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24 novembre 2024
Opinions
Par Assane Guèye
CENT JOURS ET SANG-FROID
Pour prétendre distribuer une note quelconque ou savoir si l’équipe en place a sorti le grand jeu, il faut une distance objective avec les événements. La qualité d’un tel exercice est susceptible d’être faussée par la passion, la subjectivité.
Pour prétendre distribuer une note quelconque ou savoir si l’équipe en place a sorti le grand jeu, il faut une distance objective avec les événements. La qualité d’un tel exercice est susceptible d’être faussée par la passion, la subjectivité. Se montrer raisonnable en faisant preuve du plus beau sang-froid permet d’aborder lucidement le sujet du délai de grâce. Le nouveau régime a une ancienneté de 100 jours. Le chiffre est magique mais on ne connait pas de magicien ou de superman qui a été porté au pouvoir le 24 mars. Monts et merveilles ont été promis comme d’habitude par des téméraires qui n’avaient pas de dossiers en mains quand ils promettaient. Une fois aux manettes, les auteurs des promesses mirifiques bottent en touche en découvrant qu’ils n’ont pas de botte secrète. Il suffit seulement de se pencher sur les faits et chiffres distillés par le dernier recensement pour comprendre que même 100 ans ne suffiraient pas pour vaincre nos défis et leurs grandes complexités. Il est aisé de s’appuyer sur l’énergie de la jeunesse et son importance numérique pour conquérir le pouvoir en toute vitesse. Mais arrivé au sommet, on est comme un volcan éteint qui prend conscience que l’âge d’or n’est plus possible. Dans un pays si immensément jeune, toute assise de réflexion doit commencer par parler de la jeunesse plutôt que de justice. On fait des reproches à cette dernière parce qu’on a surtout des choses à se reprocher individuellement. On aurait mieux fait durant ces 100 premiers jours de déclamer un grand discours en disant ce qu’on veut faire de cette jeunesse. Sans tomber dans le jeunisme ni caresser dans le sens du poil mais en lui disant qu’être jeune est d’abord une exigence de discipline, de respect de l’autorité et d’effort. La préconisation ici est d’en faire une cause nationale et de tout lui offrir en termes d’horizons au lieu de cette oraison funèbre des mers démontées sans cesse tapissées des victimes de la mal gouvernance. Car, c’est cela dont il s’agit. Depuis fort longtemps, loin d’avoir fait du pays une belle tapisserie, les politiques délirantes l’ont plutôt mis au tapis. Les leçons de morale qu’on administre après chaque hécatombe tombent dans l’oreille d’un sourd. Une fois qu’on est élu, c’est pour gouverner. On cesse d’être commentateur pour être l’acteur qui prend des décisions sur la base d’une vision, si vision il y a. Le projet dont on parle est pour le moment un objet non identifié en attendant sa réforme sémantique. On vous confie d’habitude les clés pour propulser ceux qui vous ont fait confiance dans une autre galaxie où chacun commence d’abord par balayer devant sa porte. Les crises globales naissent des catastrophes individuelles.
Changement dans la continuité ?
Il faut applaudir les jours de la propreté dont on se demande quel est l’impact sur la catastrophe écologique. Mais si on en est encore là, c’est qu’il manque dans la société de la netteté. Depuis au moins 1984, les actes citoyens de cette nature existent dans le pays sans qu’il soit un modèle de salubrité. Le problème se situe donc ailleurs. Récurer les esprits et les cœurs est aussi une étape à franchir. L’autre équation insoluble est la vie et les transactions chères qui, de toute manière, le seront de plus en plus. Diversement appréciées, les baisses louables appliquées sur certains produits et denrées sont la preuve que les marges de manœuvre sont marginales. On n’a pas fini de manœuvrer de part et d’autre à l’Assemblée nationale angoissée par la marginalisation ou la dissolution. La confusion autour de l’hémicycle est un signe de changement dans la continuité. C’est du pareil au même. Les visages changent, mais les pratiques sont les mêmes. Les députés du peuple ne représentent plus que leur parti quand ils donnent l’impression de se coaliser contre le peuple. Quelle est cette idée folle de faire tomber un gouvernement qui n’a que 100 petits jours. Face au traquenard et au désir de revanche, avoir du trac est aussi le signal qu’on n’est pas prêt. Est- on toujours préparé à l’exercice du pouvoir ? Nulle part, on ne trouve d’institut où on apprend à présider. La fonction suprême a cependant besoin d’une vraie incarnation. De ces 2400 heures, le flegme du président a été un des faits marquants. C’est une qualité exceptionnelle. Mais ça ne suffit pas. En ces temps difficiles, le pragmatisme et l’efficacité font la différence. Être à la tête d’un pays où tout est urgent est presque un cadeau empoisonné. Avoir à parler avec des pouvoirs kaki incommodes et rigides pratiquant l’isolationnisme dans une confédération des Etats du Sahel est quasiment une perte de temps. Au dedans comme au dehors, les dirigeants font plus de la gestion de crises que du développement. Dans ces circonstances, la bienveillance vaut surveillance et vice-versa.
Par Mamoussé DIAGNE
LE GRAND JONC S’EST COURBÉ
Hommage à Momar Coumba Diop - Je ne sais plus en quel temps c’était Je confonds toujours présent et passé Comme je mêle la Mort et la Vie Un pont de douceur les relie
Je ne sais plus en quel temps c’était Je confonds toujours présent et passé Comme je mêle la Mort et la Vie Un pont de douceur les relie.
J e ne sais plus en quelles circonstances je l’ai rencontré pour la première fois. Sans doute dans « La Cafet’ de Kane », où nous aimions nous retrouver, tous de la Faculté de Lettres, aux ‘’intercours’’ pour parler de tout et de rien, de ce qui se passait dans et hors des murs de nos départements…
C’est ainsi que mon agrégation de Philosophie, c’est lui qui, dans mon Département, en a été le premier informé. Le premier qui, ouvrant de grands yeux, fit un pas de côtél en m’annonçant : « Tu vas nous faire reculer dans ce Département ! » Je ne compris la surprise que plus tard, quand j’ai réalisé que ce « Département de Philosophie » où je venais de le retrouver en 1977, était un « nid des sociologues » que Senghor soupçonnait d’être le point de départ de Mai 68, où Momar Coumba Diop, Boubacar Ly, Abdoulaye Bara Diop et Pierre Fougeyrolas enseignaient la Sociologie et Alassane Ndaw, la Philosophie.
