d’opportunités incitatives. Pourquoi jusqu’à ce jour, les conclusions des enquêtes n’ont pas été portées à la connaissance du grand public ?
Le ridicule de notre situation, ajouté aux agissements puérils qui s’observent, entremêle l’irresponsabilité et l’indifférence au sein de sempiternelles discussions. Quand un pays fait face à une série ininterrompue d’accidents aussi spectaculaires que mortels, il y a lieu d’examiner et les fréquences et les effets répétitifs de même que les marques de fabriques en interpellant à haute et intelligible voix les maisons concessionnaires.
Mais là pointe une difficulté majeure : nombre des bus en circulation sont « hors normes » et « hors sols ». Une fois débarqués sur terre sénégalaise, cette terre d’exception, ils subissent d’ahurissantes modifications qui laissent pantois les ingénieurs de conception.
Nos mécaniciens sont de braves gens, il est vrai. Souvent, ils sortent de leur zone de « confort » pour entrer dans une filandreuse zone « d’incompétence » plus risquée parce qu’aléatoire et, de mésaventures en déboires, ils finissent par nous « sortir de leur usine » des monstres roulant à l‘origine des hécatombes recensées.
Autre curiosité : qui certifie que de tels bus modifiés sont « aptes » à la circulation ? Pire, qui atteste que ces mêmes bus ont souscrit des polices d’assurances auprès de professionnels aguerris et assermentés ? Pour peu, on pointerait une irresponsabilité collective de services de contrôle dédiés à ces tâches routinières. Ces faits irréfutables pullulent dans le secteur mal assaini des transports où tout et son contraire se côtoient dans un indescriptible désordre.
Ainsi la bataille de l’ordre doit être engagé sans faiblesse aucune. Car le secteur est en berne. Sa richesse se réduit, de même que sa grandeur. Le pays vit dans un bruit de fond qui le vide de toute cohérence de projet collectif, à savoir une nation. La cupidité colonise les esprits, désormais.
Les transports sont à l’économie ce que sont les vaisseaux sanguins dans un corps. Ils irriguent les métiers et les échanges par la mobilité et entretiennent un flux intensif de marchandises et de produits bruts, finis ou semi finis. Ils sont porteurs de croissance saine par les plus-values engrangées, pourvu simplement que l’assainissement et la stabilité soient au rendez-vous. Les vies et les modes de vie changent en même temps que les services, les achats, les consommations et les déplacements. La mobilité s’érige en art. Presque…
En écho à ces ajustements, les pouvoirs publics doivent cesser de piloter les allocations budgétaires à coups de rabot. Les transports vivent ces restrictions de dépenses en reportant les charges afférentes sur les transporteurs qui, sans se faire prier, esquivent en les répercutant à leur tour sur les tarifs.
Le gouvernement, qui brandissait le social comme son « trophée de conquête », s’agace des hausses annoncées. Pour l’heure, il ne trouve pas de parade à ce défi des transporteurs de déserter les routes, quitte à amplifier le malaise ambiant né des traumatismes causés par les nombreux cas d’accidents enregistrés. La tourmente dure et perdure.
De ce fait, le pays reste suspendu à des négociations sérieuses qui doivent s’articuler autour de la sécurité et de la sureté avant toute recherche de gains. La sauvegarde des vies humaines est une priorité absolue devant laquelle toute autre prétention doit s’estomper. Une fois ce principe intangible avancé, tout le reste peut faire l’objet de concession ou de consensus sur fond d’un réalisme partagé par les acteurs et les opérationnels.
La route, faut-il le rappeler, est une composante des transports qui englobent le rail, la mer, les fleuves et l’aérien. L’efficience a pour finalité de rendre effective la jonction des lignes et des réseaux (ferroviaires, maritimes et aériens) sans rupture de mobilité (et de charge) pour les voyageurs et les biens. Cette perspective fait appel à une élévation du niveau de conscience pour comprendre que les enjeux de demain ne s’encombrent pas des « petits intérêts » d’épicier.
Le corporatisme a asséché la créativité et le dynamisme dans ce secteur stratégique et névralgique à la fois. Les gros porteurs qui nous arrivent de la Mauritanie, du Mali et du Burkina achèvent de faire comprendre que ces pays de l’hinterland ouest-africain ont réalisé un saut qualitatif dans l’acquisition de moyens roulant de qualité.
Pour avoir subi dans le passé beaucoup de tracas routiers, ils ont alerté les régulateurs de l’intégration qui ont fini part imposer à Dakar des injonctions assorties de pénalités. Un lien noue notre économie à cet ensemble régional d’intégration. La faible visibilité de notre économie des transports traduit un manque de compétitivité de la logistique sénégalaise.
Celle-ci a encore de gros progrès à accomplir pour être à hauteur des concurrents sous régionaux dont certains affichent déjà des ambitions de champions. Ces accidents à répétition trahissent le projet d’émergence dont se vantent les autorités qui s’aperçoivent qu’une telle faiblesse abîme des volontés.
PAR Pr Abou KANE
SECTEUR DES TRANSPORTS ET CAPTURE RÉGLEMENTAIRE AU SÉNÉGAL : DE LA COLLUSION A LA COLLISION
Plus de 60 morts dans deux accidents de la route en l’espace d’une semaine ; on ne veut pas passer du transport terrestre au transport vers…l’au-delà ! Nous prions pour le repos de l’âme des défunts et souhaitons prompt rétablissement aux blessés.
Plus de 60 morts dans deux accidents de la route en l’espace d’une semaine ; on ne veut pas passer du transport terrestre au transport vers…l’au-delà ! Nous prions pour le repos de l’âme des défunts et souhaitons prompt rétablissement aux blessés.
La capture réglementaire survient lorsque l’entité publique qui est chargée de réguler un secteur est soumise à une pression de lobbies qui l’amènent à prendre des décisions en leur faveur ou à ne pas appliquer des mesures en leur défaveur. Cette entité (agence ou ministère) roule ainsi pour des intérêts privés et commerciaux d’un groupuscule qui se croit investi d’un pouvoir de pression qui fera plier l’autorité.
L’informalité du secteur des transports rend le contrôle plus difficile certes, mais il faut reconnaître qu’il y a une sorte de collusion (entente) entre ceux qui sont chargés de contrôler et les transporteurs ; c’est cette collusion qui cause les collisions (chocs).
Au Sénégal , des voitures de transport en commun en très mauvais état, de véritables cercueils roulants , arpentent les routes tous les jours dans l’impunité totale.
Plusieurs facteurs de risque sont ainsi cumulés : mauvais état des véhicules, imprudence des conducteurs, étroitesse de certaines de nos routes au vu du nombre de camions et de bus qui les empruntent.
Contrairement à l’illusion d’optique qu’on peut avoir, il y a moins de 5% de population active occupée dans les activités de transport alors que 25% sont dans les activités agricoles et pastorales ; 30% dans le commerce de gros et de détail (Enquête ERI-ESI de l’ANSD).
En 2023, le ministère en charge des transports et celui des forces armées ont les deux plus gros budgets du Sénégal (plus de 277 et plus de 272 milliards FCFA respectivement) et si l’on y ajoute les 180 milliards du ministère de l’intérieur, on a un total de 730 milliards, soit 20% de nos recettes internes (fiscales et non fiscales) qui s’élèvent à 3640 milliards FCFA . On voit bien que le couple TRANSPORT-SECURITE devrait être très solide car, en principe, on a tous les moyens de réguler le sous-secteur des transports et y garantir la sécurité.
Il faut avoir de bonnes règles et surtout savoir les faire respecter. Que Dieu nous garde !
par Fatou Sagna Sow
MARINE LE PEN AU SÉNÉGAL, COMME LE TITRE D’UN MAUVAIS ROMAN
On est en droit de se demander quelle leçon de géopolitique, Le Pen, en fine stratège, entend dispenser ici. La discrétion et le secret qui ont entouré l’organisation de ce déplacement de trois jours à Dakar, démontre son caractère périlleux et incongru
La cheffe de l’opposition française, connue pour ses positions radicales sur la question de l’accueil des étrangers en France, est donc en Afrique ! Nous avons tous encore à l’esprit les mots, en novembre dernier du député du Rassemblement National, insensible aux drames de l’immigration clandestine, qui a lancé en plein Hémicycle : « qu’ils retournent en Afrique ». Difficile aujourd’hui d’arguer d’une volonté de dialogue et de coopération renouvelée !
