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25 novembre 2024
Opinions
Par Ndiaga SYLLA
GOUVERNER PAR UNE AUDACE RATIONNELLE ET UNE RUPTURE PRAGMATIQUE !
La justice est un maillon essentiel pour garantir l’exercice du droit de suffrage. Quelles réformes pour renforcer l’intégrité et la sincérité des processus électoraux ?
La justice est un maillon essentiel pour garantir l’exercice du droit de suffrage. Quelles réformes pour renforcer l’intégrité et la sincérité des processus électoraux ? Entre les juges du TI (Ziguinchor), de la Cour suprême, du TI (HC de Dakar), de la Cour d'Appel et du Conseil constitutionnel, quelle articulation pour garantir l’expression libre et démocratique du droit de suffrage ? La justice étant transversale, il aurait été plus judicieux d’envisager les réformes institutionnelles et politiques dans une démarche plus globalisante en perspective d’une révision de la Constitution qui fera par exemple que la date de l’élection présidentielle soit précisée non pas par décret mais par une disposition constitutionnelle et la commission électorale indépendante constitutionnalisée. Il existe de bonnes pratiques dans le monde qui peuvent nous inspirer avec justesse. Pour ce faire, il faudra avoir l’audace de rompre avec le modèle du colonisateur... Telle est ma modeste contribution à la réforme de la justice !
Ailleurs, des assises nationales ont formulé des recommandations pertinentes hors celles visant la prorogation de la Transition plus que le temps d’un mandat démocratiquement acquis. Le 28 mai 2016, fut initié un dialogue national afin de corriger les impairs et divergences lors du référendum de la même année et d’engager les implications de la révision constitutionnelle notamment celles relatives au système électoral - les autres n’ayant pas été jusque-là finalisées (financement public des partis, statut de l’opposition...). Et cette journée fut institutionnalisée en vue d’instaurer un dialogue qui permit, plus tard, la réhabilitation d’hommes politiques traqués et déchus de leur droit de vote et d’éligibilité.
Par prudence et précaution, le nouveau Président de la République marche à un rythme lent - en toute humilité et fermeté - même dans les nominations alors que le peuple a hâte de connaître les véritables ruptures et changements !
Ndiaga SYLLA
Expert électoral
par l'éditorialiste de seneplus, alymana Bathily
DIALOGUE NATIONAL SUR LA JUSTICE, LE DÉSARROI D’UN MILITANT
EXCLUSIF SENEPLUS - Je m’attendais à la mise en œuvre des conclusions des Assises et des recommandations de la CNRI comme promis par Diomaye. Qu'en est-il de l'absence de ceux et celles récemment mobilisé.e.s contre les dérives de Macky Sall ?
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 29/05/2024
En tant que militant à la fois de Pastef et de la société civile, je suis désemparé par l’annonce de cette « Journée du Dialogue National, 4e édition » sur le thème de « la modernisation de la Justice ».
La CNRI recommandait en effet d’« organiser une large concertation nationale sur les réformes à mettre en œuvre à court, moyen et long termes, pour doter le pays d’une armature institutionnelle moderne, à la mesure de son ambition de devenir et de rester une grande nation de démocratie ».
Le but de l’exercice était de « formuler toutes propositions visant à améliorer le fonctionnement des institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’Etat de droit et à moderniser le régime politique ».
On recherchait au final « la consolidation de l’Etat de droit, l’équilibre des pouvoirs entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, le renforcement de l’indépendance de la Justice, l’approfondissement de la démocratie représentative et participative, le renforcement et la protection des libertés publiques, le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration, la territorialisation des politiques publiques, la protection et la promotion des valeurs positives de notre société, la promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité ; la stabilité institutionnelle ».
Au lieu de cela, la journée de « dialogue national » n’a pour objet que d’« examiner en profondeur les forces et faiblesses de notre système judiciaire, identifier les dispositions légales et réglementaires à améliorer et élaborer une feuille de route pour la mise en œuvre des solutions dégagées. …restaurer la confiance des citoyens dans cette institution clé ».
Il y a aussi que ce « dialogue national, 4e édition » se place d’emblée dans la continuité de ce qui s’est fait précédemment sous l’ancien régime. Moi j’attendais la rupture. Pas la continuité de Macky Sall.
On me dira qu’il s’agit de la continuité de l’Etat. Raison de plus pour que je sois désemparé car je me suis engagé à Pastef précisément pour l’avènement d’un Etat de type nouveau. J’estime en effet que tous les maux du Sénégal relèvent du type d’Etat qui s’est imposé à nous depuis la présidence de M. Léopold Sédar Senghor et qui perdure encore : l’Etat néocolonial.
Il y a ensuite, le format et la méthode de ce dialogue national qui me pose problème.
La plateforme Jubanti est très « sexy » et « branchée » mais je doute que la consultation des citoyens en ligne par « Sa Gis Gis ci doxalinu yon » soit aussi fructueuse et au final aussi démocratique que la méthode mise en œuvre par la CNRI. Il s’agissait alors de panels citoyens avec un échantillon représentatif de citoyens dans chaque département pour recueillir leurs avis sur les réformes souhaitées, les enquêtes par questionnaires adressées aux organisations politiques, syndicales et de la société civile « porteurs d’enjeux » ainsi que les foras populaires ouverts à tous les citoyens à travers le pays.
On a par contre « oublié » des organisations et personnalités de la société civile qui se sont mobilisées naguère contre les atteintes à l’Etat de droit, contre le report de l’élection présidentielle par M. Macky Sall et contre la tentative de bâillonnement du Conseil constitutionnel par le président de la République.
Je pense au F24, à Aar Sunu Election, à Présence Chrétienne, à Demain Sénégal, à Sursaut Citoyen notamment et à des personnalités comme Paul Dominique Corréa, Mamadou Ndoye, Thiaba Camara Sy et Mamadou Loum.
Donner du temps au président Diomaye Diakhar Faye
Loin de moi l’idée de condamner le président Diomaye Diakhar Faye et de l’assimiler au président Macky Sall qui a commandité les travaux de la CNRI pour déclarer ensuite qu’il allait en garder ce qui lui semblait le plus pertinent avant de jeter le tout au rebut. Je garde à l’esprit qu’il est au pouvoir depuis moins de 100 jours ; en fait 90 jours à peine.
Les organisations de la société civile à l’initiative desquelles il avait signé le PNBGD s’étaient données un délai de 200 jours après sa prise de fonction comme président de la République pour apprécier ce qu’il aura entrepris pour la mise œuvre du Pacte.
Je sais que la jeunesse sénégalaise, celle d’ici comme celle de la diaspora, qui est le premier artisan de l’avènement du président Diomaye Diakhar Faye, qui a versé son sang et aliéné sa liberté en tribut, est impatiente de voir le changement radical promis par le « Projet » mais fait confiance au président Diomaye Diakhar Faye et au Premier ministre Ousmane Sonko
Je sais aussi que ce pays est profondément conservateur, que la culture du « massla » est si prégnante, que les nouvelles autorités sont certainement soumises à de très fortes pressions, de toutes part pour les inciter au conformisme et au maintien du statu quo.
Je sais que le « changement » aussi bien au niveau individuel, qu’au niveau des organisations et au niveau de l’Etat est très difficile et ne se fait souvent que sous la contrainte. Je soupçonne qu’il y a certainement des forces, dans toutes les strates de la société, dans l’administration, jusqu’au sein de la présidence de la République, qui œuvrent dans le sens contraire des aspirations radicales du « Projet ».
Je fais confiance cependant à l’engagement du président de la République et du Premier ministre à réaliser, à terme, avec le peuple sénégalais la révolution démocratique à laquelle le Sénégal aspire depuis si longtemps.
Par Dr Mamadou Bodian
REFORMER OU REFONDER ?
Alors que la quatrième édition de la Journée du dialogue national démarre aujourd’hui (le 28 mai 2024), l'attention des Sénégalais se focalise sur un enjeu crucial : « La réforme et la modernisation de la Justice ».
