SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
24 novembre 2024
Opinions
lettres d'amérique, Par Rama YADE
DES RIVALITÉS QUI CHANGENT LA DONNE EN AFRIQUE
Après les Etats-Unis, la Chine et la Russie qui rivalisent en Afrique, des puissances dites moyennes comme la Turquie, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Indonésie, la Malaisie y font une percée de plus en plus remarquable
Alors que tous les regards sont tournés vers les Etats-Unis, la Chine et la Russie, ces grandes puissances qui rivalisent en Afrique, des puissances dites moyennes comme la Turquie, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Indonésie, la Malaisie y font une percée de plus en plus remarquable.
Ces acteurs -pas toujours nouveaux- profitent d’un théâtre africain aujourd’hui caractérisé par trois bouleversements majeurs. D’abord, après la Chine et l’Inde, l’Afrique sera le prochain champion démographique. Elle a déjà engagé un doublement de sa population d’ici 2050. Ensuite, les opinions publiques y sont tenaillées par un fort désir de souveraineté, qu’elles soient issues de régimes autoritaires comme les pays sahéliens ou démocratiques comme le Sénégal. Ce tropisme néo-souverainiste se décline dans tous les secteurs, de la défense (avec la remise en cause des accords militaires avec les Occidentaux) à la monnaie (avec le refus croissant du F Cfa). Enfin, l’Afrique d’aujourd’hui veut prendre le tournant de la transformation industrielle avec le souci de contrôler ses ressources minières, en mettant en avant l’impératif de la création de valeur et d’emplois. Dans ce contexte qui change profondément l’Afrique et les Africains, les puissances moyennes jouent une carte décomplexée, profitant de la diversification des partenariats.
Si on sait ce qu’elles ne sont pas (elles ne sont ni des superpuissances, comme les Etats-Unis et l’Urss de la Guerre froide, ni des puissances mondiales, comme les Etats-Unis, «première puissance mondiale de l’histoire» selon Zbigniew Brzeziński, et sans doute la Chine d’aujourd’hui), les puissances moyennes se définissent par quatre traits : 1) elles font des démonstrations de puissance comme lorsque l’Afrique du Sud saisit la Cour internationale de justice en mai 2024 contre Israël pour «risque de génocide» 2) elles exercent une influence régionale ou/et sectorielle à l’instar de la Corée du Sud qui a organisé, en juin 2024, un Sommet Afrique auquel ont participé 48 délégations africaines 3) leur influence est toutefois contenue car elles font partie d’un système d’influence plus global comme la Turquie, qui a beau étendre sa diplomatie en Afrique, n’en est pas moins limitée par son appartenance à l’Otan 4) Résultat : les puissances moyennes sont contraintes de déployer des techniques indirectes de persuasion sur le terrain, par exemple des influences religieuses : la Turquie a ainsi obtenu, en 2017, du Sénégal, la fermeture d’écoles liées à Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’être à l’origine de la tentative de coup d’Etat en 2016.
Deux cas restent incertains. La Russie cherche à passer d’une puissance moyenne eurasiatique, intégrée dans la Communauté des Etats indépendants et protégeant ses intérêts régionaux en Ukraine et en Géorgie, à une puissance mondiale qui se déploie au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai jusqu’en Afrique avec Wagner, devenu Afrika Corps, qui y relaie des opérations de propagande. Egalement, l’Inde, pays le plus peuplé du monde et 3ème puissance économique mondiale, a su se projeter en Afrique grâce à la longue présence de sa diaspora à l’Est du continent et l’héritage idéologique du mouvement des non-alignés. L’incertitude de la position de la Russie et de l’Inde tient au fait qu’elles ont davantage d’impact que les puissances moyennes, mais moins que les puissances mondiales. Elles ont des caractéristiques des deux groupes. Le temps nous dira où elles tomberont.
De fait, les puissances moyennes se répartissent en trois groupes, selon la profondeur de leur engagement en Afrique : Emirats Arabes Unis, Inde, Brésil, Turquie (Niveau 1), Iran, Indonésie, Arabie Saoudite, Qatar (Niveau 2) et Corée du Sud, Japon, Malaisie, Israël, Allemagne (Niveau 3). Leur montée en puissance tient essentiellement au retrait des anciennes puissances coloniales en Afrique dont l’expression la plus éclatante a été celle de la France au Sahel. Il faut aussi relever l’affaiblissement relatif des superpuissances en Afrique mesuré récemment par l’institut Gallup, qui montre que la Chine dépasse désormais les Etats-Unis en popularité sur le continent en 2023. La position dominante chinoise elle-même n’est plus si assurée : si, depuis 2000, la valeur des échanges Chine-Afrique a été multipliée par près de trente, pour atteindre 282 milliards de dollars, faisant de la Chine le premier partenaire commercial de l’Afrique, les prêts officiels chinois, de plus en plus frappés de suspicion, atteignent en 2022 moins d’1 milliard de dollars pour la première fois en 18 ans, selon l’Initiative mondiale pour la Chine de l’Université de Boston. Lorsque les puissances mondiales sont moins impliquées, il y a un vide que les puissances moyennes se sont empressées de combler et de… cristalliser par la création de groupements régionaux dont le plus emblématique est les Brics, rejoints désormais par trois pays africains, l’Afrique du Sud, l’Ethiopie et l’Egypte.
De toutes les façons, les outils d’influence que les puissances moyennes déploient en Afrique sont différents de ceux des puissances classiques. Ainsi, ils ne se limitent pas aux outils militaires privilégiés par la Russie, premier fournisseur d’armes du continent. Ils couvrent une palette très diversifiée d’initiatives. Au niveau des investissements, les Emirats Arabes Unis se sont imposés en devenant le troisième investisseur en Afrique au cours de la dernière décennie, derrière la Chine et les Etats-Unis, avec Dubaï Ports World, l’un des plus grands opérateurs portuaires du monde, en tête de pont. Plus méconnue, l’influence culturelle des puissances régionales a été déterminante ces dernières années. Ainsi, les investissements de l’Arabie Saoudite dans les systèmes éducatifs d’Afrique de l’Ouest ont fait progresser l’usage de la langue arabe. Les diasporas indiennes ont servi de point d’appui efficace à la stratégie indienne dont les films qui ont fait le succès de Bollywood participent, d’une certaine manière, à la guerre de l’information. La chaîne qatarie Al Jazeera et l’agence de presse turque Anadolu couvrent efficacement le continent. Bon nombre de puissances moyennes diffusent leurs messages dans les langues locales africaines, à l’image des programmes turcs Trt et Natural Tv, qui proposent des émissions en haoussa et en swahili, et des séries télévisées populaires dans de nombreux pays. Le Brésil dont la moitié de la population est originaire d’Afrique, a multiplié les ouvertures d’ambassades sous Lula.
Dans ces conditions, ces puissances moyennes ont considérablement gagné en influence politique. Ainsi, l’Inde a tiré profit de sa présidence du G20 en septembre 2023 pour pousser et revendiquer l’entrée de l’Union africaine au sein de cette instance comme membre permanent. En 2015, le Niger, le Tchad et la Mauritanie ont rejoint la «Coalition sunnite contre le terrorisme», créée par l’Arabie Saoudite.
Si aucune de ces puissances moyennes n’a été en mesure de remplacer les puissances mondiales traditionnelles que sont les Etats-Unis et la Chine en termes de volumes d’engagement, leur influence croissante sur le continent les met en position de tailler des croupières à celles-ci. Mais la compétition ne profitera pas à tout le monde à long terme, de la même manière. Sans doute l’avenir appartient aux puissances qui sauront exploiter les recompositions en cours en formant des alliances complémentaires et gagnantes. Sans doute est-ce la raison pour laquelle des rapprochements se font entre les Etats-Unis et l’Inde ou encore entre la Russie et l’Iran. D’autres puissances régionales devront sans doute clarifier leurs intentions vis-à-vis de l’Afrique à l’instar des Emirats Arabes Unis, dans la guerre civile sanglante du Soudan, pour préserver leur avantage comparatif vis-à-vis d’opinions publiques africaines informées et conscientisées sur ce qui se passe chez elles. Du côté de l’Afrique, au regard de ces mêmes aspirations néo-souverainistes, elle ne saurait se contenter d’être l’objet de convoitises. Pourtant, du côté des puissances moyennes locales, aucun des champions économiques africains, l’Afrique du Sud, l’Egypte ou le Nigeria, n’a été en mesure jusqu’à présent de mener à bien un projet panafricain susceptible d’emporter la conviction du continent.
Sur le papier, bien que l’Afrique du Sud, pays de Nelson Mandela, ait des atouts, sa politique étrangère ambiguë et le souvenir des attaques xénophobes contre les immigrés nigérians en 2020-2022 font que Pretoria peine à jouer ce rôle. Deuxième économie d’Afrique en 2023, l’Egypte n’a jamais convaincu quant à son engagement sur le continent, comme l’ont prouvé la conflictualité entretenue avec l’Ethiopie ou sa présidence décevante de l’Union africaine en 2019, où elle avait été incapable de jouer un rôle de médiateur en Libye. Certaines attitudes, comme la plainte d’officiels égyptiens au sujet de la représentation d’une Cléopâtre noire sur Netflix en avril 2023, nuisent également à sa réputation. Enfin, le Nigeria, première population d’Afrique et grand producteur de pétrole africain, doit encore réussir à prendre en charge certains défis continentaux qui dépendent beaucoup de lui à l’instar de la nouvelle monnaie Eco, la Zone de libre-échange continentale africaine et la Cedeao qu’elle préside actuellement.
Après le siège permanent au sein du G20, les Africains ne pourront pas éluder cette question plus longtemps s’ils veulent atteindre leur prochain objectif -un ou plusieurs sièges permanents au Conseil de sécurité des Nations unies. Il appartiendra alors au Nigeria, à l’Afrique du Sud ou, pourquoi pas, au Senegal qui en avait aussi exprimé la volonté, de s’élever au rang de puissance régionale africaine, primus inter pares.
Rama Yade est Directrice Afrique Atlantic Council.
Par Henri Valentin B. GOMIS
REFORMES DE LA JUSTICE POUR UN SYSTEME JUDICIAIRE EFFICACE ET EFFICIENT (SUITE ET FIN)
Dans ce jet dernier jet, Henri Valentin B. GOMIS explique les modes de nomination et d’affectation des magistrats, la rupture de la primauté du magistrat du parquet sur le juge d’instruction etc…
Troisième réforme : Le mode de nomination des magistrats
La première règle de transparence est « un appel à candidature » ou « une postulation », puis une élection par les pairs sur une liste de trois candidats arrêtée par le CSM ou une commission indépendante et enfin une enquête de moralité. Le juge ainsi élu par ses pairs sera nommé par le CSM au poste. Le second arrivé sur la liste des élus sera le vice-président ou l’adjoint ou le procureur adjoint. Par ailleurs, il faut fixer une durée de mandat et un an avant la fin du mandat faire une autre élection pour permettre au nouvel entrant de se préparer comme le dauphin chez les avocats.
