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25 novembre 2024
Opinions
Par Madiambal DIAGNE
LE CRASH D’UN VOL D’AIR SENEGAL, LA RANÇON DE NOTRE LAXISME
La compagnie Air Sénégal a pris le pli de louer des avions d’un autre âge et dont les conditions de contrôle et d’entretien techniques peuvent laisser à désirer ou lui ont échappé
Le grave accident survenu à l’aéroport Blaise Diagne de Diass, dans la nuit du 8 au 9 mai 2024, a fait de nombreux blessés et des dégâts matériels importants. Le bilan est lourd mais il s’avère quelque peu anodin, vu l’ampleur de la catastrophe qu’aurait pu provoquer un tel crash dans des circonstances d’un vol en haute altitude. Il y a lieu cependant de relever que cet incident, qualifié de minicrash dans le jargon des professionnels des transports aériens, n’en est pas moins un cas sérieux ; d’autant qu’il ne constitue guère une surprise pour les techniciens et de nombreux passagers.
On n’a jamais appris du naufrage du bateau «Le Joola»
Sur la plateforme de l’aéroport Blaise Diagne, tout le monde savait que le laxisme, qui est la règle dans toutes les opérations, ne pouvait pas manquer de provoquer un drame. Plus d’une fois, nous nous sommes fait l’écho de cette situation à travers ces colonnes et malheureusement, les responsables ne voulaient pas voir la réalité des choses et prenaient toute alerte comme un procès d’intention contre Monsieur X ou Madame Y. On a toujours récolté une bordée d’insultes. Le 20 novembre 2023, j’indiquais notamment : «Je m’étais résigné à cesser d’évoquer les misères et tribulations des passagers au niveau de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd). J’ai baissé les bras, comprenant en fin de compte qu’il ne servait à rien de tirer la sonnette d’alarme, d’attirer l’attention, notamment celle des hautes autorités de l’Etat, sur les méfaits d’une exploitation laxiste à bien des égards et qui finira fatalement par dégrader la qualité de ce bijou qui a occasionné de très gros investissements au Sénégal. Les alertes ont toujours été prises avec une certaine désinvolture et les autorités et autres pontes ne semblent rien faire pour améliorer la situation ; encore que les responsables de l’aéroport prennent l’habitude, depuis toujours, de botter en touche, trouvant, derrière chaque dénonciation, on ne sait quel complot, cabale ou lugubre agenda. Seulement, le fait de fustiger les mauvaises pratiques qui ont libre cours, a fini par rendre difficiles quelques-uns de mes passages dans cet aéroport.»
Franchement, pour une fois, que personne ne verse dans le fatalisme ! C’est triste mais ce crash est la rançon du laxisme. Des esprits malins vont une fois de plus essayer de relier ce crash à l’incendie de l’usine de Patisen ou à un autre incident du genre pour invoquer des mains immanentes ou on ne sait quels mauvais esprits !
La compagnie Air Sénégal a pris le pli de louer des avions d’un autre âge et dont les conditions de contrôle et d’entretien techniques peuvent laisser à désirer ou lui ont échappé. On ne le dira jamais assez, la compagnie nationale devait être plus regardante sur l’état des appareils transportant des passagers et ainsi, n’aurait-elle jamais dû recourir à cet aéronef de Transair. Nul n’a non plus tenu compte de l’expérience ou de la qualité de l’équipage ou du passif de l’avion ou même du passif de Transair. On a encore en souvenir l’incident, le 17 décembre 2019, d’un avion de Transair dont un moteur avait pris feu au départ de Ziguinchor. L’incident a été minimisé. Transair laissait le soin à son chef d’escale à Ziguinchor de dire aux médias, ces quelques mots qui témoignent d’une désinvolture sidérante : «C’est juste que le pilote a mal démarré le moteur. Mais, dès qu’il s’en est aperçu, il a immédiatement coupé le moteur. Par mesure de prudence, les passagers ont été débarqués. Nous avons procédé à un contrôle. Mais vu que l’appareil a été mal démarré, il y a eu un problème au moteur. Ce n’est qu’un petit incident. Finalement, nous avons préféré faire venir des mécaniciens. Aussi, un autre appareil a été affrété pour acheminer les passagers vers Dakar.» On n’a pas connaissance de conclusions d’une enquête sérieuse sur cet incident et la compagnie a continué à faire voler le même avion.
L’accident d’avion de cette semaine est le fait d’un appareil de l’âge de ses pilotes, acquis auprès de la compagnie nationale roumaine Tarom, pour une bouchée de pain, d’autant qu’il ne pouvait plus voler dans le ciel européen pour cause de non-satisfaction aux normes sécuritaires. Son état était déplorable. Encore une fois, nous recyclons tous les rebuts d’Europe, avec des «venant de France» ou des «France au revoir» tels réfrigérateurs, véhicules, machines de toutes sortes et d’objets ou de vieux matériels hors service et comble, jusqu’aux avions, sans aucun égard pour la vie des passagers. L’hécatombe sur nos routes du fait de bus et autres véhicules dont la circulation est refusée en Europe, est déjà fort éloquente. N’a-t-on pas vu le véhicule du Président Macky Sall prendre feu en juillet 2019, à Nguéniène, au moment des obsèques du regretté Ousmane Tanor Dieng ? La rumeur avait voulu que la voiture avait été achetée en seconde main, mais on saura qu’elle avait été acquise neuve, même si elle avait fait l’objet d’une transformation par un opérateur belge. Le diagnostic et le rapport d’audit avaient révélé qu’une des plaques de la carrosserie a été surchauffée et avait entraîné un courtcircuit. La présidence de la République a été finalement remboursée après une longue procédure de 15 mois. Mais d’aucuns voulaient croire à des coups de «sorciers» ou autres pangols !
En effet, chaque gouvernement promettait dans ses professions de foi «plus jamais ça», après les innombrables drames de la route, et aucune leçon de sagesse n’a été tirée du naufrage du bateau «Le Joola» en septembre 2002, qui a été l’une des plus douloureuses catastrophes des transports maritimes de l’Histoire. L’Etat du Sénégal se permet d’acheter des hélicoptères d’occase qui tombaient comme des pierres, faisant de nombreux morts à Missirah (voir notre chronique du 8 octobre 2019) ou la société de transports publics, Dakar Dem Dikk, qui met des bus recyclés en circulation. Rien d’étonnant car le Président Abdoulaye Wade avait acheté un avion de commandement, un avion Airbus abandonné par son homologue français Nicolas Sarkozy. C’est donc le cas de ce Boeing de Transair, affrété par Air Sénégal pour un vol en direction de Bamako. On se rappelle la série de pannes ayant cloué des avions loués dans de nombreux aéroports africains. Le cas le plus burlesque est celui d’une panne survenue à Douala, en janvier 2024, où les passagers étaient laissés en rade pendant plus de deux jours. L’avion manquait d’une pièce et un autre avion a été affrété pour aller récupérer les passagers et l’équipage. Mais ce deuxième avion tombera en panne et restera lui aussi cloué à Douala. Il avait alors fallu prélever une pièce de l’un des avions pour pouvoir faire décoller l’autre.
Les dégâts occasionnés par le crash du vol HC 301 (nom du code du vol DakarBamako) sont incommensurables. Un tel incident vous ruine ou abime une image d’une compagnie aérienne. Le crash fait de gros dégâts. Des sociétés européennes ont commencé à blacklister Air Sénégal et des passagers, plus d’une centaine de voyageurs prévus sur le vol Dakar-Paris dans la nuit du 9 au 10 mai 2024, s’étaient déportés sur le vol concurrent d’Air France. La saignée risque de se poursuivre, le temps que des conclusions d’une enquête permettent de rassurer la clientèle. Les polices d’assurances idoines auraient été souscrites et Air Sénégal ne devrait pas avoir de crainte de ce point de vue pour couvrir les sinistres.
4 milliards de pertes par mois ! Est-ce perdu pour tout le monde ?
Il s’y ajoute une certaine frénésie observée pour la location des appareils appartenant particulièrement à Transair. On notera qu’il est courant que la compagnie nationale loue pour plusieurs rotations en une journée, des avions de cette compagnie privée. Mieux, tous les vols intérieurs en direction de Saint-Louis sont effectués systématiquement avec ses aéronefs. Mais à chaque fois, de nombreux passagers ont eu à déplorer des situations de frayeur en vol. Les procédures d’affrétement ne sont pas toujours respectées. Des affrétements sont faits sur un simple coup de fil téléphonique, sans les contrôles techniques et de maintenance nécessaires. On invoque à chaque fois des urgences et cela a fini par devenir la règle. Trois avions d’Air Sénégal sont au sol dont un avion ATR cloué à Nouakchott, un avion cloué à Diass et un autre A330 qui effectuait le vol sur New York. Tous ces avions ont des problèmes de moteurs et attendent d’en trouver de nouveaux.
Des avions sont affrétés pour des destinations internationales, structurellement déficitaires. Pourquoi s’obstiner à poursuivre à perdre de l’argent de la sorte ? Sans doute que ce n’est pas perdu pour tout le monde. Air Sénégal se fait renflouer tous les mois à hauteur de 4 milliards sur le budget de l’Etat du Sénégal. Tel est le montant prévu dans la Loi de finances 2024, mais des sources proches du ministère des Finances indiquent que les perfusions dépassent largement ce seuil budgétaire. C’est comme un défi de garder la compagnie en vol. Soit ! Seulement qu’est-ce qui interdirait alors un audit des coûts et des opérations ?