En arrivant dans ce Département des Sciences Humaines avec de la « pure philosophie », je ne pouvais donc que renforcer la deuxième option, minoritaire, du Département en recomposition. Mon obédience trotskyste, donc éloignée du socialisme senghorien me rapprochait du marxisme (stalinien) et donc de la famille de Momar dans laquelle nous ne nous reconnaissions pas pour autant.
Eh bien, et pour faire court, celui qu’Aminata Diaw, entrée plus tard dans le Département, et moi-même appelions Njoolum-Siggi Lagg ou Le Jonc (sa taille) vient de s’incliner pour toujours, rejoignant nos grands aînés, les siens, Abdoulaye Bara Diop et Boubacar LY qui l’ont précédé en répondant au grand appel.
Ce grand appel auquel chacun d’entre nous aura à répondre un jour prochain, et qui dépeuple de plus en plus les rangs de ceux de notre génération, l’emporte sur les cérémonies gaies comme les baptêmes et les mariages.
Notre génération dont nous pouvons dire qu’elle est en première ligne, en toute première ligne, parce qu’il lui arrive d’enterrer nos cadets, sans logique apparente (y a-t-il jamais eu une logique de l’appel et de la réponse autre que le grand âge ou la longue maladie contre lesquels on lutte plus ou moins longtemps, avant de se laisser emporter) ?
Ne restent alors, ne subsistent plus que les traces laissées par nous et la narration qui est un piège dans lequel le Cogito a été pris et que d’autres auront à reprendre sous la forme d’une biographie.
Sur la biographie et l’autobiographie, il n’y a pas grand ’chose à dire, sinon le sentiment de la solitude qu’elles reflètent. Mais d’une finitude concrète et raffinée entre la belle musique et l’art, l’élégance et le charme. Le tout concentré dans la finesse et la souplesse d’un JONC que le destin courbe de plus en plus.
Sans oublier les mots qui le disent : la parole mouride. Momar Coumba Diop m’enviait d’avoir dit que « le Mouridisme, c’est le Jasawu Sakoor ». La gigantesque mise en scène qui s’y déploie permet de dire Dieu dans le Wolofal de Musa KA et la traduction dans l’imaginaire de Xelcom, Sandaga, Colobane et le minaret de Musalikul Jinaan.
VIDEO
LA FUMÉE BLANCHE SE FAIT TOUJOURS ATTENDRE
Le Sénégal a-t-il besoin d’un nouveau consensus national? Que cache le silence autour du Pacte de Bonne gouvernance ? Les Assises de la Justice seraient-elles un jalon vers d’autres assises disparates pour contourner le Pacte ? L’analyse de Mademba
Les 13 candidats qui ont signé le Pacte national de Bonne gouvernance démocratique (PNBGD) pendant la campagne électorale semblaient l’avoir fait avec beaucoup d’enthousiasme. Le président Diomaye Faye y compris. Et fort heureusement, toutes les signatures sont faites sans réserve aucune.
Seulement le président Faye a bouclé récemment 100 jours au pouvoir et la fumée blanche annonciatrice d’un début de mise en œuvre, n’est aperçue nulle part dans le pays. Bien entendu, cela n’est pas bien grave puisqu’il a encore 100 autres jours devant conformément à l’horizon temporel de 200 jours qui avait retenu en commun accord avec les anciens candidats à la présidentielle du 24 mars 2024.
En effet, le Pacte prévoit que tout candidat ayant signé et qui serait élu, s’engagerait à le mettre en œuvre durant les 200 jours qui suivent sa prise de fonction comme président. C’est d’ailleurs une contre-proposition de certains candidats puisque les membres de Sursaut citoyen eux préconisaient un horizon de 100 jours. Théoriquement très court.
Mais quand bien même le président aurait encore quelques mois pour épuiser ses 100 autres jours, on doit à la vérité de dire que l’absence de signaux clairs jusqu’ici, pose question et incite à la réflexion. Le Pacte, ne serait-il pas en accord avec « Le Projet » de Pastef dont d’aucuns pensent que celui-ci n’est même pas encore finalisé ? Le président, hésiterait-il ? Le parti aurait-il pris le dessus sur la patrie (l’intérêt général) ? Surtout avec ces Assises de la Justice récemment tenues qui auraient dû être faite dans le cadre global du Pacte puisque a tout est prévu l’on est en droit de s’interroger. En tout cas la société civile observe sereinement.
Membre de Sursaut citoyen, Mademba Ndiaye craint d’ailleurs une flambée d’Assises de ceci ou de cela dans les prochains mois et années à venir de manière disparate alors que tout est dans le PNBGD. Lequel Pacte tire lui-même sa légitimité de deux substrats que sont les Conclusions des Assises nationales et du Rapport de la Commission nationale de la réforme des institutions conduite par le doyen Amadou Makhtar Mbow qui n’est pas n’importe quelle personnalité.
Que reprocherait donc le régime actuel au Pacte puisqu’aussi bien le Premier ministre Sonko comme le Président Diomaye ont participé aux Assises nationales en tant que représentants du syndicat des impôts et domaines dont ils sont issus comme l’a récemment rappelé le Pr Penda Mbow ?
Quoiqu’optimiste Mademba Ndiaye pense que le président pourrait être dans une dynamique de contournement pour créer un nouveau consensus autour de lui allant d’Assises en Assises en passant outre le Pacte. Ce serait bien dommage que cette hypothèse se confirme dans un futur lointain le long du magistère du président Diomaye.
Le Pastef a battu campagne sur le thème de la rupture. Mais Mademba Ndiaye se pose la question sur la faisabilité de cette rupture. Le Projet, peut-il réellement se substituer au PSE ? N’est-il pas plus raisonnable d’apporter les correctifs au PSE et le poursuivre ? D’ailleurs beaucoup se demandent si le « Projet n’est pas encore en construction, en cours d’amélioration.
