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25 novembre 2024
Opinions
par Fatoumata Bernadette Sonko
UN SIÈCLE DES FEMMES SANS LES SÉNÉGALAISES ?
La toponomie, qui reflète une reconnaissance symbolique, immortalise les hommes et enterre les femmes. Masculine et coloniale, elle les efface de notre mémoire collective. Ainsi a été conçu et perpétué un imaginaire difficile à déconstruire
La logique quantitative de la sous-représentation des femmes dans les instances décisionnelles domine le débat au Sénégal : 4 femmes ministres sur 30 membres du nouveau gouvernement, soit 13% pour 49,6% de la population. La même tendance s’observe avec les nominations hebdomadaires du Conseil des ministres pour les principaux postes décisionnels. En somme, un sevrage brutal, suivi d’un régime draconien, digne d’un « programme d’ajustement structurel » au féminin. Au-delà de l’indignation collective, cette minorisation des femmes interpelle et fait réfléchir sur ses origines, la construction idéologique qui la sous-tend et ses structures de légitimation.
Bâtie sur des fondements patriarcaux, notre société perpétue le processus d’ostracisation des femmes non seulement depuis la « déterritorialisation » occasionnée par l’arrivée des religions du Livre et la colonisation, mais aussi la poursuite de cette exclusion par les autorités sénégalaises à partir de 1960. On comprend mieux pourquoi des interprétations conservatrices des préceptes religieux sont encore mises en avant pour essayer de justifier la relégation des femmes dans la catégorie des « cadets sociaux ».
Dans les sociétés négro-africaines adossées aux logiques du matriarcat telles que définies par Cheikh Anta Diop dans L'Unité culturelle de l'Afrique noire (1959), les femmes participaient à toutes les instances de pouvoir politique, social et même religieux au sein de la famille et de la communauté. La division sexuelle du travail ne reposait ni sur une hiérarchie, ni sur une oppression d’un sexe par l’autre. Il existait « un dualisme harmonieux, une association acceptée par les hommes et les femmes où chacun s’épanouit pleinement en se livrant à l’activité qui est la plus conforme à sa nature physiologique » (p. 114).
Le système colonial a déstructuré cette organisation sociale et politique en arrimant la place des femmes à une logique patriarcale. Les colonisateurs portaient un regard spéculaire sur les Africaines à l’image des femmes de leur pays qui avaient un statut de mineure et étaient sous la dépendance des hommes (père, frère, mari et fils). En imposant l’hégémonie masculine, l’État colonial a dépossédé les femmes. C’est ainsi que la loi foncière de 1904, qui attribue toute propriété au chef de famille, c’est-à-dire le mari, seul propriétaire des biens, a réduit leurs conditions d’accès à la terre. Dans le domaine de l’éducation, l’École normale de filles n’a été mise en place qu’en 1939, vingt ans après celle des garçons, pour les initier à des métiers subalternes. Pour mieux écarter les femmes de la vie politique décisionnelle, l’administration coloniale a ostensiblement ignoré leur pouvoir traditionnel, leurs chefferies et leurs prêtrises. L’idéologie patriarcale a servi de pivot à la politique coloniale et à ses relations avec les différentes aristocraties locales, puis avec les milieux maraboutiques.
À l’Indépendance, en 1960, les nouvelles autorités héritent des valeurs infériorisant les femmes, les perpétuent à travers les institutions et prolongent le « contrat social sénégalais » - expression que nous empruntons à Donal Cruise O’Brien - avec les chefs confrériques. Engagées en première ligne dans la lutte pour la décolonisation et l’émancipation du pays, les Sénégalaises n’ont pas vu leur situation changer. Au contraire, elles étaient encore confinées et orientées par le pouvoir des hommes (politique, syndical, législatif) dans des espaces discursifs réduits (mouvements de femmes, associations féminines).
Taillé sur mesure par et pour les hommes, le Code de la famille (1972) ne fait que cristalliser l’assujettissement des femmes. L’essentiel de ses dispositions leur sont défavorables. Par exemple dans le cadre du mariage, le mari est reconnu comme le seul chef de famille (art. 152, CF), l’autorité, celui qui choisit exclusivement la résidence conjugale (Art. 153, CF) et exerce la puissance paternelle (art. 277, CF). En cas de divorce, les femmes peuvent même être condamnées à payer une pension alimentaire pour leurs enfants quand la garde est attribuée au père. La mère, même si elle participe à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants communs, ne peut pas bénéficier des suppléments pour charge de famille. « Ces charges pèsent à titre principal sur le mari » (art. 375, CF).
La socialisation différenciée par une stratification liée au sexe fabrique des attentes différentes. Les filles sont éduquées à rendre service aux autres et à conjuguer au quotidien les verbes « Plaire, Avoir et Satisfaire », des P.A.S à assimiler systématiquement pour entrer dans le schéma social et œuvrer pour leur réussite conjugale. Elles doivent se prévaloir d’une « langue courte » renvoyant à un silence construit et validé par la société, avoir des « pas courts » pour ne pas franchir l’espace assigné qu’avec une autorisation masculine et un « regard court » qui ne questionne pas les fondements de leur subordination. Étroitement surveillées, elles subissent, à chaque étape de leur vie, les contrôles d’une société panoptique, au sens foucaldien. Une surveillance qui contraste avec celle des garçons encouragés à monopoliser l’espace, à le conquérir, à y bâtir et conserver leur réussite professionnelle.
L’école, une passerelle qu’empruntent plusieurs générations, exclut les femmes des pages de l’histoire. De fines traces apparaissent dans les manuels scolaires pour mieux les occulter, voire les oublier. L’oralité, « moyen d’expression féminine par excellence », est négligée.
La toponomie, qui reflète une reconnaissance symbolique, immortalise les hommes et enterre les femmes. Masculine et coloniale, elle les efface de notre mémoire collective.
Les représentations véhiculées par les médias accordent plus de visibilité et de poids aux hommes. Ce miroir déformé, qui n’est qu’une réplique réflexive de la configuration sociale, renforce l’invisibilité et l’inaudibilité des femmes dans les sphères décisionnelles. Ainsi a été conçu et perpétué un imaginaire difficile à déconstruire.
Aussi, cette somme de facteurs, entre autres, entrave-t-elle les fragiles avancées des droits acquis par les femmes. Et, sans un changement d’imaginaire social, nommer des femmes à des postes de « visibilité » ne permet pas de briser les stéréotypes solidement ancrés dans les mentalités. La loi sur la parité ne bouleverse pas le système d’inégalité dénoncé et ne change pas, non plus, la réalité sociologique. Il ne suffit pas de changer la culture politique, mais les soubassements de pratiques culturelles qui les marginalisent. Il urge, donc, de s’attaquer aux fondements des structures sociales basées sur des privilèges et des curricula masculins.
La rupture prônée par le gouvernement, qui met l’accent sur le bien-être social de tous les Sénégalais, commence par la famille et dans la famille. Les femmes en constituent le socle, le « poteau mitan ». Pour atteindre ce bien-être, elles doivent être au cœur du « Projet ». Leur mise à l’écart est une reconnaissance a minima de leur central rôle communautaire.
Le débat sémantique sur l’appellation du ministère de la Famille à la place du ministère de la Femme ne doit pas s’embourber dans des raccourcis de pensée. Il doit aller au-delà de ce clivage pour apporter des réponses diversifiées et conjuguées aux préoccupations quotidiennes de toutes les femmes comme la sécurité, l’adaptabilité des services publics et du transport en commun, l’accès au foncier et aux crédits, l’encadrement du travail des employées domestiques, la prise en charge par l’État des traitements de fertilité pour les couples en difficulté de procréation, les congés de maternité pour toutes, etc.
La redéfinition des luttes à partir d’un schéma endogène est une priorité pour éviter le piège d’un féminisme médiatique communiquant à tout va, un féminisme sans boussole, ni colonne vertébrale qui emprisonne les femmes.
Le rapport au pouvoir des femmes ne doit pas se résumer en une énumération quantitative de leur présence dans les instances décisionnelles ou se limiter à la parité en termes de représentativité politique. Ces tendances conjoncturelles ont aussi montré leurs limites.
La sous-représentation des femmes, qui régit tous les compartiments de la vie sociale, au-delà d’un sémantisme construit, n’est qu’un continuum. Elle est politique et l’engagement politique en est l’antidote. C’est dans l’arène politique, lieu d’exercice du pouvoir, que les femmes doivent mener le combat pour faire bouger les lignes, s’en approprier comme un lieu de libération malgré le coût social élevé du billet d’entrée, refuser de servir « d’escaliers » aux hommes et assumer leur leadership au lieu d’attendre des substituts de reconnaissance pour se débarrasser de leur « mussoor de verre ».
Fatoumata Bernadette Sonko est Enseignante-chercheure, CESTI-UCAD.
Par Alassane THIAM
LES MIGRANTS EN EUROPE : L’HYPOCRISIE QUAND TU NOUS TIENS
La musique entendue souvent par certains partis politiques se trouve confrontée à des réalités économiques. Les discours anti immigration, avec parfois des relents xénophobes, sont en inadéquation avec les réalités économiques des pays occidentaux
Le 1er janvier 2023, les vingt-sept pays de l’Union Européenne comptaient environ 6% de citoyens non européens pour une population de 447 millions d’habitants.