Alors que la quatrième édition de la Journée du dialogue national démarre aujourd’hui (le 28 mai 2024), l'attention des Sénégalais se focalise sur un enjeu crucial : « La réforme et la modernisation de la Justice ». Ce thème suscite des attentes considérables et une impatience croissante, reflétant le désir profond d’évoluer une fois de bon vers une justice véritablement réconciliée avec ses citoyens, mais surtout exercée en leur nom et pour leur bénéfice. Ce besoin urgent de réforme est amplifié par un contexte où les faiblesses structurelles et fonctionnelles du système judiciaire ont été mises en lumière, exacerbées par une crise politico-judiciaire persistante au cours des trois dernières années.
Aujourd’hui, la perte de confiance s'est transformée en une méfiance croissante de la population à l'égard du système judiciaire perçu comme une institution vacillante quant à son impartialité, en particulier dans les affaires à motivation politique. Cette perception négative est aggravée par l'instrumentalisation du pouvoir judiciaire, la judiciarisation de dossiers politiques qui a conduit à l'éviction de candidats sérieux. L'indépendance du pouvoir judiciaire est gravement compromise par l'influence prépondérante de l'exécutif et les immixtions flagrantes qui perturbent l'autonomie des juges.
L'usage excessif de la force par les forces de défense et de sécurité et les arrestations arbitraires lors de manifestations publiques sont légion, tandis que la lenteur de la justice à traiter ces abus a exacerbé la frustration et le ressentiment de la population. Tout cela s'ajoute aux frustrations liées au dysfonctionnement du système judiciaire, avec un personnel insuffisant, un accès difficile pour les citoyens et une répartition inégale des juridictions à travers le pays, ce qui se traduit par une prestation parfois médiocre des services judiciaires. Ces dysfonctionnements ont érodé la confiance du public et mis en évidence le besoin urgent de réformes et de modernisations profondes pour restaurer l'intégrité, l'impartialité et l'efficacité du système judiciaire sénégalais.
Les travaux de réforme et de modernisation de la justice, dont les conclusions seront présentées le 4 juin prochain, devraient être un moment fondateur pour restaurer la confiance des citoyens et garantir une justice indépendante et impartiale, ancrée dans notre réalité socioculturelle. Mais le délai défini sera-t-il suffisant pour poser le diagnostic nécessaire et aboutir à des conclusions sérieuses ? En tout état de cause, au cœur de cette réforme se trouve le besoin d'introspection, ce qui m'autorise à partager mes réflexions autour de quelques axes à placer dans la corbeille des propositions et envisager la possibilité dune refondation du système de justice.
1- La nécessité de clarifier les contours de la réforme et les dimensions de la modernisation
La notion de justice est profondément enracinée dans les contextes sociaux et culturels, façonnée par les valeurs, les croyances et les traditions qui définissent chaque société. Comment reformer notre justice sans toucher aux fondamentaux ? L’expérience nous apprend que certaines réformes ont été de simples ajustements tandis que d’autres ont provoqué des bouleversements significatifs, et d’autres encore ont servi de prétextes à des règlements de compte politiques. Cependant, dans la commande fourni par les nouvelles autorités, il me semble que l'orientation des assises se focalise sur une réflexion à même de produire des conclusions permettant de lutter contre le poids du passé et à s'adapter à la société sénégalaise en constante mutation pour une justice accrue. Selon le communiqué de la Présidence de la République, le « Dialogue national » a pour objectif d'examiner en profondeur les forces et faiblesses du système judiciaire, d'identifier les dispositions légales et réglementaires ainsi que les mécanismes institutionnels à améliorer, et d'élaborer une feuille de route pour la mise en œuvre des solutions dégagées. Cet objectif est pertinent, mais il semble essentiel de préciser : s'agit-il d'une réforme de la justice ou du secteur de la justice ?
La réforme de la justice se concentre principalement sur les aspects internes du système judiciaire. Elle vise à améliorer les procédures judiciaires, garantir l'impartialité des juges, accélérer les délais de traitement des affaires, renforcer les mécanismes de contrôle et de supervision internes, et promouvoir la transparence et l'efficacité dans l'administration des affaires judiciaires. Cette réforme inclut également la formation et l'éthique des magistrats et des agents judiciaires pour garantir des décisions justes et équitables. En revanche, la réforme du secteur de la justice englobe une vision plus large et systémique. Elle inclut non seulement les aspects internes de la justice, mais aussi les interactions entre la justice et d'autres secteurs tels que la sécurité, la police, les services correctionnels, et même les institutions politiques. Cette réforme vise à assurer une cohérence entre les différents acteurs et institutions contribuant à l'administration de la justice. Elle peut inclure des initiatives de modernisation pour améliorer les infrastructures judiciaires, renforcer les services de défense et d'aide juridique, moderniser les technologies utilisées par le système judiciaire, et promouvoir une plus grande collaboration entre les institutions pour garantir un accès équitable et universel à la justice. En un mot, la réforme implique une dimension d’innovation qui revisite les fondements même de notre système de justice.
2- Questionner et refonder les bases ontologiques du système de justice
Le droit positif sénégalais trouve ses origines dans l'histoire coloniale, largement influencée par le droit français. Pendant la colonisation, le Sénégal, qui faisait partie de l'Afrique Occidentale Française (AOF), a adopté les codes français (civil, pénal et commercial), qui s'appliquaient différemment aux colons et aux colonisés. À l'indépendance en 1960, le Sénégal a conservé cette base législative, tout en adaptant ses lois aux réalités sociopolitiques locales. Ce droit positif, écrit en français (donc inaccessible à la grande majorité), intègre certes des éléments de droit coutumier et islamique, notamment dans le domaine du droit de la famille, afin de refléter la diversité culturelle et religieuse du pays. Cependant, cette intégration a conduit à une cohabitation malaisée de normes qui n'ont pas le même fondement ontologique, aboutissant parfois à une justice jugée inéquitable ou inaccessible. Des corrections sont nécessaires, car la loi reste le fondement de l'application de la justice. L'application d'une loi jugée injuste ou socialement inappropriée ne produit pas nécessairement la justice.
Il est crucial, dans le cadre des assises, de repenser les fondements du système pour éliminer les dynamiques de pouvoir désuètes et oppressives et intégrer les pratiques judiciaires traditionnelles - notamment dans les domaines liés à la résolution de conflits et à la justice communautaire - respectueuses des droits fondamentaux. En outre, l'intégration de l'enseignement des principes juridiques traditionnels dans les cursus académiques des futurs juristes est primordiale. Les programmes d'éducation juridique devraient inclure des modules spécifiques sur l'histoire, la philosophie et l'application pratique des systèmes juridiques traditionnels, ainsi que des sessions de formation continue pour les professionnels en exercice.
La mise en place de tribunaux hybrides, combinant méthodes traditionnelles et modernes, pourrait servir de pont entre les deux systèmes. Cette hybridation favoriserait l'utilisation de la médiation et de l'arbitrage basés sur des principes traditionnels, et devrait être conçue de manière à garantir une transition fluide et une acceptation plus large des méthodes traditionnelles. Toutes les adaptations doivent être scrutées pour s'assurer qu'elles respectent les droits fondamentaux et les libertés individuelles. Enfin, la mise en place de projets pilotes permettrait de tester l'efficacité de l'intégration de ces pratiques dans des contextes spécifiques, avec une évaluation continue basée sur les retours de la communauté et les résultats obtenus pour ajuster et affiner les approches.
3- Sortir le vers de la pomme de discorde sur l’approche du dialogue national
Depuis la publication de la liste des participants aux assises de la justice, des critiques ont fusé de toutes parts concernant la représentativité et surtout le format de ces rencontres. Beaucoup y voient une réminiscence des précédentes éditions des dialogues nationaux sous Macky Sall, organisées de manière précipitée, semblant donner l’impression de faire bouger les lignes sans réellement le faire. Une telle diligence, bien que motivée par l'urgence, risque d'entraver des discussions véritablement approfondies et un diagnostic rigoureux et holistique des problèmes affectant le secteur de la justice. Il est donc important d'anticiper ces écueils pour éviter que cette rencontre ne se transforme en une réunion supplémentaire sans impact réel.