Cela pose aussi la question, selon Mademba, de la propension des chef d’État en Afrique à concevoir des plans de développement en les personnalisant au lieu de faire des plans inclusifs, participatifs et ouverts qui permettent à tous les citoyens de se les approprier et surtout d’inciter les futurs dirigeants à les adopter et de continuer dans le même sillage. En clair, si le PSE de Macky Sall avait été participatif, le régime actuel n’aurait peut-être pas voulu le remplacer par son Projet. Même si l’attitude vis-à-vis du Pacte pourrait jusqu’ici pourrait battre en brèche ce postulat.
Mademba ne nie pas le fait qu’il est légitime que le président défende ses intérêts en tant que politicien, mais il doit aussi prendre en compte l’urgence des réformes institutionnelles qui sont aussi dans son intérêt. Sur un autre plan, le journaliste croit que le Pacte devrait faire davantage l’objet de promotion et de vulgarisation. Il faudra même arriver à faire en sorte que les candidats ne soient pas obligés de signer le PNBGD mais qu’il l’adoptent tout naturellement.
par Texte Collectif
APPEL À UNE LARGE CONCERTATION SUR L’AVENIR NUMÉRIQUE DU SÉNÉGAL
Le pays a l’opportunité de devenir un leader numérique en Afrique grâce à une mobilisation concertée et inclusive de toutes les forces vives de la nation
Le Sénégal est de nouveau à la croisée des chemins après une troisième alternance pacifique qui voit arriver au pouvoir une nouvelle génération caractérisée par une forte volonté de rupture. Cette nouvelle situation nécessite une grande mobilisation des forces vives de la nation dans tous les domaines pour définir et porter les transformations systémiques nécessaires.
Le nouveau régime a donné le ton avec les assises de la justice tenues du 28 mai au 4 juin 2024. Le président de la République a exprimé à plusieurs reprises la volonté de l’État de maîtriser notre destin numérique et de faire de la digitalisation des administrations et des services publics un axe fondamental de ses politiques publiques. Dans sa première adresse à la nation, il déclarait : « Nous entendons investir massivement dans la digitalisation des services et des procédures administratives. »
Objectifs stratégiques
Lors du Conseil des ministres du 12 juin 2024, abordant la question de la souveraineté numérique, le président de la République a réitéré sa détermination à faire du numérique un levier majeur de son action en demandant au gouvernement, entre autres :
● De procéder à l’actualisation du cadre juridique du secteur des télécommunications et du numérique ;
● De procéder au renforcement de l’aménagement numérique du territoire par un investissement massif dans les infrastructures pour une couverture adéquate du pays
● D’accélérer la digitalisation intégrale des administrations.
Importance de la Concertation
Il est dès lors évident que le numérique va devoir occuper une place prépondérante dans l’action gouvernementale dans les cinq années à venir. Pour ce faire, il est indispensable pour l’autorité étatique d’être à l’écoute de l’écosystème numérique, d’en faire un véritable allié et une force de propositions.
L’histoire récente du secteur des télécommunications au Sénégal nous enseigne que tous les moments charnières ont été l’occasion d’une introspection et d’une réflexion collectives qui ont toujours abouti à des résultats inestimables :
● En 1983, les Journées Sénégalaises des Télécommunications ont engendré une réforme gouvernementale audacieuse, qui a abouti au regroupement des télécommunications nationales et internationales dans une seule société nationale dotée de l’autonomie de gestion.
● En 1995, les concertations inclusives organisées par le Groupe de Réflexion sur la Croissance et la Compétitivité (GRCC) ont favorisé l’ouverture du capital de l’opérateur historique, SONATEL, qui est devenu un acteur clé sur le marché africain.
● En 2004, les concertations ont consacré la libéralisation totale du secteur des télécommunications.
Risques de l’absence de concertation
Ne pas organiser de concertations larges et inclusives présente plusieurs risques :
● Manque de cohésion : l’absence de concertation peut entraîner un manque de cohésion et de vision partagée, rendant la mise en œuvre des politiques numériques inefficace.
● Résistance au changement : sans l’implication des parties prenantes, les réformes peuvent rencontrer une résistance significative, ralentissant ou même bloquant les initiatives de digitalisation.
● Opportunités manquées : ne pas tirer parti de l’intelligence collective et des idées innovantes de l’écosystème numérique peut entraîner des occasions manquées de développement et d’innovation.
● Inadéquation des politiques : les politiques publiques risquent d’être mal adaptées aux besoins réels du terrain, ce qui peut conduire à des investissements inefficaces et à un faible retour sur investissement.
Appel à l’action
Très clairement, le secteur du numérique a une tradition de larges concertations à chaque fois qu’il s’est agi de passer un nouveau cap. C’est le cas aujourd’hui où toutes les intelligences et toutes les énergies doivent être mobilisées pour dessiner les lignes directrices des politiques et des stratégies aptes à replacer le Sénégal sur l’échiquier digital africain et en refaire une référence et un pôle d’attraction numérique.
Nous appelons le président de la République et le gouvernement à organiser rapidement de larges concertations sur l’avenir numérique du Sénégal. Ces concertations devront mobiliser l’ensemble de l’écosystème numérique et de la société civile pour que le numérique soit un véritable accélérateur de compétitivité et de croissance au service de nos populations.
Le Sénégal a l’opportunité de devenir un leader numérique en Afrique grâce à une mobilisation concertée et inclusive de toutes les forces vives de la nation. L’engagement politique, les expériences passées, une vision partagée et des objectifs stratégiques clairs sont autant d’atouts pour réussir cette transformation. En écoutant et en impliquant activement l’écosystème numérique, nous pourrons bâtir un avenir digital prospère pour le Sénégal, au bénéfice de tous ses citoyens.
Tel est le sens de cet appel à une large concertation que nous souhaitons ouverte, inclusive, participative et patriotique, pour l’avenir numérique du Sénégal.
ont signé:
Mamadou Aidara Diop, Syndicaliste Consultant.
Ibrahima Noueddine Diagne, membre de Africa Performance Institute.
Guimba Konate, Ingénieur des télécommunications ancien Ct au Ministère de la communication
Dr Moussa Diop, Enseignant chercheur spécialiste en sciences de la communication
Olivier Sagna, Professeur titulaire des Universités
Abdoulaye Sakho, Professeur Agrégé de Droit Privé, Spécialiste du Droit Economique
Makhtar Fall, Consultant Dg IAMG
Saikou Fall, Consultant spécialiste en cybersécurité et protection. de la vie privée.
