SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
25 novembre 2024
Opinions
Par DIAGNE Fodé Roland
QUE RETENIR DE LA VISITE DE JEAN-LUC MELENCHON AU SENEGAL ?
L’affirmation sans concession de notre souverainisme ne peut être antinomique avec notre capacité à définir des tactiques d’alliance tenant compte du rapport des forces du moment pour aller vers notre but stratégique l’alternative souverainiste nationale
Bés Bi le Jour |
Diagne Fodé Roland |
Publication 23/05/2024
Cette visite fait couler beaucoup d’encres, certaines dubitatives, d’autres vénéneuses ou optimistes. Les vénéneux se remémorant Mitterrand, qui est un mentor de Mélenchon, se demandent s’il ne s’agit pas d’une nouvelle opération de charme de l’impérialisme françafricain en difficulté qui modélise la «révolution citoyenne dans les urnes» souverainiste au Sénégal pour l’éloigner de la «révolution militaro-politique» souverainiste des pays de l’AES ?
Mitterrand n’a-t-il pas été ministre de l’intérieur et de la justice socialiste de la France coloniale lors des crimes génocidaires de guerre en Algérie, des massacres génocidaires contre l’UPC au Cameroun et avec Houphouët Boigny et Senghor sous l’égide du socialiste Gaston Defferre de «la loi cadre» qui a balkanisé l’AOF et l’AEF en futurs États indépendants néocoloniaux ?
N’est-ce pas le même Mitterrand socialiste qui a initié la conférence de la Baule du « vent d’est démocratique » qui a produit les démocratures présidentialistes pour voiler la recolonisation économique de l’Afrique par les plans libéraux d’ajustement structurel qui ont bradé les secteurs clefs stratégiques aux Firmes monopolistes principalement françaises dans la téléphonie, l’eau, l’électricité, les chemins de fer, les ports, les côtes maritimes, les mines, le foncier, etc. condamnant ainsi notre jeunesse à l’émigration piroguière meurtrière et à l’esclavage moderne sans papiers ?
Les dubitatifs se demandent si ce coup de main réciproque entre l’altermondialiste antilibéral, anti-raciste, antifasciste, antiguerre en France, JL Mélenchon, de la «révolution citoyenne» et le patriote souverainiste O. Sonko du Sénégal va bénéficier à la fois aux peuples français et sénégalais, si cela ne va pas braquer radicalement les impérialistes françafricains, eurafricains et usafricains.
Ces sceptiques qui sont nombreux dans l’intelligentsia sénégalaise et africaine allèguent la force des impérialistes dont ils ne voient pas clairement l’affaiblissement en cours, cherchent à préserver leur niveau de vie de «classes moyennes» même si ils se plaignent de la vie toujours plus chère, de l’accaparement impérialiste et restent prisonniers de l’habitude de la soumission mentale consciente ou inconsciente à la domination. Ils ne croient pas au Sénégal, à l’Afrique libres et indépendants.
Les optimistes voient que ce sont deux leaders et partis qui prônent des alternatives antilibérale pour JL Mélenchon et la LFI d’une part et souverainiste pour O. Sonko et Pastef/Les patriotes d’autre part et porteuses d’un internationalisme entre peuples. En effet, en France JL Mélencon apparaît comme le leader le plus en verve contre la négrophobie, l’arabophobie, l’islamophobie de la quasi-totalité de la classe politique de droite, de gauche de plus en plus alignée sur l’extrême droite fasciste. Lui et ses mouvements LFI et UP se sont révélés comme la vraie force significative résistante avec certains syndicats comme la CGT contre les crimes policiers racistes, contre la répression de la solidarité avec la Palestine génocidée par les sionistes, la révolte sociale des Gilets jaunes, les luttes syndicales et JL Mélenchon représente 22 % de l’électorat français. Il prône l’unité du peuple de France contre les divisions racialistes et la société d’apartheid qu’instaure sans le dire le racisme d’État bourgeois préfiguration de la réédition de l’État raciste fasciste pétainiste.
Cette visite inaugure l’élan internationaliste nécessaire entre les peuples du Nord et du Sud, entre les peuples des pays impérialistes oppresseurs et pays néocoloniaux opprimés venant compléter le panafricanisme souverainiste en Afrique. La franchise dans les débats où rien n’est tabou, y compris les divergences, est une manifestation du changement du contexte par rapport à la période de la tromperie Mitterrandienne et du renouvellement en cours des classes politiques au Sénégal et en Afrique qu’ont inauguré les discours et politique souverainistes des pays de l’AES prolongés par la victoire dans les urnes au Sénégal.
Ayons confiance en nous dans la lutte pour cette seconde phase de libération africaine et dans notre capacité à maintenir le cap de la conquête de notre souveraineté nationale et panafricaine tout en différenciant Etats dominateurs et peuples de ces pays. Sachons aussi avoir une lecture matérialiste dialectique scientifique du rapport réel des forces dans la lutte de nos peuples pour l’indépendance nationale et panafricaine, lecture qui doit nous éviter le piège attrape-nigaud des impérialistes US/UE/OTAN, françafricain, eurafricain et usafricain présentant les BRICS comme un nouvel impérialisme équivalent. C’est là une insulte prenant nous autres Africains pour des enfants ayant toujours besoin d’un maître.
L’affirmation sans concession de notre souverainisme ne peut être antinomique avec notre capacité à définir des tactiques d’alliance tenant compte du rapport des forces du moment pour aller vers notre but stratégique l’alternative souverainiste nationale et panafricaine.
A bon entendeur, salut !
Diagne Fodé Roland
LE SENEGAL S’APPRETE A LANCER SON PREMIER SATELLITE AU SERVICE DE L’ENVIRONNEMENT
Au-delà des bénéfices en termes de collecte de données, ce projet ambitionne de stimuler l'innovation et les vocations scientifiques chez les jeunes. Il ouvre également la voie à une coopération plus étroite avec les autres pays africains
Le Sénégal envisage de lancer, en juillet prochain, son premier satellite appelé Gaindé Sat, un satellite de type 1U. Le projet, initié par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, implique un comité technique composé d’enseignants-chercheurs d’institutions académiques sénégalaises, ainsi que la collaboration de structures bénéficiaires. Le Professeur Gayane Faye, coordonnateur du projet et spécialiste en Sciences physiques explique à The Conversation Africa la pertinence du projet qui a pour missions principales la collecte de données environnementales et la prise d’images à basse résolution du Sénégal. Il souligne également l’importance de la collaboration entre pays africains dans le domaine spatial.
Quel type de satellite le Sénégal prevoit-elle de lancer ?
Le satellite que nous apprêtons de lancer est un satellite 1U. qui a deux missions principales. La première est la collecte de données environnementales. Et la deuxième est une émission d’imagerie. D’ailleurs, c’est pour cela qu’on l’a appelé Gaindé Sat : Gainde veut dire lion, c’est le totem du Sénégal. C’est également un acronyme qui signifie Gestion automatisée d’informations de données environnementales par satellite. ll s’agira de collecter des données environnementales que d’habitude les institutions de l’Etat collectent manuellement. A titre d’exemple, on peut citer la Direction de la gestion et de la planification des ressources en eau (DGPRE), qui dispose de stations de mesure à travers le Sénégal et qui, pour récupérer les liens de ces stations de mesure, se déplace sur place pour brancher un ordinateur ou bien en utilisant les réseaux de transmission des opérateurs de téléphonie. Ce qui coûte cher. Le projet est financé à 100 % par l’état du Sénégal. Aller sur le terrain et brancher son ordinateur pour aller récupérer les données aussi, cela coûte cher. Ce satellite a pour mission de se connecter aux stations de mesure de ces structures à chaque passage et d’aspirer les données avant de les envoyer au centre de contrôle de Diamniadio (près de Dakar). Cette première application permettra d’élargir et plus tard de connecter l’ensemble des stations de mesure des structures de l’Etat et, pourquoi pas, des structures privées pour faciliter la collecte des données environnementales. La deuxième mission du satellite consistera à prendre des images du Sénégal. Ces images seront de basse résolution spatiale car, pour le moment, c’est un petit satellite qui ne peut pas prendre des images avec une haute résolution. Elles permettront de tester certaines applications avec pour objectif d’avoir une souveraineté dans la collecte, l’analyse et l’exploitation des images pour la production de services pour soutenir le développement du Sénégal.
Quels sont les autres avantages et retombees potentielles ?
