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25 novembre 2024
Opinions
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
UNE BRIQUE DE PLUS SUR LE MUR
EXCLUSIF SENEPLUS - "Cours constitutionnelle ", "juge des libertés", "parquet financier"... Le dialogue national va s’ouvrir sous forme d’atelier de réflexion avec beaucoup d’acteurs-usurpateurs dont la pensée reflète une rhétorique de la colonialité
Deux mois après l’accession au pouvoir de « Diomaye moy Sonko » et à moins de 90 jours du délai de grâce, beaucoup d’interrogations fusent sur le rythme de la transition avec une impatience sociale marquée.
Tous les actes posés par la nouvelle gouvernance alimentent le désir de rupture transformationnelle dans le sillage de la transition en douceur sans encore remettre en cause les fondements de l’ancien régime.
L’état de la nation est à un niveau de délitement tel que les rapports des corps de contrôle publiés ne sont que la partie visible de l’iceberg. Délitements juridique, social, économique, culturel scientifique, moral, mental, etc. Les ressorts de l’édifice social sont rouillés.
Le mal est si profond qu’il serait réactionnaire de résumer le remède au seul désir, si légitime soit-il, de rendre gorge à quelques agneaux du sacrifice et oublier de faire la clinique de l’industrie du pillage systémique du peuple par la bande à Macky qui malgré sa posture d’opposition en papier paralysée, n’en demeure pas moins riche comme crésus et une menace insidieuse pour la République.
Le droit d’inventaire global de la gouvernance Macky est une exigence démocratique. Un inventaire disais-je, qui doit être matérialisé par un discours fondateur de la nouvelle République que nous n’avons pas encore entendu.
Le changement du régime le plus prédateur de l’histoire politique du Sénégal justifie un changement de feuille de route avec des sacrifices collectifs avant de pouvoir récolter le dividende à partir de la cinquième année du mandat de « Diomaye moy Sonko » à travers une feuille de route atteignable, mais surtout mesurable sur le panier des ménages.
Le discours fondateur de la quatrième République devrait clarifier les axes majeurs. Il faut revisiter le champ lexical usité : "rupture" transformation" "projet" est, pour le moins, une analyse bateau de la caractérisation de la chute de l'ancien régime et pour le plus, une erreur de syntaxe socio-politique.
Ce qui se passe sous nos yeux depuis ces cinq dernières années est la matérialisation d'une véritable mutation qu'il faut historiciser pour comprendre le défi et les dynamiques longitudinales qui le structurent.
Un "projet" est toujours l'instrument d'une vision. Quelle est la vision que décline le "projet" ?
Le dialogue national va s’ouvrir sous forme d’atelier de réflexion avec beaucoup d’acteurs-usurpateurs dont la pensée est un ressassement d’une rhétorique suant la colonialité.
Sur un autre plan, moderniser signifie-t-il faire mieux ? Tout ce qui est moderne est-il bon ? Il y a un fétichisme de l'État de droit colonialo-centré. Toujours des mimétismes béats : "Cours constitutionnelle ", "juge des libertés", "parquet financier", etc. Ne devrait-on pas convoquer la constituante indépendante et écrire en lettres gravées sur le marbre de l’espoir renaissant un programme de transition digeste ?
Où est le peuple souverain dans tout ça ? Nous posons juste les premières pierres du Sénégal des siècles à venir, pourquoi courons-nous comme des forcenés ? Une enquête sociologique exhaustive faisant ressortir entre autres, comment le Sénégalais exclu des lieux de production du savoir colonial veut être gouverné et par quels prototypes de gouvernants est crucial.
Au final il s’agit de nous regarder tel que nous sommes. Une pierre de l'édifice de la quatrième République, au lieu de nous prendre pour l'édifice lui-même " we are just another brick in the wall" Réécoutons Pink Floyd ! dans " the wall". Nous sommes juste une brique de plus sur le mur.
par Babacar Gaye
GARES AUX DÉRIVES
C'est saugrenue que le président s'aplatisse pour laisser à son Premier ministre, exercer ses prérogatives constitutionnelles en matière de défense et de politique étrangère. C'est Bassirou Diomaye Faye qui a été élu
Les récentes attitudes du Premier ministre m'amènent à poser le débat sur les prémices d'un désordre institutionnel. Que les adeptes de la pensée unique et les théoriciens de l'état de grâce - qui ne saurait être une période de non-droit -, me comprennent : je ne suis pas dans des considérations politiciennes. Seuls la rigueur intellectuelle et un attachement viscéral à la légalité constitutionnelle fondent ma sortie. Car, ce que je considère comme les dérives anticonstitutionnelles du premier m'inquiète.
Brefs rappels historiques
Au Sénégal, la réforme constitutionnelle du 22 février 1970 s'est principalement caractérisée par la réintroduction de la notion de gouvernement avec un chef de gouvernement distinct du Président de la République, système qui avait été abandonné et remplacé par un Exécutif monocéphal. La réforme était destinée à corriger les excès et les insuffisances du régime présidentiel en vigueur depuis 1963, et a instauré un régime hybride dit présidentialiste.
En dépit des parenthèses de suppression du poste de Premier ministre, la survivance du présidentialisme renforcé reste constante. Cependant avec la troisième alternance survenue le 25 mars 2024, on est en train de s'installer dans une dyarchie de fait au sommet de l'Etat : un président de la République qui inaugure les chrysanthèmes dont l'autorité semble s'effilocher au profit d'un hyper Premier Ministre qui marche sur ses plates bandes et empiète sur son domaine réservé.
Pour les non initiés, le domaine réservé est une expression juridico-politique non écrite dans la Constitution, qui désigne la compétence particulière et exclusive du Président de la République. Il exclut l'ingérence de toute autre personne.
La théorie du " domaine réservé " résulte de la pratique des institutions françaises de la Ve République. Même non écrite, elle organise la dyarchie du pouvoir exécutif que représente le couple politique formé par le Président de la République et le Premier Ministre, chef du gouvernement.
En France, la Constitution de 1958 qui efface les avatars de l'instabilité institutionnelle de la IVe République, confère exclusivement au président de la République, des pouvoirs en matière de défense nationale et de politique étrangère. Au-delà de ces pouvoirs reconnus par la Constitution, la pratique institutionnelle donne une large place au président de la République dans son domaine réservé depuis la fameuse formule du président Jacques Chaban-Delmas, du haut de son perchoir du Palais Bourbon en 1959.
Au demeurant, toujours en France, cela ne signifie pas que la politique étrangère et celle de défense relèvent du pouvoir exclusif du président de la République. Le gouvernement, lui aussi, dispose de larges prérogatives du fait du rôle prééminent du Premier Ministre dans la détermination et la conduite des affaires publiques.
C'est en période de cohabitation que la notion de “domaine partagé” qu'apparaît, pour respecter l'esprit de la Constitution de 1958 qui confère des pouvoirs propres au Premier ministre qui “détermine la politique de la Nation” (art 20) et est “responsable de la défense nationale” (art 21)
A contrario, même si le régime politique sénégalais s'inspire largement de l'organisation des pouvoirs politiques de la Ve République, il s'en démarque très vite par la centralité du Président de la République dans la gestion de l'Etat.
Le régime présidentialiste
En effet, au Sénégal, “le président de la République détermine la politique de la Nation” (art 42 alinéa 4) et garde la main sur l'essentiel des compétences du pouvoir exécutif. Aussi, “le président de la République est-il responsable de la Défense nationale.” (Art 45)
En outre, le Président de la République garde la haute main sur la politique étrangère. Car, “Les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui.” (Art 46 - alinéa 2)
Alors que le Chef du Gouvernement devrait se contenter de son rôle de conduite et d'exécution des politiques publiques en vertu des dispositions de la Constitution en son article 53 qui indique: “le gouvernement conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier ministre”. Il est à la fois responsable devant l'Assemblée nationale et devant le président de la République qui peut le démettre à tout moment.
Même si en vertu de l'article 50 de la Constitution, “Le Président de la République peut déléguer par décret, certains pouvoirs au Premier Ministre ou aux autres membres du Gouvernement” (ce qui n'est pas encore le cas), en sont exclus les pouvoirs prévus par les articles 42 (la détermination de la politique de la Nation), 46 (la diplomatie, la politique étrangère)....
Ousmane Sonko, Président du parti Pastef, membre de la Coalition Diomaye président, pouvait se permettre durant la campagne électorale, toute déclaration d'intention sur l'organisation de la Défense nationale, la politique étrangère du Sénégal et tutti quanti. Une fois nommé Premier ministre, il doit inscrire son action et calibrer ses déclarations itérativement gênantes sur son domaine de compétences, en évitant de traiter des questions qui relèvent des pouvoirs propres et exclusifs du Président de la République. Alioune Tine en des mots particulièrement choisis, d'ailleurs, a alerté dans ce sens.
Tout républicain a été gêné d'entendre Sonko annoncer devant Mélenchon, “la volonté du Sénégal de disposer de lui-même, laquelle volonté est incompatible avec la présence de base militaire étrangère.” Il ne devait pas en être l'auteur et Mélenchon, le destinataire. Les politiques de défense et de coopération militaire sont en effet du domaine réservé du président de la République.
Naguère, Ousmane Sonko annonçait aussi une série de tournées dans les pays dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par un coup d'Etat, comme s'il cherchait à prendre le contrepied du président de la République qui entamait des visites de travail et d'amitié dans les pays qu'il estime fréquentables.
Qui plus est, l'on a constaté ces derniers jours, un ballet diplomatique dans le bureau du Premier ministre qui brûle ainsi la politesse au président de la République en recevant les ambassadeurs de France, des Etats-Unis, du Maroc …. Ont-ils discuté des nouveaux axes diplomatiques que le Sénégal a adoptés à l'égard de leur pays respectif ? Depuis quand le Premier ministre est-il l'interlocuteur des ambassadeurs accrédités auprès au Sénégal ? Ces plénipotentiaires considèrent-ils Ousmane Sonko comme leur porte d'entrée dans leur volonté mal contenue de réchauffer des relations diplomatiques cahoteuses, ponctuées de déclarations acariâtres et peu accommodantes du président de Pastef ?
Certes, de tradition, les Premiers ministres ont toujours reçu des ambassadeurs et représentants d'organisations internationales, mais c'est quand même saugrenue que le président Diomaye Faye s'aplatisse de cette manière pour laisser à son Premier ministre, exercer ses prérogatives constitutionnelles en matière de Défense et de politique étrangère. Le souligner est un devoir républicain. Cela ne relève point d'une transgression de la règle non écrite de “l'état de grâce” qui, sans être une période de non-droit, s'impose à nous tous. C'est plutôt, une une belle occasion pour attirer l'attention de l'opinion sur les risques de dérive d'une dyarchie constitutionnelle qui ne dit pas son nom et qui s'installe de manière pernicieuse.
Sonko n'est pas Diomaye. Il n'est pas non plus un président-bis, encore moins un vice-président. En attendant l'organisation d'un référendum constitutionnel ou l'avènement d'une majorité parlementaire confortable pour instaurer une dyarchie qui s'apparenterait au couple Senghor-Dia - ce qui semble être la volonté du nouveau régime - Ousmane Sonko doit s'abstenir de piétiner la Constitution et se résoudre à accepter la rigueur implacable du suffrage universel. C'est Bassirou Diomaye Faye qui a été élu. Quand bien même, sans Sonko, cela aurait été plus difficile. Mais cela ne doit pas justifier qu'il surfe sur cette légitimité politique pour bouleverser l'ordre constitutionnel.
Pour conclure, avec des références itératives et quasi idolâtriques à l'ancien président du Conseil, Mamadou Dia, Ousmane Sonko semble vouloir créer une dualité au sommet de l'Etat. A mon avis, aucune ambition ne devrait ressusciter le bicéphalisme qui a plongé le Sénégal dans une grave crise politique en décembre 1962.