Abdoulaye Khassoum Kebe, Consultant
Gabou Gueye, Syndicaliste
Basile Niane, Journaliste Consultant spécialiste du numérique
Ibrahima Gaye, Consultant , business Analyst
Seydou Badiáne, Co-fondateur Social Net Link
Joëlle Sow, Senstartup
Mouhamadou Lamine Badji, Secrétaire Général du Syndicat des travailleurs de Sonatel
par Hamidou Anne
LA FARCE TRAGIQUE DE L'AES
Le quarteron de putschistes bande les muscles, souffle sur les braises de l’anti-France, délégitime les institutions pour se maintenir au pouvoir, sans renier le chaos. Ils vivent de la rente de la peur et de la manipulation
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont posé le 6 juillet, un nouvel acte dans leur volonté de quitter la Cedeao, après la première annonce faite en janvier dernier.
Les trois pays ont lancé en grande pompe la Confédération «Alliance des Etats du Sahel» à travers la Déclaration de Niamey. Les trois dirigeants putschistes poursuivent leur attitude de défiance vis-à-vis de la communauté économique régionale ouest-africaine. Il ne saurait en être autrement quand on a confisqué le pouvoir par les armes au mépris des règles communautaires, avec une volonté d’y rester en dépit du bon sens, des engagements passés et de la logique de l’histoire de la région.
Tiani, Goïta et Traoré ont rompu l’ordre constitutionnel dans leur pays au nom de la souveraineté, de la reprise en main de l’outil sécuritaire face aux menaces des groupes armés terroristes et de l’inaction supposée de présidents élus démocratiquement. Depuis, aucune de leurs promesses n’a été tenue en dépit des bravades et des bains de foule.
Goïta, Tiani et Traoré se moquent du destin de leur pays ; le drame que vivent leurs concitoyens les laisse de marbre. Ils ne sont animés par aucun esprit patriotique ni par aucune volonté progressiste visant à rompre avec la corruption, les détournements de fonds et la mal-gouvernance que l’on pouvait reprocher aux régimes précédents. Au Burkina Faso, Ibrahim Traoré, qui se peint en Sankara, n’a pas une once de flamme progressiste pour émanciper les populations les plus vulnérables, les jeunes et les femmes notamment. Il s’est arrogé un délai supplémentaire au pouvoir. Au Mali, Assimi Goïta emprisonne les opposants, dissout les partis et associations à but politique et ne montre aucune velléité de mettre un terme à la transition qui dure depuis 2021.
Sous Tiani, le Niger n’arrive pas à endiguer la menace des diverses milices dans le pays. Les autorités putschistes maintiennent le président Bazoum en otage dans des conditions scandaleuses et inacceptables.
Les massacres par les bandes armées se poursuivent dans les pays de l’Aes malgré le parapluie russe. Parfois ces raids meurtriers sont même le fait de militaires en compagnie des mercenaires affiliés au groupe Wagner. Les armées, qui avaient promis de secourir des citoyens éprouvés, versent parfois dans une entreprise non dissimulée de nettoyage ethnique visant une catégorie de population. Les économies des membres de l’Aes sont en grande difficulté du fait des sanctions infligées par les instances régionales mais aussi et surtout de l’incapacité de ces militaires à gouverner. Malgré la situation chaotique des trois pays, le quarteron de putschistes bande les muscles, souffle sur les braises de l’anti-France, délégitime les institutions pour se maintenir au pouvoir, sans renier le chaos. Ils sont prêts à régner sur des ruines s’ils peuvent jouir des lambris dorés des palais, loin du front où des soldats laissés à eux-mêmes, sans armement, sans munitions, sans entraînement, tombent sous les balles des terroristes.
Quitter la Cedeao n’est qu’une grossière manœuvre de gens obnubilés par le fait de rester au pouvoir tout en ne rendant aucun compte. Ils violent de manière systématique les droits humains, appauvrissent davantage des économies déjà malades, ferment leurs pays au monde et expriment au quotidien la brutalité et l’irresponsabilité.
L’Aes, qui se prévaut d’être un recours face à une Cedeao jugée sous la tutelle de la France - ce qui est une contrevérité - n’est qu’une farce grossière de gens animés uniquement par la volonté de jouir du pouvoir par l’instrumentalisation de la précarité et du désir d’espérance des jeunes. D’ailleurs, qu’est-ce qui retient encore ces souverainistes en treillis, éminents démocrates mandatés par les électeurs, dans l’espace Uemoa ? Il me semble que c’est cette organisation qui régit la monnaie objet de fantasmes et d’accusations de soumission à la France de tant de populistes et démagogues en Afrique et dans sa Diaspora.
Mais la rengaine tiers-mondiste, relayée par un puissant appareil sur internet et dans les médias, ne tiendra pas toujours face aux vraies urgences des Maliens, des Burkinabè et des Nigériens. Ces derniers, au moment où les chefs des juntes mettent sur pied l’Aes, font face à des préoccupations de survie quotidienne : l’eau, la nourriture, l’électricité, la sécurité… La jeune militante des droits de l’Homme du Mali, Fatouma Harber, a résumé cette tragique farce de l’Aes par cette phrase drôlement à propos : «24h sans électricité. Oui je sais que nous sommes souverains maintenant !»
Ces régimes illégitimes, membres de l’Aes, comme toutes les autocraties, vivent de la rente de la peur et de la manipulation. Ils vont aussi continuer à brandir le complot étranger, l’ennemi intérieur et le sabotage pour se maintenir au pouvoir tout en échouant à régler les problèmes de leurs concitoyens. Ils vont user jusqu’au bout le fil réducteur et anachronique du nationalisme et du souverainisme de pacotille. Au regard des vies en jeu, tout ceci relève d’une tragique farce.
Par Insa DIALLO Malal Pulo
LA FIN DU CYCLE DES DÉPUTÉS « ROBOTS » ?
C’est désolant et regrettable que pendant 14 législatures que des députés se réclamant de tel ou tel président ignorant royalement qu’ils avaient été élus par le peuple et ceci pour des intérêts bassement matériels, que Dieu nous en garde pour la prochain
En effet depuis plus de 5 décennies, les Institutions de la République ont connu dans leur fonctionnement des hommes que l’on peut qualifier de députés ‘’Robots’’ exécutant mécaniquement des décisions préfabriquées d’où l’appellation caricaturale de l’Assemblée Nationale de ‘’chambre d’applaudissements.’’