Un projet de fusion Air Sénégal-Transair en péril
La situation de concurrence entre Air Sénégal et Transair semblait montrer à quel point il fallait harmoniser les interventions. Les deux compagnies desservent Ziguinchor quotidiennement et sont également en concurrence sur les lignes vers Praia, Conakry et autres. Le Directeur général d’Air Sénégal, Alioune Badara Fall, du temps où il officiait comme Conseiller technique au ministère des Transports aériens, préconisait l’idée de la création d’une filiale d’Air Sénégal appelée Air Sénégal Express. La gestion serait confiée aux dirigeants de Transair. Le modèle voudrait par exemple que la flotte de Transair soit acquise et repeinte aux couleurs de la filiale et s’occuperait de la desserte intérieure et des vols de proximité. Air Sénégal se déploierait sur les autres destinations et travaillerait à rationaliser ses coûts d’exploitation. En effet, précise un expert, «certaines lignes peuvent être très rentables comme le Dakar-Abidjan, alors que les lignes déficitaires provoquent un gap énorme dans l’exploitation, d’où toutes les difficultés de la compagnie nationale». Le schéma, porté jusqu’ici par le Directeur général d’Air Sénégal, aurait séduit le patron de Transair, Alioune Fall (curieuse homonymie me dirait-on). Il reste à savoir si ce crash et l’état de cette flotte ne vont pas le compromettre définitivement. Certaines sources affirment que les nouvelles autorités sénégalaises auraient adoubé le projet calqué sur le modèle de la Royal Air Maroc avec sa filiale Royal Air Maroc Express ou d’Air France avec sa filiale Hop. Au demeurant, les relations de proximité entre le Premier ministre et la compagnie privée auraient pu aider à matérialiser cette idée. En effet, Ousmane Sonko avait choisi de ne prendre que des vols de Transair sur l’axe DakarZiguinchor du temps où il était dans l’opposition. Cette préférence a pu laisser nourrir la rumeur d’une proximité des dirigeants de Transair avec les dirigeants de Pastef. Est-ce cela qui expliquait le fait que le régime de Macky Sall n’encourageait pas trop les activités de Transair ? Il reste qu’il appartiendra au gouvernement de se montrer intransigeant pour situer les responsabilités dans cet accident et engager toutes mesures qui permettront d’éviter qu’Air Sénégal ne continue d’être un gouffre à milliards.
Post scriptum : Bravo à Diomaye et Sonko de ne pas persister dans l’erreur
Les autorités gouvernementales ont très vite pris la mesure des dégâts que pouvait provoquer la mesure annoncée le 28 avril 2024 par l’architecte Pierre Goudiaby Atepa, de suspension unilatérale des chantiers de construction sur la Corniche de Dakar. C’est ainsi que le tandem Diomaye-Sonko a fini par autoriser les promoteurs et autres propriétaires à poursuivre leurs travaux. On doit les féliciter pour cette humilité et les encourager à plus de vigilance quant à des conseils a priori désintéressés, mais qui pourraient avoir des relents de conflits d’intérêts ou de petits règlements de comptes. En effet, un des plus grands promoteurs immobiliers frappés par la mesure de suspension des chantiers nous a confié son étonnement devant cette mesure brutale, après qu’un proche du nouveau régime n’a pas pu lui imposer de lui confier un marché de suivi de ses chantiers
Par GAÔUSSOU GUEYE
LE COMBAT POUR LA TRANSPARENCE DANS LA PÊCHE NE FAIT QUE COMMENCER
En date du 6 mai 2024, la Ministre des Pêches, des infrastructures maritimes et portuaires, Dr Fatou Diouf, a rendu publique la liste des bateaux autorisés à pêcher dans les eaux sous juridiction sénégalaise.
En date du 6 mai 2024, la Ministre des Pêches, des infrastructures maritimes et portuaires, Dr Fatou Diouf, a rendu publique la liste des bateaux autorisés à pêcher dans les eaux sous juridiction sénégalaise. Elle a par ailleurs souligné que cet acte ‘répond au principe de transparence dans la gestion des ressources naturelles qui constituent un patrimoine national’. Nous la félicitons pour cette initiative qui constitue un premier pas essentiel pour établir une gestion des pêches transparente et durable.
Qui contrôle les bateaux d’origine étrangère dans les sociétés mixtes ?
A la lecture de cette liste, nous voyons qu’il y a d’une part, les bateaux européens pêchant dans le cadre de l’accord de pêche (13 senneurs dont 6 espagnols et 7 français, 4 canneurs, dont trois espagnols et un français), et d’autre part, 132 bateaux pavillonnés au Sénégal. Sur ces 132 bateaux, - la quasitotalité étant des chalutiers-, ce qui est frappant, c’est qu’une bonne moitié affiche un nom d’origine chinoise. Ajoutons à cela une série de bateaux d’origine espagnole, française, coréenne et autres. La question qui se pose, c’est si ces bateaux d’origine étrangère sont réellement contrôlés par des sénégalais. Peut-on vraiment parler de ‘pêche industrielle locale’ ?
En 2020, l’association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime du Sénégal (APRAPAM) avait publié une liste de bateaux d’origine étrangère qui avaient introduit une demande de licence et opéraient dans le cadre de sociétés mixtes. Tous ces navires étaient à l’époque « en voie de senegalisation», c’est-à-dire qu’ils allaient prendre le pavillon du Sénégal. En vue de ce repavillonnement, la loi exige que 51% du capital soit detenu par un senegalais.
APRAPAM avait dénoncé à l’époque le fait que cette condition n’était pas remplie par certaines sociétés mixtes. Certaines sociétés mixtes qui servaient d’écran à ces bateaux avaient seulement un ou deux millions de CFA de capital social.
Une société mixte avait même seulement 100.000 CFA de capital social, alors qu’elle gérait 6 chalutiers pélagiques côtier !
Comment imaginer dans ces conditions que c’est le partenaire sénégalais, avec ses 100.000 CFA, qui détient réellement le contrôle de la société mixte, plutôt que le propriétaire de ces bateaux valant plusieurs milliards de CFA ?
Sur la liste publiée le 6 mai 2024, on voit que la plupart de ces bateaux ont, depuis 2020, bel et bien été sénégalisés. Le partenaire sénégalais a-t-il aujourd’hui plus de contrôle sur ces bateaux étrangers qu’il n’en avait en 2020 ? C’est peu probable. Sous le couvert de ces sociétés mixtes, la pêche industrielle sénégalaise est aux mains d’intérêts étrangers qui ne respectent pas nos réglementations. Ainsi, la législation sénégalaise oblige tout bateau industriel sénégalais à embarquer un observateur à bord. Dans la plupart des cas, cette obligation est ignorée par ces bateaux sénégalisés.
Certains de ces chalutiers n’hésitent pas également à se cacher derrière le pavillon sénégalais pour profiter des protocoles de pêche négociés par le Sénégal avec notamment la Guinée-Bissau et le Libéria. Ils profitent ainsi des ressources de pêche de ces pays, souvent en ne respectant pas non plus la législation en vigueur, au risque d’entacher les relations entre le Sénégal et ces voisins.
Recueillir et divulguer les informations sur les bénéficiaires effectifs
Ceux qui tirent les ficelles des sociétés mixtes sous lesquelles opèrent ces bateaux d’origine étrangères sénégalisés, ce sont les ‘bénéficiaires effectifs’, des entreprises et citoyens chinois, russes, européens, établis dans un pays étranger. En 2022, lors de la Conférence des Ministres des Etats d’Afrique, des Caraibes et du Pacifique, un engagement a été pris par tous les pays présents, dont le Sénégal. Cet engagement stipule : « prendre des mesures, en tant qu’État du pavillon ou État côtier, pour actualiser et mettre en œuvre la législation nationale afin d’exiger la déclaration des bénéficiaires effectifs ultimes des navires de pêche et des sociétés lors de l’attribution du pavillon ou de l’autorisation de pêcher, et la tenue d’un registre des propriétaires réels des navires de pêche au niveau nation »
En application de cet engagement, nous encourageons nos autorités à prendre toutes les dispositions nécessaires afin de recueillir et divulguer publiquement les informations sur les bénéficiaires effectifs des bateaux qui ont pris le pavillon sénégalais.
En particulier, nous insistons pour que l’audit de la flotte sénégalaise, promis depuis vingt ans, soit mené, et les résultats publiés.
Les objectifs de l’audit de la flotte devraient inclure au moins les éléments suivants :
- Un inventaire exhaustif des navires de pêche battant pavillon du Sénégal ;
- La vérification de la conformité de la situation de chaque navire avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière d’acquisition du pavillon national ;
- Une évaluation de la contribution des armements à la sécurité alimentaire, à la création de la richesse nationale, à la promotion de l’emploi et à l’apport en devises ;
- Une réévaluation des caractéristiques techniques des navires (jauge, etc.)
Cet audit devra permettre d’avoir une vision claire de la situation administrative, technique et économique actualisée des bateaux de pêche battant pavillon sénégalais.
Etant donné l’état de nos ressources, il est impératif d’opter pour des politiques de réduction de la capacité. Les données publiées montrent que ce problème existe aussi bien dans la pêche industrielle que dans la pêche artisanale, avec 17.449 permis de pêche délivrés à des pirogues.
L’audit de la pêche industrielle, composée en majorité de sociétés mixtes, sera un outil important pour les choix politiques qui permettront de donner la priorité à ceux qui suivent les règles, qui contribuent le plus à la sécurité alimentaire et à la création d’emplois, dans le respect des droits d’accès prioritaires de la pêche artisanale, en ligne avec l’ODD 14b.
Nous encourageons Madame la Ministre et son administration à faire toute la lumière sur les sociétés mixtes et assurer qu’elles opèrent de façon légale, transparente, qu’elles contribuent à l’économie du pays, et ne portent pas préjudice à la pêche artisanale du Sénégal et des autres pays de la région dans lesquels ces bateaux opèrent.
Le rôle de la commission d’attribution des licences est à renforcer
Les acteurs de la pêche artisanale sénégalaise et la société civile qui les appuie ont dénoncé à de nombreuses reprises le manque de transparence dans la procédure d’octroi des licences de pêche industrielle au Sénégal. En 2020, une mobilisation générale avait eu lieu alors que les autorités s’apprêtaient à délivrer 54 licences de pêche industrielle, - pêche aux petits pélagiques, pêche au merlu surtout-, dont 52 licences a des bateaux d’origine chinoise, et deux licences a des senneurs turcs.
En août 2023 encore, le Conseil interprofessionnel de la Pêche artisanale au Sénégal (CONIPAS) exprimait son désaccord par rapport à l’octroi de nouvelle licence de pêche industrielle par les autorités sénégalaises, donnée en contradiction avec l’avis de la Commission Consultative d’Attribution des Licences de Pêche (CCALP).
Face à ces revendications, les autorités ont pris plusieurs engagements pour plus de transparence. En 2016, le gouvernement du Sénégal s’est engagé publiquement à mettre en œuvre l’initiative de transparence dans la pêche – FiTI (Fisheries Transparency Initiative).
