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29 novembre 2024
Opinions
Par Hamidou ANNE
JE N’AI JAMAIS LU PAUL AUSTER
L’écrivain américain Paul Auster est mort. Je connais très peu son travail, n’ayant jamais lu ses romans. En revanche, l’auteur provoque chez moi une mélancolie bouleversante. Il me fait penser à la course tragique du temps que rien ni personne n’arrête.
L’écrivain américain Paul Auster est mort. Je connais très peu son travail, n’ayant jamais lu ses romans. En revanche, l’auteur provoque chez moi une mélancolie bouleversante. Il me fait penser à la course tragique du temps que rien ni personne n’arrête. J’ai un étrange attachement à Paul Auster sans jamais avoir réussi à lire quelque chose de lui. Cette situation vient d’une anecdote que je vais relater dans les lignes suivantes. Que le lecteur sache ici pardonner ce récit quelque peu impudique mais que les circonstances me poussent à raconter. Nous avions entre 15 et 16 ans, à Pikine, dans la fin tumultueuse des années Abdou Diouf. Le pays était vieillot, lassé des près de quarante années du socialisme. Dans les quartiers populaires, nous étions des adolescents difficiles, agités, entre l’école, le foot et la bagarre.
Nous allions à nos premières soirées au Bideew Bi night-club. C’était l’époque des premières amourettes, des navétanes et du rap soul, bientôt supplanté par le hardcore imposé par le mythique groupe Rap’Adio. Je passais des semaines chez les Laobés où habitait mon ami Ilimane. On dormait sur le même lit, alternativement chez lui ou chez moi, quand il venait loger à la maison.
Il était meilleur que nous tous au foot, c’était le numéro 10 de l’équipe, buteur agile, très talentueux. Il savait faire rire, avait une joie de vivre et une intelligence sensible aux mots. Il savait faire attention aux gens. Nous étions des gamins pauvres et fragiles mais joyeux et inconscients de notre sort, à vrai dire.
Un jour IIimane a laissé chez moi un livre de Paul Auster qu’une amie française de son père, guide touristique à Saly, lui avait offert. C’était un recueil de deux scénarios de l’auteur : Smoke et Brooklyn Boogie. Ils ont été adaptés au cinéma par Wayne Wang en 1995.
J’ai commencé le livre, c’était une période où je lisais tout ce qui me tombait sous la main, des magazines comme Onze, Femme Actuelle, OK Podium, France Football, aux ouvrages communistes comme les affreuses productions de Kim Il Sung ou les gentillets romans de Boubou Hama. Sur ce livre de Auster, j’étais quelque peu intrigué par ce type d’écriture où on ne racontait pas des histoires mais on disait l’heure, la météo, les allées et venues de personnages dans une extrême froideur. Mais j’ai très vite arrêté ma lecture car ce texte était très ennuyeux. Je découvrais sans le savoir l’écriture du scénario.
Des années plus tard, nous avons déménagé. La famille de Ilimane aussi, car les eaux des fortes inondations des années 2004/2005 ont arraché nos maisons. Le Président Wade avait eu l’idée du bassin de rétention qui eut raison de notre terrain de football.
J’ai pris le chemin des études et du service de l’Etat. Ilimane, qui avait arrêté l’école au collège, a changé de vie. Il a fait allégeance à un chef religieux, a décidé de suivre la voie Baay Fall. Le garçon taciturne est devenu blagueur même gouailleur. Le jean et le t-shirt ont cédé au njaxass et sa tête était désormais ornée de longues dreadlocks.
Il est devenu quelqu’un d’autre, nous nous voyons moins qu’avant, car il passait beaucoup de temps dans les champs de son guide spirituel, mais nous restions frères presque de sang.
Dix ans plus tard, nous étions devenus des adultes. Par le plus grand des hasards, il est venu un jour à la maison. Nous avons papoté comme souvent, refait le monde et raconté nos folies de jeunesse. Mes parents l’adoraient comme les siens ont toujours fait preuve pour moi d’une infinie tendresse. En partant, il a vu le livre de Paul Auster et a demandé à le reprendre. Mes tentatives de l’en dissuader ont été vaines. Je ne comprenais pas pourquoi lui qui avait arrêté tôt l’école, qui ne lisait jamais, avait subitement besoin de reprendre son livre. Tant pis, j’avais cédé.
Je l’ai raccompagné ensuite. Nous avons marché longtemps et, en nous séparant, avant de lui remettre le livre, j’eus l’idée saugrenue d’écrire sur la première page «A jamais»
Quelques semaines plus tard, on m’annonça brutalement la mort de Ilimane. D’une tuberculose paraît-il… En vrai, je ne sais toujours pas. On ne dit jamais de quoi sont morts les gens ici. On ensevelit leurs corps, outre de sable, d’un voile de pudeur et de foi. Allah avait donné. Il a repris. A Lui nous appartenons, à Lui nous retournons. On fait difficilement le deuil de nos morts. Je ne sais toujours pas de quoi sont morts les miens mais je sais que je ne guérirai jamais de la disparition de Ilimane Sow. Je le revois encore partir avec son caaya (pantalon bouffant) et son anango (boubou) en njaxas, les locks opprimées sous un gros bonnet. Livre de Paul Auster en main.
Paul Auster a accompagné mon adolescence. Son souvenir a cohabité avec mes pensées tristes sur l’injustice de la mort. Je n’ai jamais vu les films Smoke et Brooklyn Boogie. Je n’ai jamais lu Paul Auster. A son évocation, j’ai toujours gardé deux mots : à jamais.
Par Xaadim NJAAY
MALENTENDU CULTUREL
Que les politiciens français de gauche et les politiciens africains célèbrent leurs convergences de vues sur certains points. La culture les divisera toujours cependant sur d’autres points.
J’ai écouté Mélenchon et Sonko à l’UCAD et j’ai aimé les piques contre Macron. Le président français, théoricien opportuniste de «l’amour entre la France et l’Afrique», en a pris pour son grade pour son silence complice et sa collusion avec un président qui s’est procuré frauduleusement des armes qu’il a dirigées contre sa population. Sonko devait également, à mon avis, tancer vertement l’ambassadeur de France au Sénégal, très aphone lors des événements sanglants à Dakar et dans les autres villes du pays.
En général, un ambassadeur de France dans un pays francophone d’Afrique, ça parle fort ! Se croyant en terrain conquis, il est d’habitude très volubile sur les événements locaux. Je me suis un peu marré toutefois, je l’avoue, quand le désaccord s’est fait sentir sur la question des LGBT. Il y a eu là, me suis-je dit, un véritable malentendu culturel. Mélenchon, héritier de la Révolution française, d’où sont issues les valeurs de gauche et de droite, était conséquent avec lui-même en tant qu’homme dit de gauche. Il perpétuait l’héritage d’une des grandes idéologies politiques de la France.
Quand on est un homme de gauche en France, on défend un certain nombre de valeurs (justice sociale, solidarité sociale, progrès social, etc.) Un homme de gauche, un vrai, va même jusqu’à défendre le libéralisme sexuel. Dans les années 1970, des intellectuels de gauche parmi les plus réputés (Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Louis Aragon, Jack Lang, etc.) avaient signé un texte pour exiger la relaxe pure et simple de trois pédophiles poursuivis pour des rapports sexuels avec des filles et garçons mineurs. Derrière leur soutien, il y avait l’idée de libérer l’enfant du carcan familial. Voilà des personnes qui vont jusqu’au bout de leur logique!
La liberté sacrée de l’homme exige, selon ces hommes de gauche, que les humains se libèrent de tous les «assujettissements» : Dieu, la société, la famille, le mariage et même le corps ! Eh oui, il faut une libération des corps selon eux. Qui nous dit que ce que l’on voit dans un corps d’homme est un homme? Que ce que l’on voit dans un corps de femme est une femme ? L’être humain voudrait peut-être se considérer comme «non-binaire». C’est le terme consacré. Son «apparence de genre» doit être distinguée de son «identité de genre», nous dit-on aujourd’hui en Occident.
Un homme de droite défendrait de son côté les traditions (ceci va jusqu’à la défense d’une «identité nationale»), l’ordre, la limitation du rôle de l’État, les libertés individuelles, etc. Un politicien africain, élevé et grandi dans un contexte africain, se perd dans cette classification. Il se verrait au centre. Le «centre» est aussi une idéologie politique en Occident. Ousmane Sonko, dans un contexte français, serait plutôt un politicien du centre. Il partage certaines valeurs de la gauche : justice sociale, répartition des riches (li ñépp bokk, ñépp jot ci), besoin de réformes (on initie de grandes réformes en ce moment au Sénégal), solidarité avec les démunis, les parias, etc. Il a aussi des valeurs en commun avec la droite (sauvegarde de certaines traditions, notamment de la différenciation sexuelle).
Au libéralisme des mœurs que brandirait un homme de gauche en France, un politicien sénégalais ou malien opposerait la pudeur et la différenciation sexuelle (un homme est un homme, une femme est une femme : «góor ña ca góor ña, jigéen ña ca jigéen ña»). Si j’étais à l’UCAD ce jour-là, je me ferais médiateur. Après avoir écouté les deux conférenciers, j’aurais fait une synthèse sur les marqueurs culturels et la corporéité dans les deux espaces (France et Sénégal).
Les deux politiciens, Mélenchon et Sonko, qui avaient tous les deux raison du fait de leur histoire singulière, comprendraient beaucoup mieux leurs divergences. Cette rencontre était essentielle pour clarifier un certain nombre de points et saluer le courage d'un homme politique français de gauche. La voix bruyante de Mélenchon, au milieu d’un paysage politique français aphone sur les événements au Sénégal, est à saluer à sa juste mesure. Jërëjëf Melaŋson !
Que les politiciens français de gauche et les politiciens africains célèbrent leurs convergences de vues sur certains points. La culture les divisera toujours cependant sur d’autres points. Cheikh Anta Diop, dérouté par certains politiciens français de gauche, n’avait pas hésité à critiquer leur attitude : «Dès que vous parlez de patrimoine culturel, disait-il, la gauche et la droite occidentale se touchent et souvent la gauche est plus minable que la droite.» Pour finir, les politiciens africains, pour ne pas tomber dans une sorte de névrose, devraient, je le pense, créer des concepts et des idéologies politiques tirées de leur vécu propre. Le combat décolonial est aussi un combat conceptuel.
Xaadim NJAAY
Philosophe-Historien
SENEGAL, PREMIER VERROU ?
Une douce musique commence à s’installer au Sénégal où, dit-on, il est possible de débattre des sujets qui fâchent. C’est, ajoute-t-on, le charme de ce pays au conservatisme exalté, ouvert et tolérant mais également crédible ...
Une douce musique commence à s’installer au Sénégal où, dit-on, il est possible de débattre des sujets qui fâchent. C’est, ajoute-t-on, le charme de ce pays au conservatisme exalté, ouvert et tolérant mais également crédible et influent pressenti pour jouer les premiers rôles dans les décennies à venir.
Dès lors, il importe de le fréquenter assidûment pour espérer fendre son armure en révélant ses failles ou ses faiblesses et permettre ainsi aux forces obscures tapies à l’ombre de s’engouffrer dans la brèche ouverte pour ramer à contre-courant de ses valeurs fondamentales.
Notre pays se charge d’une tâche épuisante, fatigante et éreintante, celle de devoir abriter à intervalles irréguliers, les débats portant sur l’homosexualité alors que les priorités sont ailleurs. Bien évidemment les politiques s’exposent en voulant acclimater un sujet qui ne trouve pas grâce aux yeux d’une société aux antipodes de cette orientation sexuelle.