Pour corriger cette démarche, il semble nécessaire d’envisager un mécanisme de rétroaction continue après la livraison des conclusions. Dans cette optique, le lancement de la plateforme en ligne « Jubbanti » par le gouvernement le 23 mai est une initiative encourageante. Cette plateforme vise à améliorer le système judiciaire en permettant aux citoyens de donner leur avis et de signaler des dysfonctionnements. De plus, la mise en place d'un numéro vert pour ceux qui n'ont pas accès à Internet démontre la volonté de placer le justiciable au centre du processus. Cette initiative offre une voie directe et durable pour les réclamations, puisque les autorités s'engagent à maintenir cet espace de réclamation au-delà des assises qui ont débuté aujourd'hui, en répondant aux doléances des Sénégalais.
Il est également notable que, lors de la cérémonie d’ouverture des assises, le président Faye a annoncé qu’il allait consacrer la date symbolique du 28 mai au dialogue national dans le calendrier républicain. Il serait judicieux de faire de cette journée une occasion de saisine annuelle, permettant ainsi aux organisations de défense des justiciables (y compris celles de différents secteurs), ainsi qu'aux acteurs et fournisseurs des services de justice, d’interpeller directement les autorités publiques nationales, comme le Premier ministre ou le ministre de la Justice, sur des aspects majeurs du secteur de la justice.
Cependant, il est crucial d'aller plus loin dans l'approfondissement et la perfection de notre système de justice, car les enjeux de justice varient en intensité selon les régions et les secteurs de la vie. Par conséquent, après les travaux des commissions et la restitution des conclusions des assises, il est impératif d’évoluer vers des discussions ascendantes et multisectorielles pour alimenter de manière continue la réflexion et adopter des mesures adaptées et viables. Cette approche permettra de surpasser la réforme et progresser vers une refondation progressive de notre système de justice.
par Mame Seydou BA
LA LÉGALITÉ DE L’EFFACEMENT DE LA DETTE FISCALE DES ENTREPRISES DE PRESSE
Aucune circonstances ne place les entreprises de presse dans une situation exceptionnelle justifiant une incapacité à s’acquitter de la dette fiscale. Beaucoup d’entre elles ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d’une remise gracieuse
L’actualité brûlante du pays a le charme d’offrir souvent à la doctrine et par extension aux praticiens une occasion de se prononcer sur certaines questions dont la compréhension et le maniement par le profane exigent parfois des aptitudes à la fois théoriques et techniques. Cela devient intéressant surtout dans un contexte où le débat public est parfois biaisé par des prises de position qui, pour l’essentiel, s’éloignent de la neutralité axiologique qui doit orienter la doctrine dans sa noble mission d’éclairer notre lanterne sur certaines problématiques de la gestion publique de la cité.
En effet, il s’agit de réfléchir sur l’amnistie fiscale (cette décision n’a pas encore fait l’objet d’une codification) accordée aux entreprises de presse par le Président de la République.
« Le Président de la République a reçu ce lundi les chefs d’entreprise de presse sénégalaise. La délégation s’est réjouie du soutien du chef de l’État pour l’effacement des impôts et taxes dus par les entreprises jusqu’en décembre 2023, pour un montant estimé à plus de 40 milliards de francs CFA ». Telle est l’économie du message posté sur le site de la Présidence de la République le 18 mars 2024. En d’autres termes, le Président Macky SALL a décidé d’éponger la dette fiscale des entreprises de presse (presidence.sn).
Cette largesse fiscale du Président de la République revêt un intérêt particulier pour nous. En effet, même s’il est vrai que cette mesure fiscale jusqu’au moment de la rédaction de notre article n’est pas encore codifiée, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est une opportunité pour réfléchir sur les remises ou modérations de dettes fiscales au regard de la législation sénégalaise souvent vigoureusement décriées par la société civile parce que parfois accordées en violation flagrante de la loi.
Dans ce cadre, cette réflexion nous place dans une logique de lanceur d’alerte face à cette entorse à la loi dans un contexte d’alternance politique au Sénégal.
Ainsi, il convient de poser les questions suivantes :
Le Président de la République a-t-il compétence pour effacer une dette fiscale ?
Cette mesure du Président de la République est-elle légale au regard du dispositif encadrant la remise gracieuse de dette fiscale ?
Il s’agira de rappeler d’une part le dispositif en vigueur en matière de remise ou modération d’une dette fiscale (I) et d’autre part d’apprécier la légalité de l’effacement de la dette fiscale des entreprises de presse par le Président de la République (II).
I. La législation en vigueur en matière de remise ou modération d’une dette fiscale :
L’annulation d’une dette fiscale est strictement encadrée par le législateur. En effet, aux termes de l’article 706 du Code général des Impôts (CGI), « le contribuable, en situation économique ou financière difficile, qui reconnaît le bien-fondé d’une imposition établie à son nom, peut introduire une demande de remise ou de modération de sa dette fiscale ».
L’autorité à travers l’arrêté n°025903 du 26 Novembre 2018 portant application des dispositions de l’article 706 du Code général des impôts (CGI) revient en détails sur le régime juridique de la demande de remise ou de modération d’une dette fiscale. Ce faisant, elle fixe les conditions de recevabilité d’une demande de remise ou modération d’une dette fiscale.
Les conditions de forme
La demande doit être adressée au Ministre chargé des Finances, et déposée auprès du Chef du service des impôts compétents avec l’ensemble des justificatifs de la situation qui la motive.
Sous peine d’irrecevabilité, la demande doit être accompagnée des pièces suivantes :
Une copie du titre exécutoire ;
Une preuve de l’effort fiscal consenti sur la prise en charge dont la remise ou la modération est demandée (justificatifs de paiements déjà effectués) ;
Les justificatifs de la situation économique ou financière difficile.
La demande de remise ou de modération de dette fiscale est instruite sous réserve d’un effort fiscal obligatoire fixé comme suit pour les personnes morales :
Pour une dette inférieure à 10 millions : 20% sans être inférieur à 500 000 F CFA ;
Pour une dette comprise entre 10 millions et 50 millions : 10% sans être inférieur à 2 000 000 F CFA ;
Pour une dette comprise entre 50 millions et 200 millions : 5% sans être inférieur à 500 000 F CFA ;
Pour une dette supérieure à 200 millions : 2% sans être inférieur à 10.000.000 F CFA ;
Preuve de la situation économique ou financière difficile
Les justificatifs à produire sont fixés comme suit :
La production des états financiers des trois (3) derniers exercices certifiés ;
Tout document prouvant les difficultés financières (relevés bancaires, mises en demeure, factures impayées, etc.) ;
L’existence de deux déficits comptables successifs ;
La perte des trois quarts (3/4) du capital social ;
Les reports systématiques d’échéance financière ;
La perte de licences, brevets, concessions de marques, accords de distribution ;
Les difficultés de trésorerie impliquant des licenciements collectifs d’une certaine importance, une dégradation du climat social voire des grèves.
Il faut noter que la demande est instruite par les services opérationnels en émettant une proposition de remise ou de rejet à l’autorité compétente.
Lorsque le montant de la dette est au moins égal à 250 millions, la proposition de remise ou de rejet est transmise par le Directeur général des Impôts et Domaines (DGID) à la commission de validation des propositions de remise ou de modération prévues à cet effet.
Les limites
Elles sont au nombre de deux aux termes de l’article 706-5 du CGI :
Pour une même dette fiscale, le contribuable ne peut déposer qu’une seule et unique demande.
La demande de remise ou de modération ne peut porter sur des impôts ou taxes effectivement collectés ou retenus ainsi que sur les pénalités y afférentes. Il en est de même des impôts ou taxes régularisés pour cause de manœuvres frauduleuses.