Babacar Gaye est ancien ministre d’Etat et leader du Mouvement Mankoo Mucc.
par Youssoupha Mbargane Guissé
LE RÔLE DES SCIENCES SOCIALES DANS LE COMBAT POUR LA SOUVERAINETÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour un véritable développement de l'Afrique, sa gouvernance doit s'approprier la sociologie et mieux comprendre les dynamiques sociales en jeu, afin de répondre aux aspirations des populations
Le modèle de développement économique extraverti et dépendant en œuvre dans la plupart des Etats-nations en Afrique dont le Sénégal, se fonde sur la loi de l’exploitation et du surprofit capitaliste et protège dans l’absolu les gros intérêts économiques, financiers et commerciaux étrangers internationaux. Un tel système ne profite qu’aux élites compradores au pouvoir et à leurs alliés des réseaux affairistes et s’est renforcé avec l’application drastique des Programmes d’Ajustement Structurel de la Banque mondiale et le FMI au début des années 80. La privation imposée de l’économie a démantelé les filières de production et les acquis sociaux, accentuant l’appauvrissement des populations. Ce modèle économique se focalise en priorité sur la productivité et les surprofits et écarte dans ses choix, options et programmes d’investissement, la qualité de vie des populations ainsi que les facteurs culturels constitutifs de leur personnalité et de leur dignité. Il en découle un mode de production des connaissances et des savoirs sur nos sociétés qui accorde une suprématie aux données quantitatives et statistiques au détriment des recherches sociales profitables aux aspirations des populations et aux intérêts stratégiques des Etats africains. Les données sociologiques, anthropologiques et culturelles ne sont pas pris en compte en réalité, alors qu’ils devraient approfondir et compléter les analyses des données fournies par les enquêtes quantitatives.
L’on assiste plutôt à une tyrannie des chiffres et à la promesse d’un hypothétique « développement durable » qui ne trompe plus personne. Ainsi, dans le modèle ce développement capitaliste dit parfois aussi « développement humain », disparaissent de la scène les véritables producteurs, les bénéficiaires légitimes et les ayant droits souverains de la production des richesses, c’est à dire le peuple travailleur. Ce système hégémonique de production de connaissances se perpétue par le rapport de force imposé par la domination politique et financière. En effet les fonds d’investissement de plusieurs milliards de FCA des prêts consentis sont décaissés par l’Etat au bénéfice en retour de commande aux sociétés et multinationales, aux investisseurs et des cabinets de consultance étrangers. Tel est le système, fermé sur lui-même autour des surprofits de groupes privés étrangers. L’argent retourne à ceux qui l’ont donné avec bénéfices et intérêts. Tel un serpent qui mord sa propre queue.
Le financement national de la recherche s’impose alors comme un instrument de souveraineté absolu à laquelle l’Etat souverain ne peut déroger au risque certain de perpétuer la dépendance structurelle. Il doit marquer la rupture nécessaire dans la production des sciences en dotant les instituts et centres de recherche de moyens financiers et matériels accrus pour former la masse critique indispensable à un développement scientifique d’envergure. En effet, les résultats scientifiques doivent servir à l’élaboration de politiques publiques pertinentes et vigoureuses dont la réussite bénéficie à toute la communauté nationale et consolide le renouveau collectif.
Les défis conceptuels de la transition
Les grands défis conceptuels de la transition historique de nos sociétés se heurte à l’emprise de l’universalisme occidental faisant subir à nos universités africaines et académies les méthodes et approches de l’eurocentrisme selon Boubacar Ly. (1989). [1] Il est indispensable dès lors de relever ces défis pour analyser les dynamiques et élaborer des stratégies d’anticipation sur les évolutions et les changements. Face au monopole et l’hégémonie de production, de diffusion et d’évaluation des savoirs par le monde occidental, l’urgence de l’autonomie conceptuelle des Africains et de la reconstruction identitaire exige en effet de « problématiser le choix de représentation du passé qui est celui de la sélection des futurs » souligne avec pertinence Mamadou Diouf (2000 :337).[2] Cela présuppose l’approche pluridisciplinaire, « la conjonction de méthodes d’inspirations théoriques et de sources documentaires d’origines disciplinaires variées » (Copans 1990 : 143 )[3]permettant de comprendre les transformations sociales et culturelles en termes de dynamique de la totalité et non de fragments. Ainsi le cloisonnement étanche entre les sciences sociales et les sciences de la nature doit être revu dans la problématique d’une approche holistique et totalisante des objets, réalités et processus. Les technologies numériques, et certaines possibilités ouvertes par les nouveaux progrès dans le domaine de l’intelligence, doivent affiner les analyses prospectives et la prévision stratégique.
La construction de la modernité africaine est notre destin inexorable ; elle passe nécessairement par l’autonomie conceptuelle et la souveraineté politique du continent. Cette modernité exige le renforcement des communautés scientifiques africaines dans tous les domaines et disciplines. Celles-ci doivent avoir la capacité d’élaborer les outils conceptuels nécessaires à l’analyse et à la compréhension renouvelées des situations complexes de transition. La sécurisation de la souveraineté acquise contre l’impérialisme qui ne laissera jamais tomber, le maintien vigilant de l’unité et de la cohésion sociale dans chaque pays, la construction d’une armature politique panafricaine de solidarité, le relèvement sensible du niveau de vie des masses, sont les premiers défis de la transition.
Comprendre la complexité
Les sciences sociales sont en effet un enjeu de taille car elles permettent de comprendre la complexité du monde actuel et les transformations en cours sur le continent africain. Elles donnent un éclairage indispensable sur l’environnement, les rapports sociaux, les pratiques sociales et culturelles, l’état des besoins Elles renseignent également sur les paramètres des tensions qui se développent dans la formation sociale à diverses échelles et ouvrent les voies politiques consensuelles de les résorber. C’est pourquoi les sciences sociales doivent dans leur unité globale et critique et leur renouvellement constant, constituer le noyau de connaissance politique de l’État et non la dépendance conceptuelle structurelle à l’égard des idéologues et stratèges de l’Occident.
Les sciences sociales doivent animer le changement social en Afrique en indiquant les tendances, les contours et leur opérationnalité. Toute l’histoire du développement économique et social, toute l’expérience de la construction de la modernité dans les sociétés avancées du monde, montrent le rôle capital joué par les sciences sociales dans toutes les innovations, dans la lutte idéologique pour l’éveil intellectuel des groupes dominés, dans les progrès politiques et les acquis sociaux pour les masses. Elles ont contribué de manière décisive à produire des savoirs pertinents sur lesquels les États, les industriels, les institutions, les communautés, les personnalités et leaders ont fondé leurs politiques, leurs programmes et leurs stratégies d’action et d’intervention ainsi que l’évaluation de celles-ci.
Les dynamiques de changement
L’expansion du capitalisme libéral produit partout dans le monde actuel de multiples déséquilibres et transformations des sociétés. Ainsi des mutations économiques, sociales et culturelles subséquentes, souvent rapides ou brutales, ont cours touchant les rapports entre l’État et la société, les rapports de classe, les relations de genre, de génération, d’ethnies et de régions, les questions écologiques, éthiques et morales. L’environnement de la pauvreté, la précarité existentielle et l’insécurité travaillent les individus et les communautés qui s’engagent alors dans la recherche de solutions échappatoires inédites et multiformes de résistance et de survie. La migration clandestine massive des jeunes en constitue une actualité bouleversante.
Tous ces processus sont rendus d’autant plus complexes et enchevêtrés qu’ils s’accomplissent à l’intérieur de mouvements incessants de décompositions et de recompositions sociologiques, démographiques et culturelles, à l’échelle urbaine et rurale. Une diversité d’acteurs émerge à la recherche d’identités plurielles, parfois contradictoires, développant des stratégies multiformes, réactivant formes sociales et survivances anciennes afin de s’approprier les nouvelles opportunités.
Des reclassements sociaux s’opèrent, se développent aussi des phénomènes de déclassement et de marginalisation sociale, lit de la violence dans ses formes réelles ou symboliques et expiatoires. L’ensemble de ces phénomènes liés les uns les autres montrent, si on en fait la projection sur les décennies à venir, une tendance lourde porteuse de crise et de bouleversements, si les révolutions en cours n’anticipent leur résorption. Au niveau politique central, dirigeants au pouvoir, élites, catégories dominantes et clientèles s’activent pour se repositionner dans le système et pérenniser le statut quo à leur profit. C’est ainsi d’ailleurs que le bloc hégémonique d’Etat au pouvoir, avec le soutien de ses segments et réseaux clientélistes, instaure la violence comme mode de gestion politique, face aux luttes démocratiques, citoyennes et à la résistance populaire.
Il est établi que la tendance de culminer à un régime de dictature est caractéristique du capitalisme impérialiste, lorsque la crise économique et la perte de légitimité atteignent le seuil critique de rupture. Ce phénomène de mutation politique a été douloureusement vécu par le peuple sénégalais sous le régime défait du président Macky Sall au sein duquel une mafia politique ethniciste a pris en otage la République, instaurant une culture de la corruption massive et de manipulations, généralisant à grande échelle la spoliation des ressources nationales, pratiquant maltraitance, tortures et tueries sur l’opposition et les masses. L’exercice de la violence d’Etat, de la répression policière et des crimes de sang, ont entrainé des troubles psychologiques et des pathologies auprès des victimes et des familles. Face au pouvoir répressif, les jeunes, les femmes et les masses ont cependant organisé la résistance en créant sur tous les terrains de la confrontation, des formes inédites de luttes profondément inspirées de la culture et des traditions. L’incroyable richesse des créations dans la communication déployée dans les réseaux sociaux au rythme des luttes, mais surtout l’immense phénomène de la « Sonkorisation » en sont des illustrations exemplaires.
Tous ces changements et inédits de la lutte populaire de résistance pour la souveraineté du pays et une voie endogène du développement, sont un champ d’études à approfondir pour connaitre la structure et les transformations du néocolonialisme, confronté à sa remise en cause radicale. Il faut dans ce sens des études à faire, prendre en considération une reconfiguration de l’espace politico-intellectuel du pays avec la montée en puissance des élites intellectuelles traditionnelles et religieux dont les analyses dans les débats de portée stratégique, ont été des contributions de grande valeur. Le plus remarquable est le phénoménal leadership du président du Pastef, Ousmane Sonko. Il constitue sans doute un sujet d’étude pour comprendre les racines socio-anthropologiques, les sources culturelles et spirituelles inspiratrices de cette révolution, de même les formes politiques tactiques inédites déployées pour triompher du régime du président Macky Sall. Il restera des études comparatives de toutes ces expériences de subversion de l’ordre néocolonial dans la région commune du Sahel et dans toutes les autres régions du continent. Il est nécessaire en effet pour tous les avant-gardes révolutionnaires et patriotiques sur le continent, d’accumuler une somme de connaissances relativement complètes sur le basculement historique en cours de l’Afrique vers son destin libre. C’est la condition pour établir les fondements de programmes stratégiques communs, soutenus par une puissante coordination politique des luttes sur le continent et dans la Diaspora.
S’appuyer sur les données des recherches
La gouvernance pour la souveraineté politique et le développement économique endogène de l’Afrique, doit s’approprier l’imagination sociologique,[4] s’appuyer sur la recherche sociale et s’imprégner des connaissances produites sur les hommes, les cultures, les milieux, les relations, les vécus et aspirations afin d’avoir une meilleure compréhension des dynamiques et tendances qui s’affirment. Les sciences sociales prises ainsi dans une approche pluridisciplinaire, ont un rôle de régulation et d’orientation dans l’application et l’évaluation des politiques sociales de l’État souverain, des pouvoirs municipaux, des organisations et institutions de la société civile. L’État souverain et tous les secteurs de production et d’échanges doivent ainsi accroitre leurs propres capacités d’anticipation, de suivi et de traitement articulé des problèmes à l’échelle locale et nationale, régionale et continentale.
Partenariat, cohésion et synergie
La politique doit être le renforcement des institutions et réseaux de recherche régionaux et panafricains, la mobilité des chercheurs-enseignants, des systèmes d’évaluation de très haut niveau, les publications scientifiques et de vulgarisation, mais aussi de promotion et de distinction honorifique de nos scientifiques et savants. Une attention particulière doit être accordée aux jeunes générations de chercheurs et enseignants pour la constitution d’une masse critique capable de prendre en charge les nouveaux paradigmes et de traiter les défis méthodologiques et thématiques. La génération précédente encore disponible pour l’enseignement et la formation à la recherche ne devrait pas être écartée par une mise à la retraite pour des raisons budgétaires, compte tenu des énormes besoins d’encadrement des étudiants. Une telle conception bureaucratique de tradition administrative coloniale étroite, nous semble désastreuse pour la continuité, le renouvellement et la performance dans nos universités et centres de recherche. Elle rompt d’ailleurs avec nos traditions africaines selon lesquels les jeunes apprennent des anciens qui eux, ont cheminé le plus longtemps avec Dieu. Les grandes universités les plus prestigieuses des pays développés du monde gardent toujours quant à elles, leurs vieux savants en activité pour encadrer des jeunes équipes hyper-inventives et performantes, assurant ainsi leur suprématie scientifique et d’innovation sur le reste du monde, dont précisément l’Afrique.
