-Sommet francophone à Djerba 19-20 novembre 2022 –
Congelée, muselée, profanée, désenchantée, désertée, abandonnée à elle-même, dérisoire, précaire, en décomposition avancée ? Oui, la Francophonie va très mal ! Il faut refuser de se taire ! Il faut vite la secouer, la réveiller, la sauver, la ressusciter, la faire aimer, la faire respecter et la faire gagner !
Permettez, avec respect, Monsieur le Président Macron et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement africains francophones !
Vous allez vous réunir à l’occasion du 18ème Sommet de la Francophonie, prévu à Djerba, en Tunisie, du 19 au 20 novembre 2022 ! Si vous renonciez à ce sommet, presque personne ne s’en rendrait compte. L’Oif -Organisation internationale de la Francophonie- continuerait, comme si elle n’existait pas, sa douloureuse léthargie et la terre continuerait de tourner.
Il serait temps, d’ailleurs, de faire le bilan de ces sommets devenus soporifiques, à l’exception de ceux qui mettent à l’ordre du jour la nomination du Secrétaire général de la Francophonie. Puis, tout retombe dans l’oubli. Les chefs d’Etat semblent avoir mieux à faire, que de parler et de s’occuper de Francophonie, de culture tout court. Un sommet extraordinaire de refondation de la Francophonie ferait mieux l’affaire ! Cela ferait du bien à tout le monde. En faisant des bilans d’étape, des évaluations concernant les programmes et résolutions de vos coûteux sommets pour l’Oif, déjà si pauvre, vous vous rendriez compte des échecs accumulés et de la vanité des projets jamais mis à exécution avec succès.
A partir de l’espace géographique, culturel et politique qui la désignait, la Francophonie, depuis sa naissance, a tenté de trouver sa place dans l’espace économique, scientifique, socio-éducatif, juridique, technologique et environnemental. En somme, elle a tout embrassé, surtout beaucoup de vent. Abdou Diouf, tout de même, a laissé des marques grâce à son aura personnelle, son charisme, son épaisseur d’ancien chef d’Etat, sa reposante et agréable civilité, mais il était trop seul pour faire avancer la Francophonie sur la mise en place du visa francophone.
Rentrons tout de suite dans le vif du sujet : Monsieur le président de la République française, n’auriez-vous pas congelé la Francophonie en décidant de placer à sa tête, une noble ressortissante d’un pays ami, certes, mais qui n’était pas la mieux apte à remplir cette fonction ? Bien sûr, le débat eut lieu et à juste titre ! Mais pourquoi donc avoir placé à ce haut poste, une personne dont le beau pays a découché de la langue française au profit de l’anglais ? Pourquoi avoir fait ce choix incommodant et surréaliste ? Et dire que les chefs d’Etat et de gouvernement vous ont laissé faire ! Tous coupables, tous soumis, tous complices ou tous endormis, désintéressés, désenchantés ?
Le problème aujourd’hui, c’est l’invisibilité de l’Oif ! Il y a longtemps, bien longtemps, depuis cette nomination, que la Francophonie semble inexistante : silence radio, silence télé, silence presse écrite, silence politique, silence culturel et artistique, voix inaudible, image boueuse, missions mortes. Pourquoi avez-vous laissé se jouer un tel drame ? L’Oif ne le méritait pas et cette belle langue française, non plus, quand on mesure ce qu’elle a été et celle à qui vous l’avez confiée ! Au fond, accuser l’actuelle Secrétaire générale serait presque injuste. Nos hommages Madame ! Ce sont ceux qui l’ont mise là, qui sont coupables de tout, l’invincible, inoxydable, flegmatique guerrier et sentinelle de l’Afrique, membre du Commonwealth, Paul Kagamé compris ! Et vogue la galère !
La Francophonie nous a fait rêver comme elle avait été rêvée à sa naissance par Léopold Sédar Senghor, Diori Hamani et Habib Bourguiba. La langue française, cette si belle femme, est venue habiter une aire géographique, l’Afrique, où elle est presque mieux que chez elle. L’Afrique s’en occupe mieux que la France, mais elle ne peut pas tout faire toute seule ! La conséquence est que la voix de la Francophonie est devenue presque aphone, placée comme en isolement. Nous en sommes profondément préoccupés.
Monsieur le président Macron, vous qui donnez tant de force et de splendeur à la langue française quand vous la parlez, vous avez réussi à confier la langue de France à une reine venue d’ailleurs qui ne veut pas de cette co-épouse et qui donc s’occupe d’elle, à sa manière. Nulle part, par le monde, aujourd’hui, la voix de la Francophonie ne résonne comme elle résonnait avant. On ne l’entendra à nouveau, véritablement, que dans un an, du 28 juillet au 6 août 2023, en République démocratique du Congo, pour la 9ème édition des Jeux de la Francophonie. C’est le lieu unique où la Francophonie se révèle au monde avec toute sa puissance, grâce à une jeunesse nombreuse, engagée, belle, solidaire, optimiste. C’est plutôt là, Monsieur le président de la République française, Excellences, Messieurs les chefs d’Etat africains, que vous devriez tous être présents pour recevoir cette jeunesse !
Au demeurant, l’histoire, avec ses ruses, nous donne à observer ce fâcheux et regrettable conflit entre le Rwanda et la Rdc qui accueille les prochains Jeux de la Francophonie. Et dire que l’Oif, qui a ajouté à ses plurielles missions celle encore politique d’intervenir pour installer la paix entre ses membres, est dirigée par une ressortissante rwandaise ! Elle serait toute désignée pour prendre son foulard de pèlerine pour aller tenter de résoudre ce drame entre pays francophone et anglophone, elle qui représente à la fois de manière surréaliste les deux entités, statut rare et presque unique de par le monde ! Mais rien ne se passe, du moins que nous sachions !
Vos sommets climatisés et feutrés sont bien loin de ce terrain d’action unique qui est l’avenir de la Francophonie ! Alors, que l’on s’amuse avec tout, sauf avec les Jeux de la Francophonie ! Ces jeux, c’est tout ce qui nous reste pour ne pas être nus, moches, inutiles. Votre prochain Sommet de Djerba en ce mois de novembre 2022, devrait plutôt sauter des étapes avec un ordre du jour exceptionnel dont le but serait de renouveler, dans l’urgence, la haute direction du Secrétariat général de l’Oif ! A la vérité, c’est cela l’urgence. Le moteur n’est pas en panne. Il est mort. La voiture n’est pas à remorquer. Elle est à changer.
Avec respect, nous vous incitons à porter, également, Monsieur le président de la République française, Excellences, Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement francophones, un autre regard sur notre institution comateuse, quasi mourante. Il s’agit de toujours garder à l’esprit les principes et missions de la Francophonie qui ne sauraient être pensés, mis en action aujourd’hui, sans faire référence aux quatre constats majeurs rappelés par le poète, écrivain et ancien Secrétaire général de l’Oif, Jean-Louis Roy :
– La tentative d’une vaste globalisation de la culture d’abord, de l’économie et de nombreuses activités humaines ensuite, ayant des effets massifs sur la communauté francophone internationale ;
– L’enrichissement démographique du monde et ses conséquences majeures sur les équilibres actuels et virtuels de la Francophonie, et sa dimension constitutive Nord-Sud ;
– La formidable bataille linguistique qui se déploie au plan mondial et qui met en présence certaines grandes langues asiatiques, la langue arabe, la langue espagnole, à côté de la langue anglaise ;
– Le respect et la prise en compte des réalités et des spécificités culturelles et économiques des peuples francophones du Sud ;
Vous le savez, tout n’est pas mauvais dans la globalisation. «Elle désenclave les communautés culturelles et linguistiques, facilite, accélère et universalise l’accès à tous les patrimoines, fait apparaître le poids réel des contributions scientifiques, technologiques, sociales et culturelles des nations et des communautés. Bref, la masse critique des uns et des autres déborde des cercles autarciques et apparaît désormais dans une fresque vivante.» La Francophonie appartient désormais à cette formidable mise en perspective qui lui permet et qui nous permet, à nous autres acteurs d’Afrique, de peser ce qu’elle vaut et de mesurer ce qu’elle représente réellement.
Au jugement du Haut-conseil de la Francophonie, dans un rapport consacré à l’état de la Francophonie dans le monde, il est écrit que la Francophonie africaine constitue «une chance de développement pour notre communauté qui ne se retrouve sur aucun autre continent». Voilà pourquoi les chefs d’Etat et de gouvernement du Sud ne peuvent pas toujours se taire et laisser faire. Fini le suivisme ! Qu’ils prennent donc leurs responsabilités ou qu’ils quittent cet espace où ils n’ont pas leur place !
Quant aux projections démographiques, elles renforcent l’importance actuelle et à venir du Sud francophone africain s’agissant de la sauvegarde, du rayonnement et de l’usage de la langue française dans le monde. En 2020, déjà, dans un monde qui comptait 8 milliards de personnes, 164 millions de francophones vivaient dans les pays du Nord dont 24 millions avaient moins de 20 ans et 640 millions dans les pays du Sud dits francophones dont 280 millions avaient moins de 20 ans. Pour dire, qu’aussi loin que l’on puisse se projeter, la langue française ne disparaîtra pas du paysage linguistique mondial, mais elle pourrait devenir marginale si elle faisait l’impasse sur les trois quarts de ses membres vivant dans la seule région du monde où elle a des chances de se développer, c’est-à-dire le Sud. Voilà encore pourquoi, Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement africains, vous devez peser, à chaque fois, sur les grandes décisions politiques de la Francophonie. La seule parole d’un chef d’Etat français ne peut plus faire loi, bien qu’elle doive compter pour ce qu’elle doit compter, par rapport à la majorité ! Bien sûr, la Francophonie ne se fera pas contre la France ou sans la France, mais avec la France, quels que soient ses velléités, ses intérêts, ses non-dits, ses méfiances, ses priorités nationales ou européennes.