Quelques faits saillants illustratifs : en 1962 des députés’’ Robots’’ à la solde de Senghor ont voté l’acte d’accusation de Dia Mamadou et ses compagnons (Valdiodio Ndiaye, Joseph MBaye, Ibrahima Sarr, Alioune Tall pour ne citer que ceux-là.
En 1987 Collin le tout puissant du régime UPS/ PS fait Radier sans état d’âme l’ensemble des policiers et commissaires de police .
Dans les mêmes conditions des décisions préfabriquées ; Daouda Sow, Habib Thiam verront leurs mandats de Président de l’Assemblée Nationale reduis .
Des lois scélérates (loi Niadiar Sène, loi Ezzan (Ibrahima Isidore Ezzan), loi Sada Ndiaye, ont été votées sans aucune légitimité dans une plénière sans débats à l’Assemblée.
Récemment en Mars 2024 les champions en titre des ‘’robots’’ de la quatorzième législature proposent en toute honte bue la prolongation du mandat de Macky Sall ou encore vote une loi d’amnistie plus criminelle que les crimes commis.
Le dernier pré-carré des députés ‘’robots’’ : Amadou Mame Diop, Abdoul Mbow, Amy Ndiaye Gniby, Coura ‘’Macky’’ ont bouclé la boucle. Ils ont été actionnés comme des boutons par le monarque ‘’républicain’’ Macky Sall
C’est désolant et regrettable que pendant 14 législatures que des députés se réclamant de tel ou tel président ignorant royalement qu’ils avaient été élus par le peuple et ceci pour des intérêts bassement matériels, que Dieu nous en garde pour la prochaine législature ou d’honorable députés dignes de leurs missions seront élus dans notre prestigieux parlement.
A certains de nos patrons de Presse nous demandons de privilégier les intérêts supérieurs de la nation au détriment des intérêts crypto-Personnels pour un sursaut patriotique et un sens élevé des responsabilités.
Aux chroniqueurs sur certains plateaux de télévision nous disons qu’il ne s’agit pas de parler pour parler mais de communiquer avec le savoir-faire qu’il faut sans laisser transparaitre une quelconque haine ou dents contre qui que ce soit.
Aux hommes politiques qui étaient en compétition lors du dernier scrutin présidentiel ; rien ne doit justifier les propos haineux contre les nouvelles autorités que le peuple à librement choisies à travers ce vote référendaire en faveur du Duo Diomaye -Sonko au moins encore pour 5ans.
Le triptyque jub, jubal, jubanti a triomphé
ASSISTE-T-ON A UNE «DEMEDICALISATION DE LA SANTE» ?
Peu d’attention à la santé et nominations controversées - Quelle mouche a piqué le nouveau ministre de la Santé pour prendre une telle décision ? Comment justifier qu’un tel service soit confié aux mains inexpertes d’un professeur d’économie familiale ?
Le syndicat des médecins du Sénégal, le SAMES a fait un communiqué pour déplorer la nomination d’un chef de la Division Sida. Le communiqué explique que « Le SAMES rejette avec une extrême fermeté les récents actes de nomination effectués par le ministre de la Santé et de l’Action Sociale au détriment des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes ». Par contre, l’alliance des Syndicats Autonomes de la Santé « And Gueusseum », composée essentiellement de paramédicaux et d’assistants sociaux, soutient une « démédicalisation du système de santé ». Cette polémique a été relayée par de nombreux débats dans les réseaux sociaux où la plupart des acteurs biomédicaux se sont prononcés contre cette nomination. Même des membres de l’association des personnes vivant avec le VIH ont également exprimé publiquement leur frustration contre cette décision.
Quelle mouche a piqué le nouveau ministre de la Santé pour prendre une telle décision ? Comment justifier qu’un tel service soit confié aux mains inexpertes d’un professeur d’économie familiale ? La réponse semble être que Maguette Ndoye Ndiaye est le responsable du Pastef à Malicounda. Il a travaillé à la Division Sida comme stagiaire puis chargé de suivi évaluation d’un projet avant d’aller dans des ONG exercer des activités de suivi de projet. Et c’est tout. Pour rappel, la Division Sida fait suite au Programme national de lutte contre le sida (PNLS) qui avait été dirigé par Dr Ibra Ndoye. Elle avait été mise en place après l’adoption du programme multisectoriel de lutte contre le Sida logé à la primature.
Depuis les années 90, le Sénégal n’a cessé d’être parmi les pays dont la performance des résultats dans la lutte contre le sida a été reconnue au niveau international. La plupart des dirigeants tels que le Pr Mboup, Pr Eva Marie Coll Seck et Dr Ndoye ont été primés par de prestigieuses distinctions qui ont honoré le Sénégal et notre système de santé. L’ancien chef de Division est un médecin, spécialiste en maladies infectieuses, professeur d’université formé par le Pr Eva Marie Coll Seck qui a assuré la prise en charge médicale de centaines de patients vivant avec le VIH. Il est également membre de Sociétés Savantes et de différentes instances sanitaires internationales. Il a participé aux activités biomédicales et multisectorielles de lutte contre le sida à Dakar et dans les différentes régions depuis plus de 20 ans.
Les différentes équipes qui se sont succédé à la Division sida sont composées de médecins, pharmaciens, biologistes, spécialistes en santé communautaire, en communication. Ils ont élaboré des normes, des protocoles biomédicaux, formé les acteurs de la santé, et rendu disponibles gratuitement les tests et les médicaments antirétroviraux dans les 14 régions du Sénégal sous la coordination du Conseil National de Lutte contre le Sida (CNLS) qui abat un travail titanesque pour aller chercher des financements et superviser un programme multisectoriel avec le soutien des acteurs de la société civile. Résultat de tout cela : en 2023, la proportion de personnes ayant le VIH a baissé pour atteindre 0, 3%. Sur les 41560 PVVIH, 88% connaissent leur statut, 91% sont sous traitement et 90% ont une charge virale indétectable donc ne peuvent plus transmettre le VIH. Ces données témoignent du succès d’un programme de la santé coordonné par des experts biomédicaux sénégalais, financé par divers partenaires surtout le Fonds Mondial qui assure à lui seul la majeure partie du financement réduisant la pression sur les finances publiques de l’Etat.
