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2 décembre 2024
Opinions
Par Abdoulaye THIAM
PERMIS DE TUER !
La mort de 39 Sénégalais dans un grave accident de circulation à hauteur de Kaffrine a créé l’émoi et la consternation sur l’étendue du territoire. Comme d’habitude, à chaque fois qu’un malheur frappe notre pays, une émotion primitive envahit les médias
La mort de 39 Sénégalais dans un grave accident de circulation à hauteur de Kaffrine a créé l’émoi et la consternation sur l’étendue du territoire. Comme d’habitude, à chaque fois qu’un malheur frappe notre pays, une émotion primitive envahit les médias. La classe politique affiche sa scolarité et sa compassion aux victimes et à leur famille. Les médias se rivalisent d’éditions spéciales. Les antennes radios s’ouvrent à cœur joie.
Mais le temps d’une rose, on oublie rapidement nos morts, pour la plupart des jeunes, partis à la fleur de l’âge, à jamais à cause d’une irresponsabilité, de l’indiscipline d’un chauffeur et/ou chauffard, de sa cupidité. Tout ça, parce que nous refusons de prendre notre responsabilité pour sanctionner les coupables afin de freiner l’hémorragie. La première responsabilité est étatique. Le président Abdou Diouf n’avait-il pas pris un décret interdisant aux apprentis de se mettre debout sur les marche-pieds des véhicules de transports en commun. On connaît la suite.
Après le naufrage du bateau Le Joola, la plus grande catastrophe maritime au monde, avec 1853 victimes devant même le Titanic, le président Abdoulaye Wade avait demandé qu’on fasse notre propre introspection. On a alors assisté à quelques changements de comportements qui auraient dû être la norme: faire la queue avant de monter dans un bus, éviter les surcharges, respecter les heures de départ et ne s’arrêter qu’au niveau des arrêts, etc.
Mais regardons le spectacle qui s’offre sous nos yeux avec la complicité inouïe de nos forces de sécurité. Taxis «Clandos», charrettes, certaines voitures aux allures de cercueils roulants transportent nos concitoyens qui n’ont souvent pas le choix vers les cimetières.
Alors que nous peinons à faire notre deuil près de 21 ans après ce drame survenu le 26 septembre 2001, nous avons repris nos vieilles et mauvaises habitudes. Ce qui a conduit à ce drame produit à Bettenty avec la mort par noyade de 21 femmes dans le chavirement d’une pirogue dépourvue de gilets de sauvetage. La liste est loin d’être exhaustive. Malheureusement, elle risque de s’allonger davantage parce que c’est nous-mêmes qui délivrons le permis de tuer.
Par Vieux SAVANÉ
DE LA POLITIQUE AUTREMENT
Consolider la démocratie sénégalaise, c’est sortir de la pulsion « dégagiste ». Il est plutôt question de redéfinir l’échelle des valeurs afin de remplacer l’immoralité par la moralité, la malhonnêteté par l’intégrité, la traîtrise par le patriotisme
Ce n’est ni une question de droit ni une question éthique, c’est de la politique dit-on communément pour justifier des décisions problématiques. Désarçonnante affirmation puisqu’elle sous-entend que la politique est le lieu de toutes les extravagances, du basculement de toute règle vu que tous les coups sont permis, des plus tordus aux plus sordides. Encastrée dans un espace clos, dans son monde propre, comment alors s’étonner qu’elle soit si mal perçue ?
Il suffit d’ailleurs de jeter un regard rétrospectif sur le processus de consolidation de la démocratie au Sénégal, pour constater avec tristesse que l’avènement de la première alternance politique démocratique en 2000, après 40 ans de pouvoir socialiste, a été loin d’avoir tenu toutes ses promesses. Qu’en dépit des longues années d’opposition ponctuées par des séjours en prison, diverses vexations, privations et humiliations, en lieu et place d’une rupture salvatrice, il a fallu en effet très vite désespérer du chef de l’opposition d’alors. Son accession à la magistrature suprême ayant été vécue à l’image du couronnement d’un cheminement personnel, l’argent public s’est transformé en cagnotte privée au service d’une générosité suspecte, ouverte à toutes les audaces de captation et de prédation.
Une posture aux antipodes de celles adoptées sous d’autres latitudes, à l’instar de Singapour, où le premier Premier ministre de la République, feu Lee Kuan Yew, avait eu conscience de devoir faire le choix « entre deux chemins à suivre ». Aussi, les deux termes de l’alternative étaient-ils ainsi posés : « le premier : voler l’argent de l’Etat, enrichir mes amis et mes parents, appauvrir mon pays, et en conséquence mettre mon peuple dans la misère. Le deuxième : Servir mon peuple et faire rentrer mon pays dans le rang des 10 meilleures nations du monde ». Le résultat n’aura pas tardé puisqu’en moins d’une génération, Singapour est passé du statut de pays sous-développé et corrompu à celui de géant économique.
Au Sénégal, loin d’un telle alternative, la politique se donne au contraire de plus en plus comme le chemin le plus court et le plus sûr pour s ‘enrichir rapidement. Aussi est-il de moins en moins question de programme pour les centaines de partis recensés, encore moins de vision mais d’ épouser plutôt des postures déclamatoires et de se positionner dans l’accès aux ressources. Si prompts à dénoncer l’hyper-présidentialisme, la mal gouvernance, l’absence d’éthique, de redevabilité, le clientélisme et le népotisme, les prétendants à la magistrature suprême sont comme visités par une amnésie soudaine dès qu’ils sont élus. Aussi, au delà du débat sur un deuxième, troisième, quatrième mandat se pose un impératif qui s’affiche sous la forme d’un choix entre les « deux chemins » auxquels faisait référence Lee Kuan Yew. Une direction qu’on est toutefois loin d’emprunter tant les scènes qui se sont déroulées à l’Assemblée nationale, la lutte des places qui n’épargne aucun camp, n’augurent pas de lendemains qui chantent.
S’y ajoute l’avertissement de feu Ousmane Tanor Dieng, ancien ministre des Services et Affaires présidentiels et ancien homme fort de l’ancien président Abdou Diouf . Ainsi relevait-il : « On a observé depuis le défunt président Senghor une hypertrophie du pouvoir présidentiel, tout est entre les mains du chef de l’Etat. C’est lui qui initie, décide et exécute. Tout part de lui, tout revient à lui. Donc la première chose à remarquer, c’est cette espèce de culture de l’Exécutif ou culture du bonapartisme ou du césarisme. Tout est entre les mains du président de la République qui a des pouvoirs quasi illimités » ( in Le populaire du 8 mars 2005). Avec une gravité qui sonne encore comme une autocritique doublée d’un appel au sursaut, cet homme qui savait de quoi il parlait affirmait : « Les institutions sénégalaises étaient dangereuses avec nous et sont encore plus dangereuses aujourd’hui avec le régime de l’alternance ». Ou tout simplement entre des mains inexpertes et ne remettant pas en cause l’hyper-présidentialisme.
