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28 novembre 2024
Opinions
par Mame Seydou BA
LA LÉGALITÉ DE L’EFFACEMENT DE LA DETTE FISCALE DES ENTREPRISES DE PRESSE
Aucune circonstances ne place les entreprises de presse dans une situation exceptionnelle justifiant une incapacité à s’acquitter de la dette fiscale. Beaucoup d’entre elles ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d’une remise gracieuse
L’actualité brûlante du pays a le charme d’offrir souvent à la doctrine et par extension aux praticiens une occasion de se prononcer sur certaines questions dont la compréhension et le maniement par le profane exigent parfois des aptitudes à la fois théoriques et techniques. Cela devient intéressant surtout dans un contexte où le débat public est parfois biaisé par des prises de position qui, pour l’essentiel, s’éloignent de la neutralité axiologique qui doit orienter la doctrine dans sa noble mission d’éclairer notre lanterne sur certaines problématiques de la gestion publique de la cité.
En effet, il s’agit de réfléchir sur l’amnistie fiscale (cette décision n’a pas encore fait l’objet d’une codification) accordée aux entreprises de presse par le Président de la République.
« Le Président de la République a reçu ce lundi les chefs d’entreprise de presse sénégalaise. La délégation s’est réjouie du soutien du chef de l’État pour l’effacement des impôts et taxes dus par les entreprises jusqu’en décembre 2023, pour un montant estimé à plus de 40 milliards de francs CFA ». Telle est l’économie du message posté sur le site de la Présidence de la République le 18 mars 2024. En d’autres termes, le Président Macky SALL a décidé d’éponger la dette fiscale des entreprises de presse (presidence.sn).
Cette largesse fiscale du Président de la République revêt un intérêt particulier pour nous. En effet, même s’il est vrai que cette mesure fiscale jusqu’au moment de la rédaction de notre article n’est pas encore codifiée, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est une opportunité pour réfléchir sur les remises ou modérations de dettes fiscales au regard de la législation sénégalaise souvent vigoureusement décriées par la société civile parce que parfois accordées en violation flagrante de la loi.
Dans ce cadre, cette réflexion nous place dans une logique de lanceur d’alerte face à cette entorse à la loi dans un contexte d’alternance politique au Sénégal.
Ainsi, il convient de poser les questions suivantes :
Le Président de la République a-t-il compétence pour effacer une dette fiscale ?
Cette mesure du Président de la République est-elle légale au regard du dispositif encadrant la remise gracieuse de dette fiscale ?
Il s’agira de rappeler d’une part le dispositif en vigueur en matière de remise ou modération d’une dette fiscale (I) et d’autre part d’apprécier la légalité de l’effacement de la dette fiscale des entreprises de presse par le Président de la République (II).
I. La législation en vigueur en matière de remise ou modération d’une dette fiscale :
L’annulation d’une dette fiscale est strictement encadrée par le législateur. En effet, aux termes de l’article 706 du Code général des Impôts (CGI), « le contribuable, en situation économique ou financière difficile, qui reconnaît le bien-fondé d’une imposition établie à son nom, peut introduire une demande de remise ou de modération de sa dette fiscale ».
L’autorité à travers l’arrêté n°025903 du 26 Novembre 2018 portant application des dispositions de l’article 706 du Code général des impôts (CGI) revient en détails sur le régime juridique de la demande de remise ou de modération d’une dette fiscale. Ce faisant, elle fixe les conditions de recevabilité d’une demande de remise ou modération d’une dette fiscale.
Les conditions de forme
La demande doit être adressée au Ministre chargé des Finances, et déposée auprès du Chef du service des impôts compétents avec l’ensemble des justificatifs de la situation qui la motive.
Sous peine d’irrecevabilité, la demande doit être accompagnée des pièces suivantes :
Une copie du titre exécutoire ;
Une preuve de l’effort fiscal consenti sur la prise en charge dont la remise ou la modération est demandée (justificatifs de paiements déjà effectués) ;
Les justificatifs de la situation économique ou financière difficile.
La demande de remise ou de modération de dette fiscale est instruite sous réserve d’un effort fiscal obligatoire fixé comme suit pour les personnes morales :
Pour une dette inférieure à 10 millions : 20% sans être inférieur à 500 000 F CFA ;
Pour une dette comprise entre 10 millions et 50 millions : 10% sans être inférieur à 2 000 000 F CFA ;
Pour une dette comprise entre 50 millions et 200 millions : 5% sans être inférieur à 500 000 F CFA ;
Pour une dette supérieure à 200 millions : 2% sans être inférieur à 10.000.000 F CFA ;
Preuve de la situation économique ou financière difficile
Les justificatifs à produire sont fixés comme suit :
La production des états financiers des trois (3) derniers exercices certifiés ;
Tout document prouvant les difficultés financières (relevés bancaires, mises en demeure, factures impayées, etc.) ;
L’existence de deux déficits comptables successifs ;
La perte des trois quarts (3/4) du capital social ;
Les reports systématiques d’échéance financière ;
La perte de licences, brevets, concessions de marques, accords de distribution ;
Les difficultés de trésorerie impliquant des licenciements collectifs d’une certaine importance, une dégradation du climat social voire des grèves.
Il faut noter que la demande est instruite par les services opérationnels en émettant une proposition de remise ou de rejet à l’autorité compétente.
Lorsque le montant de la dette est au moins égal à 250 millions, la proposition de remise ou de rejet est transmise par le Directeur général des Impôts et Domaines (DGID) à la commission de validation des propositions de remise ou de modération prévues à cet effet.
Les limites
Elles sont au nombre de deux aux termes de l’article 706-5 du CGI :
Pour une même dette fiscale, le contribuable ne peut déposer qu’une seule et unique demande.
La demande de remise ou de modération ne peut porter sur des impôts ou taxes effectivement collectés ou retenus ainsi que sur les pénalités y afférentes. Il en est de même des impôts ou taxes régularisés pour cause de manœuvres frauduleuses.
II. La légalité de l’effacement de la dette fiscale des entreprises de presse par le Président de la République :
La décision du Président de la République une fois mise en œuvre sera illégale à notre avis pour deux raisons.
Une violation flagrante de la législation
Il apparaît nettement de ce qui précède que l’effacement de la dette fiscale par le Président de la République est en violation flagrante de la législation notamment l’ article 706 du CGI précité et de l’article 64-1 du décret n° 2020-978 portant Règlement général sur la Comptabilité publique, « les demandes en remise ou modération doivent être adressées au ministre chargé des Finances appuyées de toutes pièces probantes dans le mois de l’évènement qui les motive, sauf celles qui sont provoquées par la gêne ou l’indigence du contribuable, lesquelles peuvent être formulées à toute époque ».
En effet, les conditions posées par le législateur et rappelées supra sont claires et s’imposent aux autorités.
Seule la DGID à travers ses services opérationnels a la compétence d’instruire les demandes de remise gracieuse formulées par les contribuables aux termes de l’article 706 du CGI.
En plus, le Président de la République n’a pas la compétence légale d’éponger une dette fiscale en dépit de son pouvoir discrétionnaire.
En effet, l’impôt est du domaine de la loi aux termes de l’article 67 de la Constitution sénégalaise : « La loi fixe l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute natures (…) ».
Par ailleurs, il faut souligner que cette mesure du Président de la République s’inscrit dans une tradition de pratiques aux antipodes de la législation fiscale. En effet, il est devenu légion dans notre système fiscal les lettres d’exonération ou remises gracieuses accordées aux entreprises par l’autorité en violation flagrante de l’article 67 de la Constitution et de l’article 715 du CGI qui dispose « en dehors des cas limitativement et expressément prévus par la loi, aucune autorité publique, l’administration, ni ses préposés,ne peuvent accorder de remise ou modération des impôts, droits, taxes, redevances, intérêts, amendes et pénalités légalement établis, ni en suspendre le recouvrement, sans en devenir personnellement responsables ».
Une violation du principe de l’égalité devant l’impôt
Il est clair que le Président de la République, en effaçant la dette fiscale des entreprises de presse, violera le principe d’égalité des citoyens devant la loi fiscale consacré par l’article 6 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen (DUDHC) disposant que « la loi doit la même pour tous, soit qu’elle protège soit qu’elle punisse ».
En effet, l’égalité devant la loi fiscale signifie que tous les contribuables appartenant à la même catégorie doivent être traités de manière identique à travers les normes qui s’appliquent à eux.
Toutefois, l’égalité devant l’impôt ne signifie pas « uniformité de traitement fiscal » (El Hadji Dialigué Ba).
En effet, il est possible pour le législateur de régler de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement qui en résulte, soit en rapport direct avec l’objet de la loi qu’il établit.
Appliqué à notre cas d’espèce, nous remarquons que cette mesure du Président de la République une fois codifiée sera une atteinte grave au principe d’égalité devant l’impôt pour deux raisons.
D’une part, il n’existe pas de circonstances qui placent les entreprises de presse dans une situation exceptionnelle justifiant leur incapacité à s’acquitter de leur dette fiscale. D’ailleurs, beaucoup d’entre elles ne remplissent pas les conditions posées par l’article 706 du CGI pour bénéficier d’une remise gracieuse.