Des digues infranchissables la protègent. Néanmoins, l’enchaînement des visites des Occidentaux à Dakar témoigne de cette volonté d’accentuer la pression par des moyens convenus. Vraiment convenus ?
Le président du Conseil européen, Charles Michel est venu en premier, « tâter le pouls» de l’opinion. Il ne cache plus ses penchants sexuels connus, il est vrai, de ses hôtes qui l’ont reçu à la hauteur de son rang en lui déroulant le tapis rouge.Seulement le tapis rouge… Lors de son séjour, il a plaidé pour des investissements massifs non sans souligner la nécessité d’une « stabilité en tous points » au Sénégal désormais dirigé par de nouvelles autorités.
A son tour, arrive plus tard Jean-Luc Mélenchon à l’invitation de Ousmane Sonko, président du Pastef et non moins Premier ministre du Sénégal. Au-delà de ses qualités de tribun, le chef des Insoumis en France est en campagne pour les élections européennes. Pour lui, la pêche aux voix n’a pas de limite. Pourvu qu’elle ne déborde pas justement les limites du bon sens.
En martelant dans la capitale sénégalaise, de surcroît à l’Université Cheikh Anta Diop, la question de l’homosexualité, Mélenchon sait le désordre qu’il peut provoquer. Mais peut lui en chaut. Il s’adresse à l’Europe via l’Afrique. Il a ainsi voulu surfer sur la vague de popularité de son hôte et, en tacticien averti, chercher à retourner à son avantage les faveurs de la jeunesse acquise à Ousmane Sonko.
Il a obtenu gain de cause. Mieux, Mélenchon a vendu sa « déclaration de Dakar » comme une preuve de témérité à un électorat « gay » très divisé ou partagé entre plusieurs offres politiques allant de Jordan Bardella du Rassemblement national (RN) au jeune Premier ministre Gabriel Attal, carte maitresse du Président Macron pour contenir la montée en puissance du protégé de Marine Le Pen, très en verve au demeurant dans les sondages.
Au même moment, la Mauritanie dépêchait une forte délégation au Texas où se tenait un gigantesque salon dédié aux techniques de forages en haute mer. Nouakchott prend les devant dans son projet gazier de « Tortue Ahmeyin » pour redéfinir son avenir économique.
Au-delà des péripéties de cette visite, la question se pose de savoir si Sonko a été bien inspiré d’inviter à Dakar, une figure clivante de la gauche française. N’était-il pas plus pertinent d’accueillir un panafricaniste de renom qui plancherait sur les forces et les tendances lourdes de l’intégration africaine à l’heure des méga-marchés ?
Toutes choses étant égales par ailleurs, l’ancrage dans le panafricanisme justifiait cette inflexion qui aurait pour avantage de légitimer la démarche au sein de l’Université, lieu par excellence du débat d’idées. N’est-ce pas Sarkozy ? Et puisque rien ne presse, l’exploration de ce patrimoine commun aux Africains servirait de doctrine à toutes les tentatives d’appropriation du modèle pastéfien de conquête du pouvoir par les urnes.
Tout porte cependant à croire qu’une rectification s’impose. Le patron du Pastef ne peut prôner le souverainisme et négliger les approches devant y conduire. Celles-ci proviennent généralement des groupes de travail à constituer lorsque des problèmes importants se posent. A lui, Sonko, d’arbitrer en les écrémant ou au mieux en les fusionnant dans une vision globale d’une Afrique au centre du monde par la force des choses.
C’est à la mesure de ces problématiques que le continent peut progresser en s’appuyant sur les travaux de ses chercheurs dont la finalité des études consiste à aider les politiques à prendre les bonnes décisions. Le monde marche ainsi. D’ailleurs, la recherche ou ses résultats se « vendent » au plus offrant. Après tout, c‘est à l’Université que s’élaborent les outils d’émancipation.
La Chine ne lésine pas sur les moyens pour anticiper sur des enjeux techniques, technologiques, économiques et commerciaux. Elle mène la course en tête et l’Afrique est ce « banc d’essai » qui lui va comme un gant !
L’Amérique, le Mexique et le Canada s’efforcent au sein de l’Alena, traité commercial qui les lie, de dessiner une puissance homogène susceptible de peser sur les destinées futures en termes de prospective.
Cette volonté de puissance habite Pékin qui tisse sa toile de la Route de la soie et séduit plusieurs régions du monde. La Russie de Poutine n’est pas en reste. Elle tente de vaincre son isolement né de la guerre imposée à l’Ukraine et privant le mode entier du blé, aliment de base de plus de deux milliards d’individus.
La céréale est devenue « l’arme fatale », une denrée stratégique dont se sert Moscou pour résister aux pressions. Sa croissance est en berne puisque toute l’économie est maintenant transformée en économie de guerre. Les Européens y voient une faiblesse et tentent d’accabler Poutine en livrant des armes offensives à Kiev qui redoute leur acheminement tardif.
Depuis plus de deux ans que dure cette interminable guerre, d’autres fronts de tension ont éclaté. La multiplication des théâtres d’affrontements révèle une capacité limitée des grandes puissances réduites à menacer plus qu’à agir.
La crise d’Ukraine est aux portes de l’Europe qui s’enlise dans des considérations secondaires alors que l’opinion publique s’oppose à l’envoi de troupes au sol. Ces conséquences incalculables divise l’Occident. La preuve, l’OTAN ne bouge pas mais gesticule avec des effets de manches qui prêtent à sourire.
Il en résulte un rapprochement Moscou-Pékin avec une ouverture vers l’Iran endeuillé par la mort de son Président dans un crash d’hélicoptère vers la frontière avec l’Azerbaïdjan. Pendant ce temps, Israël livre une bataille déchainée contre le Hamas.
La tragédie qui s’y déroule émeut le monde outré par les représailles disproportionnées. Le Procureur de la CPI, le Britannique Karim Khan, s’est saisi de ce conflit et a requis un mandat d’arrêt contre Benjamin Netanyahou et son ministre de la défense. Naturellement le dirigeant israélien rejette avec mépris la décision.
Pour faire bonne mesure des dirigeants du Hamas sont également ciblés par la même demande d’arrêt du même Procureur de la Cour Pénale internationale (CPI). Washington se fâche sans réserve contre cette requête de la CPI, qualifiée « d’hypocrite » et qui vise son allié (et protégé) israélien. A ce niveau de colère, fait-on de la politique ou du droit ?
Par Jean Luc Mélenchon
LE SENEGAL DE SONKO, C’EST UNE REVOLUTION CITOYENNE VICTORIEUSE
Dans l’ambiance d’une révolution citoyenne victorieuse au Sénégal, il faut s’imaginer ce qu’a été pour notre délégation insoumise ce temps, hors du commun. Sur place : la dynamique, l’enthousiasme, l’intervention citoyenne à tout propos.
Dans l’ambiance d’une révolution citoyenne victorieuse au Sénégal, il faut s’imaginer ce qu’a été pour notre délégation insoumise ce temps, hors du commun. Sur place : la dynamique, l’enthousiasme, l’intervention citoyenne à tout propos. La joie ! Mais par connexion, le contraste avec l’ambiance pourrie de la France raciste et néocoloniale mobilisée dans les violences, les haines, les insultes et les menaces sur les Insoumis. La France…. Et son écœurante caste officielle entièrement mobilisée pour l’invisibilisation du génocide des Palestiniens de Gaza. Quelle tristesse ! Mais l’action permet de dépasser la démoralisation nauséeuse répandue par la France. Oui, heureusement l’action politique permet de garder espoir. Pour nous, depuis là-bas, c’était le suivi des meetings et des émissions de télé de la méthodique campagne européenne menée par Manon Aubry, l’action des milliers de groupes d’action insoumis et leurs porte-à-porte géants, la campagne de Younous Omarjee en Guyane et aux Antilles. Et bien sûr les échanges avec le groupe parlementaire que mène Mathilde Panot, à l’œuvre sur les dossiers brulants Nouvelle-Calédonie, fin de vie et loi de programmation agricole. Et chaque jour des manifs et rassemblements pour la fin du massacre à Rafah.
Le Sénégal d’Ousmane Sonko, c’est une révolution citoyenne victorieuse.
Elle a commencé dans l’ambiance d’une insurrection contre un pouvoir décidé à s’octroyer la possibilité d’un troisième mandat présidentiel. Pour cela, il n’hésita pas à agresser physiquement le peuple, emprisonner les chefs de l’opposition, tuer des manifestants, reporter les élections. En vain. Il s’effondra sous la pression de l’action du peuple, jamais relâchée. Il eut tout juste le temps de reconvoquer une élection présidentielle en dix jours ! Et elle fut gagnée dès le premier tour par le parti de l’insoumission sénégalaise : le Pastef d’Ousmane Sonko. Un parti dont le président était sous le coup de procédures judiciaires absurdes et diffamatoires, ainsi qu’une bonne partie de la direction du mouvement. Domestication de la justice et diffamation intense étaient devenues le quotidien de l’opposition dans les registres habituels des campagnes médiatiques contre les nôtres dans le monde entier : accusations d’antisémitisme, d’extrémisme islamique et, bien sûr, de terrorisme.
Comme partout ailleurs, la « goche », d’abord alliée au Pastef, a rompu l’alliance au nom du « style » (« le problème c’est Sonko »). Elle a servi de tireur dans le dos en maintenant des candidats et en laissant dire les pires calomnies contre le Pastef. Pour finir, l’ancien maire de Dakar, candidat, a fait un score du type de son amie la maire de Paris : moins de deux pour cent. Toutes les nuances, « sensibilités » et autres pacotilles mondaines furent balayées. Pour se faire une idée, disons que cette ambiance de décomposition c’est celle qu’encourage l’entité politique « Libération » en France à chaque élection. Face à cela, Ousmane Sonko a maintenu contre vents et marées la « ligne de rupture ». Cette ligne, c’était celle du programme du Pastef. Elle est sur le fond et sur la forme très largement similaire à « l’Avenir en commun ».
Ce n’est pas un phénomène isolé, cette révolution citoyenne sénégalaise ! Au contraire, elle est regardée avec passion par tous les peuples et nations africains. Le mouvement, commencé en Amérique latine pour répliquer aux politiques néolibérales qui avaient dévasté les sociétés du sous-continent américain, continué dans le Maghreb, avait déjà produit des effets au cours de la décennie dans l’Afrique subsaharienne comme au Soudan, au Burkina et au Mali par exemple. Mais ici, pour la première fois, l’insurrection débouche sur une victoire électorale et un programme complet. C’est pourquoi ceux qui ne veulent pas voir tout finir dans une impasse et une répression de type tunisienne ou soudanaise, ou bien dans les coups d’État type Mali, Burkina, etc.se tournent, pleins d’espoir, du côté de la méthode démocratique Sonko et son Pastef. Ce mouvement politique continental va s’approfondir en même temps que se creusent les conditions qui le provoquent.
Le nombre des humains est le moteur de l’histoire.
L’Europe vieillissante n’a pas idée de la dynamique qui soulève le continent africain, où aura lieu une naissance sur deux d’ici 2050. Dans le Sénégal actuel, 50 % de la population a moins de 19 ans et 70 % a moins de trente ans…L’adage dit: « Chaque génération est un peuple nouveau ». Connecté, urbanisé, alphabétisé, le « nouveau peuple africain » entre sur la scène de son histoire. La poussée démographique africaine achève de mettre en tension un système aux abois. Car le système est incapable d’inclure la nouvelle génération dans un quelconque projet d’avenir.