LE DEGAGISME N’EST PAS UNE PANACEE
Après deux alternances politiques démocratiques voilà que les dernières élections locales et législatives viennent consacrer s’il en était besoin, l’idée selon laquelle la carte d’électeur est utile. Et c’est justement cela qui participe à sédimenter une institution, à la rendre crédible et incontestable, la soustrayant ainsi au bon vouloir de telle ou telle personne. Parce que la vigilance devrait s’exercer à ce niveau, le nouveau palier à franchir est d’arriver à ce que le vote se détache de sa dimension protestataire voire référendaire pour épouser enfin la dimension d’adhésion et de conviction à travers un choix pluriel.
Ce que 2024, s’il n’est pas pollué par le débat sur un second quinquennat ou un 3e mandat, est censé nous offrir en nous mettant en face de deux, trois voire quatre primos candidat(e)s à la magistrature suprême. En 2000 en effet, tout comme en 2012, nombre d’observateurs s’étaient accordé sur le fait qu’on a voté contre le locataire qui était à Roume et qu’il fallait déloger coûte que coûte. Tout comme ces dernières législatives qui avaient l’allure d’un référendum.
A l’évidence, consolider la démocratie sénégalaise, c’est sortir de la pulsion « dégagiste » de ce stade protestataire. Ce qui suppose que les locataires du palais, le citoyen-électeur dont la maturité arrive pour l’essentiel à se jouer du « ndigel »religieux et de l’achat de conscience , l’opposition, jouent le jeu à en respectant les règles et en apportant de façon consensuelle les correctifs sur les manquements dénoncés. Reste donc à traquer les dysfonctionnements de nos institutions, pour les renforcer, les sécuriser et les crédibiliser, afin que le système puisse obliger tout un chacun à suivre les règles qui s’imposent à tout le monde.
Reste surtout à sacraliser une parole univoque ou « oui veut dire oui », et « non veut dire non ». Il est important en effet pour imprimer un véritable leadership dans le corps social que revienne comme un impératif cette alternative du premier Premier ministre Singapourien. A défaut on l’aura compris , le Sénégal continuera de s’éloigner de ce goût de l’avenir qui lui fait tant défaut.
Toute cette séquence de notre histoire devrait par contre nous amener à comprendre que le renouvellement de la classe politique auquel nombre de citoyens ont appelé de leurs vœux ne saurait se réduire à une affaire de naissance, avant ou après les indépendances. Encore moins à idolâtrer les jeunes et à jeter les vieux aux orties ou vice versa. Il est plutôt question de redéfinir l’échelle des valeurs afin de remplacer l’immoralité par la moralité, la malhonnêteté par l’intégrité, la traîtrise par le patriotisme. Il importe par conséquent de déconstruire cette manière de percevoir la politique comme ce lieu du tout permis, en s’érigeant en hommes et femmes de causes qui les transcendent. A défaut, à un an de la prochaine élection présidentielle, le Sénégal court le risque de reconnaître le bonheur perdu au bruit furieux qu’il ferait en partant, assommé par les cocktails molotov, les pneus brûlés, les balles réelles qui tonnent, les grenades assourdissantes.
Parce qu’il mérite mieux que cette catastrophe annoncée grosse de tous les dangers, en clin d’oeil à Albert Camus, ce beau pays qui est le nôtre nous somme de procéder à « une révolution » voire de « remplacer la politique par la morale ». Hors de tout dégagisme, l’urgence est assurément de rendre le choix possible et de faire en sorte que le Sénégal ne se défasse.
PAR Madiambal Diagne
LES 100 RENIEMENTS DE SONKO POUR PLAIRE À LA FRANÇAFRIQUE
Le leader de Pastef s’est systématiquement dédit sur le plateau de France 24 et RFI et a poussé son souci de bienséance en adoptant des postures empruntées, jusqu’à concéder à son punching-ball, Macky, une certaine révérence
C’était comme écrit, pour chercher à se présidentialiser, Ousmane Sonko a été obligé de se renier, de renier ses «convictions» portées en bandoulière et même de renier les siens. L’entretien qu’il a accordé à deux journalistes de France 24 et de Radio France internationale (Rfi), diffusé le 6 janvier 2023, est un condensé de reniements. Ce furent quatorze longues minutes de reniements ; décidément, un lourd prix pour chercher à plaire à… la France.
Se faire accepter par la France vaudrait-il autant de sacrifices ?
Le leader du parti Pastef avait juré de ne plus jamais s’adresser aux médias publics français, comme Rfi et France 24, qu’il accusait d’être les porte-voix de la France à travers le monde, particulièrement de sa politique «néfaste» en Afrique. Il ajoutait à sa liste de médias bannis, des journaux comme Le Monde, Le Monde Diplomatique et Jeune Afrique. Ces médias avaient eu l’outrecuidance de donner la parole à la jeune dame Adji Sarr qui accuse Ousmane Sonko de viols et d’autres sévices sexuels dans un lupanar. En acceptant de s’adresser donc à France 24 et Rfi, Ousmane Sonko revient sur ses résolutions, alors que rien n’a changé sur ce registre. Sans doute, pour se donner bonne conscience, il a essayé de distiller de manière sibylline, au cours de l’entretien, que ces médias, notamment des responsables de Rfi, auraient eu à lui confier admettre leur traitement déséquilibré de l’affaire Adji Sarr.
La direction de Rfi ne pouvait laisser passer cette affirmation et diffusera immédiatement un communiqué pour s’inscrire en faux. En effet, nul ne voit Rfi jeter en pâture le professionnalisme et la rigueur morale de ses journalistes.
Ousmane Sonko s’est systématiquement dédit sur le plateau de France 24 et Rfi et a poussé son souci de bienséance en adoptant des postures empruntées, jusqu’à concéder à son punching-ball, Macky Sall, une certaine révérence. Ainsi, il a pu surprendre quand il s’évertuait à chaque fois à servir du «le Président Macky Sall» ou du «le président de la République». Il ne nous avait pas habitués à autant de respect et de considération dans son langage à l’endroit du chef de l’Etat.
Les journalistes Marc Perelman et Christophe Boisbouvier se sont montrés incisifs. Ils ont démarré l’entretien par la question qui fâche, celle des accusations de viols. Histoire de montrer d’entrée de jeu qu’aucun cadeau ne sera fait à l’hôte du jour ? Ousmane Sonko a accepté de répondre sans broncher à cette question, encore qu’il a eu à rabrouer un journaliste sénégalais qui l’avait interpellé sur le sujet. Ousmane Sonko considérait que c’était, de la part du journaliste sénégalais, un manque de respect que de lui poser une pareille question. Mais devant le plateau des médias français, il n’a pas fait la moindre objection devant cette question.