Tous les gouvernements successifs ont maintenu des compétences médicales de haut niveau dans ce service et renforcé le leadership du gouvernement en prenant des décisions inédites qui ont été ensuite reprises par les pays africains : Abdou Diouf a été le premier président à acheter des antirétroviraux contre l’avis de la communauté sanitaire internationale mais sous les conseils avisés de Dr Ndoye, Wade les a rendus gratuits pour tous et Macky Sall a augmenté la participation de l’État au budget de la lutte contre le sida. Et aucun d’entre eux n’a remis en cause le leadership biomédical en nommant des experts médecins ou pharmaciens aux compétences reconnues à la fois dans la santé publique et dans la recherche. En effet, la coordination des activités de ce programme, comme tous ceux de la santé publique, implique la participation à des instances à la fois nationales et internationales ou siègent des experts de haut niveau de tous pays. Ainsi, ces experts sénégalais ont pu dénicher de nombreux financements internationaux qui ont soutenu le renforcement du système de santé en formant des acteurs de santé, équipant, construisant des structures de santé dans tout le pays.
Et voilà qu’en 2024, avec un gouvernement qui prône le Jubal et le Jubanti, au moment où tout le ministère de la Santé attend que les acteurs les plus compétents soient mieux valorisés, promus aux meilleurs postes pour plus de performances, on assiste à une promotion purement politique visant certainement à récompenser un « fidèle partisan ». Quelle déception pour ceux qui avaient cru au Projet, espéré que la dépolitisation de l’administration tant chantée allait également s’appliquer dans un secteur qui regorge d’acteurs bardés de diplômes (Bac plus 10 ou 12 voire plus), formés au Sénégal qui sont très sollicités par les organisations sanitaires internationales comme en atteste la candidature du Dr Socé Fall à la Direction Régionale de l’OMS.
A propos aussi du poste de Directeur général de la Santé
De plus, la nomination d’un jeune médecin (médecin personnel du PM)sans aucune expérience en santé publique au poste de Directeur Général de la Santé fait aussi désordre. Là aussi, pour la première fois, ce poste technique le plus important du Ministère de la Santé vient d’être attribué à un clinicien profane en santé publique.
Ne sous estimons pas les dégâts collatéraux de ces actes chez les professionnels du système de santé publique à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Ils sont souvent mal rétribués, ont trimé des années dans les structures de santé sous équipées, éloignées ou dans des programmes peu financés par l’État en allant chercher les soutiens auprès des partenaires le couteau entre les dents pour assurer le financement d’activités qui auraient dû être prises en charge par leur gouvernement. Ils ont fait de longues études, sacrifié leur jeunesse, leurs loisirs et souvent leur vie de famille pour améliorer la santé des Sénégalais. Ils ont connu le chômage, le sous-emploi, les longues distances, les longues heures de travail, les frustrations, et parfois la peur, les humiliations dans la discrétion. Beaucoup d’entre eux ont soutenu le projet politique actuel ou tout simplement appliqué les principes éthiques de leur serment même lorsque leur vie était en danger comme le médecin qui a refusé de faire un certificat médical de complaisance malgré la proposition de dizaines de millions malgré des revenus modestes, lorsque le leader du Pasteef a fait l’objet de poursuites.
Ainsi, est-ce que la gestion du ministre de la Santé, géographe de formation, semble s’orienter vers une démédicalisation avec la mise sur la touche des biomédicaux expérimentés qui ne semblent pas avoir sa confiance ? L’avenir nous le dira. Mais les actes dénoncés plus haut semblent indiquer que les dirigeants actuels relèguent la gestion de la santé au second plan des priorités avec un ministre politicien qui privilégie ses pairs aux postes de la haute administration en mettant à l’écart les experts biomédicaux. Dans ce contexte, comment ne pas approuver la tendance des jeunes médecins, pharmaciens ou chirurgiens-dentistes bien au fait des conditions de vie difficiles et des sacrifices peu reconnus de leurs ainés, à déserter le secteur public et aller vers le secteur privé comme en témoignent l’ouverture par dizaines des plateaux médicaux dans toutes les villes du Sénégal avec des tarifs élevés ? Et les inégalités pour l’accès aux soins de santé qui risquent de se creuser pour les plus démunis…
Un Professeur de médecine à la retraite
Par Kaccoor Bi - Le Temoin
LE VISAGE IMMONDE
Faut-il continuer à se couvrir les yeux et refuser de voir le visage immonde de nos villes devenues de grosses bourgades rurales ? Elles ne charment pas et n’attirent plus.
Faut-il continuer à se couvrir les yeux et refuser de voir le visage immonde de nos villes devenues de grosses bourgades rurales ? Elles ne charment pas et n’attirent plus. La capitale, balafrée, est devenue une véritable catastrophe environnementale et architecturale et ne parle plus aux visiteurs. Elle partage cette figure repoussante et disgracieuse avec presque toutes les villes de l’intérieur du pays où des badauds ont pris de plein droit des artères, masquant les trésors cachés de ces villes.
Du Dakar d’antan, il ne restera bientôt rien du tout avec le scandale de bâtiments classés presque vandalisés par un Etat voyou qui a tout bazardé alors que son rôle était de les protéger contre des courtiers qui se sont indument enrichis par leur proximité avec lui. Vous voulez des noms ?
Braquez-vos yeux sur ceux qui gesticulent après l’arrêt ordonné par les nouvelles autorités des travaux dans certaines zones dont le Littoral de Dakar. La capitale est devenue ainsi sans âme ni histoire.
Son riche passé architectural a été détruit à coups de Bulldozers. Ajoutez à tout cela, l’occupation anarchique des principales artères par des gens qui se croient dans leurs droits et en territoire conquis et qui ont été, de tout temps, protégés par des maires véreux et malhonnêtes, et des marabouts pour qui seul le gain compte.
Mais aussi, en période électorale, par des politiciens soucieux de leur réélection. Des marchés ont été construits dans des lieux dédiés pour ceux qui veulent y gagner dignement leur vie mais, par un extraordinaire laisser- aller, tous ces lieux de commerce ont leurs excroissances souvent jusqu’à des centaines de mètres des périmètres qui leur sont dévolus. Faisant ainsi fuir des riverains. Des citoyens ont ainsi préféré vendre leurs maisons et aller vivre ailleurs. Des cités sont transformées en marché.