D’autre part, cette décision du Président de la République est discriminatoire parce que n’étant pas justifiée par des raisons d’intérêt général.
Ce mépris du droit, une fois codifiée mérite d’être déféré devant le juge afin que la légalité ne soit pas mise en veilleuse pour des raisons politiques. Ainsi, une saisine du juge de la légalité par un citoyen ayant intérêt à agir permettra de se faire une religion sur la légalité des amnisties fiscales accordées par l’autorité surtout dans un contexte de rationalisation des dépenses fiscales. L’avis du juge de la légalité sera intéressant dans le cas d’espèce parce que d’une part, il y’ a une rupture de l’égalité devant la loi fiscale un principe à valeur constitutionnelle et d’autre part une violation flagrante de la loi.
Malheureusement, le juge est l’acteur le moins présent dans notre contentieux fiscal car étant rarement saisi. Une situation à notre avis qui est justifiée parfois par le manque d’informations du citoyen qui a du mal à s’approprier de la législation fiscale afin d’en comprendre les enjeux.
A cela s’ajoute le mutisme de la doctrine qui parfois a du mal pour sortir des sentiers battus pour réfléchir sur les problématiques de l’actualité du système fiscal.
Bien entendu, le rôle de la doctrine ou des praticiens doit consister à rendre moins ésotérique le droit fiscal.
Sur ce, il faut saluer les efforts consentis par la DGID pour rendre plus accessible la fiscalité à travers son Bureau de Communication qui, de plus en plus, met en œuvre une politique communicationnelle très percutante visant à rendre la matière fiscale plus accessible pour le contribuable.
En effet, la compréhension du dispositif fiscal par le contribuable est un défi à relever. Elle permettra non seulement à ce dernier d’être enclin à souscrire à ses obligations fiscales, mais aussi d’être un bouclier contre tout abus de la législation fiscale par l’administration dont la finalité est de porter atteinte à l’égalité devant l’impôt et à l’équité socle de notre système fiscal.
C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’arrêt Casanova du Conseil d’Etat français du 29 mars 1901où l’intérêt à agir du citoyen local a été déterminant pour faire annuler par le juge administratif une mesure de l’autorité allant dans le sens de grever les charges publiques de la commune.
Mame Seydou Ba est Inspecteur des impôts et domaines, chef Bureau de la Gestion, du Contrôle et des Services aux Contribuables (BGCSC) CSF Thiès
Par Mohamed GUEYE
ON NE PEUT PARIER SUR LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE
La faiblesse de l’agriculture au Sénégal tient, entre autres, à la spéculation foncière, un phénomène qui s’est amplifié à partir de 2008, quand la Goana du président Wade facilitait l’acquisition de «la terre à qui voudrait la cultiver»
De passage à la Fiara cette semaine, le Premier ministre Ousmane Sonko a promis de «relever le défi de l’autosuffisance alimentaire». Très forte déclaration que tous les Sénégalais ne peuvent louer, d’autant qu’elle entre en ligne droite de la volonté exprimée par les dirigeants qui ont précédé ce régime, notamment les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall. Ces dirigeants ont été confrontés à des situations de crise alimentaire qui leur ont rapidement fait prendre conscience que le pays ne pouvait espérer se développer en basant son alimentation sur les récoltes des pays étrangers.
C’est ainsi qu’en 2008, à la suite d’une forte crise alimentaire mondiale, qui a réduit les quantités d’exportations alimentaires, le Président Abdoulaye Wade a lancé la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’alimentation (Goana). Il a débloqué un budget de plus de 60 milliards de francs Cfa pour cela, tout en encourageant tous les Sénégalais qui s’en sentaient la capacité, à se lancer dans l’agriculture. Des facilités ont été accordées aux potentiels entrepreneurs agricoles, en termes d’accès aux terres, à l’irrigation, et même pour acquérir des semences, des engrais et de l’eau. Le Président Wade s’attendait, avec tout cela, à voir le Sénégal réaliser un bond considérable de ses principales spéculations agricoles. 16 ans après, tout le monde a pu se rendre compte que dans aucune des spéculations visées par le pouvoir de Me Wade, le pays n’a pu atteindre l’autosuffisance. Est-ce sans doute pour cela que, fine mouche, le Premier ministre Ousmane Sonko a particulièrement évité de mettre l’accent sur une production quelconque, et s’est contenté de parler d’autosuffisance alimentaire de manière globale ? L’ennui est qu’en voulant ratisser large, on risque de ne réussir dans aucun domaine. Surtout qu’il n’y a aucun secteur de l’agriculture où l’on est susceptible de remporter plus rapidement des victoires. Il faut se rappeler les efforts consentis par le Président Macky Sall pour tenter de réaliser l’autosuffisance en riz au plus tard en 2017. Jusqu’à son départ du pouvoir, le chef de l’Etat sortant n’a pu savourer cette satisfaction. Ses différents ministres de l’Agriculture et lui se sont gargarisés de chiffres de production dopés, et qui ne tenaient nul compte des réalités sorties des champs de production. On a déjà indiqué ici que, même dans des secteurs où le Sénégal avait connu des avancées, comme dans la production de la tomate et sa transformation, des décisions politiques maladroites ont abouti à un fort recul, qui fait que la tomate Made in Sénégal est aujourd’hui une belle fiction, qui ne trompe plus personne à voir l’état de détresse des paysans de l’Interprofessionnelle de la tomate dans la Vallée du fleuve.
Ces exemples ont souligné le fait que l’autosuffisance alimentaire ne devrait pas s’arrêter au gonflement du budget de l’agriculture sans faire intervenir les autres éléments. La première et la plus importante étant la terre. Si les spécialistes disent que le Sénégal dispose de plus de 3 millions 800 mille hectares de terres arables dont près de 2 millions 500 mille sont mises en valeur. Sur ces terres emblavées, 17% sont confiés à des exploitants étrangers, principalement dans l’agrobusiness. La faiblesse de l’agriculture au Sénégal tient, entre autres, à la spéculation foncière, un phénomène qui s’est amplifié à partir de 2008, quand la Goana du Président Wade facilitait l’acquisition de «la terre à qui voudrait la cultiver», comme disait l’ancien chef de l’Etat. Ce furent surtout des promoteurs immobiliers qui se sont servis de la majorité de ces terres. Une situation facilitée par ailleurs par la difficulté d’accès au financement dans l’agriculture. Dans la vallée du fleuve Sénégal ou dans l’Anambé, les agents de La Banque agricole (Lba) ont plein d’anecdotes sur leurs chassés-croisés avec les producteurs de riz ou, dans une moindre mesure, d’oignon, quand vient le moment de recouvrer les créances. Pendant des années, il fallait un moment que l’Etat s’implique et décide de passer l’éponge si les créances devenaient trop lourdes pour le paysan.
On n’en finira pas avec ce phénomène tant que les structures d’encadrement des paysans, comme la Saed, l’Ancar, la Sodagri ainsi que les Drdr, ne seront pas plus dynamiques dans leur rôle d’appui technique des paysans à la base. A une époque où les coopératives et les interprofessionnelles ont quasiment toutes disparu, le paysan se retrouve seul face aux banquiers. Souvent, faute de pouvoir faire face à ses créances, le paysan se décourage et ne cherche pas à augmenter ses récoltes. C’est dire que la politique d’autosuffisance alimentaire ne se réalisera pas à la suite d’un «pari» à la Lonase ou sur 1XBet. Il s’agira au contraire d’un processus dynamique impliquant de nombreux acteurs, à commencer par les paysans et les services de l’Etat, pour finir par les consommateurs. Et en incluant les services d’encadrement, les chercheurs, agronomes, botanistes, géographes, aménagistes, pédologues, intermédiaires, producteurs privés de semences, industries de transformation et autres. Le Premier ministre a eu la sagesse de ne pas se fixer publiquement de délai pour la réalisation de son pari, ce qui est une bonne chose. Il aura également intérêt à ne pas vouloir faire table rase de ce qui a été fait. Macky Sall a porté le budget de l’agriculture à 120 milliards de francs Cfa, une première dans ce pays. Même si les résultats escomptés ne sont pas encore au rendez-vous, cela ne veut pas dire que la voie choisie était nécessairement mauvaise
Par Meissa DiAKHATE
LES ASSISES NATIONALES DE LA JUSTICE, ENTRE LOGIQUE DE CONTINUITE ET VOLONTE DE RUPTURE ?
Les Assises nationales de la Justice sont d’une pertinence évidente sur le plan tant justificatif que méthodologique.
Elles impriment une volonté de traduire en acte et en comportement une promesse électorale de rupture. L’engouement patriotique avec lequel les citoyens ont compris et plébiscité le PROJET qui a porté au pinacle l’actuel Président de la République, Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar FAYE, soutenu également par une frange importante de états-majors du landerneau politique. Cet épisode politique a conforté l’exception démocratique sénégalaise dans un continent en proie à des salves de violences lors des rendez-vous électoral.