L’exploitation des résultats de la recherche sociale et leur valorisation servent à renforcer la vision politique stratégique de l’Etat souverain, appuyer les politiques publiques et la performance des entreprises privées nationales. La protection des inventions en brevets et du droit de propriété doit être assurée pour les intérêts des chercheurs, de l’État souverain et des institutions. L’objectif est de fonder les bases solides d’une culture scientifique partagée en mettant en place des infrastructures de publication, de traduction pour la vulgarisation dans les langues africaines les connaissances scientifiques au profit de la jeunesse, des femmes, des travailleurs, des associations et communautés de base. Les retombées en seront la rénovation certaine de la pensée sociale, le développement intellectuel supérieur et l’éveil de conscience des masses africaines. Une telle synergie par la mise en commun des moyens et le partage des résultats dans tous les secteurs, doit s’adosser sur une intégration des recherches aux niveaux régional et continental. Nkrumah[5] soulignait : « l’unité politique du continent est la condition du développement rapide non seulement de chaque pays, mais de tous les pays ». L’Afrique doit donc redevenir un foyer continental de rayonnement scientifique et d’innovation technologique digne de son héritage pharaonique. C’est l’une des grandes taches fécondes de la révolution africaine en marche.
[1] Boubacar Ly. (1989). Problèmes épistémologiques et méthodologiques des Sciences sociales en Afrique. Dakar : éd. UNESCO/CODESRIA.
[2] Mamadou Diouf (2000). Des historiens et des histoires, pourquoi faire ? L’histoire africaine entre l’État et les communautés. Canada : ICAS/RCA 34 :2.200, p.337.
[4] Charles W. Mills. (1959). L’imagination sociologique. Londres: Oxford University Press.
[5] Kwame Nkrumah (1964). L’Afrique doit s’unir. Paris, Présence Africaine.
Par Niaga BACAPA
DOUCEMENT, LA REPUBLIQUE EST PRESSEE
Toute histoire a un commencement et les péripéties qui ont abouti à l’accession du président Diomaye à la magistrature suprême nous incitent à penser que le 24 mars 2024 est une date fatidique
Il peut paraitre excessif et même hasardeux que de choisir un événement dans la vie d’une Nation pour en faire le début d’un bouleversement politique et socioéconomique d’envergure. Mais toute histoire a un commencement et les péripéties qui ont abouti à l’accession du président Diomaye à la magistrature suprême nous incitent à penser que le 24 mars 2024 est une date fatidique.
La troisième alternance de notre histoire politique a une couleur, des sonorités et des senteurs singulières et l’on a l’impression depuis ce jour, qu’un halo tout particulier a envahi nos cieux. J’ai le sentiment que cette atmosphère jubilatoire et même extatique embrume encore certains cerveaux qui, juste un mois après l’installation du nouveau régime, réclament déjà des résultats et des changements.
Cette ridicule et naïve attitude doit cependant interpeller tous ceux qui, enchantés par ce changement, car convaincus que le Sénégal a aujourd’hui entre ses mains l’occasion idéale de se mettre sur orbite, gardent cependant leur sérénité et ne se laissent pas prendre dans le vicieux piège de l’euphorie débordante et enivrante. Les routes de l’émergence et le chemin du développement, on ne les emprunte pas en se hâtant imprudemment ni en se précipitant. Les sorties de piste y sont trop fréquentes. On y marche résolument et fièrement d’un pas cadencé et rythmé parce que mesuré et calibré.
Les raccourcis sont aussi à éviter ; et ceux qui se sont déjà aventurés dans des endroits inconnus savent que les chemins de traverse ne sont jamais ni les plus courts ni les plus sûrs, même s’ils vous ont été indiqués par des gens pourtant habitués des lieux. Napoléon et Lénine à qui l’on prête ces propos apocryphes aux relents d’oxymore : «Doucement, nous sommes pressés» en avaient conscience. Tous deux, à la veille de grandes batailles qu’ils ont, du reste, remportées, les auraient tenus à l’endroit de leurs ouailles un peu trop pressés d’en découdre avec l’ennemi. Il s’agissait pour ces 02 grands stratèges, à un tournant décisif de leur vie révolutionnaire, de rappeler à leurs troupes surexcitées, que l’urgence et la délicatesse de la mission commandaient qu’on y allât avec détermination et sûreté et que tout faux pas non seulement retarderait les choses mais surtout compromettrait durablement les chances de succès.
Cette 3ème alternance doit être la bonne. Contrairement aux 02 premières, celle-ci est portée par un formidable élan vers l’établissement dans notre pays d’un nouvel ordre politique, économique et social. Ne pas le comprendre pour le concrétiser serait fatal à notre république. Car, comme disait Arthur Koestler, «l’histoire est une belle capricieuse, si l’amoureux continue de manquer les rares occasions qui lui sont offertes, le dommage sera irréparable». Elle ne devrait donc pas démarrer sur «les chapeaux de roues» ni aborder les nombreux virages qu’impose le changement de Voie, avec précipitation et imprudence L’essentiel aujourd’hui est de poser méthodiquement et soigneusement les pierres d’angle qui supporteront le grand édifice à construire.
Dans cette perspective, il est louable que les nouvelles autorités aient compris fort opportunément et très humblement que le PROJET ne saurait se hisser automatiquement à un statut de document de référence sans passer sous les fourches caudines des hauts fonctionnaires et autres experts rompus à la tâche ; car comme le dit si bien l’expert planificateur Mayacine Camara : « Une politique publique n’est pas un programme de parti politique » et le PROJET pour qu’il soit comestible, opérationnel et efficient «est à traduire pour respecter les canons de la planification économique et sociale.» Ce qui en rien n’entache ni sa pertinence ni son utilité. De même, la «disponibilité logique institutionnelle» qui doit accompagner la nouvelle conscience collective, doit être mûrement réfléchie. Une constitution qui a permis 03 alternances doit être traitée avec respect. Qui plus est, pour ne parler que d’un aspect souvent flétri, les péripéties de l’élection présidentielle ont montré que le Président de la République n’est pas aussi superpuissant qu’on le dit. Quand il a fallu arrêter ses dérives et ses délires, les Sages du Conseil constitutionnel ont su s’y prendre en s’appuyant sur la constitution. L’on ne gagnerait pas au change si on devait sortir du présidentialisme pour faire place à un parlementarisme ou à une république des juges.
Le président de la république doit rester le gardien de la constitution et la clef de voûte des institutions. Elu au suffrage universel direct, le temps d’un mandat, il est aussi le chef de l’Etat car comme nous l’apprenait la regrettée et brillante philosophe Aminata Diaw, «la légitimité du pouvoir politique justifie sa prévalence et sa transcendance sur toute autre forme de pouvoir». C’est pourquoi aussi, Les élections qui fondent cette légitimité, doivent impérativement être à l’abri de toute action politique partisane.
La création d’un organe indépendant responsable de toute la chaîne électorale est donc aujourd’hui une nécessité absolue. Tout compte fait, le général De gaulle, père de la 5ème République française d’où nous tirons la quintessence de notre constitution, nous avertissait déjà sur les dangers d’une république parlementaire. Il disait « Nous avons fait la constitution de 1962 pour empêcher que dans la république, l’Etat fût à la discrétion des partis politiques ». Le danger est d’autant plus grand dans nos pays que l’Etat y demeure le lieu absolu d’impulsion du développement économique et social. Il ne saurait donc être instable, évanescent et tributaire des combinaisons politiques. Il lui faut donc un Chef et ce ne peut être que le Président de la République.
Espérons et faisons tout pour qu’il soit légitime, juste et compétent. La grande réforme institutionnelle qui vaille aujourd’hui et qui dépasse les contingences politiques du moment est celle qui induirait le renforcement des Territoires.
Décentrer l’Etat grâce à une déconcentration administrative effective et une décentralisation politique et économique réelle, est une exigence de l’heure. L’accès difficile de nos populations aux services sociaux de base, l’emploi des jeunes, la désarticulation de notre économie, l’hypertrophie de Dakar, le déficit de production industrielle, l’insécurité alimentaire et tant d’autres maux que nous vivons, ne peuvent trouver leurs solutions que dans des dynamiques territoriales. Le principe de subsidiarité qui voudrait que les lieux de décision et de mise en œuvre les plus performants soient ceux qui sont les plus proches des cibles, oblige l’Etat central à déléguer et à transférer certaines compétences à des pouvoirs locaux.
L’Etat jacobin que nous vivons aujourd’hui n’est pas apte à porter le développement économique et social du Pays. Une grande réflexion sur la Territorialisation du développement doit être rapidement suscitée. Cette réflexion est d’autant plus nécessaire que tous ceux qui, tant soit peu ont réfléchi sur la problématique du développement de notre pays, sentent que ce qui «cale» c’est surtout l’animation économique et sociale de nos terroirs. Mais personne jusqu’à présent ne semble trouver la bonne formule. Des assises sur le développement territorial devraient être organisées à cet effet.
En définitive, au regard du déroulement de l’élection présidentielle passée, du devoir d’exemplarité du Sénégal en Afrique, du contexte politique maussade et délétére de la sous-région et de notre prochain statut de Pays pétro-gazier, la stabilité politique de ce pays est un enjeu crucial. Elle dépendra cependant très largement de notre capacité et surtout de notre volonté à consolider et à renforcer la République, à faire en sorte selon le mot de Victor Hugo que «La République soit en sûreté dans la constitution comme dans une citadelle». Le vieux poète aurait aussi dit que «la République, c’est l’administration souveraine de la société» La Mission fondamentale du nouveau régime qui se réclame du souverainisme est donc tout tracée. C’est pourquoi, Il me plait ici de dire qu’autant, comme dit plus haut, il est absurde d’être exigeant et intransigeant avec un régime installé il y a de cela juste un mois, autant dans la formation et l’éducation à la citoyenneté, il eut été possible en un mois d’amorcer l’installation du chantier de la construction citoyenne qui va servir de soubassement axiologique à l’exercice du pouvoir et à la participation active des populations à la gestion du pays. Ce chantier est d’abord évidemment discursif - au commencement est le Verbe disent les évangiles-, car à la fois mystique et abstraction, la République se nourrit d’un Verbe clair et mobilisateur. J’ose donc espérer que la prochaine Déclaration de politique générale sera un temps d’énonciation de la bonne parole, c’est-à-dire celle qui apaise, qui réconcilie, qui fixe les horizons, qui fortifie et qui porte l’espérance. .
Cette bonne Parole, vêtue du pouvoir administratif que lui confère le statut de chef du gouvernement de son porteur, est aussi bien légitimement que légalement, vecteur de sens, de normes et de savoirs. C’est pourquoi, je serai ravi ce jour, d’entendre le premier ministre, s’adressant à ses concitoyens particulièrement aux fonctionnaires et agents du secteur public, insister sur 02 vertus qui fondent l’Ethique républicaine : la sobriété et le dévouement. En fait ces 02 qualités républicaines sont liées et dépassent même la sphère officielle car, si les propres affaires du citoyen sont simples, il s’occupera avec plus d’abnégation des affaires du public et aura plus de temps à consacrer à la République.
La sobriété est essentielle à la pensée et au style républicains. Elle crée dans la République une atmosphère générale de retenue aussi bien dans la parole que dans les actes. Elle crée par la simplicité des attitudes, une ambiance et un environnement favorables à l’égalité, au travail, au respect de la loi et des hommes, à la solidarité et à la participation de tous ; d’où le dévouement à la chose publique.
La République passe alors en premier parce que tout le monde la comprend et la vénère. On rivalise d’ardeur pour la servir. On est aussi prêt à obéir que qualifié pour commander ; l’essentiel est d’être au service de la Res Publica. C’est ce message que nous souhaitons entendre lors de la prochaine déclaration de politique générale et qu’on aurait même dû commencer à nous susurrer dès les premiers jours de l’alternance ; car en analogie à la loi monétaire de Graham, il est facile de constater que dans ce pays, «La mauvaise parole chasse la bonne». Le brouhaha médiatique fétide de ces jours derniers participe sûrement de cette stratégie ; il revient donc aux nouvelles autorités d’y faire face en répandant vite et promptement la Bonne et juste Parole.
