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30 novembre 2024
Opinions
PAR Charles Faye
CRASH
On ne protège ni ne sécurise la vie, si on est incapable de la respecter, et on ne peut continuer de passer de vie à trépas, parce que l’on n’est pas en mesure de s’offrir un voyage dans un bus climatisé de 52 places
Le désordre, dans lequel nage le Sénégal, fait la promotion de nos malheurs, dont les affres s’abattent, comme par hasard, à chaque fois que la joie s’en trouve collectivement partagée et exprimée.
On a eu le Joola en 2002, nous tenons le drame Siliko en 2023. Sans comparaison si ce n’est la conjugaison tenace de l’inconscient.
Tonton Doudou, mara vénéré de notre famille, a l’habitude de conseiller moults sacrifices, en début d’années, pour conjurer le mauvais sort.
Imposant immolations de coqs, de chèvres, versements de potions et lavages, qui n’ont jamais empêché les esprits maléfiques, de trouver malin plaisir, à endormir les chauffeurs, à dérouter les tableaux de bord, à exploser des pneus finis depuis l’an quarante.
Il y en a toujours de plus forts sur qui rien n’a d’emprise, répète inlassablement Niokhor un autre tonton, cousin de l’oncle Doudou.
Sans blague, l’heure ne se prête pas à la dérision. Pas après le massacre de six kilos, abonnés au goose bumps ketchup et le manque d’hématies à Kaffrine.
Ironie morbide que cette traite de sacrifices ! Les offrandes ont du chemin à faire, encore, dans le torrent de larmes nationales intarissables. On ne joue pas avec les traditions. Elles sont trop ancrées dans notre société ambivalente, et nous-mêmes trop entravés par les chaines de l’indiscipline, pour que la discipline ronfle, comme un moteur bien huilé dans le décode de la route.
Il fait bien de sortir la chicotte le Macky, encore qu’il rétrograde dans la restriction des libertés, et rétropédale dans l’envers de l’épaisseur des pneus autorisée par le marché d’occasion.
Sont passés sur l’autel des holocaustes les quarante morts de trop, dénoncés du bout des lèvres, par de squelettiques devoirs d’indignations amnésiques d’exigences.
Comme si une amnistie passée par là, effaçait les civilités urbaines et la cité de la mémoire bienséante.
On verra si le suivi, donne manquante du chainon de vie, étouffera les pots d’échappements de vieilleries amorties à biens de richesses maculées de sang.
Finies les paroles, place aux actes, fussent-ils accélérés.
On ne protège ni ne sécurise la vie, si on est incapable de la respecter, et on ne peut continuer de passer de vie à trépas, parce que l’on n’est pas en mesure de s’offrir un voyage dans un bus climatisé de 52 places.
Nul n’ayant le droit de vendanger la vie, arrêtons le massacre, ce d’autant que l’évocation du pronom nul, entend la locution quoi qu’il en soit chez Marcel Prouts.
Honni qui pense politique. Il n’est guère question d’abréger ou prolonger une durée de pouvoir, encore moins de limiter son mandat à deux vitesses.
Ne me faites pas dire ce que vous entendez.
Entre allusion et illusion, la désillusion n’est jamais loin.
Comme le dit tonton Doudou, c’est en donnant un sens et un but à la vie que l’on prend conscience des limites et va á l’essentiel, parce qu’à défaut, on rira jaune de sa turpitude, la tragédie et la mort dans les yeux.
PAR MAHMOUDOU IBRA KANE
SIKILO OU L’INDIGENCE DES ESPRITS
38, 39, 40, 41… Ce n’est pas la taille d’une chemise ou la pointure d’une chaussure. Il s’agit de tout à fait autre chose. Le décompte macabre de l’accident routier de Sikilo ne s’arrête pas.
38, 39, 40, 41… Ce n’est pas la taille d’une chemise ou la pointure d’une chaussure. Il s’agit de tout à fait autre chose. Le décompte macabre de l’accident routier de Sikilo ne s’arrête pas. L’annonce quasi quotidienne d’un nouveau mort depuis dimanche 8 janvier 2023, jour du drame, sonne comme un rappel à l’ordre pour nos mémoires oublieuses et nos consciences insoucieuses. Ce qui s’est passé à Kaffrine est une vraie tragédie. Un bilan si lourd qu’il ressemblerait à un bombardement de la Russie contre l’Ukraine.
Ce carnage routier figurera pendant longtemps encore dans le Guinness des records. Faut-il espérer que nous allons changer cette fois-ci et définitivement ? Difficile de répondre par oui. Dans ce pays qui se nomme le Sénégal, il y a 20 ans à peine, 2000 âmes ont été perdues en une seule nuit et rien ne s’est passé après ! Juste des résolutions sans lendemain et chacun est retourné à ses mauvaises habitudes d’indiscipline et d’incivisme. Un citoyen sous le choc livre le résultat de sa réflexion : « 40 morts c’est déjà trop. A plus forte raison 2000 ! ». Deux mille, faites le calcul, c’est 50 fois 40 représentant le bilan du naufrage du Joola. En sommes-nous vraiment conscients ? Malheureusement non. Pour preuve, nous n’avons pas séché nos larmes qu’au troisième jour de deuil national un camion ivre est allé s’encastrer dans un bâtiment en construction à Yoff. L’irréparable a été évité. Néanmoins on se demande ce qui serait arrivé s’il y avait des personnes sur le chantier.
Les 22 mesures issues du Conseil interministériel du 10 janvier 2023 ajoutées aux 10 du Conseil interministériel de 2017 – soit un total de 32 mesures, ne doivent pas se limiter à un effet d’annonce. La rapidité avec laquelle l’Etat produit des mesures, et à une échelle industrielle, le trahit paradoxalement. Rapide dans l’annonce de mesures… mais lent dans l’exécution. La vérité est que les mesures gouvernementales contre les accidents de la route sont si nombreuses qu’on s’y perd. Une mesure n’a de sens que si elle aide à se passer de la mesure. La gestion axée sur les résultats, GAR, revêt ici tout son sens. Gare à la fuite en avant en lieu et place d’une réelle volonté de combattre la calamité humaine que sont les accidents de la circulation.
Le Sénégal serait passé d’un « état d’indigence à un état d’émergence ». Nous paraphrasons ainsi le chef de l’Etat dans son message de Nouvel an du 31 décembre 2022. Tant mieux que le pays vive la situation décrite par le président de la République ! Force est cependant de constater que l’indigence des esprits a encore de beaux jours devant elle. Pour l’émergence, il faudra repasser. Passer le cap de l’émergence tant désirée suppose d’agir efficacement sur cette indigence des esprits. C’est ce que révèle, comme un bruyant rappel à la réalité, le télescopage de bus survenu au petit matin de dimanche, aussi bien dans ses causes directes et indirectes que dans ses causes lointaines et immédiates. Rendons-nous à l’évidence. Notre pays est en train de passer à côté de quelque chose d’essentiel dans une société qui aspire au progrès : l’ÉDUCATION, celle-là même qui force l’individu-citoyen à l’autodiscipline et au respect de la vie humaine. Le reconnaître ne signifie pas être fataliste. Bien au contraire ! C’est une invite pressante à l’action.
Par Abdoul Aly KANE
LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE ET SES PRÉREQUIS
Selon le FMI, l’année 2023 est prévue pour être plus difficile que la précédente du fait du ralentissement de la croissance aux États-Unis, en Chine et en Europe, pays moteurs de la croissance mondiale.
Selon le FMI, l’année 2023 est prévue pour être plus difficile que la précédente du fait du ralentissement de la croissance aux États-Unis, en Chine et en Europe, pays moteurs de la croissance mondiale.
Nous assistons à divers bouleversements portant sur le commerce international avec les réorientations des flux commerciaux suite au conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine, des changements du système financier international promouvant d’autres circuits de règlement des transactions, mais aussi de valorisation des monnaies nationales(roupie, yuan, rouble etc.) avec comme objectif de « dédollariser » les transactions portant sur l’énergie et les céréales.
Par rapport au conflit géostratégique actuel en Europe, rien ne se dessine en termes de fin du conflit en 2023, et, par conséquent, de retour à la normale des agrégats économiques et surtout de l’inflation qui s’est largement diffusée dans l’économie mondiale.
Saisissant l’opportunité du conflit russo-ukrainien, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) s’organisent en leur sein dans la perspective de mettre fin à ce qu’on appelle le « privilège impérial » qu’offre le dollar aux USA dans l’organisation actuelle du commerce international.
Si l’on y ajoute les tensions inflationnistes conduisant à des crises budgétaires dans les pays d’Europe, et à la récession économique dans certains pays, on peut admettre effectivement que 2023 sera une année particulière d’ajustement d’une économie mondiale grosse de l’avènement annoncé d’un pôle économique, monétaire et financier alternatif à celui en force depuis Bretton Woods. Un pôle qui induira une division du monde en blocs économiques distincts.
Dans un tel contexte, les plans d’émergence basés sur des capitaux extérieurs sont à l’arrêt. Les augmentations de taux directeurs des banques centrales pour ralentir l’inflation, et par conséquent des taux d’intérêts bancaires et financiers en Europe et aux Etats Unis, créent un effet de réorientation des capitaux à la recherche d’une meilleure rémunération.
Pour le Sénégal, 2023 s’annonce donc comme une année d’impasse économique marquée par un essoufflement à financer les grands projets présidentiels et à combler les déficits budgétaires aggravés parles dépenses publiques de protection du pouvoir d’achat et de remboursement de la dette extérieure.
Au plan social, l’impact le plus marquant de la guerre Russie-Ukraine est la hausse des prix du carburant, de l’électricité et des denrées alimentaires, dont les plus pauvres font les frais du fait de l’affectation d’une grande partie de leurs revenus aux dépenses de consommation et de transport.