Quatrième réforme : Le mode d’affectation
La pratique a montré qu’à chaque nouvelle nomination, le chef de juridiction vient avec ses hommes (parfois de paille ou de main ou à tout faire). L’affectation ne dépendra plus du ministre ou du président mais du conseil supérieur de magistrature, après avis du Bâtonnier (Conseil de l’Ordre), de l’UMS, du syndicat des travailleurs de la justice et du HCM. Il faut bannir l’affectation des magistrats hors des juridiction notamment les ministères, les ONG et surtout les sociétés nationales comme PDG ou DG. Cette interdiction se justifierait par le nombre non suffisant -déficit- de magistrats dans les juridictions de jugements. Pour optimiser les ressources humaines, il faut réduire au maximum le détachement des magistrats – comme c’est le cas actuellement à l’AJE avec une pléthore de magistrats – ou le supprimer. En effet le statut de magistrat est incompatible avec le statut de subalterne ou de subordonné à une quelconque autorité administrative.
Cinquième réforme : L’introduction de l’opinion dissidente ou contraire ou séparée des juges pour une sécurité juridique des décisions rendues
C’est quoi une opinion dissidente ? En formation au centre de formation des avocats d’Afrique francophones au Bénin appelé CIFAF en Août et Septembre 2006, j’avais appris que pour une sécurité des décisions de justice, le Canada avait institué l’opinion dissidente. En effet lorsqu’un juge de la collégialité n’est pas du même avis que les autres(2) il le fait mentionner dans la décision de justice. Les opinions judiciaires dissidentes sont les motivations des juges qui n’arrivent pas à la majorité des voix. Elles ne constituent donc pas le droit. Le premier bienfait est de favoriser la motivation des décisions de justice. Le second bienfait des opinions séparées, lié au précédent, est de favoriser l’acceptabilité de la décision de justice. Juger, disait Paul Ricoeur, est un acte de distribution dans lequel chaque partie doit pouvoir se reconnaître, celle qui a gagné, mais aussi celle qui a perdu parce qu’elle a pu entendre et qu’elle peut lire, dans l’opinion séparée, que ses prétentions avaient une valeur juridique reconnue et discutée au moment de la délibération ou du délibéré. L’opinion dissidente (au Canada) ou séparée (en France) affecte la sécurité juridique en offrant des perspectives nouvelles et en remettant en question le raisonnement de la décision unanime du Président qui préside. Cela a pour effet de mettre en place une sécurité juridique mais aussi de pousser les juges à rendre de façon responsable une décision en âme et conscience parce que connue et lue de tous. En sus, en raison de la collégialité même si le délibéré est secret celui-ci doit se faire en présence d’un greffier qui prend note de toutes les positions dans un plumitif signé à la fin par chaque juge ayant participé au délibéré.
Sixième réforme : La responsabilité pénale des magistrats
Le principe voudrait que « Les magistrats ne sont responsables que de leurs fautes personnelles ». Ce qui sous-entend qu’ils ne sont pas responsables des décisions qu’ils rendent au nom du peuple. « Ce que vous deviez désirer le plus, ce qui pouvait rendre surtout à votre ordre sa gloire, et aux tribunaux la considération, vous est accordé, vous est offert aujourd’hui, non par les hommes mais j’ose le dire, par les dieux (le peuple au nom duquel ils jugent) mêmes, dans les circonstances les plus décisives pour la République. » C’est en ces termes que Cicéron s’adressait aux juges en prenant la défense de citoyens siciliens contre Verrés, un ancien gouverneur de l’île mis en cause dans des affaires de corruption (70 av. J-C.) Rendre la justice, décider du sort d’un justiciable, d’un citoyen doit être non pas un métier mais un « sacerdoce » : serviteur du droit. C’est pourquoi lorsqu’ un juge au-delà de ses privilèges et malgré eux, cause un trouble manifeste par les décisions qu’il rend, doit voir sa responsabilité personnelle engagée et doit être sanctionné à la hauteur de la faute commise. Ne nous a-t-on pas appris que l’on prêche par les actes cela sous-entend par l’exemple. Il est inconcevable que le magistrat sanctionne la corruption, la malhonnêteté et que lui-même soit à l’abri lorsqu’il est corrompu par une partie ou par l’état. C’est pourquoi, le juge ne doit plus bénéficier d’aucun privilège de juridiction ni d’aucune immunité en cas de corruption flagrante ou d’abus d’autorité ou de prise d’intérêt dans un procès. Le cas échéant il faut engager sa responsabilité au pénal. Ces infractions constituent une violation à la règle déontologique et à la dignité du magistrat. Ce qui est incongru que le magistrat soit la seule personne à n’être responsable de rien dans ce Sénégal alors qu’il est un « fonctionnaire », là où le Président élu par le peuple ou un Député élu par le peuple peuvent être poursuivi pénalement. C’est totalement aberrant !
Septième réforme : Revoir ou réviser tous les codes
En effet le code pénal date de 1965 (Loi n°65-60 du 21 juillet 1965), le code de procédure pénale (Loi n°65-61 du 21 juillet 1965) etc… en effet il fait revoir le code de la famille, le COCC dont on ne voit plus la pertinence, le code de procédure civile… Il est urgent pour une meilleure harmonisation des textes de réactualiser les codes et de les adapter à notre réalité sénégalaise et non aux réalités françaises. Revoir les lois pour éviter les contrariétés de textes préjudiciables aux citoyens
Huitième réforme : Création de crimes spéciaux et de chambres criminelles et chambres criminelles d’appel pour juger lesdits crimes
Il faut en sus mettre en place non pas un pôle financier mais un code de crimes spéciaux avec une chambre criminelle et une chambre d’appel criminelle chargées de juger ces crimes spéciaux. Il faut un code des crimes de droit commun et un code des crimes spéciaux. Comme crimes spéciaux il faut viser les crimes économiques comme DDP, Corruption de fonctionnaires…), financiers (prise d’intérêt dans les marchés publics et les marchés de gré-à-gré, fonciers (spoliation et bradage de terrains, vent illégale de terrain appartenant à autrui, du domaine national, du domaine privé de l’état, de modification de plan cadastral pour dépossession de propriété…) dans un dossier judiciaire par un magistrat. Faire en sorte que ces crimes dits spéciaux soient imprescriptibles. Ce qui conduira à la reddition des comptes et à la naissance d’une nouvelle mentalité : servir et non se servir. Ces crimes doivent être poursuivis quel que soit la date de commission à compter de la date de leur découverte. Il faudrait pour ces crimes qu’aucune immunité ne puisse être opposable pour leur poursuite. Quel que soit le moment, quel que soit la fonction, quel que soit le degré de pouvoir, la personne pourra être poursuivie par cette juridiction à l’exception de toute autre notamment haute cour de justice (Président de la République). Nul ne pourra invoquer une quelconque immunité ou privilège de juridiction pour les crimes spéciaux (économiques, financiers et fonciers).
Neuvième réforme : la rupture de la primauté du magistrat du parquet sur le juge d’instruction
Il faut réviser les articles 25, 28 et 139 CPP pour rompre le lien Ministre -Parquet d’une part et rompre la subordination Parquet-juge d’instruction qui oblige ce dernier à placer sous mandat de dépôt quand le premier le requiert sans pourvoir d’appréciation.
Conclusion
Cette réflexion ne se veut pas et ne se prétend pas exhaustive. C’est juste une ébauche qu’il faudra parfaire par la réflexion et par les contributions de tout un chacun. Car je ne parle pas de l’égalité des armes entre le parquet et les avocats dans l’exploitation des pièces du dossier où généralement ce n’est qu’à l’audience que le parquet dévoile ses armes au grand dam des avocats et des prévenus.
Il a été bon de faire les assises de la justice, car la Bible dit au livre aux Romains « ce n’est pas pour leurs bonnes actions, mais pour leurs mauvaises actions que les magistrats sont à redouter. Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal (Romains 13, 1-4). Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience. Si nous devons nous soumettre à l’autorité judiciaire faudrait-il que cela soit fait avec la conscience que cette autorité fait bien et est au-dessus de toute iniquité. Nous voulons des juges à l’image de Salomon rempli de sagesse et d’amour. Le magistrat est un serviteur de Dieu ou un ministre de Dieu entièrement appliqué à cette fonction, un sacerdoce divin. En effet le magistrat a une autorité, celle de juger ses semblables, mais une autorité de service.
Henri Valentin B. GOMIS
Avocat à la cour
1er Secrétaire de Conférence
Maitrise en Droit Public option Relations Internationales
Master II en Droit de l’Homme
Master II en Droit et Gestion Maritime
Master II en Management de l’Energie et des Ressources Pétrolières
Par Kaccoor Bi - Le Temoin
GUIGNOLESQUE
Vous n’avez pas le sentiment qu’il y a trop d’agitations stériles ces temps-ci à Galsen? Pour un pays qui a traversé des moments difficiles et ayant presque frôlé une guerre civile, le temps devrait plutôt être au travail, au dialogue, à la réconciliation
Vous n’avez pas le sentiment qu’il y a trop d’agitations stériles ces temps-ci à Galsen ? Pour un pays qui a traversé des moments difficiles et ayant presque frôlé une guerre civile, le temps devrait plutôt être au travail, au dialogue, à la réconciliation.
Et bien entendu, sans mettre sous le coude, comme l’autre, l’exigence d’une reddition des comptes. Surtout dans un pays qui a besoin de ressources financières et où tout est urgence avec une économie déchiquetée par des braconniers.
Deux années de perdues dans des troubles politiques que l’on aurait pu éviter. Ce pays a quand même vécu deux élections qui se sont bien déroulées et dont la dernière a pu permettre aux partis ou coalitions politiques de se jauger. Raison de plus pour aspirer à un climat politique fort apaisé en attendant les prochaines consultations. Surtout que ceux qui sont au pouvoir ont été élus par une large majorité des électeurs pour cinq ans et au premier tour.
Donc ayant la confiance de compatriotes pendant que des partis traditionnels se retrouvaient avec la portion congrue. Une élection qui a également permis de savoir qui est qui offrant une belle lecture de la représentativité des partis et mouvements.
Les candidats laminés à la dernière élection présidentielle étant en phase d’observation, ceux qui s’agitent le plus sont justement des gens dont la seule arme est leur grande gueule. Ils nous pompent l’air avec leurs logorrhées verbales qui incommodent tout le monde. Et pour la première fois dans l’histoire politique de ce charmant pays, plutôt que d’une opposition programmatique, on a affaire à une animosité personnelle.
Une opposition crypto-personnelle.
Ce n’est plus au Président élu que l’on se confronte mais à son Premier ministre. C’est lui qui est la bête à abattre. Plutôt que de confrontation d’idées, on assiste à une dispute de bornes fontaines à travers des jugements de valeurs, plongeant ainsi le pays dans une campagne électorale permanente.
Quand un ancien Premier ministre au bilan désastreux en matière d’émigration irrégulière se met à donner des leçons, on est tenté de se demander s’il ne fait pas dans la provocation. Il existe des moments où se taire est plus indiqué que de plonger le pays dans des discussions stériles ou de vouloir forcer les portes des médias pour s’imposer en chef de l’Opposition sans en avoir ni l’étoffe ni la carrure. Car c’est improductif de vouloir être le guignol d’une scène politique au ciel bien dégagé.
Par Abou SY
REPONSE À AMADOU BAKHAW DIAW
Dans un article intitulé « en reponse à El hadj Boubou Senghote », Diawdine Amadou Bakhaw Diaw, volant au secours de Madame le Professeur Fatou Sarr Sow, a émis des propos qui sont loin d’emporter notre adhésion
Dans un article intitulé « en reponse à El hadj Boubou Senghote », Diawdine Amadou Bakhaw Diaw, volant au secours de Madame le Professeur Fatou Sarr Sow, a émis des propos qui sont loin d’emporter notre adhésion et sur lesquels nous aimerions apporter les précisions suivantes :
I)-Le tekrour
Cet Empire Tekrour nous intéresse à plu d’un titre, vu qu’il est de notoriété publique qu’il est, de tous les Etats noirs, le premier à être islamisé (Bilad Soudan). En effet, selon la tradition orale et d’après des écrits arabes, l’islamisation des Peuls remonte au septième siècle, avec Ougbata bun Nafi notamment.