Nous espérons que l’engagement de la nouvelle Ministre et de son administration pour plus de transparence dans la pêche sénégalaise vont se matérialiser par l’adhésion à l’initiative FiTi, afin de permettre aux acteurs et aux citoyens de savoir qui pêche quoi, et qui profite des bénéfices de cette pêche
Mais la transparence n’est pas une fin en soi, elle doit permettre une meilleure implication des professionnels dans la gestion de la pêche, à fortiori étant donné l’engagement du Sénégal en faveur de la cogestion [article 6 du Code de la Pêche].
Nous demandons, au-delà de la nécessaire transparence, la commission d’attribution des licences ne soit plus seulement consultative, mais ait le pouvoir de décider de qui, ou pas, est autorisé à pêcher ‘l’or bleu’ du Sénégal.
par Alymana Bathily de SenePlus
OMAR BLONDIN DIOP, IN MEMORIAM, ENCORE
EXCLUSIF SENEPLUS - Témoignage de l'engagement et des intuitions géniales de ce compagnon trop tôt disparu. Une figure majeure mais trop peu connue de la lutte anticoloniale
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 12/05/2024
Samedi 11 mai 2024, 51e anniversaire de son assassinat. Je n’arrive pas à parler de mort tout simplement, même si on n’en a toujours pas établi les circonstances.
Les éditions Jimsaan de Felwine Sarr ont saisi la date. Pour se joindre à la cérémonie d’hommage et de prières que la famille et les amis d’Omar organisent chaque année, en ce jour. Pour aussi présenter au public la biographie écrite par un jeune historien franco-canadien de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Florian Bobin, sous le titre « Cette si longue quête ».
J’ai été invité par Felwine Sarr pour parler de notre héros avec l’auteur, en compagnie de Dr Dialo Diop, frère cadet d’Omar et pour répondre aux questions du public.
J’ai souligné qu’Omar Blondin Diop avait été un intellectuel de haut vol, ce dont on ne parle pas assez. Ce qui n’est pourtant pas étonnant puisqu’il avait été formé dans les établissements d’élite français : lycée Montaigne, lycée Louis Legrand puis École Normale Supérieure de Saint Cloud.
J’ai rappelé qu’il projetait de soutenir une thèse sur Spinoza dans le sillage de son professeur Louis Althusser qui avait ouvert la voie à la recherche sur la relation entre le jeune Marx et Spinoza. Ce qui fera école plus tard en France et partout en Europe. Mais à l’époque, quand Omar s’y intéressait, le sujet ne faisait pas encore l’objet de recherches.
J’ai fait référence aussi à deux intuitions intellectuelles fulgurantes d’Omar : celle relative à son « projet de théâtre urbain » et celle sur la musique et sa consommation. A propos de son projet de théâtre, il écrivait : « Notre théâtre sera celui de la vie … ». « Rétablir le contact avec le peuple à partir de son expérience quotidienne, de son histoire et de son langage… », était un autre mot d’ordre de son manifeste.
J’ai suggéré que cette intuition d’Omar semblait avoir résonné comme en écho auprès de Ngugi Wa Thiogo qui allait expérimenter quelques années plus tard, au début des années 1970, avec ses collègues de l’Université de Nairobi, le Théâtre Itinérant Libre.
« Le vrai langage du théâtre africain ne se trouve qu’auprès du peuple, surtout de la paysannerie, dans sa vie, son histoire et ses combats », écrira l’écrivain kenyan.
L’autre intuition intellectuelle étonnante d’Omar est esquissée dans ce texte intitulé « Esthétique de la destruction outre atlantique. Du développement de la nouvelle musique populaire » qui date de juillet-décembre 1968. Il l’introduit ainsi : « de la musique, on peut dire ce qu’Arthaud disait de la drogue, certains s’en servent pour guérir, d’autres pour en jouir… ».
Il y a encore ceci : « la musique pop est donc une entité hybride : elle est à la fois une industrie (mass-medium) et un lien culturel où on rencontre des individus qui se caractérisent par la communauté d’âge… ». Suivent des pages lumineuses sur « la mise en condition du public par les mass media », la filiation de la musique pop avec le rock n’ roll et le rythm and blues, la création du « public » et de « l’audience ».
On croirait entendre Stuart Hall et les théoriciens des media studies de l’Université de Birmingham qui pourtant, ne feront école qu’à partir des années 1980. L’un des mérites du livre de Florian Bobin, c’est d’avoir révélé toutes ces fulgurances intellectuelles d’Omar. D’autant que l’introduction de Boubacar Boris Diop a très bien mis l’homme en perspective.
Au sortir du panel, j’ai pourtant ressenti une certaine frustration avec l’impression de n’avoir pas dit l’essentiel sur mon compagnon. Comme toujours quand je parle de lui. Je me suis dit que j’aurais dû dire seulement qu’Omar Blondin Diop était en fait comme nous tous de cette génération qui a eu autour de vingt ans à la fin des années 1960. Nous ressentions tous cette humiliation de laissés pour compte de l’histoire que le lycée et l’université nous rappelait insidieusement. La révolution était pour beaucoup d’entre nous le seul horizon, le seul espoir.
Omar était seulement plus renseigné sur la réalité du monde, plus structuré, plus intelligent donc plus conscient de la domination et du racisme de la France et de l’Occident, et plus meurtri. Plus sensible et plus courageux certainement. C’est cela qui explique son destin d’étoile filante.
PAR THOMAS DIETRICH
IL N'Y A PAS DE BASE SECRÈTE FRANÇAISE AU BÉNIN
La télévision publique du Niger a utilisé (et tronqué) un de mes reportages pour faire croire qu’il y aurait une base secrète de militaires français au nord du Bénin. Macron ne déstabilisera pas le Niger depuis une base secrète au Bénin qui n’existe pas
La télévision publique du Niger a utilisé (et tronqué) un de mes reportages pour faire croire qu’il y aurait une base secrète de militaires français au nord du Bénin.
Sauf qu’il y a plusieurs problèmes :
1. Mon reportage au nord du Bénin date de janvier 2023, soit six mois avant le putsch contre Mohamed Bazoum. Les militaires français présents à Kandi n’avaient donc pas pour objectif de déstabiliser le pouvoir nigérien, à l’époque très francophile. Les soldats hexagonaux sont de plus partis de Kandi en février 2023, quelques semaines après mon reportage.
2. Il n’y avait pas de base secrète française à Kandi, et à ma connaissance il n’y a en a toujours pas. Nos soldats étaient casernés dans un coin du camp militaire béninois de Kandi. Là où les autorités béninoises et françaises ont probablement menti, c’est sur le rôle de ces militaires sur place. Officiellement, on a fait croire que ce n’étaient que de simples instructeurs. En réalité, les soldats français ont également fait de l’opérationnel contre les djihadistes, main dans la main avec l’armée locale. Et ça c’est problématique, car les opinions publiques devaient en être informées.
Clairement, Macron ne déstabilisera pas le Niger depuis une base secrète au Bénin qui n’existe pas. Mais cela ne doit pas nous faire oublier que Paris a été prêt à tout pour reconquérir son influence perdue au Niger. Macron a voulu envoyer nos commandos remettre Bazoum au pouvoir (cf Jeune Afrique). Et certains réseaux français ont favorisé,
en août dernier, la création de la rébellion de Rhissa Ag Boula, un ancien bras droit de Bazoum.
Il faut également s’interroger sur les liens très étroits de Paris avec l’autoritaire Patrice Talon, des liens qui eux, ne sont pas une fake news. La France fournit du renseignement et du matériel militaire au régime béninois, officiellement pour lutter contre le terrorisme, mais aussi pour garder le Bénin dans le pré-carré français. Comme l’a révélé Africa Intelligence, l’entreprise hexagonale Atos va même envoyer des drones et un avion surveiller le nord du pays (et donc la frontière avec le Niger), pour le compte de l’armée béninoise, le tout sur financement de l’Union européenne.
Ce que je viens d’écrire ne plaira sans doute pas aux propagandistes des deux camps. Mais même si elle doit prendre l’escalier, la vérité finira par arriver.
La télévision publique du #Niger a utilisé (et tronqué) un de mes reportages pour faire croire qu’il y aurait une base secrète de militaires français au nord du #Bénin.
Sauf qu’il y a plusieurs problèmes :
1. Mon reportage au nord du Bénin date de janvier 2023, soit six mois… pic.twitter.com/jImaPR4NSu
Jàmm ak salaam ñeel nañu la ! Say mag ñoo lay nuyu, di la jox sa wàccuwaay. May nu tuuti, laata nuy dugg ci aali-kalaj gi, nu wax la ne, nun Ngugi Wa Thiong’o mu Keeñaa ak Bubakar Bóris Jóob mu Senegaal, noo lay bind tey. Nun ñaar ñépp génne nanu ay téerey fent ak i téerey xeltu. Yi ci gën a siiw nag, ñoo ngi tudd Decolonizing the Mind : The Politics of Language in African Literature (1986) ak Murambi, le livre des ossements (2000) biy nettali faagaagalug Tutsiy Ruwàndaa yi ci atum 1994. Waaye, li gën a am solo te lal bataaxal bii mooy ne, bu weesoo li nu bind ci àngaleek farãse – diy làkki Tubaab yi ñu fi daan noot – bind nanu yeneen i téere ci làmmiñ yi nu nàmp. Mënees na cee lim Matigari (1986) ci Kikuyu ak Bàmmeelu Kocc Barma (2017) ci Wolof.
Noo ngi lay ndokkeel bu baax a baax ci li la réewum Senegaal tànn ngir nga doon njiit li. Noo ngi ndokkeel itam Usmaan Sonko, Jëwriñ ju mag ji, di sa doomu-ndey te ngeen yàgg a ànd di xeex ci njàmbaar gu mat sëkk. Liy firndeel ne yeyoo nga nguur gi nag, moo di ne, amul kenn ci lawax yi ko doon xëccook yow ku ci ne dañoo labaj xob yi walla sa pal gi jaarul yoon. Nun moom, ci sunu gis-gis bu gàtt, yaakaar nanu ni Saa-Senegaal yi faluñu la ngir nga ne noŋŋ ci kow gàngunaay gi, di nguuru ak a jaay doole. Déedéet Fay ! Sam réew da laa fal ngir nga koy déggal ni jaam war a déggalee sangam, ngir ngay jaamuy soxlaam. Waaye, wóor nanu ne du yow yaay tas sa yaakaaru askan.