II. La légalité de l’effacement de la dette fiscale des entreprises de presse par le Président de la République :
La décision du Président de la République une fois mise en œuvre sera illégale à notre avis pour deux raisons.
Une violation flagrante de la législation
Il apparaît nettement de ce qui précède que l’effacement de la dette fiscale par le Président de la République est en violation flagrante de la législation notamment l’ article 706 du CGI précité et de l’article 64-1 du décret n° 2020-978 portant Règlement général sur la Comptabilité publique, « les demandes en remise ou modération doivent être adressées au ministre chargé des Finances appuyées de toutes pièces probantes dans le mois de l’évènement qui les motive, sauf celles qui sont provoquées par la gêne ou l’indigence du contribuable, lesquelles peuvent être formulées à toute époque ».
En effet, les conditions posées par le législateur et rappelées supra sont claires et s’imposent aux autorités.
Seule la DGID à travers ses services opérationnels a la compétence d’instruire les demandes de remise gracieuse formulées par les contribuables aux termes de l’article 706 du CGI.
En plus, le Président de la République n’a pas la compétence légale d’éponger une dette fiscale en dépit de son pouvoir discrétionnaire.
En effet, l’impôt est du domaine de la loi aux termes de l’article 67 de la Constitution sénégalaise : « La loi fixe l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute natures (…) ».
Par ailleurs, il faut souligner que cette mesure du Président de la République s’inscrit dans une tradition de pratiques aux antipodes de la législation fiscale. En effet, il est devenu légion dans notre système fiscal les lettres d’exonération ou remises gracieuses accordées aux entreprises par l’autorité en violation flagrante de l’article 67 de la Constitution et de l’article 715 du CGI qui dispose « en dehors des cas limitativement et expressément prévus par la loi, aucune autorité publique, l’administration, ni ses préposés,ne peuvent accorder de remise ou modération des impôts, droits, taxes, redevances, intérêts, amendes et pénalités légalement établis, ni en suspendre le recouvrement, sans en devenir personnellement responsables ».
Une violation du principe de l’égalité devant l’impôt
Il est clair que le Président de la République, en effaçant la dette fiscale des entreprises de presse, violera le principe d’égalité des citoyens devant la loi fiscale consacré par l’article 6 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen (DUDHC) disposant que « la loi doit la même pour tous, soit qu’elle protège soit qu’elle punisse ».
En effet, l’égalité devant la loi fiscale signifie que tous les contribuables appartenant à la même catégorie doivent être traités de manière identique à travers les normes qui s’appliquent à eux.
Toutefois, l’égalité devant l’impôt ne signifie pas « uniformité de traitement fiscal » (El Hadji Dialigué Ba).
En effet, il est possible pour le législateur de régler de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement qui en résulte, soit en rapport direct avec l’objet de la loi qu’il établit.
Appliqué à notre cas d’espèce, nous remarquons que cette mesure du Président de la République une fois codifiée sera une atteinte grave au principe d’égalité devant l’impôt pour deux raisons.
D’une part, il n’existe pas de circonstances qui placent les entreprises de presse dans une situation exceptionnelle justifiant leur incapacité à s’acquitter de leur dette fiscale. D’ailleurs, beaucoup d’entre elles ne remplissent pas les conditions posées par l’article 706 du CGI pour bénéficier d’une remise gracieuse.
D’autre part, cette décision du Président de la République est discriminatoire parce que n’étant pas justifiée par des raisons d’intérêt général.
Ce mépris du droit, une fois codifiée mérite d’être déféré devant le juge afin que la légalité ne soit pas mise en veilleuse pour des raisons politiques. Ainsi, une saisine du juge de la légalité par un citoyen ayant intérêt à agir permettra de se faire une religion sur la légalité des amnisties fiscales accordées par l’autorité surtout dans un contexte de rationalisation des dépenses fiscales. L’avis du juge de la légalité sera intéressant dans le cas d’espèce parce que d’une part, il y’ a une rupture de l’égalité devant la loi fiscale un principe à valeur constitutionnelle et d’autre part une violation flagrante de la loi.
Malheureusement, le juge est l’acteur le moins présent dans notre contentieux fiscal car étant rarement saisi. Une situation à notre avis qui est justifiée parfois par le manque d’informations du citoyen qui a du mal à s’approprier de la législation fiscale afin d’en comprendre les enjeux.
A cela s’ajoute le mutisme de la doctrine qui parfois a du mal pour sortir des sentiers battus pour réfléchir sur les problématiques de l’actualité du système fiscal.
Bien entendu, le rôle de la doctrine ou des praticiens doit consister à rendre moins ésotérique le droit fiscal.
Sur ce, il faut saluer les efforts consentis par la DGID pour rendre plus accessible la fiscalité à travers son Bureau de Communication qui, de plus en plus, met en œuvre une politique communicationnelle très percutante visant à rendre la matière fiscale plus accessible pour le contribuable.
En effet, la compréhension du dispositif fiscal par le contribuable est un défi à relever. Elle permettra non seulement à ce dernier d’être enclin à souscrire à ses obligations fiscales, mais aussi d’être un bouclier contre tout abus de la législation fiscale par l’administration dont la finalité est de porter atteinte à l’égalité devant l’impôt et à l’équité socle de notre système fiscal.
C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’arrêt Casanova du Conseil d’Etat français du 29 mars 1901où l’intérêt à agir du citoyen local a été déterminant pour faire annuler par le juge administratif une mesure de l’autorité allant dans le sens de grever les charges publiques de la commune.
Mame Seydou Ba est Inspecteur des impôts et domaines, chef Bureau de la Gestion, du Contrôle et des Services aux Contribuables (BGCSC) CSF Thiès
Par Mohamed GUEYE
ON NE PEUT PARIER SUR LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE
La faiblesse de l’agriculture au Sénégal tient, entre autres, à la spéculation foncière, un phénomène qui s’est amplifié à partir de 2008, quand la Goana du président Wade facilitait l’acquisition de «la terre à qui voudrait la cultiver»
De passage à la Fiara cette semaine, le Premier ministre Ousmane Sonko a promis de «relever le défi de l’autosuffisance alimentaire». Très forte déclaration que tous les Sénégalais ne peuvent louer, d’autant qu’elle entre en ligne droite de la volonté exprimée par les dirigeants qui ont précédé ce régime, notamment les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall. Ces dirigeants ont été confrontés à des situations de crise alimentaire qui leur ont rapidement fait prendre conscience que le pays ne pouvait espérer se développer en basant son alimentation sur les récoltes des pays étrangers.
C’est ainsi qu’en 2008, à la suite d’une forte crise alimentaire mondiale, qui a réduit les quantités d’exportations alimentaires, le Président Abdoulaye Wade a lancé la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’alimentation (Goana). Il a débloqué un budget de plus de 60 milliards de francs Cfa pour cela, tout en encourageant tous les Sénégalais qui s’en sentaient la capacité, à se lancer dans l’agriculture. Des facilités ont été accordées aux potentiels entrepreneurs agricoles, en termes d’accès aux terres, à l’irrigation, et même pour acquérir des semences, des engrais et de l’eau. Le Président Wade s’attendait, avec tout cela, à voir le Sénégal réaliser un bond considérable de ses principales spéculations agricoles. 16 ans après, tout le monde a pu se rendre compte que dans aucune des spéculations visées par le pouvoir de Me Wade, le pays n’a pu atteindre l’autosuffisance. Est-ce sans doute pour cela que, fine mouche, le Premier ministre Ousmane Sonko a particulièrement évité de mettre l’accent sur une production quelconque, et s’est contenté de parler d’autosuffisance alimentaire de manière globale ? L’ennui est qu’en voulant ratisser large, on risque de ne réussir dans aucun domaine. Surtout qu’il n’y a aucun secteur de l’agriculture où l’on est susceptible de remporter plus rapidement des victoires. Il faut se rappeler les efforts consentis par le Président Macky Sall pour tenter de réaliser l’autosuffisance en riz au plus tard en 2017. Jusqu’à son départ du pouvoir, le chef de l’Etat sortant n’a pu savourer cette satisfaction. Ses différents ministres de l’Agriculture et lui se sont gargarisés de chiffres de production dopés, et qui ne tenaient nul compte des réalités sorties des champs de production. On a déjà indiqué ici que, même dans des secteurs où le Sénégal avait connu des avancées, comme dans la production de la tomate et sa transformation, des décisions politiques maladroites ont abouti à un fort recul, qui fait que la tomate Made in Sénégal est aujourd’hui une belle fiction, qui ne trompe plus personne à voir l’état de détresse des paysans de l’Interprofessionnelle de la tomate dans la Vallée du fleuve.