Quand le PSE a du plomb dans l’aile !
Le Plan Sénégal Emergent a du plomb dans l’aile. En convenir pourrait ouvrir la voie à une large concertation nationale et populaire, incluant l’opposition, pour réactualiser ou revoir les fondamentaux afin d’en faire une orientation économique concertée.
En particulier, les Sénégalais doivent se mettre d’accord sur la question de l’agriculture. Celle-ci revient au premier plan des préoccupations pour deux raisons fondamentales : la rareté des produits alimentaires constatée lors de la pandémie du COVID, en particulier des engrais et des céréales dans le sillage de la guerre russo-ukrainienne, le rythme du croît démographique en Afrique prévue pour abriter 2 milliards d’individus dans 30 ans, dans un contexte où l’essentiel de l’alimentation est importé. L’agriculture au Sénégal est au confluent de toutes les contraintes. Elles ont pour noms: imbroglio sur les régimes fonciers, pressions sur la ressource en eau, dégradation des sols, coûts élevés des investissements en aménagements hydroagricoles et en matériels d’exploitation, faible implication du secteur privé et des partenaires financiers internationaux, dispersion de la production du fait que l’agriculture familiale, qui représente 90 % des exploitations agricoles, est subdivisée en parcelles d’1/2 hectare en moyenne, manque de compétitivité internationale au regard des subventions occidentales pour leur propre agriculture, de la faible part des produits agricoles du cru dans l’industrie de transformation alimentaire.
Nonobstant ces contraintes, il est essentiel de convenir que le Sénégal et l’Afrique ne peuvent plus compter sur les autres pour la nourriture de leurs populations au rythme de croissance démographique actuel.
Le paradoxe devra nécessairement être résolu car la structure d’une croissance économique tirée pour l’essentiel par les exportations minières, les services et les investissements se rapportant aux hydrocarbures, n’inclut pas la dimension agricole handicapée par les facteurs supra.
L’industrie sénégalaise demeure encore caractérisée, entre autres, par l’absence de compétitivité du fait de coûts des facteurs en général prohibitifs et de la question du change monétaire, du retard technologique, de la faiblesse du capital humain, de l’absence d’une politique de promotion et de protection des PMI et d’institutions de financement dédiées.
Des programmes portant sur le parc industriel, les Agropoles, le Hub minier sont annoncés, mais nous avons la conviction qu’une stratégie d’industrialisation à l’échelle du seul Sénégal se heurterait à la faiblesse de son marché intérieur.
Le Sénégal devrait donc être à l’avant-garde d’un projet de développement industriel communautaire concerté, dans le cadre des espaces régionaux naturels comme la CEDEAO. Cette option ferme devrait nous pousser à appuyer des initiatives allant dans le sens de la recherche de consensus forts sur l’avenir que notre continent souhaiterait se réserver, au regard de ses défis économiques, démographiques et militaires (lutte contre le terrorisme) dans un contexte géopolitique annonçant le repli de l’ordre économique mondial issu de de Bretton Woods et de la chute du mur de Berlin.
Le remboursement régulier de la dette est devenu un sujet pressant pour le FMI, qui a récemment fait montre d’une intransigeance sur la question des subventions au point de communiquer directement avec les Sénégalais, à la place des communiqués de presse habituels. Ses interventions pour soutenir le rapport de la Cour des Comptes sur l’affaire du « COVIDGATE » sénégalais et recommander un plus grand recours au code des marchés publics pour la passation de contrats laisse présager une plus grande implication de cette institution dans le processus de la dépense publique, préoccupée qu’elle est par le souci de préserver la capacité de remboursement du Sénégal qui semblerait s’affaiblir.
Quand le FMI demande la pédale douce voire le frein sur les subventions !
Pour appuyer la politique de réduction des subventions — dont la suppression est exigée à terme —, le représentant du FMI au Sénégal a précisé ce qui suit : « Cette réduction se justifie parce que le statu quo était devenu intenable pour les finances publiques. Quelques chiffres : en 2021, les subventions à l’énergie ont coûté 150 milliards de FCFA ; en 2022, elles se sont élevées à 750 milliards de FCFA absorbant près de 23 % des recettes propres de l’Etat. Un tel niveau de subvention est supérieur à ce que l’Etat du Sénégal va engranger en termes de recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures en 2023, 2024 et 2025. En l’absence des mesures, les subventions auraient coûté 800 milliards de FCFA en 2023 représentant 22 % des recettes budgétaire de l’Etat. Cessubventions ont été le principal moteur du déficit élevé en 2022 ».
Par cette déclaration du représentant-résident du Fmi, le doute s’installe en nous quant à l’impact des revenus attendus de l’exploitation des hydrocarbures. Pour cause, l’institution prévient que, pour sentir l’effet des revenus additionnels issus des hydrocarbures sur l’économie, il faut réduire les subventions. Cela revient à dire que le poids de l’inflation internationale doit être supporté par le consommateur, pour la pleine mesure de l’impact des recettes budgétaires nouvelles.
La vraie question est quels effets attendre de ces ressources d’hydrocarbures que l’on sait inférieures de moitié à l’apport à l’économie des transferts de l’émigration ?
Quel sort leur est réservé dans les programmes budgétaires valant que la hausse généralisée qu’entraîne celle de l’énergie soit supportée par des budgets familiaux durement éprouvés ?
Conscient toutefois du poids de la charge sur les épaules du consommateur, le représentant du FMI invite les différents acteurs à « à l’union sacrée avec le gouvernement afin de soutenir cette décision car elle vise à maintenir la qualité de la signature du Sénégal sur les marchés internationaux »
Pour que cette sollicitation soit entendue, il faudrait également que l’affectation budgétaire des levées de fonds effectuées sur les marchés financiers soit clairement identifiée.
Des investissements de prestige sans impact sur l’économie ne sauraient justifier des augmentations sur des secteurs aussi sensibles que le carburant et l’électricité qui sont à la base de toutes les hausses de prix. En arrière-fond demeure la question de la viabilité de la dette.
Le Fmi considère que la réduction de la dette publique demeure une priorité pour les prochaines années et laisse escompter un surcroît de recettes publiques avec une « mise en œuvre accélérée de la stratégie de mobilisation des recettes intérieures et la suppression progressive des subventions à l’énergie. A notre sens, renforcer la pression fiscale sur une base réputée étroite a ses propres limites.
Priorité à l’agriculture !
Le Sénégal doit plutôt être encouragé et soutenu pour la mise en place d’une stratégie de croissance permettant une collecte de recettes fiscales et non fiscales à la hauteur de ses ambitions de développement. Cela ne peut être généré que par un surcroît de valeur ajoutée, lequel dépend d’une politique de transformation industrielle à la place du modèle économique actuel d’exportation brute de matières. Des matières dont les prix sont fixés ailleurs et de toutes façons sans rapport avec celui des produits finis issus de leur transformation.
Il est loisible de constater que les investissements directs étrangers(IDE) vont là où ils estiment que leur rémunération est la plus optimale. Le mode d’industrialisation doit être choisi et dépendre de la volonté politique des dirigeants et de la disponibilité des ressources financières nécessaires
Développer une capacité d’autofinancement propre est un préalable. Cette capacité est fortement dépendante de la qualité de la dépense publique tant en investissement qu’en fonctionnement
En définitive, l’agriculture vivrière s’avère incontournable pour assurer la sécurité alimentaire. L’état de faiblesse des investissements dans l’agriculture est symbolisé par la répartition des sources d’eau utilisées, à hauteur de 98 % en eaux pluviales et seulement à 10 % par voie d’irrigation.
La rareté des céréales sur les marchés lors de la période lourde du COVID nous a instruits que les déficits de produits alimentaires relèvent du champ des possibles
Pour faire face aux besoins alimentaires à court, moyen et long termes, il faudra nécessairement injecter des ressources financières dans le monde rural, au nom de la sécurité alimentaire du pays menacée par la facilité de l’importation « tous azimuts »
Les investissements doivent être orientés vers la refertilisation des sols usés par l’avancée du biseau salé dans les zones côtières, du chlore, du fluor, des nitrates et l’utilisation non maîtrisée de pesticides.
Malgré toutes ces contraintes, la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire surdétermine toute autre considération.
Il revient à l’Etat de mettre ensemble les experts de ce pays en vue de trouver les solutions idoines. Il est enfin de l’intérêt de l’Occident de comprendre l’urgence et de faciliter les financements bilatéraux et multilatéraux vers l’agriculture, secteur prioritaire par rapport à la mobilité urbaine.
En effet, si d’aventure l’abandon de l’Afrique à elle-même devait se poursuivre jusqu’en 2050, période vers laquelle le continent atteindrait les 2 milliards d’individus, aucune barrière frontalière ne pourrait contenir les déferlantes migratoires qui résulteraient de la déflagration démographique, vagues dont le rythme actuel n’est qu’un avant-goût de ce qui profile à moyen et long termes.
par Jean Pierre Corréa
LE DROIT EST VENGÉ, ET AVEC QUEL PANACHE
Doudou Ndoye déjà, Ibrahima Fall, tout aussi finement, Kader Boye aujourd’hui ont choisi de dire leurs faits et le Droit à ces faussaires constitutionnels, qui parlent sans avoir quelque chose à dire
C’est dans ces moments cruciaux, qui mettent notre pays, le Sénégal, à la croisée de chemins nous menant soit à l’aventure enthousiaste, soit, passez-moi le pléonasme, à l’aventure aventureuse, que des personnes habilitées à nous éclairer dans ce brouillard livré aux « zéros sociaux » et aux plateaux-télé bavards et bruyants, sortent de leurs pensées navrées et circonspectes, pour redonner du sens à nos espoirs de vérité et à un débat devenu plus que nauséeux, pour ne pas dire nauséabond sur ce 3ème mandat qui rend notre atmosphère littéralement irrespirable. Doudou Ndoye déjà, Ibrahima Fall, tout aussi finement, Kader Boye aujourd’hui ont choisi de ne pas se mêler au brouhaha répercuté par cette troupe bruyante de tonneaux vides, et de dire, et leurs faits et le Droit, à ces faussaires constitutionnels, qui parlent, parlent sans avoir quelque chose à dire. Ces hommes-là, quand ils parlent, ce n'est pas pour parler, c’est pour dire. Ils ne sont pas dans ces contorsions tellement visibles, à travers le langage corporel qui trahit ces envoyés « spécieux », lorsqu’en service commandé, ils doivent affirmer, regard perdu, des choses en totale contravention avec ce qu’ils savent et d’eux-mêmes parfois et de leurs convictions, mises au placard fétide du renoncement à leur dignité bradée pour une hérésie politique.