Naam, xamantewunu, mësunoo bokk jataay. Waaye, daanaka amul fu sa tur àggul ci àddina si, te it xam nanu bu baax ne li nga nekk ndaw dafa dekkil yaakaar bu jéggi dayo ci kembaaru Afrig gépp. Bun waxantee dëgg sax, looloo tax nun ñaar nu am sañ-sañu bind la bataaxal bii nga tiim di ko dawal. Sunu jarbaat nga, nu am ci yow cofeel, di la damoo. Waaye du tee, ginnaaw ku la mag ëpp lay sagar, fàww nu laabire la li nu xalaat.
Afrig sonn na, Kilifa gu mag gi !
Su Afrig amee naqar gu tollu nii, lu jiin Njaag a te pólitiseŋ yeey Njaag. Moom daal, boo ci génnee ay benn-benn yu mel ni Kwamé Nkrumah, daanaka ñoom ñépp a wor sunu kembaar gi. Ay njiit yu doyadi ñoo daganal ñaawteef yi fi nootaakoon yu weex yi daan def démb, tey wéy di ko def tey, jaare ko nag ciy Tubaab yu ñuul kukk. Ñuule yooyoo leen fi toogal, bokk ak ñoom mbuus ba tax mbelli kembaar gi – muy soroj (petorol), di wurus ba ci sax jën yi ci géej gi – lépp daal di wéy di suqali koomu Tugal.
Naka la nit mën a xeebe nii saw xeet ?
Neexul a wax nag, waaye mooy li am. Gaa ñooñu, wutewuñook nit ñoñ, dañu xeesal seen i xel ba faf gëm ne lu weexul baaxul. Moo waral ñi sopp Afrig ñépp seen bopp ubu, ñu naan : waaw, ana sunuy fentkat ? Ana sunuy ma-xejj (ingénieurs) ? Sunuy ma-feeñal mbeeraay ? Afrig soxla nay njiit yu mën a yee kàttan gu jéggi dayo giy dajjant ci ndaw ñi, jafal ko muy bërëx. Te, loolu, mënut a ne ak i njiiti réew yuy dunguru Tubaab yi, njiiti réew yoy, gëmuñu seen bopp, gëmuñu seen askan.
Yow nag, am nga lu jafe. Nde, am nga mën-mënu xàllal saw askan yoon wu bees tàq, mu war cee tegu, yaakaar yàkki dënnam ba nga ne lii lu mu doon, mu daldi gënatee weg boppam ba Senegaal dootul janook menn réew di sëgg. Waaye, bul réere mukk mbir ne, soo doxalee noonu, Tubaab yi dinañ la def noon, di la tam dëmm saa su ne. Ndax, ñoom xaaruñu ci Afrig lu dul muy wéy di leen jariñ ba àddinay tukki, di leen jox mbéllam ci yal naa dee. Xam nga loolu dara gënu koo neex ! Bul nangu xeetu naxee-mbaay woowu, bañ ko ba tëdd ci naaj wi. Te, su ñu la tamee dëmm, bul ko sax yëgal sa yaram. Ndax, leneen lu dul li askanu Senegaal di xalaat waru laa ñor.
Léegi nag, nu bëggoon a lal waxtaan ak yow ci mbir mu nu soxal.
Bun la nee mbirum làkk yee nuy tax a wax, du la bett. Ndax li nuy ay fentaakoon. Bindkat yi ñoom, rawatina yu Afrig yi, loolu lañu gën a sawar a waxtaane. Mu doon itam mbir mu am solo. Jàpp nanu sax ne réew mu ko sàggane doo dem, sa lépp ay tagatémbe, muy sa koom-koom, di sa mbatiit, di leneen. Muy yow, muy keneen, njiitu Afrig lu soofantal say làkki réew, jëndee leen làkki nooni démb ya, daanaka dangaa fatt yooni naataange yépp ba noppi janook saw askan di ko lay jëmale fu kenn xamul, di raay sa cuukel naan “setaadir” ak i waxi kasaw-kasaw yu ni mel.
Nu lay ñaan nga bàyyi xel ponk yii toftalu :
Sa dooley nguur a ngi bawoo ci askanu Senegaal wi. Dangay aar doomi-réew mi, ñoom it ñu lay aar, ngay wax ak ñoom, ñuy àddu. Waaye, ngalla bu leen làkk làkk wu ñu déggul. Nun sax danoo xamul naka la ay magum jëmm mënee toog di werante lii ? Lan moo nu dal, Kilifa gu Mag gi ?
Làkki Senegaal yee war a doon cëslaayu Senegaal gu bees gi nga bëgg a tabax. Bépp Doomu-Senegaal war naa mën a damoo làmmiñ wi mu nàmp. Kon, lu am solo la ngay moytoo gënale làkk yi. Làmmiñ wees nàmp a war a jiitu, mën na doon pulaar, seereer, soninke, wolof, màndinka, joolaa mbaa weneen làkk wu ñuy wax ci Senegaal. Waaye, su fekkee am na làkk wu mën a tax ñépp di jokkoo, lu deme ni wolof ci misaal, loolu warul am jafe-jafe, ci sunu gis-gis. Ni nu gisee nosteg làmmiñal mooy làmmiñ wees nàmp ngay jiital. Soo noppee ne wolof, su la neexee nga ne suwaahili, su la neexee it nga ne farãse, añs. Ndax kat, soo déggee làkki àddina sépp te déggoo làmmiñ wi nga nàmp, day mel ni jaam nga. Ndax, su boobaa, tekkiwoo dara. Waaye, ginnaaw bi nga peegee saw làmmiñ, loo ci dolli ci yeneen làkki àddina si, yokkute kepp la lay jural, gën laa dooleel.
Doon nanu neex lool nga kañ sottante ñeel làkki senegaal yi. Ci sunu gis-gis bu gàtt, ponk bu am a am soloo ngoog. Ci kow loolu, nu doon la ñaax ci taxawal ab sàntaru làppatoo ak tekki, day doon ab dig buy booleek a ñoŋal làkki Senegaal yi ci seen biir, waaye tamit diggante làkki senegaal yi ak yu Afrig ak àddina si. Njiitu réew mi, Saa-Afrig yu bari rafetlu nañu li nga dem Gàmbi, daldi waxtaan ak Aadama Baro ci wolof. Xam nanu ne bokkook ñi la jiitu ci jal bi ndax yow li ëpp ci say wax, dangay boole jëfandikoo wolof ak tubaab, te jàpp nanu ne mooy li war dëggantaan. Nii la : nga yëkkati kàddu ci benn ci làkki Senegaal yi, ba noppi bàyyi ñu sotti ko ci yeneen làkki Senegaal yépp laata ñu koy tekki ci tubaab, waaw kay. Ca Mbootaayu Xeet ya, mën ngaa wax ak ñoom ak wenn ci làkki Senegaal yi. Su ko laajee, ñu tekki ko ci saa si ci yeneen làkk yi ONU di liggéeyee ndax kurélug àddina sépp la. Li nu bëgg a wax fii mooy nga def ni yeneen njiiti réew yi, maanaam yëkkati kàddu ci sa làmmiñ. Sooy dem Farãs, ci misaal, nga ànd ak ub làppatoo, waxal ak sa naataango ba ca Élysée ci wenn ci làkki Senegaal yi. Ci tënk daal, fexeel a joxlu gëdd làkki Senegaal yi. Te looloo ngi doore ci far nu mu gën a gaawee dog 28 bu Ndeyu Àtte Réewum Senegaal biy tëral ne bépp lawaxu boppu Senegaal dafa war a dégg làkku tubaab, di ko wax, di ko bind ak a dawal na mu waree. Kenn xamul lii lu mu doon.
Nga lootaabe beykat yeek yeneen liggéeykat yi. Suuxatal seen xereñte. Ñu gën laa jox bopp, di la aar. Bul jiital ñi jàppe seen bopp ay ma-xelu (intellectuels) yoy dinañu def lu ñu mën ngir suuxal làkki réew mi ndax xam ni su làkk yi suqalikoo, ñoom ñu àllaterete, tëri. Ni ko mag ñiy waxe, kuy woddoo làmmiñ, soo noppee rafle. Mbirum làkki réew mi, kanam rekk lay jëmi, waratul dellu ginnaaw.
Muy téerey Sembène Ousmane te bi ci gën a siiw di Les Bouts-de-bois-de-Dieu, di yeneen i téerey kàngami ladab yu demee ni ñoom Cheikh Hamidou Kane, waroon nañ leen a am ci yeneen làkki Senegaal yi. Soo jëlee Seex Anta Jóob, moom nag, jot na ñuy jàngale ay téereem ci lekooli Senegaal yépp.
Noo ngi yéene tamit ladabi yokkuteg Afrig ak àddina si mën a nekk ci làkki Senegaal yi ci daara yeek jàngune yi.
Xam nanu xéll ne Senegaal moo la ñor, mooy sa yitte ji gën a kowe. Waaye, fàww nga jublu ci Afrig, ba noppi teg ci Aasi ak Amerig Latin laata ñuy wax waxu Ërob. Bile pasteef dafa war a feeñ ba ci njàng mi.
Fexeel Senegaal nekk askanu xalaatkat, soskat, liggéeykati-loxo, ma-feeñal, askanu fentkat, wu ubbeekku ci lépp ngelaw luy mën a fexe ñu weg ko, sàmmle ko ngañaayam.
Bu loolu weesoo, noo ngi dagaan sa yitte ci xalaat yii ak ñaax yii bawoo ci ñaari ma-xeluy afrig yu bëgg seen kembaar tey def seen kemtalaayu kàttan ngir jëmale ko kanam.
Noo ngi féddali sunug yëg ñeel la ak a biral cër bi nu la jox.”