La lutte contre l’immigration est ancrée dans l’ADN de la famille Le Pen, de père en fille en passant par la nièce, tous en ont fait leur fonds de commerce politique. La candidate malheureuse des dernières élections présidentielles françaises, qui a habilement enrobé son discours dans une forme de lutte pour le pouvoir d’achat, ne trompe personne. Dépourvu d’humanité, son programme en 2022, proposait, notamment : de réserver les aides sociales aux Français, de conditionner les prestations de solidarité à 5 ans de travail, d’instaurer la priorité nationale pour l'accès au logement social et à l'emploi et de mettre fin au regroupement familial. Alors même que les immigrés contribuent à l’économie française.
Bon nombre de Sénégalais seraient ravis de lui rendre la pareille. De prendre un vol pour Paris, exposer également leur vision de cette relation franco-sénégalaise ou plus largement parler de ce que devrait être ce new deal entre l’Afrique et l’Europe. Hélas, la politique française en matière de visas, largement durcie ces dernières années par la montée des extrêmes droites, fait que ce ne sera pas possible. Qu’il est loin le temps des Tirailleurs, Mme Le Pen !
Si aujourd’hui, Marine fait les yeux doux au Sénégal, elle n’en est pas à son coup d’essai. Déjà en avril 2017, la candidate déclarait en marge d’un meeting : « si je suis élue présidente, j’influerai pour qu’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies soit attribué au Sénégal, pays sage et respecté de la grande Afrique ». Quelle finesse d’analyse, il y a donc les pays « sages » et les autres !
La discrétion et le secret qui ont entouré l’organisation de ce déplacement, de trois jours à Dakar, démontre le caractère périlleux et incongru d’une telle démarche. Cette visite dans le pays qui porte encore, quelques semaines, la présidence de l’Union Africaine, est en vérité, embarrassante et sera bien évidemment totalement improductive.
Alors que le coût des discriminations pour la société française est de 150 milliards d’euros par an (Rapport France Stratégie – 2016), le RN continue, contre toute logique, de plaider pour la préférence nationale ! On est en droit de se demander quelle leçon de géopolitique, Mme Le Pen, en fine stratège, entend dispenser ici.
J’invite Mme Le Pen à plus de cohérence et surtout à ouvrir les yeux sur la belle diversité de la société française. Les diasporas africaines de France et les français de l’étranger résidant en Afrique sont les meilleurs ambassadeurs de ces relations historiques. Nous travaillons tous les jours dans les territoires à enrichir, avec sérieux, notre histoire commune. Et nous restons imperturbables face à ce genre de coup médiatique.
Fatou Sagna Sow est ancienne candidate aux législatives, 9ème circonscription FDE, Coordinatrice du Think Tank New Deal.
par Mohamed Ly et Félix Atchadé
MADAME LE PEN, VOUS N’ÊTES PAS LA BIENVENUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Vous incarnez des idées qui vont à l’encontre de nos valeurs cardinales, et nous ne sommes pas dupes de votre jeu politique. Vous êtes dans la ligne politique foccardienne de maintien des liens néocoloniaux
Mohamed Ly et Félix Atchadé |
Publication 17/01/2023
Le Sénégal est un pays d’hospitalité. Nous disons en wolof « rew teranga ». Nous sommes une nation respectueuse des différences, enracinée dans notre culture tout en étant ouverte sur le monde. Nous espérons l’avènement de la civilisation de l’universel que le premier président de notre République, Léopold Sédar Senghor, a nommée le « rendez-vous du donner et du recevoir ». Cela étant réaffirmé avec force, nous sommes au regret de vous dire que vous n’êtes pas la bienvenue chez nous. Nous le disons parce que vous incarnez des idées qui vont à l’encontre de nos valeurs cardinales, et que nous ne sommes pas dupes de votre jeu politique.
Vous et votre parti, depuis plusieurs décennies, n’avez cessé de stigmatiser les immigrants et les musulmans. Vos discours xénophobes rendent la vie de nos concitoyens établis dans votre pays difficile. Vous avez fait d’eux les responsables de toutes les difficultés que connaît votre pays. Vous avez suscité chez nombre de vos concitoyens les instincts les plus vils contre tous ceux qui semblent différents d’eux par la couleur de la peau, la pratique cultuelle ou l’accent… Vous êtes la vitrine de tous ceux qui appellent au boycott du film « Tirailleurs » d’Omar Sy. Le portefeuille des immigrants est une de vos marottes. Vous proposez régulièrement de bloquer leurs transferts d’argent à leurs familles pour punir les États qui refusent de rapatrier les clandestins. Vous divisez les citoyens entre eux, semez la confusion avec discours biaisés. Vous incarnez la caution idéologique de toutes les régressions sociales. Vous personnifiez un incroyable piège dans lequel les Sénégalais et les Africains ne tomberont pas !
Votre voyage au Sénégal, si l’on en croit les mots du quotidien français l’Opinion du lundi 16 janvier 2023, est une étape dans votre préparation à « l’exercice du pouvoir ». Dans ce même journal, vous dégagez dans une tribune les objectifs de votre visite, les thèmes à aborder et les endroits où vous irez. Vous promettez de changer la nature de la relation avec notre continent en général et notre pays en particulier. Nous ne croyons pas un traître mot de votre discours. Ce n’est qu’un écran de fumée pour cacher le fond de votre idée de relation franco-africaine : vous êtes dans la ligne politique foccardienne de maintien des liens néocoloniaux. Vous vivez dans la nostalgie de temps qui ne reviendront pas car tout a changé : le monde, l’Afrique, le Sénégal, les Africains et les Sénégalais eux-mêmes. Votre visite aux Forces françaises au Sénégal et les arguties sur les opérations extérieures montrent à souhait que vous êtes pour la perpétuation du militarisme franco-africain[1], instrument de domination et de répression des aspirations démocratiques des peuples africains.
Dans votre tribune, à l’instar de l’essayiste Loup Viallet, auteur d’un livre à la gloire du franc CFA et connu pour ses saillies racistes, vous estimez que la zone CFA assure la « stabilité et l’intégration régionale », ce qui est absolument faux. L’utilisation du franc CFA n’a pas permis d’amorcer la transformation sur place de matières premières et encore moins favorisé les échanges entre économies de la zone franc. Son utilité est d’offrir la possibilité aux multinationales et aux bourgeoisies compradores africaines de rapatrier facilement des capitaux en Europe. Avec cette monnaie, le rôle de « garant » de la France lui donne un rôle de « gendarme » qui permet sa mainmise sur les économies de ses anciennes colonies[2]. Voilà ce que vous ne voulez pas changer puisque pendant le débat sur la pseudo réforme du franc CFA à l’Assemblée nationale française, vous et les députés de votre parti ne vous êtes jamais fait entendre.
Le 2 février 2022, lors de la malheureuse dégradation des relations diplomatiques entre la France et le Mali et l’expulsion du Mali de l’ambassadeur français vous avez été sur une ligne extrêmement brutale exigeant des mesures de rétorsion contre le Mali, pénalisant directement la population. Vous avez alimenté la surenchère. Aujourd’hui, 70 projets de développement, en cours ou programmés par les ONG au Mali, sont arrêtés au détriment des Maliennes et Maliens les plus fragilisés
Madame Marine Le Pen, vous n’avez pas nos salutations.
Dr Mohamed Ly est membre du Comité central du Parti de l’indépendance et du travail (PIT-Sénégal) ;
Dr Félix Atchadé est à la coordination de France du Parti de l’indépendance et du travail (PIT-Sénégal).