L’empire Tekrour, l’un des anciens empires Peuls (Toucouleurs), a joué un rôle important dans la diffusion de la nouvelle religion sur le reste des pays noirs jusqu’au 19ème siècle.
Al-Bekri décrit d’abord l’emplacement du Tekrour, ses idoles, puis sa distance avec la dernière ville Berbère, à savoir, Sunghana qui, en arabe, s’écrit (صنغانه).
Selon El-Bekri, les Tékrouriens étaient, à l’image des autres Noirs, païens et adorateurs d’idoles (statuettes). D’après lui, l’Idole du Tekrour s’appellerait Dakour (Dikuru). Il ajoute qu’à l’époque (en 432 Hégire ou ère musulmane) où lui-même était sur place, tous les habitants du Tekrour étaient musulmans grâce à Waré Jabhé bun Rabis qui, en arabe, s’écrit également ( وارجابي بن رابيس ).
D’après toujours El-Bekri, la ville de Tekrour, qui se trouve vers la ville de ‘Cilé’ (Thilé) ou (سلي en arabe) que certains lisent « SILLA », se scinde en deux autres qui se trouvent au bord du Nil, avec une population musulmane ce, après que Waré Jahbé les a convertis à l’Islam, tout comme les habitants de Thilé et du Ghana, autre ville située à vingt (20) jours de marche. Le roi de Thilé a combattu partout les infidèles, jusqu’à la ville de Galambo, (فلنبو en arabe), que certains ont transcrit par « Qalanbu»…
Abou Oubaida El-Bekri, mort vers 1094, (487 selon le calendrier hégirien) était un chroniqueur Arabe qui a beaucoup écrit sur l’empire du Tekrour, tout comme ses prédécesseurs et ses successeurs.
A propos de leurs écrits, nous savons qu’ils avaient beaucoup de difficultés à transcrire et à prononcer les mots d’origine africaine, surtout ceux écrits en Poular ou en Soninké. C’est à cause de cela que ceux qui ont traduit les textes d’Al-Bakri, de Raqik ou d’Ibnou Hawkal, ont eu de sérieux problèmes à procéder à une transcription fidèle.
Ainsi en est-il, par exemple, du mot « Waré » ou « War Jabhé », « Jabé », « Jabi », qui pose problème pour un simple arabisant, car certaines lettres alphabétiques Poular ou Soninké comme Ɓ, Ŋ, C, ND, Ñ, Ƴ n’existent pas dans l’alphabet arabe.
Ces noms et mots « Ajami » (étrangers en arabe) seront toujours comme des énigmes pour certains. A l’époque de Waré Jabhé, le Tékrour était bien connu de tous, en particulier de Tarik Al islam qui n’a pas manqué de mentionner, avec précision, dans « At-Tarikul Mu’asir Garb ifrikiya » (’L’histoire contemporaine de l’Afrique de l’ouest) de Mahmoud Sakir) :
L’Islam, en conquérant d’autres pays, a commencé à se propager rapidement dans ces lieux, surtout lorsqu’il est devenu la religion des nouveaux princes locaux, la religion des vainqueurs. L’Islam a progressé étape par étape entre les dirigeants de l’empire du Ghana. Le roi du Tekrour s’est converti à l’Islam an 432 Hégire, ce qui accentua la propagation de la Religion. A son tour, le Ghana s’est soumis à l’Etat des Al-Mourabitoun, an 469, ce qui amena son roi, en l’occurrence Taankamenin ou Tounka-Menin, à embrasser la nouvelle Religion. L’Empire du Mali aussi a joué le même rôle dans le reste des royautés originaires de la région.
Nous estimons qu’une œuvre qui se veut scientifique, ne devrait pas manquer de mettre en relief l’adhésion à l’Islam des Peuls (Toucouleurs) du Tekrour avant toute autre ethnie, tout comme leur prédominance, même si d’autres ethnies habitaient également au Tekrour.
Nous ne devons pas ignorer qu’une minorité ethnique vivant dans le royaume d’autrui, ne pourra jamais conquérir le trône de ce royaume. Ainsi en est-il et en sera-t-il de la minorité peule dans le Saloum, ou Soninké dans le Fouta, ou Bambara dans le pays Mossi, ou encore Wolof en pays Diola etc..
II)-Le Fouta
Dans les versions aussi bien orale qu’écrite, le Fouta présente deux espaces: le (Djeri Fouta et le Fouta Toro).
L’ancien espace du Djeri Fouta se trouve au nord de la Mauritanie, vers les frontières d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, précisément dans la zone actuelle du Polisario, selon les écrits d’El Bakri et Ar’Rakik situant le Bilad Tekrour à la proximité des villages berbères que Ugbata ben Nafi avait atteints à son époque.
En effet, le second Fouta ancien qui est décrit par les écrits arabes, se situe dans la région d’Adrar (dans l’actuelle Mauritanie).
Le livre « Bilad Singitti Al Manaratou War-Ribat », qui a pour auteur Khalil An-Nahwi (1987), décrit ainsi qu’il sut ses frontières :
« Le Bilad Singitti était connu sous le nom du Bilad Tekrour, dans l’ancienne époque, (…). Cette appellation se retrouve dans ses œuvres portant sur les notables de cette région, (« Fath Soukour fi Ma’arifati A’ayani Ouléma At-Tekrour… Le Tekrour est une région vaste, s’étendant de l’Est jusqu’à Adga’i, de l’Ouest jusqu’au Bahr (mer) Bani Zanadikhatou, du Sud jusqu’au Beed et du Nord jusqu’à Adrar » ((page 19, Chapitre, Bilad Tekrour).
Le Fouta Toro depuis l’époque des Almamy s’étend, du Nord : de Hayre Ngal (Colline d’Asaba) jusqu’au Njorol (Djorol). De l’ouest à l’Est : de Dagana jusqu’à Bakel. Du Sud au Sud-Est, depuis le Fleuve jusqu’aux frontières qui séparent le Fouta du Djolof, le Ferlo et le Boundou.
Au chapitre 3 intitulé ‘’LES FULƁE DANS LE FUUTA de son ouvrage « La Première hégémonie Peule : Le Fuuta-Tooro, de Koli Teŋella à Almaami Abdul » (page 83-114), le Pr Oumar KANE fait ressortir clairement l’occupation spatiale des Foulbés depuis l’Assaba jusqu’au Ferlo.
Il y apparaît clairement que le fleuve ne constitue pas la limite entre la Mauritanie et le pays des Noirs.
Aux termes d’autres versions orales aussi, le Fouta Toro actuel s’entendait, avant l’occupation coloniale, de Ndar à Bakel, du Nord Hayré Ngal au Ferlo et les limites du Djolof. C’est en vertu de cela que les Foutankés considéraient le Walo comme une partie intégrante du Fouta Toro.
Ainsi, à la veille des indépendances, toute la partie située jusqu’à 150 km au Nord du Fleuve, était considérée comme faisant partie du Sénégal. Rappelons que les Peuls ont habité en premier lieu le Fouta Nord du Fleuve, avant le Fouta Sud qui est le Sénégal d’aujourd’hui.
Certes aussi, les villes qui sont fixées au Djéri Fouta à la fin du 17ème et 18ème siècle comme Aleg (qui est distante du fleuve d’environ 50 km), qui sont des villes implantées grâce à la poussée des Béni-Hassan, alliés des Satigui du Fouta Toro, portent les titres Emir Barakna ou du Trarza.
Mais en dépit de cette situation, le Fouta Toro, pays des Peuls, a toujours été majoritairement habité par les Peuls (Toucouleurs), même s’il incluait quelques villages Soninké et Wolof, dans sa grande agglomération de la rive droite à la rive gauche.
III)-Ndiadiane Ndiaye
Selon certaines sources, Ndiadiane Ndiaye, le fondateur de l’empire du Diolof, serait né d’une mère peule du Fouta (Foutanké) et d’un père maure berbère. Son prénom Ndiadiane, un mot d’origine sérère signifierait « Catastrophe » : « Geeke di ndiajano » « geekee res ndiadian » (Ça c’est la catastrophe, c’est la catastrophe !), ou encore « Ceci est étrange ! »
Quant à son patronyme NDIAYE, il semble qu’avant d’être pris pour un nom de famille, il servait de surnom à des éleveurs aisés. Ainsi, trouve-t-on encore en milieu foutanké des Ndiaye Bah, Ndiaye Barro, Ndiaye Djiby Bah etc.).
De par son nom, Ndiadiane Ndiaye se rattache donc plus aux Peuls et aux Sérères, même si c’est en pays Wolof qu’il aura régné. Nous devrions pousser les recherches pour savoir comment un Arabe a-t-il pu débarquer au Fouta, y épouser la nommée Fatimata SALL, fille de laam-Tooro ; où, quand et comment a-t-il réussi à intégrer la communauté Wolof, lui et son épouse, tous deux étrangers à ladite communauté !
Cela nous paraît plus important que le fait de tenir absolument à lui trouver une origine berbère ramenant du coup à sa simple expression, l’importance du brassage ethnique entre les peuples négro-africains que l’on aime chanter sur tous les toits.
L’origine arabo-berbère de Ndiadiane Ndiaye est même discutable, à plus d’un titre, en considération notamment de tout ce qui rattache l’ancêtre mythique des Wolofs aux Peuls (Toucouleurs) et aux Sérères. S’il est rééllement Ahmad Abou Bakr Ibn Oumar, un descendant direct des « Almoravides », pourquoi n’a-t-il pas poursuivi la mission de ses ancêtres Arabo-Berbères qui s’attelaient à prêcher en faveur de la conversion à l’Islam?
Pourquoi a-t-il suivi plutôt les traces des Buurs et autres Damels des temps anciens, donc des Thiédos animistes ou à la pratique islamique teintée de paganisme du moins jusqu’à une époque récente encore ?
C’est une bonne chose que de saluer le brassage ethnique entre les peuples, gage de stabilité et de respect mutuel. Mais encore faudrait-il que cela soit basé sur une histoire réelle. Nous ne gagnerions rien à vouloir réécrire l’Histoire, à vouloir inventer une histoire, une autre histoire…
Par mamadou Ndiaye
COMBINAZIONE
Aux frontières des régimes civils en Afrique de l’Ouest, les bruits de bottes s’intensifient. Les militaires au pouvoir au Burkina, au Mali et au Niger partagent bien des parcours, des itinéraires, des aventures et des mésaventures.
Aux frontières des régimes civils en Afrique de l’Ouest, les bruits de bottes s’intensifient. Les militaires au pouvoir au Burkina, au Mali et au Niger partagent bien des parcours, des itinéraires, des aventures et des mésaventures. Ils s’aperçoivent qu’ils se ressemblent. Ils s’assemblent. Et décident de passer à l’action en unissant le peu de forces qu’ils détiennent.
Pris séparément, chacun des trois pays ne pèse pas plus d’un poids plume. Mais en additionnant leurs volontés, les pouvoirs kaki issus de coups d’Etat condamnés et sanctionnés au sein de la principale organisation d’intégration de la région, méprisent ces décisions, passent outre et se détournent de la Cedeao qu’ils ont du reste quittée avec fracas en la vouant aux gémonies.
