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25 novembre 2024
Politique
par Patrick Chamoiseau
KALINAGO ET ARAWAK POUR UNE CITOYENNETÉ TRANSNATIONALE
Ne devrions-nous pas, tous autant que nous sommes, soustraire notre horizon au seul modèle de l’État-nation occidental, à son nationalisme meurtrier, pour y multiplier les rhizomes d’une « nation-relation »
À l’heure où les grandes nations se raidissent dans des levées guerrières, nous pouvons — nous, de la Caraïbe — distinguer un murmure. Celui qui monte de la mer et qui nous invite à une reconnaissance. L’Inde et le Bénin, dans un élan de justice mémorielle, l’ont entendu. Ils offrent une citoyenneté de cœur à ceux que la Traite et la colonisation ont enlevés à leur sol. Une porte inédite s’est ainsi ouverte à ceux d’entre nous qui désirent amplifier leur extension au monde. Que l’on s’en serve ou pas relève d’une stricte éthique individuelle. Mais, nous pouvons globalement en peser l’intention.
Au-delà des choix personnels, ne devrions-nous pas, tous autant que nous sommes, soustraire notre horizon au seul modèle de l’État-nation occidental, à son nationalisme meurtrier, pour y multiplier les rhizomes d’une « nation-relation » ‒ celle que nous avons (Édouard Glissant et moi) évoquée dans bien des manifestes ?
De la source à la ressource
Avec la colonisation, la globalisation capitaliste, les mouvements aléatoires des peuples et des individus, le monde s’est pris de créolisation. Il a réactivé en lui (à haute intensité, à grande échelle et sans frontières) le brassage des diversités humaines et non humaines qui composent le vivant. Ce brassage n’est rien d’autre qu’un principe fondateur, non seulement du vivant lui-même, mais aussi des communautés d’Homo sapiens qui se sont mises en place depuis la nuit des temps. Dès lors, tous les peuples, sociétés et cultures d’aujourd’hui, sont exposés à des mélanges relationnels qui font d’eux des pays culturellement composites… Tous sont, soit nés dans le Divers, soit en devenir imprédictible dans le Divers.
Hélas, les imaginaires humains (dans leurs absolus communautaires antagonistes) ont tendance à oublier ce rapport organique à la diversité. Les multiplicités intérieures (post-coloniales, accélérées, soudainement agissantes) affolent les imaginaires restés monolithiques. Un incertain identitaire ébranle les anciennes illusions, tant du bord des coloniaux attardés que de celui des décoloniaux énervés. Pourtant, la santé mentale de notre époque consiste à simplement accepter la loi diverselle du vivant. Ce qui revient pour chacun à accepter toutes ses origines, sans en omettre une seule. À les envisager une à une, nullement comme cicatrices à conjurer, mais comme des sources vives qui deviennent des ressources, et qui irriguent ainsi la profondeur et l’étendue de nos présences au monde. C’est le défi de notre temps.
Désapparition
Ici, dans notre archipel caribéen, chaque volcan élève une stèle aux peuples premiers génocidés. Avant l’arrivée des Européens, cette zone accueillait près de deux millions de natifs – sociétés Taïnos, sociétés Kalinagos. En quelques décennies, victimes de maladies, de massacres, et de toutes qualités d’asservissements, elles se sont retrouvées gisantes, éparpillées de par les îles, en quelques milliers de survivants. Cet effondrement constitue un impensable conceptuel. Les vagues y font frémir les silences, les cris et les soupirs, de ceux qui sont venus d’eux-mêmes, et de ceux que l’on a charroyés pour le besoin des colonisations. C’est l’écume de ces vagues qui distille un intranquille murmure, habité de mille sources, virtuel de mille ressources.