Sur le plan méthodologie, les Assises nationales comme haut lieu de sécrétion du droit dénote l’option fondamentale des Hautes Autorités de rendre au Peuple sa souveraineté dans une démocratie représentative généralement confisquée par les institutions étatiques, les entités politiques et les forces sociales. A travers de telles Assises, le Peuple cesse d’être l’otage des gouvernants entre les échéances électorales ; il est élevé à la dignité d’acteur politique dans le contexte d’une «démocratie continue».
A l’analyse, le format nous inspire une certaine vérité, à savoir l’inscription du dialogue constructif dans le système de gouvernance au Sénégal, en écho à des vertus désormais séculaires.
Le plus innovant dans ce format, c’est évidemment le ciblage de la thématique : «réforme et modernisation de la justice». Mais le plus important est de ne pas penser de manière épisodique mémorielle ou stigmatisante. Bien au contraire, une démarche programmatique doit prévaloir pour incliner durablement notre Justice vers la quête d’un l’idéal démocratique.
A cet égard, je suis d’avis qu’il faudrait éviter «une judiciarisation» à outrance des débats. Oui, les lois portant Code pénal et le Code de Procédure pénale, régulièrement mises à jour, ont besoin d’une lueur d’esprit critique et réformateur. Pour autant, cela est loin d’être suffisant car les prétentions des citoyens, contribuables et usagers du service public sont souvent empêtrés dans des logiques judiciaires inextricables en matière également de contentieux administratif, de contentieux financier ou fiscal et de contentieux constitutionnel. Certes ceux-là ne sont pas privés de liberté, à l’instar des anciens détenus de la politique et ne vivent pas les affres de l’univers carcéral mais leurs conditions de survie peuvent être atteintes voire éteintes. Assurément, et j’ose l’espérer, ces pans entiers du droit, et plus spécifiquement des liberté économiques, politiques et sociales ne souffriront pas d’un isolement au cours des Assises nationales. Ce sont des problématiques juridiques et judiciaires qu’il faudrait certainement challenger dans une perspective inclusive et holistique, gage d’une réforme et d’une modernisation souhaitée de la Justice au Sénégal. Les profils pressentis aux Assises nationales suscitent l’espoir et autorisent l’optimisme.
En droite ligne, entre autres, des Etats généraux de l’Education et de la Formation (janvier 1981), de la Concertation nationale sur l’Enseignement supérieur (avril 2013), le Secteur névralgique de la Justice a grandement besoin de faire sa mue. Il n’est pas toujours donné à la Justice, réputée sereine et discrète, de se prêter à la profession de vérité du justiciable. Jusque-là, et cela reste valable pour les autres institutions publiques, les réformes sont aux couleurs des transformations institutionnelles et des préoccupations statutaires.
Les Assises nationales de la modernisation de la Justice porteront sans doute une attention particulière à la condition judiciaire du «citoyen». Il s’agit de repositionner le justiciable au cœur de la performance de la Justice. Bien pensé, le nouveau paradigme devrait cheminer vers l’accessibilité et l’amélioration continue de la qualité des services judiciaires délivrés aux particuliers et aux personnes morales justiciables.
La thématique dont il est question regorge d’intérêts majeurs en termes de dématérialisation des procédures judiciaires qui suppose à l’instar des procédures du Tribunal de Commerce et du Registre de Commerce et de Crédit mobilier, l’opérationnalité des chaînes civiles et pénales, l’informatisation du casier judiciaires, la consécration d’un juge des libertés, le retrait prudent et progressif du Président de la République et du Ministre de la Justice du Conseil supérieur de la Magistrature, l’enrôlement des administrateurs de greffe, des éducateurs spécialisés, des interprètes judiciaires et des ordres professionnels, des défenseurs des droits de l’homme et des professeurs de droit dans un Conseil supérieur de «la Justice»
Globalement, nous estimons que les profils en question s’alignent sur la pratique antérieure, exception faite à l’invitation des anciens détenus à y prendre part. Au vu de la liste qui a servi de base de travail, les forces vives de l’écosystème de la justice sont appelés au dialogue.
Seulement, il était possible de démultiplier - ce qui n’est pas encore compromis - les espaces d’échanges conformément à l’élan de transformation systémique impulsé par le régime de rupture.
Une bonne coordination suffirait pour organiser simultanément des Assises dans les quatorze (14) régions du Sénégal pour éviter l’intermédiation dans la manifestation des attentes plurielles en matière de réforme et de modernisation de la Justice. Ainsi, les communautés périphériques, encore éloignées des juridictions par la simple faute de la distribution des ressorts de compétence, tout comme les usagers du service public de la Justice à Dakar et à Thiès, frappés par l’engorgement des cabinets d’instruction, des rôles d’audiences et des greffes en charge de la production des extraits de casier judiciaire et de certains actes d’état civil, seraient tous mieux libres à amplifier, dans la diversité, leurs doléances.
Meissa DiAKHATE
Agrégé de Droit public
Conseiller au Bureau Organisation et Méthode
JUB, JUBAL, JUBANTI POUR UN PATRIMOINE FONCIER ET BATI PROTEGE
Le transfert irrégulier du patrimoine foncier et bâti au Sénégal suscite des préoccupations et à ce rythme, nos petits-enfants hériteront d’un État locataire.
Bés Bi le Jour |
Docteur Ousmane SANE |
Publication 29/05/2024
«Dans sa communication au Conseil des ministres, le Premier Ministre est revenu sur les priorités gouvernementales. À cet égard, il a donné aux ministres concernés des orientations en vue de la réduction du train de vie de l'État, avec notamment les démarches à entreprendre pour la récupération de son patrimoine foncier et bâti cédé à des privés dans des conditions irrégulières, alors que des services administratifs font recours à la location.»
I. Introduction
Le transfert irrégulier du patrimoine foncier et bâti au Sénégal suscite des préoccupations et à ce rythme, nos petits-enfants hériteront d’un État locataire. Les opérations non transparentes et frauduleuses ont abouti à des acquisitions douteuses de biens par des particuliers. Ces actions ont porté atteinte à la légitimité des droits de propriété. Nous sommes heureux que la protection du patrimoine de l’État soit une priorité pour le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, suivant ainsi les recommandations du Président de la République S.E Bassirou Diomaye Faye. En réalité, ces braquages fonciers sont les conséquences des fraudes documentaires, corruption, abus d’autorité de certains dignitaires qui s’approprient de manière impudique leurs logements de fonction et enfin d’un manque de supervision administrative. Comprendre cette dynamique antérieure est essentiel pour la mise en place de mesures de récupération efficaces des biens irrégulièrement cédés.
II. Cadre juridique et réglementaire du patrimoine foncier et bâti au Sénégal
Le patrimoine foncier et bâti au Sénégal est principalement encadré par le Code domanial et foncier. Ce dernier définit les principes d'acquisition, de gestion et de transfert des biens immobiliers. Le code précise effectivement les conditions selon lesquelles les terres peuvent être octroyées, louées ou cédées et les démarches juridiques à suivre en cas de contentieux fonciers. De plus, la législation sénégalaise concernant la construction et l'urbanisme impose des normes rigoureuses pour assurer la qualité des bâtiments et prévenir les infractions. Ensemble, ces dispositions légales visent à protéger les biens fonciers et bâtis du pays et à encadrer les transactions immobilières dans le respect absolu de la loi en vigueur.
III. Une stratégie rigoureuse et inclusive d’identification des cessions irrégulières de patrimoine foncier bâti
L'identification des cessions irrégulières de patrimoine foncier et bâti au Sénégal nécessite une investigation approfondie des transactions immobilières suspectes. Cela implique d'examiner les titres de propriété, les actes de vente, et de recueillir des témoignages pour déterminer les cas de cessions frauduleuses.
Les autorités compétentes doivent mettre en place des commissions d'enquête pour vérifier la légalité des transactions et recueillir des preuves tangibles. Ce processus exige une collaboration étroite entre les services fonciers, les autorités locales et judiciaires pour identifier avec précision les biens fonciers et bâtis cédés de manière irrégulière, afin de prendre les mesures appropriées de récupération.
Enfin, chaque département ministériel doit pouvoir mettre en place une commission interne pour recenser ses biens perdus. À titre d’exemple, comment comprendre qu’un département aussi important qu’est le ministère de l’intérieur loue une résidence de fonction pour le ministre alors que ce dernier avait une résidence se trouvant au 2, rue Diambar angle Pasteur, aujourd’hui une propriété privée d’un ancien ministre de l’Intérieur de manière totalement impudique.
IV. Rôles et responsabilités des acteurs impliqués
Les différentes parties prenantes dans le processus de réclamation du patrimoine foncier et bâti irrégulièrement cédé au Sénégal possèdent des missions et obligations bien délimitées. Les institutions gouvernementales comme : la Direction des Domaines, l’Agence de Gestion du Patrimoine Bâti de l’État, y compris le ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat doivent jouer un rôle premier pour gérer et orchestrer les démarches de réclamation du patrimoine. Les organes judiciaires, en particulier les cours de justice, ont un rôle essentiel dans le traitement des conflits et la prononciation des jugements d'annulation de cessions irrégulières. Les propriétaires privés impliqués doivent respecter les décisions judiciaires et contribuer activement à la régularisation de leur situation. Force restera à la loi !