Comme mentionné précédemment, cette initiative facilitera la collecte de données permettant aux structures d’économiser du temps et de l’argent. Par exemple, dans la région du Sine Saloum (centre du pays), au sud ou à l’Est du pays, le déplacement d’une équipe pour récupérer des données peut être coûteux en termes de ressources et de temps. L’aspiration directe des données vers la station de Diamniadio, où elles sont directement accessibles sur ordinateur, représente un gain de temps et d’argent significatif. De plus, cela facilite la prise de décisions rapides et les alertes précoces. Par exemple, en cas de crue, le Sénégal pourra prendre des décisions rapidement. Un autre avantage est la stimulation de l’innovation et la motivation des jeunes. Participer à la fabrication d’un satellite, cela peut inspirer d’autres vocations et susciter des ambitions. C’est pourquoi nous prévoyons de visiter les centres de formation et les écoles pour encourager les vocations, démystifier ces technologies et lever certaines barrières perçues comme infranchissables. Il s’agit de permettre aux jeunes de développer tout leur potentiel. Les données collectées permettront également de mener des recherches pour améliorer les futures missions assignées au satellite.
Qui sera implique dans ce projet ?
Ce projet est initié par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et porte le nom de SENSAT. J’ai eu l’honneur et le privilège de le diriger et de le coordonner depuis quatre ans. Un comité technique a été mis en place. Il est composé d’enseignants-chercheurs de l’École Supérieure Polytechnique, de l’École Polytechnique de Thiès, de l’École Polytechnique de Saint-Louis, ainsi que de l’Institut des Sciences de la Terre d’où je viens. Des jeunes ont également été sélectionnés pour participer au projet. Nous avons associé toutes les structures bénéficiaires, telles que la Direction de la Gestion et de la Planification des Ressources en Eau (DGPRE), l’Office des lacs et cours d’eau (OLAC), l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie, etc. Nous collaborons avec toutes ces structures pour les impliquer dans la réflexion et la revue de nos travaux. Des revues régulières de l’avancement du projet sont organisées, permettant d’apporter des corrections et de prendre des mesures urgentes si nécessaire. Toutes ces structures, ainsi que la Direction de la recherche et de l’innovation, participent à ce processus.
D’autres pays africains ont lance des satellites ces deux dernieres annees. Quel type de collaboration envisagezvous avec ces pays ?
Le domaine spatial est vaste, complexe et nécessite une main-d'œuvre importante. Il n’est donc pas réaliste pour chaque pays de tout gérer seul. Bien que chacun doive faire des efforts, il est important de ne pas se disperser. Il est donc nécessaire de collaborer avec d’autres pays. En tant que coordinateur du réseau académique GMES & AFRICA (Global Monitoring of Environment for Security and Africa), le programme spatial de l’Union africaine, j’ai plaidé lors de nombreux événements pour la mutualisation de nos efforts en vue d’atteindre la souveraineté spatiale. Chaque pays doit poser les bases fondamentales en termes de formation des ressources humaines, de mise en place des infrastructures et d’un écosystème spatial pour aborder les grands enjeux qui transcendent les frontières. Actuellement, nous n’avons pas de partenariats spécifiques avec d’autres pays, mais nous sommes en contact avec des responsables de projets et de programmes spatiaux sur le continent. Par ailleurs, nous sommes partenaires stratégiques du Centre Spatial Universitaire de Montpellier, en France, où nos ingénieurs sont formés au développement d’objets spatiaux. Ce centre possède une grande expérience et offre l’avantage d’être un partenaire académique. S’il s’agissait d’un partenaire privé, il serait orienté vers le secteur commercial, ce qui compliquerait le transfert de technologie pour nous. Le rôle d’un partenaire académique est le partage de connaissances, ce qui nous a permis d’acquérir des compétences très utiles pour poursuivre le développement du projet spatial du Sénégal.
Par Vieux SAVANÉ
WAX JI DOY NA SËKK
Quelle urgence y a–t-il alors à vouloir pour certains s’autoériger en conscience morale, sonnant l’alerte à tout bout de champ sur tel lobby dont le dessein serait d’imposer au Sénégal un mode d’être et de faire ayant droit de cité dans leurs espaces ?
De quoi toutes ces personnes qui semblent obsédées par l’homosexualité sont-elles le nom ? Simplifions les choses en rappelant que l’homosexualité est une pratique sexuelle observable depuis la nuit des temps. Tolérée dans certaines sociétés, honnie dans d’autres, elle est condamnée par toutes les religions révélées, notamment l’Islam et le Christianisme.
En sus, ici au Sénégal, en l’état actuel du Code pénal, assimilée à une pratique contre nature, l’homosexualité est punie par la loi et lourdement sanctionnée (5 ans de prison). Et surenchère inutile, on nous avait même promis sa criminalisation comme premier projet de loi à déposer à l’Assemblée nationale. Pour sûr, elle n’est pas une maladie ni considérée comme telle, sinon il y aurait eu des unités de soins intensifs dans les hôpitaux à l’instar du cancer, de la tuberculose, des maladies sexuellement transmissibles, etc. Sortie de la sphère publique, la sexualité relève donc de l’ordre de l’intime. En somme, ce qu’il se passe dans l’enceinte d’un lieu clos, entre adultes consentants, ne concerne personne. Et regarder par le trou de la serrure pour en violer le secret est un délit.
Ce cadre rappelé, quelle urgence y a –t-il alors à épiloguer sur des choses convenues, à vouloir pour certains s’autoériger en conscience morale, sonnant l’alerte à tout bout de champ sur telle personne ou tels groupes de personnes et autres lobbies dont le dessein est d’imposer au Sénégal un mode d’être et de faire ayant droit de cité dans leurs espaces, à savoir la légalisation de l’homosexualité et du mariage pour tous. Au passage ils disent tout le mépris de soi voire de la représentation nationale qui les travaillent, puisqu’ils subodorent que les élus puissent voter des lois dictées et voulues par des forces extérieures.
Ces mêmes personnes, beaucoup plus tolérantes avec la haute criminalité de voleurs à col blanc, détournent les yeux des maux qui gangrènent la société en faisant vaciller ses bases. Elles ne s’offusquent nullement en effet que les deniers publics soient dilapidés, encore moins de la désespérance qui colle à la peau de la jeunesse qui, en dépit de tous les dangers continuent d’émigrer illégalement pour aller tenter sa chance dans des ailleurs plus cléments. L’espoir souverainiste en berne, ils ont du mal à croire que la courbe s’est inversée et que dorénavant le possible peut se décliner sur ses propres terres. Ces mêmes gens ne s’offusquent pas du spectacle affligeant et insoutenable de talibés enguenillés qui encombrent les rues, tendent la sébile et sont victimes des déviances des adultes et à qui on vole leurjeunesse. Elles ne s’indignent point de la bamboula inqualifiable que mettent à nu certains rapports de l’Ofnac et de la Cour des Comptes. Peu leur importe la reddition des comptes, la mal gouvernance, la gabegie. Encore moins le devenir de l’Ecole et de l’université si malmenées ces derniers temps, la santé bien malade, le monde rural soumis au rythme des saisons et à la disette des périodes de soudure.
C’est vrai que l’époque est faitdiversière mais tout de même ! N’oublions pas que l’alternance actuelle a été portée par une forte espérance, une envie de voir tourner la page des rancœurs, de l’arbitraire, de la misère matérielle de morale.
"Wax ji doy na sëkk" a-t-on envie de scander puisque le temps est à l’action. A ce titre, faut-il le souligner, il est rassurant de voir que, loin des agitations de tous ordres, le plus jeune président de la République du Sénégal semble résolument se focaliser sur les problèmes qui taraudent les populations en situation de précarité. La cherté de la vie. La pauvreté en milieu rural. La mal gouvernance, etc. Les chantiers qui sont énormes et en attente de solutions invitent le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye et son gouvernement à ne pas se laisser divertir ni se laisser entrainer sur des terrains sans horizons.
La rupture tant chantée, c’est justement la mise en œuvre d’’une nouvelle posture empreinte de gravité et de responsabilité.
Cela s’impose d’autant plus que « le suicide » des jeunes qui empruntent des pirogues pour l’Espagne ou qui se rendent au Nicaragua, se poursuit. Ces gosses, nos enfants, nos frères et soeurs, nos petits-enfants, sont une mauvaise conscience qui dicte l’urgence de se focaliser sur les vrais problèmes. Ils nous disent que la souveraineté se conquiert et que ce n’est pas en la noyant dans des exhalaisons déclamatoires qu’elle épousera la réalité. Et Pour cause !
Il y aura une souveraineté économique quand on arrivera à nourrir et à équiper ses populations avec sa propre production. Il y aura une souveraineté politique quand on pourra assurer soi-même sa propre sécurité.