Hélas, dans ce chaos génésique, les descendants des Arawaks et des Kalinagos, ne sont plus que des sources négligées, et donc, en ce qui concerne notre devenir à nous caribéens, des ressources potentielles abimées. À l’heureuse du bonheur, leurs formidables équations culturelles n’ont pas pris disparaître malgré le génocide ; elles ont seulement désapparu, nourrissant par en-bas, mais nourrissant malement, ce que nous sommes maintenant. Il est temps de les reconnaître. Il est temps de nous ouvrir en eux, de les ouvrir en nous – non en ombres folkloriques, mais en citoyens d’office, sujets trans-nationaux, de notre grande Caraïbe qu’ils savaient, de toute éternité, concevoir dans une continuité de terre, de ciel, de mer, d’aller-virer et de balans du vent.
Blason
Alors, tenons cette poétique : ouvrir nos pays ; permettre à ces filles et ces fils de l’horizon premier, de circuler sans chaînes, de s’enraciner comme bon leur semble dans chacune de nos terres, sans accrocs ni barrières. Offrons-leur (et offrons-nous dans le même temps) un moment de justice historique, un éclat d’élégance mémorielle : le blason d’une vision hospitalière du monde.
Cette citoyenneté-en-étendue serait une réparation symbolique du génocide inaugural. Elle leur rétablirait une présence plénière parmi nous, laquelle deviendrait la trame incontestable de notre espace commun. La Caraïbe pourrait ainsi déserter sa chimère d’insularités éclatées, sans mouvement d’ensemble autre que celui, absurdement capitaliste, d’une liturgie économique. Elle pourrait ouvrir la ronde d’une rythmique de jazz où chaque île-pays s’amplifierait des échos et des richesses des autres ; où chaque citoyen improviserait en lui toutes les histoires, toutes les mémoires, toutes les souffrances, mais aussi toutes les beautés de ce qui constitue la gamme géographique la plus créole et la plus musicale du monde.
Nations-relation
Nous, du pays-Martinique, avons encore à nous débarrasser des vyé zombis mentaux qui nous lient aux abrutissements de l’outremer français. Riches d’une souveraineté optimale, maîtrisant nos interdépendances avec la France, avec l’Europe, nous pourrions enfin assumer nos en-communs de destin avec la Caraïbe. Et kisa de plus beau, de plus juste, de plus vrai, que d’amorcer cette utopie refondatrice en reconnaissant Kalinagos et Arawaks comme fils ainés — inaliénables, légaux et légitimes ! — de notre bel archipel ? Kisa de plus exaltant que de les retrouver libres de le parcourir, de l’habiter au vent, de l’enchanter des sillons de leurs chants, de leurs récits, des kanawas pacifiques de leurs vies ?
Voici une des beautés que cette citoyenneté va engendrer : la Caraïbe s’élèvera en une belle offrande de complexité historique, patrimoniale, mémorielle, de géopolitique démiurge, de solidarité généreuse, et pour tout dire : de Relation. La référence à cette poétique de la Relation d’Édouard Glissant est ici obidjoule. Le poète proposait une gourmandise du monde où les rapports entre les peuples, les cultures, les territoires et les individus, ne seraient plus de dominations ou d’exclusives souveraines. Elles s’agenceraient dans l’interaction horizontale des différences, et de ces surgissements qui naissent sans fin de leurs rencontres. Cette vision récuse les cadres usés des vieux États-nations, le plus souvent moisis sur des verticales du pouvoir et de l’identité. Elle nous offre une partition polyrythmique pour improviser ensemble une mélodie d’alliances plus fluides, plus inclusives de nos appartenances. Danser ça ! auraient admis les répondeurs.
Donc : ni outremer, ni empire, ni fédération, ni confédération, ni zone de libre-échange…, mais l’inouï d’une catégorie juridique nouvelle : l’ouvert d’un archipel-relationnel qu’il nous revient d’imaginer. Chaque descendant des Arawaks et des Kalinagos pourra y retrouver sa terre-mer-archipel, sa voix originelle, sa voie caribéenne, y libérer son devenir dans tous nos devenirs. Il ne s’agit plus de seulement réparer les crimes du passé, mais ‒ sans pathos, sans haine, et sans rien oublier ‒ d’agencer une présence caribéenne où chaque source s’étincelle dans les autres, où les jouvences de l’un viennent compenser les vieillissements de l’autre, où chaque célébration relationnelle acquise, exalte le diversel fondal-natal de nos humanités. C’est un Faire-caraïbe ! auraient crié les répondeurs.