HOMOSEXUALITÉ ET POLYGAMIE : SAUVEZ NOTRE IDENTITÉ
Donnons du respect à tout combat qui préserve la vie humaine et sa dignité mais sans rien céder sur nos valeurs primordiales de défense d’une identité sociale et spirituelle forte, non négociable
Nous y voilà ! Le risque est pris, porté par l’actualité de la visite de Mélenchon à Dakar ! N’ayons pas peur d’en parler ! De grâce, avant toute chose, une mise en garde respectueuse s’impose : ceux qui auront choisi de nous lire mal en sortant couteaux et revolvers ou venant avec leurs ciseaux couper, encadrer et isoler des termes orphelins de leur ensemble, sont invités à plus d’élévation et de grandeur. C’est venir chercher des poux sur un crane tout nu !
«Les gens ont la liberté de faire ce qu’ils veulent, mais ils n’ont pas la liberté d’imposer aux autres ce qu’ils sont.» «Les fondements de la nature humaine, susceptibles de conduire à l’homosexualité sont bien connus dans les cultures africaines, mais cette pratique a été contenue dans des proportions qui ont empêché d’en faire un problème social. Les cultures africaines reconnaissent la dualité de l’être humain, selon laquelle, chaque personne porte en elle une dimension du sexe opposé. Les mythes cosmogoniques dogon et bambara, entre autres, sont sur ce plan, très explicites.» écrit Raphaël Ndiaye dans un solide article intitulé «Homosexualité et dualité de l’être humain.» Donnons du respect à tout combat qui préserve la vie humaine et sa dignité mais sans rien céder sur nos valeurs primordiales de défense d’une identité sociale et spirituelle forte, non négociable. Au Sénégal, l’homosexualité constitue un délit puni par la loi. Sa nature nous l’interdit. Mais nous ne devons pas nous substituer à la justice et franchir l’infranchissable : agresser et donner la mort ! Inacceptable ! À ceux qui, librement, la défendent, l’Ambassadeur de Tombouctou dit ceci : «Ne confondons pas liberté coupable et droit de l’homme !»
Les étudiants qui ont applaudi Jean Luc Mélenchon à Dakar, dans leur amphithéâtre, quand celui-ci, dans son rôle et l’affirmation de sa culture, témoignait de son soutien à l’homosexualité, pourraient ressembler à ceux qui, avec leurs professeurs et les officiels de leur pays compris, se sont tus, sans un mot, presque tête baissée, quand Nicolas Sarkozy est venu leur dire, chez eux, droit dans les yeux, que «L’Afrique n’était pas assez entrée dans l’histoire.» Ce n’est pas après, mais sur le fait, que la réactivité et la réponse devaient rencontrer l’histoire !
Mélenchon, à la vérité, a peu désobéi à l’esprit de notre culture, puisqu’il n’a pas osé nous demander de laisser entrer «la bête» comme la nomme ses chasseurs et archers courroucés ! Obama, lui, nous l’a demandé et Macky a décliné poliment l’offre. Mais Mélenchon connaissant l’interdit, a quand même osé l’évoquer, comme un voleur qui sait qu’il ne partira pas avec son butin ! Il a nommé «la bête», mais la salle s’est tue, par politesse ou sous hypnose, comme si rien n’avait été dit ! Dans son texte écrit et publié «Retour du Sénégal», Mélenchon dit ceci : «Je ne m’attendais pas à l’évocation du sujet de la polygamie et des droits LGBT. Nous ne sommes pas identiques, parce que nos sociétés ne le sont pas.»
La différence avec les «Grands Blancs» comme Senghor les désigne, c’est que nous assumons notre polygamie en y rajoutant allégrement des maitresses et eux assument leur monogamie en y greffant des maitresses à tous les métros ! Nous sommes tous de redoutables polygames ! Yannick Noah nous fait sourire. Écoutons-le : «La polygamie est plus honnête et ça vaut aussi pour les femmes. Moi je propose un CDD de deux ans. Ensuite, on avise.»
Il importe juste de ne pas enjamber sa propre jarre pour aller briser celle de l’autre ! En un mot, ne pas humilier et aller affronter les croyances et pratiques sociétales des autres. Et réciproquement. Aussi simple ! La Bible, selon la sentence de l’église, désigne l’homosexualité comme une abomination. Le Coran la condamne et la rejette. Ceux qui ne croient ni en Dieu ni au Diable, feront leur libre choix. Mais d’abord, qu’est-ce donc l’homosexualité ? Elle est définie et désignée comme «l’attirance sexuelle ou amoureuse envers une personne du même sexe ou du même genre que le sien.» On note qu’elle est de «proportion minoritaire dans tous les groupes ethniques.» Voilà qui est campé !
Le mouvement LGBT peut s’exprimer, vivre, rayonner librement partout où l’accueil politique, culturel, religieux et moral le lui permet. En revanche, il ne faut pas aller défoncer des portes fermées pour être forcément reconnus, admis. Les hommes politiques, les puissants lobbies financiers, doivent cesser de tenter d’imposer à des pays libres, des civilisations, des cultures différentes, la ligne LGBT. A la vérité, il ne s’agit ni de stigmatisation, ni de préjugé, ni de discrimination, ni de stéréotype négatif. Il s’agit d’option de culture de vie, d’idéal de vie, d’identité, de foi. Des homosexuels naissent et vivent chez tous les peuples de la terre. Mais ils n’arrivent pas homosexuel au berceau comme d’ailleurs les génocidaires, les assassins, les dictateurs sanguinaires, les violeurs, les snipers de nos écosystèmes, les gangsters politiques. Que se passe-t-il donc du berceau à l’acte ? A quel moment surgit «la bête» ? En revanche, l’hermaphrodisme, spécifique «phénomène biologique de cas ambigus de développement sexuel», pour prendre cet exemple, désigne «le fait pour un être vivant, d’être doté à la fois de caractères sexuels mâle et femelle. Comme chez les plantes et les animaux.» Cela n’a rien à voir avec l’homosexualité tel qu’entendu et sujet à polémique de haut débit dans notre pays.
Pour revenir à l’homosexualité proprement dite, nulle peuplade n’est exemptée de ce phénomène humain, admis, toléré ou banni, qui participe de notre condition complexe et chimique d’être, de nos pulsions, de nos désirs, de nos manques, de nos vices, de notre diversité et de nos différences. Des peuples aux cultures et pratiques diverses se nourrissent de chiens, de chats, de rats, d’ânes, de singes, de cheval, de fourmis, d’insectes, de serpents, de crapauds. D’autres, non ! Même si un jour une mortelle famine les forçait de céder à l’interdit, il en restera qui préféreront mourir que survivre en mangeant des rats et des poux !
Partout sur la terre vivent des homosexuels. Visibles ou invisibles ! Qui disait que dans chaque famille, il y a un livre que l’on ne peut lire à haute voix ? Dans des pays menaçants dont ils sont souvent les fils et les filles, des homosexuels ont appris et choisi d’y vivre sans bruit, en mesurant le degré de l’interdit, en sachant comment préserver leur spécificité, cacher et dissimuler une « nature » contraire, en protégeant leur spécificité, en respectant les lois morales et culturelles de la société dans laquelle ils vivent. Il n’y a pas que l’homosexualité avec laquelle on vit caché là où elle est interdite ! D’autres interdits existent et plus effrayants encore ! L’humanité est ainsi faite comme le règne animal, avec ses merveilles, ses grâces, ses secrets, ses abominations, sa cruauté, sa magie.
Que l’on laisse le Sénégal tranquille et que le Sénégal laisse tranquille les autres ! Nous ne légaliserons pas ce qui ne peut ni ne pourrait l’être ni aujourd’hui ni demain ! Aux associations et lanceurs d’alertes, avec respect, point besoin de donner de la voix, de cracher jusqu’à ses poumons, de proposer des lois de criminalisation ou de pendaison, pour se mettre au travers de ses vaines tentatives de nous imposer ce qui n’est pas admis par notre corps social. Continuer à lever la voix ne serait rien d’autre que donner encore davantage de visibilité au mouvement LGBT. Laissons l’État veiller, agir pour nous. Faisons-lui confiance.
L’homosexualité n’est pas notre projet, pour utiliser un mot à la mode au Sénégal ! Il y a plus urgent d’autre à affronter et vite : cette apocalypse sénégalaise plus destructrice que tout : l’indiscipline, l’incivisme, l’insolence, l’illettrisme, la médisance, la jalousie, la haine, l’impunité, la défiance et la bravade, la corruption qui gangrène tout ! Voilà le mal dominant qui affronte avec panache un État hésitant, comme désarmé et toujours sur la défensive. Voilà le vrai combat de ce cher pays que nous aimons tant et que nous regardons s’effriter si, très vite, nous ne réinventons pas un nouveau citoyen !
Avec respect, nous disons à l’apaisé président Diomaye et à son gouvernement de rupture, que si vous endiguez l’indiscipline, l’irrespect, l’illettrisme, la bravade, l’incivisme de ces Sénégalais qui affrontent sans peur nos services de l’ordre et de défense, nos vieillards, nos pères, nos mères et qui dynamitent nos valeurs sacrées, fondement d’une société viable et nourricière, vous aurez construit alors, plus que tous, la plus grande et la plus solide infrastructure de développement culturelle, sociale et économique jamais réalisée au Sénégal : c’est-à-dire un nouveau Sénégalais !
L’homosexualité n’est pas notre vrai combat ! Comme la Franc Maçonnerie, d’ailleurs. Elles nous éloignent du vrai combat. C’est un hameçon sans appât, un piège ! Allons jusqu’au bout : oui, nous rejetons et ne tolérerons pas l’homosexualité ! Oui, nous sommes un pays laïque qui n’a pas encore voté des lois pour fusiller ou pendre ceux qui pratiquent l’homosexualité ! Des Sénégalais qui ont osé le faire, ont été arrêtés et punis. Tiens, qui est allé à ce jour les libérer de prison ou demander leur élargissement par des meetings et des marches publiques ? Oui, pouvons-nous également décider, pour être en phase avec notre combat, de ne pas vivre, échanger, commercer avec des pays qui eux, ont choisi de défendre, de protéger et de faire vivre l’homosexualité ? Si Biden, Macron, Poutine, Xi Jinping étaient des homosexuels, refuserait-on de les recevoir au Sénégal ? Ne pas manger le scorpion, mais s’empiffrer de sa sauce, reste énigmatique ! Depuis l’aube de l’humanité, l’homosexualité existe. Visible ou invisible, elle existera.
Si nous restons ensemble uni sur l’essentiel face cette jeunesse colossale et déferlante laissée à elle-même, à qui on a promis des croissants alors que la farine elle-même manque, face à nos réels obstacles, nos faiblesses, notre indiscipline, nos crachats, notre déficit de vision et de prospective, notre défiance des lois, nos vanités, notre cécité, nos faillites civiques, notre venin que nous secrétons nous-mêmes, alors, alors seulement nous gagnerons. Promettons-le : nous ne pouvons ne pas gagner ! Nous sommes un peuple de victoire, d’émotion certes, mais de raison, quand l’orage devient menaçant et meurtrier ! Il l’est !
Par Madiambal DIAGNE
BAH DIAKHATE, LE MIROIR QUE SONKO NE VEUT PAS REGARDER
Le Premier ministre pensait que tout ce qu’il disait des autres leur glissait sur la peau et retournait dans les caniveaux. Et si désormais il pense que sa position de pouvoir ne devrait autoriser des attaques contre sa personne, c’est assurément un aveu
L’arrestation de l’activiste Bah Diakhaté et de l’imam Cheikh Tidiane Ndao, pour avoir tenu des propos abjects, est fort regrettable. On ne peut préjuger du verdict qui sera rendu par le Tribunal des flagrants délits. Cependant, il convient de dire notre gêne devant les propos obscènes tenus à l’endroit de l’homme Ousmane Sonko, père de famille, dont la dignité et celle de ses proches doivent être respectées. La personne du Premier ministre doit être respectée et des égards lui sont dus. J’ai exprimé ma compassion à mon ami Bah Diakhaté, pour les tribulations qu’il subit. Pour autant, je lui ai signifié qu’il a malheureusement donné à ses adversaires le bâton pour se faire battre, pour lui régler quelques petits vieux comptes. Cet épisode de la vie publique sénégalaise est plein d’enseignements. La première leçon est qu’on découvre que Ousmane Sonko est sensible aux attaques ad personam et en dessous de la ceinture. Franchement, je ne pouvais croire qu’une personne qui pouvait se mettre sur la scène publique pour insulter, vilipender, affabuler sur d’autres personnes, souffrirait qu’on lui retourne ses propres armes. Ousmane Sonko a encouragé ses partisans à déverser toutes sortes d’insanités sur des personnes dont ils ignoraient tout de leur vie, de leur parcours et de leur moralité.