Et pourtant, au plus fort de l’exubérance de l’intégration, nombre d’officiers ont bénéficié de faveurs pour aller se former ou se perfectionner dans des Ecoles de guerre renommées. En revanche, nullement impressionnés par leur mise au banc des accusés, ils régentent tout dans leurs pays respectifs, suspendent les partis politiques, musèlent les médias et les syndicats.
Bref ils confisquent toutes les libertés à l’exception d’une qu’ils s’arrogent avec arrogance : le gel de la liberté. Non contents de s’attribuer autant de droits, ils emprisonnent des figures de l’opposition ou les poussent à l’exil tout en exerçant de terribles pressions sur les journalistes contraints de fuir leur pays pour se sauver.
D’ailleurs, une nouvelle pratique du journalisme est née sur les flancs de ces coercitions avec des traitements décalés de l’actu dans ces pays à partir de leurs lieux de refuge ou de résidence.
Pour justifier leurs « coups », les militaires avaient évoqué toutes sortes de raisons, accablant les civils pour leur incompétence et surtout pour leur manque de rigueur er de fermeté dans la lutte contre le terrorisme.
Pour autant les actes de violence massive à but politique n’ont pas reflué. Au contraire, les foyers de tension se multiplient. L’ampleur de cette terreur inouïe surprend les putschistes très peu outillés et mal préparés pour orchestrer la riposte.
Face aux assauts répétés auxquels ils n’opposent qu’une molle résistance, les militaires se cachent et ne font guère mieux que les civils qu’ils ont chassés. Ils agissent en rase-motte et compensent leur faiblesse par des harangues interminables, oiseuses et pompeuses devant des foules excitées et admiratrices de militaires qui se camouflent. Vers qui se tournent-ils maintenant pour éviter la bérézina ?
Grattez les képis, vous trouverez Poutine, Xi Jiping ou Kim Jong-un ! Au nom du peuple, jamais consulté au demeurant, la notion de souveraineté a été brandie pour rallier les masses qui, dans leur furie destructrice, en ont voulu à la puissance colonisatrice, la France en l’occurrence invitée à quitter définitivement ces territoires avec armes et bagages.
Paris s’y est prêtée de bonne grâce mais assortit toutefois son accord à un avertissement solennel : pas d’humiliation, pas de manifestation d’hostilité à l’égard des troupes. Les Français ne supporteraient pas d’actes délictueux.
La lente dégradation du climat politique et des affaires dans le Sahel où se propagent des sectes radicales avait fini par convaincre la France d’amorcer une stratégie de repli. L’est et le sud de l’Afrique séduisent les industriels français qui découvrent des environnements d’affaires plus prospères, assez compétitifs avec des acteurs rompus au business international. De ce point de point de vue, le continent change partiellement de visage. Lequel contraste avec la face hideuse de l’ouest où la recrudescence des coups d’Etat reprend de plus belle.
La France partie, bonjour la Russie, la Chine et dans une faible mesure la Corée du Nord. Pour l’heure Wagner plastronne à Bamako, à Ouagadougou et à Niamey à la grande satisfaction des galonnés sahéliens. Sa présence étonne et inquiète. Les régimes autoritaires en place trouvent dans ces supplétifs aux horizons bizarres des relais de puissance « avec la nuisance en moins ».
Or cet excès d’optimisme maquille une surprenante naïveté. Lorsque le patron du groupe paramilitaire Evguéni Prigogine s’est senti fort et puissant pour dicter sa loi, il a nargué Moscou au point de se retrouver dans le collimateur des tenants de la ligne dure. Il est mort le 23 août 2023 dans le crash de son avion avec ses principaux lieutenants.
Ainsi décapité, Wagner, craignant pour son futur, se réaligne derrière les positions du chef du Kremlin qui toise le monde occidental avec le silence consentant de Pékin. Faut-il voir dans ce saisissant clivage une nette démarcation de lectures contradictoire d’un monde tourmenté ?
L’Afrique n’échappe pas à cette dichotomie. Elle est au cœur des tourbillons et des appétits, si bien que son ventre mou est sa façade ouest en proie à une instabilité qui fragilise toute sa cohésion que des décennies ont contribué à forger.
En l’espace de 48 heures, les militaires ligués au sein d’une Alliance des Etats du Sahel ont tenu à Niamey un sommet de démonstration quand, dans le même temps, s’ouvrait à Abuja le sommet des Chefs d’Etat de ce qui reste de la Cedeao. Du jamais vu !
Deux tableaux d’une même réalité qui se fissure au détriment des populations au nom desquelles ces raisonnements illogiques s’affrontent. Si salafistes, djihadistes, irrédentismes et terrorismes s’en mêlent, le cocktail est bien évidemment explosif et il alimente des obsessions et des passions meurtrières. Il n’échappe à personne que le Sahel constitue une poudrière avec des frontières « gruyères » que ne parviennent pas à contrôler les forces de Défense et de Sécurité.
Qui s’émeut de la dislocation progressive d’une région autrefois aire de migration et de brassage de peuples et d’ethnies qui ont su, à travers des siècles, bâtir un socle d’harmonies parées de sagesse et de vertu ?
Certes les civils au pouvoir ont commis des bévues et affiché des fragilités désobligeantes. Mais parce qu’ils étaient élus au suffrage universel, leur éviction n’en est pas moins scandaleuse, car ce sont des processus démocratiques qui ont été ainsi interrompus. Les viabilités économiques également sont compromises par ses assauts à la kalachnikov qui éloignent les investisseurs, désorganisent les circuits de production et déstructurent les tissus industriels embryonnaires.
Les invectives ne transforment pas le monde. Au contraire elles inhibent les initiatives et écartent le continent du projet de globalisation dans lequel il ne vient pas les « mains nues ».
Par ces richesses, ses terres, ses ressources et sa position axiale sur les routes internationales, l’Afrique a une carte maîtresse à jouer que ne semblent pas comprendre les auteurs de coups d’Etat à répétition.
L’enflure militaire représente un gros risque politique et économique. Et voilà que la sécurité s’y greffe. Tout le monde chercher mais ne trouve pas encore de solution à la l’équation sécuritaire. Trêve de vanité. Dès lors, s’impose à nous un nouvel état d’esprit pour soustraire nos pays à de répétitifs « huis clos » hors saison.
Par Abdoulaye SAKHO
CONTENU D’UNE REGLEMENTATION POUR LES ACTEURS DU SPORT ?
Le mot « acteur » vise les groupements sportifs ou clubs, l’encadrement dont les éducateurs, formateurs et entraineurs/Coach, le sportif (pratiquant appelé aussi joueur ou athlète), le supporter, les agents sportifs et intermédiaires, les matchs makers...
Le mot « acteur » vise toutes les parties prenantes au sport et à son organisation : les groupements sportifs ou clubs, l’encadrement dont les éducateurs, formateurs et entraineurs/Coach, le sportif (pratiquant appelé aussi joueur ou athlète), le supporter, les agents sportifs et autres intermédiaires comme les « matchs makers », les médecins du sport, les journalistes …
L’option inéluctable pour une prise en charge correcte au plan juridique de ces acteurs est de combiner sport amateur et sport professionnel. Il faut donc un bon cadre juridique d’évolution des structures sportives comme les fédérations et les clubs ainsi que celui des sportifs eux-mêmes, aussi bien pour le sport amateur que pour le sport professionnel.
Concernant d’abord les structures sportives. Pour la prise en charge du sport amateur, il ne devrait pas y avoir de gros changement. Le droit en vigueur qui repose essentiellement sur le droit associatif (article 811 et suivants du COCC), doit juste être adapté au contexte actuel caractérisé par la raréfaction des ressources publiques et les exigences de bonne gestion. Cette adaptation devra se faire dans le but de permettre aux associations sportives de générer des ressources et d’évoluer vers un fonctionnement leur permettant, au-delà des cotisations de leurs membres, d’accéder à d’autres ressources financières de sorte à ne pas seulement dépendre des subventions de l’Etat et des collectivités territoriales (solidarité et péréquation sport prof et sport amateur ?).
Pour la prise en charge du sport professionnel, il y a une nécessité impérieuse : prévoir un droit spécial et adapté pour les clubs professionnels qui évoluent dans le champ de l’activité économique concurrentielle et donc marchande. Dans notre pays, pour le football, nous avons fonctionné ou essayé de fonctionner, avec les sociétés actuelles du système OHAD. Mais c’est un immense échec.
Pourtant, nous juristes spécialisés en droit des sociétés, savons que le système juridique OHADA offre la possibilité pour les Etats membres d’avoir des réglementations spécifiques pour certaines sociétés du champ des activités commerciales et industrielles (banques, assurances, pharmacie, sociétés publiques …). En effet, l’article 916 alinéa premier de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales le dit, en des termes non équivoques ; l’Acte uniforme s’applique : « aux sociétés soumises à un régime particulier sous réserve des dispositions législatives et réglementaires auxquelles elles sont assujetties ».
En conséquence, je crois qu’il faut introduire dans la réglementation du sport (le code du sport), une forme de société commerciale compatible avec les exigences de l’activité sportive dès lors que les formes de sociétés prévues dans l’OHADA ne me paraissent pas spécialement conçues pour la gestion économique du sport.
En ce sens et, dans l’attente d’une véritable société commerciale sportive que nous pouvons mettre en place par des dispositions spéciales dérogatoires du droit commun des sociétés qu’est l’Acte uniforme (à intégrer dans le code), ceux qui veulent créer une société pour leurs activités sportives professionnelles, seraient bien inspirés d’utiliser la forme Société par Actions Simplifiées (SAS). C’est la plus souple des structures commerciales de l’OHADA. D’ailleurs, ses statuts peuvent s’adapter pour en faire un excellent instrument de gestion des activités sportives dans leur dimension professionnelle. Aussi, je suggère que si on doit légiférer pour une société commerciale sportive, que cela se fasse sur le modèle de la SAS qui existe dans le droit positif.
Concernant le statut du sportif. Pour le droit applicable au sportif ou pratiquant, (statut juridique, fiscal et social) la distinction opérée ci-dessus doit être reflétée dans la réglementation avec d’une part, le sportif amateur et d’autre part, le sportif professionnel qui relève du droit du travail sportif.
Il faut aussi des dispositions pour les entraineurs, éducateurs, formateurs et coach aussi bien dans les conditions d’accès que dans les conditions d’évolution de leur carrière. Dans la perspective de tenir compte de l’état de développement de notre économie, faut peut-être introduire une catégorie intermédiaire (pour une durée limitée dans la transition amateur professionnel). En effet, au regard de ses caractéristiques, notre situation économique pourrait présenter des difficultés à entretenir, dans beaucoup de disciplines, des sportifs professionnels à temps plein comme le font les économies des pays développés. L’idée serait de prendre en compte cette situation pour encourager le cumul d’une activité sportive rémunérée avec une autre activité salariée. Un tel modèle correspond le mieux à la situation actuelle et, sa soutenabilité ne devrait pas poser de grosses difficultés.
Par ailleurs, une attention particulière est portée à la mobilité des sportifs et au statut des intermédiaires : agents sportifs et règles de transfert que nous avons beaucoup de mal à maitriser.