Et c’est cette souveraineté conquise, réelle, qui sera susceptible d’injecter dans le corps social, plus particulièrement dans la jeunesse, cette fierté de soi, ce sentiment d’appartenance, qui vont tourner le dos aux pirogues de la mort. Au président Bassirou Diomaye Diakhar Faye qui parait humble et déterminé de relever les défis, loin du bruit et de la fureur, en faisant se croiser les préjugés favorables à son endroit avec les réalisations concrètes pour soulager les populations.
Le titre en français : "Assez des bavardages !"
Par Mounirou FALL
POUR UN PARTENARIAT GAGNANT-GAGNANT AVEC LA FRANCE
Quoiqu’il en soit, perdre le Sénégal pour la France, serait synonyme de perdre l’Afrique de l’Ouest. Aussi, nos nouveaux dirigeants devront déterminer avec clairvoyance leur position face à l’histoire
Le rééquilibrage des relations entre la France et le Sénégal (dans un cadre sous régional) mérite une réflexion sur la stratégie déroulée par les leaders de la 4ème alternance issue des urnes du 24 mars 2024. D’un premier constat résulte que le basculement du Sénégal dans une certaine posture marquera de fait la fin du pré-carré français en Afrique de l’Ouest. En effet, la cristallisation des antagonismes avec l’apparition d’une nouvelle radicalité « panafricaine », qui s’insurge contre la présence militaire et économique française et, plus globalement, l’hégémonie du Franc CFA, synonyme d’un ordre international inique, est aujourd’hui confrontée aux données de la « real politique ». Ce réveil brutal « non prévu » s’est fait parallèlement à l’effritement après 60 ans, des bases des « partis politiques traditionnels » jadis calqués sur le modèle « Focardien ». Cependant, ne soyons pas naïf : les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts, comme disait le général De Gaule !
Quoiqu’il en soit, perdre le Sénégal pour la France, serait synonyme de perdre l’Afrique de l’Ouest. Aussi, nos nouveaux dirigeants devront déterminer avec clairvoyance leur position face à l’histoire.
Entre Souverainisme et Panafricanisme
L'équilibre des pouvoirs s'éloigne de l'Occident. De plus en plus de pays se tournent vers d’autres stratégies, notamment un développement autocentré qui est une stratégie de développement économique basée sur l’accroissement du marché intérieur en priorité. Elle vise à développer une autonomie vis-à-vis du commerce extérieur. Concrètement, les pays qui adoptent cette approche (le Nigeria, l’Afrique du Sud) axent leur développement sur les besoins nationaux, protègent leur secteur agricole et leur tissus industriel par des droits de douane et cherchent à assurer des débouchés à l’industrialisation en se détachant progressivement des importations. Cette stratégie est souvent mise en œuvre dans des pays qui ont connu des spécialisations défaillantes exportateurs nets de leurs matières premières et importateurs de ces mêmes produits transformés en retour, et qui cherchent à diversifier leurs productions tout en évitant une dépendance excessive aux échanges internationaux.
Nos dirigeants issus actuels se retrouvent face à deux options qui sont mutuellement contradictoires : La rupture ou la renégociation issues d’un Souverainisme clivant ou d’un Panafricanisme réaliste. Une relation dialectique existe entre les options portées par les mouvements citoyens issus d’une société civile néo-panafricaine. Mouvements qui ont menés à de larges mobilisations de rue qui ont créé les conditions sociopolitiques de la survenue de transitions (par les urnes ou par des putschs), dont la réussite et l’inscription dans un registre panafricain ont suscité une floraison de collectifs et/ou de mouvements d’appui. Tout cela en raison des dysfonctionnements de la gouvernance, de la corruption endémique, de la situation socioéconomique critique, de la perte de confiance des citoyens dans les partis politiques et dans leur justice.
La « société dite civile » se trouve au centre de ces dynamiques. Une société multiforme qui accouche d’acteurs nouveaux du fait d’une jonction que tout semblait opposer : les mouvements néo-panafricains et les mouvements citoyens qui les ont précédés de quelques années. Sur la forme tout d’abord, les premiers apparaissent virulents, clivants, (tel le mouvement France dégage) là où les seconds cultivent le registre légaliste avec une mutation en partis politiques avec des modes d’action basés sur le constat d’une dystopie du modèle de développement en vigueur. Sur le fond surtout, les premiers identifient la source des malheurs dans la subordination du pays à l’Occident, les seconds dans la subordination à une oligarchie corrompue. Domination externe pour les uns, domination interne pour les autres.
Une vision géopolitique obsolète ……
La dénonciation de l’emprise économique étrangère, leur mainmise sur les ressources naturelles, la tutelle monétaire de l’ancienne métropole a été dénoncée durant des décennies, par des intellectuels, économistes et militants progressistes et/ou nationalistes – altermondialistes, développementalistes postcoloniaux –, avant d’être mobilisée par les Jeunes étudiants avant de trouver une caisse de résonnance sur les réseaux sociaux et la nouvelle génération de partis politiques au cours des années 2010. Avec la montée en puissance d’un cyber activisme souverainiste radical, alimenté dans une grande mesure par des membres de la diaspora, les mouvements citoyens mettent le doigt sur l’exploitation des richesses de l’Afrique qui font tourner les industries et l’économie des pays du Nord. L’accès au savoir et à l’information ont permis l’émergence de sociétés entièrement revues et corrigées qui sortent de cette logique binaire de segmentation des rôles faisant de nos pays des consommateurs éternels et les autres les producteurs/transformateurs des nos ressources et matières premières.
Face à ce déphasage entre les citoyens et les politiques, l’option des derniers a plus été orientée vers la gestion des « crises » - réelles ou supposées - pour entériner des solutions de rechange aux politiques existantes et les entretenir jusqu’à ce que des notions politiquement impossibles jadis deviennent politiquement inévitables. L’on peut ranger dans cette catégories les dérives telles que « forces occultes, forces organisées, terroristes, salafistes, …» allant jusqu’à modifier « en procédure d’urgence » en juin 2021 le Code Pénal qui introduit "la répression des faits de financement du terrorisme » la redéfinition de l’infraction d’association de malfaiteurs… !
Malgré tout cet arsenal, l’essor des mobilisations citoyennes populaires contre l’influence étrangère dans les pays d’Afrique francophone s’est renforcée. Ce qui a produit deux types de postures : l’une extrême prônant la rupture immédiate et l’autre inscrite dans une logique de dialogue dans le respect des constitutions (Souverainistes versus Populistes).
Au-delà du respect des constitutions, ces « mouvements citoyens » militent pour une démocratisation substantive des institutions politiques de leurs pays, « dévoyées par des autorités corrompues et autoritaires ». Leur idée maîtresse est qu’une mobilisation citoyenne peut faire reculer le clientélisme et forcer les détenteurs du pouvoir à gérer l’État dans le sens de la bonne gouvernance et de l’intérêt de la population, avec surtout une justice indépendante.
Ces mouvements qui ont fortement contribués à la troisième alternance politique au Sénégal, suscitent de l’enthousiasme et font des émules dans et en dehors de notre pays jusqu’au Ghana, le plus francophone des pays anglophones d’Afrique de l’Ouest).
Dans la foulée de leurs principales victoires, ces « mouvements » ils ont fait face au défi organisationnel, de leur structuration à l’échelle nationale, de leur inscription dans la durée comme des lanceurs d’alerte, des sentinelles de la démocratie. Leur rayonnement leur permet de « Dialoguer » et de nouer des partenariats pour mener des activités de sensibilisation/mobilisation à l’échelon local et ont consolidé formellement la place et le rôle des Acteurs autres que les Partis Etats dans la recherche du bien-être des populations.
Partenariat autour des chaines de valeur
Les basculements en cours dans les relations internationales doivent pousser nos dirigeants à sortir du statut de « sujet » pour devenir des « acteurs » à part entière de la nouvelle géopolitique. Elaborer des stratégies holistiques, souveraines permettant d’assurer les mutations profondes de leurs pays. Redistribuer la valeur ajoutée créé à partir de nos ressources dans nos pays via la transformation locale des produits. L’exemple le plus flagrant autour de la transformation et du renforcement des chaines de valeur reste celui de la consommation de l’huile d’arachide issue de l’agriculture locale. Mis à part le « Segall » réalisé à petite échelle par les fermes rurales, le produit de l’huile d’arachide raffinée n’est plus à la portée des ménages sénégalais qui doivent se contenter des huiles de soja et de tournesol importés et conditionnées qui ne sont pas de la même valeur nutritive. L’autre exemple est celui du chocolat que nous consommons avec une forte valeur ajoutée réalisée et conditionnée dans des pays où une seule fève de cacao ne pousse ? Les exemples sont nombreux rien que pour les produits agricoles sans parler des ressources minières et minérales.