Le pari de Pastef était à qui insulte le mieux, le plus salace
Il fallait chercher à faire mal et le pari pour Pastef était à qui profère le plus de grossièretés, les plus salaces. Il n’y avait le moindre égard ou le moindre respect pour le chef de l’Etat, les membres du gouvernement, les autorités administratives, judiciaires, militaires ou religieuses. Ils ne respectaient rien, ni personne. Aucun scrupule, tout était désacralisé, y compris surtout la vie privée de celles et ceux qui ne sont pas de leur bord politique. Le comble a été, le 7 février 2023, jour où le Khalife général des Niassènes, Cheikh Mahi Niass, dira avec une émotion à peine contenue : «Je sais qu’après je vais essuyer une bordée d’insultes, mais pour le bien du Sénégal, je dirai ce que j’ai à dire.» Ousmane Sonko donnait le ton en insultant à chacune de ses sorties, la plus haute autorité du pays, le président de la République. On comprend pourquoi il s’emploie quotidiennement à supprimer certains de ses déclarations et de ses posts des réseaux sociaux. On peut présumer que les cinq années à venir ne suffiront pas à ses équipes pour terminer d’épurer et de dépolluer ses pages et autres murs publics de leurs désormais trop pesantes boules puantes. En effet, depuis qu’il est entré sur la scène publique, il n’existe pas une sortie de Ousmane Sonko, syndicaliste ou homme politique, dans laquelle on ne trouve pas matière à diffamation, injures ou fausses accusations ou contre-vérités proférées contre des personnes et/ou des autorités publiques. Ses détracteurs se font un malin plaisir à faire circuler ses vidéos vieilles de quelques semaines ou mois ou années ! Mais il est amusant aujourd’hui d’observer que si l’on s’en prend à sa personne de la même manière, Ousmane Sonko en souffre tant, jusqu’à pester et ordonner l’arrestation des sales et grandes gueules. Bah Diakhaté en est le parfait révélateur. Peut-être que le nouveau Premier ministre pensait que tout ce qu’il disait des autres leur glissait sur la peau et retournait dans les caniveaux. Et si désormais il pense que sa position de pouvoir ne devrait autoriser des attaques contre sa personne, c’est assurément le meilleur aveu ! «Quand tout va mal, regarde-toi dans le miroir», conseille le proverbe chinois. L’histoire des peuples enseigne que les autocrates ne reculent devant aucune lâcheté pour épargner leur propre personne des sorts cruels auxquels ils soumettraient les autres. Qui n’a pas remarqué que ceux qui cherchent à accabler Bah Diakhaté s’indignent qu’il aurait reçu des libéralités de la part de personnalités proches du régime politique déchu ? Qui organisait la «Mafia kacc kacci» pour collecter des dizaines de millions de francs en vue de suborner des témoins pour faire mentir Adji Sarr qui accusait Ousmane Sonko de viols et sévices sexuels ? Qui avait récompensé par ce moyen un officier de la gendarmerie radié pour avoir publiquement confessé avoir sabordé une enquête judiciaire qu’il dirigeait ? Les initiateurs de l’opération ne semblent pas s’en rendre compte, mais «kacc» signifie mentir de façon invétérée en wolof. Le subconscient joue parfois quelques petits tours rieurs !
Protéger le Premier ministre dit-on, soit ! Que dire d’un président de la République ?
Au demeurant, Ousmane Sonko reconnait ainsi qu’il avait tout faux et avait totalement tort de parler des autres comme il le faisait. En outre, les poursuites pénales contre Bah Diakhaté et Cheikh Tidiane Ndao viseraient à protéger le «Premier ministre», dans l’esprit de protéger de l’offense «toute personne détentrice de tout ou partie des pouvoirs du chef de l’Etat». On peut applaudir le trait de génie des excellents parquetiers qui ont eu l’ingéniosité d’éplucher le Code pénal sénégalais pour sortir cette «nouvelle» arme d’emprisonnement massif ! Et cela renseigne alors qu’il était de bon escient de poursuivre toutes les personnes qui promettaient de réserver au président Macky Sall le sort de l’ancien président libérien Samuel Doe, qui avait été découpé, le 9 septembre 1990, en menus morceaux par les hordes du chef de guerre Prince Johnson. Faudrait bien admettre qu’à l’échelle des ignominies, ce sadisme ne dépasse pas les propos portés par Bah Diakhaté. Il semble donc qu’il était légitime et opportun de poursuivre toutes les personnes qui appelaient publiquement à l’insurrection et au coup d’Etat militaire, ou qui insultaient copieusement le président de la République, les autorités judiciaires, les hauts gradés de l’Armée, de la gendarmerie, de la police ou les hommes et femmes membres du gouvernement ou des autres institutions républicaines. Toutes personnalités et fonctions protégées par la loi, comme elles le sont toujours du reste ! Encore une fois, dans ces colonnes, le 26 février 2024, je m’interrogeais : «Pardonner à Ousmane Sonko ? Oui, mais le Sénégal serait digne d’un repentir !» C’était, il faut le rappeler, quand Macky Sall s’était assis sur son orgueil et la dignité des siens, pour s’accorder avec Ousmane Sonko sur le «pacte de Cap Manuel». Pourrait-on espérer un geste de grandeur quand on note que dans les premières nominations à de hautes fonctions publiques, le gouvernement s’est évertué à récompenser les insulteurs qui étaient les plus en verve ? Au point que, considérant être oublié dans les nominations, un hâbleur installé aux Etats-Unis d’Amérique, Ousmane Tounkara, multiplie les vidéos, pour exiger sa récompense, de la part du nouveau régime. Il exhibe ses hauts faits d’armes qui sont d’avoir insulté, brisé des ménages et financé l’insurrection armée. C’est lui-même qui l’avoue, comme pour narguer les victimes de crimes graves ! J’allais oublier, gagné par une grande magnanimité, Macky Sall a fait amnistier tous ces sordides faits ! Tounkara peut bien se permettre la revendication, car on a vu par exemple le tandem Diomaye-Sonko nommer, au poste de Directeur général d’une entreprise publique, une personne qui montrait sur des plateaux de télévision comment confectionner des cocktails Molotov et comment les balancer contre les Forces de sécurité ! Vous pouvez toujours effacer vos posts, Monsieur Sonko, les gens n’oublieront pas pour autant, tant que vous n’aurez pas l’honnêteté de reconnaître vos turpitudes et de vous en excuser ! On peut aussi espérer que vous en apprendrez la leçon, pour daigner enjoindre vos partisans de cesser d’insulter leurs opposants. Ce serait les supplicier sans fin, que vous les insultiez du temps où vous étiez dans l’opposition et que vous continuez de plus belle, depuis que vous êtes arrivé au pouvoir. C’est véritablement plus que la double peine que vous leur infligez si, de surcroît, vous vous mettez à utiliser l’appareil judiciaire pour les punir quand ils vous retourneront vos mots. Pire, c’est une quadruple peine, certaines sentinelles auto-proclamées du régime pastéfien promettent désormais de régler physiquement leurs comptes à tout impertinent qui manquerait de respect à Ousmane Sonko ! Un facile raccourci pour séduire et se rappeler au souvenir des signataires des décrets de nomination ? «Les belles âmes ne sont pas sans tâches et les meilleurs d’entre nous sont ceux qui regrettent dans la seconde moitié de leur vie, de n’avoir pas mieux employé la première» (Franz Liszt).
Bah Diakhaté, éligible au statut de détenu politique, selon les critères Tine-Gassama
Toutes choses égales par ailleurs, celui qui insulte un Premier ministre doit être considéré comme un détenu politique au Sénégal. N’a-t-on pas vu les plus grands dirigeants des organisations de la Société civile, notamment Alioune Tine et Seydi Gassama, revêtir de la grande dignité de détenus politiques, des personnes poursuivies et arrêtées pour avoir insulté un président de la République, appelé à l’insurrection, au coup d’Etat militaire, d’avoir accusé de hautes autorités publiques d’homosexualité ou de pratiques franc-maçonniques ? Lors d’un point de presse, le 3 juin 2022, Ousmane Sonko a attaqué, bille en tête, le président de la République sur la question de l’homosexualité. «On est à l’ère de la tragédie de l’homosexualité. Dieu a puni des sociétés entières à cause de ces pratiques. Je veux que ça soit clair dans la tête des Sénégalais : Macky Sall porte l’agenda Lgbt. (…) Après, on aura des défilés de gays comme des Gay pride. C’est ça le programme de Macky Sall.» On devine que le président Sall avait fait sienne cette conviction que «la manie de la justification est commune à ceux qui n’ont pas la conscience tranquille». Du reste, n’a-t-on pas vu des personnes arrêtées pour avoir jeté des cocktails Molotov dans un bus bondé de passagers et calciner des mômes, saboter des centrales électriques, brûler des stations-services, piller des commerces et des domiciles privés, et y mettre le feu, et qui se retrouvent à être considérées comme des détenus politiques ? N’a-t-on pas vu des personnes accuser publiquement le chef de l’Etat Macky Sall de meurtres et d’assassinats, et se retrouver avec le respectable statut de détenus politiques ? Il est sidérant de voir des tartuffes se demander si le chroniqueur ou «liver» de «Baatu Dëg» n’était pas dans la provocation pour chercher à aller en prison, et par ce moyen ternir l’image du nouveau régime ! Cynisme ou volonté d’absoudre à tout prix ceux qui n’ont jamais tort ? Par ailleurs, on a vécu des situations où des personnes ont délibérément bouché des conduites d’égouts pour provoquer des inondations, afin de révéler les carences du régime de Macky Sall. Elles ont été comptées dans le lot des détenus politiques ! C’est pour cela qu’on ne peut pas se garder de sourire, en entendant le Premier ministre Ousmane Sonko mettre en garde les populations sur des difficultés à contenir les inondations redoutées pendant le prochain hivernage, parce que, dit-il, «les Sénégalais sont indisciplinés !». Un camionneur a été arrêté le 20 mai 2024, pour avoir dégradé la voie du BRT. Quid des sauvageons qui saccageaient les installations du Ter et du Brt pour que le régime de Macky Sall ne puisse présenter de bilan positif ? Le peuple de Pastef les applaudissait ! «Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable !» Bah Diakhaté n’a pas été aussi ignoble, devrait-on convenir et encore une fois, «qui peut le plus peut le moins !». Alors, Messieurs Tine et Gassama, ne pas le considérer comme un détenu politique, et donc le traiter comme tel, serait, à l’aune de vos critères, porter atteinte à ses droits inaliénables ; ce serait aussi considérer la personne de sa cible Ousmane Sonko, comme au-dessus de l’Etat et plus sacrée que toutes les institutions républicaines, et surtout que Ousmane Sonko aurait droit à plus de dignité que tout autre Sénégalais. Le président de Pastef aurait le droit divin de s’autoriser par exemple à clamer le «gatsa-gatsa» (loi du Talion), et donc d’insulter à tout bout de champ, menacer, appeler à la sédition ou à mettre à sac les domiciles privés et enjamber des cadavres (plus de 40 morts) pour arriver au pouvoir ! Gageons qu’on ne savait pas si bien dire, le 13 juin 2022, quand on écrivait : «Au pouvoir, les dirigeants de Pastef n’aimeraient certainement pas se voir réserver le traitement qu’ils appliquent à Macky Sall et à son régime.» Il paraît que j’avais raison, avant l’heure, en écrivant, le 14 janvier 2019 : «Monsieur Sonko, quelqu’un qui veut devenir Président du Sénégal ne doit pas faire ça...» Pourrais-je risquer, avec ces mots, d’être passible du crime de «lèse-Majesté» ou de «lèse Premier ministre», non je voulais dire de «lèse Ousmane Sonko» ? Je saurais, le cas échéant, pouvoir compter sur le soutien de Alioune Tine !
par Edgard Gnansounou
REPENSER L’INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE DE L’OUEST
Nous nous sommes appropriés une identité nationale qui pourtant nous vient de la colonisation. Nous en jouons avec excès en convoquant un nationalisme étroit, prisonniers d’un conditionnement contraire à nos véritables aspirations
La situation économique et politique en Afrique de l’Ouest appelle à un renouvellement de l’idée de l’intégration régionale. Les tentatives volontaristes visant à fédérer certains de nos pays à la veille et au lendemain des indépendances se sont soldées par des échecs. Le Sénégal était au centre de deux de ces initiatives infructueuses : la fédération du Mali et la Sénégambie. La première était circonscrite à la sphère des anciennes colonies françaises et n’avait pas l’assentiment de la France. La deuxième cherchait à concrétiser une réalité historique entre deux peuples que tout devrait unir : le Sénégal et la Gambie. Les historiens ont beaucoup écrit sur les causes de ces échecs et des enseignements constructifs auraient pu être tirés pour poursuivre la voie vers la fédéralisation. Nos pays sont passés à une autre approche. Mais ont-ils eu raison ?