L’immigration dans l’Union Européenne est devenue un enjeu politique que beaucoup de partis d’extrême droite, voire de droite se saisissent pour en faire leur fonds de commerce afin d’accéder au pouvoir. A la question : Y a- t-il trop d’immigrés en France ? (Sondage IPSOS, Le MONDE, en 2022), 66% des français ont répondu oui.
A la question : quels sont les trois enjeux qui vous préoccupent à titre personnel ? 54% ont évoqué le pouvoir d’achat, 34%, l’environnement, l’avenir du système social 26%. Le fantasme de l’immigré envahisseur est toujours présent, alors que la problématique dominante demeure le pouvoir d’achat.
L’arrivée au pouvoir du parti d’extrême droite de Giorgia Méloni, en Italie est due en grande partie à son discours anti émigration assumé, qui met en avant la peur de cette vague qui pourrait submerger l’Italie. Nous pouvons observer que les principes de réalité viennent heurter des discours souvent haineux à l’égard des émigrés. En effet, la première ministre italienne fut obligée de régulariser des milliers de travailleurs étrangers pour des raisons économiques. Sa population est la plus vieillissante d’Europe et le nombre de décès dû au vieillissement dépasse de loin le nombre de naissances; ce qui affecte le développement de son économie.
Les dirigeants hongrois et polonais sont les farouches opposants de l’immigration, là encore, ils ont été obligés de se rendre à l’évidence de la main d’œuvre locale qui fait défaut.
La France, à l’instar de plusieurs pays d’Europe, a durci sa loi en matière d’immigration. Cependant, elle constate que les travailleurs immigrés sont indispensables dans certains métiers en tension.
Si la loi du 26 janvier 2024, relative au contrôle et l’amélioration de la présence des immigrés a créé une levée de bouclier des partis de gauche, nous pouvons néanmoins observer que beaucoup de sans -papiers seront régularisés, suite aux pressions d’employeurs qui se retrouvent dans des difficultés à recruter particulièrement dans les secteurs suivants : BTP, aides à domicile, restauration…
Une carte de séjour pluriannuelle nommée «talent» est instituée au profit des médecins, dentistes, sages-femmes ou pharmaciens, diplômés hors Union européenne.
En 2022, l’Espagne a permis aux immigrés d’obtenir un titre de séjour d’un an à condition de suivre une formation dans des secteurs en tension.
L’Allemagne est le pays le plus pragmatique qui facilite la régularisation des migrants. Il prévoit l’accueil de 400 000 travailleurs qualifiés par an pour pallier le vieillissement de sa population. Les étrangers ne sont plus obligés de renoncer à leur nationalité d’origine pour adopter la nationalité allemande.
En définitive, la musique que nous entendons souvent par certains partis politiques se trouve confrontée à des réalités économiques. Les discours anti immigration, avec parfois des relents xénophobes, sont en inadéquation avec les réalités économiques des pays occidentaux. L’immigré n’est plus décrié comme celui qui prend le travail des européens, mais plutôt comme un être inconnu dont la culture et la visibilité font peur.
Le droit des étrangers en France a été réformé cent dix-sept fois depuis 1945 et les dernières réformes n’arrivent toujours pas à contenir la poussée de l’extrême droite qui menace non seulement les droits des immigrés mais surtout les libertés fondamentales
par Idrissa Doucouré
L’AGRICULTURE, NOUVEAU FER DE LANCE DU DÉVELOPPEMENT AU SÉNÉGAL
Il est crucial d’identifier des leaders agri-producteurs qui ont les capacités et l’intérêt à soutenir les coopératives communales agricoles pour endosser le rôle d’agrégateurs
Dans le contexte actuel de la mondialisation, où l’agriculture est de plus en plus reconnue comme un levier crucial pour le développement durable, certains États africains ont pris les devants grâce à l’adoption de politiques agricoles à la fois innovantes et efficaces. Notamment, le Maroc et l’Afrique du Sud se sont illustrés en adoptant des politiques basées sur le modèle d’agrégation agricole, ce qui les positionne comme des références dans ce domaine. Leur expérience accumulée est d’une grande source d’inspiration pour le Sénégal, qui cherche à transformer son secteur agricole en un moteur essentiel de sa croissance économique.
Le Plan Maroc Vert, lancé en 2008, est un exemple éloquent de cette stratégie. Ce plan avait pour objectif de repositionner l’agriculture comme le principal moteur de la croissance économique nationale. Au cœur de ce plan se trouve l’agrégation agricole, une approche visant à structurer le secteur en regroupant les petites exploitations familiales et les grands producteurs autour de projets communs. Ces projets sont coordonnés par un agrégateur, qui joue le rôle d’intermédiaire entre les agriculteurs, les fournisseurs d’intrants, les institutions financières, les industriels et les marchés. Cette approche a permis une augmentation significative de la production agricole, avec une croissance de 15 à 25 %, tout en améliorant la qualité des produits et en facilitant l’accès des petites exploitations aux marchés.
En parallèle, en Afrique du Sud, la politique d’agrégation agricole est intégrée au Comprehensive Agricultural Support Programme (CASP), qui vise à offrir un soutien exhaustif aux agriculteurs. Ce programme met l’accent sur l’intégration des petites exploitations dans des chaînes de valeur agricoles élargies, leur permettant ainsi d’accéder plus facilement aux marchés, aux financements et aux technologies modernes. Cette stratégie a entraîné une augmentation de la productivité estimée à 10 %, tout en améliorant la résilience des petites exploitations face aux fluctuations du marché.
Ces modèles de réussite mettent en évidence l’importance vitale des petites exploitations dans l’économie agricole, en les intégrant dans des systèmes d’agrégation qui renforcent leur capacité de production, de transformation et de commercialisation. Les bénéfices sont considérables : amélioration de la sécurité alimentaire, création d’emplois en grand nombre, augmentation des revenus des agriculteurs, et une contribution significative à l’économie nationale.
Pour le Sénégal, l’adoption d’un modèle similaire nécessite une approche systémique, stratégique et bien structurée. Il est crucial d’identifier des leaders agri-producteurs qui ont les capacités et l’intérêt à soutenir les coopératives communales agricoles pour endosser le rôle d’agrégateurs. Il est également essentiel de s’inspirer des succès modestes déjà obtenus au Sénégal, comme les initiatives Baay Seddo ou le projet du sous-secteur de la banane à l’exportation. Ces pionniers pourraient servir de modèle et de catalyseur pour l’intégration des petites exploitations, qui représentent plus de 70 % de la production agricole du pays.
Le financement est un autre aspect crucial de cette transformation. Des modèles de financement innovants, tels que les contrats de production et le financement intégré, sont nécessaires pour fournir les ressources essentielles à cette transformation.
La généralisation des assurances agricoles et les récépissés d’entrepôt sont également des instruments qui peuvent offrir plus de sécurité aux institutions de financement.
Selon nos estimations, il est possible de relever la productivité et la compétitivité de l’agriculture du Sénégal de l’ordre de 165 %, comparativement à ses potentialités actuelles.
De plus, l’intégration avec le secteur de l’élevage pourrait générer des synergies bénéfiques, en créant des chaînes de valeur intégrées qui maximisent la valeur ajoutée de chaque segment.
En conclusion, le Sénégal se trouve à un tournant décisif. En s’inspirant des succès obtenus par le Maroc et l’Afrique du Sud, et en adaptant ces modèles à son propre contexte, le Sénégal a l’opportunité de révolutionner son secteur agricole. Cela nécessite un engagement ferme de la part de tous les acteurs concernés, une vision claire et une détermination inébranlable. Ensemble, il est possible de transformer les défis en opportunités et de garantir un avenir prospère pour l’agriculture sénégalaise.
Dr Idrissa Doucouré est président du Conseil mondial des Investissements & des Affaires, Londres. PhD en variabilité climatique, Exécutive MBA, Ingénieur en Génie Hydro-agricole.
par Youssouf Mbargane Guissé
LA RÉVOLUTION CONCEPTUELLE AFRICAINE EN MARCHE
EXCLUSIF SENEPLUS - Desserrer l’hégémonie conceptuelle de l’Occident impérialiste sur nos sociétés nécessite l’officialisation profonde des langues africaines et leur pratique généralisée
« Leur dépendance caractéristique a toujours empêché l’oligarchie et la bourgeoisie de se constituer une doctrine propre… Et, sur le plan idéologique, elles n’ont jamais produit un « corps d’idées » qui légitiment leur action politique. Elles étaient (et sont encore) des bourgeoisies incomplètes, doctrinairement castrées. Il n’est donc pas étonnant qu’elles aient toujours été à l’avant de la docilité dans le domaine de la pensée. Car comme elles ne produisent pas leurs propres concepts, elles reprennent à leur compte les concepts élaborés par les intellectuels (bourgeois) étrangers » - Edgar Monteil, philosophe et sociologue péruvien.
Depuis ces dernières années, des changements importants sont apparus dans le champ intellectuel africain au moment où la géopolitique mondiale est en train de basculer vers une nouvelle reconfiguration des rapports de forces. On assiste à une remise en cause de la volonté de l’occident impérialiste de soumettre son modèle aux Etats et nations de la planète. Ces changements marquent une étape majeure dans le processus de libération de l’étau conceptuel du monde occidental sur nos sociétés. Cette question capitale de la souveraineté de la pensée, condition de la libération définitive de l’aliénation, de la dépersonnalisation et de la dépendance a été la préoccupation de nombreux intellectuels de toutes disciplines sur le continent. C’est particulièrement à la fin de la première guerre mondiale, dans le contexte de ce qu’on a appelé « La question nègre », que s’est développe le réveil des colonies à l’indépendance, de même que les mouvements d’affirmation noirs aux Etats Unis d’Amérique et dans les Caraïbes.