Une rupture systémique s’impose à travers les ressorts de la real politique. L’option stratégique est de transformer localement des richesses locales à travers un transfert de technologie bénéfique aux deux parties. A la place de la colonisation d’occupation déroulée par la France, avec un monopole sur les leviers économiques et financiers (contrairement à l’indirect Rule de la GB), la seule option stratégique qui s’offre est celui d’un recentrage économique matérialisé par un appui conséquent ainsi qu’une protection/promotion de notre agriculture et du tissu industriel local. Par local, nous entendons appartenant au moins à 51% à des Sénégalais (comme cela se fait dans d’autres pays chantres de la démocratie) pour juguler le système de prêtes noms qui existe dans le secteur de la pêche.
Les binationaux comme jokers ?
Un screening de plus de 93 candidatures qui avaient été déposées au Conseil constitutionnel pour compétir aux élections présidentielles, 18 candidats potentiels détiennent une double nationalité. Des ministres, maires, directeurs généraux d’entreprises publiques, avocats, hommes d’affaires ont une double nationalité et servent de joker politique. La stratégie mise en place pour la France a été de miser sur les binationaux que l’extérieur veut utiliser comme passerelles pour redéfinir une nouvelle coopération avec l'Afrique. Ils jouent sur la proximité affective avec la France pour les placer dans les sphères de responsabilités en jouant sur leurs relations filiales avec leurs familles sénégalaises. C'est une Francafrique plus soft, moins agressive et plus portée vers le partenariat gagnant-gagnant. Pour ce faire, il va miser sur le retrait progressif des troupes françaises, leur positionnement comme forces d'appoint en cas de demande.
Il est évident, dans ce contexte, que l'arrogance et le paternalisme vont céder la place à la concertation pour trouver des solutions communes aux problèmes de l'Afrique. La France ne veut pas perdre la face et elle est prête à des concessions. D'autant qu'elle est pressée par la communauté internationale pour une décolonisation des pays encore sous tutelles comme la Nouvelle Calédonie. Dernier pays à encore entretenir des colonies, elle ne voudrait pas être mise davantage au banc des accusés. Elle est donc face à un défi historique.
Face à la parade, à l’image de Tidiane THIAM en Côte d’ivoire qui est mis en selle pour toujours entretenir les leviers de la France-Afrique (malgré un discours plus ou moins panafricaniste pour la galerie), le Sénégal a rompu le 24 mars avec la logique des supplétifs. Perdre le Sénégal pour la France serait perdre l’Afrique de l’Ouest. Un tournant à ne pas rater et qui conditionnera la suite de ses relations avec les pays de la CEDEAO et surtout ceux de l’AES.
Par Diagne Fodé Roland
HOMMAGE A MON AMI SANOU MBAYE
Nous inclinons le futur drapeau de l’Afrique unie à sa mémoire, à celle de Osendé Afana, Joseph Pouemi, Samir Amin parce que comme le dit le poète africain « les morts ne sont pas morts », ils vivent dans l’action et la pensée des vivants
C’est avec grande tristesse que nous avons appris le décès de Sanou Mbaye, économiste, consultant en développement à Londres et ancien haut fonctionnaire de la Banque Africaine de Développement (BAD)
Auteur de plusieurs articles, notamment dans Le Monde Diplomatique en plus des journaux économiques anglais et de nombreux ouvrages économiques, il avait été invité par l’Union des travailleurs Sénégalais en France/Action Revendicative – section Nord (UTSF/AR département 59) à plusieurs reprises à Lille comme conférencier.
En 2002, dans le cadre de la traditionnelle Journée Afrique Noire dédiée au savant Égyptologue Cheikh Anta Diop, il nous avait gratifié d’une magistrale présentation de son ouvrage intitulé « L’Afrique au secours de l’Afrique ».
Nous avions aussi lu avec beaucoup d’intérêts ses multiples écrits sur « l’Afrique noire face au piège du libéralisme », « l’Afrique francophone piégée par sa monnaie unique » sur le CFA, « Métamorphose de la dette africaine », « Fausse embellie économique en Afrique subsaharienne », « l’Afrique noire happée par le marché mondial », « Décollage africain, marasme sénégalais », « Souhaitable union des économies africaines », « Un continent entre croissance et inégalités », etc.
Avec Sanou, nous avions un vrai échange sur les caractéristiques et problématiques des économies néo-coloniales africaines dans une perspective de libération nationale panafricaine souverainiste.
C’est ainsi qu’il avait été témoin dans sa position de fonctionnaire de la BAD de l’élaboration des projets et programmes d’ajustement structurel libéraux imposés et financés par les institutions de Bretton woods (FMI et Banque Mondiale) consécutifs du « consensus de Washington » qui sont les vraies causes dévastatrices de l’endettement exponentiel, de la détérioration des finances publiques, de l’aggravation de la pauvreté et des conflits inter-ethniques en Afrique.
Le patriote expert des questions économiques démissionna de ses fonctions à la BAD pour s’armer de sa plume et se lancer dans une critique épistolaire des diktats libéraux du FMI, de la Banque Mondiale et de l’OMC comme chroniqueur aux journaux anglais Guardian, Project Syndicate et français Monde Diplomatique.
Parallèlement, Sanou a poursuivi sa croisade en tant que conférencier invité des universités de Columbia, Oxford, LSE, SOAS, Berlin, Frankfurt, Montréal, Cheikh Anta Diop de Dakar, Pékin en Chine et intervenant dans les forums organisés par des organisations altermondialistes de la société civile.
Sanou Mbaye a été dans la lignée des économistes critiques du colonialisme monétaire comme Osendé Afana de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) - « L’économie de l’Ouest-africain : Perspectives de développement », Joseph Tchundjang Pouemi - « Servitude et Liberté, la répression monétaire de l’Afrique », Nicolas Agbohou - « Le Franc CFA et l’Euro contre l’Afrique », Samir Amin - « l’Impérialisme et le développement inégal », Moussa Dembelé - « le Franc CFA est une monnaie de la servitude », N’Dongo Samba Sylla - « L’arme invisible de la Françafrique : une histoire du franc CFA », pour ne citer que quelques uns.
Membre retraité du bureau national de l’UTSF/AR et de sa section du nord de la France, et au nom de l’ensemble des adhérents historiques défunts et vivants de cette association nationale en France, nous disons mercià Sanou Mbaye d’avoir fait le choix de mettre ses connaissances apprises sur les bancs de l’école au service de la transmission de son savoir aux travailleurs, notamment de la diaspora immigrée et aux peuples africains.
Nous inclinons le futur drapeau de l’Afrique unie à sa mémoire, à celle de Osendé Afana, Joseph Pouemi, Samir Amin parce que comme le dit le poète africain « les morts ne sont pas morts », ils vivent dans l’action et la pensée des vivants qui poursuivent le combat pour l’Afrique nationalement et panafricainement libérée et l’émancipation sociale des masses africaines.
A sa famille éplorée, nous présentons nos condoléances attristées. Repose en paix cher Sanou, nous ne t’oublierons pas
Par Mbagnick DIOP
SUBSTITUER L’EVIDENCE AU DOUTE ET TENIR EN RESPECT LES SUBVERSIFS
A peine installée, la cinquième République doit faire face à une conspiration qui en dit long sur le caractère revanchard de certains perdants, très mauvais perdants d’ailleurs, de la présidentielle du 24 mars 2024.
A peine installée, la cinquième République doit faire face à une conspiration qui en dit long sur le caractère revanchard de certains perdants, très mauvais perdants d’ailleurs, de la présidentielle du 24 mars 2024. Audacieusement, ils font converger leurs diatribes et leurs crocs en jambes sur le Président et le Premier ministre dont ils connaissent pourtant l’endurance dans l’adversité politique
Pour dérouler une gouvernance efficace et paisible, le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre M. Ousmane Sonko devront, tout au cours de leur mission, faire montre de sérénité et fermeté afin de substituer l’évidence au doute et tenir en respect les subversifs dotés de moyens redoutables. Comme dit l’adage : il ne faut guère donner du répit au fauve blessé, il faut le neutraliser avant qu’il puisse retrouver la force d’une contre-attaque. Cela est d’autant plus nécessaire que le peuple vulnérable à la manipulation, attend patiemment des actesforts pour que le coût de la vie lui soit allégé.
Les tenants du pouvoir, sortis d’une longue nuit d’épreuves cruelles, savent parfaitement ce dont sont capables leurs adversaires.
La sécurité publique apparaît comme un champ de cactus vénéneux. Il faut dores et déjà que la police et la gendarmerie reprennent assidûment les patrouilles, notamment dans les régions de Dakar et Thiès où des bandes d’agresseurs rivalisent de férocité.