V. Perspectives pour la gestion du patrimoine foncier et bâti
«Jub, Jubal, Jubanti» dans la gestion du patrimoine foncier et bâti au Sénégal. «Jub, Jubal, Jubanti» pour maintenir un niveau élevé de transparence et d'équité dans les transactions immobilières. «Jub, Jubal, Jubanti» pour faire obstacle aux cessions irrégulières «Jub, Jubal, Jubanti» pour sauvegarder les droits de patrimoine. «Jub, Jubal, Jubanti» dans le renforcement des mécanismes d’inspection et de pénalisation afin de décourager toutes sortes de fraude foncière.
Concernant les perspectives, la mise en œuvre d’outils de suivi et d’appréciation solides peut optimiser la gestion du patrimoine foncier, tout en stimulant la coopération entre certaines institutions compétentes. Enfin, face à ces enjeux de la gestion du patrimoine foncier et bâti, éduquer la population reste fondamental pour assurer un développement urbain constant et impartial.
Docteur Ousmane SANE
Jurisconsulte, Enseignant chercheur en Sciences Juridiques, Politiques et Diplomatiques Cirjus Paris
Email :o.sanediplomatiesn1@gmail.com
Par Hamidou ANNE
EN ATTENDANT LA BIENNALE
Quand le report de l’édition 2024 a été annoncé, j’ai pensé à une phrase qu’aimait répéter Abdoul Aziz Mbaye, à l’époque où il était ministre de la Culture. Il disait: «Dans la vie, quand on a assez, on organise, quand on n’a pas assez, on s’organise.»
Dak’Art est la première biennale d’Afrique et parmi les plus grandes manifestations d’art contemporain au monde. Notre pays s’honore tous les deux ans d’ac[1]cueillir des milliers de personnes qui viennent restituer durant la Biennale les contenus des disputes et des tribulations de l’art africain.
Quand le report de l’édition 2024 a été annoncé, j’ai pensé à une phrase qu’aimait répéter mon ami Abdoul Aziz Mbaye, à l’époque où il était ministre de la Culture. Il disait : «Dans la vie, quand on a assez, on organise, quand on n’a pas assez, on s’organise.» Or donc, artistes, galeristes, curateurs, collectionneurs et amateurs ont poursuivi leurs activités pour que le mois de mai reste une période de monstration des arts et de la créativité contemporaine sénégalaise et africaine. Tout de suite le slogan est lancé #TheOffisOn, puis à la suite d’un gentil et compréhensible rappel à l’ordre du Secrétariat général de la Biennale, le concept fédérateur est devenu TheNonOffIs On. Cet Off, qui n’en est pas un car n’ayant pas reçu le label des autorités compétentes, accueille de magnifiques expositions. J’en ai visité certaines qui m’ont plu, voire touché.
J’ai été heureux de voir «Dem Dikk/Viavai» à l’institut culturel italien dont la programmation est constante dans sa richesse et sa subtilité. L’exposition accueille des œuvres du duo Jukai dont une installation immersive qui rappelle les lumières scintillantes et les sonorités qui nous embrasent en tant que promeneurs réguliers dans les dédales de Sandaga. On y retrouve aussi Djibril Dramé Gadaay, brillant photographe, qui montre une autre facette de son talent à travers une nouvelle proposition artistique. Ses clichés sont produits sur des sacs de riz et des tissus tirés de son studio itinérant et en plein air «Ndeweneul». La silhouette que le visiteur aperçoit rend hommage à sa mère, qui a été elle-même vendeuse à Sandaga. La troisième artiste mise en valeur est Stefania Gesualdo dont la tapisserie qui s’effiloche comme un rappel du chantier permanent qu’est devenu Sandaga malgré les promesses d’une restauration en quelques années. Le compositeur de cette belle alchimie, Mohamed Al Amine Cissé, ancien banquier d’affaires reconverti en commissaire d’exposition, est bouleversant encore une fois dans son approche sensible de l’art. Il compose les œuvres comme il vit : dans une harmonie entre sens, passion et exigence. Cette exposition, minimaliste dans son aspect mais remplie de sens, est touchante dans son évocation du célèbre marché dakarois : un lieu-vie, symbole des espoirs anéantis et des rencontres du hasard fortuit.
Hasard fortuit, c’est tout le rapport que j’ai avec la curatrice et galeriste Océane Harati. Ce bout de femme énergique et passionnée voit grand, bouscule les codes et repousse les limites du possible dans un marché de l’art exigu et complexe. OH Gallery revient avec deux sublimes expositions des maîtres Soly Cissé et Viyé Diba. J’ai été touché par les grandes toiles du «Monde perdu» de Cissé, la puissance de son geste et la profondeur de ses évocations mystiques. Soly Cissé dessine ici les drames du monde, met en exergue les fantômes qui rôdent dans les villes et plongent les hommes et les femmes dans la peur, l’effroi et l’angoisse. Dans son texte consacré à l’exposition, le critique d’art Babacar Mbaye Diop évoque des scènes qui font écho à la déshumanisation et au désenchantement du monde. Les guerres, les génocides, la famine et le basculement du monde confèrent une dimension documentaire au récit pictural de Soly Cissé présenté par Océane.
Dans la deuxième salle de la galerie, figure le travail de Viyé Diba intitulé «Archives textiles». Artiste reconnu de la scène dakaroise et africaine et critique exigeant, Diba est un interrogateur de son temps, pour ne point verser dans les facilités et les certitudes. Dans cette exposition, ses boulettes de textile fabriquées à partir de chutes de tissu sont une interrogation et un doigt pointé sur la société de consommation dans une période d’obsolescence programmée des objets et de frénésie de l’achat, notamment dans les villes.
Artiste visuel engagé, Viyé Diba, qui a rejoint OH Gallery il n’y a guère longtemps, poursuit ainsi sa critique du capitalisme, de l’importation des matières que nous, citadins surtout, consommons. Il vient d’ailleurs d’être sélectionné pour l’une des plus grandes manifestations d’art contemporain au monde, Art Basel, dans la section Histoire, à la mi-juin. Selon le critique Malick Ndiaye, outre la critique des rapports économiques asymétriques entre l’Europe et l’Afrique, Viyé Diba esquisse ici une manière pour les archives textiles d’être des objets pour nourrir «le vocabulaire des langues nationales avec l’introduction de nouveaux termes importés (Borodé, Wax, Gezner)».
Le Off officieux de la Biennale en attendant la grand-messe du mois de novembre, regorge de pépites sur lesquelles je reviendrai peut-être. Mais en attendant, les Dakarois ont des choses sublimes à voir pour nourrir l’interrogation permanente sur l’art et la société en ces temps d’incertitude politique, morale et spirituelle.
Par Idrissa DOUCOURE
LA VISION DES NOUVEAUX DIRIGEANTS POUR UNE INDUSTRIE FORTE
Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal a tenté d’industrialiser son économie avec des succès mitigés et des défis persistants. Aujourd’hui, les nouveaux dirigeants ambitionnent de transformer l’industrie pour la rendre plus performante, résiliente
Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal a tenté d’industrialiser son économie avec des succès mitigés et des défis persistants. Aujourd’hui, les nouveaux dirigeants ambitionnent de transformer l’industrie pour la rendre plus performante, résiliente et autonome.
Les premières politiques se concentraient sur les infrastructures et l’industrie légère, telles que la Zone Franche Industrielle de Dakar, l’industrie chimique et le textile. Cependant, une faible diversification et des infrastructures inadéquates ont limité ces succès, rendant le pays dépendant des importations et vulnérable aux chocs externes.
Pour surmonter ces obstacles, les dirigeants de la troisième alternance veulent transformer les produits agricoles en chaînes de valeur ajoutée pour créer de la richesse et des emplois. Par exemple, la filière tomate, de Saint-Louis à Aéré Lao, pourrait rendre le Sénégal autonome et exportateur et permettre aux trois unités industrielles en place de fonctionner à plein régime. De petites unités de semi-industrialisation pourraient augmenter la capacité de production et réduire les pertes post-récolte.
La filière arachide, malgré des subventions, exporte beaucoup de produits non transformés vers des pays comme la Chine. Une meilleure structuration répondrait mieux aux besoins locaux et créerait des opportunités d’exportation de l’huile d’arachide. Ainsi il sera possible de permettre à la SONACOS de
privilégier la consommation locale. Ce changement de paradigme aurait entre autres avantages de privilégier le citoyen, qui aujourd’hui consomme plus de l’huile végétale importée, laquelle peut produire des composés nocifs au regard des pratiques de cuisson au Sénégal, généralement effectuée à très haute température.