Par ailleurs, la France, il faut le dire, porte l’échec, en premier lieu, de la convention francophone qui prévoyait la circulation des personnes dans l’espace francophone mondial. En effet, «on ne fera pas la Francophonie en fermant les frontières des pays francophones aux francophones, ni en les expulsant». Le Canada et la France se sont opposés à cette convention. Et pourtant, elle avait été ramenée à l’extrême du raisonnable. «Les nouvelles générations du Sud vont et iront ailleurs avec un lourd bagage de ressentiments, délaissant de plus en plus l’espace francophone du Nord pour le continent américain.»
On avait toujours pensé qu’il serait impossible de bâtir une francophonie politique sans d’abord une francophonie culturelle qui prenne en charge les créateurs francophones, poètes, écrivains, artistes, ceux-là mêmes qui sont le jardin et l’arrosoir de la langue française. On s’est trompé ! Les politiques ont tout pris et sont en train de conduire, dans un cortège tranquille et silencieux, la dépouille de la Francophonie vers son tombeau. Nous ne voulons pas de cet enterrement. Nous voulons vivre et vivre avec la langue française en harmonie avec les langues africaines, pour bâtir un espace de dialogue et d’échange pour le meilleur de l’esprit !
Vous le premier, Monsieur le président de la République française, n’oubliez jamais cette formidable ceinture de fraternité que représente la Francophonie ! De l’Afrique à l’Océanie, de l’Europe à l’Asie, de l’Océan indien au Proche-Orient, en passant par les deux Amériques, voilà que sur les cinq continents, souffle l’esprit d’une grande et belle alliance. Alliance géopolitique, économique et humaine, parce que culturelle. Sauvegardez-là ! Et vous, chefs d’Etat africains francophones, nous vous demandons avec respect, de cesser d’être des acteurs passifs et endormis. Rappelez-vous ce que ce grand historien et écrivain, illustre fils de la France, Alain Decaux, nous dit : «La France est minoritaire dans l’espace francophone !» Alors, il est temps de mieux comprendre l’enjeu, mieux prendre vos responsabilités. Ensemble, réfléchissez et soumettez le poste de Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie à un appel à candidature francophone ou faites votre choix en ne donnant pas toute la place à la politique ! La situation actuelle nous a conduits à une panne dommageable au rayonnement de cette Francophonie qui nous tient tant à cœur. N’éteignez pas toutes les lampes !
Pour revenir à la Francophonie et à notre espace de partage, mes respects Monsieur le président de la République française ! Mes respects aux chefs d’Etat et de gouvernement de ma si chère Afrique ! Aidez-nous à «sauvegarder la dignité du rêve» francophone ! C’est vous qui en possédez les clés ! Qu’elles ouvrent à nouveau les portes de la pensée, du partage, de la beauté de la culture francophone métisse, du rassemblement ! Refondons dès à présent l’Organisation internationale de la Francophonie -Oif- pour refonder notre avenir culturel, artistique, politique commun, autour d’une langue française mariée à d’autres langues africaines aussi belles et fécondantes ! Pardonnez aux «yeux des poètes qui n’ont pas de paupières». Ils vivent dans une grande et perpétuelle insomnie et attendent «l’étoile du matin» qui est «la lumière et l’illumination».
Ne tardez plus, Monsieur le Président Macron ! Ne tardez pas, Messieurs les chefs d’Etat africains francophones ! La Francophonie est à genoux, sèche, sans voix et les reins brisés !
Remettez-lui ses anneaux d’or !
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DIANO BI AVEC BASSIROU BA DU MOUVEMENT AAR SUNU MOOMEL
Maodo Faye reçoit Bassirou Ba du Mouvement Aar Sunu Moomel
Baye Oumar Gueye reçoit le Porfesseur titulaire de classe exceptionnelle de la faculté des sciences et technique de l'Ucad.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana Bathily
L’AFRIQUE N’AURAIT PAS DÛ PARTICIPER À LA COP 27
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est manifeste depuis la COP 21 que les pays occidentaux n’entendent aucunement « payer » le juste prix pour limiter l’augmentation du réchauffement climatique à moins de 1,5 % par rapport au niveau préindustriel
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 20/11/2022
L’Afrique n’est responsable que de 2,5% à 3% du réchauffement de la planète mais elle est la région du monde la plus affectée par le changement climatique.
Il est manifeste depuis la COP 21 de Paris que les pays occidentaux n’entendent aucunement « payer » le juste prix pour limiter l’augmentation du réchauffement climatique à moins de 1,5 % par rapport au niveau préindustriel. Ils entendent par contre au nom de cet objectif interdire à l’Afrique toute exploitation des énergies fossiles. C’est pourquoi, plutôt que de négocier pour de nouvelles promesses qui ne seront pas tenues du reste, l’Afrique aurait dû refuser la tenue de cette COP 27 sur son sol ou à défaut la boycotter pour…faire entendre sa voix.
L’Afrique responsable de 2.5% à 3% du réchauffement, mais…
Le rapport « État du climat en Afrique 2021 » de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) publié en septembre dernier le rappelle encore : « l’Afrique ne représente qu’environ 2 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. » Par contre, ajoute le rapport, le continent africain en subit les conséquences de manière disproportionnée.
Ainsi des inondations provoquées par les pluies de en 2022 qui, plus précoces et plus abondantes qu’en moyenne, ont affectées les régions s’étendant du Mali jusqu’à l’ensemble du bassin du Lac Tchad, le Niger, le Nigeria, le Bénin, le Tchad et le Cameroun. Ces inondations ont fait plus de 800 morts et elles ont été particulièrement destructrices dans la région. Au Nigeria 3, 2 millions d’habitants ont été affectés, 1, 5 millions déplacés, des centaines de milliers d’hectares inondées, plus d’un demi-million d’hectares de terres agricoles et plus de 300 mille habitations ont été affectés indique une étude du World Weather Attribution (WWA).
Au Niger, « plus d’un million de personnes dans 18 des 23 provinces du pays ont été touchées et 465 000 hectares ont été détruites », signale l’Alliance Mondiale contre les changements climatiques.
L’étude du WWA indique que c’est bien le changement climatique qui est responsable à 80% de la survenue de ce phénomène météorologique et à 20% de son intensité. De même indique l’étude, les pluies meurtrières et destructrices qui ont affectées le Mozambique, Madagascar, le Malawi et l’Afrique du Sud en début d’années 2022 et provoqué des inondations majeures dans ces pays sont « corrélées » directement au dérèglement du climat.
Au total, des pluies erratiques que le Sahel a connu en 2021 et qui ont favorisé l’insécurité alimentaire cette année dans tous les pays de la région, aux inondations qui ont affecté tous les pays bassin du Lac Tchad en 2022, aux inondations qui ont touché l’Afrique australe, aux sécheresses qui frappent le Maghreb, l’Éthiopie, la Somalie et l’est du Kenya, 19 millions d’Africains auront été affectés par des événements climatiques extrêmes depuis le début de l’année 2022 indique le Site Cabon Brief.
En outre indique l’OMM, les sources d’eau douce sur le contient s’amenuisent : la superficie totale du lac Tchad, « est passée de 25 000 km2 dans les années 1960 à 1 350 km2 dans les années 2000. », « le déclin en Afrique de l’Ouest, à long terme du débit des cours d’eau est attribué à la hausse des températures, à la sécheresse et à l’augmentation de la demande en eau » est constaté. « Les glaciers de l’Afrique de l’Est équatoriale – le mont Kenya (Kenya), le mont Kilimandjaro (Tanzanie) et les monts Rwenzori (Ouganda) – reculent à un rythme plus rapide que la moyenne mondiale. « La hausse des températures a contribué à faire baisser la croissance de la productivité agricole en Afrique de 34 % depuis 1961 – un déclin plus marqué que dans toute autre région du monde… un réchauffement planétaire de 1,5 °C s’accompagnerait d’un déclin de 9 % du rendement du maïs en Afrique de l’Ouest et de 20 à 60 % du rendement du blé en Afrique australe et en Afrique du Nord. »
Les USA et l’Europe : les intérêts politiques à court terme d’abord…
Nous avons vu comment le président Trump, affirmant la « liberté et l’indépendance » de son pays, fidèle à son slogan « America First », s’est retiré unilatéralement de l’Accord de Paris, le premier accord global et contraignant sur le climat, négocié pendant plus de 10 ans et signé par 195 pays du monde à l’issue de la COP 21 en 2015. Nous avons vu que libéré de la contrainte de l’Accord de Paris, les USA ont lancé à grande échelle le forage et l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste par « fracturation hydraulique », augmentant l’empreinte carbone du pays par émissions de carbone et de méthane à des niveaux jamais atteints auparavant. Dans le même temps, le gouvernement américain ne donne aucune suite à ses engagements de contribution financière aux pays pauvres. Si le président Biden est revenu sur la décision de son prédécesseur, il n’entend visiblement pas revenir à l’esprit et à la lettre de l’Accord fondateur de Paris. Le Washington Post nous apprend ainsi que la Loi sur le Climat qu’il vient de faire adopter comporte d’importantes subventions gouvernementales qui « font avancer de grands projets pétroliers et gaziers qui pourraient avoir une lourde empreinte carbone, des entreprises comme ExxonMobil, Sempra et Occidental Petroleum étant bien positionnées pour obtenir de gros bénéfices … »
Quant aux pays de l’Union européenne tétanisés par la perspective d’une pénurie de ressources énergétiques du fait de la guerre d’Ukraine, ils reviennent effectivement au charbon. L’Allemagne a ainsi annoncé qu’elle allait relancer la production de cinq sites de charbon promis pourtant à la fermeture en 2023 au plus tard. La France vient de décider de rouvrir sa centrale de Saint-Avold. La Grande Bretagne qui avait annoncé la sortie du charbon en septembre, vient d’ouvrir trois centrales. L’Italie, l’Autriche et la Grèce prévoient de faire de même.