Dans le même ordre d’idées, il doit y a une plage spéciale pour le sportif de haut niveau (une qualité octroyé au sportif selon certaines conditions) si bien sûr, l’option affirmée par l’Etat et par toutes les parties prenantes (pouvoirs publics et mouvement sportif) de définir et d’appliquer une politique sportive pour le haut niveau, est consolidée. Cela permettra de ranger aux oubliettes la gênante affaire des récompenses aux champions d’Afrique d’athlétisme et de régler définitivement le statut de nos sportifs qui concourent, par leur activité, au rayonnement de la Nation et à la promotion des valeurs du sport sans une reconnaissance (récompense ?) digne de ce nom de la part de cette même nation.
(Par Abdoulaye SAKHO)
Par Mamadou DIOUF
MOMAR COUMBA DIOP, UN DÉFRICHEUR DE SOURCES ET DE RESSOURCES DOCUMENTAIRES
Il appartient à mon passé, mon présent et bien sûr mon futur. Je le croyais fermement. Diabel comme il signait parfois ses messages, c’est le bourdonnement quotidien à mes oreilles, de celui qui s’était assigné le rôle de l’aîné d’un cadet sans discipline
On m’a annoncé la mort de Momar Coumba, j’étais assis à l’aéroport John F. Kennedy, en train d’attendre mon vol pour Toronto et Ottawa. J’étais en route, ironie de l’histoire, pour le XXIIe Congrès International des Sociologues de Langue Française. Le thème retenu : « Sciences, Savoirs et Sociétés ». La violente collision entre cette invitation qui semble destinée à Momar et l’annonce de sa disparition m’a proprement bouleversé. Un retournement qui a ramassé les souvenirs, les éclats de rire et les querelles dans les vents tourbillonnants de la bourrasque. Je n’arrivais pas à m’y faire. Je ne pouvais conjuguer Momar au passé. En effet, il appartient à mon passé, à mon présent et bien sûr à mon futur. Je le croyais fermement. Diabel comme il signait parfois ses messages, c’est le bourdonnement quotidien à mes oreilles, de celui qui s’était assigné un rôle, celui de l’aîné d’un cadet sans discipline, espiègle et plutôt rebelle. Je lui ai très tôt concédé ce statut, tout en me moquant de sa rigueur rugueuse, toujours à propos, solidement documentée et puisée aux meilleures sources. Il était un lecteur vorace. Une passion que nous partagions. Livres et journaux, tracts et pamphlets étaient l’objet d’un traitement minutieux. Momar ne se contentait pas de les lire et de les exploiter pour ses travaux, il les archivait et les ouvrait à la consultation, notamment des jeunes chercheurs.
Ses opinions étaient toujours informées. Il avait toujours un projet de recherche, un livre ou un article à produire, des relectures à faire et des commentaires sur les écrits de collègues, les mémoires de politiciens et de syndicalistes. N’a-t-il pas inauguré la publication des autobiographies et récits de vie des politiciens avec les ouvrages du politicien sénégalais de son terroir, Linguère, Magatte Lo, L’Heure du choix (1986) ; Sénégal : syndicalisme et participation responsable (1987) et Sénégal, le temps du souvenir (1991). A la suite de ce travail, sa méticulosité, son expertise de bibliothécaire et la qualité des soins apportée aux références, en termes de présentation et de précision ont fait de Momar l’éditeur technique formel et substantiel des œuvres de la bibliothèque politique sénégalaise.
Pourtant la chronique du décès de Momar était annoncée. J’ai refusé d’y accorder une quelconque crédibilité. Il avait été malade mais sa vaillance et sa discipline lui avait permis de triompher de cette terrible maladie. Cette incroyable victoire était portée par une énergie créatrice. En attestent les ouvrages qu’il a dirigés, les articles écrits ou co-écrits. En revanche, la maladie lui a volé son enseignement et l’encadrement d’étudiants qui avaient été accompagnés par l’ouverture de nouvelles pistes pour la recherche sociologique. L’interruption de nos messages quotidiens – Momar m’envoyait des informations, des journaux, sénégalais et français, ses jugements péremptoires, ses indignations, ses appréciations plaisantes et ses mises en garde, au quotidien - m’avait inquiété. J’ai contacté son neveu Mor. Il a eu la décence de me dire qu’il était malade et m’a suggéré de contacter sa fille, Isseu Majiguène. Elle m’a dit l’état dans lequel se trouvait son père. Je demeurais convaincu qu’il allait encore s’en sortir. Le sourire entendu au coin des lèvres. Sa pause préférée.
Je ne sais pas comment j’ai rencontré Momar, au début des années 1980. Une rencontre qui a eu lieu à l’Université de Dakar, probablement dans la « cafétéria » de Kane, à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. C’est probablement Mohamed Mbodj Inge et feu Salif Diop qui avaient fréquenté avec lui, le lycée Blaise Diagne qui ont facilité le contact. Progressivement une amitié à toute épreuve s’est établie entre le Jolof-Jolof et l’enfant des comptoirs. Elle est devenue la ressource principale de notre collaboration intellectuelle. Celle-ci a été alimentée par les héritages multiples, sociaux, politiques, religieux et disciplinaires. Les legs de Momar s’ancrent dans les traditions familiales du Jolof, les engagements islamiques confrériques et politiques ainsi que les turpitudes du quartier des HLM et du lycée Blaise Diagne. Sa maladie avait accentué la posture sereine et la tranquille assurance qu’il affichait.
Momar était, avec ma mère, l’autre personne qui m’appelait Modou. Pourquoi m’appelait-il ainsi restera une énigme. Une énigme pour moi parce que le nom se logeait dans la géographie de son intimité et de ses relations qui lui étaient propres : des territoires bien délimités, les amis, la famille, les collègues. D’une loyauté à toute épreuve, il choisissait minutieusement ses amis. Il était intransigeant et sélectif. Son sacerdoce, c’était sa famille, ses frères et ses sœurs, ses neveux, ses oncles., ses enfants. Parfois, il en faisait une sociologie pleine d’humour et d’amour. Je voudrais spécialement mentionner son neveu Mor et son défunt cousin, El Hadj Lo. Ses enfants étaient sa fierté. Il ne s’est pas sacrifié pour eux. Il les a accompagnés et éprouvait un grand plaisir à leur réussite. Un père présent et irremplaçable pour Ada, Mamy et Gnilane qui l’émerveillaient.
Installé au carrefour de plusieurs héritages, Momar est devenu l’aiguilleur des humanités et des sciences humaines sénégalaises. Nul chercheur autre que lui n’est parvenu à créer des réseaux de chercheurs, assurer une coordination et une évaluation systématique des contributions qui dévoilent avec minutie, les trajectoires de la société et de l’État au Sénégal. Au moins deux générations de chercheurs venant de différents horizons disciplinaires et thématiques ont été mobilisées dans les entreprises épistémologiques de Momar. Il était un guide, un défricheur de sources et de ressources documentaires. Il savait polir les chapitres des autres et identifier les dispositifs autour desquels s’élaborent des pensées et se mobilisent des pratiques, à l’usage des jeunes chercheurs. L’extraordinaire hommage à la contribution incomparable de Momar Coumba Diop aux opérations de la sociologie sénégalaise et plus généralement aux humanités et sciences humaines a été brillamment mis en valeur par ses collègues qu’il a mobilisé dans toutes ses entreprises éditoriales, dans Comprendre le Sénégal et l’Afrique aujourd’hui. Mélanges offerts à Momar Coumba Diop (2023). Sa maitrise parfaite des leçons qu’il tirait de sa fréquentation assidue des travaux d‘Abdoulaye Bara Diop, de Boubacar Ly, de René Girard, de Jean Copans, de Donal Cruise O’Brien, de Boubacar Barry, Abdoulaye Bathily et d’Amady Aly Dieng avait poussé le sociologue Momar Coumba Diop sur les pistes de l’histoire, de l’anthropologie et de la psychologie. Son braconnage théorique sans frontière, ni terrains interdits est la raison pour laquelle, Amady Aly Dieng nous avait qualifié de « néo wébériens », à la sortie du Sénégal sous Abdou Diouf (1990). Un penseur libre et sans tabous politiques, il enjambait allègrement les frontières idéologiques et épistémologiques. Un rebelle dont la seule cause était la clarté de l’argument, la rigueur de l’argumentation et les preuves qui les alimentent.
Les Mélanges offerts à Momar dessinent une lumineuse cartographie de sa production intellectuelle. Je me contenterai de suivre une trajectoire avec des points d’incandescence qui illustrent, sans conteste son rôle pionnier. A la suite de Donal Cruise O’Brien, The Mourides of Senegal (1971), Saints and Politicians (1975), de Jean Copans, Philippe Couty, Jean Roch et Guy Rocheteau, Maintenance sociale et changement économique au Sénégal : 1- La doctrine du travail chez les Mourides (1972), de Philippe Couty, Les Mourides et l’arachide (1982), de Jean Copans, Les marabouts de l’arachide (1985), il inaugure avec sa thèse de troisième cycle, La confrérie mouride : organisation politique et mode d’implantation urbaine (1980), les fonctions et activités des dahiras urbains. Un travail suivi par son essai, La littérature mouride : essai d’interprétation thématique (1980). Il commence à suivre à la trace, l’émergence des mourides dans le secteur informel, les métamorphoses organisationnelles, politiques et vestimentaires et leurs effets sur la ville et le pays. Momar ouvre de nouveaux chantiers qui aujourd’hui dominent les études mourides.
On peut reconstituer assez facilement le travail archéologique auquel se dévoue Momar Coumba Diop à l’entame de sa carrière, avec sa thèse et son essai sur la littérature mouride. Non seulement il nous offrait une lecture très serrée des travaux de ces prédécesseurs, il précisait les figures multiples, variées et instables de l’économie politique et imaginaire des paysanneries, de leurs relations avec les appareils confrériques et avec l’État. Un détour qui circonscrivait le territoire de sa contribution la plus décisive aux études sénégalaises, les manifestations urbaines du mouridisme et les imaginations qui leur sont adjointes. Il participait ainsi aux débats qui ont secoué les études africaines autour du (néo) patrimonialisme, du « soutien mercenaire » et les tours et détours des stratégies des entrepreneurs politiques et sociaux.
La sociologie de l’État et des élites prolonge son travail sur les paysanneries. Un registre qui est inauguré par le premier volume dont il assure la direction, Sénégal, Trajectoires d’un État (1990). Un ouvrage qui établit l’agenda des études sénégalaises Tet met à l’affiche une nouvelle génération de chercheurs, solidement établis dans leurs disciplines et comme lui, plutôt iconoclastes. Je pense à François Boye et à Paul Ndiaye. Suivent, Le Sénégal et ses voisins (1994) à la révision de laquelle il s’était attelé ces dernières années ; Les successions légales en Afrique. Les mécanismes de transfert du pouvoir en Afrique (1990) ; Les figures du politique en Afrique. Des victoires héritées aux pouvoirs élus (1999), un essai et un livre qui mettent à l’épreuve les usages politiques et théories relatives au Sénégal en situations africaines. Il ne quitte pas, pour autant, durant cette première période le terrain sénégalais, publiant, Le Sénégal sous Abdou Diouf. État et Société (1990), avec D. Cruise O’Brien et M. Diouf, La construction de l’État au Sénégal (2002) qui revient sur les débats et controverses ouverts par les thèses de Cruise O’Brien relatives au « contrat social sénégalais », à la « success story » et aux leaders confrériques considérés comme la société civile sénégalaise. Un écho des plus importants des études urbaines mourides initiées par Momar sont les travaux de Cheikh Anta Babou, de Mansour Tall sur les migrations, le travail et les opérations économiques des membres de la confrérie.