[1] Atchadé, F (2021) Sahel : Le militarisme franco-africain en échec. Fondation Rosa Luxemburg
[2] Pigeaud, F., & Sylla, N. S. (2018). L’arme invisible de la Françafrique : Une histoire du franc CFA. La Découverte.
Par Alassane Seck GUEYE
DEUX ANS SANS NGAIDO !
Pour services rendus à la Nation et à l’Afrique culturelle, Cheikh Ngaido Bâ mérite bien cet hommage. Continue à reposer en paix, grand homme de cœur et à l’immense générosité intellectuelle
Deux ans sans le sémillant et très avenant Cheikh Ngaido Ba, deux ans sans apercevoir la silhouette de cet homme qui aimait la vie qu’il croquait à belles dents. Sans excès ! Mais avec fureur surtout s’agissant des plaisirs de la vie intellectuelle. Toujours tiré à quatre épingles et jamais pris en défaut.
Constamment présent dans les grandes rencontres culturelles de la capitale devenues quelque peu orphelines de sa présence depuis sa disparition. Deux ans sans entendre tonner sa voix qui distillait de belles formules et des vérités crues. Pas seulement pour plaire, mais pour exprimer le sens de son engagement pour des causes qui lui paraissaient justes.
Des vérités que d’autres ne voulaient pas entendre ou refusaient de dire pour ne pas se compromettre avec le pouvoir. Lui, il ne prenait pas ces précautions oratoires pour dire sa pensée. On se souvient de sa passe d’armes avec le président Me Abdoulaye Wade, s’opposant au projet de création d’un complexe cinématographique sur l’emplacement de l’ex-Service d’hygiène de Dakar.
Courageusement Ngaido, contrairement à ses collègues cinéastes, s’était fermement opposé au choix porté sur un consultant français pour mener les études de faisabilité et de mise en place de la structure. Contre tous, il avait tenu tête à l’ancien président de la République jusqu’à se faire des inimités solides dans sa corporation.
Deux ans sans lire sa chronique hebdomadaire du jeudi qu’il se faisait le devoir de publier dans ce journal qui lui était cher et dans laquelle il vantait le travail du Président Macky Sall qu’il admirait…et qui ne lui a même pas rendu hommage à sa mort ! Mais bon. Toujours est-il que cette chronique, qui était le fruit chaque semaine d’un intense travail documentaire, fourmillait de belles et enrichissantes anecdotes.
Au détour d’une réflexion, Cheikh Ngaido Ba pouvait raconter un pan de la vie culturelle ou politique de ce pays. Parler des hommes et des femmes qui ont construit ce pays ces 60 dernières années. Preuve qu’il avait côtoyé du bon et du beau monde et pouvait révéler une tranche de vie de ce pays qu’il aimait par-dessus tout.
Au réalisateur de « Rewo Daande Maayo » ou « XewXew », entre autres, Cheikh Ngaido Ba, on reprochait souvent de n’avoir pas fait de films ou pas assez pour s’ériger en porteur de voix des cinéastes du pays et présider l’association CINESEAS (Cinéastes Sénégalais Associés). Mais combien de fois n’a-t-il pas fait entendre la voix des cinéastes du continent dans des foras internationaux, lui qui était un des piliers de la FEPACI (Fédération panafricaine des cinéastes) ?
Cet homme au grand coeur qui nous a quittés un funeste dimanche, le 17 janvier 2021, emporté par le satanique virus qu’il fuyait comme la peste, a été en tous lieux et en toutes circonstances le défenseur acharné du 7ème art africain. Il n’avait pas fait assez de films, mais il était porteur de belles idées.
Rien dans ce milieu ne lui était étranger si bien qu’on se plaisait à l’appeler la « boite noire du cinéma africain ». Il était incontournable dans les dossiers les plus pointus, les plus techniques. Il remontait le temps pour raconter le passé et le présent du septième art africain qu’il a vu naitre. Il était de tous les combats politiques comme culturels. Ngaido agitait des idées, encadrait et guidait. Il ne faisait plus de films, mais servait de boussole à de grands cinéastes. Il a été ainsi déterminant dans la réalisation de « Bàttu » du Malien Cheik Oumar Sissokho, une adaptation du roman de la grande dame des lettres sénégalaises, Mme Aminata Sow Fall, « La grève de Bàttu ». Un film qui avait obtenu le prix RFI Cinéma du public au Fespaco en 2001.
Le 17 janvier de l’année dernière, date marquant le premier anniversaire de son rappel à Dieu, tous les témoignages de ses collègues avaient montré combien l’homme Cheikh Ngaïdo Ba était disponible et utile pour l’émergence d’une véritable industrie cinématographique en Afrique. Deux ans après sa disparition, nul doute qu’il a laissé un grand vide dans les grands rendez-vous internationaux du 7ème art. Parce que personne mieux que le regretté cinéaste ne maitrisait le secteur cinématographique, avec ses pièges et ses enjeux. Des pièges que, lui, Ngaido, pouvait contourner grâce à sa grande expérience et son compagnonnage avec les pionniers du septième art africain. Le chef de l’Etat Macky Sall, dont il fut un grand défenseur, doit se souvenir de ce serviteur et lui rendre l’hommage qu’il n’ a pas eu à cause de la crise sanitaire au milieu de laquelle l’illustre cinéaste a disparu.
Pour services rendus à la Nation et à l’Afrique culturelle, Cheikh Ngaido Bâ mérite bien cet hommage. Continue à reposer en paix, grand homme de cœur et à l’immense générosité intellectuelle !
Par Mamadou Oumar NDIAYE
MOUNTAGA, UN ELEPHANT DANS UN MAGASIN DE POR(T)CELAINE !
Si Macky cherchait un bulldozer pour lui décongestionner le Port de Dakar, il l'a trouvé en Mountaga Sy. Seulement voilà, dans son zèle à exécuter les instructions du président, notre bulldozer fonce sans faire de discernement
Il ne fait aucun doute que si le président de la République cherchait un Bulldozer pour lui décongestionner le Port autonome de Dakar — où des bateaux attendaient au large de la rade de la capitale parfois pendant de longues semaines et se ruinaient en payant des surestaries plus que salées —, le président a donc trouvé en Mountaga Sy ce Bulldozer. En effet, dès sa nomination à la tête de cette infrastructure par laquelle passent plus de 97 % de nos importations, l’ancien directeur général de l’APIX a pris par les cornes le taureau de l’encombrement de notre port et réussi à faire en quelques jours seulement ce que l’on pensait jusque-là impossible. A savoir décongestionner totalement le Port de Dakar, désencombrer les quais, évacuer toutes les marchandises qui s’y entassaient depuis des mois voire des années pour certaines vers Diamniadio etc. Résultat de cet excellent travail : la congestion du Port autonome de Dakar n’est plus qu’un lointain souvenir pour la plus grande joie des armateurs et autres opérateurs maritimes. Encore une fois, un brillant résultat obtenu en quelques jours seulement par un directeur général qui a payé de sa personne et n’a pas hésité à passer des jours et des nuits d’affilée sur le terrain pour nettoyer les écuries d’Augias du PAD. Les DG se sont succédé à la tête de cette société nationale sans réussir ce qui s’apparentait à une mission impossible et que Mountaga Sy a réalisé en quelques jours. Qui fait mieux ?