Les engagements financiers non tenus …
Dans le même temps, l’engagement pris par les pays riches il y a treize ans, en 2009, à Copenhague, de fournir 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider l’Afrique et les pays pauvres à lutter contre le réchauffement n’est toujours pas réalisée. Oxfam estime qu’en fait, $21-24.5 milliards tout au plus, soit à peu près le tiers de la somme attendue, a été effectivement décaissés en 2020. « Les pays riches utilisent des méthodes comptables malhonnêtes et trompeuses, pour gonfler les sommes consacrées au climat, qui ont ainsi été majorés de 225% pour 2020… », ajoute Oxfam.
Pourtant c’est l’Afrique qui est stigmatisée…
Pourtant c’est l’Afrique qui est stigmatisée et on entend lui interdire désormais de produire du pétrole et du gaz dont les revenus sont pourtant indispensables à son développement. « L’Afrique doit recourir aux énergies renouvelables et renoncer à l’exploration de ses dépôts de pétrole et de gaz potentiellement riches pour éviter un désastre climatique et fournir de l’énergie propre à des centaines de millions de personnes qui en manquent… », tirait récemment le quotidien The Guardian qui se référait à une déclaration du Secrétaire Général des Nations Unies, recommandant qu’il soit mis fin à toute exploration de pétrole et de gaz partout dans le monde. M. Guterres est revenu encore récemment sur le sujet pour demander qu’aucun investissement dans le fossile ne soit plus autorisé.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE), décrète quant à elle, au nom de l’impératif de la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 : « aucune exploitation de nouveau gisement de pétrole et de gaz ».
Ainsi, alors que les Etats-Unis et l’Europe renient délibérément leurs engagements, s’adonnent à l’exploitation sauvage du pétrole et du gaz et reviennent ouvertement au charbon, c’est à l’Afrique qu’on veut faire porter le chapeau. C’est l’Afrique qui doit se sacrifier à l’autel de la réduction du réchauffement climatique. Les projets en cours d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbure et de gaz en RDC, en Ouganda, au Mozambique, au Gabon au Sénégal, et en Mauritanie notamment sont directement visés.
Pourtant ainsi que le fait observer le président du Nigeria, M. Muhammadu Buhari dans une tribune publiée par le Washington Post : « l’Afrique produit moins de 3% des émissions de gaz à effet de serre... et si nous devions exploiter toutes nos réserves connues de gaz naturel, le combustible fossile de transition le plus propre au monde, nous n’atteindrions que 3.5% ». On feint d’ignorer en outre qu’en plus de ne contribuer que marginalement au réchauffement climatique de la terre, les forêts d’Afrique centrale et du bassin du Congo, le Gabon, absorbent plus de carbone que celles du bassin de l’Amazonie . On sait aussi que de nombreux pays d’Afrique ont instauré « le mix énergique » depuis plusieurs années. Ainsi le Kenya produit déjà une part bien plus importante de son énergie renouvelable que les États-Unis ou l'Europe.
Si l’Afrique n’était pas allée à la COP 27
C’est pour dénoncer cette énième injustice à son égard que l’Afrique, dans son ensemble, aurait dû refuser d’aller à Charm el-Cheikh, cette soi-disant « COP Africaine » qui va encore une fois consacrer la suprématie occidentale décider du destin de la planète.
Si l’Afrique, toute l’Afrique, n’était pas allée à la COP 27, elle aurait fait entendre au monde entier sa protestation contre l’injustice dont elle est l’objet sous le couvert de la lutte contre le changement climatique. Elle aurait fait comprendre que la transition juste proclamée implique qu’elle reçoive des fonds d’un montant conséquent pour financer ses actions d’adaptation et de limitation du changement climatique et surtout qu’elle puisse librement exploiter ses ressources naturelles pour financer son développement.
Elle aurait rappelé à l’opinion mondiale que l’Afrique qui avait contribué à la révolution industrielle et avait enrichi l’Europe et l’Amérique par le travail de ses enfants asservis et colonisés ainsi par l’exploitation effrénée de ses ressources naturelles pendant des siècles, devait être écoutée maintenant qu’il s’agit de sa survie en même que de celle de la terre toute entière.
Et maintenant ?
Selon les scénarios du cinquième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) : « de vastes régions d’Afrique connaîtront un réchauffement supérieur à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici les deux dernières décennies de ce siècle ». Selon le rapport 2019 de l’Organisation Météorologique Mondiale, « le climat représente une menace croissante pour la santé humaine, la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau ainsi que le développement socio-économique de l’Afrique ». Les tendances actuelles de l’évolution du climat montrent que c’est la survie même du continent qui est menacée. Ceci est valable pour l’Afrique toute entière, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest.
C’est pourquoi la question du climat, liée à celles connexes de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, ainsi qu’à celle de la sécurité physique, devrait être mieux prise en compte par la « Stratégie face aux Changements Climatiques et pour un Développement Résilient » de l’Union Africaine, dans le cadre de l’Agenda 2063.
C’est pourquoi l’Afrique devrait parler d’une seule voix et après le boycott renégocier pied à pied avec les membres de la communauté internationale qui sont de bonne volonté, pour un financement conséquent, géré de manière participative et transparente.
Il s’agit, pour assurer la transition énergétique du continent, d’obtenir de la part des pays industrialisés la mise en place non pas seulement d’un fonds de compensation, pour l’adaptation et la limitation des effets du changement climatique mais aussi un véritable New Deal Vert.
Il est vrai qu’à l’horizon de 2050, c’est de 4.5 trillions de dollars (1 trillion = 1 million de millions) par an soit $120 trillions au total qu’aura besoin le monde pour faire face au défi climatique. Somme apparemment énorme mais qui selon les spécialistes ne représenterait que 2.5 percent PIB américain sur la période.
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BU KO SAX JEEM
Cette œuvre entre dans le cadre de la campagne BU KO SAX JÉEM lancée le 10 octobre 2022 par le mouvement Y'en a marre.
Cette œuvre entre dans le cadre de la campagne BU KO SAX JÉEM lancée le 10 octobre 2022 par le mouvement Y'en a marre.
Elle réunit une dizaine d'artistes rappeurs de différentes générations, et engagés.
La campagne vise à dissuader le président Macky Sall de toute tentative de violation de la Constitution du Sénégal en se présentant une troisième fois.
par Kalidou Koulibaly
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VOUS ÊTES AUSSI INVITÉS À SOUTENIR LE SÉNÉGAL
Parfois, les gens me demandent pourquoi j'ai choisi de jouer pour le Sénégal plutôt que pour la France. Pour moi, représenter le Sénégal a toujours été le plan de Dieu. Il y a quelque chose en moi depuis 2002 qui me pousse vers ce destin
D’ici la fin de cette histoire, je ferais de vous un supporter du Sénégal. Je vous le promets. Même si le Sénégal n’est pas votre équipe première à cette Coupe du Monde, nous sommes heureux d’être votre seconde. Nous vous adopterons, ce n’est pas un problème.
Pourquoi le Sénégal ? Commençons par la Coupe d’Afrique des Nations. (Le tournoi préféré de tous les entraîneurs européens.) C’est une histoire amusante, en fait. Je ne l’ai jamais dite auparavant, mais c’est la vérité… À la fin de la prolongation lors la finale contre l’Égypte, il y avait tellement de tension dans le stade au Cameroun que j’avais des flashbacks de lorsque j’avais 11 ans. Pour moi, dès que le coup de sifflet a retenti et que j’ai su que nous allions aux tirs au but, nous n’étions plus en 2022. Nous étions en 2002.
Quand on est footballeur, on est généralement "dans l'instant". On n’a pas le temps d’être nerveux. Mais c'était une chance en or pour le Sénégal de remporter son premier grand trophée. Nous savions que le pays tout entier nous regardait, et qu'il avait vu tant de crève-cœurs au fil des ans. Vous souvenez-vous que nous avons été éliminés lors de la Coupe du monde 2018 à la règle du Fair-Play ? Puis, nous avons perdu la finale de la CAN 2019 l’année suivante. C’était comme si l’histoire n’avais jamais aimé le Sénégal.
Même avant la finale, alors que nous avions déjà gagné notre match et que nous étions tous à l'hôtel en train de regarder l'Égypte gagner sa demi-finale aux tirs au but, nous regardions leur gardien et on se disait : "Mec, nous devons les battre en 90 minutes. Ce gars-là sauve tout".