Au chapitre politique, les acteurs, quels que soient leurs objectifs, gagneraient à inscrire leurs actes dans un cadre civilisé, en ayant la claire conscience que les citoyens en ont ras-le bol d’entendre des déclarations guerrières du genre force restera à la loi. Les souvenirs de ces bravades sont encore douloureusement consignés dans la mémoire de milliers de citoyens injustement brimés voire broyés par un régime dictatorial qui a pris fin le 24 mars dernier.
Pour le renforcement de la cohésion nationale, les Sénégalais doivent bannir à jamais les propos et comportements sectaires. Que chacun cultive le champ d’amour sacré, en chantant inlassablement notre belle devise nationale : un peuple, un but, une foi.
Par Alioune Badara DABO
IL NOUS FAUT UN CONSERVATOIRE NATIONAL DU LITTORAL
Il peut avoir pour mission d’imaginer, d’aménager et de protéger le littoral, les espaces naturels et les espaces de promenade et de respiration pour préserver le cadre de vie et le fragile équilibre ville-nature
Le 24 Mars 2024, le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture en portant son choix sur le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye du parti PASTEF les Patriotes. Après six semaines d’exercices du pouvoir, l’arrêt des chantiers sur le littoral constitue, avec la publication des rapports des corps de contrôle et l’audit du site déclassifié de Mbour 4, les décisions phares prises pour la restauration de la transparence dans le domaine de la gestion foncière. Ces mesures conservatoires, quoiqu’appréciables et appréciées par l’opinion, devront être accompagnées par un cadre réglementaire et institutionnel durable qui garantisse l’équité et l’intérêt général dans la gestion foncière au Sénégal. Cette contribution met le focus sur la problématique de la gestion du foncier sur le littoral et entend participer aux réflexions en cours sur les mécanismes et dispositifs à mettre en œuvre pour régler durablement la question foncière sur le littoral sénégalais.
Pourquoi un Conservatoire national du littoral au Sénégal ?
Le littoral sénégalais s’étend sur près de 700 km et correspond à la façade maritime de six régions du Sénégal (SaintLouis, Louga, Dakar, Thiès, Fatick, Ziguinchor). Il est constitué d’écosystèmes naturels et anthropiques, mais menacé par la forte concentration économique et démographique et par les effets du changement climatique (érosion côtière, inondation, salinisation des sols…).
Sa gestion durable a préoccupé les pouvoirs publics depuis les premières heures de l’indépendance, mais aussi la communauté scientifique, l’UICN et les acteurs de la société civile. L’une des premières mesures prises par le Président Senghor consistaient à classer le foncier dans le Domaine Public Maritime (DPM) de l’État : ce dernier étant également soumis à la législation foncière.
La loi de 1976 portant code du domaine de l’État définit le DPM et la zone littorale qui font partie du domaine public naturel de l’État comme étant : « les rivages de la mer couverts et découverts lors des plus fortes marées, ainsi qu’une zone de cent mètres de large à partir de la limite atteinte par les plus fortes marées ». Le DPM est soumis au régime de la domanialité publique qui se caractérise par son exorbitance liée notamment aux principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité qui s’appliquent à lui. L’État ne peut pas transférer un droit à un tiers ni à titre onéreux, ni à titre gratuit. En d’autres termes, le DPM ne peut pas bénéficier d’une prescription acquisitive. Toutefois, l’État peut bénéficier de certains espaces relevant du domaine public en les déclassant pour les faire entrer dans son domaine privé.
Sous le régime du Président Abdou Diouf, d’autres textes viennent s’appliquer également sur le DPM et cherchent à garantir une protection efficace et effective du littoral. En plus de la loi sur le domaine national de 1964, il y a eu également celle relative à l’environnement. L’ambiguïté de ce code de l’Environnement de 1983 a eu des conséquences importantes dans l’application des politiques environnementales. La loi de 1983 ne réglementait que certains aspects de l’environnement (le domaine marin et côtier n’en faisait pas partie) et était cependant complétée par les autres textes intervenants dans des secteurs spécifiques (forêt, chasse, urbanisme, aménagement du territoire, etc.).
La loi de 1996 a apporté des modifications majeures dans la gestion de l’environnement et le foncier. L’organisation territoriale s’est complexifiée avec la superposition de plusieurs échelons de collectivités décentralisées et de services déconcentrés de l’État.
Au niveau du foncier et plus précisément en ce qui concerne le DPM, les collectivités décentralisées malgré l’approfondissement de la décentralisation en 1996 ont peu de compétences en la matière. Leur implication dans la gestion du DPM est timide. Et pourtant, le littoral est, pour certaines collectivités locales côtières, d’une grande importance pour leur développement économique et touristique, mais elles ne sont que partiellement impliquées.
La loi de 1983 a été remplacée par celle de 2001 portant code de l’Environnement, sous le régime du Président Abdoulaye Wade. Elle contient plusieurs dispositions qui peuvent être relatives à la protection du littoral. En effet, le législateur prévoit des mesures de prévention et de lutte contre les pollutions et nuisances qui concernent aussi le littoral. Ceci se concrétise parle classement de certaines installations pour la protection de l’environnement, le respect des règles environnementales par les établissements humains, la gestion des déchets, l’obligation de procéder à l’étude d’impact, et l’établissement d’un plan d’urgence est prévu en cas de situations de pollution grave. De même, des règles sont également établies pour la protection des milieux, avec des mesures de prévention de la pollution des eaux et de la dégradation des sols.
Vers la fin du régime du Président Abdoulaye Wade, le littoral est devenu le théâtre d’une spéculation immobilière intensive. Ce phénomène s’est accéléré avec le régime du Président Macky Sall. Hôtels et immeubles d’habitation ou de bureaux y poussent à grande vitesse.
Les défenseurs de l’environnement ou de la qualité de vie dénoncent la privatisation du littoral à coups de violations des règles de droit. Certaines populations se plaignent de ne plus avoir d’accès libre à la mer et la préservation du littoral apparaît comme une des conditions d’aménagement équilibré des territoires face à l’urbanisation croissante.
Toutefois les politiques environnementales ou d’aménagement du territoire ou de préservation exclusive de cet espace n’ont pas encore atteint les effets escomptés et les ressources foncières sont de plus en plus grignotées notamment sur leurs franges. La croissance urbaine au Sénégal exerce une forte pression sur le littoral. Elle raisonne comme un défi envers les savoirs et pratiques opérationnelles de l’aménagement du territoire, de la planification et la gestion du littoral.
Je pense que la mise en œuvre de la volonté politique de protection du littoral du régime actuel et de la valorisation des espaces naturels, des espaces de promenade et de respiration, et de coordonner en ces domaines les actions des collectivités territoriales avec celles de l’État et de ses établissements publics doit être portée par une entité territoriale forte, viable et porteuse de transition vers des pratiques plus durables.
Les réformes engagées par le Sénégal, à savoir l’Acte III de la décentralisation, définissent de nouveau système de gouvernance des territoires avec notamment la communalisation intégrale des collectivités territoriales de proximité des communes et l’érection des départements en collectivité territoriale. Ce système pose des questions d’échelle de gestion et d’intégration du littoral dans le développement des territoires.
Ce processus d’organisation des territoires, des activités et des usages implique la recherche d’un équilibre entre l’urbanisation et le littoral, entre l’économie et la santé, la ville et les écosystèmes naturels, entre la croissance démographique et la préservation du cadre de vie. Il appelle ainsi, comme le suggère le Président de la république, à mobiliser l’intelligence collective des acteurs des territoires pour préserver le fragile équilibre entre la ville et le littoral.
La suspension des chantiers contribue à l’ouverture d’un débat plus vaste sur l’accaparement du foncier à travers tout le pays. Le Président Bassirou Diomaye Faye a promis de rompre avec le système incarné par son prédécesseur, Macky Sall. Ce dernier avait signé en avril 2023 un décret déclassant une forêt de près de 826 hectares destinée à empêcher l’avancée de la mer, pour y autoriser la construction d’infrastructures, d’équipements collectifs et de logements.
Cette urbanisation croissante situe le littoral à la jonction de différentes politiques publiques économiques, environnementales et action foncière. Il reste donc souhaitable pour le Sénégal, que les différentes stratégies des investisseurs, promoteurs immobiliers, l’État, les collectivités, les associations de protection de la nature soient source d’enrichissement, plutôt que de conflit, et favorisent un dialogue constructif qui exige de chaque acteur un comportement citoyen
La nouvelle institution technique et opérationnelle viendra renforcer le niveau de gestion, de coopération et d’échange, mais aussi de création d’espaces verts, d’espaces de promenade et de respiration, le niveau de collaboration entre l’État, les associations et les acteurs territoriaux dans la conduite, le suivi et l’évolution des politiques de protection du littoral.