La filière banane, avec la transformation de la banane fraîche en 23 sous-produits possibles, dont la farine de banane qui est déjà exploitée par des groupements de femmes à Tambacounda, pourrait créer des emplois et permettre l’exportation vers l’Europe, qui voit sa demande croître de plus de 200 000 tonnes par an.
Pour réussir, le Sénégal pourrait s’inspirer de la Corée du Sud et de l’Allemagne. En effet la Corée du Sud, après les ravages de la guerre, a adopté une stratégie d’industrialisation rapide et soutenue par des politiques gouvernementales fortes, se concentrant initialement sur la sémi-industrialisation avant de se tourner vers la grande industrie dans des secteurs de haute technologie comme l’électronique et l’automobile. Cette transition, orchestrée avec le soutien actif de l’État en matière d’investissements et de recherche, a propulsé la Corée du Sud parmi les économies avancées du monde, avec un PIB qui a spectaculairement grimpé de 2,3 milliards USD en 1962 à plus de 1,6 trillion USD en 2020.
D’autre part, l’Allemagne a misé sur la qualité de sa formation professionnelle et technique, en particulier à travers son système de formation en alternance qui associe théorie et pratique. Ce modèle a permis de développer des compétences précises répondant aux exigences des industries de pointe, notamment dans les secteurs de l’automobile, de la machinerie et de la chimie, consolidant ainsi sa position de leader économique en Europe.
Les nouvelles autorités veulent dynamiser l’industrialisation en établissant 45 agropoles, incluant la semi-industrie, et tirant parti des ressources agricoles de chaque région. Cette stratégie vise à repositionner le Sénégal comme un acteur majeur dans la production de biens transformés à haute valeur ajoutée.
Avec une approche de développement de la transformation sémi-industrielle, parfaitement articulée avec l’industrialisation, le Sénégal peut de façon stratégique, transformer son économie et réaliser un développement industriel durable et inclusif. Les nouveaux dirigeants montrent la voie vers une industrie forte et autonome, capable de créer de la richesse et des emplois massifs. Le potentiel est là, et avec les bonnes politiques et nos produits agricoles comme socle des investissements, le Sénégal peut devenir un modèle de réussite en Afrique et au-delà.
Ensemble, écrivons un nouveau chapitre de l’histoire industrielle du Sénégal, marqué par le succès, la résilience et la prospérité partagée.
Par Mamadou Ndiaye
CONVULSIONS
Les actes de violence prolifèrent. Ils embrasent nos quartiers et nos cadres de vie. Les gens étouffent mais se taisent. Se complaisent-ils par faiblesses ou par lâcheté ? Ce silence, lourd et pesant, ne signifie pas pour autant indifférence.
Les actes de violence prolifèrent. Ils embrasent nos quartiers et nos cadres de vie. Les gens étouffent mais se taisent. Se complaisent-ils par faiblesses ou par lâcheté ? Ce silence, lourd et pesant, ne signifie pas pour autant indifférence. Toutefois, la peur s’empare de la ville. Ses contours sont encore flous.
Parce qu’ils gagnent en intensité et en profondeur, les abus de forces ou les menaces traumatisent les populations dans les rues, dans les transports, sur les lieux de travail, dans les domiciles et dans les espaces publics. Autant dire partout.
Le mal s’aggrave et devient un malaise qui se généralise à une vaste échelle. Les désordres s’observent à divers endroits de la région de Dakar, dans la chaîne ininterrompue d’agglomérations qui s ‘étendent à perte de vue et aux abords de la nouvelle ville de Diamniadio.
Ce qui se passe sur l’autoroute à péage en offre une parfaite illustration. L’infrastructure relie la capitale à l’aéroport Blaise Diagne en traversant une kyrielle de banlieues envahies de nuisances. Le péage sert d’exutoire des passions aveugles et décousues.
Derrière les hauts murs se cachent des vies précaires, pourries ou gangrenées. De ces zones sortent des gamins armés qui prennent d’assaut le péage où, en un temps record, ils sévissent, accomplissent leur forfait, s’emparent de butins furtivement arrachés et disparaissent dans la nature. Ni vus, ni connus…
La rapidité d’exécution et la synchronisation des gestes renseignent sur le degré d’orchestration de ces comparses aux funestes intentions. Bien évidemment l’autoroute bouchonne fréquemment. En plus il est mal éclairé. Et l’absence de jalonnement policier favorise les incursions intempestives de bandits encapuchonnés ou encagoulés.
Ce week-end encore, un prêtre tombé en panne sur le péage a vécu un enfer avec une nuée de malfaiteurs qui l’ont rageusement violenté au point de le blesser gravement avant de le dépouiller de tous ses biens.
Membre du clergé catholique, le curé revenait de mission, le devoir accompli et s’apprêtait à retourner à ses fonctions. Il ne dut son salut qu’à la chance, au demeurant mince puisqu’il a perdu beaucoup de sang et ses précieux documents de culte ont disparu.
On aurait tort de ne voir dans la mésaventure du religieux qu’un fait isolé, anecdotique et de peu d’effet. Élargissons la base de compréhension de ce phénomène qui a surgi au milieu d’un chaos social sans nom, sans visage et qui n’offre aucune autre perspective que la flambée de violence.
L’autoroute à péage améliore certes les dessertes et pondère la fluidité dans la circulation. Mais son érection dévoile tout le long de sa trajectoire, une affligeante promiscuité, un entassement de pauvretés et une permanence des litiges résultant de frustrations accumulées. Les troubles et les convulsions y sont monnaie courante. La délinquance s’installe-t-elle pour une longue durée ?
Parfois ces agitations prennent une certaine ampleur et débordent dans la rue en se greffant à des facteurs sociaux ponctuels : harcèlement, addictions, santé mentale, pénuries, manques, discrimination, entre autres…
Devant autant de déficits, on le devine, difficile d‘échapper à l’esprit maléfique qui peut, en de telles circonstances, étendre son emprise jusqu’à secréter un embryon de pratique (ou de système) mafieux.
Les ingrédients s’accumulent pour l’essor d’un marché de trafics (ou de deals) de toutes sortes sur ce vaste espace en pleine restructuration. Ici ou là dans ces zones chaotiques, naissent par affinité des bandes (avec un chef charismatique) qui, chemin faisant grossissent et, avec le succès retentissant, se transforment en gangs qui se livrent sans merci à d’âpres combats de conquête et de contrôle. Ils délimitent des territoires « inviolables » et, avec des marqueurs codés, envoient des signaux aux bandes rivales.
La ville de Kolda a récemment fait l’actualité avec ces crispations sectaires. Les jeunes adeptes de ces pratiques répréhensibles règlent leurs comptes à coups d’armes blanches. La multiplication des « petits différends » poussent les protagonistes à en découdre par des moyens peu orthodoxes, et très peu conventionnels.
Les écoles ne sont pas épargnées. Notamment les lycées où prospèrent ces bandes entre élèves qui auraient pu privilégier des joutes de savoir, de connaissance, de talent et de virtuosité sous l’égide des corps professoraux. Ce serait là des promesses de réussite pour endiguer les violences résiduelles.
Leur emprise pourrit la vie des parents et des habitants voire même des voisins qui se barricadent dès le coucher du soleil dans e nombreux quartiers sensibles des grandes villes. Il est à craindre que ces poches d’instabilité ne profitent à d’autres « gladiateurs » plus prompts à faire régner des ordres que la morale et la société réprouvent.
Personne n’est à l’abri. Pas même ceux qui semblent vivre en vase clos dans des « ilots de prospérité ». Ils se croient mieux protégés. Rien n’est moins évident dans ce contexte de carences. Ne se plaignent-ils pas assez souvent des cambriolages dont ils sont victimes dans leurs maisons bunkérisées ! D’autant que leur option de vie tue la mixité sociale. Hélas, elle s’estompe progressivement.
D’aucuns disent que ces signes extérieurs d’opulence suscitent des envies et aiguisent des appétits impossibles à assouvir. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre les dissonances et les dissensions au sein d’une société travaillée par des clivages invisibles mais bien réels.
D’une façon ou d’une autre la prolifération des malfrats souligne une déliquescence accentuée des mœurs et des règles de bienséance de plus en plus fragilisées par les irruptions de violence.
Dans tout ce mélimélo, où est la police ? Son intégration dans les Forces de défense et de sécurité dilue quelque peu ses responsabilités. Elle est certes présente sur le terrain mais moins que par le passé. Or la police, par essence, constitue une force de proximité.
Elle perd sa puissance de dissuasion à mesure qu’elle s’éloigne de son champ opérationnel. Ses effectifs faiblissent alors qu’ils devraient croître en proportion de la population en hausse constante. A cela s’ajoute l’afflux de ressortissants des pays voisins où l’insécurité et l’instabilité mettent sur les routes de l’exode ceux-ci en quête de « havre de paix » sous des cieux plus cléments.
Le Sénégal est du lot comme ultime destination. Dans le flot des migrants qui arrivent s’infiltrent des combattants aguerris de causes perdues ailleurs. Ils se replient et se dissimulent. Se reconvertissent-ils pour autant dans des activités civiles propres ?