Houphouët-Boigny et le Groupe de Monrovia ont pris le pas sur Kwame Nkrumah, le groupe de Casablanca, Cheikh Anta Diop, et d’autres panafricanistes de première heure.
Aujourd’hui, nous nous sommes appropriés une identité nationale qui pourtant nous vient de la colonisation. Parfois, nous en jouons avec excès en convoquant un nationalisme étroit et en feignant d’ignorer que nous sommes alors prisonniers d’un conditionnement contraire à nos véritables aspirations.
Plus de 60 ans après ces fameuses indépendances, nous savons maintenant que Houphouët et le Groupe de Monrovia avaient eu tort de nous pousser à la fragmentation. Mais les autres, aussi vénérables soient-ils, avaient-ils pour autant raison ? Une fédération africaine centralisée était-elle, est-elle la bonne solution ? Tout semble démontrer qu’aujourd’hui, cette perspective nourrit davantage un activisme sympathique mais impossible à opérationnaliser à moyen terme.
Nous avons besoin de solutions durables à nos problèmes
Alors que nos nationalismes empruntés nous condamnent à l’impuissance de nos micro-états, la fuite en avant vers l’idéal d’un fédéralisme continental ressemble davantage à la politique de l’autruche. Nous devons donc être innovants et développer une approche graduelle mais effective, une approche qui intègre les réalités historiques inscrites dans les entités que sont nos pays et l’Afrique de l’Ouest.
Pour répondre aux besoins socio-économiques d’une population jeune et dont le taux de croissance est l’un des plus élevés au monde, nous devons nous industrialiser. Certes, ceci peut se faire avec nos très petites entreprises, nos petites et moyennes entreprises, l’import-export en nous insérant dans les chaînes de valeurs globales. Mais c’est bien ce à quoi nous nous essayons depuis des décennies avec des résultats mitigés, tant nos besoins sociaux sont prégnants et les termes de l’échange inégaux.
La croissance économique insuffisante et mal répartie, ne permet pas de valoriser un potentiel humain riche et foisonnant. Par ailleurs, la dépendance aux marchés globaux et la perpétuation d’un modèle multiséculaire qui fait de nos économies des exportateurs de biens à faibles valeurs ajoutées nous appauvrissent continuellement au profit des économies avancées. L’aide au développement censée combler nos balances commerciales structurellement déficitaires a fait long feu et participe d’une indignité que nous sommes de plus en plus nombreux à réprouver.
Nos organisations d’intégration économique régionale malgré quelques acquis, n’ont pas atteint leurs objectifs. Les échanges économiques intra-communautaires restent très loin des attentes. Dans notre région, la CEDEAO connait une cerise importante avec le départ en cours du Burkina Faso, du Mali et du Niger qui se dirigent vers la création de la confédération des Etats du Sahel. Mais en réalité, cette crise va bien au-delà de la scission en cours et il serait vain de chercher à faire revenir ces trois pays dans la CEDEAO telle qu’elle nous est servie, une organisation régionale à vocation économique mais à fonctionnement fortement dépendant de facteurs géopolitiques liés aux intérêts de ses donateurs.
Alors que faire ?
Une nouvelle vision de notre intégration régionale
Nous devons construire des économies industrielles robustes, comprenant certes des TPE et PME, mais aussi de grandes entreprises à dimension régionale, des économies bénéficiant de vrais tissus industriels, des économies résilientes aux chocs des chaines de valeurs globales, donc des économies associant de fortes chaines de valeurs régionales nous permettant de réduire nos vulnérabilités. Ceci ne peut se faire sans une intégration politique car les accords de partenariat économique existant entre nos micro-états et les économies avancées font bénéficier ces dernières des avantages prévus dans nos projets d’unions économiques continentales et en limitent les effets.
Mais au-delà de la pertinence économique, nous avons aussi le devoir de dépasser les frontières héritées de la colonisation afin de permettre aux nouvelles générations de recouvrer la plénitude de leur épanouissement, dans un espace géographique et géopolitique qui sera véritablement le leur et qui permettra de réunifier des groupes socioculturels séparés par des frontières artificielles.
La nouvelle vision de notre intégration régionale cherche à créer à terme une Confédération des Etats de l’Afrique de l’Ouest incluant les 15 Etats actuels de la CEDEAO et ceci, de manière progressive, en trois étapes.
Etape 1
Favoriser une plus grande décentralisation de la fédération nigériane, une fédération de 36 Etats mais dont le gouvernement fédéral détient la souveraineté sur l’ensemble des ressources naturelles du pays.
Créer une deuxième fédération, la Fédération Sahélo-Guinéenne (FSG), avec les 14 autres Etats de la CEDEAO, une fédération décentralisée dans laquelle, chaque Etat gardera la souveraineté sur ses propres ressources naturelles mais où l’espace territorial, la défense, la sécurité collective, la diplomatie seront mutualisés et l’économie sera coordonnée avec le souci d’une meilleure complémentarité et d’une valorisation rationnelle des ressources naturelles dans un marché intérieur de taille critique.
Etape 2
Réformer profondément la CEDEAO en la transformant en une organisation de coopération entre les 50 Etats de l’Afrique de l’Ouest (36 Etats du Nigéria et 14 de la FSG) avec une chambre pour chaque fédération et une délibération consensuelle entre les deux chambres.
Etape 3
Transformer la CEDEAO réformée en une confédération entre les deux fédérations, la Confédération des Etats de l’Afrique de l’Ouest avec un parlement et une présidence élus par les peuples selon des modalités à définir.
Le rôle potentiel du Sénégal
Le Sénégal peut jouer un rôle d’avant-garde dans la promotion de cette nouvelle vision et en faveur de sa concrétisation graduelle. Le pays est ressorti potentiellement plus fort des péripéties politiques qui ont conduit au dénouement du 24 mars 2024. Mais il a besoin d’une vision régionale innovante et mobilisatrice qui donne une plus grande portée à la volonté politique actuelle et une espérance à la jeunesse.
Un préalable au rôle de locomotive que pourraient saisir les nouveaux dirigeants du Sénégal, est une clarification de concepts tels que « patriotes, patriotisme économique », « le Sénégal d’abord » qui structurent les discours politiques et semblent heurter leurs engagements panafricanistes pourtant sincères. L’extrême droite française s’est appropriée les premiers termes, depuis des décennies et en fait son chou gras électoral, contre le fédéralisme européen. Il y a donc le risque d’une confusion politique à se prévaloir de ces concepts même s’ils sont énoncés dans un contexte différent de celui de la France.
Le patriotisme économique au Sénégal est sans doute dirigé contre ceux qui profitent des richesses économiques du pays au détriment du peuple sénégalais. Le patriotisme économique de l’extrême droite française est xénophobe et très protectionniste. Mais hélas, malgré cette différence importante, la sémantique alerte gravement surtout dans la perspective d’une fédéralisation innovante et décentralisée en Afrique de l’Ouest.
En proposant une nouvelle vision d’intégration politique et économique en Afrique de l’Ouest, nous sommes conscients des difficultés de sa réalisation. C’est à une véritable révolution pacifique que nous appelons pour nous sortir de la zone de confort stérile dans laquelle nous nous sommes installés et qui silencieusement nous consume.
Edgard Gnansounou est Professeur honoraire de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPPFL), président du Mouvement des Fédéralistes Sahélo-Guinéens (MFSG).
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
VIVEMENT LA RUPTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les petits fauves sortent du bois, déjà irrités de l’exil, loin du pouvoir. Le clan des ex-noceurs, ceux qui s’étaient installés dans le confort « mackysard », las de se tourner les pouces, s’est trouvé une nouvelle activité
Les petits fauves sortent du bois, déjà irrités de l’exil, loin du pouvoir et de ses bénéfices. Ils flairent aussi les hésitations du nouveau pouvoir à frapper vite et fort contre eux. Ils sont surpris par le calme de l’exécutif, qui semble prendre son temps pour mettre à plat tous les défis qui se posent. Alors les carnassiers s’enhardissent et prennent la parole publiquement. Ils ont la mémoire courte, ils oublient que c’est juste le mépris des citoyens qui les mettait encore à l’abri de leur courroux. Comment un Moustapha Diakhaté peut-il critiquer un Diomaye ou un Sonko quand on sait les méfaits commis par son camp dans le pays ? Comment un Yoro Dia peut-il reprocher à un Sonko de recevoir Jean-Luc Mélenchon, quand son mentor avait reçu le président putschiste gabonais dont la lame était encore sanglante ?
Mais pourquoi Mélenchon, homme politique français, ayant combattu aux côtés des Patriotes contre la dictature rampante de Macky Sall et défenseur des droits des immigrés en France, ne serait-il pas reçu par le président du Pastef ?
Est-ce à eux de battre la mesure et d’indiquer la voie ? Assurément non !
Il faudra qu’ils apprennent à se taire. Pas pour écouter, car cela ils en sont incapables, mais se taire, pour laisser le temps à leurs funestes pensées, de s’auto-détruire, de se recréer, pour renaitre sous forme de critiques positives qui profiteront à tous.
Avec ces rapports maintenus sous son coude, Macky Sall a appliqué la politique des GAFAM consistant à racheter toute start-up qui pourrait devenir son concurrent. Il a usé de la menace, pire que la sanction, sur toute tête citée dans des affaires. Pour d’autres, il a commandité mille rapports pour leur trouver une faiblesse par laquelle les tenir à sa merci. Ses hommes sont habitués à sa menace ; jusque-là, lui seul savait. En décidant de rendre publics les rapports, c’est tout le peuple qui sait et qui devient une menace pour ces brigands.
Aucun secteur n’aura échappé à leurs pratiques scandaleuses de pomper dans des finances publiques. Les rapports des corps de contrôle sont terrifiants : tel politicien se retrouve détenteur de plusieurs maisons, en quelques mois à peine de fonction, tel autre Directeur Général n’hésitait pas à s’octroyer, avec l’ensemble de son comité de direction, des maisons à priori réservés aux classes moyennes, à des prix préférentiels, et tandis que d’autres accaparaient des hectares de terres. Que sais-je encore ?
Comment des directeurs généraux, des gestionnaires d’entreprises publiques peuvent-ils être pris autant à défaut de bonne gouvernance ? Comment surtout l’ex-président, au courant de ces dérives, a-t-il pu ainsi laisser faire ?
L’intérêt de quelques brigands – on ne peut pas les appeler autrement – ne doit pas l’emporter sur l’intérêt national. Il faudra sévir. « Battre le cadavre pour corriger le vivant », comme dit si bien le proverbe.
Cet acte salutaire est à poser et nul doute qu’il le sera, car c’est lui qui annoncera la rupture tant préconisée et signera l’aggiornamento des classes politiques que nous avons tant souhaité jusque-là. Il mettra définitivement au banc ceux qui, sous le couvert de servir, ne faisaient que se servir.
Ceux qui tancent Sonko d’avoir attaqué bille en tête, sans précautions oratoires, Emmanuel Macron, en présence de Mélenchon dans une salle d’UCAD bourrée comme un œuf, ont tort. Macron ne respecte pas les Sénégalais, on ne lui doit donc en retour aucune convenance. Les lignes sont claires. Après avoir perdu le Mali, le Niger et le Burkina, il perdra le Sénégal.
Jamais un officiel sénégalais, de surcroit Premier ministre, ne s’était adressé en ces termes peu amènes à un président français et ce devant un officiel français, fût- il un leader de l’opposition française. Macron a dû trembler d’entendre Sonko lui reprocher ses postures ambiguës et peu amicales au demeurant, vis-à-vis des Sénégalais. Il avait pris l’habitude de les humilier sans en payer le moindre prix. Visiblement, Il n’aura pas retenu la leçon malienne lorsque le ministre des Affaires étrangères de ce pays, du haut de la tribune des Nations Unies, avait fustigé l’arrogance française. À l’époque, il avait déjà très mal pris, ce qu’il considérait en définitive, comme une incartade de mauvais aloi. Cette fois, c’est Ousmane Sonko qui lui reproche, par médias interposés, en pleine figure et sans gants, son silence coupable devant les agissements scélérats d’un Macky Sall, qu’il louait en public et soutenait sans retenue. Comme le prédisait Fanon, Macron paiera le prix fort de ne toujours pas comprendre la nouvelle dynamique politique qui se joue en Afrique. Sonko l’a dit sans ambages, les bases militaires françaises, du moins ce qu’il en reste, seront démantelées et le Sénégal, à terme, sortira du franc CFA. Après la « révolution citoyenne » qui a eu lieu en mars 2024, ces symboles du néocolonialisme ne peuvent plus perdurer quelque soixante ans après les indépendances. L’empire africain de la France s’effondre petit à petit. La faute à Macron de n’avoir pas vu venir les changements et de réinventer un modèle de coopération plus inclusif, plutôt que se reposer sur de vieux schémas de la françafrique, animés par des présidents pions honnis par leur peuple.