Le complexe du Blanc ou bien devrait-on considérer que quand on se résigne à avaler des couleuvres, aucune n’est trop grosse ? Qu’à cela ne tienne ! Les relances, remarques et piques des intervieweurs ont aussi été des plus assassines ; comme sur le test Adn qui «reste la voie ultime pour clore cette affaire» ou pour «clarifier définitivement cette affaire» ou encore sur les graves accusations de complot dans lequel la France aurait trempé, à en croire le leader du parti Pastef. Dans ses réponses, il a éludé cette dernière remarque ou avalé sa langue. La France ne serait plus partie prenante au complot laisserait-il ainsi deviner. Le comble pour un candidat à l’élection présidentielle est de commencer à répondre à une interview par une question sur une accusation de viol et son refus de faire un test Adn qui allait clore le débat sur cette affaire !
En outre, le plus surréaliste, pour ceux qui pouvaient croire que Ousmane Sonko allait rester droit dans ses bottes, est qu’il a enfermé, à double tour, dans le guéridon sur lequel il a posé de manière ostentatoire un poster du capitaine Thomas Sankara, toute la rhétorique guerrière contre la France. Pas une fois, il ne s’en est pris à la France. Au contraire, il a osé dire : «Nous n’avons rien contre la France !» Assurément, son allié Guy Marius Sagna et les autres membres du mouvement «Frapp-France Dégage» apprécieront cet autre reniement.
Ousmane Sonko a cherché à donner des gages pour trouver la France fréquentable et a renié la politique pro-russe des militaires putschistes au Mali ou au Burkina Faso ou les slogans des «Transformateurs» au Tchad. Il leur a fait la leçon, quant aux drapeaux russes qui flottent régulièrement dans les rassemblements pour vouer aux gémonies la France et les partenaires occidentaux. Il en a véritablement dit plus que ne pouvaient espérer de lui des diplomates français.
Les journalistes de France 24 et de Rfi, pince-sans-rire, ont mis Ousmane Sonko en face de ses déclarations antérieures sur la France. Il a toujours soutenu que «nos relations avec la France devaient cesser et non changer de format», que «le colonialisme français avait assez duré», que «la France doit lever son genou du cou des Africains», faisant sans doute allusion à la technique policière brutale, devenue tristement célèbre après la mort de George Floyd. Il s’est gardé de prononcer ses mots fétiches : «colonialisme» ou «néocolonialisme» ou «impérialisme français». Il n’a pas non plus cité la moindre entreprise française opérant en Afrique, surtout pas Total, Eiffage ou Auchan, alors qu’il les accusait de sucer le sang des Africains et les désignait du doigt à la vindicte populaire en mars 2021 et par la suite.
En effet, on ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu ! Il est aussi étonnant ou effarant de voir Ousmane Sonko s’interdire sa rengaine contre le franc Cfa, «monnaie coloniale», responsable de tous les maux des pays africains qui continuent de l’utiliser. Ousmane Sonko mettait sur la balance le sort des pays africains colonisés par la France et celui des autres pays colonisés par les Britanniques. Dans son entendement, les anciennes colonies britanniques s’en sortiraient mieux. L’actualité de ces derniers jours, avec la retentissante débâcle économique et monétaire du Ghana, un pays jadis régulièrement cité en exemple, montre que l’herbe n’est pas toujours plus verte chez le voisin.
Aussi, n’avait-il eu de cesse de faire des offensives de séduction ou des appels du pied à la Russie. Le nouvel Ousmane Sonko en arriverait maintenant à douter de la maturité des alliés russes en Afrique, quand il en juge par leurs méthodes et approches.
Une opération séduction perdue d’avance
La sortie médiatique de Ousmane Sonko ne devrait pas avoir l’effet escompté. On se retrouve dans la situation que nous avions décrite dans une chronique, en date du 13 décembre 2021, intitulée : «De France dégage » à «France sauve nous». Mais assurément, personne ne devrait s’y tromper. On ne voit pas la France être si naïve au point d’accorder du crédit à des dénégations aussi désinvoltes et subites de Ousmane Sonko. Son hostilité maintes fois répétée à l’endroit de la France a nourri son discours politique mâtiné d’un populisme on ne peut plus démagogique. Toute personne qui pouvait trouver un quelconque mérite à la France, passait aux yeux des «patriotes» pour être un valet de la France, un renégat aux intérêts de l’Afrique. Cette posture revancharde a pu leur attirer la sympathie de quelques élites intellectuelles ou politiques africaines qui avaient de vieux comptes personnels à régler ou solder avec la France ou ses citoyens. Ousmane Sonko a ravalé ses diatribes, pour ne pas dire son vomi de la France.
Pour autant, une banale interview arriverait-elle à effacer tout le passif et assurer de refonder de nouvelles relations ? Au demeurant, cet exercice médiatique a révélé, si besoin en était encore, l’incohérence ou l’inconstance de Ousmane Sonko dont les positions valsent au gré de ses humeurs ou de ses lubies. Ousmane Sonko a même pu paraître pathétique en donnant l’occasion au «système» de le tourner en dérision, pour ne pas dire de le ridiculiser. Quel crédit accorder à un personnage de cet acabit ? Voilà qu’il est prêt à se renier en tout, à adopter toutes les contritions, pour être bien vu par la France, un pays auquel il n’avait rien épargné ! De toute façon, sa stratégie de présidentialisation (inspirée de la sauce «Marine Le Pen») par le truchement de médias français ne saurait prospérer. En France, l’histoire contemporaine montre que Dominique Strauss Kahn, qui avait le vent en poupe pour remplacer Nicolas Sarkozy en 2012, avait vu son destin présidentiel se fracasser sur l’opprobre d’accusations de viol portées par Nafissatou Diallo, une employée d’un hôtel new-yorkais.
De même, l’autre président élu avant l’heure par les sondages d’opinions, François Fillon, a été stoppé net dans sa marche vers l’Elysée en 2017 par une inculpation par un juge français. Le Président François Hollande s’était résigné à renoncer à se représenter en 2017, une fois que ses escapades à bord d’un scooter pour des rendez-vous galants avaient été révélées par les médias. C’est dire que Ousmane Sonko, qui a le malheur de rassembler toutes ces trois fautes (accusations de viols, escapades nocturnes, inculpation judiciaire), aura beau donner tous les gages qu’il ne sera plus pris au sérieux dans les milieux français.