Hahahah. Oui, c’est vrai. Je ne le dirais jamais à la presse, mais nous disions tous, "Peu importe ce qu'il en coûte, nous ne pouvons pas aller aux penalties !!!!".
Alors forcément, nous sommes allés aux tirs au but. Et lorsque nous nous sommes dirigés vers la ligne de touche pour discuter avec le coach de savoir qui seraient les tireurs, je n'ai pu m'empêcher d'avoir le même flash-back que des millions de Sénégalais ont eu en regardant la télévision. Au fond de mon esprit, je revoyais le but en or de la Turquie en quart de finale de la Coupe du monde 2002. Puis je revoyais les tirs au but contre le Cameroun en finale de la CAN 2002. Je regarde notre coach, Aliou Cissé, qui jouait ce jour-là, et je me dis : "Bon sang, même le grand patron a raté le penalty contre le Cameroun en 2002 ! Peut-être que nous sommes vraiment maudits !"
Mais ensuite, Aliou nous a tous rassemblés en cercle, et il a prononcé un magnifique discours qui a totalement renversé l'atmosphère. Il n'y a pas grand-chose que je puisse dire sur Aliou qui lui rende justice, car Aliou est le Sénégal. Enfants, nous l'avons tous vu donner sa vie pour le maillot. Il avait l’habitude de mettre sa tête là où d'autres osaient à peine mettre leur pied. Dans ce moment difficile, avant les penalties, il nous a dit de ne pas avoir peur. Il nous a dit d'y aller et de gagner pour notre pays, et pour les générations de joueurs qui se sont sacrifiés pour ce moment - de l'équipe de 2002 jusqu'à nous.
Nous pourrions être ceux qui réécrivent l'histoire. Nous avions le stylo entre les mains.
Après ce discours, toutes nos craintes se sont envolées. Je lui ai dit que je voulais passer en premier. En tant que capitaine, je veux toujours porter le fardeau sur mes épaules. Mais ce qui est incroyable, c'est qu'Aliou a regardé tout le monde et a dit : "OK, Kouli y va en premier. Mais toute la pression est sur moi, pas sur vous. C'est moi qui ai choisi. J’en répondrai. Vous les gars, allez-y et gagnez."
Alors, j'ai marché jusqu'au point de pénalty. Je me suis avancé vers le ballon. Ce n'était pas seulement un penalty. Ce n'était pas seulement une finale. Il y avait 20 ans d'histoire dans cette seule frappe.
Dans les quartiers d'immigrés en France, il y a vraiment deux coupes du monde qui se déroulent en même temps. Il y a la Coupe du monde à la télé, et puis il y a celle que tu joues dans la rue avec tes amis. Il y a l'équipe nationale du Sénégal à la télé - l'équipe turque, l'équipe tunisienne, l'équipe algérienne. Et puis il y a l'équipe sénégalaise du quartier, l'équipe tunisienne du quartier, et ainsi de suite. Lors d’un été classique, le quartier est un beau mélange de cultures, de langues et d'amitié. Si vous êtes le seul gars assez chanceux pour avoir une Playstation, elle devient la "Playstation du quartier". Si vous allez au parc et que toutes les mères sont assises sur l'herbe pour manger des glaces, vous n'allez pas embrasser uniquement la mère de votre ami. Vous allez "au bout de la rangée". Vous embrassez toutes les mères.
VIOLENCE COLONIALE DANS LES OTAGES, CONTRE-HISTOIRE D’UN BUTIN COLONIAL
Pour importante que soit la « restitution » d’œuvres culturelles à certains pays africains, elle n’en doit pas moins faire oublier la dure réalité silencieuse qui se cache derrière ces objets. L’histoire doit prendre tout son sens en servant de leçon
Contrairement à l’énorme battage médiatique ayant accompagné la « restitution » d’objets culturels - par l’ancienne puissance coloniale -, qui a commencé, en Afrique, par le Sénégal, avec le sabre douteusement attribué à El Hadj Oumar Tall, avant de se poursuivre avec le Bénin, avec des trésors du royaume d’Abomey – parmi lesquels les fameuses statues anthropomorphes, mi-homme mi-animal, des rois Ghézo, Gléglé et Béhanzin -, et prochainement avec la Côte-d’Ivoire, avec le Djidji Ayokwe (le tambour parleur des Ébriés), très peu a été dit sur la violence qui caractérisait le pillage de ces objets par les forces coloniales françaises. Aussi la lecture de l’œuvre de Taina Tervonen[1], Les otages, contre-histoire d’un butin colonial, offre-t-elle l’opportunité de prendre connaissance de l’une de ces histoires : la prise de Ségou par les troupes de Louis Archinard en avril 1890.
L’histoire d’Abdoulaye, celle de sa famille et de bien d’autres personnes évoquées dans le livre peuvent illustrer à merveille les humiliations et la violence physique, psychique, morale et matérielle que faisaient subir les colonisateurs aux ressortissants des pays conquis. Après la chute de Ségou, capitale de l’Empire toucouleur, occupée par les troupes de Louis Archinard, Abdoulaye, alors âgé d’une dizaine d’années, a été séparé de sa famille et expédié en France avec le butin de guerre : 96 bijoux en or et en argent, des ustensiles, 518 manuscrits…Les siens, quant à eux, furent dispersés, à l’exception de son père, Ahmadou Tall, fils d’El Hadji Oumar Tall, qui avait pu s’enfuir avec quelques-uns de ses soldats. Ainsi, dans un télégramme envoyé au gouverneur du Sénégal, le 23 juillet 1890, Louis Archinard expose la répartition des femmes du roi vaincu. Il comptait les offrir à d’autres chefs. Certaines parmi elles étaient accompagnées de leur mère ou de leurs enfants. Ce qui constituait un groupe de vingt-six personnes, qui furent toutes dispersées[2].
Exiler Abdoulaye comportait un double objectif : d’une part, éviter plus tard une possible tentative de vengeance d’un potentiel adversaire de la France, et d’autre part, créer un acculturé, qui pourrait être utilisé ultérieurement comme relai au niveau local contre ses propres frères. Cette stratégie pouvait être mise en œuvre en dernier ressort, si l’on pensait que l’École des fils de chefs, anciennement appelée École des otages, créée par Faidherbe en 1955, ne suffisait pas à transformer un « élève » récalcitrant en un soumis ou un futur allié. Ce fut le cas des deux fils de Mamadou Lamine, dont la tête a été tranchée par le colon. C'est ce qui ressort de cet extrait d’une lettre d’Archinard envoyée au gouverneur du Sénégal: « Il est fâcheux pour la tranquillité que ces enfants n’aient pas disparu dans la bagarre et qu’on ne les ait pas absolument dépaysés (…) Nous avons élevé deux petits serpents, qui sont intelligents, qui parlent français, l’écrivent de manière à pouvoir être compris (…) Pour mon compte personnel, je suis absolument persuadé que ces enfants que je connais depuis un an, avec l’entourage que je leur connais et les sentiments qu’on manifeste à leur égard, seront pour nous, un peu plus tard, des adversaires d’autant plus dangereux qu’ils auront vécu près de nous. Je ne vois qu’un moyen de nous débarrasser pour l’avenir de deux prêcheurs de la guerre sainte qui sans doute donneront de nouveaux soucis à quelques-uns de mes successeurs et nous imposeront quelques nouvelles insurrections à refréner, ce serait d’envoyer ces deux jeunes gens dans un lycée de Paris. Ils deviendront suffisamment français pour ne plus s’occuper de guerre sainte et pourront être des fonctionnaires précieux ; en tout cas, un séjour de quelques années au milieu de nous leur enlèvera tout prestige religieux aux yeux de leurs compatriotes.
J’ai l’honneur de vous prier, monsieur le Gouverneur, de vouloir bien transmettre cette lettre à Monsieur le Sous-secrétaire d’État des colonies. Je désire vivement qu’elle soit prise en considération. Je suis persuadé, si elle ne l’est pas, que l’avenir démontrera assez vite que je ne trompe pas aujourd’hui (…)[3]»
Les prières d’Archinard seront exaucées : ces deux jeunes hommes seront ultérieurement emmenés en France, d’après Taina Tervonen. Mais, contrairement à Abdoulaye, les archives qu’elle a visitées n’ont pas révélé ce qu’il était advenu d’eux.
L’objectif du colonisateur ayant toujours été de mettre entre lui et la population des pays conquis d’autres indigènes qu’il a formés, voire formatés, il était naturel chez lui de compter sur une élite locale. Des complices, des intermédiaires aliénés, que Jean-Paul Sartre, dans sa fameuse préface de Les Damnés de la terre de Frantz Fanon, qualifie d’êtres truqués, de mensonges vivants, qui, une fois retournés chez eux, ne parviennent plus à communiquer avec les leurs tant est devenu grand le fossé qui les sépare. Du coup, le séjour en métropole et le « lavage de cerveau » qui l’accompagnait faisaient partie de cette stratégie d’aliénation, et partant de domination. Ces objectifs n’ont toujours pas changé. Ils se sont juste modernisés, et ils s’actualisent, avec des moyens plus subtils et souvent très attractifs.