Une nouvelle cheffe des Kalinago de la Dominique vient d’être élue. Il s’agit de Mme Anette-Thomas Sandford. S’il nous fallait lui formuler un hommage, ce serait cette adresse ouverte, destinée à toutes les organisations officielles et entités civiles qui envisagent une autre Caraïbe 1 . Y souscrire sublimerait nos solidarités. La mettre en œuvre désignerait au monde une manière de transcender l’héritage terrifiant des méfaits coloniaux et des folies de la Traite. La proclamer esquisserait surtout un joli pas de tango vers l’idée des « nations-relation » — celles qui sont à venir, celles qui se verront tissées de souverainetés intimes poussées à l’optimal ; celles qui augureront d’une citoyenneté neuve, joyeuse, post-capitaliste, planétaire, poétique et nomade. C’est l’horizon de notre Faire-pays ! auraient hélé les répondeurs.
1 – Association des États de la Caraïbes (A.E.C.), Organisation des États de la Caraïbe orientale (O.E.C.O.), Communauté des Caraïbes (CARICOM), Système d’intégration Centraméricain (SICA), Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), à l’Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR)…etc.
L'HÉRITAGE MAOÏSTE DANS LA POLITIQUE SÉNÉGALAISE
Du Petit Livre rouge aux hautes sphères de l'État, toute une génération de politiciens et d'intellectuels a été façonnée par ce mouvement radical. Aujourd'hui encore, des figures comme Madièye Mbodj témoignent de cette empreinte durable
(SenePlus) - Dans les coulisses du pouvoir sénégalais, une tendance discrète mais persistante se dessine : la présence d'anciens maoïstes dans les hautes sphères de l'État. Ce phénomène, peu connu du grand public, témoigne de l'influence durable d'un mouvement qui a marqué toute une génération d'intellectuels et de politiciens.
Comme le rapporte Le Monde, "c'est une règle non écrite de la vie politique sénégalaise. Depuis deux décennies, on trouve toujours un ancien maoïste dans les hautes sphères du pouvoir." Cette réalité se vérifie encore aujourd'hui, avec la présence de Madièye Mbodj, un "mao" historique, comme conseiller du nouveau président Bassirou Diomaye Faye.
L'influence maoïste au Sénégal remonte aux années 1970, une période marquée par l'effervescence intellectuelle et politique dans le monde entier. Dans un Sénégal alors dirigé par Léopold Sédar Senghor, les idées marxistes gagnent du terrain parmi la jeunesse. Cependant, c'est la pensée de Mao Zedong qui trouve un écho particulier auprès des jeunes sénégalais.
Mamadou "Mao" Wane, sociologue et figure emblématique de ce mouvement, raconte : "Issa Samb alias 'Joe Ouakam', l'un des plus célèbres artistes contemporains sénégalais décédé en 2017, ramenait secrètement de Mauritanie des exemplaires du livre en traversant le fleuve entre les deux pays." Cette anecdote illustre le caractère clandestin et risqué de l'engagement maoïste à l'époque, la simple possession du Petit Livre rouge pouvant entraîner des ennuis avec la police.
Malgré ces risques, le mouvement attire de nombreux jeunes, séduits par ses activités culturelles et son approche intellectuelle. El Hadj Kassé, ancien maoïste devenu écrivain et conseiller politique, explique : "Chaque militant devait être 'rouge et technicien'. Nous lisions de l'économie, des sciences dures, des traités d'ingénierie… Nous traduisions en wolof des textes pointus pour les lire dans des groupes ouvriers…"
Cette formation rigoureuse a contribué à façonner une génération de penseurs et d'acteurs politiques. Parmi eux, on trouve des figures comme Omar Blondin Diop, intellectuel brillant et figure subversive, dont la mort en détention en 1973 reste entourée de mystère.