C’est justement la raison pour laquelle il n’aurait pas dû perdre son âme dans cette opération séduction qui sera fatalement infructueuse. Si la France a pu prendre quelque part Ousmane Sonko pour un ennemi, elle peut se féliciter que ce dernier se soit livré pieds et poings liés. Il serait désormais malvenu d’accabler la France. Après avoir regardé cet entretien, j’ai eu une discussion avec un responsable de Rfi qui se réjouit que Ousmane Sonko ait fini par réaliser que «Rfi et ses journalistes ne font que leur travail et ne peuvent être ignorés». Est-il besoin de rappeler que les chaînes de radio et de télé ainsi que les journaux sénégalais attendent toujours que Ousmane Sonko daigne leur accorder une interview ? Lui qui ne rate jamais une occasion de faire parler de lui, préfère des médias littéralement couchés à ses pieds, à boire ses paroles sans aucune réplique ou relance, à l’image de ces nombreuses «télés patriotes» du web. Ce qui lui évite de se retrouver face à des organes de presse crédibles et ayant pignon sur rue, qui pourraient avoir la mauvaise idée de lui poser des questions qui fâchent… et en wolof !
par Aliou Cissé
RIEN NE SAURAIT REMPLACER UNE VIE HUMAINE
Je suis triste et en deuil pour toutes ces vies perdues dans l’accident tragique de Gniby ! J’aimerais exprimer ma compassion et mes sincères condoléances ainsi que celles de l’encadrement technique des Lions et des joueurs aux familles des victimes
Je suis triste et en deuil pour toutes ces vies perdues dans l’accident tragique de Gniby ! J’aimerais exprimer ma compassion et mes sincères condoléances ainsi que celles de l’encadrement technique des lions et des joueurs qui sont très affectés par le drame, aux familles des victimes, au peuple sénégalais, au président de la République et à toutes les autorités religieuses, coutumières et politiques du pays ! Prières pour le repos de l’âme des disparus !
Pensées pour les proches !
PAR Charles Faye
APAISEMENT
Deux ans après les émeutes sanglantes de mars 2021, le Sénégal court le danger de se retrouver dans la fournaise, comme au sortir de la dualité au sommet de l’Etat, entre Sédar Senghor et Mamadou Dia en 1962
Les vœux de bonne et heureuse année souhaités, arrêt sur la case réalité que la tension politique dope de surdoses subversives d’arrogance et hégémonie, d’accusations financières, d’inélégances républicaines, de menaces sociales non exemptes de risque de soulèvement.
Deux ans après les émeutes sanglantes de mars 2021, le Sénégal court le danger de se retrouver dans la fournaise, comme au sortir de la dualité, au sommet de l’Etat, entre le Président Léopold Sédar Senghor et le président du Conseil Mamadou Dia, en 1962.
Quarante personnes avaient succombé, 250 autres avaient été blessées, le 1er décembre 1963, lors de la première présidentielle couplée aux législatives.
Soixante ans plus tard, le pays voit le spectre de la violence prendre pignon sur rue, s’installant, allumettes en poche, dans les chaudrons gorgés d’excroissances, pour adouber un 2023 de surchauffe, avant l’implosion en 2024.
A tout point de vue, cette année, forcément transitoire, à fleur de peau, s’annonce lourde de conséquences sur la route de la prochaine présidentielle.
Pour dire les choses, elle n’a rien de rassurant, ce d’autant que tous s’accordent pour reconnaître, sans le dire, que la marmite bout à faire sauter le couvercle social. Une cocotte minute prete à embraser le pays si personne ne bouge.
Si le Macky ne prend pas l’initiative de désamorcer l’explosif. Si l’opposition ne fait pas montre de pragmatisme politique. Si la société civile ne joue pas pleinement sa mission de régulateur démocratique et d’utilité sociale. Si la presse ne prend pas position pour le peuple et l’apaisement. Si les guides religieux, toutes confessions confondues, ne prennent pas leur bâton de pèlerin, le risque est grand de voir la cohésion sociale voler en éclats.
Ce n’est pas pour rien d’ailleurs, que les tenants du pouvoir ont inscrit, tel un aveu de pêché originel, la croissance économique dans l’ordre de paix.
Pour avoir trop joué avec le feu, les jongleurs ont lancé leurs bolas enflammés de haine et d’antagonisme, dans les coins les plus reculés du pays, éblouissant la raison et semant les graines de la division, dont la germination éclot sous nos yeux incrédules.
Tant nous pensions avoir tourné le dos aux démons des politiques tropicales en 2012.
C’est à croire que nous n’avons rien compris. La gravité est que le Sénégal d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier. Les choses ont changé.
Oeuvrons pour une année apaisée, un Sénégal de paix. Car qui trop embrase, mal éteint.
RAPHAËL NDIAYE NOUS QUITTE POUR REJOINDRE SENGHOR
Ce n’était pas qu’un ami. C’était un frère d’âme et de cœur.
Ce n’était pas qu’un ami. C’était un frère d’âme et de cœur. Raphaël Ndiaye qui vient de nous quitter ce jeudi 05 janvier 2023, était une totalité. Il me manquera. Il manquera au Président Moustapha Niasse, à Maître Boucounta Diallo, au Pr Amadou Ly, au Pr Élimane Kane, à Aminata Sow Fall. Voilà la famille de la Fondation Senghor dont Raphaël était à la fois la guitare et l’âme. Il a dirigé la Fondation du grand maitre avec un amour rare. Il se sentait investi d’une mission à la dimension de la pensée de Sédar, de l’exigence de Moustapha Niasse, de la générosité et de l’éclat des membres du Conseil d’Administration de la prestigieuse Fondation dont il tenait le gouvernail. La mort est arrivée. Elle arrive toujours sans agenda et sans permission !
A Fadiouth et Joal, nous présentons nos condoléances ! Vous avez donné de beaux et grands enfants au monde, à la terre : Senghor, Raphaël, parmi d’autres ! Au frère bien-aimé du même sein que Raphaël, l’Archevêque du Sénégal Benjamin Ndiaye, nous présentons nos condoléances émues. A la famille, aux enfants, aux amis d’ici et par le monde, nous sommes à vos côtés. Dans la douleur.
Raphaël, c’était mon poète. Raphaël c’était ma guitare. Raphaël c’était mon Sérère préféré. Il me manquera. Il me manque déjà. J’ai les larmes aux yeux en écrivant cet hommage, car il m’est difficile de croire qu’il est soit vraiment parti. Je te garderais au plus chaud dans mon cœur. Entre poètes, nous nous parlerons et nous savons comment. Nous avons des chemins de nuit et des abris du jour que nous seuls connaissons. Et puis, cher ami Raphaël, tu m’as appris tant de choses ! Le Peul que je suis avait fini par rendre les armes au fascinant Sérère !
Les Sérères ont le charme de tout vous ravir et quand l’incontournable Racine Senghor s’y mêle, tout est perdu ! Avec Senghor, Yandé Codou Sène, Raphaël Ndiaye, Racine Senghor, Pape Massène Sène, Amy makha Diouf la linguère de Fatick Diakhao, c’est un combat perdu d’avance. Rendre les armes à ceux-là si bien-aimés, n’était plus une faiblesse pour un Peul. Il arrive que l’amour et l’admiration vainquent toute résistance ! C’était même reposant, même si Binta Diallo la rebelle bergère peulh, ma douce, belle et immortelle maman, ne rendra jamais les armes. Les Sérères sont avertis et le combat long. Le fils béni a certes fini par céder, mais pas la mère.