Alors que se déroulaient sur le terrain révoltes, résistances et mouvements de libération, des intellectuels de ces communautés exploraient autour de la Revue « Présence Africaine » en France, les voies et moyens intellectuels de la souveraineté culturelle et politique dont témoignent les deux grands Congrès des Intellectuels, écrivains et artistes noirs, tenus à Paris en 1956, puis à Rome en 1959. Parmi les fortes productions intellectuelles alternatives de l’époque et celles après les indépendances, on peut en citer quatre fort marquantes : « Nations nègres et culture » de Cheikh Anta Diop,[1]« Les damnés de la terre » de Frantz Fanon,[2] « L’Afrique doit s’unir » de Kwame Nkrumah,[3]« L’accumulation à l’échelle mondiale » de Samir Amin,[4]« L’arme de la théorie » et « La pratique des armes » de Amilcar Cabral.[5]
Mais la consolidation des régimes répressifs dans les nouveaux Etats sous domination néocoloniale a vu le reflux de la résistance intellectuelle et culturelle qui cependant, n’a jamais cessé ni dans les académies, ni sur le terrain de par les luttes nationales et sociales des syndicats, de la jeunesse et des masses.
Cette période d’opacité de la réalité néocoloniale est en train de s’estomper progressivement, d’une part du fait de l’échec patent des politiques économiques libérales et de l’immense désastre causé sur le continent dont la pauvreté, l’insécurité et le désarroi,[6] d’autre part du fait de l’éveil de conscience et des affirmations identitaires nés de la pluralité culturelle ouverte par la mondialisation. Mais surtout le contexte est celui de l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs et savants « armés de sciences jusqu’aux dents » ainsi que d’artistes et créateurs de talent ayant repris le flambeau. Cette nouvelle période ouverte offre désormais l’opportunité de « la remise en cause des anciennes hégémonies et d’émergences de nouvelles légitimités ». En effet se dessine une reconfiguration dans l’armature intellectuelle jusqu’ici dominée par les traditions académiques universalistes occidentales dans leurs objets, méthodes et finalités. La pensée et les savoirs endogènes interviennent désormais avec une approche holistique des réalités vues sous leurs connexions multiples. La production des connaissances sur les dynamiques de transformations sociales, politiques et culturelles, doit désormais intégrer les dimensions des écologies, des héritages, de la symbolique et des pratiques anthropologiques. Une telle nouveauté introduit un renversement des paradigmes, visions et interprétations et met en scène l’intervention d’autres acteurs intellectuels de la tradition que le mode colonial de production des sciences avait jusqu’ici mis à l’écart de façon délibérée.
La rupture épistémologique qui s’enclenche porte sur la question essentielle de la souveraineté culturelle car les Africains doivent reconceptualiser de manière autonome et en toute responsabilité leur destin existentiel par la sélection des éléments constitutifs de leur propre futur.[7]La déconstruction de l’appareil idéologique d’hégémonie conceptuelle du capitalisme libéral a été menée de manière vigoureuse et savante par la première génération d’intellectuels africains dans les différentes disciplines académiques, mais aussi antérieurement dans la puissante littérature arabo islamique de résistance anti coloniale au 19e siècle, au sein des confréries soufi et aussi par des penseurs libres. Cette remise en cause se poursuit en de nouveaux termes au sein des générations actuelles qui se donnent la main dans les réseaux et nouvelles plateformes scientifiques, artistiques et culturelles.[8]Il s’agit dans ces nouveaux espaces de solidarité et de coopération intellectuelle et esthétique, d’inventer de nouveaux paradigmes d’un développement endogène intégral. Une nouvelle vision critique, prospective, opérationnelle se fortifie, fondée sur le potentiel créateur et subversif des héritages politiques et intellectuels africains et des enseignements des luttes des peuples pour la démocratisation et l’humanisation du monde encore si tardives.
En effet cette rupture épistémologique est une remise en cause du modèle universaliste de développement capitaliste imposé. Elle oblige de sortir définitivement du courant hégémoniste de la modernisation occidentale, de ses chiffres, mythes et falsifications. La rupture bouscule certaines traditions académiques figées et remet en cause le formatage intellectuel dû aux formations reçues. Elle implique un renouvèlement nécessaire des problématiques, des méthodes et approches, nécessitant la réévaluation des académies de recherche, d’enseignement et de formation et leur réadaptation conforme aux besoins du projet essentiel de la modernité africaine. La rupture trouve ses ressorts dans l’appropriation des multiples avancées artistiques, écologiques, philosophiques réalisées par les générations successives d’Africains de sources culturelles et de traditions intellectuelles diverses. Elle s’enrichit particulièrement des résultats probants issus de la coopération fructueuse entre disciplines au sein des équipes, réseaux et plateformes africains et internationaux. Mais ce processus d’élaboration conceptuelle trouve sa substance historique, sa force et sa légitimité politique lorsqu’il puise sa sève nourricière de l’expérience sociale et culturelle des masses et contribue de manière décisive à la rénovation de la pensée sociale.
L’approche totalisante fournie par l’économie politique et l’anthropologie culturelle permet alors aux chercheurs des différentes disciplines fragmentées de se rejoindre au carrefour de la transdisciplinarité et d’appréhender la dimension globale et intégrée des dynamiques au sein des sociétés. Elle doit mettre en lumière au sein de celles-ci, l’exploitation sociale fondamentale de classe, la base économique et les intérêts financiers qui fondent les alliances avec le capitalisme international dominant. Elle édifie sur l’existence d’un bloc hégémonique d’Etat compradore et sur les idéologies justificatrices de la domination et de la servitude.
Mais desserrer l’hégémonie conceptuelle de l’Occident impérialiste sur nos sociétés nécessite l’officialisation profonde des langues africaines et leur pratique généralisée dans l’éducation, les académies, l’administration, la vie économique et politique. Il s’agit de consacrer de manière irréversible et féconde la liaison de l’école à la vie, de la science et des innovations technologiques aux systèmes productifs, de fonder la gouvernance sur l’éthique. Seul en effet, ce nouveau paradigme de l’usage des langues africaines peut assurer la participation populaire libre, faisant désormais de l’espace politique, le foyer pacifié et véridique de la délibération, de la transparence, de la redevabilité. En réalité, la question linguistique, au-delà de son caractère pédagogique et de communication, constitue le cœur existentiel de l’identité, des appartenances sociales, des liens avec la nature et la Transcendance. La langue est en réalité le carrefour des temps et des espaces. Elle reproduit l’individu et les communautés en tant qu’histoire, mémoire, réponses et possibilités. La langue est donc le terreau fertile d’où germe l’esprit sacré d’insoumission et de révolte pour la reprise collective de l’initiative historique. La révolution conceptuelle repose ainsi sur les trois piliers suivants : la langue, la pratique sociale et l’esprit critique. Ces trois éléments sont porteurs de la rupture. Ils constituent le processus dialectique par lequel la pensée se régénère et l’homme s’affirme debout et résolu face aux défis.
C’est donc à travers les luttes sociales patriotiques et révolutionnaires que les individus et les communautés actent la désaliénation, valorisent leurs cultures et affirment leur identité africaine. C’est le « retour de soi à soi à un niveau supérieur », selon la belle formule de Joseph Ki Zerbo. Une telle perspective historique est déjà ouverte sur le continent et dans la Diaspora par l’action des intellectuels, savants et artistes, des partis politiques révolutionnaires et par les mobilisations des mouvements des jeunes, des femmes et des organisations citoyennes de veille. Désormais ces forces organisées prennent place sur l’échiquier politique africain tandis qu’émergent de nouveaux « dirigeants spirituels de la révolution », incarnation pour la jeunesse et les masses des modèles de courage et d’abnégation que furent les héros et les martyrs de la libération du continent. La tâche historique sans précédent est à présent de réveiller le génie culturel africain et de manière irréversible, « faire basculer l’Afrique sur la pente de son destin fédéral ».[9]
Les productions intellectuelles doivent pour cela éclairer le difficile chemin des luttes de classe anticapitalistes et des combats anti-impérialistes, démocratiques et citoyens en cours, mais aussi analyser les transitions complexes qui se dessinent dans la géopolitique mondiale, dans l’économie, la politique et la culture dans nos pays. Les avant-gardes révolutionnaires sur le continent devront à partir de là, élaborer et coordonner les stratégies unitaires libératrices qui s’imposent pour mettre fin définitivement à l’abject « néocolonialisme vivant »[10] qui ronge encore l’Afrique et ses enfants. Les prochaines saisons historiques verront alors s’ouvrir pour les peuples réunis, le vaste horizon de la paix, de la prospérité et du renouveau.
[1] Cheikh Anta Diop (1965). Nation nègre et culture. Paris : Présence Africaine
[2] Frantz Fanon (1975). Les Damnés de la terre. Paris : éd. Maspero.
[3] Kwame Nkrumah (1964). L’Afrique doit s’unir. Paris, Payot.
[4] Samir Amin (1971). L’Accumulation à l’échelle mondiale. Paris : éd. Anthropos.
[5] Amilcar Cabral (1975). I. L’arme de la Théorie, II. La pratique des armes. Paris : éd. Maspero.
[6] Voir Samir Amin (1989). La faillite du développement en Afrique. Paris : éd. L’Harmattan.