Mon ami et congénère de Van Vo, Amadou Tidiane Wone, en toute décontraction et avec sa sagacité habituelle a définitivement éclairé ma réflexion sur le texte de très haute facture du doyen Kader Boye, en disant souriant : « Il a vengé le droit ».
Monsieur Kader Boye a surtout mis la président Macky Sall face à son destin, et tous les apprentis sorciers face à leurs irresponsabilités.
Il est évident qu’il a vengé le droit, et avec quel panache, ce Droit assassiné par celui qui en est le dépositaire, le pourtant brillant et sémillant constitutionnaliste Ismaïla Madior Fall, qui en panne sèche d’arguments, a balancé le problème par-dessus nos raisons convoquées, pour nous dire, dans les cordes d’un ring devenu trop étroit pour y dérouler toute son intelligence, que le 3ème mandat, n’était pas un problème de droit. Mais certainement un problème de « tordu », suis-je tenté d’ironiser. Pas plus tordant que Yoro Dia affirmant naguère que le problème était réglé, n’étant pas selon lui un problème de droit, mais simplement un problème de français. Il en a depuis, perdu son latin !
Le professeur Boye nous dit avec la sérénité des esprits clairs et lucides, que ce débat a de quoi surprendre et inquiéter.
« Surprendre, écrit-il, parce qu’à bon droit les citoyens honnêtes avaient cru qu’un tel débat appartenait à l’histoire politique du Sénégal des années 2010 à 2012. »
« Inquiéter, continue le Professeur Kader Boye, parce qu’il semble exister désormais dans notre pays, des politiciens et non politiciens déterminés à ruiner le fondement politique de notre société : la Constitution. Au gré de leurs intérêts ou des intérêts qu’ils servent, ils proposent des lectures fantaisistes ou biaisées de tel ou tel article. Certains soutiennent même que la volonté du peuple, exprimée dans les rues par des manifestations ou émeutes, est plus forte que la Constitution. »
Ces hommes qui n’ont rien à prouver, qui ont tout donné à leur pays, sont à même de nous alerter et de dire aux Sénégalais, de garder la tête froide, de ne pas se laisser emporter par le tumultueux courant qui draine ces flots incontinents de notre espace politico-médiatique.
Rappelant qu’il n’est point besoin d’agitation, encore moins de sinuosités sémantiques, le Professeur Boye racontant cette remarque d’une ministre, Aissata Tall Sall, pour laquelle il dit toute son estime, selon laquelle « la Constitution permet au président de faire un troisième mandat mais politiquement et moralement, il ne peut pas », assène avec clarté : « Comme si le sens et la portée de l’article 27 de la Constitution n’étaient pas assez clairs pour dispenser de toute interprétation ! ».
Ces hommes sages et responsables, respectés, écoutés, sont nombreux dans ce pays. C’est un choix, un parti-pris de préférer aller tendre nos micros face à des joueurs d’Assiko constitutionnels, qui vont plaquer le débat à la surface, et provoquer des « Unes » hardies et fanfaronnes, engendrer des « clics sur les sites de « zéros sociaux ». C’est une responsabilité journalistique aujourd’hui que de faire parler les « sachant », qui donnent aux questionnements ardents des Sénégalais, les réponses qui valorisent leur libre-arbitre et respectent leurs intelligences.
Les enjeux sont clairs et Kader Boye termine son brillant article ainsi, mettant le président Macky Sall face à son destin : « Il faut faire attention. Le Sénégal n’est pas la Guinée. Et le président Sall peut se frayer une sortie autre que celle d’Alpha Condé. Il est face à son destin. A lui de choisir : ou imposer l’épreuve de force où il a tout à perdre, ou se hisser au rang de garant de l’unité nationale et de la paix civile en prenant courageusement les mesures correctives ou de sauvegarde de l’Unité nationale et de la paix civile. »
Le Professeur Kader Boye a mis tout le monde d’accord. Comme un juge de paix.
La messe est dite…
PAR AMADOU THIERNO DIOP ET MAMADOU THIAM
DEMAIN APRÈS L’ÉMOTION, NOTRE MÉRITE DE SURVIVRE AUX VICTIMES
Encore une fois, pas de faux-fuyants. C’est nous les responsables passifs et involontaires de ce fléau
Amadou Thierno Diop et Mamadou Thiam |
Publication 13/01/2023
C’est dommage et regrettable ce qui est arrivé, hier matin, sur la route de Kaffrine. C’était fatal mais le décret appartient à Dieu, comme la responsabilité en incombe aux hommes.
Un bilan aussi lourd appelle à une prise de conscience de la part de tous ceux qui survivent à ces dizaines de morts ; à nous sénégalais à qui il incombe de continuer la route de la vie.
C’est vrai, tout le possible a été fait après et nous saluons le déploiement institutionnel au plus haut niveau, avec la descente de Monsieur le Président de la République sur les lieux du drame ainsi que la batterie de mesures et décisions ayant suivi pour optimiser l’assistance aux victimes.
*Ça, c’était après. Mais avant, qu’est-ce qui aurait dû être fait qui ne l’a pas été ? *
Depuis le Djoola cette question lancinante est constamment posée sans qu’une approche rationnelle et holistique des causes n’établisse un diagnostic courageux et des solutions opérationnelles, encadrées et suivies.
*C’est sur cette double problématique qu’il faudra délibérer, quand l’émotion aura fini de retenir et tempérer les habitudes connues de tous les usagers de nos routes. Encore une fois, pas de faux-fuyants. C’est nous les responsables passifs et involontaires de ce fléau. Nous en sommes conscients sans trop nous l’avouer *
Or l’imaginaire ancré que nous avons de l’environnement des Transports Publics au Sénégal s’est durablement accommodé de ces guimbardes usagées et sans visites techniques, de ces permis de conduire à l’obtention douteuse, de ces syndicats comploteurs qui s’occupent plus de politique et de prébendes.
Nous regardons tous avec complaisance et complicité tel chauffeur avec un comportement suspect vis-à-vis d’un agent préposé à la circulation. Chaque jour nous participons, par renoncement successifs, aux surcharges humaines et matérielles et fermons les yeux sur la violation des dispositions censées nous protéger. Nous surfons sur le déni.
C’est nous et nous le savons.
Il n’y a rien pour notre défense. Fréquemment la législation du transport porte de nouvelles touches et retouches au dispositif légal et réglementaire, dans un secteur déjà plein de bonnes mesures jamais entérinées de fait sinon, jamais suivies d’application par les personnes en charge.
Nous administrons le Transport par procuration de vœux pieux
Ça aussi nous le savons et il ne sert à rien de le nier. Pourtant nous avons le réseau routier le meilleur et le plus dynamique d’Afrique de l’Ouest. (Ne pas passer sans saluer la touche historique du Président Macky Sall dans ces acquis révolutionnaires ; mais ce n’est pas le sujet). Le Sénégal peut se targuer d’un code routier et d’un cadre réglementaire du transport routier des mieux élaborés.
*Que faut-il dès lors? *
Comme le dit Arthur Schnizler « L'humanité a l'oreille ainsi faite qu'elle continue à dormir quand le bruit retentit et ne se réveille qu'avec l'écho ».Quand sortirons-nous de cette torpeur où nous n’entendons plus que l’écho des choses, longtemps après qu’elles soient passées?
Voila.
L’urgence est gage d’empathie. Certes ; mais l’urgence n’assure pas la durabilité de l’empathie. Passé un certain temps, on retombera dans l’ordinaire et le problème demeura entier si on n’opère pas de ruptures d’avec les pratiques.
*Il donc pas temps de changer d’approche en évitant des mesures à chaud dont la faisabilité et la viabilité interrogent. *
*Il est temps avant que la nuit n’enveloppe nos routes et tue encore nos fils. *
Quoi faire alors ?
Inverser la pyramide.
Cela pourrait consister, pour le gouvernement, à mettre en place un comité spécial, pluridisciplinaire, mixte et consultative pour:
- dans un délai d’une semaine proposer des axes de solutions systémiques et transversaux pour l’optimisation de la sécurité routière;
- des indicateurs clef dont le suivi efficient contribue à l’optimisation du secteur ;
- un plan d’actions de mise sous maîtrise de ces axes d’amélioration
- un mode opératoire allant jusqu’aux projet de lois, décrets et arrêtes éventuels.
- une cartographie des risques et leurs mesures de mitigations ;
-un dispositif de suivi-évaluation doublé d’un cadre de vérification et d’audit régulier.
En somme,
-laisser travailler les experts sur ordre et objectifs spécifiques
- étudier leur proposition dans le cadre d’une réunion interministérielle et les pré-valider;
- soumettre les propositions retenues au chef de l’état
- validation / approbation des mesures en Conseil des ministres.
Face à la complexité des choses, intégrer des compétences plurielles et différentes pour mieux faire face.
Enfin profiter et donner contenu et sens dynamiques au deuil national. Que la communion de tous serve à dire ensemble : Plus jamais ça et œuvrer de concert pour que plus jamais cela n’arrive.