Castors est devenu un grand bordel voire un scandale écologique. Les habitants des Hlm 5 et 6 ont vu leur cadre de vie complètement dégradé par la présence de gens qui occupent jusqu’aux devantures de leurs domiciles et tous les coins et recoins. Il nous faut reprendre possession de nos rues et plus principalement de Dakar- Plateau envahi par des gens qui ne devraient jamais y être sans la complicité de ceux qui voulaient les faire déguerpir hier. Il faut que force reste à la loi.
par Babacar Mbaye
AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT : LA FRANCE LOIN DEVANT LA CHINE, LA RUSSIE AUX ABONNÉS ABSENTS
Alors que la rhétorique russo-chinoise plaide pour un renouveau des relations avec les pays africains, les actes ne sont pas à la hauteur des discours, du moins en ce qui concerne l'aide publique au Sénégal
En début de semaine, un déploiement diplomatique, à la fois, des russes et des chinois en direction du Sénégal a été observé. En effet, l’ambassadeur de la Chine à Dakar Xiao Han a accordé, lundi 8 juillet, un entretien au site Dakaractu dans lequel il vante les promesses de la coopération sino-sénégalaise en matière de nouvelles énergies. Le lendemain, Moscou a envoyé à Dakar son vice-ministre des Affaires étrangères Mikhail Bogdanov. Au menu des échanges avec les autorités sénégalaises : les orientations de la coopération bilatérale.
L’un des éléments importants de cette coopération sur lequel Dakar s’appuie pour dérouler une partie de sa politique économique reste l’aide publique au développement. Et sur ce point, malgré la rhétorique russo-chinoise sur un nouveau type de partenariat avec nos Etats et les attaques contre les partenaires traditionnels tels que la France, ce dernier pays a un apport de loin plus consistant.
Selon les chiffres du ministère des Finances et du Budget publiés en 2020 et qui suivent la même tendance sur les années suivantes, la répartition de l’aide publique au développement par partenaires dans la coopération bilatérale positionne la France loin devant la Chine et montre que la Russie est aux abonnés absents.
La France, à travers ses différentes agences donatrices à savoir l’Agence Française de Développement, la Banque Française pour le Commerce extérieur et la Coopération française, assure à elle seule 25% de l’Aide publique au développement du Sénégal. Là où la Chine est à 4% et la Russie même pas répertoriée au tableau des donateurs.
Ainsi en 2020, sur un total de 663 milliards de francs CFA (plus d’1 milliard d’euros) la France a contribué à hauteur de 174 milliards de francs CFA (265 millions d’euros), la Chine a décaissé 27 milliards de francs CFA et la Russie a eu donc une contribution insignifiante.
Pour rappel, selon la définition du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), on comprend par Aide publique au développement « l’ensemble des dons et prêts accordés à des conditions très favorables (nets desremboursements en capital) par des organismes publics à des pays et territoires, dans le but depromouvoir leur développement économique et social ».
Si l’on intègre à la fois les partenaires bilatéraux et multilatéraux, le classement des onze (11) premiers partenaires du Sénégal par volume des décaissements se présente comme suit : Banque mondiale (16,08%), France (14,39%), Commission européenne (11,91%), Banque africaine de développement (11,19%), Allemagne (7,86%), BOAD (7,41%), Japon (6,08%), Etats-Unis d’Amérique (5,53%), BID (5,43%), Nations unies (2,88%), Chine (2,25%).
L’Aide publique au développement permet a l’Etat du Sénégal de réaliser des investissements dans des secteurs tels que l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’hydraulique, les eaux et forêts, la recherche, les mines-industrie-énergie, le tourisme, les transports, les télécoms, l’appui institutionnel.
Babacar Mbaye est expert en politique publique.
par Mohamed Lamine Ly
RÉFLEXIONS SUR LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES À LA SANTÉ
L'appel à candidatures du Pastef aurait eu toute sa pertinence au ministère de la Santé et de l'Action sociale, car la gestion démocratique du personnel n'y a jamais été une réalité. Le nouveau ministre ne fait perpétuer d'anciennes pratiques
Il est souvent reproché au système sanitaire sénégalais un déficit chronique et permanent en ressources, aussi bien humaines, matérielles que financières. Pour la présente contribution, nous nous appesantirons sur la gestion des ressources humaines, en prenant prétexte des récentes nominations controversées au niveau du ministère de la Santé et de l’Action sociale, qui ont suscité des protestations véhémentes du syndicat des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes (SAMES) et semé la zizanie dans la famille des professionnels de santé.
S’il y a un secteur, où l’appel à candidatures mentionné dans le projet de transformation systémique du Pastef aurait eu toute sa pertinence, c’est bien celui de la Santé et de l’Action sociale, car la gestion démocratique du personnel n’y a jamais été une réalité, tout au moins, pour ce qui est de celle des cadres supérieurs de santé (et du secteur social), désignés, sans concertation formelle, même si c’est par note de service, arrêté ou décret.
C’est donc dire que le nouveau ministre de la Santé n’a fait que perpétuer d’anciennes traditions de gestion discrétionnaire de cette question importante et sensible, avec la complicité de divers groupes de pression, dont l’Exécutif central et les syndicats.
Au Sénégal, l’atmosphère du secteur socio-sanitaire est polluée par des accusations itératives de « médicalisation » du secteur de la Santé, à savoir, l’accaparement par le corps des médecins de la quasi-totalité des postes de directions.
Qu’en est-il réellement ?
Une gestion archaïque des ressources humaines
Au niveau des districts et régions
Il est vrai que les districts, unités opérationnelles par excellence du système socio-sanitaire, chargées d’activités de santé publique et de mise en œuvre opérationnelle du PNDS, sont tous gérés par des médecins. Cela vient essentiellement du fait que la fonction de chef de district et celle (très orientée vers le curatif) de chef de centre de santé sont encore confondues. Les dissocier offrirait l’opportunité à d’autres cadres supérieurs de santé non médecins (docteurs en pharmacie, en chirurgie dentaire, en sciences infirmières ou obstétricales) d’occuper le poste de chef de district et même de région. En l’absence de règles du jeu claires, les organes de participation communautaire et dévolus au transfert de la compétence Santé aux collectivités territoriales (comité de développement sanitaire) restreignent considérablement la marge de manœuvre des gestionnaires de district ou conduisent à une collusion au détriment des usagers et travailleurs.