Tu resteras avec nous Raphaël. Tu resteras. Les sons de ta guitare inoubliable et de ta voix si douce, resteront en nous, vibrants, comme les chants de Yandé Codou, les poèmes du fils de Diogoye le lion vert. Raphaël, comme tu fus beau, généreux, savant, cultivé, redoutablement armé de ta savoureuse culture sérère, intraitable dans ta foi chrétienne. Tu fus un bel exemple de modestie, d’humilité, de beauté d’âme. Nous t’avons aimé et beaucoup, beaucoup aimé. Dors en paix ! Dors ! Même loin, derrière cet inconnu horizon que tu as rejoint, rien ne saura nous séparer. Notre amitié sera plus forte que la mort. Rien ne la vaincra. Tu te rappelles cher ami quand tu me racontais avec les vieux de Fadiouth et de Joal comment Senghor, tard très tard la nuit, tardait à repartir, venu causer avec les vivants ? Tu m’as tant émerveillé Raphaël, si émerveillé ! Tu te rappelles quand tu me contais la magie des chasseurs et hommes Sérères de la mer ? Tu n’étais pas que Raphaël ! Tu n’étais pas que poète, chansonnier, artiste dans l’âme, archiviste, bibliothécaire sorti des grandes écoles de Paris, philosophe sorti de Panthéon Sorbonne et philosophe nourri aux sources et légendes du terroir natal, ethnolinguiste, homme de radio et combattant des arts et lettres. Tu étais aussi un sage issu et informé des traditions de ta haute et incandescente culture sérère. Merci. Merci de tant de dons partagés. Qui, qui donc prendra le relais ? Difficile !
Pour ce qui nous reste de temps de vie sur terre avant ce que nous espérons être le grand repos, nous tenterons de sauver le patrimoine de la Fondation du grand maitre Senghor, perpétuer ton œuvre. Tu as largement accompli ta part du contrat, mon cher Raphaël ! Mais, même s’il nous arrivait d’échouer - car la tâche est colossale -, nous savons que de là où il dort, Sédar indiquera le chemin à suivre, celui de la victoire. Il a toujours le dernier mot, même sur les vivants. Il veille sur nous dans un temps du monde où nous avons besoin d’héritage rare pour survivre. En effet, « le monde s’en va. Ce ne sont plus seulement les banquises qui s’effondrent, c’est notre cœur. » C’est comme si « nous avons broyé les jambes de « Dieu ». IL ne peut plus faire un pas vers nous ».
Raphaël tu appartenais à un monde fini, vaincu, souillé par d’autres que toi. Celui que tu rejoins ne finit jamais. Il commence et recommence. Il éblouit et il est éblouissant quand des êtres comme toi y arrivent avec leur lumière, leur encens. Tu auras deux tombes : celle que Le Seigneur assigne et celle de notre cœur. Nous veillerons sur les deux, chaque jour, toujours. Raphaël, si cher, la douleur que j’éprouve aujourd’hui avec ta disparition est tellement plus grande que mon pays, ce pays si cher mais si anxieux !
Janvier 2023
Amadou Lamine SALL
POèTE MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA FONDATION LéOPOLD SéDAR SENGHOR
PAR Mamadou Abdoulaye Sow
DE L’INCOMPÉTENCE DE L'IGE À CONTRÔLER LES INSTITUIONS DE LA RÉPUBLIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Étant un service administratif rattaché à la présidence de la République, l’IGE ne devrait pas s’immiscer dans la gestion et le fonctionnement des institutions constitutionnelles. Sommes-nous dans "La République des irresponsables" ?
Dans sa publication du mercredi 4 janvier 2023, Le Quotidien titre : « Gestion financière du Cese. Chèques et mat pour Mimi. L’IGE épingle l’ancienne présidente sur plus de deux milliards de Cfa ».
L’article du journal LeQuotidien appelle un questionnement et donne l’occasion de porter un grief contre une disposition de la loi n° 2011-14 du 8 juillet 2011 portant statut des inspecteurs généraux d’État [1] qui viole le principe de la séparation des pouvoirs fixé par la Constitution. Ensuite, il sera évoqué le cadre juridique de la gestion financière du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui, à notre connaissance, n’est pas défini.
Le questionnement : sommes-nous dans « La République des irresponsables [2]»
Cette question en appelle d’autres qui montrent à quel point l’irresponsabilité s’est installée dans la République. L’auteur de l’article écrit ; « Il faudrait noter que le document de l’IGE, que Le Quotidien n’a pu que très brièvement parcourir, n’est qu’une note d’étape ». Ce dernier sait-il qu’en prenant connaissance d’un document secret et en rendant public son contenu, sans y être habilité, il a enfreint la règlementation sur la protection des documents classés secrets ?
L’auteur de la fuite de cette note pense-t-il avoir rendu un service à l’autorité politique ? Bien au contraire, il a commis une faute qui entraînera des conséquences irréparables. Comment peut-on être aussi irresponsable au point de communiquer à un organe de presse une note d’étape de l’Inspection générale d’État (IGE) estampillée « secret » ?
L’IGE doit faire diligenter une enquête pour identifier le ou les auteurs de la fuite et situer les responsabilités.
Le grief : le troisième tiret du premier alinéa de l’article 6 de la loi portant statut des IGE viole la Constitution
En 2011, les députés ont, comme d’habitude, voté à l’aveuglette le statut des inspecteurs généraux d’État sans relever le contenu du troisième tiret de l’alinéa premier de l’article 6 dudit statut qui dispose « Les missions de l’Inspection générale d’État (…) s’exercent sur (…) la gestion administrative et financière des Institutions de la République ».
Ainsi, en se fondant sur la disposition précitée, l’IGE a compétence pour contrôler la gestion administrative et financière de toutes les institutions de la République [3], notamment du président de la République (c’est une absurdité), de l’Assemblée nationale, du Conseil constitutionnel, de la Cour suprême, de la Cour des comptes, du HCCT et du CESE.
C’est comme si le président de l’Assemblée nationale, le président du Conseil constitutionnel, le président de la Cour suprême et le président de la Cour des comptes acceptaient que la gestion administrative et financière de leur institution soit contrôlée par l’IGE. Or, ces institutions constitutionnelles jouissent d’une autonomie financière conférée par le législateur organique.
En passant, quel est l’organisme chargé de contrôler l’IGE qui ne nous coûte pas moins de 2, 5 milliards de FCFA par an ?
Sur le fondement de la disposition de l’article 6, l’IGE s’est donné le pouvoir de contrôler la gestion financière du CESE en faisant fi de la loi organique n° 2012-28 du 28 décembre 2012 portant organisation et fonctionnement du CESE qui est au-dessus de la loi ordinaire portant statut des IGE. Or, l’article 25 de cette loi organique, adoptée en application de l’article 87.1 de la Constitution, dispose : « Le Conseil économique, social et environnemental jouit d’une autonomie financière ».