[7] Ndongo Samba Sylla (2014). (dir.) Pour une autre Afrique. Eléments de réflexion pour sortir de l’impasse. Paris : L’Harmattan. Felwine Sarr (2016.). Afrotopia. Paris, éditions Philippe Rey
[8] Voir parmi les nombreuses initiatives, les travaux et publications remarquables du groupe des samedis de l’économie : Déconstruire le discours néolibéral T1 (2014) - T2 (2015). (Sous la direction) Demba Moussa Dembélé, Ndongo Samba Sylla, Henriette Faye). Dakar : éditions Arcade-Fondation Luxembourg. Voir également les travaux, publications de l’Institut Panafricain de Stratégies sur les questions importantes de la sécurité et de la Paix sur le continent
[10] Abdoulaye Ly. (1981). L’émergence du néocolonialisme au Sénégal. Dakar : éd. Xamlé.<
par marame gueye
LES FEMMES DANS LA NATION SÉNÉGALAISE
La décolonialité genrée est habillée de vêtements coloniaux et accessoirisée d'un islam patriarcal, tout en revendiquant une africanité qui n'existe que dans l'imaginaire des hommes désireux de la mettre en œuvre
Le gouvernement du plus jeune président de l'histoire du Sénégal semble déjà incarner une vision rétrograde des femmes.
L'élection de Bassirou Diomaye Diakhar Faye en tant que cinquième président du Sénégal semble avoir rétabli le statut du pays en tant que phare de la démocratie dans la région de l'Afrique de l'Ouest en proie aux coups d'État. Les Sénégalais espèrent que ce nouveau vent de changement apportera un changement de paradigme dans la gouvernance. Toutefois, le faible nombre de femmes au sein du nouveau gouvernement en amène plus d'un à se poser des questions : De quelle démocratie s'agit-il d'ailleurs ?
Le 24 mars, Faye a remporté le premier tour avec 54,28 % des voix. Il est resté en prison jusqu'à dix jours avant les élections, lorsque lui et Ousmane Sonko, le leader populiste de son parti, le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité), ont bénéficié d'une loi d'amnistie de dernière minute de la part du président de l'époque, Macky Sall, qui a tenté de repousser les élections indéfiniment. Le 2 avril, M. Faye a prêté serment lors d'une élégante cérémonie à laquelle ont assisté de nombreux chefs d'État d'Afrique de l'Ouest. À 44 ans, M. Faye est le plus jeune président de l'histoire du Sénégal et, en tant que mandataire d'Ousmane Sonko, qui n'avait pas le droit de se présenter, il n'apporte aucune expérience de la fonction publique à la présidence.
Faye choisit Ousmane Sonko comme Premier ministre, qui, après des jours de suspense, dévoile le premier gouvernement comprenant 30 postes de secrétaires, dont seulement quatre femmes. Le ministère de la femme est supprimé et absorbé dans le nouveau ministère de la famille et des solidarités. De nombreuses personnes, en particulier les défenseurs des droits de la femme, se demandent si la « rupture » ou le changement radical promis par le parti du président Faye pendant la campagne ne signifie pas un mouvement rétrograde qui exclut les femmes des postes de responsabilité et les confine au foyer et à la famille. La sous-représentation des femmes est flagrante dans la première photo de groupe officielle du gouvernement, qui comprenait le président et le Premier ministre. Comme pour souligner leur présence, les femmes portant des vêtements traditionnels aux couleurs claires sont saupoudrées, comme de la poussière de lutin, sur la masse d'hommes vêtus de costumes européens noirs et bleu foncé.
Les féministes et les organisations de la société civile ont publié des déclarations dénonçant le faible nombre de femmes dans le gouvernement nouvellement formé et la suppression du ministère de la Femme. Elles se heurtent néanmoins à la réaction des fidèles du Pastef, qui affirment que les notions de parité et d'équité sont importées et que le choix des membres du gouvernement est fondé sur la compétence, et non sur le sexe. Les Sénégalais attendaient de voir si le président corrigerait ce premier coup porté aux femmes en nommant davantage de femmes à d'autres postes de direction importants dans les semaines à venir. Or, le 24 avril, les nominations de 17 directeurs d'agences nationales ne comprenaient que deux femmes. Jusqu'à présent, plus de 50 nominations ont été faites et seulement huit d'entre elles sont des femmes.
Pour les femmes, qui représentent 49,4 % de la population sénégalaise, ce changement est un retour en arrière, qui bafoue leurs droits acquis au cours d'années de lutte pour l'égalité dans ce pays hétéro-patriarcal à majorité musulmane. Les femmes sénégalaises se sont battues aux côtés des hommes pour maintenir la tradition démocratique du pays. Au cours des deux dernières années du régime de Macky Sall, de nombreuses femmes, en particulier des partisanes du PASTEF, ont été emprisonnées. Pourtant, lors de l'attribution des postes de direction au sein du gouvernement, elles sont négligées sous prétexte que la compétence l'emporte sur le sexe. Comme d'habitude, la compétence n'est invoquée que lorsqu'il s'agit de femmes. Le Sénégal et sa diaspora comptent de nombreuses femmes compétentes, y compris au sein du Pastef, qui auraient pu être mises à contribution pour une meilleure représentation et une plus grande équité. Le gouvernement de Macky Sall comptait huit femmes secrétaires.
Dans ses discours, le président Faye n'a mentionné les femmes qu'une seule fois, lorsqu'il a souligné l'urgence de « l'emploi pour les jeunes et les femmes », deux entités souvent mises dans le même sac, les femmes arrivant toujours en dernier. Le ministère de la femme était l'entité faîtière qui faisait comprendre aux femmes que leurs droits étaient importants et que l'État était déterminé à réduire les inégalités criantes entre les hommes et les femmes au sein de la société sénégalaise. Par l'intermédiaire du ministère de la Femme et de l'enfant, le Sénégal était un acteur de premier plan dans les efforts mondiaux en faveur de l'équité entre les sexes. La suppression de ce ministère ne fera qu'aggraver la situation déjà précaire des femmes au Sénégal. Le ministère du Développement Communautaire, de la Solidarité Nationale et de l'Équité est un autre ministère qui a été supprimé. La suppression du ministère de la Femme et la suppression des mots « femme » et « équité » dans le nouveau ministère de la Famille et de la Solidarité traduit une volonté délibérée de minorer l'importance des droits de la femme et de ne considérer son rôle qu'au sein de la famille. Dans le décret stipulant les dénominations du nouveau ministère de la Famille et de la Solidarité, la définition de la famille semble se réduire aux femmes et aux enfants.
En Afrique, l'État-nation est un modèle colonial dont les avantages ne sont accessibles qu'à quelques-uns et ne donnent pas à la majorité les moyens de se réaliser. Au Sénégal, les femmes sont en dehors de cette communauté imaginée. Elles sont « l'autre » dans le « nous », généralement considéré comme masculin. Les femmes ont des droits constitutionnels, mais elles ne sont pas traitées sur un pied d'égalité. Le féminicide, la violence sexuelle, le mariage des enfants et d'autres discriminations fondées sur le sexe sont monnaie courante dans le pays. Par exemple, le viol était un simple délit jusqu'en 2020, et même après qu'il soit devenu un crime punissable d'un minimum de 10 ans, les juges, qui sont en majorité des hommes, n'appliquent pas la loi dans son intégralité. Le Code de la famille, archaïque et sexiste, hérité de l'administration coloniale française, n'a pas été révisé pour refléter les progrès et les promesses de l'égalité des sexes. Les femmes n'ont toujours pas les pleins droits parentaux sur leurs enfants et ne peuvent voyager avec eux sans l'autorisation du père. La recherche de paternité n'est pas autorisée et les femmes doivent assumer la responsabilité de leurs enfants nés hors mariage si le père refuse de reconnaître la paternité. L'âge du mariage est de 16 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons.
Le Sénégal n'a toujours pas appliqué les conventions internationales relatives à l'égalité des sexes qu'il a signées, comme le protocole de Maputo, qui accorde aux femmes le droit à l'avortement. L'avortement est illégal au Sénégal, même en cas de viol ou d'inceste. Les femmes affichent des taux d'analphabétisme plus élevés en raison des facteurs cités plus haut qui les empêchent d'aller à l'école. Bien que sous Abdoulaye Wade, les femmes aient obtenu une loi sur la parité à l'Assemblée nationale, elles représentent toujours moins de 45 % de cette entité. Cette misogynie de l'État considère les femmes en dehors de l'entreprise démocratique et est au cœur de la subordination croissante des femmes au Sénégal.
Le Pastef a vendu au peuple sénégalais un programme de décolonisation des relations avec l'Occident, en particulier avec la France. Cependant, cette décolonialité est enveloppée de colonialité. La composition du nouveau gouvernement et la dissolution du ministère de la Femme augurent d'une régression des droits des femmes qui semble être une tendance dans la région. C'est le cas en Gambie, où l'islam et la culture sont instrumentalisés pour faire pression en faveur de l'abrogation d'une loi interdisant les mutilations génitales féminines. Au nom de la culture et de la religion, les droits des femmes sont de plus en plus érodés. Cette décolonialité genrée est habillée de vêtements coloniaux et accessoirisée d'un islam patriarcal, tout en revendiquant une africanité qui n'existe que dans l'imaginaire des hommes qui veulent la mettre en œuvre. Les accusations selon lesquelles les notions de parité et d'égalité des sexes sont des importations occidentales ignorent le rôle que les femmes sénégalaises ont joué dans les luttes anticoloniales et la manière dont les femmes africaines ont contribué à la décolonisation des connaissances.