Cette impuissance est le résultat d’un désastre organisé de longue main par les néolibéraux. À la fin du vingtième siècle, dans les années quatre-vingt, l’Afrique a servi de cahier de brouillon aux politiques dites « d’ajustement structurel ». Elles furent ensuite appliquées avec le même aveuglement féroce à la terre entière, dévastant nations et peuples. La logique à l’œuvre est bien connue : moins d’État et plus de marché. Formule se réduisant vite à plus simple : le marché remplace les services publics. Donc, pour cela, il faut détruire l’État et les services publics. À l’époque, là où l’État était naissant, là où les services publics commençaient seulement, le désastre fut complet. Du peu qu’il y avait, il ne resta rien. Et rien ne remplaça ce qui était détruit.
Non seulement les PIB reculèrent, mais les différences entre pauvres s’accrurent. L’Asie pauvre, plus alphabétisée, moins démunie d’écoles, de routes, de voies ferrées et d’hôpitaux, résista. Et elle se releva. L’Afrique néocoloniale s’enfonça. Utilisée comme atelier du monde, l’Asie développa son activité en direction du marché mondial et s’inséra dans la division internationale du travail de l’ère de la mondialisation. L’Afrique, tournée encore largement vers son marché intérieur, accepta pourtant de s’ouvrir aux marchandises mondialisées. Elle se fit donc écraser et, pour finir, elle fut même remplacée sur son marché intérieur. C’est à ce désastre organisé que répondent les soubresauts politiques africains qui accompagnent le déploiement du nouveau siècle.
Notre étude de la révolution citoyenne sénégalaise confirme point par point les thèses de « la théorie de l’ère du peuple et de la révolution citoyenne ». Dans les échanges, nos interlocuteurs le découvrirent avec une joyeuse surprise. Et nous aussi, autant le dire. Les phases de l’action (instituante, destituante), les outils de celle-ci (réseaux et boucles de messageries), rythmes et phases, transcroissance des revendications, tout y est comme dans plus de vingt cas étudiés dans mon livre « Faites mieux ». La même remarque vaut pour les formes et moyens d’action déployés par le parti-mouvement, le Pastef, lui-même par comparaison avec le mouvement insoumis(le vrai, pas celui que raconte la classe médiatique sur la base de ragots).
Portées par une écrasante majorité de jeunes femmes et hommes, ces méthodes sont quasiment sans rapport avec le fonctionnement des partis traditionnels, notamment ceux de gauche. Gazeux, auto-organisé, il inclut d’amples zones floues où s’effacent les limites du mouvement et celles des structures de l’auto-organisation populaire. L’osmose dans l’action, ici, se combine avec la symbiose des organes de l’action concrète. Réseaux sociaux et méta-réseaux (un réseau de réseaux) forment la vraie trame de coordination au fil de l’action, chaque jour plus dense. Et cela jusqu’au détail. Au Sénégal aussi, chacun se faisait un devoir de « ne pas attendre les consignes ».
Un plan d’action se mijote entre Pastef et France insoumise. Notre choix n’est pas d’être des « partis frères » style années soixante, mais des partenaires attelés à des « causes communes ». Il s’agit de construire une mobilisation des opinions sur des sujets délimités. Nous ne sommes pas identiques, parce que nos sociétés ne le sont pas. Nous partons de cette évidence pour éviter de la nier au prix d’abstractions qui finissent toujours mal. « Mal », cela veut dire dans la confusion, les malentendus et les bavardages. C’est d’un ensemble volontairement limité d’actions concrètes dont nous partirons donc. J’en réserve le récit au moment où les deux organisations en auront convenu noir sur blanc.
La délégation insoumise était entièrement « fonctionnelle ». Cela veut dire que ses membres avaient tous une raison d’être là pour leur tâche. C’étaient Manuel Bompard (Bouches-du-Rhône) coordinateur du mouvement insoumis, Nadège Abomangoli (Seine-Saint-Denis), membre du bureau de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Arnaud Le Gall (Vald’Oise), coordinateur international de LFI, Aurélien Taché (Val-d’Oise), rapporteur sur la francophonie à l’Assemblée nationale. L’agenda était dense. Nous étions répartis sur des tâches et rencontres diverses, publiques ou non. Une rencontre au sommet des deux organisations politiques a eu lieu dès le premier jour, regroupant une centaine de hauts cadres du Pastef, en présence d’Ousmane Sonko et du nouveau secrétaire général du parti Sinon, nous n’étions regroupés que pour les conférences dont le prononcé me revenait
La conférence à l’université publique de Dakar a été organisée à l’initiative d’Ousmane Sonko en tant que président du Pastef. C’était sa première expression publique depuis son élection. Son discours a donc fonctionné sur le mode d’une déclaration de politique générale. L’ambiance survoltée dans la salle s’explique par ce contexte. Pour ma part, j’en suis resté à la démonstration « théorique » initialement prévue. Car, dès lors que le Premier ministre s’exprimait en général, en incluant la relation avec la France, il va de soi que je ne pouvais pas être celui qui pouvait « répondre » sur les sujets qu’il soulèverait. L’ambiance dans la salle et autour d’elle était extrêmement ardente, engagée mais aussi bienveillante à notre égard. En nous situant comme « l’autre voix de la France », Ousmane Sonko a désamorcé les confusions de rôle qui auraient pu paralyser la rencontre.
Quand on est entrés dans l’énoncé de nos divergences, l’exercice a été très sain car il a inauguré une autre façon d’avoir des relations internationales, non seulement moins formelles, mais plus ouvertes. Personne n’a plus besoin de faire semblant. Je ne m’attendais pas à l’évocation du sujet de la polygamie et des droits LGBT. La vidéo de ma réponse a beaucoup tourné. En France, et aussi au Sénégal. Je n’y ajoute rien. Il est clair qu’une majorité très nette de la salle ne partageait pas mon point de vue. Cependant j’ai eu le sentiment, en regardant les visages, que la réflexion avait aussi son chemin. Mais je veux témoigner du fait qu’il n’y eut jamais la moindre agressivité à ressentir. J’ai été formidablement accueilli et raccompagné dans la même ambiance amicale par les étudiants comme par Ousmane Sonko, enchantés de l’échange. Rien à voir avec la France et son ambiance de méchanceté, quand des commandos violents de type « Nous vivrons » ou de l’Union des étudiants juifs de France cherchent à pourrir l’ambiance des salles dans les facs.
À l’école supérieure de commerce, l’ambiance était évidemment dans le ton et le style d’une conférence académique, et de ce point de vue je m’y trouvais plus à l’aise, car j’en revenais à la présentation de mon livre. Je pense mettre en forme le texte de ce prononcé pour en faire une brochure sur mon blog. En tous cas, ce fut aussi le moment d’une certaine solennité. Il y avait des étudiants de huit pays d’Afrique et divers patrons de multinationales. Peu banal, des ambassadeurs avaient tenu à être présents : Afrique du sud, Algérie, Arabie saoudite, Égypte, Maroc, Palestine, RDC, Tunisie. Lamentable, la France des interdictions et du sectarisme n’avait pas trouvé le temps d’accompagner une délégation de cinq de ses parlementaires. Il y a dix ans, un tel sectarisme ne s’imaginait pas. Au contraire. Si, affectivement, cela me déçoit, il n’en reste pas moins qu’aux yeux des autres pays, ce n’est pas moi, ni les insoumis, qui sommes diminués par cette situation.»
Par Jean Luc Mélenchon
France Insoumise (Mouvement Jean Luc Mélenchon, le blog)
Par Mody NIANG
D’ABORD RESTRUCTURER, RATIONALISER, NOMMER ENSUITE
Un texte de rappel ou d’alerte : tel entend être l’objet de cette contribution de Mody Niang, déjà publiée en mai 2012, et qui entendait alors attirer l’attention sur certains actes de gouvernement du nouveau président Macky Sall, rappelant le système...
Un texte de rappel ou d’alerte : tel entend être l’objet de cette contribution de Mody Niang, déjà publiée en mai 2012, et qui entendait alors attirer l’attention sur certains actes de gouvernement du nouveau président Macky Sall, rappelant le système qu’il s’engageait à combattre. Douze années après, une autre alternance à la tête de l’Etat, un autre engagement de rupture et d’autres premiers actes encore qui peuvent prêter à confusion.
Le président Macky Sall a bouclé son premier mois de gouvernance. Personne ne s’aventurerait à le juger en un laps de temps aussi court. Ce n’est en tout cas pas l’objet de cette contribution. Cependant, on peut d’ores et déjà se permettre d’apprécier les premières mesures qu’il a prises. Le proverbe wolof ne nous enseigne-t-il pas qu’avec les premiers effluves qui nous parviennent de la cuisine, nous pouvons nous faire une idée de la qualité du mets qui s’y prépare ?
Le président Sall a ainsi nommé un gouvernement de 25 membres, comme il s’y était engagé. Il ne s’en est malheureusement pas arrêté là et a nommé, en plus, deux ministres d’État et surtout de nombreux ministres conseillers spéciaux. N’est-il pas parti d’ailleurs, à ce rythme, pour égaler son prédécesseur ? Ce serait bien dommage ! En tous les cas, il a pris ou annoncé d’autres mesures : suppression de la Première classe pour les membres du gouvernement et réduction de leurs voyages, remise en cause des redécoupages politiciens et électoralistes de certaines collectivités locales, baisse de certaines denrées de première nécessité, audit de la gestion de deniers publics à tous les niveaux où ils étaient gérés, baisse de l’impôt sur les salaires dès janvier 2013, augmentation de 10 % des pensions des retraités de l’Ipres, etc. Il convient de signaler aussi ses trois premiers voyages avec des délégations restreintes, sa discrétion par rapport à la télévision, sa volonté de redonner au palais de la République son lustre d’antan. Ces mesures doivent être encouragées et soutenues, même si le rythme de mise en œuvre de certaines d’entre elles peut paraître plus ou moins lent.
Il a présidé le Conseil des ministres du jeudi 26 avril 2012, qui a pris 52 mesures individuelles dont l’essentiel (46) touche l’administration territoriale. Á cet égard d’ailleurs, un quotidien a titré : « Macky corrige les impairs ». Je crois humblement qu’il faut relativiser: il s’est agi d’abord, en réalité, de remplacer des gouverneurs, préfets et sous-préfets admis à faire valoir leurs droits à une pension de retraite depuis plusieurs mois et de pourvoir à des postes vacants. De nombreuses autres mesures étaient simplement des redéploiements.
En particulier, certaines de ces mesures rappellent trop les pratiques de l’ancien régime, de son vieux prédécesseur. C’est notamment le cas quand des enseignants (instituteurs, professeurs), des agents techniques de l’agriculture, des eaux et forêts, de l’élevage, des infirmiers, etc., sont nommés adjoints de préfets, sous-préfets, adjoints de souspréfets. Au cours de ce Conseil du 26 avril, le président de la République a même nommé sous-préfet un maître d’éducation physique et sportive. Ces nominations ne devraient pas survivre à la gouvernance des Wade. L’enseignement a surtout besoin de ses instituteurs et professeurs expérimentés qui servent dans l’administration territoriale. La Section B de l’École nationale d’Administration (ÉNA) peut former suffisamment de secrétaires d’administration, qui seraient mieux indiqués pour être nommés aux fonctions d’adjoints aux préfets, de sous-préfets et d’adjoints aux sous-préfets.