La symphonie majeure, plutôt le xassaid majeur – Momar adorait les xassaid des Hizbut Tarqiyyah dont il m’envoyait régulièrement des copies – sont, Le Sénégal contemporain (2002), Le Sénégal à l’heure de l’information - technologies et société (2003), La société sénégalaise entre le local et le global (2003), Gouverner le Sénégal - entre ajustement structurel et développement durable (2004) et Le Sénégal sous Abdoulaye Wade - le sopi à l’épreuve du pouvoir(2013). Elle assure une présence de Momar qui continuera de nous sommer de continuer à creuser le sillon. Il nous contraint à relever le défi qui a animé son projet intellectuel, l’établissement ferme des humanités et des sciences sociales sénégalaises.
Repose en paix jeune homme !
Que nos prières t’accompagnent.
Par Amadou Lamine SALL
MON CRI AU PRESIDENT DIOMAYE
Avec respect et gratitude, je vous demande, Monsieur le président, d’instituer une journée nationale du pardon. Réconciliez ainsi, par le cœur et l’âme, notre beau et grand petit pays
Avec respect et gratitude, je vous demande, Monsieur le président, d’instituer une journée nationale du pardon.
Réconciliez ainsi, par le cœur et l’âme, notre beau et grand petit pays. Faites prendre conscience aux Sénégalais combien nous devons recréer une nouvelle vie en commun, en société. Pardonner ne veut pas dire oublier. « Dans l’absolu, nous ne sommes pas obligés de pardonner. Néanmoins, on ne pardonne pas pour la personne qui nous a fait du mal, mais pour nous-mêmes. En effet, le pardon permet de se libérer et de la rancœur, des blessures, de la peine.»
Pardonnez n’est pas une faiblesse. Pardonnez est plus beau que châtier, punir, réprimer, se venger. Le Coran nous dit que «le croyant sincère doit gagner le pardon par la repentance.» Certes, le pardon est «une démarche pacificatrice parfois difficile».
Graciez, Monsieur le président, en cette Journée nationale du pardon, si vous l’instituez, des prisonniers. Nos prisons sont devenues effrayantes, terrifiantes, insoutenables, inhumaines.
Avec une infinie gratitude, voyez dans la limite de vos pouvoirs, comment libérer, déjà, les prisonniers devenus finalement aveugles ou fous, en prison. Comment garder encore en cellule de pareilles créatures dont la vie s’est presque achevée, quel que soit la hauteur de la faute commise ? Voyez, également, comment ces milliers de prisonniers qui vivent dans des conditions presque inhumaines, pourraient être sortis de jour et affectés à des contraintes de travail de set-setal, par exemple. Cela aiderait nos cités si sales et si pourries, à retrouver un peu de fard..
Cela soulagerait des collectivités locales si désarmées financièrement et le plus souvent si mal organisées et si désastreusement mal gouvernées. Ces sorties de jour de prisonniers pour aller travailler et servir, leur donneraient un semblant de vie, un peu d’air du dehors, un tout petit peu d’espérance, malgré le degré de la faute. Seule la force invincible de la foi, sauve le plus grand nombre de prisonniers du suicide et de la mort.
Ceux qui sont libérés, des années et des années après, errent dans les rues, perdus, délaissés et oubliés et par leur famille et par l’État et par la société. J’en ai rencontré qui mendiaient, malades et affamés et qui dormaient sur et sous les bancs des très rarissimes places publiques comme la Place de l’Indépendance. C’est là que nous avons appris que ces bancs faisaient d’ailleurs l’objet de trafic payant pour les occuper la nuit. Qu’Allah veille sur les démunis.
Monsieur le président, je vous demande, avec une infinie prière, de veiller sur les prisons et les prisonniers, parce que vous m’êtes apparu comme un homme d’abord, un Président ensuite, qui possède une âme à qui on peut avoir l’espérance de parler et d’être entendu. Tant pis si je me trompe ! Dans tous les cas, vous ne faites pas peur ! Vous apaisez !
Monsieur le président, vous êtes sorti de prison pour entrer dans une autre prison. La seule différence, ce sont les murs, l’accueil, les regards, la considération, les gardes, la nature des contraintes. La première prison, vous n’avez pas demandé à y être reçu. La seconde, vous êtes allé la chercher vous-même, pour y entrer. Elle est dorée, diton, mais pas aussi tranquille que la première. Plus dangereuse, même !
Si vous sortez du Palais pour aller prendre votre avion de commandement, au retour, sous escorte, on vous reconduit en «prison », avec motards et gyrophares chez vous, dans votre Palais. Cette prison du Palais est contraignante et elle est surtout celle qui vous isolerait le plus de la réalité de votre peuple. J’ai toujours cru, au regard de notre histoire politique, que les chefs d’État sont les moins informés que leur peuple. Évitez ce piège ! Écoutez, écoutez beaucoup. Regardez, regardez attentivement vos parapheurs. Prenez le temps de mettre votre sceau. Mettez correcteurs et grammairiens en amont. Rendez votre cabinet imparable. Il l’est déjà, conduit, chose rare, par un mathématicien et un poète. De vos collaborateurs et de vos conseillers, faites des amis mais surtout dites-leur de ne pas avoir peur de vous faire rebrousser chemin. La critique où le courage de la critique, semblerait beaucoup manquer dans les cabinets présidentiels. Peut-être, également, que l’on se trompe ! Ce sont des confidences avérées depuis des décennies et des faits réels qui nous ont appris cela. Il doit être possible de ne pas toujours dire, de jour comme de nuit, pendant cinq ans ou douze ans à un président, «oui, Monsieur le président. Oui, Monsieur le prescient.»
La confession d’un ancien président de la République du Sénégal bien particulier, s’est révélée, dans ce sens, bouleversante et révélatrice de la nature de cette vraie prison que constitue le palais présidentiel où tout le monde ne fait qu’acquiescer à tout ce que dit le président. Mais, nuançons ! Au-delà des renseignements généraux au travail admirable et sécuritaire, prenez aussi le temps d’écouter la vraie rue. Faites comme faisait Senghor, qui, en voiture banalisée, allait le soir se mêlait à son peuple dans les quartiers les plus animées de Dakar, incognito ! Il le raconte lui-même et c’est si succulent !
Que le Seigneur vous protège Monsieur le président Diomaye et il vous protègera au regard des belles et reposantes valeurs dont vous êtes habillé et que nombre de Sénégalais reconnaissent en vous. Sorti de la première prison, secourez ceux qui y vivent encore ! Utilisons plus les bracelets électroniques que l’enfermement carcéral dans des cellules pires que l’enfer et à la promiscuité indescriptible ! Des Sénégalais témoignent que cette promiscuité a fait naître nombre d’homosexuels !
Mes respects déférents Messieurs les commissaires, les procureurs et les juges ! Sans être faibles, chevillés aux lois et règlements, rendez moins peuplées, sauvages et inhumaines nos prisons ! Votre mission est capitale et vous êtes si précieux dans ce combat.
Encore, Monsieur le président, libérez les prisonniers devenus aveugles ou désormais malades mentaux. Nous prions pour vous !
N’oublions pas que nous avons été autrefois et encore aujourd’hui un «peuple de géants.» Ne devenons pas un «peuple de nains» accouchant d’une chefferie de nains. Et cela n’arrivera pas !
Par Henri Valentin B. GOMIS
REFORMES DE LA JUSTICE POUR UN SYSTEME JUDICIAIRE EFFICACE ET EFFICIENT
J’ai espoir que le Sénégal de demain - et demain pour moi c’est maintenant - sera un Sénégal fort, développer où les règles permettront de vivre en harmonie. C’est pourquoi je tenterai de faire l’état des lieux et de proposer des pistes de solutions.
J’ai espoir que le Sénégal de demain - et demain pour moi c’est maintenant - sera un Sénégal fort, développer où les règles permettront de vivre en harmonie. Pour cela quelles réformes pendre pour une rupture radicale et sans complaisance de ce qui plombe encore notre développement et notre vivre ensemble ? Il faut prendre en compte plusieurs secteurs d’activités notamment la justice, la politique et surtout l’économie. Dans cet exercice, je ne parlerais que de la « Justice ». C’est pourquoi je tenterai de faire l’état des lieux et de proposer des pistes de solutions.
Analyse ou constat de la situation actuelle
Le titre III de la constitution sénégalaise du 7 janvier 2001 sous l’égide du Président Abdoulaye Wade fait de la justice un pouvoir judiciaire au même titre que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Et son article 88 stipule que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. À l’instar de nombre de pays africains, le Sénégal a consacré l’indépendance de la Justice à travers son érection en « Pouvoir » par la Constitution de 1963. Or depuis les cas Mamadou Dia sous Senghor, Abdoulaye Wade sous Abdou Diouf et aujourd’hui les cas Karim Meïssa Wade, Ababacar Khalifa Sall, Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye et les militants du Pastef (Mille prisonniers politiques) sous Macky Sall, nous nous rendons compte sans aucune irrévérence que les opposants ont toujours fait l’objet de poursuites, de liquidation politique par la voie judiciaire. Le cas Ousmane Sonko depuis 2021 l’atteste sans nul conteste. Alors qu’il est reconnu au magistrat, même nommé par le Président de la République après avis consultatif du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), de n’être soumis qu’à l’autorité de la loi dans l’exercice de sa fonction ou de sa mission de rendre la justice (Cf. Art. 90 de la constitution de 2001). Et mieux la constitution dit que le pouvoir judiciaire est gardien des droits et libertés définis par elle.
A l’analyse de la réalité des faits et de la pratique judiciaire l’on peut dire sans être contredit que cela est toujours et reste un vœu pieux. En effet il y a une rupture de confiance du peuple à l’égard de la justice, des justiciables à son égard et voire même parfois une défiance de la justice par le peuple qui ne croit plus en celle-ci quand bien même qu’il est par ailleurs dit que la justice est rendue au nom du peuple.
L’hyper-judiciarisation de l’espace politique restera un des héritages les plus marquants de la présidence de Macky Sall. L’histoire de la magistrature sénégalaise révèle que cette dernière est plus un appareil au service du Pouvoir exécutif voire politique qu’une institution dévouée à sa société. Le pouvoir judiciaire est en principe indépendant du pouvoir exécutif et législatif. Donc les juges ne peuvent être soumis à une « injonction » de l’État. Bien entendu s’il s’agit de magistrats du siège en théorie. Cette séparation du pouvoir judiciaire avec le pourvoir exécutif et législatif constitue le fondement d’un État de droit.
L’indépendance du pouvoir judiciaire ne doit pas être entendue dans un sens absolu : les juges rendent leurs décisions sur la base des lois ou de la Constitution, bref à partir de textes qu’ils n’ont pas eux-mêmes faits ou votés. L’indépendance de la justice renvoie à sa capacité à fonctionner à l’abri de tout parti pris, de toute pression et de toute interférence. L’indépendance de la Justice est, en effet, consubstantielle à la séparation des pouvoirs et à l’État de droit. Sans une Justice indépendante, l’édifice de l’État de droit devient fragile et peut à tout instant s’écrouler. Par sa fonction d’arbitre et de protection des droits et libertés, la Justice joue tout à la fois une fonction de maintien de la cohésion sociale et de gardienne des valeurs et principes fondamentaux de la démocratie et un rôle de contrôle des actes de l’état par le conseil constitutionnel.
Mais qu’en est-il dans la pratique et les faits ?