Le principe d’autonomie financière des institutions constitutionnelles relève du respect de la séparation des pouvoirs. Étant un service administratif rattaché à la présidence de la République, l’IGE ne devrait pas s’immiscer dans la gestion et le fonctionnement des institutions constitutionnelles.
Le troisième tiret du premier alinéa de l’article 6 de la loi portant statut des IGE est de toute évidence contraire à des lois organiques portant application de la Constitution et est implicitement abrogé par ces textes.
Le cadre juridique de la gestion financière du CESE ne nous semble pas avoir été défini
Les règles d’organisation et de fonctionnement du CESE sont fixées par la loi organique de 2012 évoquée ci-dessus. Ce texte prévoit, en son article 28, l’existence d’un décret qui détermine les conditions de son application. Dans ce cadre, il est édicté un règlement intérieur approuvé par le décret n° 2013-732 du 23 mai 2013. Toutefois, le législateur organique est resté muet sur le cadre budgétaire et comptable du CESE.
La Cour suprême et la Cour des comptes disposent de crédits budgétaires gérés selon un régime financier défini par un décret. Comme pour ces deux organes, le CESE doit faire l’objet de dispositions réglementant sa gestion financière mais un décret ne nous semble pas avoir été pris en la matière.
Relevons cependant que le régime des dépenses du CESE n’est pas soumis aux dispositions du décret de 2020 portant Règlement Général sur Ia Comptabilité Publique (RGCP). En effet, il est de tradition que les règles de droit commun de la comptabilité publique ne s’appliquent pas au CESE. Mais, les principes de bonne gestion doivent exister et être prévus dans un règlement budgétaire et comptable qui lui est propre.
Un bref rappel historique
Concernant les crédits de l’ancien Conseil économique et social, ils étaient gérés suivant la procédure d’avance spéciale à régulariser et selon des conditions d’utilisation et d’apurement fixées par le décret n° 94-345 du 5 avril 1994. Ce décret disposait en son article 8 que « les retraits de fonds à effectuer à partir du compte de dépôt ne sont pas soumis au contrôle a priori. Toutefois, l’article 10 du même décret disposait : « Les pièces justificatives de l’avance sont, à la clôture de chaque gestion, regroupées par rubriques autorisées par la loi de finances et transmises à l’appui du compte d’emploi visé par le président du Conseil économique et social à l’ordonnateur et au comptable (public) de rattachement pour intégration dans le compte général de l’État à produire au juge des comptes » [4].
Concernant les crédits de « dépenses diverses » de l’ex-Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales, ils étaient ordonnancés et employés comme en matière de fonds politiques mais sans aucun texte définissant leur modalité de gestion. Le montant des crédits votés s’élevait à 300 000 000 de francs CFA en loi de finances initiale.
Les règles de gestion qu’applique l’Assemblée nationale ont été étendues de facto aux dépenses diverses du CESE
On notera, au passage, que l’Assemblée nationale et le Sénat supprimé ont toujours utilisé les crédits de dépenses diverses de leur budget comme des fonds politiques. Alors qu’il n’a jamais existé dans la nomenclature budgétaire de l’État, de 1963 à nos jours, une rubrique « fonds politiques » pour le président de l’Assemblée nationale. En substance, aucun texte ne prévoit une compétence factuelle du trésorier de l’institution parlementaire pour verser des fonds politiques au président de l’Assemblée nationale ou à des parlementaires.
Les crédits alloués au CESE et au HCCT au titre de dépenses diverses étaient de l’ordre de six cents millions (600 000 000) de francs CFA en loi de finances initiale. Depuis leur création, ces deux institutions utilisent une partie de cette dotation budgétaire comme des fonds politiques, alors que, comme pour les fonds spéciaux du président de la République, aucun texte législatif ne prévoit l’utilisation discrétionnaire de ces crédits selon le bon vouloir de leur bénéficiaire et sans justifications de leur emploi.
Compte tenu du cadre juridique lacunaire, il apparait opportun d’adopter un statut normatif sur la finalité, la gestion et l’utilisation de ces crédits spéciaux pour répondre à un objectif de transparence. Il est urgent de mettre en place un cadre juridique sur l’usage politique de l’argent public dans un État de droit par les chefs des institutions de la République, y compris le président de la République.
Le CESE n’est pas assujetti à des contrôles administratifs : seuls les comptes du comptable public du CESE sont soumis au jugement de la Cour des comptes
Il existe un contrôle interne et un contrôle externe de l’exécution du budget du CESE dont les modalités confortent l’autonomie financière de l’institution.
Le contrôle interne des dépenses est du ressort du comptable public du CESE
Le CESE n’est pas soumis au droit commun budgétaire et comptable. Il revient au comptable public de l’institution de jouer le rôle de contrôleur budgétaire en sus de son rôle de comptable « payeur » et de comptable « caissier ».
Le contrôle externe des comptes est assuré par la Cour des comptes
L’article 25 de la loi organique de 2012 dispose que « Les comptes sont soumis au contrôle de la Cour des comptes ». Il ressort très clairement de cette disposition organique que le législateur n’a pas prévu un contrôle administratif des comptes du CESE.
Le comptable public du CESE n’est soumis ni à un contrôle administratif de l’Inspection générale d’État ou de l’Inspection des Finances du ministère des Finances ni à un contrôle non juridictionnel de la juridiction financière.
En conclusion, les Institutions de la République ne sont pas assujetties à des contrôles administratifs [5]. Le CESE n’est soumis qu’à un contrôle extérieur : celui de la Cour des comptes « ce qui ne remet pas en cause son autonomie financière mais la module d’une manière particulière [6] ».
Pour rendre leur rapport sur la CESE plus crédible aux yeux des citoyens, les vérificateurs de l’IGE devraient s’intéresser aux crédits de dépenses diverses mis à la disposition de tous les présidents qui se sont succédé à la tête du CESE et du HCCT.
[1] Elle abroge et remplace la loi n° 2005-23 du 11 août 2005, modifiée par la loi n° 2007-17 du 19 février 2007.
[2] Titre de l’ouvrage de Michelle Alliot-Marie paru en septembre 1999 aux Éditions Odile Jacob.
[3] Selon l’article 6 de la Constitution de 2001, « Les Institutions de la République sont :
le Président de la République ;
l’Assemblée nationale ;
le Gouvernement ;
le Haut Conseil des Collectivités territoriales ;
le Conseil économique, social et environnemental ;
le Conseil constitutionnel, la Cour suprême, la Cour des comptes et les Cours et Tribunaux ».
[4] Il fallait voir dans la gestion de ces crédits au moyen d’une caisse d’avances une procédure assimilable à celle des fonds spéciaux de l’État mais dans le présent cas les justifications des opérations étaient remises au comptable public du Trésor pour être jointes au compte général de l’État.
[5] Selon l’article 196 du RGCP, « le contrôle administratif s'exerce soit sous la forme de contrôle hiérarchique, soit sous la forme de contrôle organique par l'intermédiaire de corps et organes de contrôle spécialisés ».