La police doit retrouver son rôle premier et mettre en relief ses compétences pour contenir toutes les violences. La solution n’est pas que policière : elle politique, sociale et… judiciaire aussi !
Justement, les Assises de la Justice s’ouvrent ce matin au Triangle des Bermudes sénégalais, à Diamniadio.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
UNE BRIQUE DE PLUS SUR LE MUR
EXCLUSIF SENEPLUS - "Cours constitutionnelle ", "juge des libertés", "parquet financier"... Le dialogue national va s’ouvrir sous forme d’atelier de réflexion avec beaucoup d’acteurs-usurpateurs dont la pensée reflète une rhétorique de la colonialité
Deux mois après l’accession au pouvoir de « Diomaye moy Sonko » et à moins de 90 jours du délai de grâce, beaucoup d’interrogations fusent sur le rythme de la transition avec une impatience sociale marquée.
Tous les actes posés par la nouvelle gouvernance alimentent le désir de rupture transformationnelle dans le sillage de la transition en douceur sans encore remettre en cause les fondements de l’ancien régime.
L’état de la nation est à un niveau de délitement tel que les rapports des corps de contrôle publiés ne sont que la partie visible de l’iceberg. Délitements juridique, social, économique, culturel scientifique, moral, mental, etc. Les ressorts de l’édifice social sont rouillés.
Le mal est si profond qu’il serait réactionnaire de résumer le remède au seul désir, si légitime soit-il, de rendre gorge à quelques agneaux du sacrifice et oublier de faire la clinique de l’industrie du pillage systémique du peuple par la bande à Macky qui malgré sa posture d’opposition en papier paralysée, n’en demeure pas moins riche comme crésus et une menace insidieuse pour la République.
Le droit d’inventaire global de la gouvernance Macky est une exigence démocratique. Un inventaire disais-je, qui doit être matérialisé par un discours fondateur de la nouvelle République que nous n’avons pas encore entendu.
Le changement du régime le plus prédateur de l’histoire politique du Sénégal justifie un changement de feuille de route avec des sacrifices collectifs avant de pouvoir récolter le dividende à partir de la cinquième année du mandat de « Diomaye moy Sonko » à travers une feuille de route atteignable, mais surtout mesurable sur le panier des ménages.
Le discours fondateur de la quatrième République devrait clarifier les axes majeurs. Il faut revisiter le champ lexical usité : "rupture" transformation" "projet" est, pour le moins, une analyse bateau de la caractérisation de la chute de l'ancien régime et pour le plus, une erreur de syntaxe socio-politique.
Ce qui se passe sous nos yeux depuis ces cinq dernières années est la matérialisation d'une véritable mutation qu'il faut historiciser pour comprendre le défi et les dynamiques longitudinales qui le structurent.
Un "projet" est toujours l'instrument d'une vision. Quelle est la vision que décline le "projet" ?
Le dialogue national va s’ouvrir sous forme d’atelier de réflexion avec beaucoup d’acteurs-usurpateurs dont la pensée est un ressassement d’une rhétorique suant la colonialité.
Sur un autre plan, moderniser signifie-t-il faire mieux ? Tout ce qui est moderne est-il bon ? Il y a un fétichisme de l'État de droit colonialo-centré. Toujours des mimétismes béats : "Cours constitutionnelle ", "juge des libertés", "parquet financier", etc. Ne devrait-on pas convoquer la constituante indépendante et écrire en lettres gravées sur le marbre de l’espoir renaissant un programme de transition digeste ?
Où est le peuple souverain dans tout ça ? Nous posons juste les premières pierres du Sénégal des siècles à venir, pourquoi courons-nous comme des forcenés ? Une enquête sociologique exhaustive faisant ressortir entre autres, comment le Sénégalais exclu des lieux de production du savoir colonial veut être gouverné et par quels prototypes de gouvernants est crucial.
Au final il s’agit de nous regarder tel que nous sommes. Une pierre de l'édifice de la quatrième République, au lieu de nous prendre pour l'édifice lui-même " we are just another brick in the wall" Réécoutons Pink Floyd ! dans " the wall". Nous sommes juste une brique de plus sur le mur.
par Babacar Gaye
GARES AUX DÉRIVES
C'est saugrenue que le président s'aplatisse pour laisser à son Premier ministre, exercer ses prérogatives constitutionnelles en matière de défense et de politique étrangère. C'est Bassirou Diomaye Faye qui a été élu
Les récentes attitudes du Premier ministre m'amènent à poser le débat sur les prémices d'un désordre institutionnel. Que les adeptes de la pensée unique et les théoriciens de l'état de grâce - qui ne saurait être une période de non-droit -, me comprennent : je ne suis pas dans des considérations politiciennes. Seuls la rigueur intellectuelle et un attachement viscéral à la légalité constitutionnelle fondent ma sortie. Car, ce que je considère comme les dérives anticonstitutionnelles du premier m'inquiète.
Brefs rappels historiques
Au Sénégal, la réforme constitutionnelle du 22 février 1970 s'est principalement caractérisée par la réintroduction de la notion de gouvernement avec un chef de gouvernement distinct du Président de la République, système qui avait été abandonné et remplacé par un Exécutif monocéphal. La réforme était destinée à corriger les excès et les insuffisances du régime présidentiel en vigueur depuis 1963, et a instauré un régime hybride dit présidentialiste.
En dépit des parenthèses de suppression du poste de Premier ministre, la survivance du présidentialisme renforcé reste constante. Cependant avec la troisième alternance survenue le 25 mars 2024, on est en train de s'installer dans une dyarchie de fait au sommet de l'Etat : un président de la République qui inaugure les chrysanthèmes dont l'autorité semble s'effilocher au profit d'un hyper Premier Ministre qui marche sur ses plates bandes et empiète sur son domaine réservé.
Pour les non initiés, le domaine réservé est une expression juridico-politique non écrite dans la Constitution, qui désigne la compétence particulière et exclusive du Président de la République. Il exclut l'ingérence de toute autre personne.
La théorie du " domaine réservé " résulte de la pratique des institutions françaises de la Ve République. Même non écrite, elle organise la dyarchie du pouvoir exécutif que représente le couple politique formé par le Président de la République et le Premier Ministre, chef du gouvernement.
En France, la Constitution de 1958 qui efface les avatars de l'instabilité institutionnelle de la IVe République, confère exclusivement au président de la République, des pouvoirs en matière de défense nationale et de politique étrangère. Au-delà de ces pouvoirs reconnus par la Constitution, la pratique institutionnelle donne une large place au président de la République dans son domaine réservé depuis la fameuse formule du président Jacques Chaban-Delmas, du haut de son perchoir du Palais Bourbon en 1959.
Au demeurant, toujours en France, cela ne signifie pas que la politique étrangère et celle de défense relèvent du pouvoir exclusif du président de la République. Le gouvernement, lui aussi, dispose de larges prérogatives du fait du rôle prééminent du Premier Ministre dans la détermination et la conduite des affaires publiques.
C'est en période de cohabitation que la notion de “domaine partagé” qu'apparaît, pour respecter l'esprit de la Constitution de 1958 qui confère des pouvoirs propres au Premier ministre qui “détermine la politique de la Nation” (art 20) et est “responsable de la défense nationale” (art 21)
A contrario, même si le régime politique sénégalais s'inspire largement de l'organisation des pouvoirs politiques de la Ve République, il s'en démarque très vite par la centralité du Président de la République dans la gestion de l'Etat.
Le régime présidentialiste
En effet, au Sénégal, “le président de la République détermine la politique de la Nation” (art 42 alinéa 4) et garde la main sur l'essentiel des compétences du pouvoir exécutif. Aussi, “le président de la République est-il responsable de la Défense nationale.” (Art 45)
En outre, le Président de la République garde la haute main sur la politique étrangère. Car, “Les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui.” (Art 46 - alinéa 2)
Alors que le Chef du Gouvernement devrait se contenter de son rôle de conduite et d'exécution des politiques publiques en vertu des dispositions de la Constitution en son article 53 qui indique: “le gouvernement conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier ministre”. Il est à la fois responsable devant l'Assemblée nationale et devant le président de la République qui peut le démettre à tout moment.
Même si en vertu de l'article 50 de la Constitution, “Le Président de la République peut déléguer par décret, certains pouvoirs au Premier Ministre ou aux autres membres du Gouvernement” (ce qui n'est pas encore le cas), en sont exclus les pouvoirs prévus par les articles 42 (la détermination de la politique de la Nation), 46 (la diplomatie, la politique étrangère)....
Ousmane Sonko, Président du parti Pastef, membre de la Coalition Diomaye président, pouvait se permettre durant la campagne électorale, toute déclaration d'intention sur l'organisation de la Défense nationale, la politique étrangère du Sénégal et tutti quanti. Une fois nommé Premier ministre, il doit inscrire son action et calibrer ses déclarations itérativement gênantes sur son domaine de compétences, en évitant de traiter des questions qui relèvent des pouvoirs propres et exclusifs du Président de la République. Alioune Tine en des mots particulièrement choisis, d'ailleurs, a alerté dans ce sens.