L'influence du mouvement maoïste au Sénégal ne s'est pas limitée à la sphère politique. Il a également joué un rôle précurseur dans plusieurs domaines. Comme le souligne Le Monde, "l'organisation féministe pionnière Yewwu Yewi ('Prendre conscience et se libérer' en wolof) naît de leurs rangs dans les années 1980." De plus, les anciens maoïstes continuent d'animer les débats sur les orientations économiques et le développement du pays, à l'image de l'économiste Demba Moussa Dembele, critique du franc CFA.
Le mouvement maoïste a également joué un rôle crucial dans la transition démocratique du Sénégal. Un ancien ministre, cité anonymement par Le Monde, affirme : "Les maoïstes ont été des acteurs importants de la transition démocratique. À la fin des années 1970, certains ont rejoint l'organisation panafricaniste dirigée par Cheikh Anta Diop, le Rassemblement national démocratique, qui a participé à exercer une pression sur le président Senghor afin que le Sénégal accède au multipartisme."
Cette influence s'est poursuivie dans les années 2000, lorsque Landing Savané, leader du parti maoïste And Jëf, a soutenu la candidature d'Abdoulaye Wade, contribuant ainsi à la première alternance politique du pays.
Aujourd'hui, si les anciens maoïstes ont emprunté des chemins politiques divergents, beaucoup gardent des liens forts. El Hadj Kassé souligne : "Il y a de l'estime, du respect entre nous malgré les divergences, du fait de cette époque partagée."
L'héritage maoïste dans la politique sénégalaise contemporaine soulève des questions intéressantes sur l'évolution des idéologies et leur adaptation aux réalités du pouvoir. Comme le note un ancien militant cité par Le Monde : "Les anciens révolutionnaires étaient nombreux au gouvernement lors du rétablissement des relations entre la Chine et le Sénégal en 2005. [...] Quand il rencontre un communiste chinois, il le comprend vite, il connaît cette culture."
Cette connaissance approfondie de la culture politique chinoise pourrait-elle jouer un rôle dans les relations sino-sénégalaises actuelles ? Bien que ce facteur ne soit pas déterminant, il ajoute une dimension intéressante à l'analyse des dynamiques politiques et diplomatiques entre les deux pays.
Par Hamidou ANNE
LE PROJET CONTRE LE NEANT VERBEUX
Ceux qui se prévalent d’un projet de changement «systémique» devraient enfin l’exposer devant la représentation nationale. Au lieu de réduire la discussion politique à une querelle sur la machine à café
La polémique politicienne tente de masquer les vraies questions liées à l’économie et aux pas majeurs franchis par notre pays durant la dernière décennie. Le Sénégal est un pays à bâtir, à transformer en profondeur et à propulser sur la scène internationale comme un modèle de démocratie solide et d’économie conquérante. Dans le livre-bilan publié par l’ancien régime et intitulé «Macky Sall : 12 ans à la tête du Sénégal», une réalité saute aux yeux, relative à la continuité de l’Etat et à la nécessité de poursuivre l’œuvre de transformation économique et sociale dans la paix et la stabilité. A ce sujet, le régime du Président Macky Sall avait esquissé un plan pour continuer les efforts entrepris avec le Pse, articulés dans des projets, des programmes et des financements ambitieux.
Dans l’ouvrage précité, à la partie «Défis et perspectives», il est mis en évidence les projections contenues dans le Programme d’actions prioritaires (Pap3), qui devait prendre le relais du Pap2a dont la conception avait été dictée par la crise du coronavirus et la nécessité de préserver notre pays de la récession. D’ailleurs, notre excellente gestion du Covid-19, de même que notre capacité d’anticipation avaient permis de rendre notre économie résiliente aux chocs.
Le Pap3 dont l’ouvrage décline les différents axes, articule les politiques publiques entre 2024 et 2028. Il met en exergue cinq défis : la construction d’une économie compétitive, inclusive et résiliente ; le développement d’un capital humain de qualité et la capture du dividende démographique ; le renforcement de la résilience des communautés face aux risques de catastrophes ; la consolidation de la gouvernance ; et la promotion d’une Administration publique moderne, transparente et performante.