Ces exemples ont souligné le fait que l’autosuffisance alimentaire ne devrait pas s’arrêter au gonflement du budget de l’agriculture sans faire intervenir les autres éléments. La première et la plus importante étant la terre. Si les spécialistes disent que le Sénégal dispose de plus de 3 millions 800 mille hectares de terres arables dont près de 2 millions 500 mille sont mises en valeur. Sur ces terres emblavées, 17% sont confiés à des exploitants étrangers, principalement dans l’agrobusiness. La faiblesse de l’agriculture au Sénégal tient, entre autres, à la spéculation foncière, un phénomène qui s’est amplifié à partir de 2008, quand la Goana du Président Wade facilitait l’acquisition de «la terre à qui voudrait la cultiver», comme disait l’ancien chef de l’Etat. Ce furent surtout des promoteurs immobiliers qui se sont servis de la majorité de ces terres. Une situation facilitée par ailleurs par la difficulté d’accès au financement dans l’agriculture. Dans la vallée du fleuve Sénégal ou dans l’Anambé, les agents de La Banque agricole (Lba) ont plein d’anecdotes sur leurs chassés-croisés avec les producteurs de riz ou, dans une moindre mesure, d’oignon, quand vient le moment de recouvrer les créances. Pendant des années, il fallait un moment que l’Etat s’implique et décide de passer l’éponge si les créances devenaient trop lourdes pour le paysan.
On n’en finira pas avec ce phénomène tant que les structures d’encadrement des paysans, comme la Saed, l’Ancar, la Sodagri ainsi que les Drdr, ne seront pas plus dynamiques dans leur rôle d’appui technique des paysans à la base. A une époque où les coopératives et les interprofessionnelles ont quasiment toutes disparu, le paysan se retrouve seul face aux banquiers. Souvent, faute de pouvoir faire face à ses créances, le paysan se décourage et ne cherche pas à augmenter ses récoltes. C’est dire que la politique d’autosuffisance alimentaire ne se réalisera pas à la suite d’un «pari» à la Lonase ou sur 1XBet. Il s’agira au contraire d’un processus dynamique impliquant de nombreux acteurs, à commencer par les paysans et les services de l’Etat, pour finir par les consommateurs. Et en incluant les services d’encadrement, les chercheurs, agronomes, botanistes, géographes, aménagistes, pédologues, intermédiaires, producteurs privés de semences, industries de transformation et autres. Le Premier ministre a eu la sagesse de ne pas se fixer publiquement de délai pour la réalisation de son pari, ce qui est une bonne chose. Il aura également intérêt à ne pas vouloir faire table rase de ce qui a été fait. Macky Sall a porté le budget de l’agriculture à 120 milliards de francs Cfa, une première dans ce pays. Même si les résultats escomptés ne sont pas encore au rendez-vous, cela ne veut pas dire que la voie choisie était nécessairement mauvaise
Par Meissa DiAKHATE
LES ASSISES NATIONALES DE LA JUSTICE, ENTRE LOGIQUE DE CONTINUITE ET VOLONTE DE RUPTURE ?
Les Assises nationales de la Justice sont d’une pertinence évidente sur le plan tant justificatif que méthodologique.
Elles impriment une volonté de traduire en acte et en comportement une promesse électorale de rupture. L’engouement patriotique avec lequel les citoyens ont compris et plébiscité le PROJET qui a porté au pinacle l’actuel Président de la République, Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar FAYE, soutenu également par une frange importante de états-majors du landerneau politique. Cet épisode politique a conforté l’exception démocratique sénégalaise dans un continent en proie à des salves de violences lors des rendez-vous électoral.
Sur le plan méthodologie, les Assises nationales comme haut lieu de sécrétion du droit dénote l’option fondamentale des Hautes Autorités de rendre au Peuple sa souveraineté dans une démocratie représentative généralement confisquée par les institutions étatiques, les entités politiques et les forces sociales. A travers de telles Assises, le Peuple cesse d’être l’otage des gouvernants entre les échéances électorales ; il est élevé à la dignité d’acteur politique dans le contexte d’une «démocratie continue».
A l’analyse, le format nous inspire une certaine vérité, à savoir l’inscription du dialogue constructif dans le système de gouvernance au Sénégal, en écho à des vertus désormais séculaires.
Le plus innovant dans ce format, c’est évidemment le ciblage de la thématique : «réforme et modernisation de la justice». Mais le plus important est de ne pas penser de manière épisodique mémorielle ou stigmatisante. Bien au contraire, une démarche programmatique doit prévaloir pour incliner durablement notre Justice vers la quête d’un l’idéal démocratique.
A cet égard, je suis d’avis qu’il faudrait éviter «une judiciarisation» à outrance des débats. Oui, les lois portant Code pénal et le Code de Procédure pénale, régulièrement mises à jour, ont besoin d’une lueur d’esprit critique et réformateur. Pour autant, cela est loin d’être suffisant car les prétentions des citoyens, contribuables et usagers du service public sont souvent empêtrés dans des logiques judiciaires inextricables en matière également de contentieux administratif, de contentieux financier ou fiscal et de contentieux constitutionnel. Certes ceux-là ne sont pas privés de liberté, à l’instar des anciens détenus de la politique et ne vivent pas les affres de l’univers carcéral mais leurs conditions de survie peuvent être atteintes voire éteintes. Assurément, et j’ose l’espérer, ces pans entiers du droit, et plus spécifiquement des liberté économiques, politiques et sociales ne souffriront pas d’un isolement au cours des Assises nationales. Ce sont des problématiques juridiques et judiciaires qu’il faudrait certainement challenger dans une perspective inclusive et holistique, gage d’une réforme et d’une modernisation souhaitée de la Justice au Sénégal. Les profils pressentis aux Assises nationales suscitent l’espoir et autorisent l’optimisme.
En droite ligne, entre autres, des Etats généraux de l’Education et de la Formation (janvier 1981), de la Concertation nationale sur l’Enseignement supérieur (avril 2013), le Secteur névralgique de la Justice a grandement besoin de faire sa mue. Il n’est pas toujours donné à la Justice, réputée sereine et discrète, de se prêter à la profession de vérité du justiciable. Jusque-là, et cela reste valable pour les autres institutions publiques, les réformes sont aux couleurs des transformations institutionnelles et des préoccupations statutaires.
Les Assises nationales de la modernisation de la Justice porteront sans doute une attention particulière à la condition judiciaire du «citoyen». Il s’agit de repositionner le justiciable au cœur de la performance de la Justice. Bien pensé, le nouveau paradigme devrait cheminer vers l’accessibilité et l’amélioration continue de la qualité des services judiciaires délivrés aux particuliers et aux personnes morales justiciables.