Les injonctions données au procureur par l’exécutif dans les poursuites pénales et la violation permanente de la règle de l’inamovibilité, vidée de sa substance parle recours à deux notions à savoir la nécessité de service et l’intérim devenues la règle, affaiblissent la justice dans son fonctionnement normal. Par ces notions les juges peuvent être déplacés avec la même facilité que n’importe quel magistrat du Ministère public. Certains, à peine installés, sont mutés tandis que d’autres sont affectés du siège au Parquet et vice-versa sans aucune explication logique. En un mot, c’est l’aléa et la précarité qui règnent en maître, excluant toute possibilité de se tracer un plan de carrière1 . A la violation de cette règle de l’inamovibilité se pose le problème des nominations surtout des chefs de juridictions qui restent du domaine exclusif du Ministre de la justice et du Président de la République, de même que la prolongation de l’âge de la retraite de 65 à 68 ans. Aucun critère de transparence n’est défini à l’avance pour justifier les choix et nomination.
L’une des critiques que l’on peut faire à l’indépendance de la justice porte d’abord sur le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature qui dans sa porte les germes de sa dépendance vis-à-vis de l’exécutif. Ainsi, s’agissant de sa composition, le CSM est dirigé par le Président de la République qui en est le président et le Ministre de la Justice qui y fait office de vice-président. Il s’y ajoute que sur les seize magistrats qui siègent au sein de cet organe, douze (12) sont des membres de droit nommés par l’exécutif (le Président de la République). En outre, dans la répartition des attributions, on note que la part du lion est réservée au Ministre de la Justice et au Président de la République qui exercent respectivement le pouvoir de proposition et de nomination, les magistrats se contentant de donner leur avis qui est consultatif et qui, dans certains cas, ne lient pas l’autorité de nomination. Au regard d’une telle configuration, il est clair que le CSM du Sénégal ne peut ni incarner, ni assumer le rôle de sentinelle de l’indépendance que l’on est en droit d’attendre de lui 2 .
Ensuite l’autre manque d’indépendance de la Justice correspond à la situation du Parquet. Les magistrats du parquet jouent un rôle important dans l’administration de la justice. Étant chargé de l’exercice de l’action publique, le Ministère public est la vitrine de la justice pénale. Sous ce rapport, le Parquet conditionne pour une large part, l’idée que le peuple se fait de la justice. Or, au Sénégal, le Ministère public reste subordonné au pouvoir exécutif. Ainsi, l’article 28 du Code de procédure pénale précise que « le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, peut dénoncer au Procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre d’engager ou de faire engager les poursuites, ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le Ministre juge opportunes ». Aux termes de l’article 25 du même Code « Le Ministère public est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 28 et 29 ». D’autre part, le ministère public, qui peut recevoir des instructions écrites de la part du Ministre, dispose d’énormes pouvoirs. Cette subordination hiérarchique du parquet, permet indirectement, au Ministre de la Justice de s’immiscer dans le traitement des affaires pénales. Surtout que dans certains cas le juge d’instruction un magistrat du siège est tenu de placer sous mandat de dépôt si le ministère public le requiert sans pourvoir d’appréciation (Art. 139 CPP et Art. 50 à 155 et 255 CP). Ce qui, à l’évidence, pose un sérieux problème pour l’indépendance institutionnelle du magistrat du siège par rapport au magistrat du parquet.
En définitive, force est de constater que si l’indépendance du pouvoir judiciaire est consacrée par la Constitution, son effectivité reste tributaire des insuffisances ci-dessus énumérées qui gagneraient à être corrigées. D’où l’urgence qu’il y a à mettre en œuvre des réformes susceptibles de renforcer l’indépendance de la Justice.
Il convient alors de se poser la question pertinente : quelles réformes pour notre justice ?
Les réformes institutionnelles, fonctionnelles et organisationnelles
La justice pour répondre à sa mission et pour être bien perçue par le peuple doit faire l’objet d’une réforme profonde. D’où les réformes pertinentes proposées dans ce sujet de réflexion.
Première réforme : Mise en place d’une autorité judiciaire, renforcement de CSM et création d’un organe de contrôle du CSM appelé HCM (Haut conseil de la magistrature).
Il s’agit de faire de la justice non plus un pouvoir mais une autorité judiciaire. En effet le pouvoir judiciaire ne peut dépendre ni de l’exécutif ni du législatif, car la séparation de pouvoir fait qu’ils sont d’égale dignité. Être indépendant, c’est n’avoir « rien à craindre ni à désirer de personne » (Thierry RENOUX). La Constitution ne reconnaît explicitement que l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il faut faire soit de la justice une autorité réellement indépendante dans son fonctionnement et dans son organisation
Pour cela il faut que :
Le CSM soit un organe délibérant avec un secrétariat exécutif et un secrétariat général géré par les Magistrats eux-mêmes notamment les hauts magistrats ;
le CSM dispose d’un organe de gestion des carrières et d’un organe de sanction disciplinaire ;
les membres du CSM soient élus par leur paire et non plus nommés par le Président de la République;
le pouvoir de proposition du Ministre de la justice soit supprimé et revienne aux magistrats eux-mêmes ;
un appel à candidature ou une postulation pour chaque poste de chef de juridiction ; cette proposition à l’heur de mettre en concurrence ou en compétition les magistrats entre eux selon leur grade et ancienneté. Par ailleurs on peut utiliser deux systèmes :
La sélection de trois dossiers à soumettre au président pour leur nomination, ou l’élection par leurs pairs puis confirmation par le Président par décret après avis favorable du HCM.
L’avantage de ce système serait de fixer une durée ou un mandat pour chaque chef de juridiction et pour cela j’estime que 5anssuffisent. L’autre avantage serait que le chef de juridiction est tenu de travailler avec les magistrats nommés dans sa juridiction sans être en mesure de choisir ses collaborateurs, ce qui diminuerai largement la redevabilité ou le lien de subordination entre magistrats.
A côté du CSM, il faut mettre en place un Haut Conseil de la Magistrature (HCM) qui comprendrait le CSM représenté parle bureau exécutif d’une part et le Président de la République, le Ministre de la justice, le Bâtonnier de l’ordre des Avocats ou son représentant, le Responsable du syndicat des travailleurs de la justice et éventuellement un ou deux membres de la société civile d’autre part. ce Haut conseil de la magistrature jouera le rôle d’organe de contrôle de la régularité des actes pris par le CSM concernant la carrière, les nominations et les sanctions disciplinaires des magistrats.
Remarque : Il faut à ce niveau faire attention à la promesse donnée lors de la campagne électorale par les gouvernants actuels : Sortir du CSM. Le premier désamour de Macky avec le peuple fut son dédit sur le fait de ramener son mandat de 7 à 5ans. Le même cas s’est produit avec Wade sur la question du troisième mandat. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. C’est pourquoi le président doit respecter sa parole donnée : Gor thia wokh ba. L’idée de la création d’un HCM et de renforcement du CSM me parait plus adéquate que de lui suggérer d’y rester. Ce serait une erreur politique d’y rester. Si la modification ne porte pas les fruits escomptés, là sans honte il pourra revenir à l’ancienne méthode. Mais il faut éviter le wokh wokhète.
Deuxième réforme : la spécialisation des juridictions et des magistrats pour une bonne qualité des décisions de justice.
S’agissant de la spécialisation des juridictions, à l’image du tribunal du commerce, il faut des juridictions spécialisées dans tous les domaines notamment administrative, civile, pénale, correctionnelle, criminelle, sociale, pétrolière, gazière et minière etc… Il faut également des juridictions spécialisées pour la poursuite du blanchiment, du détournement des deniers publics et des crimes connexes notamment des crimes économiques, financiers, cybercriminels, et de terrorisme…
Concernant les magistrats, dans une société au fonctionnement de plus en plus complexe aujourd’hui, les juges doivent se spécialisés. Cela est une nécessité. La non prise en compte de la spécialisation du juge entraine une conséquence fâcheuse dans la qualité des décisions. C’est pourquoi leur recrutement doit se faire en fonction des besoins des juridictions spécialisées et ce dès le CFJ. Ce qui suppose la réforme des modes de recrutement et du mode de formation au CFJ..
La spécialisation des juridictions et des juges conduit à une plus grande compétence et efficacité de la justice.
L’avantage principal de la spécialisation est de faire juger les litiges par…des spécialistes ! C’est-à-dire par des magistrats ou des juges rompus à certains contentieux car certains contentieux sont techniques. Elle conduira à une bonne qualité des décisions de justice donc moins de contestations.
Pour exemple, un tribunal de Dakar (TGI) a jugé une affaire de droit maritime en tenant compte du COCC, alors que cette matière est régie par la convention de Hambourg et le Code de la marine marchande du Sénégal. Il méconnaissait que le « connaissement » ou le « bill of lading » est à la fois titre de voyage et titre de propriété de la marchandise. D’où l’importance de la spécialisation.
Henri Valentin B. GOMIS
Avocat à la cour
1er secrétaire de Conférence
Maitrise en Droit public option Relations internationales
Master ii en Droit de l’Homme
Master ii en Droit et gestion Maritime
Master ii en Management de l’énergie et des Ressources pétrolières
1 Article 6 de la loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats.
2 Cf. Les Cahiers de la Justice 2019/3 (N° 3), pages 483 à 495, article du juge Souleymane Téliko.
Par Mamadou Omar NDIAYE
JUBANTI LEEN BAAR BI TUUTI REK*
Les institutions dénoncées comme « inutiles » et « budgétivores » et dont la suppression avait été promise fonctionnent comme si de rien n’était. Le copinage et le népotisme affleurent dans certaines nominations
Dans un éditorial intitulé « Viatique pour nos jeunes nouveaux « maîtres » rédigé au lendemain de l’accession à la magistrature suprême de Bassirou Diomaye Faye, j’avais dit que je respecterai la règle non écrite des 100 premiers jours qui veut qu’on laisse à tout nouveau pouvoir le temps de s’installer, de prendre ses marques avant de le juger. Je me suis astreint à cet engagement malgré tout ce qui s’est passé dans ce pays depuis le 2 avril dernier. Si on me demandait mon appréciation globale sur les premières mesures du nouveau pouvoir, sur ses pas initiaux et les actes déjà posés, j’emploierais la formule qui fut celle de Georges Marchais, un défunt secrétaire général du Parti communiste français (PCF). Marchais, donc, interrogé sur le bilan des pays du « socialisme réel » avait répondu : « il est globalement positif ! » Autrement dit, et pour parler du Sénégal, dans ce qu’ont fait le président de la République et son Premier ministre — puisqu’une dyarchie semble s’être installée au sommet de l’Etat —, il y a du bon et du mauvais même si le positif l’emporte sur le négatif. Du moins, selon ma perception.
Parmi les bons points on peut mentionner la lutte contre la spéculation foncière, les mesures prises pour contrer la hausse des tarifs des transports routiers à la veille de la Tabaski, la tenue des Assises de la justice, le paiement des dettes des fournisseurs de semences et d’engrais, l’augmentation du budget de la campagne agricole et les mesures prises pour que les intrants parviennent à leurs véritables ayants droit, la baisse des prix des denrées, l’attitude de fermeté face aux meuniers. Il y a aussi le début de mise en œuvre d’une diplomatie de souveraineté et, en particulier, le recentrage du cercle de nos amitiés sur l’Afrique. Sans compter la sobriété qui semble s’être installée à la tête de l’Etat. De ce point de vue, le fait que plus de trois mois après le changement de régime il n’y ait pas encore de fondation de Première dame est plutôt de bon augure. Encore qu’on voit mal comment deux fondations auraient pu être créées étant donné que l’actuel chef de l’Etat a deux épouses. De même, la famille présidentielle n’a pas—du moins pour l’instant—envahi l’espace public. Mais surtout, surtout, aussi bien Bassirou Diomaye Faye qu’Oscar Sierra ne semblent pas vouloir s’enrichir personnellement. A ce que je sache, ils sont intègres et ont la volonté de changer positivement ce pays, de rompre ses liens de dépendance avec l’étranger.