Dans le Pap3 conçu par les fonctionnaires de l’Etat du Sénégal, que des ignorants appellent «Système», il est prévu une augmentation massive du montant global de financement. Celui-ci est estimé à 27 182 milliards F Cfa contre 14 712 milliards F Cfa pour le Pap2a, soit une augmentation de 84, 8% en valeur relative. Ce volume est réparti ainsi qu’il suit : Public pur : 13 359 milliards F Cfa ; Privé pur : 9215 milliards F Cfa ; Ppp : 4605 milliards F Cfa dont la contrepartie de l’Etat est de 1152 milliards F Cfa.
Le Pap3, dans le cadre d’un paquet de 32 projets et de 22 réformes, a comme ambition une accélération de la croissance économique, avec un taux moyen annuel qui passerait à 7, 7%. L’Indice de développement humain passerait de 0, 51 en 2021 à 0, 59 en 2028. Quant à la pauvreté, elle baisse à 25% en 2028 contre 37, 8% en 2019.
La phase 3 du Pse a également prévu une hausse du Pib par tête, de 845 449, 2 en 2023 à 1 061 452, 6 en 2028. Sur la même période, il est attendu une augmentation significative du taux des exportations par tête qui passerait de 192 092 F Cfa à 417 720 F Cfa, ainsi qu’un accès global à l’électricité qui devrait atteindre les 100% en 2028. Ce chiffre éloquent est obtenu grâce aux efforts massifs déployés dans le cadre de l’électrification rurale.
Le Pap3 est opérationnalisé par un Programme d’investissements prioritaires (Pip) 2024-2026 dont le Parlement est informé et dont les financements sont obtenus. Il s’agit d’un volume d’investissements de 9 434 924 380 771 F Cfa réparti annuellement comme suit : 1 889 271 569 999 en 2024, 3 263 055 708 759 en 2025 et 4 282 597 102 011 en 2026.
Ces investissements reprennent et amplifient les priorités stratégiques de la politique économique du Sénégal déroulée dans le cadre du Pse depuis 2014. Ils concernent l’agriculture et l’industrie, les infrastructures et le désenclavement, l’éducation nationale, surtout l’enseignement technique et professionnel.
Le Pap3 réitère également la politique sociale dont les six marqueurs forts sont renforcés, comme le Pudc et le Programme des bourses de sécurité familiale.
Les dirigeants actuels ont fondé leur discours politique sur la préférence nationale. En moins d’un semestre d’exercice du pouvoir, l’activité économique ralentit à cause des effets combinés de l’acharnement fiscal, du pilotage à vue, de l’incertitude, des menaces et de la perte de confiance. Or, dans le Pap3, l’orientation est claire. Après des investissements publics soutenus pour les deux premiers Pap, il fallait hausser la contribution du secteur privé à hauteur de 46, 6%, à travers des mesures incitatives, une politique agressive de promotion et un cadre juridique réformé. L’ambition du Pap3 est de faire du secteur privé national le véritable moteur de l’industrialisation et de l’émergence.
Ceux qui se prévalent d’un projet de changement «systémique» devraient enfin l’exposer devant la représentation nationale. Ils ont l’obligation d’inscrire dans l’agenda politique national, le débat sur les orientations économiques et sociales au lieu de réduire la discussion politique à une querelle sur le tapis rouge, la machine à café, la salle de sport et les schémas puérils. La brutalité dans les méthodes, le langage ordurier et la vacuité intellectuelle ne sauraient constituer un programme de gouvernement solide et crédible. Ils ne projettent pas non plus une vision à même d’accélérer la cadence de notre économie et de renforcer l’image du Sénégal sur la scène internationale.