Seulement voilà, il semble que, dans son zèle missionnaire à exécuter les instructions du président de la République, notre Bulldozer fonce les yeux fermés, sans faire de discernement. Au risque de commettre des dommages collatéraux à la manière d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Car notre pachyderme Sy écrase au passage au moins un courageux entrepreneur sénégalais qui devrait être soutenu parles autorités de son pays plutôt que d’être expulsé comme un malpropre à la force des baïonnettes de nos braves gendarmes! Ce courageux entrepreneur sénégalais, qui mérite plutôt de la Nation, c’est Mbacké Samb, un ancien émigré en Italie qui a répondu à l’appel du président de la République pour rentrer dans son pays. Depuis son retour, et en quelques années seulement, ce ressortissant d’un village du département de Louga a créé une entreprise de transport et de logistique à l’enseigne de «Gouyar Transports Logistique »,Gouyar étant le nom de son village. Avec un parc de 150 camions en très bon état, cette entreprise dispose de l’un des plus importants parcs de toutes celles opérant au port de Dakar. Mieux, Mbacké Samb a pu bénéficier de concours bancaires à hauteur de 1,8 milliard de francs pour acheter des équipements lourds et autres engins de manutention comme des Kalmar, Reachstacker, des grues, des remorques entre autres. Certains de ces engins coûtent, neufs, entre 350 millions à 400 millions de francs pièce. Conscient que la qualité n’a pas de prix et sans regarder à la dépense, notre ancien émigré a accepté de consentir ces lourds investissements. Mieux, de par son ardeur au travail et son sérieux, il a réussi à gagner la confiance d’armateurs référencés comme CMA CGM (deuxième armateur mondial !), Hapag Lloyd etc. Des armateurs qu’il risque de perdre aujourd’hui à cause de l’acharnement du Port à l’expulser coûte que coûte d’un espace — les locaux de l’ex-SERA sur la route de Rufisque — qu’il occupe depuis quelques années. Ce sous le prétexte d’y réaliser un « projet d’utilité publique » alors que certaines sources font plutôt état de la volonté du président d’y construire un hangar de stockage de 600.000 tonnes de céréales avec l’Ukraine !
Le plus cocasse c’est que l’ancien directeur général du PAD lui-même qui avait attribué au patron de « Gouyar Transports Logistique » ces locaux de la défunte Sera achetés pour le prix du mètre carré sans doute le plus cher au monde, mais ça c’est une autre histoire ! En 2019, suite à un refus de Dubaï Port World de réceptionner les containers vides dont le Port de Dakar en relation avec des opérateurs voulait se débarrasser, les transporteurs avaient déclenché une grève qui avait failli étrangler le port. Pour mettre fin à cette grève, Aboubacar Sedikh Bèye avait supplié Mbacké Samb de prendre l’espace dont on veut l’expulser aujourd’hui pour y transporter et entreposer vite fait les containers indésirables ! En quelque sorte, on avait fait jouer au propriétaire de « Gouyar Transports et Logistiques » le rôle de briseur de grève pour la bonne cause. C’est à la suite de cela qu’il s’était rapproché des banques pour investir sur le site.
A près la tempête, par temps de mer calme, Bèye a servi, en mars dernier, une mise en demeure à l’ancien émigré pour qu’il débarrasse le plancher avec tous ses gros engins en arguant que le contrat qui le liait au Port autonome de Dakar a expiré depuis le 31 décembre 2021.Une rencontre avec le DG du Port permettait de faire entrevoir une lueur d’espoir au jeune entrepreneur sénégalais quant au renouvellement de son bail. Les choses ont traîné jusqu’en décembre et l’accession à la tête du PAD de Mountaga Bulldozer Sy. Dès le 8 décembre, il somme «Gouyar Transports et Logistique » de vider les lieux. En même temps, la Brigade de recherches de la gendarmerie entre en scène et multiplie les convocations en même temps qu’un défilé de ses hommes sur le site. Une atmosphère idéale pour travailler! Les pandores avaient promis de revenir hier lundi avec des renforts et les gros moyens pour expulser cette entreprise sénégalaise qui emploie 350 personnes et est aussi partenaire attitré et référencé de la compagnie Ola Energy dont elle gère trois stations d’essence. Comprenons-nous bien : Mbacké Samb ne fait pas de la résistance, ne refuse pas de quitter les lieux qu’il occupe sans droit depuis le 31 décembre 2021. Il demande juste un délai d’un mois, maintenant que son expulsion a été prononcée par les tribunaux —ses avocats ont interjeté appel. Un mois, juste 30 jours pour lui permettre de partir de manière honorable et digne, lui qui n’est quand même pas un malfrat mais un honnête entrepreneur comme on aimerait en avoir des centaines dans ce pays afin de résoudre définitivement la lancinante question du chômage dans notre pays. Sur l’international, notre pays est désespérément à la recherche d’investisseurs. Et pour une fois qu’il en trouve un, et un Sénégalais de surcroît, voilà qu’il est traité de façon cavalière, malmené comme un malfrat, l’homme à la manœuvre pour briser cet investisseur n’étant autre que…l’ancien directeur général de l’agence de promotion des investissements du Sénégal ! Cherchez l’erreur…
Mais enfin honorable Mountaga Bulldozer Sy, un petit mois est-ce la mer à boire pour le tout-puissant patron du Port que vous êtes ?
PS : Nous avons appris que Mountaga Sy, qui a décidément mangé de la vache enragée ces temps-ci, a envoyé hier un courrier au patron de Cma-Cgm pour lui demander d’enlever fissa — c’est-à-dire dans un délai de 24 heures — les conteneurs appartenant à sa société et entreposés sur le site de SERA par la société de transport « Gouyar ». Passé ce délai de 24 heures, le Port procédera, en relation avec la Douane et les services de défense et de sécurité (bigre !) au transfert de tous les conteneurs au niveau de la plateforme industrielle de Diamniadio. Bah, du moment que Mountaga Bulldozer Sy
PAR Madiambal Diagne
UN PRÉSIDENT NE DEVRAIT PAS FAIRE ÇA
Le fait de distinguer le producteur Maraz, quelle que soit la qualité de ses produits, constitue une erreur. Il apparaît inconvenant qu’un homme politique, de surcroît un chef d’Etat, fasse de la publicité commerciale sous quelque forme que ce soit
Le président Macky Sall a tweeté, le 11 janvier 2023 à 15h 31, une photo sur laquelle il posait, avenant, comme un voyageur dans un aéroport, tenant à la main une valise trolley. L’objectif était de faire la promotion de la préférence nationale, pour dire de manière triviale «le consommer local», en ce mois de janvier qu’il a dédié «mois du consommer local». L’initiative a pu être noble d’autant que le chef de l’Etat a écrit à l’occasion : «Dans le cadre du mois du consommer local, je félicite tous nos producteurs dont Maraz Origins, pour l’excellente qualité des produits, avec le soutien de la Der. Ensemble, achetons sénégalais, soutenons le consommer local.» Le fait de distinguer le producteur Maraz, quelle que soit du reste la qualité de ses produits, constitue une erreur, une faute même, pour ne pas dire un sacrilège. Il apparaît inconvenant qu’un homme politique, de surcroît un chef d’Etat, fasse de la publicité commerciale sous quelque forme que ce soit. On devine le geste spontané, désinvolte, innocent même et totalement désintéressé, mais les conséquences peuvent être graves. D’autres producteurs sénégalais, concurrents de Maraz Origins, peuvent légitimement s’offusquer de cette préférence présidentielle, de ce coup de pouce publicitaire, de la part de quelle égérie ! D’autres maroquiniers ont bénéficié de soutiens de la Der ou d’autres organismes publics et font eux aussi du travail de qualité. On ne serait pas surpris de découvrir que tous les ministres et autres hauts responsables de l’Etat en arrivent à faire dans le mimétisme et s’imposent la nécessité de s’afficher avec des produits de Maraz Origins.