Proposer un poste d’envoyé spécial - autant dire de garçon de course - à notre ex-chef d’État délaissé par les Sénégalais, fut perçu comme un profond signe de mépris vis-à-vis de notre peuple. Que l’ex-chef d’État l’eut accepté fut encore plus avilissant pour nous autres, même si on sait qu’il excelle dans l’infiniment rien. Aucune éthique, aucun sens de l’honneur ne jalonnent son parcours politique. On n’est pas surpris de ses postures plus indignes les unes plus que les autres. Contrairement aux règles de bonne élégance et de convenance, le voilà, à peine chassé du palais et hors du Sénégal, qui essaye de réactiver ses réseaux locaux, distillant sa voix et ses ordres dans des réunions publiques organisées par ses hommes de main. Aucune trace de classe dans ses actes. Il faudra rendre son retour impossible comme il a rendu l’élection d’Ousmane Sonko impossible en l’emprisonnant lui et tout ce qui gravitait autour du Pastef, allant jusqu’à la perfidie ultime de dissoudre le parti.
Pour le vaincre définitivement, il faudra élever la dureté de la réaction. Que les alter noceurs de son camp sachent qu’une fin infame sera réservée à ceux qui ont abusé des biens sociaux.
Que tous ceux épinglés dans les différents rapports se défendent devant une Cour de justice et que justice soit rendue au nom du peuple sénégalais !
Comme ces footballeurs qui refuseraient carrément de faire la passe parce qu’une passe à l’adversaire serait soumise à l’amende financière par le club, on risquerait de tomber dans ces travers dignes des « stratégies absurdes » de Maya Bacache en voulant criminaliser l’homosexualité. Des juges pourraient refuser de condamner à de lourdes peines de prison pour des faits pas toujours faciles à établir. Certes Sonko a prononcé le mot qui lui aurait arraché la bouche : « l’homosexualité est tolérée », dira-t-il mais la politique consiste à être dans les nuances. Être homosexuel n’est pas puni, mais les actes contre nature le sont ; Telle est la nuance. « Seul l’homme absurde ne change pas », disait Clémenceau. Les accusations de trahison relèvent toujours de la mauvaise querelle. « Trahir » dans l’intérêt général, pour un mieux vivre-ensemble peut s’avérer nécessaire. La politique ne consiste pas à appliquer les programmes dans les détails, à la virgule près. Bien naïfs ceux qui croient le contraire.
« Sonko avait promis de criminaliser l’homosexualité, il n’a qu’à tenir parole », entend-on çà et là. Macky avait promis qu’il vivrait au Sénégal après son magistère. Après sa passation de pouvoir, il n’aura pas passé une nuit de plus dans sa résidence de Mermoz.
Les Sénégalais aiment s’occuper de l’accessoire, et cela les détourne des vrais problèmes. En réalité, c’est leur peur de faire face aux véritables challenges qui les pousserait vers la parlote, vers les choses de seconde portée qui ne nécessitent aucune action. Sinon comment expliquer que, parmi tous les sujets d’importance abordés par les leaders des partis LFI et Pastef, seul celui de l’homosexualité ait fait les choux gras de la presse locale et entretenu les débats du café de commerce le lendemain ? De la conférence sur « l’avenir dans les relations entre l’Afrique et la France », l’opposition sénégalaise, partisane de l’ancien régime, n’aura voulu retenir en définitive, qu’une vulgaire histoire de …fesses ! Quand Mélenchon convoquait le déterminisme imparfait de Bergson et évoquait « l’espoir qui se mesurait au degré de combativité » de Fatou Diome, leurs esprits étaient déjà ailleurs, se délectant à l’avance de la brèche sur les mœurs, ainsi ouverte.
Entre une possibilité de volte-face et une certitude de détournements de fonds publics, on préfère jacasser sur la possibilité !
Ces temps-ci, le clan des ex-noceurs, ceux qui s’étaient installés dans le confort « mackysard », du jouir sans être inquiétés, las de se tourner les pouces, s’est donc trouvé une nouvelle activité : occuper les pavés de la DIC pour manifester contre des auditions de leurs anciens sous-fifres, accusateurs et insulteurs toujours actifs.
Il leur faudra s’armer de courage pour tenir, car ils en auront sûrement pour la prochaine décennie. Les temps changent.
Dr Tidiane Sow est Coach en communication politique.
Par Makhtar DIOUF
L’HOMOSEXUALITÉ EN QUESTION
Au Sénégal la question de l’homosexualité et du lesbianisme (Lgbt) défraie la chronique depuis quelque temps. Surtout depuis la visite de Jean-Luc Mélenchon. Un bref retour en arrière s’impose.
Au Sénégal la question de l’homosexualité et du lesbianisme (Lgbt) défraie la chronique depuis quelque temps. Surtout depuis la visite de Jean-Luc Mélenchon. Un bref retour en arrière s’impose.
Homosexuels d’hier et homosexuels d’aujourd’hui au Sénégal
la période coloniale et dans les 30 premières années de l’indépendance, à Dakar, les homosexuels ont pignon sur rue. Ils ne rasent pas les rues. Ils ne se cachent pas. Ils s’affichent publiquement, s’assument pleinement. Ils viennent danser dans les séances de tam tam organisées par des femmes et en organisent aussi, de même que des séances de tann beer et de simb (faux lion). Des homosexuels brillent comme footballeurs dans des clubs du championnat de football de Dakar. A l’angle des rues 6 et 15 dans la Médina, un homosexuel gère un restaurant jamais boycotté. Ces homos ne sont pas alphabétisés et occupent des emplois modestes. Etant célibataires, ils se retrouvent dans leurs milieux appelés mbootaay et ne répugnent pas à la bagarre avec violence si quelqu’un leur manque de respect. L’homosexualité est alors non seulement tolérée mais acceptée. Mon quartier de la Gueule Tapée compte pas moins de 5 homos bien connus dont je me rappelle les noms sans les dévoiler, car ils ne sont plus de ce monde. Surtout qu’en prenant de l’âge, ils se sont repentis et normalisés. Un coopérant français conseiller attitré à la Présidence de la République sous Senghor était connu pour son homosexualité dont il n’a jamais fait mystère. Les homosexuels sénégalais d’aujourd’hui, sortis de l’école française, sont pour la plupart de hauts cadres de l’administration et du business, mariés et chefs de familles. Hors de tout soupçon, ces saay saay qui se cachent sont les produits aliénés du Lgbt occidental. Ils sont ragaillardis par le fait que des personnalités politiques françaises comme un ancien maire de Paris et l’actuel Premier ministre ont publiquement reconnu leur homosexualité.
L’Occident fait la promotion de l’homosexualité
Je dirai que l’homosexualité dans une période passée relevait de l’informel. Maintenant elle est devenue officialisée dans une stratégie planétaire avec la mondialisation. Ce qu’on appelle mondialisation n’est pas un processus historique inévitable. C’est un projet conçu au 19ème siècle en Angleterre et aux Etats-Unis. La colonisation en est partie intégrante. Depuis les années 1980, la mondialisation s’est enhardie grâce à deux phénomènes : l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, et une laïcisation- athéisme avec une déchristianisation poussée dans les pays occidentaux.
L’Afrique et l’Amérique latine sont maintenant les bastions du Christianisme dans le monde. Le volet le plus important de la mondialisation n’est pas l’économie, mais la culture. L’Occident cherche à embrigader l’ensemble du monde dans sa culture. Une seule culture doit prévaloir, celle de l’Occident.
L’ethnocentrisme culturel est l’attitude qui consiste à valoriser sa propre culture sur celle des autres, pour lui conférer une valeur universelle, pour en faire le centre de référence. L’ethnocentrisme culturel est la négation du relativisme culturel qui reconnaît l’existence d’aires culturelles différentes sur un même pied d’égalité. C’est en réaction contre l’ethnocentrisme que le philosophe français Roger Garaudy dira : L’Occident a confisqué l’universel. A partir de là il s’est cru autorisé à situer et à juger tous « les autres » en fonction de sa propre histoire, de ses fins et de ses valeurs (‘’Promesses de l’Islam’’, 1981, p. 157).
L’Occident a cherché à tirer parti de la vulnérabilité économique et financière de l’Afrique pour lui imposer ses valeurs culturelles au rang desquelles le Lgbt. Conscient que l’Islam peut constituer un rempart dans la partie Ouest de l’Afrique au-dessus du Sahara, il faut commencer par ce qui est supposé être le maillon le plus faible, l’Afrique Est-Sud chrétien. Mais quelle surprise et quelle déception !
En Namibie indépendante en 1990, le Premier ministre Sam Nujoma autour de son slogan ‘’Une Namibie hétérosexuelle’’ déclare la guerre au Lgbt. Lors d’une interview avec une journaliste de la radio anglaise BBC il présente l’homosexualité comme une perversité des Blancs qui cherchent à l’imposer en Afrique et se propose de la déraciner. Il décide de refuser à des Lgbt d’entrer dans le pays, d’expulser ou d’emprisonner ses compatriotes qui cherchent à s’y adonner. La réaction ne se fait pas attendre de l’extérieur : La Namibie est un Etat totalitaire.
Deux autres chefs d’Etat de la sous-région Robert Mugabe au Zimbabwe et Noweri Museveni en Ouganda suivent la même démarche. En 2010 l’Ouganda est éligible auprès de la Banque mondiale à un prêt de 90 millions de dollars pour renforcer son système de santé. En 2014, Museveni promulgue la loi de criminalisation de Lgbt. La BM suspend le prêt sous prétexte que cette loi est anti-développement parce qu’elle prive le pays de travailleurs Lgbt qui constituent une force de travail utile, et que les multinationales vont répugner à venir investir dans le pays. La BM est soutenue par le Danemark, la Norvège, la Hollande et les Etats-Unis. Le Secrétaire d’Etat américain John Kerry déclare que la loi anti-Lgbt est à l’image des lois antisémites des nazis et des lois de l’apartheid en Afrique du Sud. Il est facile de faire table rase de ces arguments : (1) Durant des années, le développement des pays africains a été perturbé par le Sida transmis par les rapports homosexuels ; le Sida est apparu pour la première fois dans les milieux homosexuels de New York et de Los Angeles (2) les multinationales investissent là où elles comptent faire des profits. (3) La Banque mondiale a enfreint ses propres statuts qui ne lui permettent pas de s’immiscer dans la politique intérieure des pays, confinée qu’elle est au seul domaine économique et financier. C’est là que l’on voit la véritable motivation ethnocentriste des Occidentaux en Afrique. Le Lgbt leur tient vraiment à cœur. C’est par leurs pressions financières que le nombre de pays à loi anti- Lgbt dans le monde est passé de 92 en 2006 à 71 en 2021. Mais dans l’ensemble de l’Afrique Nord et Sud, le nombre de pays anti-Lgbt est de l’ordre de 37.
Débat actuel sur l’homosexualité au Sénégal
Lors de la visite de Mélenchon ce 16 mai 2024, Ousmane Sonko dans son allocution, tout en restant courtois avec son invité, a insisté sur l’ancrage du Sénégal dans ses valeurs africaines et a critiqué le Lgbt. Mais au moment de conclure il a lâché cette phrase malheureuse : L’homosexualité est tolérée au Sénégal. Ce n’est plus le cas. C’est alors du pain bénit pour les naufragés du dimanche 24 mars : Sonko défend l’homosexualité. Ce qui n’est rien d’autre qu’un mensonge politicien revanchard. On ne doit pas faire de la politique avec des insultes. Le mensonge poussé trop loin comme ici devient une insulte. Cette dernière phrase de Sonko ne relève que du lapsus, c’est-à-dire un relâchement de la pensée à un moment donné, au point d’exprimer autre chose que ce qu’on voulait dire. Sans doute du fait de la fatigue en fin de discours. Mélenchon lui, sait que Sonko n’a pas défendu l’homosexualité.