Par Moustapha DIAKHATE
SECURITÉ ROUTIÈRE ET URBANISATION, ABIDJAN NOUS FAIT LA LEÇON
Abidjan, capitale de la première économie de la zone Franc : la Côte d’Ivoire compte 8 000 000 d’habitants sur 2 200 km2 , soit 21,5 % de la population du pays, et représenterait 60 % du produit intérieur brut du pays
Abidjan, capitale de la première économie de la zone Franc : la Côte d’Ivoire compte 8 000 000 d’habitants sur 2 200 km2 , soit 21,5 % de la population du pays, et représenterait 60 % du produit intérieur brut du pays. Comme toutes les villes africaines, le parc automobile vétuste émet trop de gaz carbonique et les véhicules fonctionnant au gasoil dégagent trop de souffre. Le système de transport collectif n’y échappe pas avec des véhicules amortis et hors normes.
La forte industrialisation avec le port d’Abidjan, l’urbanisation galopante, siège des grandes banques internationales dont la BAD et la BRVM, la métropole d’Abidjan ne maitrise plus son urbanisation entre quartiers huppés du Plateau, vitrine de la modernité et l’hypertrophie des communes d’Adjamé et de Yopougon. Le premier centre d’affaire de l’Afrique de l’Ouest voit une demande explosive de mobilité que les autorités administratives n’arrivaient plus à maîtriser malgré la mise en place de l’Autorité de la Mobilité Urbaine du Grand Abidjan (AMUGA)
Le futur métro d’Abidjan en mode PPP et le BRT sont les premières réponses structurelles cependant elles n’offraient pas de solution immédiate et forte pour atténuer la pollution provoquée par le système de transport artisanal complètement informel qui s’est développé pour desservir les populations des quartiers périphériques et la banlieue abidjanaise.
Face à ce défi titanesque de restructuration globale et de modernisation du réseau de transport en commun, les autorités ont mis en œuvre un projet innovant – la première dans toute l’Afrique – de mobilité verte avec l’introduction de véhicules tout électrique avec les bus et les autobus de toute la régie des transports publics à Abidjan.
Avec ce projet les autorités ont fait d’une pierre deux coups : forcer le renouvellement du parc de transport et décarboner tout le système de transport public avec objectif zéro émission de Co2 à l’orée de 2035. On n’anticipe autour de la lagune ébrié le futur de la mobilité urbaine avec le ministère de l’Environnement ivoirien qui cible surtout les transports en commun et les taxis. La transformation de la capitale ivoirienne se fera avec les énergies vertes sans soufre ni plomb donc zéro émission de gaz à effet de serre.
Les véhicules administratifs suivront les bus et taxis ainsi Les fonctionnaires ivoiriens auront la possibilité d’acquérir des voitures électriques à prix réduits.
Alors qu’à Dakar nous en sommes à notre énième décision administrative de forcer la mise en fourrière des cars rapides et ndiaga ndiaye, Abidjan force son destin et anticipe son futur grâce à une vision, une ambition et surtout une volonté politique inébranlable.
Moustapha Diakhate est Ex-Cons spécial PM Expert et Consultant Infrast.
Par Kader BOYE
MACKY SALL FACE À SON DESTIN
Entre tentation du fruit interdit du 3ème mandat et mesures correctives de garantie de l’unité nationale et de la paix civile, il paraît urgent de revisiter certaines dispositions du code électoral rendues illisibles ou impraticables à force d’ajouts...
Le vacarme assourdissant alimenté par divers groupes agissant en proximité ou à l’intérieur du pouvoir, et sans retenue, sur ou autour de la validité d’un 3ème mandat du Président Sall en 2024, a de quoi surprendre et inquiéter.
Surprendre, parce qu’à bon droit les citoyens honnêtes avaient cru qu’un tel débat appartenait à l’histoire politique du Sénégal des années 2010 à 2012. Surtout que ce débat sur le « 3ème mandat » portait à l’époque, non point sur la possibilité pour le Président de la République de faire plus de deux mandats, mais sur l’interprétation du champ d’application de la nouvelle règle constitutionnelle de 2001, quant aux mandats devant être comptabilisés. En effet, le 1er mandat du Président Wade avait été acquis sous la Constitution de 1963, qui ne comportait aucune limitation du nombre de mandats que pouvait faire un Président de la République. Cette question avait été fort bien tranchée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision en date du 29 janvier 2012. Au surplus, le Président Sall lui-même, a soumis en 2016 au référendum, une réforme constitutionnelle (loi du 5 avril 2016) qui ne remettait pas du tout la limitation du nombre de mandats à deux. Celleci comportait une innovation consistant à réécrire l’article 27 de la Constitution, présentée par l’initiateur lui-même, comme devant mettre fin à toute controverse sur l’obligation à s’en tenir à deux mandats.
CLARIFIONS !
Qu’était-il dit dans l’article 27 de la Constitution sous sa version de 2001 ?
1 - La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois.
2 - Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire.
Que dit l’actuel article 27 sous sa reformulation nouvelle ?
1 - La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans.
2 - Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs
A la vérité, cette formulation est directement empruntée à la Constitution française, en son article 6, issu de la réforme constitutionnelle Sarkozy en 2008, qui entendait mettre un terme à la pluralité des mandats de cinq ans (réforme constitutionnelle de 2000, instaurant le quinquennat sans limitation du nombre des mandats). Cette formule qui a l’allure d’un principe est plus claire et plus simple pour le commun des mortels. Mais elle ne mettait aucunement fin à une écriture nébuleuse ou controversée de la règle de la Constitution de 2001, parce qu’il n’y avait aucun doute sur le sens de celle-ci.
Que dit enfin le Conseil Constitutionnel en sa décision du 29 janvier 2012 ? (V. Recueil des Décisions du Conseil Constitutionnel-janvier 1993-mars 2019-edit 2020). Citons : «Si la Constitution de 2001 a vocation à recevoir une application immédiate, le constituant peut en décider autrement comme en atteste l’article 104, qui met hors du champ d’application de cette nouvelle Constitution un mandat acquis sous l’empire de la Constitution de 1963 ; par suite un tel mandat ne peut servir de décompte référentiel ni être pris en compte pour la mise en œuvre de dispositions de l’article 27 de la Constitution 2001 limitant le nombre de mandats à deux».
En français plus accessible aux profanes, le Conseil Constitutionnel dit ceci :
1- Il est vrai que la nouvelle Constitution de 2001 limite le nombre de mandats que peut exercer un Président de la République à deux.
2- Mais pour décompter ces deux mandats dans les circonstances de la cause, on ne saurait inclure dans le décompte le mandat qu’avait acquis le Président de la République sous l’empire de la Constitution de 1963 qui ne comportait aucune règle de limitation.
3- Une solution contraire n’aurait été possible que si le constituant l’avait clairement indiqué dans la nouvelle constitution. Or tel n’avait pas été le cas. Et d’ailleurs c’est la solution d’exclusion que celle-ci entérinait dans l’article 104.
RESUMONS :
1- La réforme constitutionnelle initiée par le Président Sall n’a pas eu pour vocation de mettre fin à la Constitution de 2001. Elle y apporte des innovations selon l’exposé de ses motifs, comme la restauration du quinquennat. Elle laisse intacte la limitation du nombre des mandats présidentiels à deux mais en reformule son expression juridique: «Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs».
On rappelle que le président Wade avait restauré le septennat en 2008 par voie législative (loi constitutionnelle n° 2008-66 du 21 octobre 2008) tout en prenant la précaution de faire mentionner dans le nouvel article 27 que « la présente modification ne s’applique pas au mandat du Président de la République en exercice au moment de son adoption ». C’est une technique de prolongation du mandat tout en conservant la limitation des mandats. Elle n’est pas tout à fait honnête sans être illégale.
2 - C’est au final le nombre de mandats effectués qui seul entre en ligne de compte. La durée (7 ou 5 ou 10) importe peu. S’il en était autrement, tout Président calculateur pourrait ruiner le principe même de la limitation des mandats. Il lui suffirait de faire ce qu’a fait le Président Wade en 2008.
Inquiéter, parce qu’il semble exister désormais dans notre pays, des politiciens et non politiciens déterminés à ruiner le fondement politique de notre société : la Constitution. Au gré de leurs intérêts ou des intérêts qu’ils servent, ils proposent des lectures fantaisistes ou biaisées de tel ou tel article. Certains soutiennent même que la volonté du peuple, exprimée dans les rues par des manifestations ou émeutes, est plus forte que la Constitution. Un responsable d’un petit parti, méconnaissable, a soutenu sur un plateau de télévision qu’en 2024, les cartes pourraient être rebattues par des émeutes. (Il dit faire partie de la majorité présidentielle). Les inquiétudes sont d’autant plus fortes que certains députés soutiennent, sans être démentis, que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, qui est une loi organique, et qui a été distribué aux députés à la session d’ouverture de l’Assemblée nationale, n’est plus en vigueur. Et que dire sur cette remarque d’une ministre, que j’ai toujours tenue en estime, selon laquelle « la Constitution permet au Président de faire un 3ème mandat mais politiquement et moralement, il ne peut pas » ? Comme si le sens et la portée de l’article 27 de la Constitution n’étaient pas assez clairs pour dispenser de toute interprétation, comme l’a souvent rappelé la Cour de Cassation française dans le droit des conflits de lois.
Un bref rappel historique des conditions dans lesquelles le combat pour la démocratisation de la vie publique et contre les systèmes de gouvernement à vie (ou presque) a abouti à l’adoption , par consensus de tous les acteurs politiques en 1991 et 1992, de la première plus grande réforme consensuelle assortie de résolutions et/ou recommandations portant sur les principes de limitation du nombre de mandats présidentiels, de réduction de la durée de ces mandats et enfin de l’interdiction du cumul des fonctions de chef d’État et de chef de parti politique, mérite d’être souligné et rappelé.