La violence coloniale ne se limitait pas seulement au niveau de la séparation des familles, comme du temps de l’esclavage, elle était aussi bien présente dans le vil prix que coûtait la tête d’un colonisé. Cette demande pour le moins cynique, méprisante et déshumanisante du Dr Hamy, directeur du musée d’Ethnographie du Trocadéro, en est la parfaite illustration : « Il reste beaucoup à faire sur ces populations à tous les points de vue. Leur anthropologie est à peine ébauchée, le Muséum de Paris (Jardin des plantes) n’a ni squelette ni crâne de Toucouleur, les Mandingues (Malinkés, Soninkés) n’y sont représentés que par une pièce, les Bambaras également. Rien du Bambouk, rien de la vallée du Niger ! Au musée d’Ethnographie, à part les pièces de Soleillet (…) et votre petite collecte, on n’a rien ou presque rien non plus[4]. Aussi pouvez-vous rendre de vrais services à ces deux établissements pour lesquels je prends la liberté de réclamer votre concours le plus actif...» Archinard fera exactement ce qu’on lui avait demandé, au nom de la science et des collections à compléter. En effet, en juin 1884, le directeur du muséum d’Histoire naturelle lui écrit et le remercie « pour le don (…) de deux crânes du Haut-Niger[5] »
Le mépris et le peu de valeur accordée aux vies des indigènes ne sont pas sans rappeler les enfumades du maréchal Bugeaud en Algérie, les propos sadiques du colonel de Montagnac, un autre parmi les conquérants d’Algérie: « Pour chasser les idées qui m’assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d’artichauts, mais bien des têtes d’homme[6] » et ceux du compte d’Hérisson : « Il est vrai que nous rapportons un plein baril d’oreilles récoltés, paire à paire, sur les prisonniers, amis ou ennemis[7].» Ces monstruosités évoquées par Aimé Césaire dans le Discours sur le colonialisme ont fait dire à l’auteur du Cahier du retour au pays natal, à juste raison, que : « La colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propos du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral[8]… » ;
« (…) La colonisation, je le répète, déshumanise l’homme même le plus civilisé; que l’action coloniale, fondée sur le mépris de l’homme indigène et justifiée par ce mépris, tend inévitablement à modifier celui qui l’entreprend : que le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête, s’entraîne à le traiter en bête… [9]»
Abdoulaye, Naba Kamara – une petite fille prise à la suite d’une guerre coloniale, puis emmenée en France et confiée à une sœur d’Archinard par ce dernier –, les deux fils de Mamadou Lamine, à l’instar de beaucoup d’autres résistants africains, tels que Cheikh Amala, Béhanzin, Samory Touré, Aline Sitoe Diatta, Cheikh Ahmadou Bamba, Messali Haj, Boumezrag Al-Mokrani déporté en Nouvelle Calédonie et bien d’autres, étaient victimes de séparation d’avec leurs parents et leur terre natale. Toutefois, la seule différence dans le cas d’Abdoulaye est qu’il était très jeune au moment de son départ pour comprendre la portée de celui-ci. Si bien que, en toute innocence, il a été victime du Syndrome de Stockholm, en montrant toute sa reconnaissance à la France, et surtout à son ravisseur Archinard, à qui il adressait des mots affectueux dans les lettres qu’il lui envoyait. Mieux, il le considérait comme son bienfaiteur. Mais le mauvais traitement qu’il subit lors d’un voyage dans son pays natal, où il a été traité de fils de vaincu par certains colons, lui a permis de prendre conscience qu’il n’était pas comme les autres. Il était âgé d’une vingtaine d’années lorsqu’il mourut de tuberculeuse, quelque temps après avoir intégré Saint-Cyr. Sa dépouille sera rapatriée au Sénégal en 1995, c’est-à-dire deux années après la visite d’une délégation en France conduite par le khalife Tierno Mountaga Tall qui l’avait réclamée pour éviter qu’elle ne fût exhumée et incinérée – cimetière du Montparnasse - comme c’est le cas des concessions arrivant à terme. Il avait même lancé cette phrase : « Cet homme n’est pas fait pour le feu.[10]»
En définitive, pour importante que soit la « restitution » d’œuvres culturelles à certains pays africains, elle n’en doit pas moins faire oublier la dure réalité silencieuse qui se cache derrière ces objets. D’autant que les groupes des Républicains n’ont accepté de voter le projet de loi sur la restitution du sabre au Sénégal et des œuvres du Bénin, présenté devant l’Assemblée nationale le 2 octobre 2020 qu’accompagné d’un amendement réaffirmant « le principe d’inaliénabilité des collections muséales françaises[11]. » De plus, elle ne doit pas non plus détourner l’attention des questions les plus urgentes et les plus essentielles, telles que : la présence des bases militaires françaises en Afrique, la question du franc CFA et l’ingérence de l’ancienne puissance dans les affaires internes de certains pays sur le continent. Car elles constituent des enjeux sécuritaires, économiques et politiques pour les pays concernés. D’où cet appel à la prudence de Nadia Yala Kisukidi : « Cet activisme mémoriel institutionnel s’accompagne d’un ensemble de lots symboliques qui visent, à travers des engagements culturels et mémoriels, à produire un nouveau récit françafricain, neutralisant ainsi les critiques qui mettent au jour sa mécanique depuis un demi-siècle. Le paradoxe de ces usages politiques de la mémoire, c’est qu’ils ne visent pas à rappeler ce qui a été mis sous silence, ou tenu caché ; ils ressuscitent le souvenir pour faciliter l’oubli. Mettre en lumière pour tenir dans l’obscurité, c’est-à-dire tourner la page du passé colonial. Mobiliser jusqu’à saturation la mémoire, pour que les esprits revêches, sur le continent africain comme dans la diaspora cesse de faire des histoires.[12] » D’aucuns pourraient parler de victimisation ou de ressentiment en lisant ces rappels historiques, et voudraient même que l’on mette une croix sur ce passé pour le moins dérangeant pour certains afin de mieux braquer les regards sur l’avenir, il faudra juste leur rappeler ces propos de George Santayana: « Ceux qui oublient le passé se condamnent à le revivre.» Rappel d’autant plus important que nombre des descendants de ces anciens colonisés, maltraités, assassinés, déportés sont encore victimes de mépris, de racisme dans les pays de ceux qui avaient fait subir ces atrocités à leurs ancêtres. Par conséquent, l’histoire doit prendre tout son sens en servant de leçon et de guide.
[1] Journaliste, documentariste, Taina Tervonen est née et a grandi au Sénégal jusqu’à l’âge de 15 ans. Elle parle wolof, et c’est à l’école sénégalaise qu’elle a appris une autre version de l’histoire coloniale. Différente de celle enseignée dans les établissements Son œuvre est un véritable travail d’orfèvre, fruit de nombreuses recherches et enquêtes.
[2] Tania Tervonen, Les otages, contre-histoire d’un butin colonial, p.96
[10] Les otages, contre-histoire d’un butin colonial, Taina Tervonen, p.121
[11]Le piège africain de Macron, du continent à l’Hexagone, Antoine Glaser et Pascal Airault, p. 160
[12]Françafrique, mémoires vives, Nadia Yala Kisukidi, p.963, extrait de L’empire qui refuse de mourir, Une histoire de la françafrique,, sous la direction dfe Thomas Borrel, Amzat Boukari-Yabara, Benoît Collombat, Thomas Deltombe
par Babacar Fall
SÉNÉGAL, LAÏCITÉ ET SÉCULARISME
Le post sur Facebook de Mary Teuw Niane du 14 septembre 2022 : « la laïcité, un tabou étranger à notre culture » me donne l’occasion de revenir sur un sujet qui est un nœud gordien pour l’évolution de la République
Le post sur Facebook de Mary Teuw Niane du 14 septembre 2022 : « la laïcité, un tabou étranger à notre culture » me donne l’occasion de revenir sur un sujet qui est un nœud gordien pour l’évolution de la République. Qu’est-ce qu’un citoyen ? Quel sens donner au pacte social, ou pour reprendre la magnifique expression senghorienne, « notre commun vouloir de vie commune. »
Mais avant, il est nécessaire de clarifier le débat et cerner ses enjeux.
La laïcité à la française
La première définition formelle de la laïcité fut exprimée, en 1881, par Ferdinand Buisson, philosophe, homme politique et cofondateur de la ligue des droits de l’homme en 1898. Il considère la laïcité comme le résultat d’un processus historique au cours duquel la sphère publique s’est affranchie du pouvoir de la religion. Il en résulte l’État laïque, neutre à l'égard de tous les cultes, indépendant de tous les clergés, pour réaliser l’égalité de tous les citoyens devant la loi, avec des droits assurés en dehors de toute condition religieuse et la liberté de tous les cultes.
Cette spécificité française trouve sa traduction dans la loi dite de séparation de l’église et de l’Etat de 1905. Les historiens sont tous d’accord aujourd’hui pour démontrer qu’il y a plusieurs modèles qui se sont affrontés lors des débats parlementaires de l’époque. Cependant dans le cadre de cette analyse, je retiendrai le modèle majoritaire porté par Aristide Briand et Jean Jaurès. Jean Baubérot le définit ainsi : « La loi non seulement assure la liberté de conscience et le libre exercice des cultes (article 1) mais respecte l’organisation de chaque religion (article 4), même si aucune religion n’est désormais « reconnue » ni financée sur fonds publics (article 2).