Je pense que la mise en place d’un Conservatoire national du littoral (inspiré du Conservatoire du littoral en France, créé en 1975 pour lutter contre l’urbanisation des côtes françaises), structure technique et opérationnelle, traduit l’impératif de compléter notre architecture de gouvernance des ressources territoriales, foncières, marines, par une institution, siège de la protection et de la valorisation du littoral sénégalais.
Les objectifs du Conservatoire national du littoral
L’objectif de la création du Conservatoire National du Littoral est de mettre en place une structure technique et opérationnelle de gestion, de protection, d’animation, de sensibilisation et de création d’espaces de nature et de respiration afin de répondre aux enjeux de la croissance démographique qui crée des besoins inédits, notamment en termes de logement, de mobilité, d’emploi, de gestion de déchets, du cadre de vie, de gestion de l’eau et, de manière générale, de gestion de l’environnement.
Dans un contexte de grandes transformations urbaines, de mutations paysagères, de changements profonds des territoires côtiers liés au lancement de travaux d’envergure visant à relever les défis de la restructuration et de la croissance démographique, il s’agit de préserver le patrimoine naturel et le cadre de vie menacé par cette urbanisation croissante. Concilier les espaces de nature, de promenade, de respiration avec l’aménagement du territoire devient une nécessité.
Le Conservatoire est ainsi créé pour mettre en œuvre la politique de gestion, de protection et de valorisation du littoral, mais aussi de coordonner les actions des collectivités territoriales avec celles de l’État. Il vient renforcer de manière technique et opérationnelle le niveau de collaboration entre l’État, les associations, et les acteurs territoriaux dans la gestion, le suivi et l’intégration de la question environnementale, écologique, sociale dans les politiques d’aménagement du territoire.
Les objectifs opérationnels de la création du Conservatoire du littoral sont les suivants :
• Concilier aménagement du territoire, la gestion durable du littoral, du cadre de vie et la protection des écosystèmes naturels
• Diminuer la pression foncière et gérer durablement les espaces dont la valeur patrimoniale engage notre responsabilité à l’égard des générations futures et ouverture au public des espaces de promenade
• Anticiper les mutations des espaces naturels par une démarche prospective
• Créer des espaces de respiration, de lutte contre l’érosion côtière, les inondations et de participation à la qualité de vie des populations
• Accompagner et animer les projets de l’État et des territoires sous l’angle de la transition écologique
• Développer et mettre en œuvre une stratégie opérationnelle valorisant l’exemplarité environnementale de l’État et des collectivités territoriales
• Protéger les populations contre des phénomènes climatiques extrêmes en permettant un espace de tampon entre la mer et les enjeux humains.
Quelle forme ou statut pourrait prendre le conservatoire du littoral au Sénégal ?
Le Conservatoire peut être un établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle des Ministères de l’environnement, de l’économie, de l’aménagement du territoire et des collectivités territoriales. Il peut être gouverné par deux instances : le Conseil d’administration composé principalement d’élus nationaux, départementaux, communaux et de représentants des ministères. Il est un organisme commun à l’État et aux collectivités territoriales, où les qualités et les rôles complémentaires de l’un et des autres se conjuguent et se renforcent mutuellement.
Il peut avoir pour mission d’imaginer, d’aménager et de protéger le littoral, les espaces naturels et les espaces de promenade et de respiration pour préserver le cadre de vie et le fragile équilibre ville-nature. À ce titre, l’action du Conservatoire s’inscrit dans le cadre des politiques nationales, territoriales en matière de qualité de vie, d’aménagement du territoire et d’environnement.
Le Conservatoire doit avoir pour mission d’intervenir et d’argumenter afin de préserver de manière règlementaire le littoral. Il vise à : (i) prévenir ou endiguer l’urbanisation non maîtrisée ; (ii) concilier l’ouverture au public et la préservation de la biodiversité ; (iii) mettre en valeur les paysages ; (iv) conforter le maintien de la production économique et touristique et (v) prévenir la dénaturation des espaces ouverts par des veilles foncières avec les collectivités et les associations.
Par Dr Idrissa DOUCOURE
LE SENEGAL BATIT SON FUTUR AVEC AUDACE
Dans le cadre de mes contributions régulières au débat national, je souhaite aujourd’hui aborder un thème qui m’a profondément marqué durant les quinze années que j’ai passées en Angleterre
Dans le cadre de mes contributions régulières au débat national, à un moment où les nouvelles autorités du pays affichent une volonté ferme de mettre en œuvre des changements essentiels et systémiques pour la souveraineté du pays dans tous ses compartiments, mais aussi pour un développement endogène et accéléré, je souhaite aujourd’hui aborder un thème qui m’a profondément marqué durant les quinze années que j’ai passées en Angleterre. Cette période a été marquée par plusieurs expériences significatives, notamment le changement de langue d’instruction de mes propres enfants, passant du français à l’anglais en raison de notre déménagement à Londres. Ce changement s’est produit lors des premières années de mon affectation dans cette ville, et j’ai pu observer de près les impacts de cette transition linguistique sur leur éducation. De plus, mes contacts quotidiens avec mes collègues de travail, où aucune place n’était réservée à une autre langue que l’anglais au bureau, m’ont permis de constater l’efficacité d’un tel environnement. Cette immersion totale dans la langue anglaise a révélé des avancées notables dans divers comportements et diverses compétences, démontrant que le système éducatif monolingue ne souffrait d’aucune lacune.
C’est la raison pour laquelle j’apporte cette contribution au débat public, à un moment où le Sénégal, les nouvelles autorités ambitionnent de refonder le modèle de développement du pays. Le Sénégal aspire à apporter des modifications profondes à son modèle de vie dans tous les secteurs. Quel est le pays au monde, en dehors de l’Afrique subsaharienne, qui a connu un développement fulgurant en adoptant une langue étrangère comme langue de base dans son système éducatif ? Les éléments d’analyse et de propositions que je présente ici proviennent davantage de mon expérience de citoyen ayant vécu cette réalité pendant plus d’une décennie et de réflexions quotidiennes, plutôt que d’une expertise linguistique ou éducative formelle.
L’éducation est un pilier fondamental de développement d’une nation. Au Sénégal, comme dans de nombreux pays africains, le système éducatif a été largement influencé par la colonisation. Depuis l’indépendance, le français est resté la langue principale d’instruction dans les écoles sénégalaises. Cependant, cette approche présente des limites significatives. Il est temps de repenser notre système éducatif en introduisant l’instruction dans la langue maternelle dès les premiers âges, avant d’introduire le bilinguisme avec le français ou l’anglais plus tard dans le cursus éducatif. Cette approche présente des avantages sans commune mesure que nous allons explorer en détail.
L’introduction du français dans le système éducatif sénégalais remonte à l’époque coloniale. Les motivations derrière cette initiative étaient politiques, économiques et socio-culturelles. Les colonisateurs français cherchaient à créer une élite locale francophone qui pourrait servir leurs intérêts, reproduire et perpétuer le système. Cette élite devait être capable de communiquer en français pour faciliter le fonctionnement de l’administration coloniale et les échanges commerciaux. Cependant, cette approche a créé un fossé linguistique et culturel entre les enfants et leur environnement familial et communautaire. Les enfants étaient obligés d’apprendre dans une langue qu’ils ne maîtrisaient pas et qui n'avait pas la même charge émotionnelle, ce qui a souvent conduit à des difficultés d’apprentissage et à des taux d’abandon scolaire élevés.
L’éducation en français présente plusieurs limites. Tout d’abord, elle crée une barrière linguistique pour les enfants qui ne parlent pas le français à la maison. Cela peut entraîner des difficultés de compréhension et d’assimilation des concepts éducatifs. De plus, l’instruction en français peut nuire à l’identité culturelle des apprenants, en les éloignant de leur langue et de leurs traditions. Un exemple concret pour illustrer cette situation est celui d’un enfant britannique qui serait instruit en français dès le bas âge, alors que même ses parents ne connaissent pas cette langue. Il est évident que ce système éducatif enregistrerait des contre-performances significatives. En comparaison, les enfants coréens ou américains , qui sont instruits dans leur langue maternelle, montrent des performances académiques beaucoup plus importantes.
Les avantages de l’éducation dans la langue maternelle sont multiples et multiformes, notamment le développement cognitif, émotionnel et linguistique. L’apprentissage dans la langue maternelle permet aux enfants de développer des compétences cognitives et linguistiques solides. Les recherches montrent que les enfants qui commencent leur éducation dans leur langue maternelle acquièrent des compétences de lecture et d’écriture plus rapidement et de manière plus efficace. Cela est dû au fait qu’ils peuvent comprendre et assimiler les concepts plus facilement dans une langue qu’ils maîtrisent déjà.