La sous-représentation des femmes au sein du gouvernement et la suppression du ministère de la Femme ne rassurent pas ceux qui craignent que le mandat du président Faye soit un mandat salafiste avec des idées fondamentalistes sur le rôle et la place des femmes, alors que le Sénégal a une constitution laïque et que la cohabitation pacifique entre les musulmans et les chrétiens (principalement les catholiques) fait partie des fondements de sa solide démocratie. M. Faye a rendu visite aux chefs religieux des deux confessions. Il a également annoncé lors du Conseil des ministres du 17 avril qu'il avait créé un bureau des Affaires religieuses au sein de la présidence et qu'il donnerait la priorité à l'emploi de professeurs d'arabe. On ne sait pas si ce bureau des affaires religieuses s'adressera à toutes les religions ; toutefois, le fait de donner la priorité à l'arabe n'est pas un gage d'équité pour toutes les religions et minimise l'importance des langues locales. En outre, la création d'un bureau des affaires religieuses et la suppression du ministère de la Femme donnent le ton de cette présidence et indiquent où se situe la priorité. On peut se demander si les femmes sénégalaises devront bientôt adopter la burqa comme tenue vestimentaire imposée par l'État.
Fii, fàtte xaju fi (il est impossible d’oublier), le Premier ministre Ousmane Sonko a une relation problématique avec les femmes, et son accession au deuxième poste le plus élevé du gouvernement est un coup violent porté aux victimes d'agressions sexuelles. En 2021, il a été accusé de viol par Adji Raby Sarr, une jeune masseuse, allégations qu'il a démenties en accusant le régime de Macky Sall de comploter pour le disqualifier pour les élections de 2024. Cette affaire a plongé le Sénégal dans deux années de crise violente au cours desquelles au moins deux douzaines de personnes ont perdu la vie. Monsieur Sonko a refusé de se soumettre à un test ADN et n'a pas assisté au procès. Son chef d'accusation a finalement été réduit à la corruption de la jeunesse et il a été condamné à deux ans de prison, qu'il n'a jamais purgés. L’on ne peut pas oublier les propos misogynes et aberrants qu’il avait eu à l'égard de son accusatrice, en déclarant : « Si je devais violer, je ne violerais pas quelqu'un qui ressemble à une guenon affligée d'un AVC ».
Après l'élection de Faye, l'accusatrice de Sonko s'est réfugiée en Suisse. Dans une vidéo virale, on voit des loyalistes du Pastef dans le hall d'un hôtel genevois où Sarr aurait séjourné, interrogeant le personnel sur elle. On entend l'un d'eux dire au personnel de l'hôtel que Sarr est responsable de la mort de nombreuses personnes au Sénégal. Sonko, alors député, n'a jamais nié avoir violé un couvre-feu imposé par le Covid pour se rendre dans le salon de massage louche où travaillait Sarr et dont il était un client régulier. Il n'a jamais non plus porté plainte pour diffamation contre Adji Sarr.
Le manque de femmes au sein du gouvernement contraste avec les nombreuses femmes présentes dans la vie privée du président et du Premier ministre. Faye est le premier président de l'histoire du Sénégal à être polygame (il a deux femmes) ; selon la rumeur, le Premier ministre Ousmane Sonko en aurait trois. L'élection de M. Faye place la polygamie au premier plan des débats nationaux et internationaux. Les journaux nationaux et internationaux publient des photos de lui flanqué de ses deux épouses comme la nouvelle image d'un Sénégal en quête d'une africanité imaginée. Le lendemain de l'élection, un journaliste français a contacté la sociologue et féministe sénégalaise Fatou Sow Sarr sur X pour une interview sur la polygamie. La professeure a répondu : « La polygamie, la monogamie et la polyandrie sont des modèles matrimoniaux déterminés par l'histoire et la culture de chaque peuple. Aujourd'hui, ces modèles sont concurrencés par les mariages homosexuels ». Pressé par les critiques, Sow Sarr a ajouté : « Ma pensée profonde est que l'Occident n'a pas le droit légitime de juger nos cultures (africaines)». Sow Sarr a évité de s'engager de manière critique sur la polygamie en se détournant vers ce que Sokhna Sidibe et Amina Grace ont appelé la « panique sexuelle », l'homophobie étant endémique au Sénégal. Les déclarations de Sow Sarr passent sous silence les aspects abusifs de la polygamie et utilisent les cartes de la « culture » et de la « décolonisation » pour justifier la polygamie du président.
Bien entendu, nous ne voudrions pas que l'Occident fasse de la polygamie l'aspect unique de l'élection de Faye. Cependant, il ne s'agit pas de jouer à « vous faites pire que nous, et donc, nous sommes justifiés dans nos pratiques ». Les Africains doivent s'engager les uns avec les autres et ne pas faire de l'Occident leur interlocuteur. Au Sénégal, la polygamie a été corrompue et transformée en une pratique de collecte de femmes. Ce qui est pratiqué au Sénégal est la polygynie parce que les femmes n'ont pas le droit d'avoir plusieurs maris.
En Afrique comme dans l'Islam, la polygamie n'était pas destinée à l'épanouissement sexuel de l'homme. Historiquement, en Afrique, elle permettait aux familles aisées d'avoir plus d'enfants pour disposer de la main-d'œuvre nécessaire à l'agriculture et à d'autres activités. Dans l'islam, la polygamie vise à protéger les veuves et les orphelins démunis. Le prophète Mohamed était monogame jusqu'à la mort de sa première épouse, Khadija. À l'exception d'Ayisha, toutes ses autres épouses étaient des veuves ou des divorcées. En outre, dans l'islam, le verset qui autorise la polygamie avertit que si un homme ne peut pas aimer et traiter ses femmes de manière égale à tous les niveaux, la monogamie est la meilleure solution.
Aujourd'hui, la polygamie est à la mode au Sénégal et représente 35% des mariages contre 17% dans les années 1970. C'est un marqueur de la masculinité patriarcale où les hommes qui ont plus d'une femme sont perçus comme courageux et appelés góor dëgg (de vrais hommes). Guy Marius Sagna, membre de la coalition de Sonko et Faye, qui était jusqu'à récemment chrétien, s'est converti à l'islam et a épousé une deuxième femme, imposant ainsi la polygamie à sa première femme. Il a été félicité pour sa force de caractère. Les hommes épousent des femmes plus jeunes en tant que deuxième, troisième ou quatrième épouse, rassemblant ainsi plusieurs archétypes de femmes. Par exemple, la première épouse du président Faye porte le hijab, a la peau plus foncée et est considérée comme pieuse et humble. En revanche, la seconde épouse porte une perruque, a la peau plus claire et est représentée comme une femme joviale, très présente sur les réseaux sociaux.
La polygamie est répandue dans les zones urbaines où les femmes éduquées préfèrent un mariage polygame parce qu'il leur offre plus de temps et de flexibilité. Elles préfèrent partager leur mari avec d'autres femmes parce qu'elles n'ont pas à s'occuper exclusivement de lui. On peut se demander s'il s'agit là d'un choix naturel, étant donné qu'au Sénégal, le mariage est encore considéré comme l'accomplissement ultime pour une femme et un symbole de respectabilité sociale. Les hommes épousent souvent des femmes plus jeunes, ce qui laisse aux femmes de leur groupe d'âge moins de choix quant à la personne à épouser. En raison des taux de chômage élevés, de nombreux hommes en âge de se marier n'ont pas les moyens d'assumer les responsabilités financières d'un mariage. Les femmes qui sont socialement pressées de se marier se tournent vers des hommes déjà mariés. En outre, en raison du regard de la société et de sa réprobation de l'activité sexuelle féminine en dehors du mariage, de nombreuses femmes contractent des mariages polygames pour valider leur vie sexuelle.
Telle qu'elle est pratiquée au Sénégal, la polygamie est imposée aux femmes à qui l'on fait croire qu'il y a plus de femmes que d'hommes, alors que le récent recensement montre le contraire. On leur dit aussi qu'un homme bon doit être partagé. Les hommes utilisent la polygamie comme une arme pour imposer leur volonté à leurs femmes, menaçant d'en épouser une autre si celle-ci ne répond pas à leurs exigences patriarcales. Bien que les couples puissent choisir entre la monogamie et la polygamie, cette dernière est la solution par défaut s'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord. Les hommes utilisent l'excuse qu'ils sont autorisés à épouser plus d'une femme pour justifier leur infidélité, et les femmes sont résignées à l'idée qu'elles finiront par partager leur mari et donc à accepte leur infidélité. Il existe également la pratique du takku suuf (mariage clandestin), dans laquelle les hommes se marient sans publicité ni reconnaissance officielle.
La polygamie est abusive pour les premières épouses, qui sont souvent forcées de prendre une retraite romantique et parfois sexuelle pendant que le mari entame une romance avec la nouvelle épouse. Dans l'une des photos de campagne, la première femme du futur président est montrée en train de le voir n'avoir d'yeux que pour la seconde femme, son ancienne étudiante qu'il a épousée un mois avant d'aller en prison. En cas de conflit dans le mariage, la plupart des hommes choisissent la polygamie plutôt que le divorce, abandonnant émotionnellement et parfois financièrement leur première femme. Pour les manipuler afin qu'elles se résignent à leur abandon émotionnel et romantique, les premières épouses reçoivent le titre d'aawo-yaay (première femme-mère), les reléguant au rôle d'égalisatrice, celle qui doit materner tout le monde, y compris le mari et son nouveau trophée. Sur les photos de l'intronisation, le président et la seconde épouse portent des vêtements européens aux couleurs coordonnées. En revanche, habillée en vêtements traditionnels, la première épouse apparaît comme la figure féminine parentale.