La laïcité ainsi définie par la loi autour de la liberté de conscience, comporte une dimension qui déborde l’aspect strictement individuel. Avec l’instauration d’aumôneries sur fonds publics (fin de l’article 2), avec la dévolution gracieuse des édifices du culte, propriété publique, aux associations cultuelles et diocésaines (articles 7 à 17), avec la construction, dès les années 1920, de la Grande Mosquée de Paris, la loi de 1905 et son application ultérieure ont fait que, dans certains cas, l’exercice de la liberté de conscience comme « liberté de culte », garantie par l’article 1 de la loi de 1905, doit l’emporter sur l’absence de subvention. C’est la position constante du Conseil d’État en France, et d’associations comme la Ligue de l’enseignement ou la Ligue des droits de l’homme qui a aussi permis enfin, durant les années 2000 la construction de carrés musulmans dans beaucoup de cimetières et de centaines de mosquées dans plusieurs villes de France.
Pour les sociologues des religions, la laïcité française ne constitue pas une exception, mais s’inscrit dans la même dynamique historique que les différents sécularismes qui ont traversé l’histoire mondiale.
Enfin, Mary Teuw ne comprend pas le concordat en Alsace-Moselle : « en France même, le principe de la laïcité n’est pas universel. » En fait ce dont il s’agit, c’est du statut spécifique des trois départements d’Alsace-Moselle, qui n’étaient pas français de la fin de la guerre de 1870-1871 à 1919 (après la Première Guerre mondiale). Les lois de laïcisation de l’école publique et la loi de 1905 ne leur ont donc pas été appliquées quand elles ont été votées. Ces trois départements ont globalement, conservé le régime issu de la loi Falloux de 1850 (pour l’école publique) et le régime du Concordat et des Articles organiques (1802) qui induit un financement des « cultes reconnus » et le paiement de leur clergé sur fonds publics. Quand ces départements sont redevenus français leur régime spécifique a été maintenu « à titre provisoire ». Non seulement ce « provisoire » dure encore, mais le Conseil constitutionnel a rendu une décision selon laquelle un tel statut juridique est conforme à la laïcité de la République énoncée par la Constitution.
Définition et historique du concept de sécularisme
Le terme sécularisme est un anglicisme. Il s’agit d’une doctrine selon laquelle la religion ne doit pas avoir, ni chercher à avoir de pouvoir politique ou législatif.
Elle prône la séparation de l’Eglise et de l’Etat et affirme en corollaire que le pouvoir politique ne doit pas intervenir dans les affaires propres aux institutions religieuses.
Le sécularisme désigne une tendance objective et universelle à faire passer les valeurs sociales du domaine du sacré à celui du profane.
On peut le penser comme l’exigence de la séparation des institutions séculières du gouvernement et de la religion, mais il ne s’y réduit pas.
Il renvoie à la désacralisation de l’organisation sociale perçue non pas comme une donnée naturelle exigeant l'adhésion automatique aux valeurs établies, mais plutôt comme un produit de l’histoire des politiques humaines.
Sécularisme et sécularisation en Europe
Le processus historique de sécularisation est d’abord apparu sous la chrétienté médiévale ou dans les empires islamiques et sans aucun doute dans d'autres sociétés également.
L’art, le droit, ou la politique conquièrent au fil du temps leur autonomie à l’égard d’une pensée religieuse qui les avait d’abord fondés.
La séparation est acquise entre les différents segments de la vie sociale. La religion n’est plus que l’un d’entre eux et non celui qui donnait sens à tous. Elle se manifeste dans l'émergence d'aspirations, d'attitudes et de comportements nouveaux.
Dans beaucoup de pays de culture catholique la logique fut celle de la laïcisation. La religion s’est trouvée reléguée dans la sphère privée.
En pays protestant, l’émancipation de la religion s’est opérée selon une logique de sécularisation, moins conflictuelle. Dans ce cadre, les activités publiques exercées par des groupes religieux sont reconnues juridiquement, y compris leur contribution à l'éducation citoyenne (par des cours de religion dans les écoles publiques, par exemple).
La construction européenne favorise également la diffusion du principe de la dissociation croissante de la confession religieuse du domaine public et son intégration croissante dans la sphère privée.
Et la Convention Européenne des Droits de l’Homme de novembre 1950 (article 9) a consacré les principes de tolérance et de liberté religieuse.
Sécularisme dans le reste du monde
Dans certaines sociétés de culture musulmane contemporaine, la séparation entre le processus de sécularisation et celui de laïcisation est mieux affirmée, et cela pour deux raisons.
La première est que le combat pour la modernité fut essentiellement un combat contre la domination coloniale et non contre un ennemi intérieur (le clergé catholique en France par exemple).
L’aspiration à l’émancipation du joug colonial imposait la nécessité de maintenir des contradictions provoquées par le processus de modernisation sociale. La religion en sortit à la fois renforcée et rénovée par l'addition d'une dimension identitaire.
La seconde est que l'appel aux réformes et à la modernisation est venu, souvent, des élites religieuses, qui sont les alliées privilégiées des acteurs politiques majeurs. Ces derniers comptent sur elles non seulement pour neutraliser les courants conservateurs religieux (sous le masque du réformisme souvent et contre les confréries), mais également pour ses politiques. Les relations entre Léopold Sédar Senghor, ses compagnons et les différentes personnalités religieuses dans les périodes pré et post indépendance s’inscrivent dans ce contexte.
On peut parler d’un « islam républicain » en écoutant cette vidéo témoignage avec cet interview à la télévision française de Serigne Fallou Mbacké sur ses rapports avec le président Senghor.
La description que donne Serigne Fallou Mbacké de ces relations, correspond exactement à ce que l’on désigne sous le concept de sécularisme. La religion ne doit pas s’occuper de politique et la politique ne doit pas s’occuper de religion.
Dans le cas de la fin de l’empire ottoman et de la proclamation de la République turque, Jean François Bayart, politologue (in Islam républicain. Fayard) montre que l’islam est le « fil caché » qui relie les deux systèmes. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle Mustafa Kemal Atatürk a cherché à dépecer les institutions de leur manteau islamique, les « Jeunes Ottomans » se sont en fait inscrits dans une longue durée où l’islam a servi de fondement – certes pas le seul – pour bâtir la République turque. Les musulmans ont fini par endosser la République et les sécularistes se sont faits à son visage islamique
On le voit donc, l’histoire mondiale est traversée par ces deux processus, le sécularisme et la laïcité qui indiquent deux conceptions du rapport entre le religieux et le politique.
En Occident, le processus de séparation entre les deux sphères s’inscrit sur la longue durée, sur les autres continents le phénomène est moins visible et prend d’autres formes qui épousent l’histoire sociale de chaque pays.
En Inde par exemple où le sécularisme s’est le mieux épanoui, toutes les religions sont présentes dans la sphère publique. Le résultat est le même qu’en Occident dans la mesure où les croyances se valaient toutes du point de vue de l’Etat indien, encore récemment jusqu’à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite hindoue avec le BJP de Narendra Modi.
Le sécularisme indien s’inscrivait dans une longue tradition de multiculturalisme et de tolérance religieuse qui commence avec l’empereur bouddhiste Ashoka, qui a régné au IIIe siècle avant notre ère.
Mais ce passé seul, ne suffit pas pour maintenir cette tradition de tolérance, car sans les hommes comme Gandhi et Nehru pour le traduire en termes politiques et institutionnels, il n’y aurait pas de sécularisme à l’indienne aujourd’hui. Gandhi se battait pour la reconnaissance du religieux sur un mode collectif dans l’Inde nouvelle alors que, pour Nehru l’appartenance religieuse devait finir par passer au second plan, sinon s’effacer derrière des identités individuelles.
A l’exemple de l’Inde, le sécularisme a été un formidable facteur de cohésion sociale dans beaucoup d’Etats, de pays de culture musulmane dans le monde. Il a permis de transcender les clivages confessionnels. On était citoyen d’abord, locuteur de telle ou telle langue, et puis éventuellement animiste, hindou, musulman, bouddhiste ou chrétien. Le sécularisme a permis sinon de gommer totalement, au moins d’amoindrir les différences liées à l’appartenance religieuse des citoyens.
La laïcité comme concept constitutionnel au Sénégal
Mary Teuw Niane expose un peu plus clairement, pour une fois, une opinion jusque-là dominante, y compris au début de notre Etat-nation, chez les « réformateurs musulmans » (critiques des rapports confréries et autorités publiques, souvent issus des mouvances wahabites) dans les années pré et post indépendance.
Cette conception repose sur le refus de la séparation de la religion et de l’Etat ou plutôt de sa neutralité face aux confréries et au clergé catholique et prône la contribution des religions à l’éducation des enfants (enseignement public des religions et financements des écoles coraniques). C’est ce que propose Mary Teuw Niang dans cette critique de la laïcité au Sénégal : « L’inscription du principe de la laïcité dans la Constitution de notre pays est … surtout le moyen invisible de couper le cordon ombilical des religions avec notre société. Ceci malgré le fait que la religion joue un rôle fondamental dans la formation de notre jeunesse et la construction de sa personnalité. »
Au-delà de l’éducation, on comprend que ce qui est en jeu c’est la question des sources (religieuses ou profanes) de notre Droit et de la Constitution, comme Loi Suprême.
Dans sa comparaison avec les pays européens il cite : « sur les vingt-sept (27) pays de l’Union européenne (UE), la France est le seul pays qui a inscrit le principe de la laïcité dans sa constitution. Le principe de la séparation des Églises et de l’État n’est inscrit que dans la constitution de huit (8) pays au niveau de l’Union Européenne : Hongrie, Lettonie, Portugal, Tchéquie, Slovaquie, Slovénie, Suède et France. »
Mary Teuw montre une incompréhension de l’historicité des rapports entre autorités ecclésiastiques et Etats dans les exemples européens cités. La tradition gallicane de certains Etats européens a toujours reposé sur l’ambition de garder la haute main sur les églises, avec une volonté farouche de les maintenir à l’écart du pouvoir du Pape. Cette tradition qui a commencé en France et a abouti à la séparation par la loi de 1905, a concerné toute l’Europe. En Grande Bretagne, ce processus, après la rupture de l’église catholique d’Angleterre avec Rome consacre l’église anglicane sous l’autorité de la royauté.