Le Président Sall vient ainsi de faire un précédent dangereux pour l’éthique républicaine et gouvernementale, car il lui sera désormais difficile de sanctionner ou réprimander un ministre ou un haut fonctionnaire qui se prêterait à ce jeu, peut-être même pour des raisons moins nobles. Sur un autre aspect, le président de la République n’aurait plus de raison de décliner la demande d’une autre marque de produits sénégalais, de lui donner un coup de main dans une action ou campagne de promotion commerciale. C’est dire que le geste présidentiel n’a sans doute pas été mesuré, mais il convient de le regretter publiquement et de fermer définitivement la porte à toute récidive. En septembre 2020, le Président Macky Sall avait tenté de faire la promotion du tourisme local en se rendant à la réserve animalière de Fathala, pour poser avec des fauves. L’idée était très bien appréciée, mais certains n’avaient pas pour autant manqué de relever l’insistance douteuse des caméras de la Rts sur la casquette portée par le chef de l’Etat, et qui était frappée de la marque de Fathala. Un risque réel existe quant à l’utilisation des images présidentielles. Qui ne se rappelle pas qu’en 2008, le Président Wade avait été amené à rehausser de sa présence la cérémonie de lancement de travaux d’un programme immobilier privé. Le promoteur avait surfé sur cette caution et placardait les photos à ses expositions, qui suffisaient pour convaincre les compatriotes de la diaspora, qui s’étaient alors rués pour verser d’importantes sommes au projet sans jamais recevoir les clefs des maisons promises. Cette histoire reste encore le plus gros scandale au Sénégal dans le domaine de la promotion immobilière.
Des adversaires politiques du Président Macky Sall tournent en dérision (et c’est de bonne guerre) la pose pour Maraz Origins, présentant dans les réseaux sociaux la photo comme prémonitoire du moment où le Président Sall prendrait congé du Palais présidentiel en 2024. Le coup de «pub» pourrait du reste, de ce fait, être contre-productif pour la même marque, dans ce sens qu’il pourrait provoquer une certaine répulsion ; les adversaires politiques du Président Sall attacheraient la marque au nom de ce dernier et pourraient refuser d’acheter les produits. C’est sans doute un couteau à double tranchant car la haute cote de popularité pourrait booster les ventes et le désamour pour l’égérie aura l’effet inverse, donc doucher les ventes. Maraz Origins aimerait à coup sûr vendre à ceux qui aiment Macky Sall comme à ceux qui l’aiment moins. On a déjà pu observer au Sénégal, cette situation.
La marque de montres, Mathydy, avait fait de Ousmane Sonko son égérie. Le leader du parti Pastef avait eu à poser, mettant en relief, comme un mannequin, un exemplaire de la collection Damel de Mathydy, le 26 mars 2021. Il reviendra sur la scène de shooting publicitaire avec la collection Cheikh Anta Diop de la même marque, le 11 octobre 2022. Les militants et sympathisants du parti Pastef avaient voulu s’approprier la marque, baptisée pompeusement dans les réseaux sociaux «la marque des patriotes». C’était suffisant pour susciter l’ire de nombreux clients qui refusaient dorénavant de porter la marque Mathydy, surtout que leur agent publicitaire préféré se trouvait empêtré dans un scandale sexuel éclaboussant. La maison Mathydy, prise de panique, a été obligée de chercher à rattraper le coup. La marque avait alors tenu à préciser dans un communiqué de presse, qu’elle est «totalement apolitique et le restera car elle est adoptée par des milliers de clients au Sénégal et à l’international, indépendamment de leur opinion politique, de leur croyance religieuse et de leur rang social». On peut dire que le mal était déjà fait et on observe depuis lors que Mathydy ne s’affiche plus aussi fièrement que par le passé. Allez savoir !
Les bons et mauvais coups d’hommes publics, agents publicitaires souvent à leur corps défendant
Il est rare de trouver des chefs d’Etat ou des hommes politiques tout court, se prêter au jeu d’agents commerciaux. Les services de communication et du protocole semblent y veiller systématiquement. On refuserait que l’image de l’homme politique soit détournée à de telles fins. Des expériences ont été observées, par exemple, en France. Arnaud de Montebourg, éphémère ministre de l’Economie, du redressement productif et du numérique en 2014, avait de la peine à se sortir d’une polémique suscitée par l’utilisation, à des fins de promotion commerciale, de son image par une marque française produisant des marinières. Il expliquait s’être volontairement prêté au jeu et de manière totalement désintéressée pour inciter à la promotion des produits français. Aux Etats-Unis d’Amérique, le Président Donald Trump avait poussé la provocation et l’arrogance jusqu’à se faire prendre en photo, assis à son bureau à la Maison Blanche, avec sur la table, des pots de produits alimentaires de la marque Goya ostensiblement disposés. Donald Trump cherchait à toiser son monde, à verser dans le «je-m’en-foutisme», du fait que des membres de sa famille, notamment sa fille, Ivanka, se plaisaient à faire de la réclame commerciale pour la marque Goya. La bravade trumpienne en avait ému du monde, jusque dans le camp de ses farouches partisans du parti républicain.
Certaines têtes couronnées acceptent parfois l’utilisation de leur image ou même jouent des rôles dans des affiches ou spots publicitaires pour la promotion de bonnes causes de portée générale, surtout dans le domaine caritatif ou sur des questions sociales. C’est ainsi, par exemple, que le Président Nicolas Sarkozy avait fait une campagne de lutte contre le Sida, avec une affiche très parlante : «Voteriez-vous pour moi si j’étais séropositif ? C’est le Sida qu’il faut exclure, pas les séropositifs.» La campagne avait fait un carton. La Reine Elisabeth II, poussée par son petit-fils, le Prince Harry, avait, elle aussi, accepté de faire une vidéo pour répliquer au couple Barack et Michelle Obama, dans le cadre des Invictus Games, une initiative sportive du Prince Harry mettant en scène des blessés de guerre.
D’autres chefs d’Etat ont vu leur image utilisée, à leur corps défendant, dans des campagnes publicitaires. Nous-mêmes au journal Le Quotidien, nous avions tourné, en notre faveur, une photo du Président Abdoulaye Wade, tenant entre ses mains un exemplaire de notre journal. L’idée espiègle était de répondre au Président Wade, qui avait organisé une conférence de presse pour s’en prendre spécialement, avec véhémence, à notre journal dont le crime avait été de révéler au public, le scandale de grosses «dépenses extrabudgétaires» pour un montant dépassant 172 milliards de francs. La photo du Président Wade lisant attentivement l’édition révélant le scandale avait été placardée dans les rues avec le slogan : «Pour tout savoir avant tout le monde, faites comme lui.» Cela avait fait mouche !
Il faut dire que «les faits et gestes des présidents, et parfois de leurs femmes ou compagnes, sont scrutés minutieusement par les médias. A tel point que les communicants cherchent parfois à profiter de certaines situations pour mettre en exergue une entreprise et marquer ainsi les inconscients. De nombreuses publicités utilisent les politiques comme icônes publicitaires. Certaines entreprises ou associations surfent sur l’actualité politique, les élections ou encore la vie privée des présidents pour se faire connaître. Les caricatures sont nombreuses et permettent parfois de réaliser le buzz».
La marque de voitures de location Sixt avait proposé de remplacer le scooter de François Hollande, qui prenait ce moyen de déplacement pour rejoindre nuitamment Julie Gayet. Le site de rencontre Ashley Madison a utilisé l’image de présidents pour promouvoir l’adultère, l’agence de communication Mens Com avait ressuscité François Mitterrand, dans une campagne de publicité pour le Tgv. Une photo de l’ancien Président Wade avec Bara Gaye, alors responsable des jeunes de son parti, avait fait fureur sur les réseaux sociaux. Le Président Wade avait chaussé des baskets de la marque Nike. Ces chaussures avaient attiré l’attention. On ne sait pas si le «look» était délibéré ou que la marque américaine a cherché à l’utiliser à son profit, mais le slogan : «Eh oui, les baskets, ça fait «jeune !» avait bien circulé. L’histoire ne dit pas non plus comment l’ancien Président Léopold Sédar Senghor avait été amené à être l’icône de la marque française de parfums «Jehanne Rigaud». Une collection Léopold Sédar Senghor, avec la photo du Président-poète et les couleurs nationales vert-jaune-rouge, avait été commercialisée juste après son départ du pouvoir. La collection semble avoir disparu des rayons depuis lors.