Ngugi wa Thiong’o ak Bubakar Bóris Jóob
par Nioxor Tine
CONCILIER LA PRATIQUE POLITIQUE AVEC LES EXIGENCES DÉMOCRATIQUES ET ÉTHIQUES
Né seulement deux semaines avant la clôture des Assises en 2009, le blog de Nioxor Tine entend continuer à œuvrer pour la refondation institutionnelle et l'émergence citoyenne, en dehors des logiques partisanes, afin de promouvoir le progrès social
Le blog de Nioxor Tine peut être considéré comme un évènement collatéral des Assises nationales, ne serait-ce que, parce que sa naissance est intervenue, il y a quinze ans, le 7 mai 2009, deux semaines, avant la clôture des Assises nationales, le 24 mai 2009. Ouvertes, presque un an auparavant, le 1er juin 2008, elles ont tenté de faire l’inventaire des cinquante premières années de notre indépendance formelle. Ce travail d’introspection se justifiait d’autant plus, que huit ans après l’alternance de mars 2000, la désillusion était le sentiment le mieux partagé au sein du peuple sénégalais. En outre, il était devenu évident que les tares observées dans la marche de la République découlaient moins de la personne du chef de l’Etat élu, que de l’excès de concentration de pouvoir entre ses mains, lui qui avait tout le loisir d’imposer sa volonté aux autres institutions censées jouer un rôle de régulation voire de contre-pouvoir.
C’est ainsi que le principal axe de changement identifiés par les Assises était la refondation institutions, à côté de la définition d’un projet de société et des perspectives de rupture pour le développement national. Selon Ibrahima Silla du GERCOP[i], les Assises devaient permettre à certains groupes dominés ou laissés pour compte, de refuser cette « logique par et dans laquelle, l’Etat veut les contenir. » Mais pour les simples militants non férus de sciences politiques, c’était simplement l’expression d’un dépit « amoureux » politique vis-à-vis de notre première alternance trahie, que les révolutionnaires, patriotes et démocrates de notre pays avaient attendue pendant quarante ans.
Certes l’alternance de 2000, intervenue, onze ans après la chute du mur de Berlin, suivie, moins d’un an plus tard, du tristement célèbre discours de la Baule[ii], avait progressivement fait perdre, à la plupart des militants de gauche, leurs illusions sur le Grand Soir la révolution nationale démocratique / populaire. Certains d’entre eux avaient même dû sacrifier leur « virginité politique » et leur « pureté idéologique », sur l’autel de l’intérêt supérieur de la Nation, au nom de la fameuse politique de large rassemblement, en participant aux gouvernements de majorité présidentielle élargie du régime « socialiste » d’alors. Dans la même lancée, ils consolidèrent leurs liens avec le parti libéral dirigé par Me Wade, qui leur apparaissait désormais comme incontournable, pour qui voulait mettre fin à l’interminable règne de l’UPS-P "S", synonyme de stagnation aggravée par les mesures antisociales dictées par les officines financières internationales, cause d’indicibles souffrances populaires.
Tant et si bien, que les partis de gauche, devenus beaucoup trop pragmatiques, depuis leurs expériences gouvernementales et/ou fréquentations assidues des cercles libéraux et socio-démocrates, avaient revu leurs ambitions politiques à la baisse, mais ne pouvaient cependant pas totalement renoncer à leurs idéaux de jeunesse. Ils n’avaient pas encore totalement abdiqué leurs convictions relatives au momsarew, synonyme de parachèvement de notre souveraineté nationale, ou au défar sa rew avec davantage de justice sociale par la prise en compte de la demande sociale et l’approfondissement de la démocratie. C’est ce qui explique l’attrait irrésistible exercé par l’exemplaire dynamique citoyenne des Assises Nationales sur la plupart des partis de l’opposition significative d’alors, ainsi que sur plusieurs organisations de la société civile ou de défense des droits humains.
Malheureusement, l’accession de Macky Sall au pouvoir allait, au contraire, instaurer une démarche politique, prenant l’exact contrepied du processus de renouveau démocratique initié par les Assises.
Pire, toutes ces dérives antidémocratiques voire totalitaires ainsi que le pillage éhonté des ressources nationales n’ont été possibles qu’à cause de la complicité des différents appareils politiques, syndicaux, maraboutiques …, ce qui pose la question de la démocratie interne au sein de ces organisations censées être démocratiques.
Nous n’oublierons, pas pour terminer, les nouveaux dangers provenant des réseaux sociaux responsables des fake-news voire de deep fake et d’intolérance outrancière envers les adversaires politiques souvent perçus comme des ennemis mortels et cause d’hostilité envers des alliés politiques jugés trop critiques.
Le blog de Nioxor Tine continuera son combat pour la refondation institutionnelle et l’émergence citoyenne. Il cherchera, avec d’autres bloggeurs et chroniqueurs vertueux, hors des logiques strictement partisanes, à œuvrer pour le progrès social, tout en veillant à concilier la pratique politique avec les exigences démocratiques et éthiques.
[i] GERCOP - Groupe d'Etudes et de Recherches constitutionnelles et Politiques
[ii] Discours de l’ancien président François Mitterrand tenu à la Baule appelant les présidents africains à aller à la démocratisation par le biais du multipartisme
Par Nicolas Silandibithe BASSENE
SCANDALES DES RAPPORTS : IL A FALLU UNE BRISE POUR BOUTER LA TONNE DU COUDE DE MACKY SALL
Depuis la publication des rapports des organes attitrés de contrôle de l’Etat du Sénégal suite à l’ordonnance du chef de l’Etat Bassirou Diomaye Diakhar Faye de publier les rapports des 5 dernières années, les débâcles financières et foncières s’enchaînen
Nicolas Silandibithe BASSENE |
Publication 10/05/2024
Depuis la publication des rapports des organes attitrés de contrôle de l’Etat du Sénégal suite à l’ordonnance du chef de l’Etat, Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar Faye, le 17 avril 2024, de publier les rapports des 5 dernières années, les débâcles financières et foncières s’enchaînent. Qu’il s’agisse des rapports de l’Ige, de l’Ofnac ou encore de la Cour des comptes, ces affaires montrent le visage d’une partie peu reluisante de la gestion faite antérieurement. Gestion dans laquelle l’appât de l’enrichissement personnel semble faire oublier toute notion de résultat et de la bonne gouvernance.
Alors que l’actualité récente a illustré la gravité et l’implication de hautes autorités dans le carnage de nos finances et la dilapidation de nos terres au profit d’un groupe de personnes appartenant le plus souvent au camp du pouvoir sortant pour la majorité, à notre modeste échelle, dans notre analyse, nous ne définissons pas forcément ce que l’on détecte comme une simple faute de gestion. Ce que nous avons observé après exploitation à fond de ces différents rapports, n’est uniquement qu’une volonté expressément manifeste de nuisance et d’auto-enrichissement personnel d’un clan. C’est un spectre de comportements à partir de la comptabilité. La comptabilité mélange à la fois l’extra-financier, c’est-à-dire les comportements éthiques des acteurs, et le financier, soit les chiffres euxmêmes.
En effet, la complexité de certaines pratiques des dirigeants de structures publiques ou parapubliques de puiser frauduleusement dans les fonds réservés à conduire un programme ou un projet devant contribuer significativement à alléger les conditions des Sénégalais utilisés pour maximiser leurs avoirs personnels d’une part, le silence répréhensible et l’aveu lors de son grand entretien avec la presse le 31 décembre 2020 du Président Macky Sall, d’autre part, ont fini d’ouvrir impitoyablement le pays dans la mal gestion et l’impunité qui sont empreintes de lourdes conséquences. Quelle prouesse diabolique et satanique d’irresponsables véreux ! Les symptômes quasi-concomitants surtout, et particulièrement inquiétants de ces rapports montrent que le mal est profond et qu’il faudrait vraisemblablement que le «juub, juubal, juubantii» ne soit, à l’image de ses aînés de «la gouvernance sobre et vertueuse», «la Patrie avant le parti», «le Sénégal de tous pour tous», qu’un vain un cri de ralliement pour endormir le Peuple.
Or, contrairement à la tonne que pesait le «coude» d’alors de Macky Sall posé sur beaucoup de dossiers brûlants qui méritaient des éclaircissements pour soit protéger des alliés, soit les utiliser comme arme de chantage contre des adversaires politiques, le Président Diomaye semblerait user d’une brise pour lever la tonne de ce coude qui favorisait l’impunité dévastatrice de tout espoir de voir la vérité jaillir et des sanctions poindre. En ordonnant à la Cour des comptes, à l’Office national de lutte contre la corruption, tout comme à l’Inspection générale d’Etat de publier les rapports des cinq dernières années, le mercredi 17 avril 2024, mister Président a ainsi confirmé la rupture. Imprimant ainsi la nouvelle démarche dans la gestion des finances et par ricochet la voie à suivre dorénavant. Sur ce, nous voyons que le temps de la transparence dans la gestion des derniers publics a sonné. Au demeurant, si l’élection du 24 mars 2024 ayant plébiscité le candidat Diomaye au premier tour est un événement marquant de l’histoire politique du Sénégal, son courage politique de faire publier les rapports n’en demeure pas moins. Va-t-il continuer sur cette lancée ou va-t-il opter pour des arrestations ciblées comme l’ont fait ses devanciers ?
En y pensant bien, le Président Faye et son équipe ne tomberont pas dans la désuétude, la paresse, l’arrogance et la couvrance en érigeant comme valeurs la transparence et l’information tout au long de leur gestion, en bannissant l’impunité. La transparence et l’information dans la gestion de nos derniers publics, devenues une demande voire une exigence sociale et sociétale à laquelle tout dirigeant doit se conformer, guideront certainement leurs actions.
Par ailleurs, la publication, au grand jour, de ces rapports a permis de voir plus les scandales financiers et fonciers les uns plus rocambolesques que les autres que nous n’avons jamais imaginés, diaboliques, malveillants et sadiques que certains Sénégalais ont perpétrés durant ces années de gestion. Pourtant, le pays leur a tout donné et malgré cela, dans l’exercice de leurs fonctions, ils se sont adonnés à une telle mafia dont nul n’a besoin d’être expert pour voir soi-même qu’il y a eu des malversations, des détournements et de la surfacturation sans retenue. Ironie du sort, au moment où une partie du Peuple souffre de manque d’eau, manque d’électricité, d’impraticabilité des pistes de production, d’enclavement, manque d’infrastructure de base, d’un système sanitaire et éducatif défaillant…, d’autres Sénégalais s’amusaient à piller nos maigres moyens par des montages financiers saugrenus et se taper des centaines d’hectares, des villas luxueuses et des voitures rutilantes sur le dos plein de boue, de sueur et parfois de sang des Sénégalais goorgoorlu. Quelle injustice ! L’injustice a existé et le Peuple a sanctionné. Cette galopante injustice de ces 5 dernières années doit cesser, de même que l’impunité. Autrement dit, il faut donner les pleins pouvoirs à la Justice. Il faut laisser exclusivement à la Justice le travail qui lui permet de faire le suivi et de voir là où il faut sanctionner sans complaisance. Que tous ceux qui ont porté un préjudice au Peuple paient dans la rigueur qui sied.