Une autre tradition européenne est incarnée par les Etats du Nord de l’Europe, scandinaves et anglosaxons protestants pour qui les principes de laïcité et de séparation de l'Eglise et de l'Etat sont constitutifs du fonctionnement de l’Etat. Car le protestantisme est avant tout un système de conduite autonome de la personne. Dieu et le monde sont dans des galaxies séparées et entre les deux, le fidèle organise lui-même une relation de compromis. C’est ne rien comprendre à l’éthique protestante pour reprendre l’expression de Max Weber, que d’assimiler ces situations léguées par l’histoire de chacune de ces nations.
Les bâtisseurs de la République, de Senghor à Mamadou Dia tous profondément croyants, au moment de poser les fondements d’un Etat moderne, n’ont pas regardé du côté des Etats dont l’inspiration constitutionnelle était les textes sacrés comme certaines républiques ou monarchies islamiques en Afrique et au Moyen Orient, mais plutôt des Etats séculiers modernes en Europe, en Asie et en Amérique.
L’histoire leur a donné raison au regard de l’évolution de ces Etats durant les périodes pré et post indépendance par rapport à ceux qui n’ont pas opté très clairement pour une séparation entre la religion et la gestion des affaires publiques. Les guerres civiles, les conflits de nationalité, les poussées des hordes de fanatiques djihadistes actuelles témoignent du danger de l’ambigüité ou de l’absence de choix clairs sur le modèle de l’Etat.
J’ai toujours pensé que la laïcité de l’Etat au Sénégal, constituait un impensé chez les pères fondateurs de notre République.
Ce parti pris, que je soupçonne, délibéré de leur part, résulte pour moi, de l’appréhension de l’ampleur du combat pour la dissolution du système colonial raciste et de l’indigénat. Et par ailleurs, du temps qu’il leur fallait pour construire et mettre en œuvre les concepts de citoyenneté sénégalaise et africaine.
Il n’est que de lire les débats qui, à partir de 1948, traversent les rangs des bâtisseurs de l’Etat-nation à travers les journaux « Condition Humaine » et « l’Unité » ensuite organe du BDS et du BPS sur la fin de l’empire colonial français et l’AOF pour le mesurer.
Comment rompre avec cet oxymore du projet colonial de la constitution française de 1958 d’assimilation/égalité ?
Avec le recul historique on peut se représenter ces hommes et femmes d’Etat, face à cette question existentielle de fonder un Etat moderne, sur un territoire dont l’Etat français depuis deux siècles s’est évertué à éradiquer toutes les représentations institutionnelles précoloniales.
Mais les formations sociales sur le territoire du nouvel Etat gardent néanmoins la mémoire et les traditions de système d’inégalité et de domination et de système d’ordre, pour reprendre les concepts de A. Bara Diop dans son anthropologie de la société wolof.
Comment assurer l’unité politique des diverses formations sociales et populations vivant sur ce territoire par un Etat dont les structures intrinsèques résultent d’un héritage de domination de deux siècles et par exemple quel rôle pour les autorités coutumières, chefs de canton, chefs de village, cadis ?
Le projet politique que portent ces bâtisseurs et fondateurs (de Blaise Diagne à Galandou Diouf, en passant par Lamine Guèye, Mamadou Dia, et tous leurs compagnons militants, syndicalistes), depuis toujours est de construire un Etat républicain pour fonder une nation de citoyens sénégalais.
Mary Teuw Niane dans son post polémique dit : « Dans nos tropiques africains francophones, la laïcité est la plus grande arnaque politique, sociale et culturelle que les pères fondateurs de notre constitution nous ont léguée. »
C’est faire injure à ces pères fondateurs qui auront arpenté, visité chaque ville, village, canton du Sénégal, discuté avec les autorités coutumières, confrériques de ne pas avoir réfléchi sur ce qui devait définir les citoyens de ce pays. Et surtout de ne pas avoir une idée précise sur la nature de la nation qu’ils avaient l’ambition de construire, malgré des appartenances religieuses, confrériques, linguistiques différentes, des modes de vie, d’habiter, des systèmes fonciers et de modes de production extrêmement variés.
Je relisais récemment la belle biographie d’Ibrahima Seydou Ndaw, parue chez l’harmatan en 2013, et l’autobiographie de Assane Seck « Sénégal, émergence d’une démocratie moderne » pour soupeser le degré de tension intellectuelle, les débats et le combat politique dans lesquels ils étaient tous plongés à cette époque.
Le concept de laïcité pour définir la nature de la république tranche, pour moi, le clivage interne au sein des fondateurs à propos de la notion de liberté comme principe fondateur de ce qu’est un citoyen sénégalais. La mention « démocratique et sociale » résulte d’un compromis entre les différents courants.
Senghor et ses compagnons distinguaient parfaitement ce que les historiens actuels nomment les sécularismes, pour distinguer entre la laïcité à la française et les autres formes, mais qui reposent tous sur la liberté de conscience, la citoyenneté sans fondement religieux et la séparation de l’État et de la religion.
Application du principe laïque au Sénégal ou le sécularisme sénégalais
La constitution de 2001 révisée en 2016, mentionne dans son préambule: la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, les accords et règlements des nations unies et de l’union africaine (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979, la Convention relative aux Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 et la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981. )
L’article 1, alinéa premier de la constitution de la République proclame : « la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances.
Dans un article, paru dans Ethiopiques n°22-1980, le recteur Seydou Madani Sy dit de la constitution de 1963 révisée (dernière révision lors de la rédaction de cette analyse le 24 avril 1981) : « l’idéologie laïque qui sous-tend la Constitution du Sénégal n’est pas une idéologie de combat, puisqu’il n’y a pas, comme en France à l’origine par exemple, une hostilité aux Eglises et à l’Islam. La laïcité mise en œuvre se rattache à l’idéologie laïque qui déclare l’incompétence de l’Etat à l’égard de ce qui excède le gouvernement du temporel, impliquant le refus de proposer, ou même de cautionner une explication de l’homme et du monde. Mais c’est un Etat qui, à l’égard de toutes les options, professe a priori la même attitude d’impartialité. »
On peut définir la laïcité sénégalaise comme une laïcité compréhensive.
Mieux, contrairement à ce que laisse entendre Mary Teuw Niane, dans la nouvelle constitution de 2001, révisée par référendum en mars 2016, plusieurs articles s’inscrivent dans cette logique de laïcité positive et compréhensive à rebours de la conception française.
L’article 4 qui traite des partis politiques, interdit l’identification à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue ou à une partie du territoire.
L’Article 5 interdit tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse.
L’article 8 proclame que la république du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales… dont les libertés religieuses.
Les articles 20 et 22 qui consacrent le droit à l’éducation de tous les enfants et le devoir des parents, demandent que l’Etat veille à l’exercice de ce droit. Et plus encore, et à croire que Mary Teuw tout ministre qu’il fut, n’a pas lu la Constitution, l’Etat sénégalais reconnaît la contribution des institutions religieuses à l’éducation des enfants. Les institutions et les communautés religieuses ou non religieuses sont également reconnues comme moyens d’éducation.
Et enfin l’article 24 consacre la place de la religion dans l’espace public comme jamais : « la liberté de conscience, les libertés et les pratiques religieuses ou cultuelles, la profession d’éducateur religieux sont garanties à tous, sous réserve de l’ordre public. Les institutions et les communautés religieuses ont le droit de se développer sans entrave. Elles sont dégagées de la tutelle de l’Etat. Elles règlent et administrent leurs affaires d’une manière autonome. »
Je partage cet avis du recteur Thierno Madany Sy dans son analyse de l’application du concept de laïcité au Sénégal : « la neutralité religieuse de l’Etat s’interprète comme donnant libre cours au développement sans entraves des Institutions et Communautés religieuses. »
En effet, à l’analyse, on distingue très clairement les différences majeures entre la laïcité à la française et la version du principe laïque choisie dans notre pays. Non seulement l’Etat sénégalais n’ignore pas les religions, mais entretient des relations normales et très étroites avec les Confréries musulmanes et le clergé catholique, y compris à travers le programme d’investissements annuel dans les cités religieuses et inscrits dans la programmation budgétaire annuelle de l’Etat.
Et en fonctionnement, les subventions aux écoles privées catholiques constituent une part importante des financements de l’éducation. Les écoles privées catholiques, comme les autres, non confessionnelles, sont considérées comme membres à part entière du service public de l’Education.
Il faudrait être sourd et aveugle, pour ne pas saisir la part extrêmement importante que prennent, dans les programmes des radios et télévisions, les cérémonies et autres manifestations religieuses.
Et lors des différentes commémorations religieuses (confrériques et catholique) l’Etat en grand apparat et de façon solennelle est présent.
En conclusion, il me semble que la question qui est au cœur des agitations et des polémiques sur la laïcité au Sénégal, est celle de la nature de notre Etat-nation, celle que ses bâtisseurs nous ont léguée. C’est celle de notre récit national. Quelle narration notre nation renvoie-t-elle aux citoyens que nous sommes ? Quelles sont ses valeurs essentielles à transmettre ?