Post scriptum : Du faux pour légitimer la nouvelle «francophilie» d'Ousmane Sonko
La sortie de Ousmane Sonko à travers les chaînes France 24 et Radio France internationale (Rfi), le 6 janvier 2023, a fait débat. Le nouvel esprit d’ouverture manifesté à l’endroit de la France par le leader du parti Pastef a suscité des réactions interloquées de nombreuses personnes. Le feu a même pris entre Ousmane Sonko et certains de ses amis activistes qui, non seulement s’étonnent que Ousmane Sonko consente à s’exprimer à travers des médias qu’il a toujours voués aux gémonies, mais aussi ne voudraient accepter, le moins du monde, cette tendance à se «normaliser» ou se «présidentialiser» aux yeux des officiels français. Pour chercher à faire bonne figure ou pour rattraper le coup, les idées ne manquent pas aux «spin doctors» du parti Pastef, au risque d’échafauder les coups les plus tordus. C’est ainsi qu’un article a été publié le 8 janvier 2023, à travers un site jusqu’ici inconnu du grand public, atlantiactu.com. Le papier, intitulé «Sénégal : le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère des Affaires étrangères français «bénit» un rapprochement de Paris avec Ousmane Sonko», a néanmoins assez circulé à travers les réseaux sociaux. Il s’avère que cet article a été construit sur du faux.
En effet, jamais ce centre (Caps), dirigé au Quai d’Orsay par Lafont-Rapnouil, n’a produit un tel document et n’a encore moins eu à apprécier des relations entre Ousmane Sonko et les officiels français. Mieux, interrogés, les diplomates français et des responsables du Caps assurent que le dernier rapport élaboré par le Caps l’a été en 2020, et relativement aux effets potentiels de la crise du Covid-19 sur les pays africains. D’ailleurs, en son temps, le ministère français des Affaires étrangères avait sorti un communiqué pour indiquer que les conclusions du tel rapport ne sauraient engager le gouvernement français, d’autant que le Caps était une structure consultative indépendante. Atlantiactu.com (du reste le seul média à évoquer le sujet) est identifié comme un site d’informations créé à Dakar par des militants du parti Pastef. Mais le plus sordide est que l’article comporte des extraits du rapport de 2020 (trois ans plus tôt) sur le Covid-19 et qu’on a voulu mettre en perspective avec le contexte de l’entretien de Ousmane Sonko avec les médias publics audiovisuels français. Il s’y ajoute une autre incongruité qui consiste à citer un prétendu Département Afrique qui n’existe pas au Caps et dont aucune des personnes citées dans l’article n’est membre, ne travaille ou ne collabore, d’une façon ou d’une autre, avec le Caps. En quelque sorte, il s’est agi d’un vulgaire bricolage pour faire croire qu’il y a eu une intelligence ou une connivence entre le Caps et Ousmane Sonko pour inciter ou permettre aux médias de réaliser l’entretien. Ce qui est totalement faux, encore une fois. Au demeurant, est-ce à dire que le subit désir d’être bien vu par la France est si prégnant ou vital pour Ousmane Sonko que son groupe ne reculerait devant aucune forfaiture pour y arriver ?
par Oumou Wane
LE PRIX DE NOS VIES
Si ces mesures gouvernementales ne sont pas fermement soutenues par tous les Sénégalais, de quelque croyance ou bord politique qu’ils soient, l’échec sera collectif et les chauffards continueront à faucher nos pauvres destins fragiles
Je lisais l’autre jour qu’en France, la valeur « statistique » d’une vie était évaluée à 3 millions d’euros, alors que celle d’un Américain tournait autour de 9 millions de dollars et celle d’un Bangladeshi était estimée à environ 5 000 dollars. Et qu’en est-il de la nôtre, la même somme en francs CFA peut-être ? Quand je dis de la nôtre, je parle de la population noire dans le monde. Selon un rapport récent, aux Etats-Unis, les Noirs continuent à mourir cinq ans plus tôt que les Blancs parce qu’ils reçoivent des soins de moins bonne qualité que le reste de la population.
Bien sûr l’espérance de vie chute radicalement quand un jeune afro-américain, Donovan Lewis, est abattu par un policier alors qu’il se trouvait dans un lit où qu’un enseignant noir, Keenan Anderson, meurt après six décharges de Taser.
"Je ne peux pas respirer", protestait George Floyd à Minneapolis, alors qu'un policier l'immobilisait avec un genou sur le cou. Mais moi non plus je ne peux pas respirer dans ce monde où nos êtres chers sont victimes de la violence d’État !
Mais je veux revenir à notre vie à nous, c’est à dire ici au Sénégal et je suis bien obligée de considérer que dans notre pays, aussi « modèle » soit-il, la vie est plus fragile qu’ailleurs.
J’en veux pour preuve ces routes meurtrières et l’absence systématique de principe de précaution. Trop peu d’infrastructures, trop peu d’anticipation, même s’il faut croire de toutes nos forces dans les 23 mesures urgentes du gouvernement pour améliorer la sécurité routière après le drame tragique de Sikilo qui a causé 42 décès à ce jour et plus de 100 blessés, soit l’un des bilans les plus lourds de l’histoire de notre circulation routière.
Le mauvais état des routes, la vétusté des véhicules, la conduite désinvolte ou en état d’ébriété, nous devons en finir « quoi qu’il en coûte » avec ces images d’enfants accrochés aux car-rapides, des bus qui roulent à 100, en surcharge de personnes et de bagages, avec des pneus usés et des chauffeurs non professionnels, ça suffit…
Mais voilà que les transporteurs ont décidé de muscler leur bras de fer contre le gouvernement après les mesures prises lors du Conseil interministériel contre l’insécurité routière. Ainsi, ils ont décrété une grève illimitée à partir du mardi 17 janvier. Un peu de mesure et de respect messieurs !
De son côté, pour le Premier ministre, “ces mesures ne doivent faire l'objet ni de report ni de compromis. Nous serons sans concession avec ceux qui contreviennent aux règles édictées pour garantir l'intégrité physique de nos concitoyens", a-t-il déclaré. Et il a parfaitement raison notre PM !
Visiblement les transporteurs ne l’entendent pas de cette oreille. Mais n’est-il pas temps sur le sujet, d’un vrai débat démocratique sans menace, ni violence, ni insulte ?
Je ne sais pas pour vous mais moi j’en ai marre de voir ces durs à cuire de la politique, des syndicats et des lobbys, tous ces mâles colt à la ceinture, surgir pour régler leurs comptes à la façon d’un gang des cow-boys sans foi ni loi. Le message politique au Sénégal témoigne d’une ère archaïque où l’homme est un loup pour l’homme.
Car enfin, que font-ils, pour la plupart, à part se traiter de tous les noms d’oiseaux sur les plateaux de TV, de radios et sur les réseaux sociaux ? Ils parlent fort, convaincus de détenir la vérité en tout. Je crois sincèrement que la politique des cowboys, où qu’elle se pratique dans le monde, est une politique dangereuse.
Alors que la crise économique frappe durement et que beaucoup de nos jeunes ne trouvent pas de boulot, n’est-il pas temps de renouer le dialogue ?
Même nos religieux appellent à l’apaisement de la tension politique. Selon eux, le pouvoir et l’opposition doivent « dialoguer autour de débats constructifs ».
C’est de nos vies qu’il s’agit ! Si ces mesures gouvernementales ne sont pas fermement soutenues par tous les Sénégalais, de quelque croyance ou bord politique qu’ils soient, l’échec sera collectif et les chauffards continueront à faucher nos pauvres destins fragiles.
Le mal est profond et l’absence de dialogue nous condamne dans tous les compartiments du jeu démocratique !
Alors je veux avoir une pieuse pensée pour nos compatriotes victimes à Sikilo, à toutes ces âmes errantes et pour leurs familles, les assurer du soutien de tous les Sénégalais que nous sommes et leur dire que le prix de leur vie à un sens pour chacun d’entre nous, que rien ne devrait plus jamais être comme avant sur nos routes et que des leçons ont été tirées de leur tragédie afin qu'elle ne se reproduise pas.