Tout républicain a été gêné d'entendre Sonko annoncer devant Mélenchon, “la volonté du Sénégal de disposer de lui-même, laquelle volonté est incompatible avec la présence de base militaire étrangère.” Il ne devait pas en être l'auteur et Mélenchon, le destinataire. Les politiques de défense et de coopération militaire sont en effet du domaine réservé du président de la République.
Naguère, Ousmane Sonko annonçait aussi une série de tournées dans les pays dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par un coup d'Etat, comme s'il cherchait à prendre le contrepied du président de la République qui entamait des visites de travail et d'amitié dans les pays qu'il estime fréquentables.
Qui plus est, l'on a constaté ces derniers jours, un ballet diplomatique dans le bureau du Premier ministre qui brûle ainsi la politesse au président de la République en recevant les ambassadeurs de France, des Etats-Unis, du Maroc …. Ont-ils discuté des nouveaux axes diplomatiques que le Sénégal a adoptés à l'égard de leur pays respectif ? Depuis quand le Premier ministre est-il l'interlocuteur des ambassadeurs accrédités auprès au Sénégal ? Ces plénipotentiaires considèrent-ils Ousmane Sonko comme leur porte d'entrée dans leur volonté mal contenue de réchauffer des relations diplomatiques cahoteuses, ponctuées de déclarations acariâtres et peu accommodantes du président de Pastef ?
Certes, de tradition, les Premiers ministres ont toujours reçu des ambassadeurs et représentants d'organisations internationales, mais c'est quand même saugrenue que le président Diomaye Faye s'aplatisse de cette manière pour laisser à son Premier ministre, exercer ses prérogatives constitutionnelles en matière de Défense et de politique étrangère. Le souligner est un devoir républicain. Cela ne relève point d'une transgression de la règle non écrite de “l'état de grâce” qui, sans être une période de non-droit, s'impose à nous tous. C'est plutôt, une une belle occasion pour attirer l'attention de l'opinion sur les risques de dérive d'une dyarchie constitutionnelle qui ne dit pas son nom et qui s'installe de manière pernicieuse.
Sonko n'est pas Diomaye. Il n'est pas non plus un président-bis, encore moins un vice-président. En attendant l'organisation d'un référendum constitutionnel ou l'avènement d'une majorité parlementaire confortable pour instaurer une dyarchie qui s'apparenterait au couple Senghor-Dia - ce qui semble être la volonté du nouveau régime - Ousmane Sonko doit s'abstenir de piétiner la Constitution et se résoudre à accepter la rigueur implacable du suffrage universel. C'est Bassirou Diomaye Faye qui a été élu. Quand bien même, sans Sonko, cela aurait été plus difficile. Mais cela ne doit pas justifier qu'il surfe sur cette légitimité politique pour bouleverser l'ordre constitutionnel.
Pour conclure, avec des références itératives et quasi idolâtriques à l'ancien président du Conseil, Mamadou Dia, Ousmane Sonko semble vouloir créer une dualité au sommet de l'Etat. A mon avis, aucune ambition ne devrait ressusciter le bicéphalisme qui a plongé le Sénégal dans une grave crise politique en décembre 1962.
Babacar Gaye est ancien ministre d’Etat et leader du Mouvement Mankoo Mucc.
par Youssoupha Mbargane Guissé
LE RÔLE DES SCIENCES SOCIALES DANS LE COMBAT POUR LA SOUVERAINETÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour un véritable développement de l'Afrique, sa gouvernance doit s'approprier la sociologie et mieux comprendre les dynamiques sociales en jeu, afin de répondre aux aspirations des populations
Le modèle de développement économique extraverti et dépendant en œuvre dans la plupart des Etats-nations en Afrique dont le Sénégal, se fonde sur la loi de l’exploitation et du surprofit capitaliste et protège dans l’absolu les gros intérêts économiques, financiers et commerciaux étrangers internationaux. Un tel système ne profite qu’aux élites compradores au pouvoir et à leurs alliés des réseaux affairistes et s’est renforcé avec l’application drastique des Programmes d’Ajustement Structurel de la Banque mondiale et le FMI au début des années 80. La privation imposée de l’économie a démantelé les filières de production et les acquis sociaux, accentuant l’appauvrissement des populations. Ce modèle économique se focalise en priorité sur la productivité et les surprofits et écarte dans ses choix, options et programmes d’investissement, la qualité de vie des populations ainsi que les facteurs culturels constitutifs de leur personnalité et de leur dignité. Il en découle un mode de production des connaissances et des savoirs sur nos sociétés qui accorde une suprématie aux données quantitatives et statistiques au détriment des recherches sociales profitables aux aspirations des populations et aux intérêts stratégiques des Etats africains. Les données sociologiques, anthropologiques et culturelles ne sont pas pris en compte en réalité, alors qu’ils devraient approfondir et compléter les analyses des données fournies par les enquêtes quantitatives.
L’on assiste plutôt à une tyrannie des chiffres et à la promesse d’un hypothétique « développement durable » qui ne trompe plus personne. Ainsi, dans le modèle ce développement capitaliste dit parfois aussi « développement humain », disparaissent de la scène les véritables producteurs, les bénéficiaires légitimes et les ayant droits souverains de la production des richesses, c’est à dire le peuple travailleur. Ce système hégémonique de production de connaissances se perpétue par le rapport de force imposé par la domination politique et financière. En effet les fonds d’investissement de plusieurs milliards de FCA des prêts consentis sont décaissés par l’Etat au bénéfice en retour de commande aux sociétés et multinationales, aux investisseurs et des cabinets de consultance étrangers. Tel est le système, fermé sur lui-même autour des surprofits de groupes privés étrangers. L’argent retourne à ceux qui l’ont donné avec bénéfices et intérêts. Tel un serpent qui mord sa propre queue.
Le financement national de la recherche s’impose alors comme un instrument de souveraineté absolu à laquelle l’Etat souverain ne peut déroger au risque certain de perpétuer la dépendance structurelle. Il doit marquer la rupture nécessaire dans la production des sciences en dotant les instituts et centres de recherche de moyens financiers et matériels accrus pour former la masse critique indispensable à un développement scientifique d’envergure. En effet, les résultats scientifiques doivent servir à l’élaboration de politiques publiques pertinentes et vigoureuses dont la réussite bénéficie à toute la communauté nationale et consolide le renouveau collectif.
Les défis conceptuels de la transition
Les grands défis conceptuels de la transition historique de nos sociétés se heurte à l’emprise de l’universalisme occidental faisant subir à nos universités africaines et académies les méthodes et approches de l’eurocentrisme selon Boubacar Ly. (1989). [1] Il est indispensable dès lors de relever ces défis pour analyser les dynamiques et élaborer des stratégies d’anticipation sur les évolutions et les changements. Face au monopole et l’hégémonie de production, de diffusion et d’évaluation des savoirs par le monde occidental, l’urgence de l’autonomie conceptuelle des Africains et de la reconstruction identitaire exige en effet de « problématiser le choix de représentation du passé qui est celui de la sélection des futurs » souligne avec pertinence Mamadou Diouf (2000 :337).[2] Cela présuppose l’approche pluridisciplinaire, « la conjonction de méthodes d’inspirations théoriques et de sources documentaires d’origines disciplinaires variées » (Copans 1990 : 143 )[3]permettant de comprendre les transformations sociales et culturelles en termes de dynamique de la totalité et non de fragments. Ainsi le cloisonnement étanche entre les sciences sociales et les sciences de la nature doit être revu dans la problématique d’une approche holistique et totalisante des objets, réalités et processus. Les technologies numériques, et certaines possibilités ouvertes par les nouveaux progrès dans le domaine de l’intelligence, doivent affiner les analyses prospectives et la prévision stratégique.
La construction de la modernité africaine est notre destin inexorable ; elle passe nécessairement par l’autonomie conceptuelle et la souveraineté politique du continent. Cette modernité exige le renforcement des communautés scientifiques africaines dans tous les domaines et disciplines. Celles-ci doivent avoir la capacité d’élaborer les outils conceptuels nécessaires à l’analyse et à la compréhension renouvelées des situations complexes de transition. La sécurisation de la souveraineté acquise contre l’impérialisme qui ne laissera jamais tomber, le maintien vigilant de l’unité et de la cohésion sociale dans chaque pays, la construction d’une armature politique panafricaine de solidarité, le relèvement sensible du niveau de vie des masses, sont les premiers défis de la transition.
Comprendre la complexité
Les sciences sociales sont en effet un enjeu de taille car elles permettent de comprendre la complexité du monde actuel et les transformations en cours sur le continent africain. Elles donnent un éclairage indispensable sur l’environnement, les rapports sociaux, les pratiques sociales et culturelles, l’état des besoins Elles renseignent également sur les paramètres des tensions qui se développent dans la formation sociale à diverses échelles et ouvrent les voies politiques consensuelles de les résorber. C’est pourquoi les sciences sociales doivent dans leur unité globale et critique et leur renouvellement constant, constituer le noyau de connaissance politique de l’État et non la dépendance conceptuelle structurelle à l’égard des idéologues et stratèges de l’Occident.