Deux autres nominations du Conseil du 26 avril ont retenu mon attention. Il s’agit d’abord de celle de Monsieur A. S. D., Commissaire aux Enquêtes économiques, en qualité de Directeur du Commerce intérieur. L’homme a bien le profil de l’emploi. Ce qui pose problème, c’est que cette nomination ne confirme pas exactement l’engagement du candidat Macky Sall à mettre en place une gouvernance sobre, vertueuse et efficace, ni sa volonté de réduire de façon drastique le train de vie de l’État. Dans cette perspective, un directeur du Commerce ferait l’affaire. La direction comporterait deux divisions : une division du Commerce intérieur et une division du Commerce extérieur. Chaque division serait dotée de suffisamment de moyens matériels, humains, financiers et logistiques.
Nous devons rompre avec la pratique de « saucissonnage » des structures administratives de l’ancien régime, sous-tendu par la seule préoccupation de « récompenser », de donner des sinécures. C’est ainsi qu’au Ministère de l’Éducation nationale, la Direction des Constructions et de l’Équipement scolaires a été scindée en deux : une Direction des Constructions et une Direction de l’Équipement scolaires. On peut donner aussi l’exemple, parmi de nombreux autres, de quatre directions: Direction de l’Assainissement rural et Direction de l’Assainissement urbain, Direction de l’Hydraulique urbaine et Direction de l’Hydraulique rurale. Pour une raison d’efficacité et d’économie, elles pourraient être fondues en deux : Direction de l’Assainissement et Direction de l’Hydraulique.
Une autre mesure qui surprend, qui me surprend, c’est la nomination de la dame T. D. F., sociologue de son état, semble-t-il, en qualité de Directrice générale l’Agence nationale de la Petite Enfance et de la Case des Tout-petits (ANPECTP). C’est d’abord l’existence même de cette agence qui pose problème. Comme nombre d’autres agences, elle constitue presque une coquille vide. Elle n’est pas viable, elle n’a pas sa raison d’être. Elle devrait être purement et simplement fondue dans la Direction de l’Éducation préscolaire du Ministère de l’Éducation nationale qui prend en charge la petite enfance (les enfants âgés de 0 à 5 ans) dans les écoles maternelles. Cette Agence a été créée, pour la première fois, pour trouver un strapontin à Mme N. K. D., qui venait d’être virée du gouvernement. Il fallait la contenir, puisqu’elle était considérée comme une pánk, une terrible battante. Pour illustrer encore à quel point cette agence est une grosse farce, rappelons qu’à l’occasion du remaniement-réaménagement ministériel du 10 mai 2011 (décret n° 2011-618), Mme N. K. D., redevenue entre temps ministre, a été sévèrement rétrogradée pour se retrouver avec un squelettique Ministère : celui de la « Petite Enfance ». Un des six décrets signés par le vieux président politicien entre le 10 et le 16 mai 2011, et qui dépouillaient les uns et renforçaient les autres, lui ajoutait « l’Enfance ». Ministre de « l’Enfance » et de la «Petite Enfance » ! Quelle cocasserie ! La «Petite Enfance » est quand même partie intégrante de « l’Enfance » ! Une autre cocasserie, c’est que ce ministère squelettique allait cohabiter avec l’Agence nationale de la Petite Enfance et de la Case des Tout-Petits (ANPECTP), en même temps que la Direction de l’Éducation préscolaire du Ministère de l’Éducation nationale
Voilà les incohérences que le président Macky Sall et son gouvernement devront éviter, s’ils ne veulent pas nous donner l’impression de prolonger les tares de leurs prédécesseurs. L’ANPECTP est, avec les bassins de rétention, l’une des plus vastes escroqueries de la gouvernance de l’ancien vieux président. Ce dernier se proposait, en 2000, de construire 44.000 cases des tout-petits dans les villes comme dans les villages les plus reculés. Selon son dernier décompte, il en était à 220, dont quelques-unes, dotées de salles de jeux et d’ordinateurs, servaient à abuser ses hôtes étrangers. C’est à la tête de l’Agence qui « gère » ces 220 maigres cases des tout-petits que le Conseil des Ministres du 26 avril a nommé une directrice générale, que la presse présente comme « la coordonnatrice des élèves et étudiants de l’Alliance pour la République », « l’inconditionnelle » de Macky Sall. Elle en serait donc à sa première fonction. De quelle expérience se prévaut-elle pour être bombardée – c’est le mot utilisé par un quotidien – à cette fonction ? En quoi la toute jeune promue pourra-t-elle faire avancer le système éducatif ? Combien va-t-elle coûter au contribuable sénégalais, avec ses collaborateurs et les locaux qui abritent la fameuse agence ?
Ces questions méritent d’être posées, sur cette agence comme sur de nombreuses autres qui n’ont été créées que pour trouver des sinécures à une clientèle politique. On en compterait plus de cinquante (50) aujourd’hui, dont certaines frisent carrément le ridicule. C’est notamment le cas de l’Agence nationale des nouveaux chemins de fer – quels nouveaux chemins de fer ? – et de l’Agence nationale de la Maison de l’Outil. « Mais, c’est quoi au juste la Maison de l’Outil, Maître ? », s’était demandé avec raison, « Le Populaire » du vendredi 9 juillet 2010.
Le plus insoutenable encore, c’est que, à la tête de ces agences budgétivores qui n’apportent aucune plus-value au développement du pays, le vieux président nommait, non pas des directeurs, mais des directeurs généraux. Un directeur général est normalement assisté d’un ou de plusieurs directeurs. Ces agences bénéficiaient, en plus, de l’autonomie dans la gestion de leur budget. Parents, amis, militantes et militants libéraux, recommandés de chefs religieux, etc., y percevaient des salaires sans commune mesure avec leur maigre profil. Dans toutes ces structures, c’était donc la bamboula et leurs actes de mauvaise gestion étaient étalés au quotidien dans la presse écrite et orale. Pour permettre au lecteur de se faire une idée sur les nominations à la tête de ces agences, je lui propose ces quelques mesures individuelles prises lors du Conseil des Ministres du jeudi 4 novembre 2010 :
• Monsieur A. S., Enseignant-chercheur, est nommé Directeur général de l’Agence nationale des Écovillages au Ministère des Écovillages, des Bassins de rétention, des Lacs artificiels et de la Pisciculture, en remplacement de Monsieur A. L. ;
• Monsieur M. D., Enseignant-chercheur, est nommé Directeur général de l’Agence nationale de l’Aquaculture au Ministère des Écovillages, des Bassins de rétention, des Lacs artificiels et de la Pisciculture en remplacement de Monsieur A. W. ;
• Monsieur Y. L., Ingénieur des Eaux et Forêts, est nommé Directeur général des Bassins de rétention et des Lacs artificiels au Ministère des Écovillages, des Bassins de rétention, des Lacs artificiels et de la Pisciculture en remplacement de Monsieur M. T.
Ces « grands » directeurs généraux (dont j’ai préféré ne pas décliner carrément les noms et prénoms) ont été donc nommés au niveau du curieux « Ministère des Écovillages, des Bassins de rétention, des Lacs artificiels et de la Pisciculture ». Où sont les bassins de rétention, les lacs artificiels et les activités de Pisciculture qui justifiaient autant d’agences ridicules et de nominations de directeurs généraux ? On constate les mêmes nominations à la tête de conseils d’administration taillés sur mesure. La nomination la plus cocasse à ce niveau, c’est sans conteste celle de ce président des « jeunes wadistes » à la tête du Conseil d’administration de la Société des Infrastructures de réparations navales (Sirn) et dont on ne connaît aucune compétence. Il n’aurait même pas le Brevet de fin d’Études moyennes (BFEM).
De nombreux autres exemples se bousculent dans ma tête. Je terminerai parles nominations au poste important de secrétaire général de ministère. Ce très haut fonctionnaire, l’un des plus gradés, des plus compétents et des expérimentés de sa hiérarchie, est nommé à ce poste : il est la mémoire du ministère dont il assure la permanence et la continuité des services. Quand le département change de titulaire, il accompagne le nouveau ministre tout le temps nécessaire pour le familiariser avec ses nouveaux dossiers. Il est surtout, il convient de le rappeler, caractérisé par sa stabilité. Ce haut fonctionnaire ne devrait pas être n’importe quel agent qu’on affecte à tout bout de champ et à la moindre incartade. On ne devrait pas non plus en rencontrer dans tous les ministères, y compris des plus insignifiants et surtout à durée de vie très limitée. Ce qui était souvent le cas avec la gouvernance des Wade qui en ont usé et abusé.
Au moment où les socialistes quittaient le pouvoir le 19 mars 2000, seuls quatre, peut-être cinq ministères en étaient dotés : le Ministère des Affaires étrangères, le Ministère de l’Éducation nationale, le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de la Justice et le Ministère de l’Économie et des Finances. Aujourd’hui, cette importante fonction est galvaudée. Chaque nouveau ministre s’empresse de nommer un secrétaire général, sans se soucier le moins du monde de son profil. Pendant tout le magistère du vieux président, nous avons assisté régulièrement à des valses de secrétaires généraux, dont la majorité trouverait difficilement un poste de conseiller technique dans un gouvernement normal.
Cette modeste réflexion à laquelle je viens de me livrer, ne saurait être considérée comme une levée de boucliers contre toutes les nominations du président Macky Sall. Le 25 mars 2012, il a été démocratiquement élu. La Constitution lui reconnaît le pouvoir de nommer à tous les emplois civils et militaires. Cependant, en tant que citoyens, nous avons, nous aussi, un droit de regard sur la manière dont il conduit les affaires publiques de notre pays, et d’apprécier ses actes par rapport à ses engagements. Il s’est engagé, en particulier, à restructurer l’administration sénégalaise et, notamment, à diminuer de façon drastique le nombre des agences nationales. Certaines nominations à la tête de ces structures me semblent inopportunes et prématurées.
Sans doute, est-il l’objet de multiples sollicitations. Sans doute, pourrait-il être tenté de « récompenser » les premiers compagnons. Malheureusement, tous les prétendants à des postes ne peuvent pas être servis. Le président Sall n’a surtout pas été élu pour « récompenser » des compatriotes en particulier, même si on peut comprendre qu’il trouve des « stations » à nombre d’entre eux. Tous les hommes et toutes les femmes qui ont contribué à son élection méritent certes une récompense. Cependant, combien de ministères, combien de directions et autres structures faudrait-il pour satisfaire toutes les ambitions ? Le seul moyen dont il dispose pour satisfaire presque tout le monde, c’est de gouverner conformément à ses engagements, c’est-à-dire dans la sobriété, la vertu, la transparence, l’efficacité et la justice.