La polygamie monte les femmes les unes contre les autres. Par le biais du concept de defante (compétition), leur travail physique, émotionnel, économique, sexuel et reproductif est exploité dans un jeu hypocrite d'attrape-nigauds qui ne profite qu'au mari et à sa famille. Les coépouses utilisent la notion de jonge pour se surpasser les unes les autres afin de satisfaire le mari et de contraindre sa famille à avoir ce dernier de leur côté. L'opinion populaire du pays reproche à la seconde épouse de Faye d'être présente sur les médias sociaux et d'en faire trop lorsqu'elle a plié le genou, signe de respect et de dévotion, pour féliciter le président nouvellement élu. La première épouse est dépeinte comme ayant de la classe et transmet un sentiment d'ancrage et de sérénité.
Selon le récent rapport de l'Agence nationale des statistiques et de la démographie, la polygamie appauvrit les familles. Il indique que 46,49 % des familles polygames vivent dans la pauvreté, contre 36,3 % des familles monogames. En outre, les femmes dépensent beaucoup d'argent et de temps dans des guerres surnaturelles avec l'aide de charlatans. Elles se font du mal physiquement et émotionnellement, et leurs enfants sont également victimes de ces conflits. Il est intéressant de noter qu'au moment où la polygamie de Faye faisait l'objet d'une couverture médiatique, l'histoire tragique d'un éleveur de 25 ans qui avait tué sa deuxième femme, âgée de 16 ans, et brûlé son corps, faisait également la une des journaux. Même ceux qui n'en ont pas les moyens pratiquent désormais la polygamie. Le fait d'avoir un polygame à la tête de l'État institutionnalisera cette pratique.
Marame Gueye est féministe, Professeure titulaire en littérature africaine et sa diaspora à East Carolina Université.
par le chroniqueur de seneplus, Jean Pierre Corréa
MULTIPLE PHOTOS
UN MERVEILLEUX BOUILLON DE CULTURE…S
EXCLUSIF SENEPLUS - Du 16 mai au 16 juin, Blaise Senghor est au faîte de la Culture urbaine et surtout…en fêtes. Parce que Dakar, avec ou sans Biennale mérite "Encounters" avec un éventail impressionnant d'œuvres au programme
Le monde des Arts du Sénégal est encore tout abasourdi du report de la Biennale de Dakar, du fait des lacunes du régime sortant qui avait jugé plus important de classer Monument Historique l’école primaire où Macky Sall avait fait ses classes, que de maintenir cette prestigieuse manifestation au niveau où des hommes et des femmes de notre pays, pétris de qualités humaines et artistiques, l’avaient élevée dans l’agenda mondial de la culture et des arts plastiques et visuels. Heureusement, aujourd’hui, des initiatives tendent à prouver qu’il ne serait pas si stupide de privatiser la culture, tant le milieu artistique sénégalais démontre à l’envi, sa turbulente vitalité et son joyeux bouillonnement.
Mais heureusement, pendant que certains avaient de « la fuite dans les Idées », d’autres s’amusaient à montrer qu’ils avaient de la suite dans les leurs, et ont pu à travers un collectif dynamique et inventif, nommé avec toute la fierté requise « Black Rock Sénégal », mettre en œuvre leur deuxième exposition de groupe au Sénégal, au nom évocateur d’Encounters, organisée par le Dr Jareh Das. Cette exposition sera présentée au Centre culturel Blaise Senghor du 16 mai au 16 juin 2024, dans un Centre culturel bellement rénové par Black Rock Sénégal.
Du 16 mai au 16 juin Encounters présente un éventail impressionnant de médias artistiques, comprenant la peinture, la sculpture, les installations, la photographie, la gravure, le dessin, le cinéma et le multimédia.
Chaque artiste participant à cette exposition a effectué une résidence à Black Rock Sénégal de 2022 à 2024.
Les œuvres exposées expriment l'engagement profond des artistes envers les grandes questions culturelles et sociales, illustrant des ères où pensées et actions entrent en collision, se contrastent, convergent et s'entremêlent.
L’exposition explore le travail d'artistes de différentes générations qui opèrent à l'échelle internationale et proviennent de divers horizons sociaux et culturels. Ils sont unis par leur passage au Sénégal, un lieu où chacun a pu évoluer et repousser les limites de sa pratique artistique hors de son contexte habituel. Nos intersections actuelles avec les arts visuels et les cultures—tant historiques que contemporaines—ainsi que les diverses théories et méthodologies, positionnent cette exposition comme une plateforme propice à de nouvelles collaborations dans les arts visuels. Elle favorise le croisement des différentes manières de penser, de créer et de réaliser dans le domaine artistique.
À propos de Black rock Sénégal
La résidence rassemble des artistes internationaux qui viennent vivre et travailler à Dakar, au Sénégal, pour des séjours de 1 à 3 mois. La mission de ce collectif ardent est de soutenir la nouvelle création artistique par le biais d'échanges collaboratifs et d'inciter au changement dans le discours mondial sur l'Afrique.
Le design composé de la Résidence Black Rock a été conçu par l'architecte Sénégalais Abib Diène avec une collaboration pour la décoration intérieure entre Wiley, Fatiya Diène, architecte et Aissa Dione.
Cette aventure est une invitation pour les artistes à s'engager avec les artistes sénégalais.
Venez découvrir ce résultat, saisissant de créativité enthousiaste et de générosité artistique, et promenez-vous sous de surprenantes cimaises et autres installations d’une étonnante diversité.
Ce 16 mai, la musique sera aussi en fêtes avec une scène où de célèbres DJ se produiront dès 20 heures dans un Centre Blaise Senghor, rénové et offert à l’esprit festif que seuls des arts visuels et plastiques savent encore offrir à nos émotions en quête de curiosités créatives.
À propos de Kehinde Wiley
Kehinde Wiley est un artiste visuel de renommée mondiale, surtout connu pour ses représentations dynamiques d'individus afro-américains et afro-diasporiques contemporains qui renversent les hiérarchies et les conventions du portrait européen et américain. Travaillant dans les médiums de la peinture, de la sculpture et de la vidéo, les portraits de Wiley défient et réorientent les récits de l'histoire de l'art, réveillant des problèmes sociopolitiques complexes que beaucoup préféreraient rester en sourdine. En 2018, Wiley est devenu le premier artiste afro-américain à peindre un portrait présidentiel américain officiel pour La Smithsonian National Portrait Gallery. L'ancien président américain Barack Obama a choisi Wiley pour cet honneur.
En 2019, l'artiste a lancé sa première sculpture publique à grande échelle à Times Square, New York, un monument équestre en bronze honorant l'héroïsme des jeunes hommes noirs en Amérique. Wiley est le fondateur et président de Black Rock Sénégal. Il vit et travaille à Pékin, Dakar et New York.
Du 16 mai au 16 juin, Blaise Senghor est au faîte de la Culture urbaine et surtout…en fêtes. Parce que Dakar, avec ou sans Biennale des Arts mérite ENCOUNTERS. Ne vous le faites pas raconter.
Par Ismaila A. Guisse
LETTRE DE DEMISSION A L’ALLIANCE POUR LA REPUBLIQUE
Lorsqu’on apprend que le leader d'un parti fait la promotion de l’impunité, de l’injustice et de la médiocrité, lorsque ce même leader a contribué à l’échec de son propre parti aux élections, il est clair que je n’ai plus rien à y faire
Lorsqu’un parti est pointé du doigt du fait de la gestion scandaleuse du foncier national par les hommes de confiance du président, lorsque les rapports de l’OFNAC, de la Cour des Comptes et de l’IGE révèlent des fautes graves liées à la gestion des deniers publics et l’enrichissement illicite, lorsqu’on apprend que son leader avait préféré d’estampiller ses coudes sur ces rapports en refusant de les déclassifier en toute connaissance de cause, lorsqu’il fait la promotion de l’impunité, de l’injustice et de la médiocrité, lorsque ce même leader a contribué à l’échec de son propre parti aux élections, il est clair que je n’ai plus rien à y faire. Un peu plus de quatorze années d’engagement politique a l’APR, avec une collaboration uniquement politique d’autres responsables très engagés de l’APR Canada, au mépris de l’injustice que nous avons subie, je me suis efforcé de promouvoir les réalisations du président Macky Sall, de vulgariser sa vision du PSE à travers les médias et les réseaux sociaux, mais aussi d’assumer les conséquences des errements de son pouvoir et de ses proches collaborateurs, d’oublier ma propre personne pour maintenir l’unité du parti en dépit du manque de considération à l’égard de notre DSE, d’y colmater jour après jour des brèches béantes et des nouvelles stratégies suicidaires inspirées par le président, sa belle-famille et son entourage. Bien que je ne me sois en aucun moment impliqué ni dans la gestion des administrations ni du gouvernement du régime Macky Sall, je me sens concerné, préoccupé et leurré par les informations préoccupantes que les rapports des corps de contrôle ont publiquement révélées.