[6] Vincent Dussart, « L’autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels », CNRS ÉDITIONS, 2000, p. 303.
PAR MAHMOUDOU IBRA KANE
BLANCHISSEZ, BLANCHISSEZ, IL EN RESTERA TOUJOURS…
La diligence dans le traitement des dossiers judiciaires quand ce sont les adversaires ou les critiques du régime qui sont mis en cause, doit être également de rigueur s’il est question des gouvernants
Le Sénégal bruit de rapports. Et de tous les rapports. Rapport de la Cour des comptes sur la gestion du fonds Force-Covid ; rapport de l’Inspection générale d’Etat sur la gestion du Conseil économique, social et environnemental sous la présidence d’Aminata Touré ; rapport entre l’Etat et le journaliste Pape Alé Niang, qu’il faut, soit dit en passant, libérer en raison de son état de santé, surtout après ses engagements écrits de se conformer aux contraintes liées à son contrôle judiciaire. S’agissant du premier rapport, à savoir celui de la Cour des comptes sur l’argent de la Covid-19, le gouvernement, pour sa crédibilité et celle de toute l’administration vis-à-vis du peuple sénégalais et des partenaires techniques et financiers, n’a d’autre choix que de saisir la justice comme le recommandent clairement les vérificateurs. La diligence dans le traitement des dossiers judiciaires quand ce sont les adversaires ou les critiques du régime qui sont mis en cause, doit être également de rigueur s’il est question des gouvernants dont le comportement avec les deniers publics (allalu mboolo) n’est pas catholique ou musulman. Sinon demain, ne nous parlez surtout pas de mobilisation générale contre ceci ou contre cela !
De la même manière, la ligne de défense de Mimi Touré suite à l’audit de l’IGE sur sa gestion du CESE n’est pas des plus solides. Tous doivent se mettre en rang à l’école et se soumettre à l’exercice de la bonne gouvernance.
Rapports, r apports, rapports… Il y a un rapport dont on ne parle pas, du moins pas assez. Il s’agit du rapport du Groupe d’action financière sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En effet, il y a quelques mois, le Gafi a cité le Sénégal parmi les pays placés sous surveillance pour leurs manquements dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Aux côtés du Maroc, du Burkina Faso et des îles Caïmans, notre pays figure désormais sur la « liste grise » des pays présentant des « déficiences stratégiques » dans les domaines visés par le Gafi. L’organisme intergouvernemental a toutefois souligné l’engagement pris par les quatre pays dont le nôtre, de mettre en œuvre des plans d’action dans des délais impartis pour améliorer leur situation. Ce classement du Sénégal ne doit surprendre personne. Ces immeubles à coût de milliards qui poussent comme des champignons à Dakar sans que cela ne corresponde à aucune réalité économique ; ces saisies records de drogues, y compris de drogue dure d’une valeur de plusieurs dizaines voire des centaines de milliards de FCFA ; ces trafics de faux billets et de faux de toutes sortes qui ne valent pas moins des milliards et des milliards, et parfois en devises étrangères ; tout ceci représente des signes pour ne pas dire des preuves de blanchiment d’argent, et comme le mentionne le Gafi, de financement présumé du terrorisme. Apparemment pris au sérieux par Dakar, le rapport du Groupe d’action financière a été abordé en Conseil des ministres du jeudi 22 décembre 2022.
Le communiqué publié à l’issue de la réunion gouvernementale, quoique laconique, est suffisamment parlant : « S’agissant de la transparence dans la gestion des finances publiques et du renforcement de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, le président de la République a réitéré son attachement à la transparence, à la promotion de la bonne gouvernance et à la reddition des comptes, érigées en piliers dans le Plan Sénégal Émergent ».
Des mots du Président Macky Sall, pour panser les maux de gouvernance du Sénégal ? Espérons-le.
L’alerte du Gafi est très préoccupante et la plus haute autorité de l’Etat semble l’avoir bien mesurée. En attendant la suite, c’est comme qui dirait : blanchissez, blanchissez, il en restera toujours quelque chose. En plus des dangers liés au financement du terrorisme, rien d’étonnant avec le blanchiment d’argent, que la capitale sénégalaise fasse partie des villes les plus chères au monde.
Par Abdoul Aly KANE
AMINATA TOURE, HOMME POLITIQUE DE L’ANNEE ?
Aminata Touré, c’est la technique du blitzkrieg ou l’art de mener une guerre éclair en mobilisant toutes ses forces vers un objectif afin de l’atteindre dans les délais les plus courts.
J’avais programmé de consacrer cette chronique à l’économie en écho au message à la Nation du président de la République. Mais, en réfléchissant sur les péripéties politiques de 2022, l’idée m’est venue de consacrer cette chronique à Aminata Touré qui est passée d’un bord politique à l’autre avec une aisance « bluffante », digne des politiciens les plus aguerris. Je ne suis pas fasciné par la personne en tant que telle mais, plutôt, par sa trajectoire politique qui, à mon sens, mérite qu’on s’y attarde.
Cet art de franchir avec beaucoup d’assurance la passerelle séparant le pouvoir et l’opposition tout en veillant soigneusement à son image de constance par rapport à ses valeurs et principes affichés, relève du grand art politique.
Aminata Touré, c’est la technique du blitzkrieg ou l’art de mener une guerre éclair en mobilisant toutes ses forces vers un objectif afin de l’atteindre dans les délais les plus courts.
Son entrée dans les fonctions étatiques est marquée par la réactivation de la CREI (Cour de répression de l’enrichissement illicite) en sa qualité de ministre de la Justice, institution qui a été perçue par la suite comme un instrument ayant eu comme but unique l’élimination de Karim Wade du jeu politique.
Dans l’espace politique, elle apparaîtra par la suite comme le débatteur attitré du pouvoir, face aux ténors de l’opposition, avec comme armesson courage indiscutable, son sens de la répartie, son sens de la stratégie politique sans doute acquise au contact des idées et organisations d’extrême gauche, dans lesquels on apprend à davantage gérer les organisations que les foules.
Après son éviction du CESE (Conseil économique, social et environnemental) et le non-respect de l’engagement du Président de la nommer présidente de l’Assemblée nationale, Aminata Touré entre en rébellion en se dissociant de son parti, l’APR, au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale.
Cette sortie de la majorité présidentielle s’est opérée si naturellement qu’on en oublie presque que, n’eut été l’initiative du président Macky Sall de l’évincer du Perchoir de l’Assemblée nationale qu’il lui avait promis, elle n’aurait peut-être pas franchi le Rubicon.
La tolérance des Sénégalais visà-vis de la dissidence de cette proche collaboratrice du président Macky Sall laisse croire que, dans l’inconscient populaire, la raison de son départ de l’APR relèverait davantage de son opposition au 3ème mandat que d’une quelconque frustration.