*Sud quotidien du 9 mai 2012
par Amadou Tidiane Wone
RESTER FOCUS
Le chèque signé par le peuple aux nouvelles autorités n’est pas à blanc. Il est rempli d’exigences, dont certaines sont livrables immédiatement, et d’autres prendront le temps de réformes profondes qu’il va falloir entamer très rapidement
Le 24 février 2024, le peuple sénégalais a fait une option, claire et sans équivoque, pour un changement résolu et définitif d’avec le train-train politicien dominant depuis plus de 60 ans. En vérité, une révolution démocratique et sociale a posé son premier jalon, dès le premier tour d'une élection dont personne n'attendait une issue aussi claire, nette et sans bavures. Les électeurs ont porté leur choix sur la jeunesse et sur la rupture. Ce faisant, ils ont fait le pari de la restauration de notre indépendance, progressivement hypothéquée par les abandons progressifs de Souveraineté sur des pans essentiels et stratégiques de notre économie. Le peuple a aussi fait une option pour l’intégration africaine, la promotion du mérite et, par-dessus tout, pour une lutte sans merci contre la corruption, les détournements de deniers publics, le pillage des ressources naturelles, le bradage du domaine national et la cannibalisation du domaine maritime. Bref, le peuple s’est élevé contre la désinvolture notée ces dernières années, de serviteurs de l’État sensés veiller sur les intérêts de tous, et dont les noms sont associés à des crimes économiques, supposés ou réels. Nous attendons, à cet égard, l’issue des procédures en cours ou à venir…
Il faut ranger au registre de la corruption…d’Etat (!) les avantages exorbitants consentis à certains corps par rapport à d’autres, aussi méritants, tant par leur formation qu’aux regard des services rendus quotidiennement à la nation. La grille salariale de la fonction publique doit être revisitée, totalement, dans le sens de la restauration de plusieurs équilibres rompus ces dernières années par un clientélisme politicien destructeur.
Même les forces de défenses et de sécurité, pudiquement emmurées derrière la notion de « secret défense », doivent lever le voile sur les dépenses liées à des simples questions d’intendance. Celles-ci qui doivent être évaluées et réévaluées au besoin au même titre que les divers engagements de l’Etat. Le voile du secret ne s’étend pas à la gestion rigoureuse de certaines dépenses comme la popote, la construction de casernes, le carburant, les tenues militaires etc. On se comprendra !
Quant au fond, toutes ces distorsions procèdent d’une crise morale profonde dont les symptômes sont visibles à plusieurs niveaux de notre corps social. Il va falloir poser un diagnostic sérieux, qui va bien au-delà des procès d’intention et des règlements de comptes politiques. Le mal est très profond et se niche, bien des fois, dans des recoins insoupçonnables …
Au demeurant, en un mot comme en mille, le chèque signé par le peuple aux nouvelles autorités investies de sa confiance, pour un premier mandat de cinq ans, n’est pas un chèque à blanc. Il est rempli d’exigences, dont certaines sont livrables immédiatement, et d’autres prendront le temps de réformes profondes qu’il va falloir entamer très rapidement. Autant les changements de personnels aux commandes de plusieurs leviers d’actions sont impératifs, autant le souci de la tenue, stricte, de tous les engagements pris, doit faire l’objet d’une communication gouvernementale millimétrée et d’un souci pédagogique en temps réels. Mieux, les actions liées aux changements de comportements doivent être prises en charge par les 54 % d’électeurs qui ont endossé la responsabilité de la rupture et du changement ! Il s’agit, pour chacun et chacune d’entre nous, d’incarner la rupture et de lui donner corps en toutes circonstances. Pour séduire et convaincre les indécis, afin de réduire l’hostilité et la capacité de nuisance des partisans du statu quo ante.
Cela doit être la nouvelle feuille de route du FOCUS 2024. Il faut l’endosser et la conduire.
Pour cela, il est nécessaire de s’attacher à la mise sur pied d’une coalition nationale contre la corruption, le pillage des ressources nationales, le détournement des deniers publiques et l’impunité ! Au-delà des partis, mouvements et personnalités membres de la coalition Diomaye Président, il faut fonder et engager une nouvelle dynamique citoyenne plus large, moins politicienne et plus engagée à défendre notre pays des convulsions artificielles dont sont férus les politicards professionnels. Il s’agit de faire respecter le choix des électeurs sénégalais et de conduire les réformes attendues par :
Une lutte sans merci contre la corruption et tous ses avatars
La restauration d’une justice équitable pour tous,
La mise en œuvre d’une politique d’assainissement des finances publiques et de choix budgétaires judicieux.
La réforme en profondeur de notre système éducatif dans toutes ses composantes
Donner du sens à la devise nationale : un peuple-un but-une foi par la criminalisation des discours haineux et qui tendent à s’attaquer à l’âme de notre nation au sein d’une Afrique décomplexée et en reconstruction.
De tout cela, ma conviction reste que la lutte contre la corruption dans toutes ses dimensions est la priorité des priorités ! De son éradication sortira le nouveau type de sénégalais dont nous voulons que nos enfants soient l’incarnation. Cela est possible si la volonté politique, annoncée au plus haut niveau de l’Etat, est portée par chacun d’entre nous au quotidien.
Alors, dans cinq ans Inch’Allah nous pourrons dire :
EXCLUSIF SENEPLUS - Dévoiement de l’entreprise de presse, précarité du travail, atteinte aux droits des journalistes et techniciens, corruption, bradage des fréquences... sont autant de maux dont il faut impérativement guérir les médias sénégalais
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 19/05/2024
Oui, il faut certainement « jubanti » la gestion du foncier dans ce pays, arrêter l’accaparement sauvage et violent des terres, les enrichissements illicites et la corruption effrénée qui caractérisent ce secteur. Mais il est tout aussi nécessaire et urgent de « jubanti » le secteur de la presse et des médias en général. Il faut adresser la gestion informelle de ses entreprises, l’exploitation éhontée des journalistes.
Il faut mettre fin à l’attribution frauduleuse des fréquences de radiodiffusion par l’intervention de lobbys divers. Mettre fin à la collusion entre la presse et les milieux interlopes des « affaires » et des politiciens véreux. Mettre en place un écosystème susceptible d’assurer la viabilité des entreprises de presse et permettre l’information, l’éducation et le divertissement des Sénégalais en fonction de leurs besoins et intérêts réels. On doit mettre en œuvre pour cela une véritable stratégie de développement des médias.
Le modèle économique de l’entreprise de presse au Sénégal
C’est le modèle économique qu’on a imposé à la presse qui est sans doute à l’origine du mal. Il n’est pas basé ici sur la publicité qui partout ailleurs constitue la source principale du financement des médias.
D’ailleurs la loi qui régit le secteur est vieille de 41 ans. Elle date de 1983 (loi N°83.20 du 28 janvier 1983) et n’a même jamais été suivie d’une loi d’application. Aussi la publicité est-elle captée par des médias et des agences de l’étranger.
Comment dans ces conditions la trentaine de quotidiens à 100 Fcfa qui ne vend en moyenne que 1500 exemplaires par jour, quand le coût du papier représente près de 50 Fcfa, peut-elle s’en sortir ?Comment les 300 radios, les dizaines de télévisions et les centaines de sites en ligne ne peuvent-ils générer suffisamment de revenus pour couvrir leurs charges ? Que représente le Fonds d’Appui à la presse de 1.900.000.000 Fcfa par an, à partager entre tant de bénéficiaires ?
Pourtant le Code de la presse au Sénégal postule que les entreprises de presse sont des entreprises comme les autres, fonctionnant dans des conditions transparentes, tenant une comptabilité régulière, présentant des états financiers certifiés et payant les salaires de leurs employés, engagés contractuellement, selon la convention collective du secteur.
En réalité, seule une poignée de journaux, quatre ou cinq, et de radios, deux ou trois, respectent ces critères et s’en sortent économiquement. Malgré le sensationnalisme des titres, malgré les faits divers croustillants, les revues de presse radiophoniques tapageurs en wolof, malgré les attraits des présentatrices, le bagout tonitruant des éditorialistes des nombreux plateaux et les faits divers people des sites en ligne. La plupart fonctionne dans l’informel, comme 80% des entreprises du Sénégal sans aucun égard pour le Code de la presse et la Convention collective du secteur.
40% des journalistes et techniciens sont des stagiaires et « prestataires », seul 10.5% gagne entre 150 000 Fcfa et 200 000 Fcfa et 86% ne bénéficie ni de couverture maladie ni de cotisation retraite.
Pour survivre, les journalistes se transforment souvent en chasseurs de per diem et en prestataires privés de services journalistiques, hantant les séminaires qui servent repas et frais de déplacement quand ils ne se mettent pas au service de tous ceux qui souhaitent diffuser à moindre frais, ragots, revendications et accusations.
Les directeurs des entreprises de presse quant à eux se transforment bien souvent en agent RP d’une personnalité politique ou religieuse ou d’un entrepreneur dont il s’agit de renforcer l’influence si ce n’est de couvrir les frasques et les combines.
C’est ainsi que bon nombre de titres, de radios, de télévisions et de sites en ligne se sont fait les porte-plume ou les porte-voix de divers barons de l’APR et de Benno Bokk Yakar. Quand ceux-là ne les ont pas créés de toute pièce.
Bradage des fréquences radio électriques et la prolifération des radios et télévisions
Le bradage des fréquences radio électriques et la prolifération subséquente des radios et télévisions constituent l’autre aspect de la situation des médias au Sénégal. Plus de 525 fréquences étaient attribuées en 2022 déjà, le plus souvent de gré à gré, à des personnalités politiques, des autorités religieuses et des « hommes d’affaire ».
Il s’agit là d’un scandale assimilable à l’accaparement du foncier puisque la fréquence radio électrique est une ressource publique limitée et non renouvelable qui relève du domaine public de l’État et dont la cession doit se faire de manière à assurer l’accès équitable de tous les citoyens, à travers des procédures transparentes.
Interpellé par les éditeurs et patrons de presse, l’ancien président Macky Sall avait d’ailleurs dû s’engager à sévir. « J’ai décidé du gel des fréquences non encore exploitées et de l’audit de toutes les fréquences en dormance distribuées par dizaines sans discernement et sans bases légales de par le passé. Les attributaires devront justifier de leur condition d’attribution et de leur éligibilité, du respect de la convention et du cahier de charge applicable à l’exploitation d’un service audiovisuel. Il ne s’agit pas de répression, il s’agit juste de se conformer à la législation et au nouveau cadre… ». C’était en 2015 !
On retira bien 75 fréquences non exploitées mais rien de plus.
Pistes pour jubanti la presse
Dévoiement de l’entreprise de presse, précarité du travail, atteinte aux droits élémentaires des journalistes et techniciens, corruption, atteinte au droit à l’information des Sénégalais, bradage des fréquences, autant de raisons pour « jubanti » la presse.
Il faut considérer en effet que l’information est un bien public. Une presse véritablement libre et indépendante est indispensable pour instaurer et renforcer la démocratie participative que les Sénégalais attendent du président qu’ils ont plébiscité.
Elle est indispensable pour vivifier la culture et renforcer la confiance des Sénégalais en eux-mêmes, pour qu’ils osent entreprendre l’immense œuvre développement national et d’édification d’un panafricanisme des peuples.
Il convient d’abord de revisiter le cadre juridique et réglementaire, notamment le Code de la presse et les procédures d’attribution de fréquences. Ii faudra aussi de toute urgence remiser la loi N° 83.20 du 28 janvier 1983 dont le texte n’a d’ailleurs jamais été accompagné d’un décret d’application, puis élaborer et adopter enfin une loi sur la publicité en phase avec la réalité actuelle des médias et du marché.
Il est également nécessaire de revoir les attributions de l’Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) ainsi que celles du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) pour une plus grande participation des journalistes, des techniciens et du public à la régulation. Il convient aussi d’augmenter considérablement le Fonds d’Appui à la Presse en en faisant éventuellement un guichet de la Banque Nationale de Développement Economique (BNDE).