Outre les nouvelles règles du code électoral stricto sensu, ces trois questions ont été en effet longuement et passionnément débattues au sein de la Commission nationale de Réforme du Code électoral créée par le Président Abdou Diouf en 1991 (7 mai 1991). Pour rappel, cette Commission avait pour Président feu Keba Mbaye, assisté de feu Youssoupha Ndiaye, magistrat, feu Alioune Badara Sène, avocat, et des professeurs Abdel Kader Boye et Tafsir Malick Ndiaye. Tous les partis politiques reconnus en étaient membres, en raison de deux plénipotentiaires par parti. Pour nous singulariser et mettre en relief notre rôle au sein de la Commission, nous autres personnalités indépendantes, ayant pour mission d’impulser, de diriger les travaux, et d’écrire les textes, le Président Kéba Mbaye a créé le terme de Commission cellulaire (sous-entendu de la grande Commission).
Après adoption de tous les textes devant constituer l’armature du nouveau Code électoral, les Commissaires ont adopté trois recommandations portant:
1- Sur la limitation des mandats présidentiels à deux ;
2- Sur la réduction de la durée du mandat à cinq ans avec la réserve du parti socialiste qui demandait que cette réforme soit reportée après l’élection présidentielle de 1993 ;
3- Sur l’interdiction du cumul des fonctions de chef de parti politique et de chef d’État, le Président Abdou Diouf ayant accepté de transformer sa fonction en Président de parti (Mais on sait que Wade était contre cette interdiction qui était pourtant consacrée par la Constitution de 1963 mais jamais appliquée).
C’est donc dire que ces questions ne sont pas nouvelles et avaient reçu un consensus de toute la classe politique. Les remettre en question serait un grand recul. Le Président Wade a fait traduire dans la Constitution de 2001 les deux premières résolutions : limitation des mandats à deux et quinquennat. Mais a systématiquement refusé d’admettre l’interdiction du cumul des fonctions de chef d’Etat et de chef de parti.
En résumé, on peut légitimement se poser la question de savoir sur quel argument juridique pertinent pourraient se fonder les partisans du 3ème mandat, pour faire croire que le Président Sall pourrait composter allègrement un billet non valide et prendre le train en marche de l’élection présidentielle de 2024 ? Comment croire que les membres du Conseil Constitutionnel pourraient valider un tel billet sans renier leur propre jurisprudence et sans violer les dispositions claires de la Constitution ?
MACKY SALL FACE A SON DESTIN ET A CELUI DU SENEGAL
Il faut faire attention. Le Sénégal n’est pas la Guinée. Et le Président Sall peut se frayer une sortie autre que celle de Alpha Condé. Il est face à son destin. A lui de choisir : ou imposer l’épreuve de force où il a tout à perdre, ou se hisser au rang de garant de l’unité nationale et de la paix civile en prenant courageusement les mesures correctives ou de sauvegarde de l’Unité nationale et de la paix civile.
La société sénégalaise est en crise profonde : crise morale, crise politique, crise sociale, crise des institutions. Elle connaît des fractures profondes qui doivent être lucidement analysées et courageusement traitées. Notre système démocratique est en panne et connaît même des régressions : l’exercice des libertés publiques est souvent un vain mot. La prison est devenue une variable d’ajustement politique. Notre justice est défaillante et peine à s’affranchir des contraintes politiques au plan pénal. Notre système éducatif est lui-même en crise à tous les niveaux d’enseignement. Une explosion à caractère politique et social, du type de celui de mars 2021 ou d’un autre type aussi grave n’est pas à écarter
Avant même de faire des conjectures sur ce que le gaz ou le pétrole allaient rapporter au budget du Sénégal il faut, à très court terme, que le Président de la République en exercice, chef de l’État, garant de l’unité nationale et de la paix civile et sociale, se fasse violence et s’élève au-dessus des passions et ne perde pas de vue que le pouvoir dure un temps et ne doit être exercé que dans l’intérêt général. Et cet intérêt général commande qu’il fasse des compromis et prépare dans de bonnes conditions la plus importante échéance politique de 2024, l’élection présidentielle
La démocratie n’est après tout que l’art de faire des compromis, comme le Président Abdou Diouf a eu à le faire à deux reprises, en discutant avec son principal challenger et en formant par deux fois des gouvernements d’union nationale qui ont permis la confection du premier code électoral consensuel du Sénégal en 1992.
Les mesures d’apaisement qui nous paraissent aller dans ce sens sont de deux ordres : Les unes sont individuelles et les autres portent sur les conditions d’une bonne élection. Les mesures d’amnistie intéressant particulièrement des leaders politiques tels que Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade doivent très rapidement être traduites en actes législatifs pour que l’élection de 2024 soit ouverte. La libération de tous les prisonniers dont les détentions sont totalement ou partiellement liées à des motifs politiques ou sont les conséquences de prise de position politique doit être effective.
L’emprisonnement de deux députés du Pur, suite à une bagarre dans l’enceinte de l’Assemblée nationale au cours d’une séance de celle-ci, et impliquant une femme députée ne paraît pas tout à fait conforme au droit. En dehors de toute passion, ce cas relève de la police intérieure de l’Assemblée réglementée par le règlement intérieur de l’Assemblée en son chapitre XIV, articles 53 à 59 (Pour autant que ce règlement intérieur est applicable). «Dans les cas exceptionnels susceptibles de bloquer les travaux tels que : injures, invectives, menaces, bagarre ou agressions, le Président de l’Assemblée nationale peut prononcer l’expulsion temporaire de l’Assemblée». A rapprocher de l’article 53 alinéa 3 : «En cas de crime ou de délit, il fait dresser un procès-verbal et saisit immédiatement le Procureur de la République. Il en rend compte au Bureau de l’Assemblée nationale». Mais pour que le procureur puisse engager une procédure pénale dans ce cas, il doit demander la levée de l’immunité parlementaire de ces députés. En effet ces dispositions de police intérieure sont à distinguer des dispositions du chapitre XIII relatif à l’immunité et plus précisément de l’alinéa 3 du chapitre XIII qui fait référence au cas de flagrant délit ou (fuite) pour délit ou crime commis par le député en dehors de l’Assemblée (dans la vie civile). L’Assemblée a-t-elle levé l’immunité des deux députés ? J’en doute. Le Président de l’Assemblée n’aurait-il pas pu s’en tenir aux sanctions qu’il tient de son pouvoir de police, quitte à ce qu’une solution autre puisse être trouvée dans le cadre de l’Assemblée ? Je le crois.
Enfin, et cela ne relève ni de l’Assemblée nationale et ni du Président de la République, le juge d’instruction de l’affaire dite Sweet-Beauty opposant M. Ousmane Sonko et la dame Adj Sarr, alléguant de viols répétitifs sur sa personne dans le cadre de son lieu de travail qui s’avère être une maison d’habitation aussi, pourrait délivrer les Sénégalais rapidement de leurs peurs, inquiétudes et commentaires malveillants, en rendant une ordonnance qui, dans notre entendement de juriste, ne saurait être qu’un non-lieu, eu égard à tous les éléments entourant cette affaire et étalés dans la presse, et eu égard surtout aux circonstances de lieu et de temps de la prétendue commission de l’infraction décrites par la plaignante même sur un plateau de télévision. Contrairement à ce qui est dit, le juge ne prend pas sa décision uniquement sur la base de son intime conviction. Mais sur les éléments probants qui pourraient caractériser l’infraction et sur l’ensemble des faits attestés qui entourent cette affaire. L’on se demande toujours comment cette affaire a pu franchir l’obstacle de l’enquête préliminaire. Quant aux mesures relatives à de bonnes conditions de déroulement de l’élection de 2024, il paraît urgent de revisiter certaines dispositions du code électoral rendues illisibles ou impraticables à force d’ajouts et de rajouts.
Kader Boye est ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad), ancien doyen de la faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Ucad.
POST SCRIPTUM Cet article a été entièrement rédigé et remis à l’éditeur lorsqu’éclata sur les réseaux sociaux l’affaire du post vidéo de Monsieur Ismaïla Madior Fall, ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Ses déclarations sont d’une gravité telle que je considère que ce ministre représente un danger pour les institutions. Et par suite, devrait être démis de ses fonctions si le chef de l’État considère que notre Constitution est la Charte fondamentale de notre pays.