L’instruction dans la langue maternelle renforce le sentiment d’identité culturelle et d’appartenance des enfants et favorise l'acquisition de compétences scientifiques . En apprenant dans leur langue maternelle, les enfants se sentent valorisés et respectés, ce qui renforce leur estime de soi et leur confiance . Cela leur permet également de maintenir un lien fort avec leur culture et leurs traditions, ce qui est essentiel pour leur développement personnel et social. L’enseignement dans la langue maternelle favorise l’inclusion et l’équité dans le système éducatif. Il permet à tous les enfants, indépendamment de leur origine linguistique, de commencer leur éducation sur un socle d'équité et d’égalité. Cela réduit les disparités et les inégalités éducatives, en particulier pour les enfants issus de communautés linguistiques minoritaires.
L’instruction dans la langue maternelle encourage également l’engagement des parents et de la communauté dans le processus éducatif, en leur conférant la légitimité de guider et surveiller la progression de leurs enfants. Les parents sont plus susceptibles de participer activement à l’éducation de leurs enfants lorsqu’ils comprennent la langue d’instruction. Cela crée un environnement d’apprentissage plus collaboratif et plus soutenu, bénéfique pour le développement global de l’enfant.
Introduire le bilinguisme avec le français ou l’anglais à un stade ultérieur de l’éducation, permet une transition plus douce et plus naturelle. Les apprenants qui ont une base solide dans leur langue maternelle sont mieux préparés pour apprendre une nouvelle langue. Ils peuvent transférer les compétences linguistiques et cognitives acquises dans leur langue maternelle, ce qui facilite l’apprentissage et améliore les résultats scolaires.
Pour apporter ce changement dans le système éducatif sénégalais, plusieurs étapes doivent être suivies. Il est crucial de mener une évaluation approfondie des langues maternelles parlées dans différentes régions du Sénégal. Sur cette base, un plan stratégique doit être élaboré pour introduire progressivement l’instruction dans ces langues. Les enseignants doivent être formés pour enseigner dans les langues maternelles. Des manuels scolaires et du matériel pédagogique doivent être développés dans les langues maternelles. Il sera essentiel de sensibiliser les parents et les communautés à l’importance de l’instruction dans la langue maternelle et de les engager activement dans le processus éducatif. Cependant, dans certains milieux religieux où l’école française n’est toujours pas bien perçue, cela constituerait une piste de changement où enfin et à travers tout le pays une adhésion à l’agenda de l’éducation serait acceptée par tous et mieux encore si on y intègre des composantes d’éducation religieuse. Le nouveau type de sénégalaise ou sénégalais que nous voulons , c’est aussi une citoyenne ou un citoyen fortement ancré(e) dans ses valeurs religieuses et morales les plus élevées, et aussi ouvert(e) au monde extérieur.
Afin de ne pas tomber dans nos travers et perdre cet engouement sans les résultats pérennes en place, il me semble indiqué de faire soutenir ce changement majeur par le Bureau de suivi du PROJET, du fait que cela transcende le ministère de l’éducation et interpelle d'autres institutions de la république. Un système de suivi et d’évaluation doit être mis en place pour mesurer l’impact de cette approche et apporter les ajustements nécessaires.
L’instruction de nos enfants dans leur langue maternelle dès les premiers âges est une approche éducative holistique qui favorise le développement cognitif, linguistique, culturel et social de nos enfants. Elle prépare également le terrain pour une transition réussie vers l’apprentissage d’une seconde langue, tout en promouvant l’inclusion et l’équité dans le système éducatif.
par Pape Chérif Bertrand Bassène
L'IMPACT D'UN DÉBAT UNIVERSITAIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le "Goordjiguène" a toujours existé en Afrique : il est temps de dépasser les polémiques stériles et de produire un savoir africain sur la question. À charge pour l’Université Cheikh Anta Diop d'assumer ce rôle
Pape Chérif Bertrand Bassène |
Publication 21/05/2024
Tandis que la presse occidentale et française en particulier, nous apprend que le "Premier ministre Sonko critique les droits LGBT" (Figaro, 2024), qu’il a prévenu sur le risque de casus belli entre l’occident et le reste du monde avec sa défense de l'homosexualité (La voix du nord, 2024 ). La presse sénégalaise quant à elle - se faisant l'écho d'une société civile d’obédience religieuse et d'une classe politique qui essaie d'habiller la nouvelle forme d'opposition - a relevé que le Premier ministre Ousmane Sonko (Pmos) l’a non seulement déçue (Conférence Jamra), mais devrait en plus "retirer ses propos sur l'existence d'une tolérance envers le phénomène d'homosexualité au Sénégal" (Lequotidien, 2024).
La nouvelle opposition en gestation, que veut réanimer l'honorable Moustapha Diakhaté, n'hésite pas à accabler l'université Cheikh Anta Diop (Ucad). Elle dit condamner "l’attitude opportuniste du recteur" qui aurait "violé la décision du Conseil académique portant suspension de toutes les activités politiques dans le campus." Pour M. Diakhaté, le Professeur Mbaye, n'aurait pas dû "autoriser cette rencontre qui n’a aucun caractère officiel et scientifique encore moins y prendre part."
Nous voulons pondérer cette posture plus politique que scientifique.
Comme le dit une sagesse biblique, « nul n'est prophète en son pays ». Et certainement pas un Ousmane Sonko – "prophète du Pastef" (pour coller à l'imaginaire de ses partisans qui l'appelle Ousmane Mu sella mi) – qui a prédit et œuvré pour la chute de cette élite politique qui le sera chez les thuriféraires d’un régime fraichement renvoyé dans l’opposition politique.
Sinon, le débat que messieurs Mélenchon et Sonko ont tenu à l'Ucad 2, a bel bien un cachet officiel dès lors que c’est l’Ucad qui invite. En plus du fait que les deux hôtes du jour sont deux leaders de mouvements politiques dont l’un est de surcroit le Premier ministre du Sénégal. L’Ucad dont la devise est Lux mea lex, est par sa tradition un espace de débat éclairé pour défendre les libertés et toutes les libertés. Dès lors, il aurait été plus pertinent d’analyser l’impact national comme international de cette rencontre.
Sur le plan national, cette conférence a permis au recteur d’initier une réconciliation (que l’on espère sincère) avec la communauté estudiantine dont les nouveaux venus – qui ont accusé plus de huit (8) mois de retard – à qui il avait l’obligation professionnelle pour ne pas dire pédagogique de redonner le goût du monde universitaire. C’est en conséquence que le Professeur Mbaye a accepté humblement la critique des huées qui n’étaient que l’expression de la colère des étudiants après les mesures "intellecticides" qu'il a appliquées – le recteur n’a jamais fait preuve de prise de responsabilité consciencieuse sur l’avenir des étudiants sénégalais de l’Ucad et telles que les franchises universitaires et les libertés académiques le lui autorisaient – et qui ont terni l’image académique de l’institution.
En outre, où mieux que l'Ucad pour insuffler un tel débat sur l'avenir des relations entre l'occident et l'Afrique, avec des questions aussi cruciales comme celles des droits humains qui nécessitaient une certaine dialectique. La pédagogie dialectique, c’est ce qu’une certaine presse au service d’une nouvelle opposition n’a pas voulu faire ; elle a préféré baigner dans la culture de crétinisation de l’espace public.
Rappelons qu'un débat sur la même thématique avait déjà eu lieu en 2007 à l’Ucad, quand le président Nicolas Sarkozy était venu "présenter sa conception de l'Afrique et de son développement" aux étudiants sénégalais (Elysée, 2007). En lieu et place d’une rupture, Nicolas Sarkozy s’est révélé un Hegel d’un autre âge avec des théories qui auraient fait sourire des Léopold Sédar Senghor et autres Cheikh Anta Diop.
Or cette fois-ci, dans ce débat (d’un Mélenchon) respectueux de l’Afrique, les questions de droits de l'homme dans l'Etat (nation) sur les relations entre l'Europe et l'Afrique ont littéralement dominé. Et paradoxalement, la nouvelle opposition n'a pas remarqué que le Pmos – tant qu'à parler de démocratie et de droits de l'homme – n'a pas hésité à critiquer l'Etat, "le gouvernement français (qui n'a pas) dénoncé" l’entrave des libertés au Sénégal. Pis, relève Sonko, le président Emmanuel Macron avait accueilli et "félicité" son homologue sénégalais "au pire (moment) de la répression". C'était tout comme, "une incitation à la répression, une incitation à la persécution et à l’exécution de Sénégalais dont le seul crime a été d’adhéré à un projet politique" (Casavance, 2024). Cette critique qui n'a certainement pas plu la nouvelle opposition, l'a empêché d’écouter de manière intelligible la suite du débat.