Ce fonds ne devra plus être distribué en espèces sonnantes et trébuchantes qui finissent bien souvent dans les poches des patrons de médias mais plutôt servir à financer le développement des entreprises de presse. Autre prérequis pour « jubanti » la presse : auditer ou publier les audits des entreprises de presse publiques que sont la RTS, Le Soleil et l’APS.
Par Ibra FALL DIAGNE
ETAT-ENTREPRISE, LA VOIE D’UNE GOUVERNANCE A SUCCES
Nos Etats sont en construction-gestion contrairement aux Etats des pays développés en maintien-innovation-gestion. Ce qui est un atout car qui dit construction dit production et industrialisation
Le MARDI 23 MARS 2021 déjà, pour l’émergence du Sénégal nous avions théorisé de façon paradigmatique la vision d’Etat-entreprise à l’occasion de notre invitation à l’émission SENEGAL CA KANAM AVEC MAMADOU SY TONKARA sur la 2S TV (sur YouTube).
Nos Etats sont en construction-gestion contrairement aux Etats des pays développés en maintien-innovation-gestion.
Ce qui est un atout car qui dit construction dit production et industrialisation parce que dans le territoire physique comme dans beaucoup de secteur de l’économie y’a un grand rien et donc la propension à dynamiser l’économie est intéressante.
Surtout que la production est un cycle important de l’économie réelle et un levier de création monétaire par son caractère de revitalisation des dépenses publiques, de l’investissement des entreprises et de la consommation des ménages.
Reste à savoir comment réhabiliter et redimensionner la structure économique et social de l’Etat en relation avec ses composantes que sont les ménages et les entreprises ainsi qu’avec le monde extérieur pour un équilibre d’exploitation, de service et à l’état ultime comme un équilibre face aux intempéries d’un système économique international.
C’est une telle ingénierie qui donnera tout son sens à l’adage qui dit « il ne faut pas mettre les charrues avant les bœufs » mais le temps d’une période de grâce. Nous dirons, en détaillé et en toute ingéniosité, qu’il ne faut pas mettre les charrues avant les bœufs et il ne faut pas non plus choisir les charrues sans connaitre les capacités des bœufs mais jamais ne choisir les bœufs sans connaitre la charge de travail à labourer.
A la lecture des premières impressions rendues par la vision, les missions et les valeurs du nouveau régime, nous relevons à la lumière des récents conseils des ministres et interministériels que tout porte à conforter leur engagement dans cette voie d’Etat entreprise à savoir la culture de la performance avec des budgets finalités et/ou programmes.
Notamment la refondation de l’idéologie d’Etat orientée gestion axée sur les résultats à porter par une fonction publique éthique républicaine et performante qui vise la performance de son personnel fonctionnaire et agent.
Dans cette optique, ayant servi notre pays dans le secteur privé pendant 12 années, nous avons trouvé nécessaire d’apporter notre contribution citoyenne en termes de modèles pratiques pouvant davantage aider à un chemin droit optimal et efficient menant à des résultats perceptibles et concrets d’impacts positifs dans les 3 mois et 6 mois de la période de grâce.
Il n’est pas superfétatoire de rappeler que ce régime a la période de grâce qui sera le plus empreint d’impatience et d’exigence des populations qui ont tant souffert par une chute du pouvoir d’achat et une palpabilité des conditions de vie très difficile marquées par un niveau de prix élevé des denrées de première nécessité comme un accès difficile aux soins de santé ainsi qu’un accès restreint aux logements abordables et aux soins de base en matière de santé.
Malgré les efforts faits par les régimes précédents, le panier du ménager et le pouvoir d’achat comme l’accès à un travail décent restent le ventre mou des politiques publiques en matière de l’atténuation et de l’éradication de la pauvreté.
Egalement, les coûts du transport comme la qualité d’un système de transport restent une casse-tête de la population à côté d’un cadre de vie peu moderne ne permettant pas de réussir ces deux fonctions fondamentales de nos villes à savoir se déplacer et se recréer l’esprit.
Saluant la vision engagée et les annonces de bonne foi du régime actuel nous tenons, pour l’intérêt supérieur de la nation, à partager notre retour d’expérience appliquée à la gouvernance en mode Etat-entreprise.
Ceci dit, nous rappelons que telle une entreprise existante certifiée ISO et performante aux normes des notations en la matière, un Etat doit sa réussite à son idéologie, son organisation, sa crédibilité et sa rentabilité sociale et économique durant un mandat ; ici de 5 ans.
Pour ce faire, un Etat performant doit miser pour chacun de ses démembrements sur un capital humain aux soft skills et un résultat d’exploitation performant chaque mois, chaque trimestre, chaque semestre et ine fine annuellement.
A savoir, pour chaque ministère, chaque direction générale, chaque programme, chaque collectivité territoriale, établir un résultat d’exploitation mensuelle via un rapport d’activité adossé aux demandes de paiement des salaires du personnel.
Ce rapport d’activité doit ressortir, entre autre, la situation détaillée :
-du personnel, des moyens généraux y compris le plan de recrutement ;
-du pointage de l’exécution des budgets de fonctionnement et d’investissement ;
- des engagements, des contrats clôturés, des contrats en cours, des contrats nouveaux ;
-des encours fournisseurs ;
-du pointage des plannings d’exécution ;
- des taux d’exécution physique et d’exécution financière ;
-du taux de consommation du budget alloué et ainsi apprécier la performance de consommation de dito ;
-des approvisionnements et des niveaux de stocks monétaire et matière ;
-administrative ressortant les faits saillants, les goulots d’étranglement, les référés sur difficultés, les plans d’action et les effectifs en termes de personnel ;
-des risques tous genres, régularisation, conformité, formalisation et certification des partenaires du secteur ;
-des indicateurs de performance macro et au niveau micro ;
-des indicateurs d’impact sur les populations, l’environnement et les générations futures ;
Pour ainsi voir la corrélation entre le taux de consommation du budget alloué rapporté à la masse salariale afin de noter objectivement la performance du capital humain engagé et d’avoir un support d’aide à la prise de décision avec lequel prendre, à temps opportun, les bonnes mesures de coordination et de pilotage de la performance de la gouvernance publique.
Oui, l’exigence d’une ponctualité est une bonne chose mais ne suffit pas car sans l’édition de fiche de poste de chaque employé public et sans la mise en place de procédure de traitement des livrables dans les délais à définir pour chaque livrable, il serait aléatoire, non objectif et partial de pouvoir apprécier la performance des uns et des autres ainsi qu’impossible de pouvoir évaluer et sanctionner.
Justement, il est d’une extrême urgence la mise en place de procédure de définition des périmètres de responsabilité des agents et fonctionnaires avec les taches et missions calées dans des délais bien précis en nette durée d’exécution avec la charge de travail pour valablement pouvoir mettre en place la mesure des performances opérationnelles des uns et des autres.
Et au-delà pouvoir instaurer la culture de prime de performance dans le sens de motiver et fidéliser les employés publics et leur appliquer en chaque trimestre une évaluation dont la grille sera backée à une matrice de points relative à la ponctualité, l’organisation, l’initiative, la discipline au commandement du supérieur hiérarchique, l’exécution des instructions, l’éthique professionnelle, le secret professionnel, la communication, le respect des procédures, etc.…
Et en conclusion en affectant un coefficient à chacun de ces caractéristiques, donner une note opérationnelle sur 20 à la fin de chaque trimestre avec avis-mention du supérieur du genre « blâme », « peut mieux faire », « passable », « assez productif », « bien productif », « très bien productif », « Honorable » selon la plage de note obtenue.
Cette démarche permettra plus d’occupation, d’émulation, de challenge et de valorisation du personnel public et ainsi passer à des appels à candidature interne et externe permettant de garder et/ou promouvoir les plus méritants avec un plan de formation continue et libérer les bras cassés pour ainsi assurer la construction d’un capital humain compétent à même d’opérationnaliser l’exécution des plans d’action publics.
Bien sûr qui dit résultat dit moyens et chaque institution et /ou démembrement doit dans son plan d’action travailler à la mise en disponibiltés des moyens logistiques et de fonctionnement nécessaire à l’atteinte des résultats assignés aux uns et aux autres.
Dans ce contexte de gouvernance en période où tout est urgence, l’Etat doit, dans un bon track, travailler simultanément et en mode autoroute des actions parallèles à :
L’évaluation des exécutions budgétaires conformément aux budgets de la loi de finance 2024 ;
Faire le choix stratégique de quels budgets programmes de quels institutions arrêter et modifier en réorientation aux budgets des secteurs dont la perception des effets et résultats est d’urgence telle la baisse des denrées de première nécessité et les projets d’urgence telle la prise en charge des dépenses pour les besoins de prise en charge de la fête de Tabaski, la campagne agricole, le plan d’atténuation de l’inondation et la subvention des factures de services comme l’électricité et l’eau ;
Faire un rattachement du référentiel budgétaire de l’ancien régime au référentiel budgétaire du nouveau régime afin de substituer, en bonne intelligence économique, les budgets et/ou budgets restants de certains programmes et projets moyens urgents et peu perceptibles dans les effets et impacts par un budget de financement des urgences ;
Faire opérer l’indicateur de masse salariale de 35% sur les recettes à chaque démembrement de l’état à chaque exploitation mensuelle comme critère de performance pour réaliser le respect de ce critère de convergence UEMOA : à savoir opérer par démarche différentielle ou micro pour obtenir l’indicateur macro ou intégral ;
Constituer un fonds de reddition des comptes en matières d’argent obtenu par enrichissement sans cause et de patrimoines foncier et immeuble acquis sans cause ;
Constituer un fonds à obtenir avec des partenaires à même de s’engager à financer le Sénégal moyennant des recettes futures sur le pétrole et les mines ;
Accélérer le recouvrement des taxes et impôts et redevances dûs et cachés non relevés ;
Miser sur un partenariat public privé orientée industrialisation dans les pôles aptes par leurs situations et ressources spécifiques dans l’ensemble du territoire à grande production avec des champions locaux qui ont déjà fait leurs preuves en matière d’agrobusiness, de production agricole, de production animale en mettant en place de nouvelles unités de production à même de constituer une offre en adéquation avec la demande en produits de consommation dont les chiffres sont disponibles au ministère du commerce et aux institutions en charge de ces informations ;
Mettre en place un partenariat public privé avec les écoles de formation, les cabinets de consultances privés, les universités pour en faire des think tank à même de livrer des avis d’expert en groupe de travaux avec les institutions concernées pour avis et aide à la décision ;
Recueillir et suivre, sans payer des études, l’ensemble des rapports des institutions internationales dont, en particulier, la FMI, la BM, FAO, OMS, FBI, que sur la sécurité, la famine, l’inflation, le déficit, l’état du monde pour anticiper ;
Poser les fondations d’un secteur privé à élever et finir la fortification en rendant formelles les 80% des sociétés informelles par une fiscalité à taux de pression en escalier dans le court moyen long termes et à une exigence progressive des certifications ISO de qualité pour une structure d’un secteur privé résiliente à même de créer d’emplois formels et décents et capable de porter la croissance non extravertie ;
Elaborer la carte et le répertoire des PME, PMI, des TPME et des TPMI par secteur d’activité et ceci dans toutes les collectivités locales et du Sénégal ine fine ;
Mettre en place une institution en charge du risque, de la performance, de l’authentification documentaire et de la conformité pour un rapprochement entre les démembrements sectoriels afin d’anticiper des faux et usages de faux ainsi que rassurer d’avantage l’attractivité du Sénégal à l’égard des investisseurs : ça pet étre une mission nouvelle des administrations décentralisées ;
Réhabiliter et relooker l’ASN (Agence Sénégalaise de Normalisation) et le BMN (Bureau de Mise à Niveau) pour une mission de délivrance de quitus de certification en formalisation des sociétés privées du secteur privé ;
Renforcer l’ANSD pour plus de disponibilité des statistiques d’aide à la prise de décision car en comparant avec les agences en la matière des pays développés l’ANSD n’a toujours pas les données tous secteurs pour l’accès aux informations : le CIVID 19 avait montré les limites de la non exhaustivité des données d’aide à la prise e décision notamment avec l’absence du nombre précis de ménage identifié par quartier lorsqu’il s’était agi de distribuer des kits de vivre et de gel aux populations lors du confinement ;
La digitalisation à suivi en temps réel à accès échelonné des exécutions des instructions pour tout démembrement et institution pour un suivi des taux d’activité, des taux d’exécution financière, des avancements des travaux des projets et des groupes de travaux, du suivi des effectifs et du solde, du suivi de la performance, du suivi du taux d’industrialisation, du suivi des engagements, du suivi de la consommation, du suivi de la production des biens et service, du service de la dette, de la balance commerciale, etc.