Chemin faisant, avec le changement de régime et la publication de rapports, l’espoir semblerait naître car les persécutés d’hier, nouvellement élus aujourd’hui, sont tenus pour ne pas faillir à leurs promesses et au pacte de changement qui les lie à la jeunesse en particulier, au Peuple en général de se conformer. Se conformer, c’est arpenter une nouvelle démarche. Cette nouvelle étape de la marche doit donner le tempo à suivre sur le chemin de la gestion financière et comptable de nos deniers publics et sur notre foncier. Au-delà de la simple publication de ces rapports financiers et comptables, et leur consignation dans des documents de synthèse, nos finances publiques portent encore les stigmates d’un vampirisme financier sans pitié. Ces rapports constituent une trame de fond qui révèle en filigrane que le nouveau régime doit apporter des changements structurels et conjoncturels dans la gestion de nos ressources et dans l’information. «Osons le changement.»
Nicolas Silandibithe BASSENE
Par Yoro BA
HOMMAGE A BOCANDE
Dors en paix Gaïndé, dors Essamay, nous ne t’oublierons jamais. On te tue, on ne te déshonore pas !
Il est 17h. Le temps est beau. La pelouse est verte et les fleurs exubérantes. Le stade est comble, 60 000 âmes crient et chantent à tue-tête : Essamay, Essamay, Essamay… Au fond ce peuple se demande encore comment te dire assez merci ? Aujourd’hui, trente-neuf ans plus tard, ce peuple est toujours sous l’impression du bien-être physique et moral dans lequel ton courage, ta détermination, ta vaillance, ta force, ton éclatante intelligence tactique, pour tout dire ton patriotisme, l’ont fait littéralement baigner, un soir de septembre 1985 sur cette bien verte pelouse du stade Demba DIOP. Mais encore JULES, permets à l’homme politique que je suis, de te dire ma respectueuse sympathie pour ton rôle dans la consolidation de la nation sénégalaise.
En effet, tu as compris très vite, comme Ernest Renan, que la nation finalement était «un plébiscite de tous les jours», qu’elle ne pouvait pas être fondée sur la base de critères géographiques, biologiques ou linguistiques, mais sur la volonté exprimée par un groupe d’hommes et de femmes de vivre ensemble.
En étalant ton patriotisme partout et tout le temps, tu montras par l’exemple que la nation était une sorte de contrat passé volontairement entre des individus, afin de rendre possible une vie commune. Ce faisant, tu légitimais le rattachement de la Casamance au Sénégal. Et il a raison ATEPA, le bien nommé, bâtisseur de la paix, de nous rappeler que tu eusses tellement aimé que la paix s’installât en Casamance avant ta disparition.
Merci donc Pierre ATEPA, merci doyen Abdoulaye DIAW, historien de notre football, merci FADIGA cœur de lion, merci El Hadj Diouf enfant prodige qui nous rappelle si justement que «Gaïndé dou dé, dafay nopalou». Un être bon à l’esprit rayonnant, un patriote sincère et courageux s’en est allé. Nous te pleurons parce que nous t’aimons, mais il nous semble entendre d’ici le chant des Bienheureux, et te voir au milieu d’eux ! En nous quittant pour gagner la maison du Père, tu as fait naitre une étoile dans les cieux.
Dors en paix Gaïndé, dors Essamay, nous ne t’oublierons jamais. On te tue, on ne te déshonore pas !
Yoro BA
Sociologue Master 2 Défense, Sécurité et Paix
Président NAFORE
Email : bayoro 27106@gmail.comPaix
Par Pape Sadio Thiam
NOTRE RAPPORT AU TRAVAIL ET A LA CORRUPTION
Le caractère d’un peuple, sa discipline, sa résilience peuvent se mesurer par la nature de son rapport avec le travail.
La splendeur de la Chine d’aujourd’hui n’est pas un hasard, c’est la morale du travail : abnégation dans le travail, respect de l’assiduité et de la ponctualité, la culture de la performance, la valorisation de soi dans la façon de faire son travail, le contrôle et la maitrise de son énergie vitale, le respect du bien d’autrui et du bien commun. Le caractère d’un peuple, sa discipline, sa résilience peuvent se mesurer par la nature de son rapport avec le travail. Tout le monde a droit à la paresse : la société a déjà réglé cela par les congés, la réglementation de la durée de la journée de travail et les vacances. Ce que l’on ne saurait comprendre, c’est par contre une culture de la paresse. Bâtir une civilisation sur la base de l’oisiveté payante, c’est un non-sens. Travailler et accumuler des richesses, c’est selon la lecture protestante, une manière de s’enrichir pour Dieu, et c’est exactement la même chose pour toutes les confessions religieuses. Ce n’est donc pas concevable qu’une société constituée à majorité de croyants opte pour la facilité et la corruption. La corruption avilit les âmes et détruit la société, car elle s’attaque à tous les ressorts qui constituent la ceinture de sécurité morale de l’individu.
Un homme corrompu n’a plus de dignité, il n’a plus de liberté parce qu’il a accepté de souiller son âme par avidité ou par impatience. C’est pourquoi l’école de la république, les médias, les écoles coraniques doivent inscrire dans leurs cahiers de charges l’engagement à faire intérioriser aux jeunes la gravité de la tentation à la corruption. C’est une honte que d’être citoyen d’un pays où l’indice de la pauvreté et celui de la corruption sont dans une gémellité constante. La corruption agit sur la rentabilité et le développement de nos entreprises et de notre économie comme un cancer sur l’organisme. C’est pourquoi nous n’avons pas le choix : soit nous le combattons, soit nous en mourons en tant que nation civilisée, épanouie et fière devant les autres nations. Les hommes ne forment pas une communauté humaine pour que chacun ruse avec celle-ci afin de vivre à ses dépens. La cannibalisation de l’Etat par les citoyens est une des causes de la pauvreté des pays africains. C’est complètement indécent de vampiriser l’Etat en attendant tout de lui. La vocation d’un Etat n’a jamais été de se substituer aux individualités ; il a été plutôt institué pour, encourager, faciliter encadrer, promouvoir et protéger les initiatives individuelles.
Le Sénégal sera un peuple le jour où il commencera à faire une introspection sans complaisance sur ses tares et à s’engager résolument à extirper de ses mœurs toutes les causes d’involution. Notre rapport au bien public ainsi qu’au service public doit désormais être marqué du sceau de la coresponsabilité. Être exigeant avec soi-même et avec les serviteurs de l’Etat est l’acte fondateur de la véritable citoyenneté (commander et obéir à la fois).
Pape Sadio THIAM
par Mourtala Mboup
ÉLÉMENTS D’ANALYSE POUR L’ÉLABORATION D’UN CURRICULUM INTÉGRÉ DE FORMATION ÉN EVALUATION DU DÉVELOPPEMENT
un phénomène aussi complexe que le développement exige des conceptions et usages autocentrés, nourris par des connaissances scientifiques approfondies des contexte
En Afrique, il existe aujourd’hui une réelle demande de formation en Évaluation du Développement. Mais l’analyse du système d’acteurs révèle une trop forte dépendance du continent de l’Aide au Développement malgré l’immense travail de l’IDEV. Dépendance telle qu’au gré des changements de cadres normatifs chez les donateurs, les pratiques évaluatives africaines ont été régulièrement affectées. Or, un phénomène aussi complexe que le développement exige des conceptions et usages autocentrés, nourris par des connaissances scientifiques approfondies des contextes. Le présent article apporte des éléments d’analyse ainsi qu’une démarche de nature à favoriser l’émergence de curricula pertinents et cohérents dans la perspective des ODD.
L’Evaluation des Politiques Publiques est, aujourd’hui, dans une phase de mondialisation marquée notamment par l’émergence de sociétés nationales d’évaluation et la multiplication de cabinets privés spécialisés. Cet essor planétaire semble inéluctable, qui s’appuie sur une véritable mouvance internationale vers sa professionnalisation et son institutionnalisation. Dans cette optique, certains pays ont déjà inscrit l’évaluation des politiques dans leur loi fondamentale, lui conférant ainsi un caractère constitutionnel.
L’Afrique, loin d’être en reste, connait une véritable effervescence grâce à un système d’acteurs dans lequel interagissent des femmes et des hommes dévoués à la cause de l’évaluation.
Rien que dans une courte période de 3 mois (entre novembre 2016 et février 2017), l’auteur de ses lignes a participé, en qualité d’expert, à trois grandes réunions internationales tenues sur le continent :
la Semaine de l’Évaluation de la Banque Africaine de Développement (IDEV-BAD) à Abidjan, Côte d’Ivoire (du 7 au 11 novembre 2016) ;
le 2ème Forum International du Réseau Francophone de l’Évaluation (RFE) à Marrakech, Maroc, (du 13 au 16 décembre 2016) et
la 8ème Conférence de l’Association Africaine de l’Évaluation (AFREA), à Kampala, Ouganda (du 27 au 31 mars 2017).
Le présent article est justement le fruit d’une réflexion, au terme d’une période de pérégrinations, d’enquêtes et d’échanges, sur les besoins et les enjeux pour l’Afrique en matière d’évaluation dans la perspective de l’agenda 2030 des ODD.
Concrètement, il s’agit dans cet article, d’identifier les besoins et aspirations des acteurs africains, d’analyser les enjeux sous-jacents et de suggérer des réponses de nature à favoriser un alignement des évaluations en Afrique sur les principes d’équité, de pertinence et de durabilité conformément aux ODD.
L’EVALUATION EN AFRIQUE : LES ACTEURS ET LEURS BESOINS
Le système d’acteurs
Parti du Nord vers le Sud, l’essor de l’évaluation a connu une envergure mondiale à partir des années 2000.