En conseil des ministres du 17 avril 2024, le nouveau président de la République Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko ont ordonné la publication des rapports sur les 5 dernières années de l’OFNAC, de la Cour des Comptes et de l’IGE. Ainsi, ces organes assermentes de l’Etat ont publié plus de 75 documents annuels explosifs révélant des fautes graves, conflits d’intérêts, entorses au code des marchés, infractions présumées pénales commises sur la gestion du fonds de riposte Covid durant les années 2020-2021 ; des nébuleuses affaires sur la délivrance des licences de pêche en violation du code de la pêche maritime par le ministère en charge des pêches, des scandales portant sur une grosse assiette financière allouée à des ministères, destinée à l’acquisition de vivres, de kits détergents, d’autres produits et prestations de services de transport dans le cadre de la lutte contre la pandémie Covid-19 ; des actes de gestion nébuleuse du patrimoine foncier au Sénégal dont le récent dossier de Mbour 4 et la Nouvelle Ville de Thiès. Il a fallu que tous ces rapports soient récemment déclassifiés pour comprendre les raisons pour lesquelles le président Macky Sall, qui était le seul et le premier destinataire de ces dossiers top-secret, avait préféré y poser son coude dans l’ignorance d’authentiques et fidèles militants.
Par ailleurs, les dernières décisions impopulaires prises par le président Macky Sall, à savoir l’amnistie de toutes les violences survenues en 2021-2022-2023, son implication personnelle et l’usage de tous ses moyens pour repousser les élections sous prétexte d’accusation de corruption qu’il impute à Amadou Ba et à des magistrats constitutionnels, ont plongé le pays dans l’incertitude et ont déstabilisé le dernier processus électoral au Sénégal.
À cela s’ajoute une situation de crise institutionnelle sans précédent, entre le Conseil constitutionnel, l’Assemblée nationale et le président de la République, que cela aurait pu engager le pays. De ces situations confuses, les sénégalais ont été incapables d’avoir une idée claire sur la vision et les programmes de tous les candidats à l’élection présidentielle. Sur le plan politiquement interne à l’APR, son discours adressé aux militants à New York le 21 septembre 2023 où le président Macky Sall disait qu’Amadou Ba était un candidat passable mais meilleur que les autres candidats de BBY (en wolof - « Si candidats Benno yeup, Amadou Ba mooy candidat bi si tané ») suivi de son abstinence et du sabotage pendant la campagne du candidat de BBy avec l’aide de ses responsables complices, m’ont permis de douter de la sincérité de son choix. Aux vues de tous ces éléments et après avoir mûrement réfléchi, j’ai pris la décision de démissionner et de quitter l’Alliance Pour la République à compter de la présente date pour devenir libre de tous partis politiques
Soucieux du développement de mon pays, je continuerai à m’y impliquer en m’appuyant sur son développement à travers mon mouvement « Sunu yitte », mais aussi sur mon expertise, mes ressources et mon réseau personnels. Ma priorité sera de continuer les actions sociales et économiques que j’avais initiées l’année dernière à Louga, ensuite je procéderai à l’élargissement de celles-ci au niveau national. Je vous remercie.
Ismaila A. Guisse est membre fondateur d’APR au Canada en 2009, ancien coordonnateur national en 2011- 2018, mandataire national de BBY lors des élections présidentielles et législatives de 2012, ancien coordonnateur-adjoint en 2018- 2024/05. Actuellement Président du mouvement « Sunu Yitte » / « Louga Sunu Yitte » Unis pour le Développement de nos localités
Par Seydina Ousmane DIAW
L’ASSAINISSEMENT DANS LA DECENTRALISATION !
A deux ou trois mois de l’hivernage, je saisis ce contexte pour préciser la responsabilité des collectivités territoriales dans la gestion de l’assainissement, notamment les eaux usées et pluviales.
A deux ou trois mois de l’hivernage, je saisis ce contexte pour préciser la responsabilité des collectivités territoriales dans la gestion de l’assainissement, notamment les eaux usées et pluviales.
L'intervention des collectivités locales dans le sous-secteur de l'assainissement se fait dans des cadres diversifiés comme les projets, en coopération décentralisée, en collaboration avec les ONG ou les services de l'Etat.
Il faut rappeler que l’Article L 7 du Code de l’assainissement prévoit que les collectivités territoriales, notamment les communes sont responsables, concurremment avec l’Etat, du financement des investissements et des exploitations des ouvrages de collecte et d’évacuation des eaux pluviales précisément les canaux à ciel ouvert.
Et l’Article L 8 préconise que toute commune doit être dotée d’un plan directeur d’assainissement des eaux usées et eaux pluviales et toute commune rurale doit également être dotée d’un plan local hydraulique et d’assainissement.
En somme, la Loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités territoriales précise les compétences des communes, notamment en matière de planification, particulièrement dans les domaines de l’urbanisme, de l’habitat et de la gestion des ressources naturelles et de l’environnement qui impactent le sous-secteur de l’assainissement.
Bien que la compétence assainissement ne soit pas spécifiquement transférée aux collectivités territoriales à travers les textes législatifs et règlementaires, elles peuvent au regard de la compétence générale (Article 81 du CGCT) agir à plusieurs niveaux à savoir la planification de l’assainissement, la réalisation de plans directeurs de l’assainissement combinant les eaux usées et pluviales et les déchets, la définition de stratégie locale d’accès à l’assainissement (accès social, subvention des projets de l’Etat et ses partenaires) , la réalisation, la gestion et l’entretien d’équipement d’assainissement notamment dans les lieux publics (écoles, postes de santé et marchés…), la campagne de sensibilisation aux changements de comportement ou pratiques. Ces interventions des collectivités territoriales doivent être encadrées et accompagnées par les services techniques régionaux d’assainissement.
La Direction de l’Assainissement appuie les collectivités décentralisées dans la conception et la mise en œuvre de projets d’assainissement.
Cependant, un flou existe du fait que le Code général des Collectivités territoriales traite l’assainissement de manière indirecte. Il faut noter que les moyens financiers, les ressources humaines qualifiées et les compétences techniques suffisantes sont des défis pour les collectivités territoriales pour la prise en charge la gestion des infrastructures urbaines et de l’assainissement en général.
De manière générale, on observe que les activités de collecte, de transport et d’évacuation des eaux usées et pluviales sont régies par le Code de l’assainissement qui a pour motivation principale de regrouper l’ensemble des textes et lois relatifs à l’assainissement.
SEYDINA OUSMANE DIAW
* Juriste internationaliste, Spécialiste des questions de la mondialisation, particulièrement le commerce international et l’environnement,
* Chercheur à l’Institut des Sciences de l’Environnement, spécialisé sur les questions relatives à l’Eau, à l’assainissement et à l’Hygiène.
Par Malick NDAW
DIPLOMATIE PARALLELE
La diplomatie obéit à des règles et celles-ci ne sauraient être sacrifiées sur l’autel d’un pseudo « panafricanisme de gauche » qui prône une diplomatie parallèle : Bassirou chez les légalistes, Ousmane chez les putschistes. Une première au monde.
La présence du militaire putschiste, Doumbouya, lors de l’investiture du président sénégalais, le 2 avril dernier, pouvait encore faire sourire, encore que les salves d’applaudissements qui ont salué son apparition pouvaient faire grincer des dents. L’autre image que le recul permet de regarder à la loupe, se trouve dans les visites de proximité dans la sous-région que le nouveau président sénégalais entame depuis son installation. Mauritanie, Gambie, Côte d’Ivoire… Des pays qu’on peut qualifier de démocratiques puisque le principe en vigueur y est l’élection au suffrage universel. Au même moment, son Premier ministre, lui, a prévu de se rendre auprès des juntes militaires au Mali, Burkina Faso et Niger. La question est de savoir à quel titre il compte rendre visite à ces juntes qui s’éternisent dans la transition ; le chef du parti Pastef, ou le Premier ministre ?
L’un dans l’autre, « il serait dangereux que le chef de parti interfère dans la politique diplomatique de l’Etat », dixit Abdoulaye Seydou Sow, désormais ex-ministre de l’Urbanisme, lors d’une récente émission télé. Certains avancent que la motivation serait de tenter de convaincre ces pays constitués en Alliance des États du Sahel (AES), de revenir dans l’organisation sous-régionale de la CEDEAO qu’ils ont décidé, le 28 janvier dernier, de quitter. Que nenni !
D’abord cela ne relève pas des prérogatives d’un Premier ministre qui au demeurant, à beaucoup à faire au plan intérieur avec les dossiers chauds du coût de la vie qui l’attendent. Ensuite, une organisation comme la Cedeao a besoin d’un médiateur bien plus prestigieux qu’un Premier ministre (sans faire offense à la fonction), où à tout le moins son ministre des Affaires étrangères. Après tout, ne s’agit-il pas, là, de la politique diplomatique ? Par ailleurs, il y a tout de même un préalable au retour de ces pays dans l’instance Cedeao et c’est le rétablissement constitutionnel. Il n’est d’ailleurs pas certain que c’est le souhait de ces peuples de sortir de la Cedeao, une décision prise… manu militari.
Autrement dit, les juntes militaires doivent incessamment mettre fin à la transition et organiser des élections en bonne et due forme. C’est ce que ces mêmes peuples réclament.
Mais visiblement, les militaires putschistes n’en ont cure et affichent une volonté manifeste de s’éterniser au pouvoir. Le Premier ministre malien, Choguel Maïga, a d’ailleurs annoncé la couleur, récemment, en s’arrogeant l’outrecuidance de donner des leçons au Sénégal, allant jusqu’à nier la démocratie sénégalaise qui a permis l’actuelle alternance dans notre pays.