Concevoir et Construire à l’ère de l’intelligence artificielle et de la 5G, avec nos us et cultures ancrés par nos racines religieuses et génie sénégalais, des générations futures capables d’étre un renouvellement de capital humain à même de réaliser le développement durable : ceci passe par une éducation civique, une éducation repensée, une formation adéquate à nos réalités et objectifs de construction nationale, la construction d’une citoyenneté avec des primes de citoyenneté et une préparation à une ouverture sans complexe à l’universel.
Scanner, Soigner et Stabiliser notre corps social, aujourd’hui trop cosmopolite avec la génération Y et Z d’une autre culture induite par l’internet et les réseaux sociaux, et renforcer ses liens et appuis souples ayant garanti jusque-là la paix et les transition démocratique.
Cette batterie d’actions à entreprendre ressort le travail de titan à faire et nécessite à inciter le personnel public de la présidence, des ministères, des directions et des agences à travailler de 08H à 19H00 moyennant des primes d’heure supplémentaire et des primes de performance. Car cette horaire des 2Heures doit aller en rattrapage et vivacité à la prise en main de services et dossiers et le traitement-certification des factures de prestations exécutées pour la création monétaire et la poursuite de la réalisation des prestations engagées.
Ceci est une nécessité que notre expérience nous a permis de vivre quand nous avions pris en cours une direction dans le secteur privé pour souventes fois avoir des résultats perceptibles dans les 3 mois.
Gérer une nouvelle fonction exige investir plus de temps aux débuts et non jouer les prolongations car la continuité de mission exige une compréhension pointue et précise de l’existant pour comprendre le système de gestion trouvé dans les 3 premiers mois et ainsi innover, entreprendre et améliorer systématiquement les procédés et procédures capables de porter le changement, la vision, et un impact rapidement ressenti.
Nous faisions parfois de longues journées entre 08H00 et 20H00 dans les 3 mois de prise de fonction pour ainsi avoir ensuite des journées normales après maîtrise du système objet de la mission, avec ses failles et forces, pour travailler dans la plage 08H00-17H00.
Telle est la nouvelle version, la conscience et le sacrifice des nouveaux nommés et des employés publics en général, pour véritablement aider dans la division et la coordination du travail au plan opérationnel et stratégique dans la mise en œuvre de l’action gouvernementale.
Justement cet état des lieux sectoriel par institution permet de faire une évaluation et un audit down up et disposer d’un tableau général des budgets restants ou des restes à dépenser (RAD) ainsi que des engagements en cours et échus pour pouvoir véritablement faire un rattachement du PSE avec le référentiel du plan d’urgence opérationnel (PUO) énoncé par le nouveau gouvernent.
C’est un petit exercice mathématique et d’algèbre pour un changement de base avec des vecteurs de base induits par les urgences de l’heure afin d’allier continuité de l’Etat et intégration de l’exécution de la vision du projet porté par son excellence Monsieur le président de la république et son premier ministre.
Le principe étant de ne pas arrêter complètement la machine de gouvernance mais d’identifier les fonctions à arrêter et celles à maintenir et redresser conformément à la vision du président et aux urgences de l’heure
Projet qui a l’adhésion du peuple sénégalais et qui doit faire ses impacts positifs le plus rapidement dans l’amélioration des conditions de vie des populations.
Oui, le budget 2024 du Sénégal est dans les 7 000 milliards mais nous osons affirmer que ce budget peu ambitieux, sans courir un risque d’inflation ou de déficit, peut étre modifié à la faveur d’une loi de finance à 15 000 milliards au 2ème semestre de 2024 avec le nantissement des ressources naturel garanti réel car des réserves bien certifiées estimées à date à coup de milliard.
Et le Sénégal doit, en perspective, viser un budget de 21 000 milliards en 2025 et une croissance à deux chiffres avec une meilleure coordination des secteurs impactant les domaines productifs et portant bien la croissance pour un impact positif de la redistribution des richesses créées aux populations par le biais de la promotion du facteur travail et entrepreneurial.
Vive le Sénégal, vive la contribution citoyenne, vive le changement à impact réel.
Vive un Sénégal plus développé, plus juste, plus souverain, plus réconcilié, plus résilient, plus pacifique.
Ibra FALL DIAGNE,
Ingénieur polytechnicien sénior en génie civil.
Ambassadeur international du livre Economie pour tous de M. GUILLAUME LIBY, banquier économiste ivoirien.
Comment expliquer l’interminable maintien en détention du président Mohamed Bazoumr enversé par le coup d’Etat du 26 juillet 2023 ? Ne pas le laisser sombrer dans l’oubli. Il faut réclamer sa libération. Maintenant
Le 10 mai dernier, la Cour d’Etat du Niger a rendu une décision, concernant la levée de l’immunité du président Mohamed Bazoum, en détention depuis le putsch de juillet 2023 dirigé par le commandant de la garde présidentielle, Abdourahamane Tiani. A la demande de ses avocats, l’audience a été renvoyée au 7 juin prochain, afin que «le droit à la défense puisse être pleinement assuré», selon Kadri Oumarou Sanda, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Niger.Mohamed Bazoum, dirigeant nigérien élu en 2021, qui n’a toujours pas formulé sa démission, est invariablement accusé par la junte au pouvoir, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), de haute trahison, complot contre la sécurité de l’Etat et soutien au terrorisme (sic). Des accusations jugées fantaisistes par nombre d’observateurs et destinées à justifier un coup d’Etat dépourvu de tout motif concevable. Rappelons que le putsch est intervenu en réaction à un éventuel limogeage du commandant de la garde présidentielle, dans un climat de querelle de palais, sur fond de conflit autour de la gestion de la manne pétrolière. Parmi les acteurs de cette guéguerre, l’ex-président Mahamadou Issoufou qui, malgré son départ de la présidence en 2021, n’a cessé de multiplier des manœuvres d’immixtion inappropriée dans les décisions de son successeur…
Une prise d’otage. Comment qualifier autrement le traitement auquel est soumis Mohamed Bazoum? L’homme et sa famille sont séquestrés, à l'intérieur d'une dépendance de la résidence présidentielle, sous haute surveillance, dans des conditions inquiétantes. Après la libération de son fils en janvier dernier, Mohamed Bazoum a été maintenu en détention avec son épouse Hadiza. Coupé de tout contact, à l’exception de son médecin, il connaît, au fil des mois, une détérioration continue de son quotidien. En décembre 2023, la Cour de justice de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) a, en pure perte, ordonné sa libération. Ses avocats, qui ne peuvent avoir accès à leur client, redoutent un possible désintérêt de la communauté internationale à l’égard cette situation. Un sentiment confirmé par l'un d'entre eux, Reed Brody, qui constate que « Mohamed Bazoum pourrait être imperceptiblement oublié dans les évolutions géopolitiques de la région ». Pour conjurer le risque de l’oubli, le New York Times, dans son édition du 4 mai 2024, décrit, sous la plume d’Elian Peltier, la situation actuelle du désormais ancien président du Niger : « Pendant ses premiers mois de captivité, M. Bazoum a été détenu avec sa femme, leur fils de 22 ans, Salem, et deux travailleurs domestiques, dans la résidence présidentielle. Ils n’avaient pas d’électricité mais pouvaient se promener à l’extérieur de la maison pendant que des gardes et d’autres personnes juchées sur des camionnettes armées les entouraient. D’après un proche de Mohamed Bazoum, la pièce est rapidement devenue un four gigantesque. Les températures qui ont dépassé les 40 degrés à l’extérieur, ont fait peler la peau des captifs. Mme Bazoum a également souffert d’un grave épisode de paludisme. (…) Désormais, les soldats sont postés à l’intérieur de la maison et ont retiré les clés des portes, afin que M. Bazoum ne puisse pas les verrouiller et garantir son intimité. Selon les personnes interrogées dans son entourage, il y a de l’électricité, mais les soldats ont confisqué tous les téléphones… »
Une entreprise de persécution
La séquestration de Bazoum s’est avérée, au fil des mois, une entreprise de persécution. Aux lendemains du coup d’Etat, l’équipe de putschistes a orchestré une campagne de diabolisation du président renversé, l’affublant des pires accusations au point de le présenter, aux yeux d’une opinion intérieure, comme l’auteur de tous les périls nationaux. Dans ce contexte critique, ceux qui, dans le pays n’ont jamais accepté l’élection de Mohamed Bazoum, ont trouvé l’occasion d’assouvir de ténébreuses revanches… Le discours officiel des nouveaux maîtres de Niamey s’est transformé en une chronique de la haine extraordinaire. Une logique de la haine, instaurée après le coup d’Etat, avec la volonté affichée de détruire un homme, et d’effacer le souvenir d’un dirigeant qui avait à peine accompli la moitié de son mandat jugé prometteur sur la scène internationale. A cet égard, rappelons quelques faits marquants de sa présidence, cités par le New York Times : « M. Bazoum a rapidement fait du pays l’un des bénéficiaires les plus privilégiés de l’aide étrangère en Afrique de l’Ouest. Il s’est attaqué à la corruption et a promis d’envoyer plus de filles à l’école, en partie pour limiter les grossesses précoces dans un pays où le taux de natalité est le plus élevé au monde. Il a travaillé en étroite collaboration avec la Chine pour construire un oléoduc qui est le plus long d’Afrique, que la junte a inauguré cette année… » On pourrait ajouter d’autres mérites, tels que la mise en œuvre de mécanismes innovants de lutte contre l’insécurité et l’extrémisme violent, ainsi que de pertinentes projections socio-économiques. Pour ceux qui, depuis longtemps, ont connu Mohamed Bazoum, l’ont vu agir et militer dans l’espace politique nigérien, difficile de comprendre et d’admettre le sort qui lui est fait actuellement.
Quelques mots suffisent pour qualifier cet ancien professeur de philosophie : Fidélité, droiture, loyauté, humilité, sens de l’engagement, haute idée de la chose politique et du service de l’Etat. Militant attaché à ses convictions, aimant les partager, avec un réel souci de la tolérance et de l’écoute de l’autre. Cet homme a toujours manifesté son amour des siens et ses contemporains. C’est donc ce serviteur de l’Etatque des putschistes projettent de supprimer, avec un rare acharnement. Mohamed Bazoum refuse de démissionner. Non pas du fait d’un attrait immodéré pour le pouvoir, mais en raison de l’idée qu’il se fait de l’Etat, de la raisond’Etat, et, partant, de la fonction qu’il a incarnée. En se gardant de démissionner, il continue de représenter la sauvegarde des intérêts collectifs d’un pays où une majorité devenue silencieuse de la population lui a confié les clés de la gestion du pouvoir. Comment alors admettre qu’un petit groupe d’officiers, mus par des motifs inavouables, et agissant au nom de honteuses conspirations, puissent se prévaloir exclusivement du droit de confisquer le patrimoine commun de l’Etat nigérien ?