La thématique dont il est question regorge d’intérêts majeurs en termes de dématérialisation des procédures judiciaires qui suppose à l’instar des procédures du Tribunal de Commerce et du Registre de Commerce et de Crédit mobilier, l’opérationnalité des chaînes civiles et pénales, l’informatisation du casier judiciaires, la consécration d’un juge des libertés, le retrait prudent et progressif du Président de la République et du Ministre de la Justice du Conseil supérieur de la Magistrature, l’enrôlement des administrateurs de greffe, des éducateurs spécialisés, des interprètes judiciaires et des ordres professionnels, des défenseurs des droits de l’homme et des professeurs de droit dans un Conseil supérieur de «la Justice»
Globalement, nous estimons que les profils en question s’alignent sur la pratique antérieure, exception faite à l’invitation des anciens détenus à y prendre part. Au vu de la liste qui a servi de base de travail, les forces vives de l’écosystème de la justice sont appelés au dialogue.
Seulement, il était possible de démultiplier - ce qui n’est pas encore compromis - les espaces d’échanges conformément à l’élan de transformation systémique impulsé par le régime de rupture.
Une bonne coordination suffirait pour organiser simultanément des Assises dans les quatorze (14) régions du Sénégal pour éviter l’intermédiation dans la manifestation des attentes plurielles en matière de réforme et de modernisation de la Justice. Ainsi, les communautés périphériques, encore éloignées des juridictions par la simple faute de la distribution des ressorts de compétence, tout comme les usagers du service public de la Justice à Dakar et à Thiès, frappés par l’engorgement des cabinets d’instruction, des rôles d’audiences et des greffes en charge de la production des extraits de casier judiciaire et de certains actes d’état civil, seraient tous mieux libres à amplifier, dans la diversité, leurs doléances.
Meissa DiAKHATE
Agrégé de Droit public
Conseiller au Bureau Organisation et Méthode
JUB, JUBAL, JUBANTI POUR UN PATRIMOINE FONCIER ET BATI PROTEGE
Le transfert irrégulier du patrimoine foncier et bâti au Sénégal suscite des préoccupations et à ce rythme, nos petits-enfants hériteront d’un État locataire.
Bés Bi le Jour |
Docteur Ousmane SANE |
Publication 29/05/2024
«Dans sa communication au Conseil des ministres, le Premier Ministre est revenu sur les priorités gouvernementales. À cet égard, il a donné aux ministres concernés des orientations en vue de la réduction du train de vie de l'État, avec notamment les démarches à entreprendre pour la récupération de son patrimoine foncier et bâti cédé à des privés dans des conditions irrégulières, alors que des services administratifs font recours à la location.»
I. Introduction
Le transfert irrégulier du patrimoine foncier et bâti au Sénégal suscite des préoccupations et à ce rythme, nos petits-enfants hériteront d’un État locataire. Les opérations non transparentes et frauduleuses ont abouti à des acquisitions douteuses de biens par des particuliers. Ces actions ont porté atteinte à la légitimité des droits de propriété. Nous sommes heureux que la protection du patrimoine de l’État soit une priorité pour le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, suivant ainsi les recommandations du Président de la République S.E Bassirou Diomaye Faye. En réalité, ces braquages fonciers sont les conséquences des fraudes documentaires, corruption, abus d’autorité de certains dignitaires qui s’approprient de manière impudique leurs logements de fonction et enfin d’un manque de supervision administrative. Comprendre cette dynamique antérieure est essentiel pour la mise en place de mesures de récupération efficaces des biens irrégulièrement cédés.
II. Cadre juridique et réglementaire du patrimoine foncier et bâti au Sénégal
Le patrimoine foncier et bâti au Sénégal est principalement encadré par le Code domanial et foncier. Ce dernier définit les principes d'acquisition, de gestion et de transfert des biens immobiliers. Le code précise effectivement les conditions selon lesquelles les terres peuvent être octroyées, louées ou cédées et les démarches juridiques à suivre en cas de contentieux fonciers. De plus, la législation sénégalaise concernant la construction et l'urbanisme impose des normes rigoureuses pour assurer la qualité des bâtiments et prévenir les infractions. Ensemble, ces dispositions légales visent à protéger les biens fonciers et bâtis du pays et à encadrer les transactions immobilières dans le respect absolu de la loi en vigueur.
III. Une stratégie rigoureuse et inclusive d’identification des cessions irrégulières de patrimoine foncier bâti
L'identification des cessions irrégulières de patrimoine foncier et bâti au Sénégal nécessite une investigation approfondie des transactions immobilières suspectes. Cela implique d'examiner les titres de propriété, les actes de vente, et de recueillir des témoignages pour déterminer les cas de cessions frauduleuses.
Les autorités compétentes doivent mettre en place des commissions d'enquête pour vérifier la légalité des transactions et recueillir des preuves tangibles. Ce processus exige une collaboration étroite entre les services fonciers, les autorités locales et judiciaires pour identifier avec précision les biens fonciers et bâtis cédés de manière irrégulière, afin de prendre les mesures appropriées de récupération.
Enfin, chaque département ministériel doit pouvoir mettre en place une commission interne pour recenser ses biens perdus. À titre d’exemple, comment comprendre qu’un département aussi important qu’est le ministère de l’intérieur loue une résidence de fonction pour le ministre alors que ce dernier avait une résidence se trouvant au 2, rue Diambar angle Pasteur, aujourd’hui une propriété privée d’un ancien ministre de l’Intérieur de manière totalement impudique.
IV. Rôles et responsabilités des acteurs impliqués
Les différentes parties prenantes dans le processus de réclamation du patrimoine foncier et bâti irrégulièrement cédé au Sénégal possèdent des missions et obligations bien délimitées. Les institutions gouvernementales comme : la Direction des Domaines, l’Agence de Gestion du Patrimoine Bâti de l’État, y compris le ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat doivent jouer un rôle premier pour gérer et orchestrer les démarches de réclamation du patrimoine. Les organes judiciaires, en particulier les cours de justice, ont un rôle essentiel dans le traitement des conflits et la prononciation des jugements d'annulation de cessions irrégulières. Les propriétaires privés impliqués doivent respecter les décisions judiciaires et contribuer activement à la régularisation de leur situation. Force restera à la loi !
V. Perspectives pour la gestion du patrimoine foncier et bâti
«Jub, Jubal, Jubanti» dans la gestion du patrimoine foncier et bâti au Sénégal. «Jub, Jubal, Jubanti» pour maintenir un niveau élevé de transparence et d'équité dans les transactions immobilières. «Jub, Jubal, Jubanti» pour faire obstacle aux cessions irrégulières «Jub, Jubal, Jubanti» pour sauvegarder les droits de patrimoine. «Jub, Jubal, Jubanti» dans le renforcement des mécanismes d’inspection et de pénalisation afin de décourager toutes sortes de fraude foncière.
Concernant les perspectives, la mise en œuvre d’outils de suivi et d’appréciation solides peut optimiser la gestion du patrimoine foncier, tout en stimulant la coopération entre certaines institutions compétentes. Enfin, face à ces enjeux de la gestion du patrimoine foncier et bâti, éduquer la population reste fondamental pour assurer un développement urbain constant et impartial.
Docteur Ousmane SANE
Jurisconsulte, Enseignant chercheur en Sciences Juridiques, Politiques et Diplomatiques Cirjus Paris
Email :o.sanediplomatiesn1@gmail.com
Par Hamidou ANNE
EN ATTENDANT LA BIENNALE
Quand le report de l’édition 2024 a été annoncé, j’ai pensé à une phrase qu’aimait répéter Abdoul Aziz Mbaye, à l’époque où il était ministre de la Culture. Il disait: «Dans la vie, quand on a assez, on organise, quand on n’a pas assez, on s’organise.»
Dak’Art est la première biennale d’Afrique et parmi les plus grandes manifestations d’art contemporain au monde. Notre pays s’honore tous les deux ans d’ac[1]cueillir des milliers de personnes qui viennent restituer durant la Biennale les contenus des disputes et des tribulations de l’art africain.