par Madieye Mbodj
APPEL AUX JEUNES ET AUX CITOYEN-NE-S
La révision ordinaire des listes électorales sur la période légale de six mois, du 1er février au 31 juillet 2023, est impératif pour garantir à tous les citoyens en âge de voter l’expression du suffrage universel
En principe au Sénégal, en vertu des dispositions de la loi portant Code électoral, il est fait obligation au président de la République et au gouvernement d’organiser une révision annuelle ordinaire de six mois, du 1er février au 31 juillet, à chaque année de non élections, ce qui en parfaite violation de la loi, est loin d’être le cas sou le régime de Macky Sall. Notre compatriote Ndiaga Gueye, président de l’Association Sénégalaise des Utilisateurs des TIC/ ASUTIC n’a pas manqué d’alerter très tôt, à travers une contribution en date de novembre 2022, intitulée : « Sénégal : aucune révision annuelle de six mois des listes électorales depuis sept ans, celle de 2023 ne sera pas non plus organisée, à moins que… ». Il vient, le 8 janvier dernier, de lancer un autre coup de semonce : « Sénégal, non organisation de la révision ordinaire des listes électorales en 2023 : premier acte de manipulation de la présidentielle de 2024. » Pour s’octroyer un semblant de légalité, le régime de Macky Sall a fait modifier par sa chambre d’enregistrement, en juillet 2021, l’article 39 du Code électoral, devenu l’article 37, pour introduire la notion volontairement floue et fourre-tout de « Sauf cas de force majeure ». Allant plus loin, ils ont renforcé cette modification à travers la réécriture irrégulière de
l’article R28 du Décret n°2021-1196 portant partie réglementaire du Code électoral, désormais ainsi rédigé : « Une révision dite ordinaire a lieu sauf cas de force majeure ou de révision exceptionnelle en perspective, chaque année du 1er février au 31 juillet inclus ». L’on tend ainsi, sans le dire, à se passer des révisions ordinaires au profit de révisions exceptionnelles, à durée très réduite, laissée à la discrétion des décrets et arrêtés du président de l’État-parti APR-BBY et de son ministre de l’Intérieur. Notez, à titre d’illustrations, que la révision exceptionnelle n'a duré que deux mois pour l’élection présidentielle de 2019, 45 jours pour les élections territoriales de janvier 2022 et 25 jours pour les législatives de juillet de la même année ! Résultats de ces opérations volontairement tronquées de révision des listes électorales : au moins, 1 923 691 Sénégalais qui ont le droit de vote, ne sont pas encore inscrits sur les listes électorales, dont plus de 1 100 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans (Voir Rapport 2021 Mission d'audit du fichier électoral du Sénégal) ; on peut y ajoute les 3 200 000 abstentions (plus de 33 %) aux législatives de 2022, sur un fichier officiel de quelque 7 036 000 inscrits. Au total donc, pour un potentiel de plus de 8 900 000 électeurs selon les données statistiques de l’ANSD, l’on peut retenir qu’en définitive plus de cinq millions de Sénégalais n’ont pas voté aux dernières législatives, ce qui limite sérieusement le caractère démocratique et populaire du scrutin. Pareille situation mérite une grande attention et appelle des tâches urgentes. Et que personne ne s’y trompe : Macky Sall et compagnie ont bien lancé quant à eux, de façon sournoise sous couvert de vente de 1 500 000 nouvelles cartes de membres de l’APR, leur campagne de collecte de données à caractère personnel et de pré-inscription sur les listes électorales. Par conséquent, en direction de la présidentielle de 2024, une large mobilisation politique et citoyenne, parlementaire et extraparlementaire, s’avère plus que jamais urgente et nécessaire pour arriver à garantir à tous les citoyens en âge de voter l’expression du suffrage universel, direct, libre et secret.
Chacun-e est libre d’être candidat-e, sauf le président qui a déjà effectué ses deux mandats consécutifs de sept puis de cinq ans. Lui-même d’ailleurs et tous ses collaborateurs les plus proches l’ont, il n’y a guère, dit et redit, écrit et brandi à la face du monde. Tous les spécialistes de droit et autres intellectuels honnêtes, dont tout récemment parmi d’autres, le constitutionnaliste Babacar Gueye, Dr Elhadj Omar Diop ou l’universitaire écrivain Felwin Sarr, plus généralement toutes les personnes de bon sens et de bonne foi, sont formels : pas de 3ème candidature pour Macky Sall, et cela ne dépend nullement de son bon vouloir comme il le prétend ; il ne peut aucunement être candidat en 2024 : on n’interprète pas ce qui est clair comme l’eau de roche, ou normé sur du marbre comme les deux ràkka de la prière de l'Aïd ! L’ensemble des patriotes et démocrates de notre pays, soucieux véritablement du présent et de l’avenir du Sénégal dans une Afrique libre et souveraine, doivent conjuguer leurs efforts, s’organiser et mener les combats, tous les combats nécessaires, pour :
- la révision ordinaire des listes électorales sur la période légale de six mois, du 1er février au 31 juillet 2023 ; l’inscription de tous les électeurs en âge de voter et leur participation massive au scrutin, les jeunes en particulier, ceci comme pas immédiat vers des élections régulières, inclusives et sincères, transparentes et démocratiques ;
- la mise en œuvre, dans ce sens, de toutes les réformes préconisées depuis des années par les forces vives nationales et demeurées toujours d’actualité, telles que, entre autres, la fin de la mainmise totale et quasi monopolistique du pouvoir sur le fichier électoral et sur divers autres fichiers sociaux, sur la carte électorale et le découpage des communes, sur le ministère de l’intérieur et le commandement territorial-maintenant politisés à outrance, sur le calendrier électoral et la fixation des cautionnements, sans oublier le combat pour l’instauration du bulletin unique, la suppression du mode de scrutin dit de raw gàddu et du type de parrainage volontairement opaque en vigueur, l’institution d’un organisme autonome chargé de l’organisation des élections, etc., ce dans le cadre d’une concertation nationale diligente, sincère et sans dilatoire, condition incontournable pour assurer la paix civile et la stabilité dans notre pays.
Nous sommes tous et toutes interpellé-e-s. L’ensemble des patriotes se doivent de se tenir prêt-e-s et ouvert-e-s pour contribuer de toutes leurs forces, en tout lieu et en tout temps, à ce nécessaire travail collectif de sensibilisation, de mobilisation collective et de proposition pour la régularité, la transparence des élections et la paix. Exigence d’autant plus pressante que le régime de fin de règne de Macky Sall verse de plus en plus ouvertement dans des dérives dictatoriales, violentes et meurtrières, multipliant enlèvements de type fasciste, emprisonnements arbitraires, tortures, disparitions forcées, découvertes suspectes de cadavres, etc. Tant pis s’il lui faut brûler notre pays le Sénégal, le pouvoir déroule sa stratégie du chaos et du « Tout sauf Sonko » : il lui faut surarmer les forces de répression, quitte à se lier avec les régimes les plus fascises au monde. Il lui faut en priorité éliminer « l’ennemi public n°1, Ousmane Sonko », ci nii mbaa ci naa, par les moyens ‘’légaux’’ de sa justice, ou même physiquement par des ‘armes non conventionnelles’’. Une chose est sure cependant : le combat, le défi, le projet ne sont pas l’affaire d’un individu ni même d’un parti, mais bien d’un peuple tout entier, d’un pays, d’un continent, pour la construction décisive, en ce début de l’an 2023, d’un autre monde, fait de liberté, de justice, de dignité, de travail, d’éthique, de fraternité et de paix.
Madieye Mbodj est membre du bureau politique de Pastef-Les Patriotes.
Par Alioune Badara Bèye
PELÉ, UN ROI QUI N’A JAMAIS ÉTÉ DÉTRÔNÉ
Pelé était un footballeur hors-pair, incomparable. Son talent immense était basé sur l’agilité, la rapidité, la vision du jeu. Qui ne se souvient pas de son match contre le Benfica Football de Eusebio à l’occasion de la coupe intercontinentale de 1962 ?
Quelle tristesse ! Le Roi Pelé a quitté ce monde qu’il a dominé grâce à la magie du ballon rond. Né le 23 octobre 1940 à Três Corações, dans l’État du Minas Gerais, au nord de Rio de Janeiro, il avait été fut découvert par le détecteur de talents Valdemar de Brito qui mît tout son talent de négociateur pour convaincre sa mère (Dona Celeste) de lelaisser jouer au ballon rond. Une mère qui refusait en effet systématiquement que son fils arpenta le chemin de son père, ancien footballeur de Vasco de Gama, dont la carrière avait été écourtée par une méchante blessure au genou qui avait mis fin à sa carrière. Valdemar de Brito séjourna plusieurs jours à Três Corações pour discuter avec le père, Dondinho, avant finalement convaincre Dona Celeste, la mère, très attachée à son fils.
Les premiers pas du jeune prodige au Santos n’étaient pas très faciles, le club faisant partie de la crème du football brésilien, surtout en attaque où régnait un avant-centre de génie, un certain Vasconcelos. Pelé avait à peine 15 ans. L’entraîneur Lula l’ayant mis immédiatement dans le bain, il termina un match contre Porto Alegre eau cours duquel il marqua le but égalisateur
Au prochain match qui était un derby contre Botafogo, ce dernier club étant alors à la tête du championnat avec les Didi, Garrincha et autres, Pelé marqua 2 buts et signa la victoire du Football Club de Santos.
Devenu titulaire à 16 ans, il fut sélectionné dans l’équipe nationale du Brésil. Là aussi, les dieux du football se penchèrent pour lui offrir une nouvelle chance.
En effet, sélectionné à 17 ans il n’était pas titulaire pour autant car un fantastique avant-centre occupait le poste, il s’appelait Mazzola (à ne pas confondre avec celui de l’Inter de Milan), de son vrai nom José Joao Altafini. Mazzola, qui, après la Coupe du monde de 1958, rejoignit l’AC Milan en changeant de nationalité avant de participer à la Coupe du monde de 1962 sous les couleurs de l’Italie
Blessé gravement contre le Pays de Galles, il fut immédiatement remplacé par Pelé qui marqua l’unique but de lapartie. Ce qui ouvrit au Brésil les portes des demi-finales contre la France. C’était en 1958 en Suède. Son talent explosa devant les Kopa, Fontaine, Piantoni, etc.. Pelé marqua 3 buts lors de cette rencontre de demi-finale. Le plus normalement du monde, il fut aligné en finale contre le pays organisateur, la Suède, où régnaient deux attaquants de talent (Skoglund et Hamrin). Il signa un doublé et devint, à 17 ans, le plus jeune avant-centre champion du monde ! Il le demeura jusqu’à sa mort, ce 29 décembre 2022.
Pelé était un footballeur hors-pair, incomparable. Son talent immense était basé sur l’agilité, la rapidité, la vision du jeu. Qui ne se souvient pas de son match contre le Benfica Football de Eusebio à l’occasion de la coupe intercontinentale de 1962 ? Vainqueur difficilement au Brésil (3 à 2), Pelé humilia Benfica à Lisbonne même avec un score de 5 à 2 dont 3 buts marqués par lui. A cette occasion, Coluna, le milieu de terrain portugais surnommé ‘’Le Monstre Sacré’’ avait dit que Pelé n’était pas de ce monde. Selon lui, c’était une étoile tombée d’une galaxie lointaine pour dominer le football.