Alors que l’intention du CNSP de s’installer durablement au sommet de l’Etat ne fait plus de doute, la procédure judiciaire engagée à l’encontre de Mohamed Bazoum a pour seul but de le soustraire durablement de l’espace public. Au regard des accusations alléguées, l’ancien président encourt la peine perpétuelle. La hantise de ses preneurs d’otages : que Bazoum retrouve sa liberté de parole, et livre sa vérité sur les véritables ressorts du coup d’Etat. Quels sont donc ces secrets si bien gardés qui ont amené ses geôliers à ordonnancer cette forme de violence à son encontre ? A en croire Amadou Ange Chekaraou Barou, l’un de ses proches conseillers, « le pouvoir de Tiani repose, en partie, sur lance de la libération immédiate de Mohamed Bazoum, auquel aucun crime ne peut être imputé. Il ne s’agit plus simplement de libérer un homme, mais de le sauver. Par-delà l’indignation que suscite cette affaire, il faut continuer de dire simplement, en tous lieux : libérez Mohamed Bazoum. Maintenant.
Francis Laloupo est journaliste, enseignant en Géopolitique.
par Ibrahima Diop
AVOIR L’ART DE LA DENONCIATION ET DE L’ALERTE
Les sénégalais exigent de connaître au centime près, le montant des revenus de leurs dirigeants et leurs origines licites. C’est dans cette logique les réformes tant attendues doivent aboutir à des lois de transparence.
Dénoncer et alerter sont deux mots très en vogue au Sénégal. Depuis le 04 avril 2024, date à laquelle le Président de la République nouvellement élu a émis le vœu pieux de recouvrer, à tout prix, les avoirs de l’Etat quitte à récompenser et protéger les dénonciateurs de détournement de deniers publics, d’escroquerie ou de recel portant sur des deniers publics, de corruption ou de concussion ainsi que les lanceurs d’alerte, le peuple sénégalais dans sa grande majorité a accueilli l’information avec jubilation et manifesté son désir de soutenir la reddition des comptes. Tout laisse croire que les sénégalais veulent s’assurer que les crimes en général, les crimes économiques en particulier ne vont pas payer sous le magistère de Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar FAYE.
Il est évident que le recouvrement des avoirs sera déterminant dans la lutte contre les crimes économiques organisés. Cependant, des publications inexactes, calomnieuses, injurieuses ou diffamatoires ne doivent pas pousser comme du champignon vénéneux sur les réseaux sociaux, dans les médias classiques ou tout simplement dans les livres et salles de conférence. La reddition des comptes consiste à priver les délinquants de leurs profits illicites, à promouvoir la transparence, à vaincre la corruption et la concussion, à moderniser la vie économique sans s’investir avec le plaisir de nuire. Il faut donc avoir l’art de dénoncer et d’alerter c’est-à-dire savoir «rendre le crime odieux, le vice saillant et la vertu aimable» pour reprendre le mot du critique littéraire André GIDE ! La dénonciation et l’alerte sont ainsi étrangères à la calomnie, à la diffamation, à l’injure, à la diffusion de fausses nouvelles et pour nous fonctionnaires, les deux notions doivent être mises à l’aune du secret professionnel.
En droit, la dénonciation est l’acte par lequel un citoyen porte à la connaissance des autorités policières ou judiciaires ou même une autorité administrative indépendante comme l’office national de lutte contre la corruption (OFNAC), une infraction dont il a eu connaissance. Elle peut être ordonnée par la loi dans certains cas. La loi sénégalaise n°2012-22 du 27 décembre 2012 portant code de transparence dans la gestion des finances publiques en est un exemple parfait. Il institue une obligation de dénonciation en ces termes : «des sanctions prononcées dans le respect des règles de l’Etat de droit, sont prévues à l’encontre de tous ceux qui, élus ou agents publics, ont violé les règles régissant les deniers publics. La non dénonciation à la justice de toute infraction à ces règles par un agent public qui en aurait eu connaissance est sanctionné pénalement».
La dénonciation postule donc une connaissance exacte des faits incriminés. Quand on sait que les informations portées à la connaissance de l’autorité compétente sont fausses avec l’intention de nuire à autrui, la dénonciation est calomnieuse et son auteur peut tomber sous coup de l’article 362 du code pénal. Ce texte punit la dénonciation calomnieuse d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 50.000 à 500.000 francs. Lorsque les fausses nouvelles données de bonne ou mauvaise foi auront entraîné une désobéissance aux lois du pays ou porté atteinte au moral de la population, ou jeté le discrédit sur les institutions publiques ou leur fonctionnement, son auteur sera passibles de poursuites pour diffusion de fausses nouvelles sur le fondement de l’article 255 du code pénal. Si la diffusion de fausses nouvelles porte atteinte à la chose publique, l’injure et la diffamation nuisent aux personnes. L’injure consiste en des propos ou écrits grossiers qui portent atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne. Il peut s’agir de propos ou d’écrits diffamatoires, mais ce n’est pas toujours le cas. La diffamation est le fait d’accuser une personne des faits précis qui portent atteinte à son honneur ou à sa considération, sans preuve ou avec des preuves insuffisantes. Les 258 à 264 du code pénal répriment l’injure et la diffamation sous toutes leurs formes.
A la différence des plaintes et dénonciations, l’alerte est pour le moment inconnue du droit pénal sénégalais. En attendant la loi sur la protection des lanceurs d’alerte annoncée en conseil des ministres, un regard sur le droit français permet de définir le lanceur d’alerte. La loi française n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte dispose en son article 6-1 qu’ «un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance».
En France, le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique direct, de l’employeur ou d’un référant désigné par celui-ci. L’absence de diligences de ce dernier dans un délai raisonnable porte le signalement devant l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. Le défaut de traitement dans un délai de trois mois doit rendre le signalement public (art 8-I). Lesdits organismes peuvent recevoir directement le signalement en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles (art 8-II). Des procédures appropriées de recueil de signalements y sont instituées (art 8-III) et toute personne peut adresser son signalement au défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte (art 8- IV).
Il résulte de ce qui précède qu’il y a une approche formelle de l’alerte. Il est à noter aussi qu’au fond, le signalement n’est pas toujours admis : «les faits, informations et documents, quel que soit leur forme ou leur support, dont la révélation ou la divulgation est interdite par les dispositions relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, au secret des délibérations judiciaires, au secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires ou au secret professionnel de l’avocat sont exclus du régime de l’alerte» (art 6).
Le secret professionnel et le secret tout court sont au cœur du débat dans le contexte actuel où le pouvoir politique entend recouvrer les avoirs de l’Etat. Le même débat s’était posé en 2014, au lendemain d’une conférence de presse lors de laquelle le procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) a brandi une liste de vingt-cinq suspects. Nous reproduirons in extenso la note de lecture que nous avions faite à cet effet et qui a été publiée dans un journal de la place le 04 février 2014, sous le titre «le secret professionnel ou secret coincé entre transparence et opacité sous l’arbitrage des médias».
«Par ces temps qui courent, peu de sujets suscitent autant d’intérêt et de curiosité que le secret professionnel. Chacun suivant ses propres motivations, se fait insidieusement une opinion sur la question. Et tout le monde y va avec passion. Dans ce débat où juristes et non-juristes se confondent, où vérité et contrevérité convergent et où dame justice est la cible de tous, les médias jouent un rôle d’arbitre ô combien salutaire, mais sans verdict. N’est-ce pas le propre des démocraties de laisser subsister les contradictions ? Dans un bel article intitulé «le principe de justice», Paul-Albert IWEINS, ancien bâtonnier de la Cour d’Appel de Paris, répond par l’affirmative en écrivant que «médias et justice ne sont en plein accord que dans les dictatures». Seulement, professionnels de la justice et journalistes n’ont pas la même notion de temps. Cette notion fondamentale qui les sépare est la source des fuites, des malentendus, des incohérences que les droits de réponse ne pourront jamais réparer. Le temps est nécessaire à la justice pour la recherche de la vérité, pour le débat contradictoire avec l’exposé des thèses, l’analyse, puis la réflexion et la décision.
En revanche, le temps des médias est celui de l’immédiateté, de l’inévitable raccourci. Or, réduire pour être sûr d’être lu, cru ou compris ou tout simplement pour servir l’opinion, c’est trop souvent caricaturer. Maître IWEINS fait remarquer, à juste titre, que «conflit de droit, de devoir, de pouvoir… les relations entre la presse et la justice ne sont pas prêtes de s’améliorer». Le public a le droit de savoir et veut tout savoir alors que chacun a droit à une part de secret. Et, ajoute Jean-Claude Mangédie, ancien président du Tribunal de grande instance de Paris, «si l’opinion est avide de transparence, les mêmes qui désirent tout savoir sur autrui manifestent un souci également proportionnel de ne pas voir leur problème porté sur la place publique».
Au demeurant, la justice est rendue au nom du peuple, lequel fait l’opinion. C’est sous cet angle, pensons-nous, qu’il faut comprendre que le secret professionnel, archétype des secrets, est coincé entre transparence et opacité. A l’obligation de garder le secret, s’oppose une certaine communication utile. Le secret de l’enquête et de l’instruction s’oppose à l’information du public. Soit ! La publicité donnée par les médias à une affaire judiciaire peut porter atteinte à la vie privée, au secret professionnel. C’est vrai ! Mais, ironie du sort, le secret professionnel, c’est aussi l’arbre qui cache la forêt. Il sert de masque aux démagogues, aux détourneurs de deniers publics. L’homme «misérable tas de secrets» comme l’appelle André Malraux concède donc une partie de son intimité d’autant plus que sans cette concession, «le contrat social» théorisé par Rousseau s’avère impossible parce qu’irréalisable.
Dans le contexte d’un Sénégal qui se vante de privilégier l’information et la transparence, le secret professionnel comme le secret tout court a du mal à résister. Il est porteur d’obscurité, de ténèbres, de dissimulation, d’opacité, de clandestinité, de déloyauté. C’est pour cette raison qu’il empiète la transparence qui laisse apparaître les idées de clarté, de limpidité, de pureté et de netteté avec comme objectif la vérité. Selon le mot du juge Magendie, «cet état idéal de transparence est la conjugaison inquiétante de la passion de la vérité, de la vertu, du contrôle, du soupçon et du droit». Faut-il alors s’étonner que la sphère du secret, de l’intime soit rétrécie ? Sensément non ! Une communication utile parce que rare, sobre, limitée, bien documentée et précise permettra toujours de combler le gap résultant de la dialectique secret professionnel-transparence. Maître IWEINS a raison d’écrire à cet effet que «la justice a besoin de secret mais elle ne peut s’y abriter trop longtemps, au risque de tomber dans l’arbitraire».
Les sénégalais exigent de connaître au centime près, le montant des revenus de leurs dirigeants et leurs origines licites. C’est dans cette logique les réformes tant attendues doivent aboutir à des lois de transparence.