Quand le report de l’édition 2024 a été annoncé, j’ai pensé à une phrase qu’aimait répéter mon ami Abdoul Aziz Mbaye, à l’époque où il était ministre de la Culture. Il disait : «Dans la vie, quand on a assez, on organise, quand on n’a pas assez, on s’organise.» Or donc, artistes, galeristes, curateurs, collectionneurs et amateurs ont poursuivi leurs activités pour que le mois de mai reste une période de monstration des arts et de la créativité contemporaine sénégalaise et africaine. Tout de suite le slogan est lancé #TheOffisOn, puis à la suite d’un gentil et compréhensible rappel à l’ordre du Secrétariat général de la Biennale, le concept fédérateur est devenu TheNonOffIs On. Cet Off, qui n’en est pas un car n’ayant pas reçu le label des autorités compétentes, accueille de magnifiques expositions. J’en ai visité certaines qui m’ont plu, voire touché.
J’ai été heureux de voir «Dem Dikk/Viavai» à l’institut culturel italien dont la programmation est constante dans sa richesse et sa subtilité. L’exposition accueille des œuvres du duo Jukai dont une installation immersive qui rappelle les lumières scintillantes et les sonorités qui nous embrasent en tant que promeneurs réguliers dans les dédales de Sandaga. On y retrouve aussi Djibril Dramé Gadaay, brillant photographe, qui montre une autre facette de son talent à travers une nouvelle proposition artistique. Ses clichés sont produits sur des sacs de riz et des tissus tirés de son studio itinérant et en plein air «Ndeweneul». La silhouette que le visiteur aperçoit rend hommage à sa mère, qui a été elle-même vendeuse à Sandaga. La troisième artiste mise en valeur est Stefania Gesualdo dont la tapisserie qui s’effiloche comme un rappel du chantier permanent qu’est devenu Sandaga malgré les promesses d’une restauration en quelques années. Le compositeur de cette belle alchimie, Mohamed Al Amine Cissé, ancien banquier d’affaires reconverti en commissaire d’exposition, est bouleversant encore une fois dans son approche sensible de l’art. Il compose les œuvres comme il vit : dans une harmonie entre sens, passion et exigence. Cette exposition, minimaliste dans son aspect mais remplie de sens, est touchante dans son évocation du célèbre marché dakarois : un lieu-vie, symbole des espoirs anéantis et des rencontres du hasard fortuit.
Hasard fortuit, c’est tout le rapport que j’ai avec la curatrice et galeriste Océane Harati. Ce bout de femme énergique et passionnée voit grand, bouscule les codes et repousse les limites du possible dans un marché de l’art exigu et complexe. OH Gallery revient avec deux sublimes expositions des maîtres Soly Cissé et Viyé Diba. J’ai été touché par les grandes toiles du «Monde perdu» de Cissé, la puissance de son geste et la profondeur de ses évocations mystiques. Soly Cissé dessine ici les drames du monde, met en exergue les fantômes qui rôdent dans les villes et plongent les hommes et les femmes dans la peur, l’effroi et l’angoisse. Dans son texte consacré à l’exposition, le critique d’art Babacar Mbaye Diop évoque des scènes qui font écho à la déshumanisation et au désenchantement du monde. Les guerres, les génocides, la famine et le basculement du monde confèrent une dimension documentaire au récit pictural de Soly Cissé présenté par Océane.
Dans la deuxième salle de la galerie, figure le travail de Viyé Diba intitulé «Archives textiles». Artiste reconnu de la scène dakaroise et africaine et critique exigeant, Diba est un interrogateur de son temps, pour ne point verser dans les facilités et les certitudes. Dans cette exposition, ses boulettes de textile fabriquées à partir de chutes de tissu sont une interrogation et un doigt pointé sur la société de consommation dans une période d’obsolescence programmée des objets et de frénésie de l’achat, notamment dans les villes.
Artiste visuel engagé, Viyé Diba, qui a rejoint OH Gallery il n’y a guère longtemps, poursuit ainsi sa critique du capitalisme, de l’importation des matières que nous, citadins surtout, consommons. Il vient d’ailleurs d’être sélectionné pour l’une des plus grandes manifestations d’art contemporain au monde, Art Basel, dans la section Histoire, à la mi-juin. Selon le critique Malick Ndiaye, outre la critique des rapports économiques asymétriques entre l’Europe et l’Afrique, Viyé Diba esquisse ici une manière pour les archives textiles d’être des objets pour nourrir «le vocabulaire des langues nationales avec l’introduction de nouveaux termes importés (Borodé, Wax, Gezner)».
Le Off officieux de la Biennale en attendant la grand-messe du mois de novembre, regorge de pépites sur lesquelles je reviendrai peut-être. Mais en attendant, les Dakarois ont des choses sublimes à voir pour nourrir l’interrogation permanente sur l’art et la société en ces temps d’incertitude politique, morale et spirituelle.
Par Idrissa DOUCOURE
LA VISION DES NOUVEAUX DIRIGEANTS POUR UNE INDUSTRIE FORTE
Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal a tenté d’industrialiser son économie avec des succès mitigés et des défis persistants. Aujourd’hui, les nouveaux dirigeants ambitionnent de transformer l’industrie pour la rendre plus performante, résiliente
Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal a tenté d’industrialiser son économie avec des succès mitigés et des défis persistants. Aujourd’hui, les nouveaux dirigeants ambitionnent de transformer l’industrie pour la rendre plus performante, résiliente et autonome.
Les premières politiques se concentraient sur les infrastructures et l’industrie légère, telles que la Zone Franche Industrielle de Dakar, l’industrie chimique et le textile. Cependant, une faible diversification et des infrastructures inadéquates ont limité ces succès, rendant le pays dépendant des importations et vulnérable aux chocs externes.
Pour surmonter ces obstacles, les dirigeants de la troisième alternance veulent transformer les produits agricoles en chaînes de valeur ajoutée pour créer de la richesse et des emplois. Par exemple, la filière tomate, de Saint-Louis à Aéré Lao, pourrait rendre le Sénégal autonome et exportateur et permettre aux trois unités industrielles en place de fonctionner à plein régime. De petites unités de semi-industrialisation pourraient augmenter la capacité de production et réduire les pertes post-récolte.
La filière arachide, malgré des subventions, exporte beaucoup de produits non transformés vers des pays comme la Chine. Une meilleure structuration répondrait mieux aux besoins locaux et créerait des opportunités d’exportation de l’huile d’arachide. Ainsi il sera possible de permettre à la SONACOS de
privilégier la consommation locale. Ce changement de paradigme aurait entre autres avantages de privilégier le citoyen, qui aujourd’hui consomme plus de l’huile végétale importée, laquelle peut produire des composés nocifs au regard des pratiques de cuisson au Sénégal, généralement effectuée à très haute température.
La filière banane, avec la transformation de la banane fraîche en 23 sous-produits possibles, dont la farine de banane qui est déjà exploitée par des groupements de femmes à Tambacounda, pourrait créer des emplois et permettre l’exportation vers l’Europe, qui voit sa demande croître de plus de 200 000 tonnes par an.
Pour réussir, le Sénégal pourrait s’inspirer de la Corée du Sud et de l’Allemagne. En effet la Corée du Sud, après les ravages de la guerre, a adopté une stratégie d’industrialisation rapide et soutenue par des politiques gouvernementales fortes, se concentrant initialement sur la sémi-industrialisation avant de se tourner vers la grande industrie dans des secteurs de haute technologie comme l’électronique et l’automobile. Cette transition, orchestrée avec le soutien actif de l’État en matière d’investissements et de recherche, a propulsé la Corée du Sud parmi les économies avancées du monde, avec un PIB qui a spectaculairement grimpé de 2,3 milliards USD en 1962 à plus de 1,6 trillion USD en 2020.
D’autre part, l’Allemagne a misé sur la qualité de sa formation professionnelle et technique, en particulier à travers son système de formation en alternance qui associe théorie et pratique. Ce modèle a permis de développer des compétences précises répondant aux exigences des industries de pointe, notamment dans les secteurs de l’automobile, de la machinerie et de la chimie, consolidant ainsi sa position de leader économique en Europe.