En 1959, Senghor (Nation et voie africaine du socialisme. Présence africaine) en donnait un aperçu : « la Patrie, c’est le pays sérère, le pays malinké, le pays sonrhaï, le mossi, le baoulé, le fon. [...] Loin de renier les réalités de la patrie, la Nation s’y appuiera, plus précisément elle s’appuiera sur leurs vertus, leur caractère de réalités, partant sur leur force émotionnelle. […] Au terme de sa réalisation, la Nation fait, de provinces différentes, un ensemble harmonieux. […] Nous prendrons garde à ne pas tomber dans l’une des tentations de l’État-nation, qui est l’uniformisation des personnes à travers les patries »
Je pense que la laïcité ou le sécularisme de la République permet le déploiement d’une histoire nationale pleinement africaine qui s’appuie sur la diversité de notre peuple, de ses terroirs, de ses langues et des valeurs qu’elles véhiculent. En somme, accepter de continuer à s’enrichir de « l’humanisme soudanais » pour reprendre l’expression de l’historien Sékéné Mody Sissokho.
Il faut laisser les prix libres chez les commerçants propriétaires de leurs propres échoppes. Puis, créer des magasins étatiques de référence avec des prix bas homologués et où on trouverait les denrées de première nécessité subventionnées
L’Etat du Sénégal, devant la flambée des prix des denrées de première nécessité née de la crise urkraino-russe et du blocage de l’export du blé et autres céréales, a pris comme première mesure en juin dernier d’augmenter de 100 FCFA le prix de l’essence super. Sans toucher au prix du gazoil. C’est là une mesure structurelle et structurante qu’il faut saluer, qui épargne les bourses des ménages les moins nantis et protège le transport en commun de personnes et de marchandises, qui est une donnée essentielle pour maintenir droite la colonne vertébrale de l’économie nationale.
La crise des prix persistant, le gouvernement sénégalais a jugé bon de fixer des prix bloqués pour un certain nombre de denrées et de baisser d’autorité aussi les prix des loyers (jusqu’à 20% de baisse pour les loyers en dessous de 300 000 FCFA mensuels). Alors que tout le monde s’accorde à dire que la baisse obligatoire des loyers en 2014 a été de nul effet, cette fois, le gouvernement se faire fort de la rendre efficace et pérenne, notamment par la mise en place d’une commission de régulation qui entendra des litiges plutôt que le tribunal et conduira les conciliations. Pour être sûr d’être obéi, il faut ordonner le possible…
Car, dès l’entrée en vigueur de ces prix bloqués, on constate que les commerçants rechignent à les appliquer. D’où rafles de marchandises par la gendarmerie. Mazette ! Eh bien, je pense que les prix des commerçants devraient être libres. Il faut leur laisser la latitude de faire de leur prix éventuellement bas et de leurs ventes en soldes un argument commercial et non une obligation administrative. Au Sénégal, nous sommes dans une économie libérale et dans un pays membre de l’OMC. La liberté des prix se doit d’être la règle. On vend bien une bouteille de soda cola à 200 frs à la boutique du Diallo de quartier, à 600 frs au resto-chawarma du coin, à 1000 frs dans les bars maquisards et à 5 000 frs au comptoir du Dizzie Bar du King Fahd Palace. Ça n’en reste pas moins la même bouteille de boisson cola.
La solution n’est pas dans la glaciation des prix par oukaze gouvernemental chez ceux qui exercent une profession libérale, les commerçants. C’est aussi une mesure socialement inéquitable, car elle met les marchandises au même prix pour les riches et les pauvres, qui déjà payent le même taux de TVA dessus, 18%.
La cherté du coût de la vie donc ? Oui, bien sûr, il faudrait agir contre elle. Mais non, pas ainsi. Ce qu’il faudrait faire, c’est d’un côté : laisser les prix libres chez les commerçants propriétaires de leurs propres échoppes. Puis, créer des magasins étatiques de référence avec des prix bas homologués et où on trouverait les denrées de première nécessité à prix bas car subventionnés, et où accèderaient les personnes détentrices de cartes officielles attestant de leurs bas revenus. Comme les magasins SONADIS du temps du régime Diouf commençant, au début des années 80, qui ont hélas périclité pour mauvaise gestion. De ce point de vue, les cash tranfers que sont les bourses familiales de 25 000 frs par trimestre qui touchent 316 000 ménages sénégalais pauvres depuis 2014, sont, à cet égard, une bonne mesure, en direction de qui doit en bénéficier et non de tout le monde, sans distinction de revenus. Car, non, nous ne sommes pas à Cuba ou dans un autre pays communiste abusivement dit « République (populaire) », il faut aussi arrêter de fantasmer sur le retour de bataillons de contrôleurs des prix qui sillonneraient les marchés, et qui ne seront jamais assez nombreux et dont les armées hypothétique constitueraient une bureaucratie aussi budgétivore que les prix hauts dénoncés pour les denrées. Les dangers ultimes du blocage des prix, c’est la chasse aux sorcières contre les commerçants, le refus de vente, le marché noir, la rétention des stocks…
Diamniadio, ville paisible et symbole de la projection du Sénégal vers l’émergence, ainsi prise d’assaut par des individus armés, le fait n’est pas banal. Et il ne doit pas être banalisé.
Diamniadio a été la cible d’une attaque à mains armées dans la nuit du dimanche 13 à lundi 14 novembre 2022. Un des assaillants a été abattu par la gendarmerie qui a essuyé une forte résistance des auteurs de l’attaque qui visaient des unités industrielles.
Diamniadio, ville paisible et symbole de la projection du Sénégal vers l’émergence, ainsi prise d’assaut par des individus armés, le fait n’est pas banal. Et il ne doit pas être banalisé. « Cette attaque est un indicateur de la montée de l’insécurité et de la circulation des armes », analyse un spécialiste du radicalisme au Sahel. Pour lui, l’Etat du Sénégal doit être attentif à la symbolique des lieux attaqués afin de mieux comprendre et cerner les contours de l’incident inhabituel survenu à Diamniadio. Une enquête approfondie devrait permettre de savoir « si c’est l’Etat qui est visé ou bien s’il s’agit d’un cas isolé de banditisme ». Certes la prudence s’impose dans de telles circonstances. Néanmoins, la vigilance doit être de mise. Au regard du contexte sous- régional, l’assaut de Diamniadio peut être considéré comme un signal alarmant. On n’est jamais assez précautionneux dans le domaine de la sécurité et, en la matière, il faut envisager le scénario du pire. Il ne serait pas superfétatoire de partir du postulat suivant : le Sénégal vient de connaître son « 13 Novembre ». Toutes proportions gardées.
À côté des industries et des immeubles à usage d’habitation, il ne faut pas perdre de vue que la Plateforme de Diamniadio abrite également des bâtiments publics : sphères ministérielles, stades, centre de conférence, hôtels… Mais il y a aussi et surtout « La Maison des Nations unies au Sénégal » dont les travaux de gros œuvre sont presque achevés. L’inauguration du joyau, initié en 2015 par l’Etat, est prévue dans les prochains mois. La UN House Senegal en Afrique de l’Ouest va abriter les 34 agences du Système des Nations unies présentes sur notre sol. S’ajoute au décor, le passage par-là du Train Express Régional et la proximité avec l’Aéroport international Blaise Diagne. Diamniadio est déjà et sera davantage une ville-carrefour. Qui dit carrefour, dit défis et enjeux multiples. Et la sécurité n’en est pas des moindres.
Le Sénégal n’est plus le même pays. Point n’est besoin de nous faire un dessin pour le savoir. L’attirance du pétrole et du gaz dans un contexte international si particulier est à intégrer dans la stratégie sécuritaire du pays et dans la géostratégie sous-régionale. Majors pétroliers et autres puissances étatiques, économiques et financières commencent à renforcer leur présence chez nous. Cet intérêt grandissant pour les ressources pétrolières et gazières sénégalaises, tel l’effet du miel sur les mouches ou du sang sur les fauves, s’accompagne de tout un dispositif de sécurité et de sûreté. Des services de renseignement comme la CIA et ses homologues dans d’autres pays puissants ne sont pas en reste. Qu’en est-il alors de nos Forces de défense et de sécurité ? La réponse va de soi. Nos Fds doivent être renforcées en nombre, en armes et en renseignements pour être prêtes pour le rendez-vous des hydrocarbures.
L’enjeu est si stratégique que le doute sur la transparence du contrat passé par le ministère de l’Environnement avec un marchand d’armes peu fréquentable, d’après une enquête journalistique, est plus que dommageable. Vu sous le même angle, le débat sur la notion de « secret-défense » en rapport avec le droit à l’information du public et le devoir d’informer du journaliste, est tout aussi nécessaire. Mais il faut le dire clairement : le débat est mal posé par l’Etat avec l’emprisonnement du journaliste Pape Alé Niang. Ici, même au Sénégal, fin 90-début 2000, police, gendarmerie, armée, magistrats, médias et autres acteurs étatiques et sociaux se sont retrouvés autour de la table pour échanger librement et sereinement sur la notion de « l’information sensible » en Casamance. Ces échanges avaient donné des résultats probants dans le respect de la mission et de la responsabilité de chacun. Remettons-nous autour de la table pour une mise à jour des logiciels ! Libérez Pape Alé Niang ! Après tout, qui peut le plus peut le moins.