Oumou Wane est présidente d’Africa7.
par l'éditorialiste de seneplus, jean-claude djéréké
BENOIT XVI TEL QUE JE L’AI PERÇU
EXCLUSIF SENEPLUS - Difficile de nier les qualités intellectuelles de Joseph Ratzinger quoique Johann-Baptist Metz, Carlo Maria Martini, Bernard Sesboüé et Joseph Moingt ne fussent pas moins brillants
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 14/01/2023
Benoît XVI a été inhumé au Vatican, le 5 janvier 2023. Il était le dernier grand théologien catholique de sa génération après la mort du Suisse Hans Küng, le 6 avril 2021. Celui-ci osa critiquer en 1968 l’encyclique « Humanae Vitæ » de Paul VI qui condamne l’avortement. Küng reprochait à Paul VI de l’avoir écrite tout seul et mettait ainsi en cause l’infaillibilité du pape. La sanction ne tarda pas. En 1979, la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), l’ex-Saint Office, lui fit savoir qu’il ne pouvait plus enseigner dans les universités catholiques. C’est la même CDF qui sanctionna les jésuites Pierre Teilhard de Chardin, Henri de Lubac et le dominicain Yves-Marie Congar qui militaient pour un aggiornamento de l’Église et dont Küng se sentait proche. Ratzinger prendra la direction de cette Congrégation deux ans plus tard.
Avant d’emménager à Rome, Joseph Ratzinger était progressiste comme Küng. Au Concile Vatican II (1962-1965), il accompagnait le cardinal Joseph Frings qui était pour la réforme de la Curie romaine afin que l’Église soit plus démocratique alors que des cardinaux comme Alfredo Ottaviani, préfet de l’ex-Saint Office, y étaient farouchement opposés. Le cardinal Montini, archevêque de Milan et futur pape Paul VI, était, lui aussi, partisan de la réforme de la Curie.
C’est après les manifestations étudiantes de mai 1968 en Europe que Ratzinger rejoint le camp des conservateurs. Préfet de la CDF depuis 1981, il ne pardonne pas à Leonardo Boff, qui fut un de ses étudiants à Tübingen, son analyse critique du fonctionnement ecclésiastique fondé sur le pouvoir au mépris du charisme évangélique dans « Église, charisme et pouvoir » (Paris, Lieu commun, 1985). Dans une note datée du 11 mars 1985, il précise que « certaines options du livre de L. Boff s’avèrent insoutenables : la structure de l’Église, la conception du dogme, l’exercice du pouvoir sacré, le prophétisme ». Plusieurs laïcs, prêtres et évêques sud-américains estiment, au contraire, que le théologien brésilien ne va pas contre la doctrine catholique en affirmant que « la théologie de la libération ne doit pas simplement combattre l’aliénation et l’injustice dans la société civile mais également dans l’institution religieuse elle-même ». Des évêques et cardinaux brésiliens lui apportent leur soutien. Il s’agit, entre autres, de Hélder Câmara, de Pedro Casaldaliga, d’Aloisio Lorscheider et de Paulo Evaristo Arns. Ce soutien ne fait cependant pas reculer la CDF qui, en 1985, contraint Boff au silence et à l’obéissance. Jugeant la sanction injuste et humiliante, le Franciscain brésilien abandonne, le 29 juin 1992, le sacerdoce tout en restant dans l’Église.
La théologie de la libération était accusée d’épouser les thèses et méthodes marxistes (analyse marxiste, lutte des classes, recours à la violence, etc.). Rien n’est plus faux, répondirent ses partisans qui ne manquèrent pas de rappeler que cette théologie s’appuyait sur l’expérience du peuple juif que Dieu fit passer de l’esclavage en Égypte à la liberté sous la houlette de Moïse (Exode, chap. 12 et suivants) et qu’elle visait à libérer les peuples d’inacceptables conditions de vie. Ils faisaient remarquer que l’on peut utiliser l'instrument d'observation et d’analyse inspiré du marxisme sans adhérer nécessairement à l'idéologie marxiste, que tous les prêtres latino-américains ne s’étaient pas engagés dans les guérillas paysannes comme les Colombiens Camilo Torres Restrepo et Manuel Pérez Martínez et que, contrairement à la hiérarchie catholique qui avait soutenu les régimes militaires dans certains pays (Argentine, Brésil, Guatemala, Salvador) dans les années 1960 et 1970, les militants de la théologie de la libération, eux, avaient combattu ces dictatures et contribué à leur déclin à partir des années 1980.
Quand on a lu « Changer le capitalisme » (Paris, Bayard, 2001) du jésuite français Jean-Yves Calvez, on se rend compte de la justesse et de la pertinence des critiques adressées par Karl Marx aussi bien aux dérives du capitalisme qu’à l’accumulation des pouvoirs de décision entre les mains d’un petit nombre de personnes. Voilà pourquoi, à mon avis, la vraie raison de la haine que la CDF vouait à la théologie de la libération est à rechercher ailleurs. Trois jésuites sud-américains avec qui j’ai étudié à Rome en 1996-1998 m’avaient donné une double explication de l’hostilité de la CDF à la théologie de la libération dont les grandes figures sont Gustavo Gutiérrez (Pérou), Leonardo et Clodovis Boff (Brésil), Jon Sobrino et Ignacio Ellacuría (Salvador), Juan Luis Segundo (Uruguay) : 1) plaire à Washington qui percevait la théologie de la libération comme une sérieuse menace de ses intérêts et 2) montrer que la théologie européenne est la seule théologie qui vaille et à laquelle tout catholique devrait se soumettre.
Élu pape en 2005, Ratzinger essaya-t-il de couper les ponts avec l’eurocentrisme défini par Wikipédia comme « une forme d'ethnocentrisme qui consiste à attribuer une place centrale aux cultures et valeurs européennes aux dépens des autres cultures et qui considère comme supérieures les cultures originaires d'Europe » ? Certains pensent que, s’il choisit d’être appelé Benoît en référence à Saint Benoît, patron de l’Europe, et à Benoît XV, pape pendant la Première Guerre mondiale, c’est parce que le successeur de Jean-Paul II voulait signifier que l’Europe en voie de déchristianisation devenait sa priorité. De fait, 17 des 25 visites pastorales eurent lieu en Europe. Quant à l’Afrique, il ne s’y rendit que deux fois : au Cameroun et en Angola (17-23 mars 2009), puis au Bénin (18-20 novembre 2011). Certes, on l’entendit dire, le 2 mars 2006, que “l'Europe a exporté non pas seulement la foi en Jésus-Christ, mais aussi les vices du vieux continent, le sens de la corruption, la violence qui dévaste actuellement l'Afrique” mais à qui s’adressait-il ? Au clergé diocésain de Rome plutôt qu’aux politiques et hommes d’affaires européens impliqués dans la vente d’armes et le pillage des matières premières du continent. Certes, il reconnut en 2009 que “l’Afrique continue à être toujours l’objet d'abus de la part des grandes puissances et que de nombreux conflits n'auraient pas pris cette forme si les intérêts des grandes puissances ne se trouvaient pas derrière” mais à quelle occasion tint-il ce discours ? Pendant la messe d’ouverture du 2e synode africain (4-25 octobre 2009). On eût aimé qu’il prononçât un tel discours aux Nations Unies ou bien devant le Parlement européen de Strasbourg. On aurait jubilé s’il avait dénoncé, dans les capitales occidentales même, l’arrogance et les crimes des Occidentaux en Afrique, en Asie et en Amérique latine. On attendait qu’il fasse mentir Valentin-Yves Mudimbe qui écrit ceci : « Le catholicisme est une religion marquée par l’Occident jusque dans la compréhension du message. Porté, soutenu par des structures européennes, il n’est guère possible de l’aimer sans s’inscrire dans l’histoire d’un monde… La haine de la hiérarchie catholique pour tous les mouvements nationalistes relève partiellement d’une volonté nette de sauvegarder à tout prix des avantages injustifiés hérités de l’époque coloniale. » (cf. « Entre les eaux », Paris, Présence Africaine, 1973, pp. 30 et 38)
Le silence de Benoît XVI sur la mise à mort de Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011 et sur la destruction de la Lybie par l’OTAN, la présence, le 21 mai 2011, de Mgr Ambrose Madtha, nonce apostolique en Côte d’Ivoire et de Mgr George Antonysamy, nonce apostolique au Liberia, à l’investiture de Dramane Ouattara dont les troupes avaient massacré 816 personnes à Duékoué les 29 et 30 mars 2011 au nez et à la barbe de l’ONUCI ne montrent-ils pas que, pour le pape allemand, les intérêts de l’Europe passent avant ceux de l’Afrique, voire avant la justice et la vérité de l’Évangile ? Ce silence et cette présence sont d’autant plus troublants que, face à des pèlerins français venus le saluer à Castel Gandolfo, Benoît XVI s’était insurgé contre l’expulsion de 200 Roms par le gouvernement français vers la Bulgarie et la Roumanie en août 2010. L’un ou l’autre prêtre africain l’a qualifié de « grand homme ». À moins de ne pas connaître le sens des mots ou, ce qui est pire encore, à moins d’être mentalement dérangé, comment peut-on décerner un tel titre à un individu pour qui massacrer des Noirs semble moins grave qu’expulser des Bulgares et des Roumains ?