Par ailleurs, les équipes des districts sanitaires et des directions régionales de santé incluent des techniciens supérieurs de santé, des assistants sociaux et même des agents paramédicaux expérimentés (IDE, SFE), dont la plupart acquièrent de nouveaux diplômes (master, doctorat) dans les domaines les plus variés (gestion des programmes, administration des services de santé, épidémiologie…), sans compter l’expertise acquise sur le terrain.
Au niveau des hôpitaux
Par contre, la gestion de l’écrasante majorité des structures hospitalières échoit à des non-médecins, qui ne sont parfois même pas du secteur de la santé, mais qui ont acquis des diplômes d’administration des services de santé. Ces directeurs nommés par décret présidentiel constituent une sorte de « lobby administratif et financier » dans les structures sanitaires, dont certains membres issus du monde politico-syndical, pensent devoir s’acquitter d’un devoir de gratitude envers l’Exécutif.
Cet état de fait est en contradiction flagrante avec la prétendue autonomie hospitalière, qui a permis, jusque-là aux ministres politiciens de vampiriser les structures hospitalières à leur profit, à travers des instances délibérantes ravalées au rang de caisses de résonnance.
Les cadres supérieurs de santé sont réduits au rôle d’observateurs impuissants, confinés dans des commissions médicales honorifiques, ayant peu de prise sur la réalité hospitalière. Il en est de même pour les agents paramédicaux, dont les commissions techniques ont un statut encore moins valorisé.
Au niveau de l’administration centrale
La nomination aux postes de direction du niveau central obéit à un faisceau de critères dont aucun ne renvoie à une compétition saine et loyale ou en rapport avec le profil des postulants :
Critère politicien, pour récompenser les cadres de la mouvance présidentielle, qui n’hésitent d’ailleurs pas à transhumer, à l’occasion,
Critère académique, qui devrait poser le débat sur les plans de carrière des cadres de santé publique, par rapport aux universitaires, qui viennent occuper des postes au niveau du Ministère,
Critère lié à l’appartenance à un groupe de pression syndical, associatif voire religieux…
En lien avec la gestion verticale du système sanitaire, occasionnant une foultitude de programmes, on note une pléthore de cadres supérieurs de santé et d’action sociale, dont certains n’ont même pas de bureau, au du siège du Ministère en charge de la Santé.
En l’absence de coordination optimale, avec pour objectif principal, le déroulement de leurs plans d’action et l’absorption des financements reçus, les gestionnaires de programmes et leurs équipes se télescopent aux niveaux régional et de district, jusqu’aux postes et cases de santé.
Nouvelles réalités du système sanitaire
Les exigences liées à la multi-sectorialité, mais aussi à la philosophie des soins de santé primaires, adoptée à Alma-Ata en 1978 commandent de réformer la gouvernance sanitaire et de faire la place aux nouveaux corps intervenant dans la Santé prise au sens large. En effet, partout dans le monde, la Santé est, de plus en plus caractérisée par une multiplicité d’intervenants, ayant des statuts et des employeurs différents, dont les agents et relais communautaires.
Dans ce contexte caractérisé par une complexité croissante, il faut en arriver à une organisation des acteurs, qui les pousse à se réinventer, pour s’adapter à plusieurs innovations technologiques en cours (génomique, numérique, liée à l’intelligence artificielle…), se déroulant en marge du système sanitaire, qui peine à se les approprier entièrement.
Dans le même ordre d’idées, le secteur de la Santé a vu, en quelques décennies, un élargissement de son champ d’action aux sciences sociales, y compris à la participation communautaire et au travail social, à la digitalisation, à l’économie, au droit, à la communication et même aux mathématiques (statistiques)…
Toutes ces considérations doivent induire un changement de paradigme dans la gestion des ressources humaines, laquelle devra reposer sur un socle démocratique, qui devra, de plus en plus bannir l’approche discrétionnaire, ouvrant la porte à des considérations extra-sanitaires voire à la complaisance et au népotisme.
Pour une gestion des ressources humaines basée sur des critères
Pour corriger les impairs dans la gestion des ressources humaines, il faut en revenir aux bonnes vieilles recettes, à savoir la représentation des professionnels de la Santé dans les réunions de redéploiement, à tous les niveaux et à l’appel à candidatures pour les postes de direction.
Il faudra également, en amont du processus de sélection des candidats, définir des critères minimaux auxquels doit satisfaire tout postulant, parmi lesquels, outre le profil, l’expérience, le parcours professionnel, les diplômes requis pour le poste … Ces critères devront transcender la qualification professionnelle ou le corps d’origine, mais être fondé sur la hiérarchie et le niveau d’études, mais surtout sur les compétences requises pour satisfaire à la description de poste.
De manière pratique, nous pensons, qu’on peut envisager que des cadres de santé non médecins (pharmaciens, chirurgiens-dentistes, docteurs en sciences infirmières ou obstétricales) puissent occuper le poste de directeur régional de la Santé. Pour les autres cadres, acteurs de la Santé comme les anthropologues, les sociologues, les géographes, les travailleurs sociaux ayant au moins le doctorat, ils pourraient, par contre, postuler, au même titre que les cadres de santé, pour être des coordonnateurs de la Santé, au niveau départemental, rattaché à la préfecture), pouvant abriter un service territorial de santé publique.
Dans le même ordre d’idées les directeurs d’hôpitaux devraient avoir des niveaux académiques élevés, leur accordant une pleine légitimité pour gérer tous les cadres de santé de la structure.
L’implication des nombreux acteurs de la Santé non médecins ne doit pas avoir pour corollaire l’éviction injuste des médecins des sphères de gestion administrative et de santé publique, pour les confiner au rôle de cliniciens exécutants, au service d’autres catégories socioprofessionnelles.
De même, des plans de carrière stimulants et des passerelles entre les différentes catégories d’acteurs de la santé permettront une flexibilité et une complémentarité pour mettre fin aux malentendus et préjugés.
Dr Mohamed Lamine Ly est Spécialiste en santé publique