On la voit deviser en toute sérénité avec un Guy Marius Sagna, tout aussi serein, lors d’une manifestation de l’opposition. On en oublierait presque son alignement sans réserve sur les positions antidémocratiques de son ancien parti !
Pour la réalisation de ses ambitions politiques, Aminata Touré s’est mise en avant dans la défense de réforme très contestée du parrainage, perçue comme un des nombreux moyens d’enrayer “légalement “ la progression de l’opposition.
A ce propos, la Cour de justice de la CEDEAO, dans un arrêt rendu sur le système sénégalais de parrainage, avait considéré que celui-ci constituait une atteinte au droit de participer aux élections en tant que candidat. Est-il permis de conclure qu’avec sa dissidence actuelle, elle a retrouvé sa virginité politique d’avant APR ? Ou alors que sa nouvelle posture d’opposante est irréversible ? Seul l’avenir nous le dira.
L’autre regard porté sur la femme qu’est Aminata Touré a également son importance pour tout observateur de la scène politique. En effet, les femmes occupent une place de plus en plus importante dans la politique au Sénégal.
De préposées à la mobilisation populaire, elles montent progressivement dans la superstructure des partis politiques de notre pays. On peut citer parmi les plus connues parmi elles Aminata Mbengue Ndiaye, chef du parti socialiste, Aïda Mbodj, responsable politique dont le parcours est connu, Aminata Tall, ancienne présidente du CESE après avoir été plusieurs fois ministre, Aminata Touré, Premier ministre et ex-présidente du CESE, Aïssata Tall Sall, chef de parti, ministre des Affaires étrangères, Amsatou Sow Sidibé, professeure d’université et chef de parti.
La particularité d’Aminata Touré est celle d’être plus marquée idéologiquement que toutes ces autres. Elle a, tour à tour, été directrice de campagne de Landing Savané et de Macky SALL, soit en première ligne du combat pour la conquête des suffrages des Sénégalais. Très jeune, elle a milité dansles partis trotskistes et aussi dans les syndicats de gauche
Autant on disait de l’ancien président américain Barack Obama qu’il est post racial, en ce qu’il se situait au-delà de la dichotomie raciale Blanc/Noir, autant on peut considérer queMimi Touré ne donne pas l’impression d‘’être prisonnière de la dualité politique homme/femme. Dans cette attitude, qui peut d’emblée sembler austère, elle rappelle Elen Sirleaf Johnson, Angela Markel et la Kenyane Wangari Muta Maathai, activiste des droits de l’homme et de la protection de l’environnement qui a consacré sa vie à la promotion de la démocratie et à la protection de l’environnement. Et qui, pour cela, a obtenu le Prix Nobel.
La force d’Aminata Touré est d’être « cash » avec ce zeste d’arrogance pouvant susciter d’emblée le rejet de la personne ; elle ne chercherait pas à plaire, ni ne serait en quête d’empathie. C’est cette façon qu’elle a sans doute de dire ce qu’elle pense, sans gants, quitte à susciter colères et courroux.
Bien entendu, d’autres au Sénégal répondent à ce profil de femmes auto affranchies des barrières sociales et sociétales dressées sur leur chemin. Le Sénégal regorge de femmes de ce profil mais peu enclines à descendre dans l’arène de gladiateurs qu’est la politique où tous les coups sont permis. Je pense à la sociologue Fatou Sow Diagne, aux avocates, médecins, à toutes celles évoluant dans les professions libérales, dans les organisations internationales, dans les organisations de droits de l’homme, et dans le monde de l’entreprise.
Aminata Touré vient de se déclarer candidate à l’élection présidentielle de 2024. Le lendemain de cet acte, elle devait déjà faire face à un rapport de l’IGE suspendu sur sa tête telle l’épée de Damoclès
Au vu de sa réaction première, la future candidate semble être préparée à ce type d’obstacle et fait montre d’une détermination à passer outre.
En toutes hypothèses, si sa mue politique actuelle se poursuit aussi tranquillement, il y a de fortes chances qu’elle occupe encore le devant de la scène. Le reste dépendra de maturité des Sénégalais et des Sénégalaises à hisser une femme au sommet du pouvoir.
C’est le moment pour Aminata Touré de faire sa propre profession de foi afin de mobiliser les Sénégalais, en prenant soin de changer le discours politique pour prendre en compte les aspirations d’une population dont la moitié (52 %) a moins de 20 ans.
Par Moussa KAMARA
OUI, NON, PEUT-ETRE... BASTA !
Je ne sais quand est-ce que le Président se décidera à dire sa volonté de briguer un troisième mandat ou de partir. Lui ne veut pas se prononcer pour éviter au pays l’installation d’une campagne électorale permanente.
Je ne sais quand est-ce que le Président se décidera à dire sa volonté de briguer un troisième mandat ou de partir. Lui ne veut pas se prononcer pour éviter au pays l’installation d’une campagne électorale permanente. Qui plongera ce pays dans une voie de garage.
L’Administration sera en stand-by et seule l’économie informelle et le privé continueront de se tuer à la tâche. Tous les fonctionnaires de ce pays, du moins la grande masse, ira battre campagne. Pour soutenir l’actuel président au lieu d’un autre candidat qui apportera des changements qui leur seront à coup préjudiciables.
Le yoyo du président qui nous entraine dans ce climat de ni oui ni non ne sert finalement à rien. Il démontre son manque de fermeté devant ses collaborateurs et autres dévoués. Parce qu’un Chef, encore plus de l’Etat, a dans ses cordes les moyens de se faire respecter.
Comme Wade naguère, l’actuel président n’a jamais voulu se départir de ses attributs de chef de parti. Alors à vouloir régenter surtout on se crée facilement des ennemis et des adversaires de tout acabit. Le cas de Aminata Touré, qui a mené tambour battant la campagne de Benno pour les Législatives et qui s’oppose aujourd’hui à ce régime qui lui a tout servi sauf la présidence de l’Assemblée, est donc bien symptomatique.
Tous les opposants notoires ou circonstanciels rejettent un troisième mandat du président de la République. A juste raison puisqu’ils veulent eux aussi goûter aux délices du Palais. Parce qu’un président sortant qui veut rempiler rempilera inexorablement. Parce que tous les postes importants de ce pays sont pourvus par lui et pour lui.
En un mot comme en mille, je vois difficilement le Conseil constitutionnel rejeter un troisième mandat du Président. Le peuple souverain tranchera. Nous aurons tous été victimes du juridisme de ce régime trop glouton. J’ai voté deux fois en faveur de Macky Sall. Il a réalisé de très belles choses pendant ses deux mandats et je l’ai défendu partout où le besoin s’est fait ressentir. Mais ses affidés lui font accroire qu’il est indispensable. Ultra faux. Nul n’est indispensable. J’ai toujours rejeté le troisième mandat. Par principe démocratique et pour que l’alternance soit une banalité dans ce pays. Qu’on vote dimanche et que le lendemain tout le monde aille vaquer à ses préoccupations.