Lors de sa première adresse, le 25 mars 2024, le Président Faye avait plaidé pour la « construction de l’intégration » au sein de l’instance ouest-africaine. Une expression, on ne peut plus clair, d’une confirmation de l’ancrage du Sénégal dans la Cedeao. « Tout en corrigeant les faiblesses », avait ajouté le président Faye. Qu’à cela ne tienne !
Pour sa part, le rapprochement de Ousmane Sonko de ces juntes militaires n’a en fait rien de surprenant. Qui ne se souvient de ses appels du pied à l’armée sénégalaise pour qu’elle « prenne ses responsabilités ». On était alors en pleines tensions post électorales et, un peu plus tard, des informations persistantes faisaient état d’une incitation à un coup d’état militaire au Sénégal. Dans la période du report de la présidentielle où on a pu enregistrer quelques morts, plusieurs officiers subalternes auraient été approchés par leurs collègues des pays membres de l'AES, (le Mali, le Burkina, et le Niger), les incitant à… « prendre leurs responsabilités ». Des messages vocaux et écrits auraient même été interceptés par les services de renseignements sénégalais et feraient l'objet d'une enquête minutieuse de l'état-major, imbu des principes fondamentaux de l'intégrité et de la dévotion à la Nation qui sont censés guider ceux qui portent l'uniforme, qui avait pris cette affaire très au sérieux.
Toutes choses qui démontrent le mal fondé de ce rapprochement du sieur Ousmane aux juntes militaires.
La diplomatie obéit à des règles et celles-ci ne sauraient être sacrifiées sur l’autel d’un pseudo « panafricanisme de gauche » qui prône une diplomatie parallèle : Bassirou chez les légalistes, Ousmane chez les putschistes. Une première au monde.
MALICK NDAW
Par Fadel DIA
GAZA VS EL NIÑO
Dans quel état serait le monde si l’Etat d’Israël (qui est aujourd’hui deux fois moins vaste que la région de Tambacounda) comptait 1,4 milliard d’habitants et avait le potentiel humain, industriel, financier et scientifique de la Chine ?
Dans quel état serait le monde si l’Etat d’Israël (qui est aujourd’hui deux fois moins vaste que la région de Tambacounda) comptait 1,4 milliard d’habitants et avait le potentiel humain, industriel, financier et scientifique de la Chine ? Probablement un tas de ruines, pas un Arabe sur un rayon de plusieurs centaines de kilomètres autour de Jérusalem, la mosquée Al Aqsa rasée et celles de La Mecque et de Médine réduites en poussière, et sans doute quelques Hiroshimas parachutés à Téhéran, Johannesburg, Istanbul et peut-être même à Dublin !
Israël ,qui doit son existence à une résolution des Nations Unies , s’est toujours illustré par ses refus systématiques d’appliquer les décisions de cette institution, celles de son Assemblée Générale aussi bien que celles, pourtant contraignantes ,de son Conseil de Sécurité, et on peut donc se demander dans quel état serait l’organisation mondiale si l’Etat hébreu y occupait la place qui est aujourd’hui celle des Etats-Unis, avec droit de veto, le privilège de pouvoir infliger des sanctions et des représailles contre tous ceux qui ne votent pas comme eux et de décider ce qui est blâmable et ce qui ne l’est pas.
L’ONU, ou ce qui en reste, devra probablement renier sa charte fondée sur sa « foi dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droit des hommes et des femmes et celle des nations, petites ou grandes… dans le respect des obligations nées du droit international ». Israël pratique l’apartheid sur son territoire et démontre chaque jour le peu de cas qu’il fait des principes et des lois du droit international. Un de ses ministres a proclamé, sans avoir été dédit, que les Palestiniens étaient des bêtes et qu’il fallait les traiter comme telles, un autre que les Arabes grimpaient encore sur les arbres quand les Juifs administraient une nation, et l’un des partis qui compose la coalition qui gouverne le pays a pour doctrines la suprématie de la loi divine sur celle de la République et la suprématie du peuple juif sur tous les autres peuples du monde…
Israël c’est El Nino, et partout où sa main passe ce ne sont que ruines et désolation car ses dirigeants ne croient qu’à la force des armes et la guerre est devenue leur industrie lourde et la source principale de leurs revenus. Mais alors que le phénomène climatique échappe au contrôle des hommes et peut sévir partout dans le monde, le El Nino israélien résulte de la seule décision d’un gouvernement et a pour unique cible la même zone : le Proche Orient arabe ou musulman et son bilan au cours de ces derniers mois est édifiant et a été qualifié par les NationsUnies de « catastrophe sans précédent ».
Jugez-en :
-plus de 35000 morts sur le territoire de Gaza, dont la majorité sont des femmes et des enfants, 250 humanitaires et plus de 120 journalistes tués et Al Jazira est fermé…Il n’y a plus à Gaza d’assistance humanitaire ou de témoins indépendants des crimes qui y sont commis ;
-il n’y a plus d’écoles, d’hôpitaux, d’infrastructures ou de services publics, d’eau ou d’électricité, plus de nourriture pour plus de deux millions d’habitants et c’est la première fois que l’arme de la famine est appliquée à cette échelle.
Israël veut « tuer toute possibilité de réconciliation entre les peuples » (Elias Sambar), il a déjà entrepris « la reconfiguration de la bande de Gaza à sa main » (Le Monde), sans doute un prélude à sa recolonisation, à moins qu’il ne réduise l’enclave en désert absolu en noyant la nappe phréatique par des invasions d’eau de mer…
Ce qui était présenté il y a sept mois comme une opération de représailles anti-terroriste s’est transformé en massacre d’un peuple, au point que les plus hautes institutions internationales (ONU, CIJ, HCR etc.) n’hésitent plus à parler de génocide , ce qui est une insulte pour une nation rescapée des crimes nazis.
Le génocide, ce n’est plus les autres , et c’est un tournant dans l’histoire d’Israël !
Le scénario du pire est devenu réalité, Israël a occupé le poste frontière de Rafah, seule entrée de secours, a lancé, comme il l’avait promis malgré tous les avertissements, des attaques meurtrières contre ce qui était le dernier refuge des Gazaouis et où s’agglutinent, dans le dénuement le plus complet, 1,4 million de réfugiés !
Mais le El Nino israélien ne souffle pas que sur Gaza, il n’épargne ni le Liban ni la Syrie et il a porté le feu jusqu’à Ispahan, en Iran. En Cisjordanie occupée les colons israéliens se livrent à leur jeu favori, la ratonnade, voire l’exécution sommaire, des Palestiniens et les bédouins du Néguev se sont vus refuser le droit d’avoir des abris contre les missiles ! Toutes les institutions du système de Nations –Unies (HCR, PAM, OMS, UNRWA etc.), les organisations humanitaires les plus compétentes, les ONG et les organisations politiques du monde entier ont dénoncé ce recours systématique et impuni à la violence par un Etat qui compte moins de 10 millions d’habitants, mais Israël n’en a cure. Il a acquis ce privilège que toutes les attaques ou provocations auxquelles il se livre sont assimilées à des acte de défense légitime, que toute critique de sa politique est le signe d’un comportement antisémite. On ne tue jamais un Israélien, on ne tue qu’un juif. Seul au monde, il a ce privilège que ce sont les Etats qui se sont érigés en curateurs des droits de l’homme qui, avec la complicité de quelques pays arabes, arment son bras, défendent son ciel et lui assurent les soutiens financiers qui lui permettent de survivre en vivant audessus de ses moyens. Sa politique extérieure est faite de caricatures et de mensonges, il avait promis de mettre à jour la base sophistiquée que le Hamas aurait installée à Gaza , il fait croire au monde que Hamas et Palestiniens ne font qu’un !
Alors les étudiants des plus prestigieuses universités du monde ont ressuscité le town hall politique pour dénoncer les massacres d’innocents et exiger plus de lumière sur les accords qui lient leurs universités avec celles d’Israël, et l’on a déjà appris que les questions de sécurité y étaient souvent en première ligne. Eux n’ont pas peur de mettre en cause la légitimité même de l’Etat d’Israël et à défendre le droit de la terre des Palestiniens et leurs voix comptent parce qu’ils viennent des seuls pays dont les avis importent aux yeux des autorités israéliennes et parce que ce sont eux qui, demain, seront aux commandes des affaires dans ces pays.
C’est dire que le temps travaille contre Israël !
Il y a quelques jours l’Assemblée Générale de l’ONU s’est prononcée à une écrasante majorité pour l’admission de la Palestine en son sein, avec tous les droits d’Etat membre, et seuls neuf membres ont voté contre cette résolution, et parmi eux aucun Etat d’Afrique ou d’Asie et un seul d’Amérique Latine et des Caraïbes. C’est cela la vraie punition de Netanyahu : son pays qui était fondé sur des idéaux de justice et d’égalité, ne peut plus compter que sur le soutien de son parrain, lui-même rongé par le doute, les Etats-Unis, celui de micro-Etats d’Océanie qui lui sont embedded (ex : Palau : 450 km2,18 000 habitants !), et celui de gouvernements d’extrême droite, populistes, xénophobes ,libertaires ou « illibéraux », comme ceux de Viktor Orban , en Hongrie ,ou de Javier Milei ,en Argentine, qui appliquent des politiques condamnées, et c’est un comble, par le Comité international d’Auschwitz qui gère la commémoration de la Shoah !