En effet, jusqu’au milieu des années 90, seuls les pays du Nord avaient vu naître des sociétés d’évaluateurs dont le nombre était encore faible. Parmi les sociétés nationales d’évaluation, la canadienne fut la première créée en 1981, suivie de l’américaine en 1986. La même année, le CAD-OCDE[1], qui jouera par la suite un rôle prépondérant dans la promotion internationale des initiatives, mit en place un premier réseau d’évaluateurs : le DAC Working Group on Evaluation. Par la suite, des sociétés d’évaluation nationales et régionales apparurent au Sud grâce à de nombreuses initiatives internationales similaires. Aujourd’hui, on dénombre de très nombreuses associations nationales en Afrique (Laporte C., 2015)
Il faut signaler que si, au début, la Banque mondiale, le PNUD, l’UNICEF et le CAD-OCDE ont été les précurseurs et les acteurs majeurs parmi les organismes multilatéraux, par la suite, un immense acteur continental va apparaitre qui va jouer un rôle prépondérant. Il s’agit de La Banque Africaine de Développement (BAD), laquelle, par le biais de son organe spécialisé en évaluation du Développement (IDEV : Independent Development Evaluation), contribue considérablement à la diffusion de la culture de l’évaluation dans le continent.
Les acteurs et leurs besoins
Les débats au sein de ce système font largement ressortir l’existence d’une forte demande de formation en évaluation de la part des acteurs du continent. Parmi ces derniers se distingue la catégorie « les Évaluateurs Émergents (Ee)» dont le nom en dit long sur les attentes et aspirations en matière de formation qualifiante. Essentiellement composée de jeunes universitaires, les ressortissants de cette catégorie expriment fortement le désir d’accroitre leurs compétences par l’acquisition d’un diplôme professionnel. Mais ces débats mettent aussi l’accent sur la nécessité de prendre en compte, dans les pratiques évaluatives, les spécificités du continent liées à la culture et à la nature des besoins et des obstacles propres à l’Afrique. Au sein du mouvement associatif africain en faveur de l’évaluation, on parle même de la nécessité de faire émerger une évaluation « made in Africa. »
Cependant, il apparait clairement à tout observateur que cette demande de formation s’adresse quasi exclusivement aux partenaires techniques et financiers (PTF) de la coopération au développement.
C’est que, de leurs PTF, dépendent quasi exclusivement les acteurs africains ; aussi bien sur le plan des connaissances techniques et professionnelles que sur celui des financements. De fait, si les associations nationales d’évaluation fonctionnent tant bien que mal, elles le doivent aux subventions, bourses, ateliers de formation, forums et conférences financés par leurs PTF.
L’ÉVALUATION EN AFRIQUE : LES ENJEUX SOUS -JACENTS
Une dépendance aux racines profondes
En s’intéressant de plus près à cette dépendance en matière d’acquisition des compétences, on découvre alors toute son ampleur, mais aussi et surtout son caractère ombilical et systémique comme en témoigne ce long passage.
« Nos recherches ont montré qu’il n’y avait pas réellement de demande de renforcement des capacités en évaluation dans les pays du Sud. Cette demande provenait clairement des organismes d’aide au développement qui voyaient en l’évaluation une réforme positive pour les pays du Sud. Les pays bénéficiaires de l’aide ont alors été fortement incités à reproduire cette demande et à introduire l’évaluation comme objet de réforme politique dans leurs plans nationaux de développement. Cette incitation passait notamment par le conditionnement de l’aide à des engagements des États à mettre en place des systèmes évaluatifs. Le développement de capacités en évaluation faisait partie du « package » de réformes institutionnelles que les donateurs proposaient aux pays bénéficiaires pour atteindre ce qu’ils considéraient comme étant un niveau minimal de bonne gouvernance permettant d’assurer l’efficacité des programmes d’aide. » (Laporte, C., 2015, p.243-244)
C’est dire qu’en Afrique, l’évaluation des Politiques Publiques a émergé dans le cadre des programmes de l’Aide Publique au Développement (ADP) sous la tutelle intellectuelle et financière des donateurs du Nord par le biais des organismes bilatéraux et multilatéraux de la coopération au développement.
Or, on sait que l’histoire de l’APD en faveur de l’Afrique est marquée par une succession d’échecs, d’insatisfactions et de multiples réorientations opérées par les donateurs. On sait également que parmi les causes d’échec imputées au Nord figure la non-pertinence des théories de développement sous-jacentes à l’APD. Enfin, il est aussi connu que si certains changements d’orientation de l’APD ont été dictés par l’inefficacité avérée des programmes, - laquelle engage de manière incontestable aussi bien la responsabilité des élites politiques africaines que celle de l’expertise dominante du Nord, - d’autres, intervenus de manière unilatérale, l’ont été par des changements de référentiels aux motivations politiques, conjoncturelles ou autres, propres aux pays donateurs.
Aussi, ces faits à l’esprit, l’observateur témoin de cette effervescence en cours dans les milieux africains de l’évaluation ne peut s’empêcher, à prime abord, de redouter le développement dans les pays du Sud de curricula de formation en Evaluation qui, parce qu’ils n’auront pas été conçus de manière autocentrée ou qu’ils sont trop sensibles au moindre changement de référentiels advenu au Nord, reproduisent les mêmes schémas d’échec qui ont marqué la Coopération au Développement. Ce fut notre cas et celui de nombreux acteurs que nous avons rencontrés, qui s’interrogent sur les enjeux de cohérence mais aussi de pouvoir et de domination qui accompagnent le renforcement des capacités en évaluation par le transfert de compétences du Nord vers le Sud.
Il nous a paru alors particulièrement utile de procéder à l’approfondissement de l’analyse sur le plan historique par une recherche bibliographique ciblée sur une rétrospective des liens entre l’APD et les pratiques évaluatives.
Un arrière-plan historique révélateur des enjeux
Nous avons alors découvert que des analystes politologues et critiques du « développement » qui se sont penchés sur le rapport entre l’APD et l’évaluation ont bien établi que cette inféodation apparente est historiquement avérée depuis bien longtemps.
De fait, leurs travaux ont bien montré que les approches et pratiques évaluatives dans le secteur de la coopération ont évolué de façon cyclique en fonction des changements dans les politiques d’aide au développement.
Selon Laporte (Op.cit.), les pratiques et usages de l’évaluation ont oscillé entre les deux principales fonctions qui lui ont été alternativement attribuées par les cadres normatifs en vigueur dans chaque époque : la redevabilité et l’apprentissage. Lesquelles ont respectivement privilégié des méthodologies quantitatives dites scientifiques et celles qualitatives dites participatives selon un cycle dont voici un aperçu.
1960 -1970. L’évaluation est conçue à des fins d’apprentissage pour tirer les leçons du passé.
Années 80. Après le tournant néolibéral, préoccupé d’évaluer l’efficience et l’efficacité des politiques d’aide dans le but de vérifier que les PVD appliquent bien les recommandations du consensus de Washington, on a privilégié les approches quantitatives.
Au milieu des années 90. Suite au constat d’échec de l’APD, les années 80 sont qualifiées de « décennie perdue de l’APD ». Des approches sociales ciblant la lutte contre la pauvreté, le renforcement des systèmes éducatifs et de santé, la promotion de la bonne gouvernance sont mises en place avec des démarches qualitatives et participatives. C’est alors que débarqua le NPM (New Public Management) qui redonne à l’évaluation une fonction de redevabilité privilégiant l’évaluation de l’efficacité organisationnelle et les résultats des administrations publiques par une approche gestionnaire.
Fin des années 2000. Cette approche gestionnaire de l’APD est remise en cause par les bénéficiaires et les ONG internationales qui réclament plus de partenariat et plus de redevabilité mutuelle. Les donateurs vont céder devant cette pression. Les conceptions qualitatives et participatives sont alors remises au gout du jour pour rendre plus égales et plus collaboratives les relations entre acteurs.
Ainsi, selon les besoins des donateurs et les contraintes organisationnelles et contextuelles, les évaluateurs des programmes et politiques d’aide ont alternativement favorisé différentes approches, démarches et méthodologies
Dès lors, la question fondamentale est la suivante :
Comment affranchir l’évaluation des aléas de la Coopération au Développement. Pour en faire une « évaluation » qui rendrait ses praticiens capables d’approcher les réalités sociopolitiques du continent de façon plus autonome.
Dans cette perspective, la forte demande de formation qu’expriment les africains renvoie à celle d’un curriculum pertinent pour une formation à l’évaluation des Politiques Publiques en contexte africain.
DE LA NÉCESSITÉ D’UNE APPROCHE HOLISTIQUE EN MATIÈRE DE FORMATION.
Pour une réactualisation intelligente des critiques du Développement
Les nombreuses critiques du « développement », dont certaines sont d’un scepticisme profond (Rist G., 2013) ; d’autres d’une radicalité inouïe (Amin S., 1997); (Rivero O., 2003), ont fini par établir que le Développement est un phénomène global d’une complexité qui exige une approche holistique.
Dans les années 80, Gilbert Rist rappelait à juste raison, qu’évaluer le Développement, c’est évaluer le plus formidable pourvoyeur de relations interculturelles. Les milieux des « Etudes du Développement » étaient alors en plein débats sur, entre autres questions, la nécessité d’admettre que le Développement n’est pas qu’une question de croissance ; qu’il a des fondements culturels et nécessite une approche globale, etc. C’est qu’on avait découvert que l’échec de ce gigantesque transfert Nord-Sud de culture qu’est le Développement avait fait redécouvrir la vitalité des cultures autochtones. Lesquelles, tout en imitant l’Occident par admiration, la craignaient et la rejetaient en faisant émerger des « logiques de compromis[2] ». (Rist G., 1985)
Il s’y ajoute que l’histoire a fait du continent africain un lieu où, de manière quasi soudaine et simultanée, ont émergé deux processus : un processus de formation d’états-nation et un autre de développement économique. Tous les deux venus d’ailleurs pour se greffer dans un contexte culturellement foisonnant mais politiquement désarticulé, d’abord par la Traite Négrière puis par la Colonisation. En l’espace de seulement 4 à 5 décennies, une élite formée dans le moule colonial est chargée d’opérer cette greffe sous assistance de l’expertise du Nord, en menant de pair le déploiement des structures étatiques et la mise en œuvre des politiques publiques de développement. En Afrique plus qu’ailleurs, le Développement recouvre des réalités d’une complexité inouïe.