Difficile de nier les qualités intellectuelles de Joseph Ratzinger quoique Johann-Baptist Metz, Carlo Maria Martini, Bernard Sesboüé et Joseph Moingt ne fussent pas moins brillants ; difficile de rester insensible aux paroles élogieuses prononcées à l’endroit de Thomas More, « intellectuel et homme d'État anglais de grande envergure », dans son discours à la société civile et politique britannique, le 17 septembre 2010 ; difficile de ne pas reconnaître que c’est lui qui commença à purifier l’Église catholique en sanctionnant les clercs coupables de scandales financiers et d’abus sexuels (Marcial Maciel Degollado, prêtre mexicain et fondateur des Légionnaires du Christ relevé de toute fonction en 2006, les évêques centrafricains Paulin Pomodimo et Xavier Yombaïndjé poussés à la démission en 2009) ; difficile de ne pas être d’accord avec lui quand il rappelle en juin 2007 aux évêques de Centrafrique que l’Église a le devoir « de défendre les faibles et de se faire la voix des sans voix» ; difficile de ne pas saluer sa démission le 11 février 2013, chose que l’on n’avait plus vue depuis Grégoire XII en 1415.
Enfin, qui n’a pas été édifié par son débat courtois mais sans complaisance avec le philosophe allemand Jürgen Habermas en janvier 2004 ? Mais de là à le présenter comme un homme exceptionnel ou à demander sa canonisation tout de suite (« santo subito »), il y a un pas que je ne franchirais pas pour la simple raison qu’il n’a jamais invité les prêtres et religieux homosexuels qui mènent, eux aussi, une double vie à abandonner le ministère sacerdotal ou la vie religieuse, parce que lui et Jean-Paul II ont ignoré pendant vingt ans Mgr Oscar Romero considéré comme martyr et saint au Salvador après avoir été assassiné en pleine messe en mars 1980 par des soldats à qui il avait demandé la veille d’arrêter la répression, parce qu’eurocentrisme et catholicisme ne sont pas compatibles. Le mot « catholique » signifie universel. Revendiquer cet universel, se réclamer d’une communauté qui proclame que tous les hommes sont enfants de Dieu, annoncer que « Jésus est venu rassembler les hommes de toute nation et de toute langue » tout en ayant une compassion et une colère sélectives me semble incohérent.
Il me faut conclure et je voudrais le faire en revenant à Hans Küng dont le Jésus me parle plus que celui de Ratzinger. Pourquoi ? Parce que, pour le théologien suisse, « Jésus n’est pas un prêtre, ni un théologien, ni l’homme de l’establishment ecclésiastique ou social, ni un membre ni un sympathisant du parti au pouvoir, conservateur ou libéral, ni un guérillero, ni un putschiste, ni une personne vivant à l’écart du monde ou proposant une règle religieuse mais un défenseur de la cause de Dieu et de la cause de l’homme, quelqu’un qui n’appelle pas à rechercher la souffrance mais à la combattre » (cf. « Jésus », Paris, Seuil, 2014). Peu de gens savent que Hans Küng participa aux travaux du Concile Vatican II à la demande de Jean XXIII, qu’il revendiquait une "fidélité turbulente" à l’Église et que Jean-Paul II souhaitait en 1980 qu’il puisse être appelé de nouveau théologien catholique (cf. « Le Monde » du 26 mai 1980). Bien que les deux théologiens aient joué dans deux camps opposés (Küng était avec la revue « Concilium » tandis que Ratzinger était engagé dans « Communio »), ils se rencontrèrent à Castel Gandolfo, le 24 septembre 2005. Sauf erreur de ma part, quand Kung rendit l’âme, je ne pense pas que Benoît XVI lui ait rendu hommage. En revanche, Mgr Georg Bätzing, président de la Conférence épiscopale allemande, a tenu les propos suivants : « Avec le décès du professeur Hans Küng, la science théologique perd un chercheur reconnu et controversé. Dans son travail de prêtre et de scientifique, Hans Küng s’est attaché à rendre compréhensible le message de l’Évangile et à lui donner une place dans la vie des fidèles. Hans Küng n’a jamais manqué de défendre ses convictions. Même s’il y a eu des tensions et des conflits à cet égard, je le remercie expressément en cette heure d’adieu pour ses nombreuses années d’engagement en tant que théologien catholique dans la communication de l’Évangile.»
Une des choses que les « deux frères ennemis de la théologie » avaient en commun, c’est d’avoir affronté les problèmes de leur temps et de leur continent. On attend la même chose des théologiens et penseurs africains : trouver des réponses aux difficultés et défis de l’Afrique au lieu de chercher à être les meilleurs interprètes ou répétiteurs des penseurs occidentaux.
PAR Jean-Baptiste Placca
SYLVANUS OLYMPIO, LEADER D'ENVERGURE
Puis, soudain, l’Afrique bascula dans le pire. À jamais, avec ce premier assassinat d’un chef d’État élu. En une nuit, le Togo avait changé de destin
Son assassinat, le 13 janvier 1963, a marqué le début des coups d’État sanglants, en Afrique. Le 60e anniversaire de l’élimination de Sylvanus Olympio, père de l’indépendance togolaise, a été largement évoqué sur RFI le 13 janvier. Mais c’est sur le profil de l’homme que vous souhaitez revenir tout particulièrement, aujourd’hui. Pourquoi donc?
Il était de ces leaders qui donnent à leur peuple l’envie de se surpasser. Son parcours, aujourd’hui encore, inspirerait la jeunesse africaine en quête d’excellence. Sylvanus Olympio a fait ses études dans l'une des plus prestigieuses institutions universitaires de la planète, la London School of Economics and Political Science. Avant d’entrer en politique, il avait eu une carrière professionnelle exemplaire chez Unilever, où il était l'un des rares Africains à devenir associé.
Un des intervenants, hier 13 janvier sur RFI, indiquait qu’il était l'un des dirigeants les mieux formés de l’Afrique indépendante. En fait, il était unique, dans l’ensemble de l’Afrique francophone, dont les dirigeants, à l’indépendance, étaient pour la plupart des instituteurs, des employés des postes ou des chemins de fer. Bien sûr, Léopold Sédar Senghor était agrégé de grammaire et Félix Houphouët-Boigny, formé, d’abord comme instituteur, est ensuite devenu ce que l’on appelait médecin africain.
Sylvanus Olympio, sûr de ce qu’il valait, agaçait passablement, avec ce que certains de ses pairs francophones décrivaient comme des airs anglo-saxons. Même dans les anciennes colonies britanniques, où nombre de chefs d’État avaient une formation universitaire, ce n’est que beaucoup plus tard que des pays comme le Botswana seront dirigés par des diplômés de cette même London School of Economics, dont est sorti Olympio, en 1929.