N'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. L’opposition a alors délibérément choisi de pervertir le propos du Pmos sur le phénomène "Goordjiguène". En le faisant, les journalistes et polémistes de tout acabit ont cherché à rabaisser le débat sur la place de l’homosexualité dans les rapports occident/Afrique ici posée dans l’espace universitaire, cadre scientifique par excellence et dont l’impact international est assuré.
Qui dit université dit universalité, là où comme le dit le Pmos, il faut et il est possible de "reconnaître, connaître, comprendre et accepter les spécificités" dans leur totalité. La question des mœurs par exemple, prévient-il à juste titre, risque d’être le prochain "casus belli" entre l’Occident et le reste du monde. Alors qu’elle ne peut pas se poser dans le contexte africain de manière verticale, elle "revient régulièrement dans les programmes de la majorité des institutions internationales et dans les rapports bilatéraux", souvent "comme une conditionnalité pour différents partenariats financiers"(Casavance, 2024). Toujours cette propension de l’Occident à se positionner comme forme de mission civilisatrice.
Ousmane Sonko ne tient pas un discours que ne peut entendre le monde universitaire, quand il fustige la prétention scientifique de l’Occident qui croit savoir que les "sociétés (africaines) ne connaissaient pas ces questions". Ce qu’il réfute donc en insistant sur le fait que chaque société "a établi et perpétue librement ses mécanismes d’absorption des effets sociaux qu’il faut respecter dans la limite de l’humainement raisonnable" (Casavance, 2024).
La théorie que défend le Pmos est ce qu’on appelle dans le monde de la recherche scientifique, les épistémologies du sud ou décoloniales. Ainsi demande-t-il une certaine "prudence" par rapport à cette problématique, demande de tempérer une certaine hégémonie de leurs systèmes de savoirs occidentaux. Car au Sénégal par exemple, le phénomène "Goordjiguene" n’est pas que "toléré", c’est une matérialité que les communautés historiques sénégalaises "gèrent et continuent de gérer à leur façon et selon leurs réalités socioculturelles".
En Afrique, le respect de la vie privée est une question très hautement morale et non légale. Ainsi dans l’Etat-nation où la présence d’Etat n’est pas encore totalement effective en termes de lois qui reconnaissent les droits et devoirs de chaque individu ; on n’en est pas encore arrivé à ce stade où le "borom niari tour" doit revendiquer un statut d’individu titulaire de droits et libertés du seul fait de son orientation sexuelle. Après tout, c’est l’Etat-nation d’héritage qui a appris les Africains à criminaliser l’homosexualité. Tous les journalistes et polémistes pro-loi sur l’homosexualité ne font en réalité que perpétuer honteusement un vieil héritage de l’Etat colonial. Alors même que le "Goordjiguène" existait comme individu dans nos communautés et conformément aux cadres de régulations sociales africaines qui doivent désormais rester comme la référence pour les Africains.
D’ailleurs, c’est comme en Europe où un "borom niari diabar", aurait des problèmes par ce qu’il "s’attaquerait au mode de vie" des Français s’il voulait faire reconnaître ses deux femmes comme individus avec des droits et des devoirs dans la loi française...Et pourtant au Sénégal, le code civil reconnait les coépouses comme personnalités juridiques !
Le monde est mutant et sera métissé ; ce n’est pas aux enfants du président Léopold Sédar Senghor qu’on va apprendre cela ; un jour viendra peut-être quand les Français reconnaitront la polygamie.
Le débat est complexe certes, mais pour autant, les Africains sont en mesure de le régler. Elle nécessite une certaine pédagogie politique, et à charge pour l’université sénégalaise de produire les connaissances qui vont avec cette pédagogie. D’ailleurs, parce que ce débat s’est posé à l’Université Cheikh Anta Diop, toutes les universités du monde ont le regard tourné vers l’université sénégalaise. Car c’est un défi qui est lancé au monde entier, une mission que le Pmos donne aux intellectuels sénégalais en qui il fait plus confiance pour produire les connaissances sur le sujet.
Gageons que les programmes de recherches tendant à promouvoir une perspective africaine des questions de démocratie et des droits de l’homme feront légion bientôt à l’Ucad et ne ferons que redorer l’image de l’université sénégalaise.
Pape Chérif Bertrand Bassène est maître de Conférences, Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Par Elng
SONKORISATION, N’EST PAS SANKARISATION
Aucune similitude entre les deux personnages, car différents à tous points de vue, si ce n’est, une vaine tentative d’imitation du Burkinabé. Et sur ce point, une copie, ne vaut jamais l’original.
Aucune similitude entre les deux personnages, car différents à tous points de vue, si ce n’est, une vaine tentative d’imitation du Burkinabé. Et sur ce point, une copie, ne vaut jamais l’original.
Leur pedigree est différent, autant leur tempérament. L’un original, sincère, sorti des sentiers battus, qui se retrouvait bien avant son auteur, dans l’esprit, dans ce slogan magique, optimiste à l’extrême, ce fameux » Yes we can » de Barack Obama. Sankara a su renverser la table avec une inspiration du modèle chinois, reposant sur l’idéologie de manger à sa faim, par soi et pour soi-même. Il a réussi cette prouesse de réaliser, cette rupture iconoclaste de changement des mentalités et surtout, de l’identité nationale d’abord, puis panafricaine, ensuite. La nouvelle appellation du pays, Burkina Faso, chasse la Haute Volta, mais garde le Cfa par intelligence et réalisme.
Toujours, dans les changements de paradigmes, le consommer local, la souveraineté alimentaire, devenue une réalité, le port vestimentaire, portent le cachet du jeune révolutionnaire, brillant, mais seul dans son îlot révolutionnaire.
Mais, ce qui l’a aidé, est sans doute, sa sincérité, l’exemple, qu’il a incarné, en soignant d’abord son éthique, étant le modèle offert à l’imitation, mais encore, ses propos, sorte de bréviaire, qui ont fédéré la jeunesse autour de sa personne : « L’éducation ne consiste pas à gaver, mais à donner faim.” “Les racines de l’éducation sont amères, mais ses fruits sont doux.” “Elever un enfant, c’est lui apprendre à se passer de nous.” “N’oublions pas que les enfants suivent les exemples mieux qu’ils n’écoutent les conseils.” dixit.
Sonko, quant à lui, est d’abord un homme pressé, imbibé du « système, » qu’il veut nier, si l’on sait de manière avérée, qu’il en est, un pur produit, de surcroît, apparatchik. Il est né, a grandi, a étudié, a servi dans un pays à la douce culture, matinée d’une religiosité très marquante dans les différentes religions du pays. Difficile de redresser un bossu, si ce n’est dans le cercueil. Son opposition face à l’ancien régime, est un phénomène nouveau et jusqu’ici difficilement digeste. Sa quête pour le pouvoir, fut radicale, dure, ponctuée de propos violents, que l’opinion, n’est pas prête d’oublier. Quid d’une jeunesse trempée dans le discours souverainiste, casseure, encouragée à la destruction de biens privés comme publics ? Ces potentiels héritiers, la relève du pays, qui n’a pas été sensibilisée sur demain, les enjeux du développement durable, mais plutôt éduquée à la » résistance « . Hélas, c’est ce même discours d’opposant, toujours d’actualité, qui risque de se prolonger, nonobstant les urgences. Nous pouvons accompagner la Sonkorisation, jusqu’à l’extrême limite de nos forces, cela va de soi, en tant que citoyens, patriotes dans l’autosuffisance alimentaire, dans l’industrialisation, dans la révision d’accords, etc., mais de manière sincère, paisible, réfléchie, organisée, pondérée.
Mais surtout, il est important, de souligner, pour la bonne marche du pays, l’impérieuse nécessité, par le Premier ministre, tout puissant qu’il est, de libérer de l’espace pour éviter tous les désagréments d’une saturation, surtout médiatique. Qu’il n’oublie pas dans sa frénésie « révolutionnaire souverainiste », qu’il a un chef, le président de République, en l’occurrence, cela pour éviter à l’horizon, un embrouillamini fatal. Le Sénégal, est toujours, un État organisé, qui ne connaît pas pour l’instant le bicéphalisme et dont les institutions, fonctionnent normalement.
Sankara était issu d’un monde sans construction, sans ombre et où la lutte, s’imposait d’elle-même. Sonko plus jeune, est né dans un monde, où tout semble rangé, sauf pour les pauvres, autre différence entre les deux.
Sankara luttait pour un peuple, Sonko pour une population. Des deux postures, il y a des nuances.