Cela dit, les Sénégalais attendent encore que les fruits tiennent la promesse des fleurs. Pour l’essentiel, ce sont les gens de l’ancien régime qui sont toujours en place et les institutions dénoncées comme « inutiles » et « budgétivores » et dont la suppression avait été promise fonctionnent comme si de rien n’était. Avec les mêmes figures vomies du système Benno Bokk Yaakar (BBY). L’Assemblée nationale est toujours aux mains de la camarilla de cette dernière coalition. Toutes ces institutions continuent de vivre grassement aux frais du contribuable et la République est toujours bonne fille pour les hiérarques du régime du président Macky Sall. Surtout, la reddition des comptes promise à cor et à cris reste une promesse non encore honorée. Pis, les nouvelles autorités prennent tout leur temps pour traduire devant la justice les satrapes qui ont pillé nos sociétés nationales, détourné les deniers de la Nation, dilapidé nos ressources, ont ordonné ou exécuté le meurtre de dizaines de jeunes gens qui ne faisaient que manifester pacifiquement etc. Il est vrai que le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre ont fort à faire pour dégoupiller les bombes à retardement et éviter de sauter sur les mines enfouies par le chef de l’Erat sortant. Avançant en terrain miné, ils sont obligés de faire très attention à là où ils mettent les pieds. Surtout que la nouvelle opposition, disposant de moyens financiers inouïs et de solides relais médiatiques, ne fait pas mystère de sa volonté de mener une contre-révolution.
Il n’en reste pas moins que le duo Diomaye-Sonko a pris des mesures qui sont sujettes à caution ou qui poussent à lui instruire un procès en impréparation. Cet amateurisme a transparu surtout dans les nominations où, franchement, il y a beaucoup de tâtonnements et d’approximations. Le copinage et le népotisme affleurent dans certaines d’entre elles. Mais surtout, ce qui inquiète, c’est cette volonté de « pastéfiser » le management des sociétés et agences nationales ainsi que les directions centrales de l’Administration. Des hommes et des femmes qui n’ont pas le profil de l’emploi sont promus à des responsabilités manifestement trop lourdes pour eux. Leur seule mérite, c’est l’appartenance à Pastef ou d’être passés par la case prison voire d’avoir été sanctionnés pour leurs activités politiques ! Or, les états de services militants ou antécédents carcéraux pour raisons politiques ne sauraient valoir brevets d’aptitudes aux hautes fonctions étatiques ou managériales !
Ne pas « ennahda-iser » notre administration !
Entendons-nous bien : dans toutes les grandes sociétés démocratiques, il y a ce qu’on appelle le « spoil system ». Lisons la définition qu’en donne l’encyclopédie Wikipedia : « Le système des dépouilles est un principe selon lequel un nouveau gouvernement, devant pouvoir compter sur la loyauté partisane des fonctionnaires, substitue des fidèles à ceux qui sont en place. Cette tradition permet de régénérer les élites de la haute administration en incorporant souvent des profils très spécifiques… » Lorsqu’il y a eu une levée de boucliers au lendemain des premières nominations effectuées par le président de la République Bassirou Diomaye Faye — qui, en vertu de la Constitution, nomme aux emplois civils et militaires —, nous avions écrit dans ces colonnes qu’il était parfaitement fondé à mettre en œuvre son « spoil system ». Cela, nul ne saurait lui en dénier le droit. Tout ce qu’on lui demande, c’est de veiller à choisir les bons profils et non pas à « ennahda-iser » notre Administration ! Quand les islamistes du parti tunisien Ennahda ont accédé au pouvoir, ils ont non seulement fait exploser les effectifs de la Fonction publique mais surtout ils ont responsabilisé des cadres de leur parti notoirement incompétents. Au bout de quelques mois, ils ont été chassés par les Tunisiens. Je rappelais d’ailleurs sous forme de mise en garde cet épisode tunisien dans mon « Viatique pour nos jeunes nouveaux « maîtres » d’avril dernier.
Dans ce même éditorial, je disais comprendre que ces derniers soient tenus de récompenser ceux qui avaient mené avec eux la lutte pour l’accession au pouvoir du « Projet ». Voici ce que j’écrivais à ce propos : « Certes, des centaines voire des milliers de militants ont investi dans le « Projet », que ce soit sur le plan intellectuel, sur le plan matériel ou surtout financier, s’ils ne se sont investis physiquement. D’aucuns parmi eux ont payé leur engagement par l’emprisonnement, la perte de leur emploi ou la privation de revenus. Je ne parle évidemment pas de ceux qui ont été tués. Tous ces gens veulent donc un retour sur investissement et leur part du gâteau. Ils exigent leur place au banquet de la République. C’est normal, légitime puisqu’ils ont misé et gagné. Ce n’est donc que justice qu’ils soient rétribués. Seulement voilà, il faudra faire la part des choses et trouver le juste équilibre entre la nécessité de récompenser les militants et les alliés, d’une part, l’impératif de produire des résultats au niveau de l’Etat de l’autre ! » Tout est question de juste mesure et il ne faut point trop en faire en matière de propulsion de cadres « patriotes » aux « stations » (comme disait Idrissa Seck) de l’Etat ! Entre les institutions politiques comme l’Assemblée nationale ou le Conseil économique et social, les personnels subalternes des ambassades, quelques postes de second ordre dans les sociétés nationales, des marchés publics, des financements au niveau d’organismes comme la Der et j’en passe, les fonctions de chargés de missions ou conseillers spéciaux, les présidences de conseils d’administration,…il existe des possibilités infinies pour un parti au pouvoir de récompenser la fidélité militante de ses affidés. Encore faudrait-il veiller à ne pas installer un régime des anciens combattants ! Dans certains pays du continent qui ont dû mener des luttes de libération nationale, les anciens maquisards, une fois l’indépendance obtenue, se sont partagé les postes de responsabilités alors qu’ils n’avaient aucune aptitude à gérer. Résultat : des Etats en faillite. Il faut que les promoteurs du « Projet » évitent de reproduire ce schéma dans notre pays. Pour obtenir des résultats, ils doivent aller chercher les meilleurs où qu’ils soient : dans Pastef s’il y en a, dans la nouvelle opposition pourquoi pas pourvu qu’ils ne traînent pas des casseroles, dans la diaspora. L’essentiel, c’est de faire gagner le Sénégal. Pour cela, à défaut de placer la barre plus haut que les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, au moins la mettre au même niveau qu’eux !
Soyons justes : le président et son Premier ministre ont fait de très bons choix pour ce qui est des forces de défense et de sécurité en nommant les généraux Martin Faye et Mame Thierno Ndour à la tête de la Gendarmerie et de la Police, en promouvant pour la première fois un cadre maison pour diriger l’Administration pénitentiaire, en revenant à l’orthodoxie à la Banque Agricole et à la BNDE pour mettre des banquiers professionnels aux commandes de ces deux établissements à la place des inspecteurs des impôts et domaines, en choisissant le secrétaire général de la Senelec pour en faire le directeur général etc. La liste n’est pas exhaustive. Pour ces cas-là, ils ont eu la main heureuse.
Par contre, il y a eu des nominations calamiteuses qui font douter dans certains milieux pourtant très bien disposés à leur endroit de leur aptitude à bien s’entourer. Et, donc, à pouvoir diriger ce pays. S’agissant du gouvernement, on s’attendait à une équipe de pros immédiatement opérationnels, force est de constater que, trois mois après, certains ministres se cherchent encore. A comparer avec l’équipe du nouveau Premier ministre britannique qui s’est mise à la tâche dès le lendemain de sa formation !
A mort les vieux !
Au chapitre des mauvais points, l’économie qui ne bouge toujours pas. Ne parlons pas de décoller ! Encore que trois mois, ça soit trop peu pour faire quoi que ce soit. Mais le problème c’est qu’il n’y a pas de visibilité, pas de direction claire. Tout est bloqué et les TPE-PME-PMI sont à l’article de la mort. Là aussi, je ne suis pas surpris puisque j’avais prévu cette situation dans mon « viatique ». « Dette stratosphérique, recettes en berne, dépenses qui explosent, masse salariale exponentielle, subventions ruineuses…Le tableau est effrayant. Il faudra effectuer des coupes claires pour ne pas dire qu’à court terme, un ajustement structurel nous paraît inévitable. Pour cela, il faudra tenir un langage de vérité aux populations dès le départ en leur faisant une présentation sans fard de l’héritage en matière économique pour leur faire accepter d’inévitables sacrifices ». Voilà ce que j’écrivais et c’est exactement ce qui se passe mais les nouvelles autorités rechignent à tenir un langage de vérité aux populations. Au contraire, elles font dans le populisme à quatre sous, caressent nos compatriotes dans le sens du poil, promettent en dépit du bon sens de raser gratis, font entrevoir des lendemains qui chantent sans dire que ceux-ci sont impossibles sans que les Sénégalais se (re)mettent véritablement au travail et apprennent à se discipliner. Un populisme qui les pousse à jouer les vertueux et innocents travailleurs contre les patrons pourris et sans cœur, à miser sur les jeunes au détriment des vieux qui doivent dégager, à draguer les ambulants et autres acteurs de l’informel responsables de tout le bazar dans nos villes etc. Le jeunisme, donc, et au rebut les vieux… sauf si ce sont des marabouts.
Il me semble aussi que les deux hommes forts du pays ont toujours tendance à se considérer comme des inspecteurs des impôts plutôt que comme le président de la République et le Premier ministre ! Parfois, des amis, dont je sais qu’ils ont ardemment soutenu le « Projet », m’appellent : « khana tu ne peux pas parler à tes gosses-là ? » J’ai beau leur expliquer que, bien que j’aie soutenu leur lutte, je ne suis pas un « maggu Pastef » et je ne murmure pas aux oreilles des nouvelles autorités de ce pays, mieux que je n’ai pas eu l’honneur de parler à un seul de ces braves jeunes gens — à l’exception d’un coup de fil échangé avec mon jeune frère, le général Jean-Baptiste Tine, ministre de l’Intérieur, pour un rendez-vous finalement avorté —, j’ai beau leur dire tout cela mes interlocuteurs ne me croient pas. C’est pourtant la stricte vérité.
Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko n’en sont qu’au début de leur « règne ». C’est donc normal qu’ils commettent des maladresses à la manière d’un enfant qui apprend à marcher et qui multiplie les chutes avant de se relever à chaque fois. Ils ont donc la possibilité de redresser la barre, de corriger certaines lacunes car, comme disent les Wolof, « bant bu toyé la ñu koy jubanti ». Autrement dit, c’est avant qu’il ne sèche qu’on peut redresser un bout de bois !
Pour me résumer, ils ont fait beaucoup de bonnes choses en 100 jours mais aussi, nul n’est parfait, commis des boulettes. Néanmoins, si on devait demander au sévère correcteur que je suis de les noter, je leurs donnerais une note de 12/20 assortie de l’appréciation suivante : « Bien, mais peuvent mieux faire » !