Qui ne se souvient pas du match contre Peñarol de Montevideo ou régnait un certain Spencer, vainqueur de la Coupe intercontinentale de 1961, en finale de Libertadores ? Au bout de trois matchs, les coéquipiers de Pelé prennent le dessus sur ceux de Spencer grâce à un doublé du Roi dans le match d’appui.
On a surtout tenté de le comparer à d’autres. Mais Pelé, c’est Pelé, un don de Dieu unique au monde. C’est Chumpitaz le Péruvien qui disait de lui, quand on a voulu le comparer à l’avant-centre péruvien Théophile Cubillas que Pelé était unique au monde de la cime des cheveux à la pointe des pieds et qu’il était de loin le plus grand joueur de tous les temps devant les Leonidas, Zico, Ronaldo, Di Stephano, Ronaldinho, Messi, Neymar, etc...
Quant à sa comparaison avec Maradona, une image est restée gravée dans ma mémoire quand j’ai vu Maradona embrasser Pelé sur une chaise roulante. Comme quoi, le talent unit toujours les talentueux.
Malgré son pied gauche magique, Maradona, comme disait un critique sportif, ne se servait de son pied droit que pour monter dans sa voiture. Un autre handicap, Maradona n’était pas bon de la tête, on peut compter ses buts marqués de la tête (sauf la main de Dieu). Il n’avait pas la résistance ni la vitesse, la course déroutante et la pluralité du dribble de Pelé. Il s’y ajoute la lourdeur de la frappe des deux pieds du Roi à qui il arrivait de tirer les penaltys du pied gauche. Quant à son jeu de tête, demandez à Gordon Banks, le gardien de but anglais. Pelé avait une détente surréelle, une puissance incomparable de résistance aux coups interdits (malgré les agressions d’un certain Moraïs en 1966). Son jeu collectif frisait le perfectionnisme au plus haut sommet (la passe à Carlos Alberto en 1970 contre l’Italie en finale). Il a couru un jour les 100 mètres en 12 secondes, 50, effectué le saut en longueur à 5, 88 mètres. Ce n’est pas pour rien que le CIO a fait de lui l’athlète du siècle et la FIFA le footballeur du siècle.
On a essayé de le comparer au Hollandais volant Johan Cruijff, mais le jeu individuel et le manque de respect de certains de ses partenaires de ce dernier ne furent pas des atouts majeurs, malgré son immense talent.
Quant à Eusebio, il lui manquait la vivacité de dribble de Pelé. Pelé était inégalable. Au moment du choix de Tostao de Cruzeiro de Belo Horizonte qui, lors de la finale de 1969, humilia Santos (6 – 2 avec la triplette Tostao, Dirceu Lopes, Alcindo), il fit tout pour que Tostao soit à ses côtés.
Mes trois rencontres avec le Roi Pelé !
J’ai eu la chance de voir Pelé jouer à plusieurs reprises. D’abord en 1964 à Paris. J’étais dans la Marine française, Santos rencontrait une sélection Saint – Etienne – Marseille. La Marine avait bénéficié d’une vingtaine de cartes d’invitation en sa qualité de championne militaire du Var. Ce jour-là, un Africain avait fait un véritable récital, il s’appelait Salif Keïta ‘’Domingo’’. Le match se solda sur un résultat nul (3 buts partout) avec 2 buts de Pelé et 2 buts de Domingo. Avec ma tenue de la Marine française, le service d’ordre me laissa approcher l’équipe brésilienne mêlée aux footballeurs français. Bien sûr, j’obtiens mon autographe. Je réalisais ainsi un vieux rêve de jeunesse en serrant pour la première fois de ma vie la main du Roi.
La deuxième fois, c’était à Dakar en 1967 lorsque le Brésil et Pelé ont disputé un match contre une sélection du Cap-Vert
Porté à la tête du Fesman III en 2005, j’ai tenté à plusieurs reprises de l’inviter pour donner le coup d’envoi d’un match entre une sélection du Brésil contre une sélection africaine. Mais malgré l’insistance du ministre Gilberto Gil, Pelé ne pouvait pas venir à Dakar à cause d’un contrat avec la puissante chaine brésilienne TV Globo qui gérait son image. C’était en 2006 en ma qualité de Coordonnateur Général du Fesman III.
La troisième fois, c’était à Copacobana où les anciennes gloires du football brésilien se rencontraient à la plage pour jouer ou simplement se promener. C’était en 2006. Il y avait d’autres anciennes gloires (Bebeto, Romario, Luis Pereira, Pepe, etc…). Là aussi, je pus obtenir mon deuxième autographe malgré la bousculade.
Pelé était un génie et, comme tous les génies, il dépasse les frontières de l’Histoire car appartenant à la légende. Il fut en effet :
Le seul joueur à gagner 3 coupes du monde
Le seul joueur à gagner la coupe du monde à 17 ans.
Il sera à jamais gravé dans les limbes de l’histoire grâce à la magie du ballon, lui qui revendiquait tout le temps ses origines africaines et son admiration du football sénégalais. Il citait parmi les joueurs de notre pays qui l’ont impressionné Hamady Thiam et Abou Diop qui le marquait lors du match contre la sélection du Ca-vert. Il était fasciné par Thiam, « le géant » comme il l’appelait, mais aussi par la défense en ligne sénégalaise. Pelé fît du football un art, un poème lyrique fait d’alexandrins et de rythmes, d’imagination, de créations et de métaphores
Quand le Fesman III lui proposa le lancement officiel à Sao Paulo, il nous demanda de le faire plutôt à Salvador de Bahia, ce qui prouvait son attachement à la terre de ses ancêtres. L’argument massue qu’il avait avancé, c’est que Salvador était à 80 % noire ! Preuve, s’ilen était, de tout l’attachement qu’il donnait à ses racines, à l’Afrique.
En compagnie de Jean Pierre-Pierre Bloch, Directeur technique et du programme du Fesman, de Youssou Bâ, Conseiller Spécial du Président de la République du Sénégal, de George Andrade, Président des Fédérations des Caraïbes, de Flora Benitez, Chargée de communication de la Fondation Palmeiras, des Ambassadeurs du Sénégal et du Brésil, le Roi nous avait fait l’honneur de nous recevoir dans son immense domaine. Dans la grande salle, un écran de télévision géant où défilaient en permanence les 1000 buts de Pelé. Un film intitulé Rei Pelé, « Le Roi Pelé » entrecoupé du 1000e but et à la fin de la rencontre où le public debout criait « FICA !», qui signifie reste en français. Cette audience nous avait offert l’occasion de passer un jour inoubliable avec Pelé. Avant tout, il avait regretté ses absences pendant notre séjour au Brésil parce qu’il était aux Etats-Unis
Il disait que deux étapes l’avaient marqué lors de la tournée africaine du Brésil. Dakar d’abord en 1967. C’est alors qu’il décrivit Thiam (le géant comme il l’appelait). L’autre étape, c’était celle d’Ethiopie où le protocole souhaitait qu’il monte saluer Hailé Sélassié (le Roi). Mais le public s’y était opposé en soutenant qu’au temple du football, il n’y avait qu’un seul Roi et il s’appelait Pelé. Le Négus Hailé Sélassie avait fini par descendre de la tribune pour venir venir saluer Pelé !
Il répétait souvent que le Malien Salif Keïta « Domingo » était le meilleur footballeur africain. C’est la raison pour laquelle, pour lancer le football aux USA, il l’avait emmené avec lui au Cosmos de New-York.
Sa couronne dorée et son trône resteront à jamais attachés à ses prouesses, son talent, son génie du ballon rond car Pelé était le seul Roi qui ne sera jamais détrôné. Il restera pour toujours ‘’Rei Do Mundo’’, Roi du monde, lui, Edson Arantès Do Nascimento, le divin fils de Dondinho et de Dona Celeste. Qu’il repose en paix pour l’éternité !
Alioune Badara Bèye est ancien footballeur (ASFA - J A) – Ecrivain
Par Mamadou Oumar NDIAYE
ON IRA TOUS AU PARADIS
S’imaginer qu’avec quelques mesures on va remettre les Sénégalais sur la voie de la discipline, de l’effort, du respect des lois, règlements, codes et autres normes, c’est se gourer profondément et se bercer d’illusions
Après le drame survenu dans la nuit de samedi à dimanche aux environs de Kaffrine et qui a endeuillé toute la Nation avec ses désormais 40 morts — ce qui en fait l’accident de la route le plus meurtrier de l’histoire du Sénégal —, la réaction du président de la République a été admirable, assurément. Un président de la République pour une rare fois empathique et dont la réactivité a séduit nos compatriotes.
En effet, non seulement Macky Sall s’est rendu toutes affaires cessantes sur les lieux du drame — alors qu’il aurait pu se contenter d’envoyer son ministre des Transports voire son Premier ministre— mais aussi à l’hôpital de Kaffrine où ils’est penché au chevet des blessés après avoir visité la morgue et réconforté les familles des victimes. Comme si cela ne suffisait pas, en bon général, il a coordonné les opérations de secours et d’assistance tout en instruisant le Premier ministre de convoquer un conseil interministériel dès le lendemain consacré aux transports ainsi qu’à la sécurité routiers. En même temps, il a décrété un deuil national de trois jours. Un conseil interministériel qui a accouché de 22 nouvelles mesures censées juguler ces accidents qui déciment nos compatriotes sur les routes. Enfin, pas tout à fait puisque certaines d’entre elles figuraient déjà parmi les 10 commandements adoptés en février 2017 au lendemain d’un accident de la route qui avait fait 16 morts. Des « commandements » dont la plupart n’avaient pas dépassé le stade des effets d’annonce.