Les nouvelles autorités veulent dynamiser l’industrialisation en établissant 45 agropoles, incluant la semi-industrie, et tirant parti des ressources agricoles de chaque région. Cette stratégie vise à repositionner le Sénégal comme un acteur majeur dans la production de biens transformés à haute valeur ajoutée.
Avec une approche de développement de la transformation sémi-industrielle, parfaitement articulée avec l’industrialisation, le Sénégal peut de façon stratégique, transformer son économie et réaliser un développement industriel durable et inclusif. Les nouveaux dirigeants montrent la voie vers une industrie forte et autonome, capable de créer de la richesse et des emplois massifs. Le potentiel est là, et avec les bonnes politiques et nos produits agricoles comme socle des investissements, le Sénégal peut devenir un modèle de réussite en Afrique et au-delà.
Ensemble, écrivons un nouveau chapitre de l’histoire industrielle du Sénégal, marqué par le succès, la résilience et la prospérité partagée.
Par Mamadou Ndiaye
CONVULSIONS
Les actes de violence prolifèrent. Ils embrasent nos quartiers et nos cadres de vie. Les gens étouffent mais se taisent. Se complaisent-ils par faiblesses ou par lâcheté ? Ce silence, lourd et pesant, ne signifie pas pour autant indifférence.
Les actes de violence prolifèrent. Ils embrasent nos quartiers et nos cadres de vie. Les gens étouffent mais se taisent. Se complaisent-ils par faiblesses ou par lâcheté ? Ce silence, lourd et pesant, ne signifie pas pour autant indifférence. Toutefois, la peur s’empare de la ville. Ses contours sont encore flous.
Parce qu’ils gagnent en intensité et en profondeur, les abus de forces ou les menaces traumatisent les populations dans les rues, dans les transports, sur les lieux de travail, dans les domiciles et dans les espaces publics. Autant dire partout.
Le mal s’aggrave et devient un malaise qui se généralise à une vaste échelle. Les désordres s’observent à divers endroits de la région de Dakar, dans la chaîne ininterrompue d’agglomérations qui s ‘étendent à perte de vue et aux abords de la nouvelle ville de Diamniadio.
Ce qui se passe sur l’autoroute à péage en offre une parfaite illustration. L’infrastructure relie la capitale à l’aéroport Blaise Diagne en traversant une kyrielle de banlieues envahies de nuisances. Le péage sert d’exutoire des passions aveugles et décousues.
Derrière les hauts murs se cachent des vies précaires, pourries ou gangrenées. De ces zones sortent des gamins armés qui prennent d’assaut le péage où, en un temps record, ils sévissent, accomplissent leur forfait, s’emparent de butins furtivement arrachés et disparaissent dans la nature. Ni vus, ni connus…
La rapidité d’exécution et la synchronisation des gestes renseignent sur le degré d’orchestration de ces comparses aux funestes intentions. Bien évidemment l’autoroute bouchonne fréquemment. En plus il est mal éclairé. Et l’absence de jalonnement policier favorise les incursions intempestives de bandits encapuchonnés ou encagoulés.
Ce week-end encore, un prêtre tombé en panne sur le péage a vécu un enfer avec une nuée de malfaiteurs qui l’ont rageusement violenté au point de le blesser gravement avant de le dépouiller de tous ses biens.
Membre du clergé catholique, le curé revenait de mission, le devoir accompli et s’apprêtait à retourner à ses fonctions. Il ne dut son salut qu’à la chance, au demeurant mince puisqu’il a perdu beaucoup de sang et ses précieux documents de culte ont disparu.
On aurait tort de ne voir dans la mésaventure du religieux qu’un fait isolé, anecdotique et de peu d’effet. Élargissons la base de compréhension de ce phénomène qui a surgi au milieu d’un chaos social sans nom, sans visage et qui n’offre aucune autre perspective que la flambée de violence.
L’autoroute à péage améliore certes les dessertes et pondère la fluidité dans la circulation. Mais son érection dévoile tout le long de sa trajectoire, une affligeante promiscuité, un entassement de pauvretés et une permanence des litiges résultant de frustrations accumulées. Les troubles et les convulsions y sont monnaie courante. La délinquance s’installe-t-elle pour une longue durée ?
Parfois ces agitations prennent une certaine ampleur et débordent dans la rue en se greffant à des facteurs sociaux ponctuels : harcèlement, addictions, santé mentale, pénuries, manques, discrimination, entre autres…
Devant autant de déficits, on le devine, difficile d‘échapper à l’esprit maléfique qui peut, en de telles circonstances, étendre son emprise jusqu’à secréter un embryon de pratique (ou de système) mafieux.
Les ingrédients s’accumulent pour l’essor d’un marché de trafics (ou de deals) de toutes sortes sur ce vaste espace en pleine restructuration. Ici ou là dans ces zones chaotiques, naissent par affinité des bandes (avec un chef charismatique) qui, chemin faisant grossissent et, avec le succès retentissant, se transforment en gangs qui se livrent sans merci à d’âpres combats de conquête et de contrôle. Ils délimitent des territoires « inviolables » et, avec des marqueurs codés, envoient des signaux aux bandes rivales.
La ville de Kolda a récemment fait l’actualité avec ces crispations sectaires. Les jeunes adeptes de ces pratiques répréhensibles règlent leurs comptes à coups d’armes blanches. La multiplication des « petits différends » poussent les protagonistes à en découdre par des moyens peu orthodoxes, et très peu conventionnels.
Les écoles ne sont pas épargnées. Notamment les lycées où prospèrent ces bandes entre élèves qui auraient pu privilégier des joutes de savoir, de connaissance, de talent et de virtuosité sous l’égide des corps professoraux. Ce serait là des promesses de réussite pour endiguer les violences résiduelles.
Leur emprise pourrit la vie des parents et des habitants voire même des voisins qui se barricadent dès le coucher du soleil dans e nombreux quartiers sensibles des grandes villes. Il est à craindre que ces poches d’instabilité ne profitent à d’autres « gladiateurs » plus prompts à faire régner des ordres que la morale et la société réprouvent.
Personne n’est à l’abri. Pas même ceux qui semblent vivre en vase clos dans des « ilots de prospérité ». Ils se croient mieux protégés. Rien n’est moins évident dans ce contexte de carences. Ne se plaignent-ils pas assez souvent des cambriolages dont ils sont victimes dans leurs maisons bunkérisées ! D’autant que leur option de vie tue la mixité sociale. Hélas, elle s’estompe progressivement.
D’aucuns disent que ces signes extérieurs d’opulence suscitent des envies et aiguisent des appétits impossibles à assouvir. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre les dissonances et les dissensions au sein d’une société travaillée par des clivages invisibles mais bien réels.
D’une façon ou d’une autre la prolifération des malfrats souligne une déliquescence accentuée des mœurs et des règles de bienséance de plus en plus fragilisées par les irruptions de violence.
Dans tout ce mélimélo, où est la police ? Son intégration dans les Forces de défense et de sécurité dilue quelque peu ses responsabilités. Elle est certes présente sur le terrain mais moins que par le passé. Or la police, par essence, constitue une force de proximité.
Elle perd sa puissance de dissuasion à mesure qu’elle s’éloigne de son champ opérationnel. Ses effectifs faiblissent alors qu’ils devraient croître en proportion de la population en hausse constante. A cela s’ajoute l’afflux de ressortissants des pays voisins où l’insécurité et l’instabilité mettent sur les routes de l’exode ceux-ci en quête de « havre de paix » sous des cieux plus cléments.
Le Sénégal est du lot comme ultime destination. Dans le flot des migrants qui arrivent s’infiltrent des combattants aguerris de causes perdues ailleurs. Ils se replient et se dissimulent. Se reconvertissent-ils pour autant dans des activités civiles propres ?
La police doit retrouver son rôle premier et mettre en relief ses compétences pour contenir toutes les violences. La solution n’est pas que policière : elle politique, sociale et… judiciaire aussi !
Justement, les Assises de la Justice s’ouvrent ce matin au Triangle des Bermudes sénégalais, à Diamniadio.