Aussi, si l’analyse des politiques publiques rend intelligible l’Évaluation des Politiques Publiques (Monnier E., 1992), en Afrique, plus qu’ailleurs, seule l’Étude et l’Analyse du « phénomène développement » peut rendre intelligible l’Analyse des Politiques Publiques et par ricochet l’Évaluation de ces dernières. Pour autant que cette analyse du développement soit la résultante de regards croisés des différentes disciplines scientifiques sur le phénomène dans une perspective intégrant fortement la dimension historique.
Pour être performant, l’évaluateur en contexte africain doit donc être capable de comprendre et de prendre en compte les questions d’ordre sociologique, anthropologique, économique, historique, méthodologique, etc.
Il convient de préciser que cet effort de réactualisation et d’approfondissement des critiques du Développement doit s’opérer dans un cadre scientifique. Pour cela, il faut que les deux champs de recherches scientifiques universitaires que sont les Études du Développement et l’Analyse des Politiques Publiques voient se développer une expertise africaine, riche, autocentrée et performante pour servir d’arrière-plan intellectuel à l’Évaluation des Politiques Publiques. Cela, en dehors de toute tentation culturaliste et de toute forme de nationalisme ou d’anti-occidentalisme.
Car, comme l’écrit si bien Cheikh Hamidou Kane :
« …chaque heure qui passe apporte un supplément d’ignition au creuset où fusionne le monde. Nous n’avons pas eu le même passé, vous et nous, mais nous avons le même avenir, rigoureusement. L’ère des destinée singulières est révolue. Dans ce sens, la fin du monde est bien arrivée pour chacun de nous, car nul ne peut plus vivre de la seule préservation de soi. » (Kane, C. H., 2011, pp. 90-91)
Vers un curriculum intégrant les Études, l’Analyse et l’Évaluation du Développement
Dans cette perspective, l’Afrique doit donc former, - plus que des évaluateurs capables de concevoir et de conduire des évaluations, - des analystes/évaluateurs du développement fortement sensibilisés en Études du Développement et en Analyse des Politiques Publiques et bien outillés en Évaluation des Politiques Publiques[3].
Renforcer le Système d’Acteurs
La description que nous avons faite plus haut du système d’acteurs met en évidence le fait que des acteurs comme les universités, les organes étatiques, les collectivités locales, les médias nationaux et régionaux, sont loin d’être au-devant de la scène.
A l’exception de l’APNODE[4] dont le dynamisme et l’implication au plus haut niveau méritent d’être soulignés, les institutions nationales républicaines et les organes étatiques maitres d’œuvre de politiques publiques brillent par leur faible présence dans les réseaux d’évaluation.
Or, dans la perspective qui est ici la nôtre, leur rôle sera absolument indispensable. Par conséquent, il faudra œuvrer pour la densification du système d’acteurs notamment par une plus grande participation de ces absents de marque, chacun dans son rôle.
Le rôle des Universités et Instituts de formation supérieure,
Outre le développement de programmes de recherche dans les trois champs disciplinaires que nous avons indiqués, les institutions de formations supérieures devraient être encouragées à mettre en place des Master en Analyse et Évaluation du Développement (MAED) structurés autour de modules d’enseignements alimentés par des travaux scientifiques issus des trois domaines susmentionnés.
A partir d’un tronc commun, ces modules conduiront à trois certificats distincts : un en Analyse des Politiques Publiques, un en Études du Développement et un en Évaluation des Politiques Publiques. L’obtention des trois certificats, la réussite des modules de méthodologie de recherche, du stage pratique ainsi que la soutenance d’un mémoire de fin d’études seront obligatoires pour décrocher le MAED. La création d’écoles doctorales devrait également être envisagée.
Le rôle des États, des Collectivités locales et des cabinets privés
Tous les démembrements de l’État et des Collectivités Locales chargés de la mise en œuvre de politiques ou de programmes publics, tous les cabinets privés devraient être encouragés à prendre leurs dispositions pour être en mesure d’accueillir en leur sein des apprentis évaluateurs dans le cadre d’un programme de « Formation duale au service de la poursuite des ODD » tel que nous le proposons ci-dessous.
L’AGENDA 2030 DES ODD : UN LABORATOIRE CONTINENTAL À METTRE À PROFIT
Les ODD : une opportunité pour l’évaluation
Dans le contexte international actuel, la nouvelle donne de l’agenda 2030 des ODD fait de l’évaluation un véritable impératif. En effet, la poursuite des ODD est aujourd’hui le référentiel et le cadre logique dans lequel s’opèrent les politiques pour le développement international.
Or, l’évaluation est perçue par les principaux acteurs comme un outil indispensable dans le cadre des ODD. Les Nations Unis ont d’ailleurs lancé un grand programme d’élaboration d’indicateurs internationaux pour l’évaluation des ODD. Les promoteurs africains de l’évaluation le savent très bien qui viennent de consacrer la 8ème conférence de l’AFREA à l’évaluation des ODD. En choisissant la thématique de la présente édition de son journal trimestriel, IDEV s’inscrit parfaitement dans la même perspective.
De fait, on peut dire de la Communauté internationale qu’elle vient de s’engager dans l’ère de la généralisation à l’échelle mondiale de l’évaluation des Politiques Publiques dans un contexte rendu hautement favorable par un cadre logique commun à tous les acteurs déterminants. Il faut donc saisir cette opportunité.
L’immensité du chantier des ODD, son caractère continental et sa perspective temporelle (2030), mais aussi le fait qu’il exige une approche holistique du Développement nous conduisent à penser qu’il peut servir de laboratoire pour l’expérimentation de la vision que nous avons développée dans le présent article.
La formation duale au service de l’Évaluation des ODD
Il s’agit ici de résumer un des volets de la démarche expérimentale que nous prônons : celui de la formation duale en évaluation du développement. Sous peu, notre vision sera disponible dans son entièreté comprenant les plans d’études pour les MAED.
L’innovation, fondée sur une approche anticipatrice « d’encouragement à l’évaluation », consistera à proposer des offres spontanées d’évaluations partenariales à des responsables de programme/politiques dont l’évaluation est souhaitable dans la perspective des ODD.
Les structures de mise en œuvre de politiques de développement partenaires dans l’innovation chemineront ensemble avec les experts du programme lors des étapes de définition des projets d’évaluation et d’élaboration des référentiels d’évaluation. La relation sera conçue dans une logique « gagnant-gagnant » : les partenaires y trouveront l’occasion de passer à l’acte et d’introduire la pratique évaluative dans leur agenda tandis que cette collaboration servira de support au programme conçu dans l’esprit de la formation duale suisse. Les apprentis seront des étudiants en formation ou des « évaluateurs émergents » sélectionnés sur dossier.
Le programme sera chapoté par un consortium d’organes spécialisés en évaluation du développement qui travailleront de concert pour trouver les financements nécessaires, démarcher les structures qui accueillent les apprentis, élaborer les modules du volet théorique de la formation, superviser la pratique, évaluer les candidats, etc. Et c’est ici que l’on perçoit mieux le rôle prépondérant que les structures de l’État, les cabinets d’experts et les institutions de recherche et de formation pourront jouer.
Évaluer le développement c’est donc évaluer un phénomène complexe et multidimensionnel. Le faire en Afrique, c’est le faire avec une complexité accrue caractérisée par l’existence de multiples problématiques anthropologiques, sociologiques ainsi que celle de cadres normatifs d’évaluation des politiques publiques conçus hors contexte et pouvant être soumis à des impératifs politiques exogènes.
Dans un contexte international où l’évaluation est vivement recommandée par la Communauté Internationale qui lui a fourni un cadre logique consensuel à l’échelle planétaire, l’Afrique doit saisir l’opportunité pour fonder une école continentale d’Études du Développement et d’Analyse des Politiques Publiques dont les travaux scientifiques alimenteront des curricula adaptés pour une formation appropriée en matière d’évaluation du Développement.
Nous sommes intimement convaincus que cela passera par la densification du système d’acteurs, notamment par l’implication des milieux universitaires et l’engagement des organes étatiques.
L’approche innovatrice dont nous avons résumé un des aspects et que nous développerons ailleurs permettrait, nous semble-t-il, de relever ce formidable défi dans la perspective de l’agenda 2030 des ODD.
Références bibliographiques
Amin, S. (1997) « le Développement autonome dans les démocraties : une alternative pour l’Afrique et le Moyen Orient, in L’Avenir du Développement, L’Harmattan, Paris
Kane, C. H. (2011) L’aventure ambiguë, 10/18, Nouvelle éd., Paris
Laporte, C. (2014) L’évaluation, un objet politique : le cas d’étude de l’aide au développement, Thèse Science politique, Science po, Paris
Monnier, E. (1992) Evaluation de l’action des pouvoirs publics, 2nd éd. Economica, Paris
Muller, P. (1990 ) Les Politiques Publiques, 10 ème éd., Que sais.je, Puf, Paris
Rist, G. (1985) « La problématique interculturelle, fondements et perspectives, in L’Avenir du Développement, Colloque, IUED, Genève, pp. 91-98,
Rist, G. (2013) Le Développement. Histoire d’une croyance occidentale, 4ème éd. SciencesPo Les Presses, Paris
Rivero, O. (2003) Le mythe du Développement, Enjeux Planète, Tunis
[1] CAD : Comité d’Aide au Développement. OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques.
[2] On parle de logiques de compromis lorsque des peuples autochtones confrontés au Développement mettent en œuvre des stratégies de survie qui consistent en l’attribution d’anciennes significations à des éléments nouveaux permettant ainsi aux nouvelles valeurs de changer la signification culturelle des formes anciennes.
[3] L’étroitesse de cet article ne nous permettant pas de définir ces champs disciplinaires, nous conseillons les lecteurs intéressés de consulter les livres de Monnier E., Muller P. et Rist G. mentionnés dans les références bibliographiques.
[4] African Paliamentarians Network on Developement Evaluation (Réseau des parlementaires africains pour le développement de l’évaluation.