Mais enfin, le président de la République a eu le mérite de vouloir prendre le taureau par les cornes et de s’attaquer à un fléau qui fait quelque 700 morts par année, des milliers d’infirmes et des dégâts matériels se chiffrant à 160 milliards de francs soit l’équivalent du PIB national ! Ces 22 mesures étant prises au début de la nouvelle année, en pleine période de nouvelles résolutions, donc, que les chauffards et autres contrevenants au Code de la route se le tiennent pour dit, ils ne perdent rien pour attendre. Comme le disait le président russe à propos des rebelles tchétchènes qui multipliaient les attentats jusqu’en Russie, le gouvernement du président Macky Sall est déterminé à poursuivre ces semeurs de morts sur nos routes « jusque dans les chiottes » et à leur faire rendre gorge. Tremblez chauffards, tremblez conducteurs sous l’emprise de l’alcool ou du chanvre indien, gare à vous modificateurs des structures des bus, ajouteurs de bancs « versailles » et de porte-bagages sur les toits de véhicules de transport en commun ! La sanction du gouvernement sera tout simplement implacable. Surtout que, pour montrer qu’il ne blague pas, un officier supérieur va être nommé à la tête d’une structure chargée de superviser l’application des mesures prises lundi dernier. 22, v’là les flics !
Tout en saluant encore une fois la volonté louable du président de la République, guidé par un souci sincère d’épargner les vies de ses compatriotes, de s’attaquer au fléau des accidents de la route, qu’il nous permette cependant de prédire que les nouvelles mesures, pas plus que les précédents 10 commandements de février 2017, ne règleront rien pour la bonne et simple raison qu’elles ne seront pas appliquées. Ou alors, et même si par extraordinaire elles l’étaient, cela ne se ferait pas dans la durée. D’abord parce qu’on est en pleine année pré-électorale, une période toujours propice à toutes les surenchères, à tous les chantages et à toutes les revendications. Ce que les syndicats des transporteurs et des conducteurs n’ignorent pas ! Conscients de leur poids électoral, ils n’hésiteront pas à en user pour imposer leurs exigences à un président de la République prêt à tout pour obtenir un troisième mandat. Surtout que ces mesures sont prises au lendemain d’une augmentation des prix de l’essence super et du gas-oil qui mettait déjà chauffeurs et transporteurs vent debout malgré la sucette de 25 milliards de francs destinée à les amadouer en rendant la pilule moins amère. Ensuite, tout le monde sait que les Sénégalais, passé le moment d’émotion, retournent bien vite à leurs bonnes — plutôt mauvaises ! — vieilles habitudes. Si malgré le drame du « Joola », qui fut la plus grande catastrophe maritime de l’Histoire, ils n’ont pas changé de comportements, ce n’est certainement pas le drame de Sikilo avec ses 39 ou 40 morts qui réussira le miracle de les transformer. Il ne faut pas rêver ! Pendant quelques semaines, voire quelques mois, on fera de la gesticulation et ça s’arrêtera là. Encore une fois, ce n’est pas ici la volonté ou la sincérité du président de la République qui est en cause. Non, c’est plutôt nos comportements qu’il faut interroger !
Au pays où le faux est Roi !
C’est que le mal est tellement profond, la société sénégalaise tellement pourrie et corrompue, les fondations à ce point vermoulues que, franchement, j’ai beau réfléchir, je ne vois tout simplement aucun président de la République, aucun homme fort, aucun démiurge, aucun régime pour changer les choses. Sauf à tout raser et reconstruire ! Ou alors à bénéficier d’un Yaya Jammeh… Le faux s’est tellement incrusté dans notre pays et à tous les niveaux qu’il est impossible, je dis bien impossible, de l’en extirper. Autant essayer d’arrêter la mer avec ses bras. Ce que je dis là, évidemment, s’applique à tous les présidents de la République, aussi bien ceux qui ont dirigé ce pays qu’à ceux présideront à ses destinées dans le futur. S’imaginer qu’avec quelques mesures on va remettre les Sénégalais sur la voie de la discipline, de l’effort, du respect des lois, règlements, codes et autres normes c’est se gourer profondément et se bercer d’illusions. Voyez-vous, nous avons le sentiment d’être sortis de la cuisse de Jupiter, d’être les enfants préférés de Dieu, le peuple le plus intelligent de la terre, un peuple à ne surtout pas comparer aux gnaks africains et auquel il ne pourra arriver rien de fâcheux vu les bénédictions des saints qui reposent sous son sol. Et qui, donc, peut se permettre de bricoler les pièces détachées des véhicules à l’opposé des indications des constructeurs, de prolonger ad vitam aeternam leur âge par des subterfuges, à recycler à l’infini c’est-à-dire jusqu’à plus lisse qu’un œuf les pneus, de rouler dans des voitures sans freins et souvent sans phares ou feux de signalisation, de surcharger en passagers et en bagages au mépris de tout équilibre les cars de transport en commun, de traiter par-dessus la jambe les dispositions du code de la route etc. Bien évidemment, l’écrasante majorité de ceux qui s’adonnent à ces pratiques désinvoltes ont acheté leurs permis de conduire, disposent de fausses cartes grises, lorsqu’ils en ont, ont acheté leur attestation de visite technique, roulent sans assurance si ce n’est celle du Seigneur : « Yalla bakhna ! »
« Yalla Bakhna » !
Regardez donc les cars de transport en commun — surtout interurbains — dans lesquels nos compatriotes sont entassés, même pas dignes de contenir des animaux à plus forte raison des êtres humains ! Des cars datant de Mathusalem, retirés de la circulation en Europe depuis belle lurette, stockés dans des cimetières pour véhicules et récupérés par des margoulins qui viennent les recycler chez nous avec la bénédiction des autorités pour convoyer le bétail humain que nous sommes. Un tour dans nos gares routières — ou ce qui en tient lieu — permet de se faire une idée de ces cercueils roulants qui constituent l’essentiel du parc national de véhicules de transport public de voyageurs (Tpv). Mais surtout, alors que dans tout pays normal il y a des gares routières dédiées, le Sénégal se devait naturellement d’être l’exception qui confirme cette excellente règle ! Chez nous, bien que disposant avec les Baux maraîchers de la gare routière la plus moderne d’Afrique de l’Ouest francophone — et qui est devenue aujourd’hui une poubelle, hélas !, faute d’entretien —, certains gros malins, des féodalités pour la plupart, estiment que leur gare routière à eux, ce doit être leurs domiciles devant lesquels stationnent leurs bus « horaires » antédiluviens avec tout le bazar qui va avec. Pour chaque destination de l’intérieur du pays, pratiquement, son « garage » de quartier ou de domicile où les passagers embarquent ou débarquent dans un désordre indescriptible. Bien sûr, aucun sous-préfet, aucun préfet ou aucun gouverneur n’ose sévir contre ce bordel qui a envahi nos cités ! Car ces cars appartiennent la plupart du temps à des marabouts, à des politiciens ou à des fonctionnaires haut placés. Avec l’achèvement des travaux des Baux maraîchers, le Gouvernement avait dit qu’on allait voir ce qu’on allait voir et que toutes les « gares routières » privées seraient sommées de rejoindre la nouvelle infrastructure. On attend toujours…
Plus fondamentalement, la raison pour laquelle les Sénégalais ne changeront jamais de comportement, c’est que les remparts chargés de faire appliquer la loi se sont affaissés ! On dit que la peur du gendarme est le commencement de la sagesse. Sauf que, dans notre beau pays, nul n’a plus peur ni du gendarme, ni du policier, ni du magistrat, ni de rien du tout. Pourquoi donc avoir peur quand, sur les routes, avec 2.000 francs, que dis-je, 500 francs on peut régler son problème aussi compliqué soit-il ? Dans ces conditions, à quoi bon se fatiguer d’être en règle, c’est-à-dire de disposer des papiers requis pour conduire ou d’avoir un véhicule en bon état pour transporter des passagers. Il suffit de se munir de quelques billets de banque et le tour est joué ! C’est à ce point institutionnalisé aujourd’hui qu’au niveau de tous les « garages », de toutes les grandes artères, de tous les arrondissements, les transporteurs souscrivent journellement au « Samp », une « assurance » anti-contraventions qui leur assure la paix pendant 24heures. N’en disons pas plus… Ceci rien que pour donner une petite idée des excellentes pratiques qui prévalent dans le secteur des transports en commun. Pratiques qui constituent sans doute des péchés véniels par rapport à ce qui se fait ailleurs
Encore une fois, aussi méritoires que soient les efforts du président de la République, ils ne serviront à rien car nous ne voulons pas changer de comportements. La meilleure chose est donc de nous laisser tels que nous sommes. A chaque drame, on va être saisis par l’émotion, on va pleurer comme des madeleines, se rouler par terre, descendre (traduction littérale de faire des récitals) plusieurs fois le Coran, enterrer nos morts, promettre qu’on va changer nos façons de faire, respecter les lois, les règlements, les codes, faire preuve d’exemplarité…avant d’oublier toutes nos bonnes résolutions quelques semaines plus tard. Jusqu’au prochain drame. A quoi bon changer, du reste, puisque, plus grands musulmans et meilleurs dévots du monde, nous avons reçu l’assurance de Dieu lui-même que, quoi qu’il arrive, on ira tous au Paradis !
*Titre d’une chanson de Michel Polnareff sortie en 1972.
Ndlr : Les libérations annoncées ce mardi de Pape Alé Niang mais aussi du Pr Cheikh Oumar Diagne et du rappeur Abdou Karim Guèye « Xrum Xaxx » s’inscrivent assurément dans ce vent de décrispation que tous nos compatriotes, et les amis de notre pays, souhaitent voir souffler sur notre cher Sénégal. C’est un excellent pas dans la bonne direction !