Sur le problème de l’homosexualité, Sonko a été clair : Les velléités extérieures de nous imposer l’importation de modes de vie et de pensée contraires à nos valeurs risquent de constituer un nouveau casus belli. Le casus belli est une locution latine qui signifie un acte susceptible de motiver une déclaration de guerre. Les parties en opposition sont ici l’Occident et l’Afrique. Il ne peut être question de guerre, mais d’opposition culturelle, comme le précise Sonko. Il dit respecter le fait que la défense des minorités sexuelles soit érigée en débat prioritaire au sein des opinions occidentales. Mais dans des pays comme le Sénégal, cela soulève énormément de tensions et d’incompréhensions tant elle met face à face des cultures, des civilisations et des systèmes politiques à la vision diamétralement opposés ».
C’est cela défendre l’homosexualité ? Dans son allocution il a sans ménagement utilisé le terme wolof goor jiggen. N’oublions pas que Sonko avait envoyé un message de soutien au footballeur sénégalais Gana Guèye alors sociétaire du PSG, qui avait refusé de porter un maillot avec une effigie de propagande Lgbt. L’homosexualité n’a aucun avenir en Afrique et particulièrement au Sénégal. Les Sénégalais de toutes ethnies et de toutes confessions la combattent. Le premier garde-fou contre le Lgbt est la réprobation populaire.
Le Coran condamne l’homosexualité à travers l’histoire racontée du prophète Loth (psl), contemporain et neveu du prophète Ibrahim (Abraham, psl) (Coran 7 : 80 - 81 ; 26 : 165- 73 ; 27 : 55 ; 29 : 28-29). La Bible aussi (Genèse 19 : 30-36) condamne l’homosexualité. On apprend que les lieux de naissance de l’homosexualité sont les deux cités Sodome et Gomorrhe du côté de la mer morte entre la Jordanie et Israël. Ces deux cités ont bel et bien existé, ayant été détruites par une giboulée de pierres comme sanction divine, nous dit le Coran. Leurs sites ont été découverts à une période récente par l’archéologue américain Ron Wyatt. Ceci étant, il convient de s’atteler aux véritables problèmes de nature structurelle du pays, et en finir avec le débat sur l’homosexualité. Ce qui n’exclut pas la vigilance, mais il ne faut pas en faire un fonds de commerce.
Par Abdoul Aziz TALL
CHANGER DE COMPORTEMENT, UN IMPERATIF CITOYEN CATEGORIQUE
Les conditions de réussite du nouveau régime sont intrinsèquement liées à un changement majeur des comportements.
La perspective de l’exploitation du gaz et du pétrole, des richesses minières de notre sous-sol, la réappropriation de nos ressources maritimes, de même que l’ardent désir de souveraineté des nouvelles autorités, ne sauraient être à elles seules les conditions d’une émergence du Sénégal.
En effet, quelle que soit la légitimité de la rupture souhaitée par le peuple, celle-ci ne peut s’opérer qu’à des conditions où chaque citoyen sénégalais prenne conscience qu’il reste et demeure au centre du processus transformationnel. Ainsi donc, en paraphrasant le Président John F. Kennedy, tout citoyen devrait, à cette étape cruciale des mutations institutionnelles qui s’opèrent, se demander ce qu’il devrait faire pour son pays, afin de rendre plus aisée la tâche des nouvelles autorités, de les accompagner dans la mise en œuvre diligente du projet qu’ils ont largement plébiscité au soir 24 Mars dernier.
A cet égard, le débat public relatif à la gouvernance doit d’abord questionner les contre-valeurs d’une société dont les obstacles au développement découlent largement de ses propres comportements.
De cette introspection, il apparaîtra nettement que l’incivisme et l’incivilité de nombre de nos compatriotes dépassant tout entendement, devraient être au cœur des préoccupations collectives. En effet, il n’est point besoin d’être socio-anthropologue pour constater avec moult regrets, l’indiscipline notoire de certains de nos compatriotes, qui s’exprime quasiment à tous les strates de la société et dans tous les secteurs d'activités.
Le non-respect des valeurs et règles les plus élémentaires en termes de comportements civiques est plus que factuel. Ceci, à travers l’anarchie qui règne presque partout, notamment en milieu urbain. Les exemples sont légion.
A commencer par l’utilisation des réseaux sociaux devenus présentement un bassin de rétention des débatteurs de caniveaux où dominent invectives et insanités. Rappelant à bien des égards, les querelles de mégères autour des bornes fontaines. Des « spécialistes » autoproclamés interviennent avec audace et effronterie sur tous les sujets, dans tous les domaines, violent les règles d’éthique et de déontologie les plus élémentaires et faisant au passage du métier de journaliste et de chroniqueur, la fonction la plus "usurpée" aujourd’hui au Sénégal. Leur piètre prestation conforte assurément les propos de l’écrivain italien Umberto Eco, affirmant que : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui avant, ne parlaient qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui, ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel. »
Un autre aspect tout aussi visible de ces dysfonctionnements de notre société réside dans nos comportements en milieu urbain. Aujourd’hui, le phénomène le plus frappant et le plus inquiétant dans nos villes est sans conteste l’utilisation anarchique des cyclomoteurs qui offrent un spectacle à la fois indigne et affligeant de conducteurs qui violent allègrement les exigences du code de la route. Tels des anguilles, ils se faufilent avec insouciance entre les voitures et sont régulièrement à l’origine de graves accidents. Le défaut de port du casque est devenu une flagrante banalité. Pis encore, nombreuses sont les agressions des citoyens par des délinquants souvent primaires à bord de cyclomoteurs. Pourtant, l’utilisation de ce type de véhicule est soumise à l'obligation de disposer d'un permis de conduire de catégorie B et de l’immatriculation de ces moyens de transport auprès des services techniques de l’Etat.
A côté de « ces engins de la mort », la valse des charrettes sur des artères à grande circulation fait désormais partie du mobilier urbain, tout comme ces véhicules de transport curieusement dénommés « Taxis clando »
Tous ces désagréments s’imposent à tous les usagers, en dépit des efforts consentis en matière de mobilité urbaine, et sur fond de violation des dispositions réglementaires prévues à cet effet. Si l’on ajoute à ce décor l'occupation anarchique des trottoirs par toutes sortes de commerces et une véritable invasion des grandes artères, jusqu’au niveau de l’autoroute à péage…par des marchands à la sauvette, des véhicules de transport bondés jusque sur les marchepieds, l’on mesure le danger permanent, la grave menace de ce cocktail explosif sur notre société.
La bombe sociale symbolisée par la circulation en milieu urbain est composée d’ingrédients étonnants et détonants. Mendiants et enfants errants se disputent la chaussée qui souffre d’accueillir autant de désinvolture.
Trouver des solutions à ces problèmes et tant d’autres de même nature préoccupante, est devenue une urgence nationale. Pour rappel, une étude récente révèle, concernant les accidents de la route au Sénégal, que plus de 80% des causes sont liées à « des comportements humains ». Un euphémisme pour désigner simplement l’indiscipline de nos concitoyens.
Il ne s’agit point d’éliminer ces moyens de transport , car ils correspondent effectivement à un besoin d’une catégorie sociale, mais il urge d’y mettre de l’ordre, de lutter contre l'anarchie dont ils font l'objet.
Sur un tout autre registre, le domaine public maritime est spolié en violation flagrante des dispositions en vigueur en la matière, les espaces publics sont « clochardisés » avec l’installation anarchique de garages de toutes sortes, de vendeurs de meubles et produits recyclés importés, y compris même des matelas déjà utilisés dans des hôpitaux et hôtels d’Europe. Ce qui constitue une réelle menace en matière de Santé publique. Cette anarchie s’installe bien souvent sous le regard complice de certains maires de commune, peu soucieux de l’environnement et du cadre de vie de leurs mandants.
Trouver dans nos cités un jardin public pouvant servir de lieu de détente et d’attraction pour les enfants, revient aujourd’hui à chercher une aiguille dans une botte de foin.
Conséquence, la chaussée est littéralement transformée en terrain de jeux avec tous les risques d’accident.
Le phénomène de la corruption, les trafics de toutes sortes en matière de drogue, de devises, les agressions des citoyens par des voyous en plein jour et en pleine rue, la pollution sonore dans les marchés et lieux publics, de même que les barrages systématiques de rue à l’occasion de cérémonies familiales, pourtant soumis à des autorisations préalables, sont devenus monnaie courante.
Quant à cette mendicité agressive si proche du racket, les automobilistes en font les frais au quotidien et en plein centre-ville Pourtant il existe des pays africains, notamment dans le Sud du continent, où ces genres de comportements inciviques existent certes, mais y sont rares parce que sévèrement punis. Les contrevenants s’exposent à de fortes amendes et en cas de récidive, ils peuvent même encourir une peine de prison.
Malheureusement, tous ces phénomènes évoqués ici, ne sont que des échantillons d’actes d’indiscipline et de comportements à bannir , si nous voulons accompagner la dynamique de rupture initiée par les nouvelles autorités.
Persister dans l’incivisme les obligerait, via la délégation de pouvoir conférée par le peuple, de passer du temps à corriger des imperfections collectives en lieu et place d’une concentration sur l’essentiel de leurs missions régaliennes. Tant il est vrai que tous ces dysfonctionnements sont incompatibles avec la mise en œuvre d’une véritable politique de développement du Sénégal.
COMMENT METTRE FIN À TOUTE CETTE ANARCHIE ?
Dans un premier temps, il ne serait indiqué de ne pas adopter une approche autoritaire, avec un usage brutal et abusif de la force publique
Il faut plutôt esquisser en amont une stratégie de sensibilisation, selon une démarche qui impliquerait fortement, entre autres, les médias publics comme privés, ainsi que les acteurs culturels. Qu’il s’agisse des radios, télévisions ou des journaux et réseaux sociaux, les troupes de théâtre, les Asc de quartier, les messages de rappel citoyen doivent être permanents à travers les différents supports de communication de masse, tout en évitant surtout de donner à ces actions une connotation politicienne.
Par ailleurs, les curricula d’instruction civique dans les établissements scolaires et universitaires, inspirés du fond de nos valeurs culturelles, devraient être systématisés et valorisés.
Ce travail de sensibilisation pourrait être confié à une structure dédiée à la promotion d’une culture civique (un service civique national) qui serait logée à un niveau stratégique, pour lui conférer le poids institutionnel nécessaire à l’accomplissement de sa mission.
A côté du volet sensibilisation, le non-respect des règles et principes qui doivent guider le comportement citoyen, doit faire l’objet de sanctions, sans discrimination de la part des services publics habilités.
Il y a manifestement une forte corrélation entre l’état de développement d’une nation et le niveau d’élévation de l’esprit civique de ses citoyens. Dans ce sens, les pays asiatiques sont des nations de référence..
L’on ne peut pas déléguer à un pouvoir l’autorité de nous diriger, pour ensuite avoir des comportements de nature à entraver l’exercice de sa mission.
L’image de ces jeunes en pleine possession de leur potentiel physique qui sillonnent les rues de la capitale, longent les grandes artères de la ville, est insupportable, dans un pays qui dispose de terres arables, d’eau et de soleil, vecteur d’énergie propre. Ils sont là à risquer courageusement leur vie pour revendre des fruits et légumes produits au Maroc... par des jeunes du même âge. Issus pour la plupart du monde rural, il serait judicieux de les aider à se reconvertir dans les métiers porteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pisciculture.
L’actuel ministre, en charge de l’agriculture et de l’élevage qui capitalise une expérience avérée en entreprenariat agricole , pourrait certainement leur indiquer la voie à suivre.
Ces exemples d’attitudes à bannir ne sont hélas qu’une infime partie des comportements qui ne sauraient accompagner la rupture envisagée par les nouvelles autorités du pays.
La conscience de chaque citoyen doit être son propre gendarme, face à ses exigences vis-à-vis de la société.
Ce n’est pas le lieu de s’ériger en donneur de leçons, encore moins d’évoquer un passé nostalgique
Les règles de comportement citoyens et civiques et les sanctions qui les accompagnent doivent s’imposer à nous tous. Sans exception ! Même s’il peut nous arriver de les enfreindre volontairement ou non.
La justice et les forces de l’ordre ont, entre autres missions traditionnelles, de réguler le fonctionnement de notre société, afin de garantir à chaque citoyen la possibilité de vivre en paix, en harmonie et en sécurité, dans un environnement propice à son épanouissement.
Abdoul Aziz TALL
Ancien Directeur général du BOM
Ancien ministre