Les sciences sociales doivent animer le changement social en Afrique en indiquant les tendances, les contours et leur opérationnalité. Toute l’histoire du développement économique et social, toute l’expérience de la construction de la modernité dans les sociétés avancées du monde, montrent le rôle capital joué par les sciences sociales dans toutes les innovations, dans la lutte idéologique pour l’éveil intellectuel des groupes dominés, dans les progrès politiques et les acquis sociaux pour les masses. Elles ont contribué de manière décisive à produire des savoirs pertinents sur lesquels les États, les industriels, les institutions, les communautés, les personnalités et leaders ont fondé leurs politiques, leurs programmes et leurs stratégies d’action et d’intervention ainsi que l’évaluation de celles-ci.
Les dynamiques de changement
L’expansion du capitalisme libéral produit partout dans le monde actuel de multiples déséquilibres et transformations des sociétés. Ainsi des mutations économiques, sociales et culturelles subséquentes, souvent rapides ou brutales, ont cours touchant les rapports entre l’État et la société, les rapports de classe, les relations de genre, de génération, d’ethnies et de régions, les questions écologiques, éthiques et morales. L’environnement de la pauvreté, la précarité existentielle et l’insécurité travaillent les individus et les communautés qui s’engagent alors dans la recherche de solutions échappatoires inédites et multiformes de résistance et de survie. La migration clandestine massive des jeunes en constitue une actualité bouleversante.
Tous ces processus sont rendus d’autant plus complexes et enchevêtrés qu’ils s’accomplissent à l’intérieur de mouvements incessants de décompositions et de recompositions sociologiques, démographiques et culturelles, à l’échelle urbaine et rurale. Une diversité d’acteurs émerge à la recherche d’identités plurielles, parfois contradictoires, développant des stratégies multiformes, réactivant formes sociales et survivances anciennes afin de s’approprier les nouvelles opportunités.
Des reclassements sociaux s’opèrent, se développent aussi des phénomènes de déclassement et de marginalisation sociale, lit de la violence dans ses formes réelles ou symboliques et expiatoires. L’ensemble de ces phénomènes liés les uns les autres montrent, si on en fait la projection sur les décennies à venir, une tendance lourde porteuse de crise et de bouleversements, si les révolutions en cours n’anticipent leur résorption. Au niveau politique central, dirigeants au pouvoir, élites, catégories dominantes et clientèles s’activent pour se repositionner dans le système et pérenniser le statut quo à leur profit. C’est ainsi d’ailleurs que le bloc hégémonique d’Etat au pouvoir, avec le soutien de ses segments et réseaux clientélistes, instaure la violence comme mode de gestion politique, face aux luttes démocratiques, citoyennes et à la résistance populaire.
Il est établi que la tendance de culminer à un régime de dictature est caractéristique du capitalisme impérialiste, lorsque la crise économique et la perte de légitimité atteignent le seuil critique de rupture. Ce phénomène de mutation politique a été douloureusement vécu par le peuple sénégalais sous le régime défait du président Macky Sall au sein duquel une mafia politique ethniciste a pris en otage la République, instaurant une culture de la corruption massive et de manipulations, généralisant à grande échelle la spoliation des ressources nationales, pratiquant maltraitance, tortures et tueries sur l’opposition et les masses. L’exercice de la violence d’Etat, de la répression policière et des crimes de sang, ont entrainé des troubles psychologiques et des pathologies auprès des victimes et des familles. Face au pouvoir répressif, les jeunes, les femmes et les masses ont cependant organisé la résistance en créant sur tous les terrains de la confrontation, des formes inédites de luttes profondément inspirées de la culture et des traditions. L’incroyable richesse des créations dans la communication déployée dans les réseaux sociaux au rythme des luttes, mais surtout l’immense phénomène de la « Sonkorisation » en sont des illustrations exemplaires.
Tous ces changements et inédits de la lutte populaire de résistance pour la souveraineté du pays et une voie endogène du développement, sont un champ d’études à approfondir pour connaitre la structure et les transformations du néocolonialisme, confronté à sa remise en cause radicale. Il faut dans ce sens des études à faire, prendre en considération une reconfiguration de l’espace politico-intellectuel du pays avec la montée en puissance des élites intellectuelles traditionnelles et religieux dont les analyses dans les débats de portée stratégique, ont été des contributions de grande valeur. Le plus remarquable est le phénoménal leadership du président du Pastef, Ousmane Sonko. Il constitue sans doute un sujet d’étude pour comprendre les racines socio-anthropologiques, les sources culturelles et spirituelles inspiratrices de cette révolution, de même les formes politiques tactiques inédites déployées pour triompher du régime du président Macky Sall. Il restera des études comparatives de toutes ces expériences de subversion de l’ordre néocolonial dans la région commune du Sahel et dans toutes les autres régions du continent. Il est nécessaire en effet pour tous les avant-gardes révolutionnaires et patriotiques sur le continent, d’accumuler une somme de connaissances relativement complètes sur le basculement historique en cours de l’Afrique vers son destin libre. C’est la condition pour établir les fondements de programmes stratégiques communs, soutenus par une puissante coordination politique des luttes sur le continent et dans la Diaspora.
S’appuyer sur les données des recherches
La gouvernance pour la souveraineté politique et le développement économique endogène de l’Afrique, doit s’approprier l’imagination sociologique,[4] s’appuyer sur la recherche sociale et s’imprégner des connaissances produites sur les hommes, les cultures, les milieux, les relations, les vécus et aspirations afin d’avoir une meilleure compréhension des dynamiques et tendances qui s’affirment. Les sciences sociales prises ainsi dans une approche pluridisciplinaire, ont un rôle de régulation et d’orientation dans l’application et l’évaluation des politiques sociales de l’État souverain, des pouvoirs municipaux, des organisations et institutions de la société civile. L’État souverain et tous les secteurs de production et d’échanges doivent ainsi accroitre leurs propres capacités d’anticipation, de suivi et de traitement articulé des problèmes à l’échelle locale et nationale, régionale et continentale.
Partenariat, cohésion et synergie
La politique doit être le renforcement des institutions et réseaux de recherche régionaux et panafricains, la mobilité des chercheurs-enseignants, des systèmes d’évaluation de très haut niveau, les publications scientifiques et de vulgarisation, mais aussi de promotion et de distinction honorifique de nos scientifiques et savants. Une attention particulière doit être accordée aux jeunes générations de chercheurs et enseignants pour la constitution d’une masse critique capable de prendre en charge les nouveaux paradigmes et de traiter les défis méthodologiques et thématiques. La génération précédente encore disponible pour l’enseignement et la formation à la recherche ne devrait pas être écartée par une mise à la retraite pour des raisons budgétaires, compte tenu des énormes besoins d’encadrement des étudiants. Une telle conception bureaucratique de tradition administrative coloniale étroite, nous semble désastreuse pour la continuité, le renouvellement et la performance dans nos universités et centres de recherche. Elle rompt d’ailleurs avec nos traditions africaines selon lesquels les jeunes apprennent des anciens qui eux, ont cheminé le plus longtemps avec Dieu. Les grandes universités les plus prestigieuses des pays développés du monde gardent toujours quant à elles, leurs vieux savants en activité pour encadrer des jeunes équipes hyper-inventives et performantes, assurant ainsi leur suprématie scientifique et d’innovation sur le reste du monde, dont précisément l’Afrique.
L’exploitation des résultats de la recherche sociale et leur valorisation servent à renforcer la vision politique stratégique de l’Etat souverain, appuyer les politiques publiques et la performance des entreprises privées nationales. La protection des inventions en brevets et du droit de propriété doit être assurée pour les intérêts des chercheurs, de l’État souverain et des institutions. L’objectif est de fonder les bases solides d’une culture scientifique partagée en mettant en place des infrastructures de publication, de traduction pour la vulgarisation dans les langues africaines les connaissances scientifiques au profit de la jeunesse, des femmes, des travailleurs, des associations et communautés de base. Les retombées en seront la rénovation certaine de la pensée sociale, le développement intellectuel supérieur et l’éveil de conscience des masses africaines. Une telle synergie par la mise en commun des moyens et le partage des résultats dans tous les secteurs, doit s’adosser sur une intégration des recherches aux niveaux régional et continental. Nkrumah[5] soulignait : « l’unité politique du continent est la condition du développement rapide non seulement de chaque pays, mais de tous les pays ». L’Afrique doit donc redevenir un foyer continental de rayonnement scientifique et d’innovation technologique digne de son héritage pharaonique. C’est l’une des grandes taches fécondes de la révolution africaine en marche.
[1] Boubacar Ly. (1989). Problèmes épistémologiques et méthodologiques des Sciences sociales en Afrique. Dakar : éd. UNESCO/CODESRIA.
[2] Mamadou Diouf (2000). Des historiens et des histoires, pourquoi faire ? L’histoire africaine entre l’État et les communautés. Canada : ICAS/RCA 34 :2.200, p.337.