L’ancienne majorité a présenté son bilan de douze années et a expliqué sa méthode pour gouverner le pays sur les cinq prochaines années. Elle n’aura pas l’occasion de dérouler le Pap3 conformément au verdict des urnes. Ceux-là qui sont en responsabilité devraient mettre un terme à l’évitement du débat programmatique, quitter le débat sur la vaisselle et l’électroménager, et enfin fixer un cap pour le pays.
Le régime a le droit de provoquer des élections législatives anticipées pour sauver son chef du gouvernement d’un naufrage devant les députés et devant toutes les caméras du monde. Car l’outrance et l’outrage dans une langue au demeurant sommaire sont tout de même assez insuffisants pour tenir lieu de Déclaration de politique générale.
Ma conviction est faite : nous avons le devoir de mettre rapidement un terme à cette farce de mauvais goût par la voie des urnes, en remplaçant le néant verbeux par un véritable projet de transformation économique et sociale du Sénégal.
par Alioune Tine
ABDU ÉTAIT UN APÔTRE DE LA PAIX
Intellectuel d'une rare densité, socio-anthropologue, il analysait les faits, les événements et les actes avec une impayable force de persuasion, une extraordinaire finesse, et un style voltairien, qui donnait une saveur particulière à ces textes
Abdu Ndukhur Kacc Faye n'est plus. Une terrible nouvelle pour la paix en Casamance. Car Abdu était un apôtre de la paix. Il est mort pour la paix en Casamance.
Le 12 avril, il passe nous voir à Afrikajom Center pour nous informer du travail fantastique qu'il fait sur le terrain, à Oussouye, en Guinée Bissau et nous demandait de l'accompagner. Il rencontrait tous les acteurs pouvant exercer une influence pour une paix définitive. Parlant aux rois de la Basse Casamance, les leaders et combattants du MFDC, mais aussi les autorités politiques et militaires. Travail consistant aussi à nettoyer les terrains infectés par les mines antipersonnels, mais aussi à préserver la forêt.
La Casamance, le Sénégal vient de perdre un apôtre de la paix en Casamance. Il avait un grand amour de cet environnement, des paysages, de la faune et de la flore qu'il photographier avec un art consommé. Intellectuel d'une rare densité, socio-anthropologue, il analysait les faits, les événements et les actes avec une impayable force de persuasion, avec une extraordinaire finesse, et un style voltairien qui donnait une saveur particulière à ces textes qui se dégustait toujours avec ravissement.
À ses parents, ses poches, ses amis et aux casamançais, et au Saloum Saloum, nous présentons nous sincères condoléances.
par Ndukur Kacc Ndao
LES PROCÉDÉS MAGICO-RELIGIEUX AU COEUR DE LA BÊTISE HUMAINE QUI INSISTE ET PERSISTE
Bienvenue au Sénégal bardé de gens qui sont toujours à l'église ou à la mosquée ou dans les bois sacrés et qui prient dans le secret de leur conscience, qu'un adversaire politique ou même un demi frère crève la dalle
Il y a six ans, sur les chemins des Karones, au nord de la basse Casamance. Souvenirs de ce qui fait encore le côté obscure de l'homo-senegalensis. Un peuple de sorcellerie qu'il partage sans doute avec d'autres à travers le monde. Les procédés magico-religieux, des pratiques tout aussi vieilles que l'ère cénézoïque du quaternaire supérieur. Au coeur des pratiques occultes. Une autre façon de se regarder dans la glace.
Toujours dans les interstices des forêts de Kafountine. Je découvre fortuitement sur un baobab des clous sous forme de bois lignifié. Le processus est simple. Clouer mystiquement un adversaire, un ennemi dans les profondeurs des Karones. Avec ce procédé ésotérique, vous enfoncez une amulette avec du bois lignifié dans les entrailles du baobab nain pour lui donner une charge vibratoire négative. Processus très connu de nos milieux qui avec ce bois, nous avons un support plus transitif et plus durable parce que ça peut se dissiper.
Cette pratique ressemble, toute proportion gardée, à la pratique du Wanga dans le Vodou qui consiste à mettre une pression sur une poupée pour lui transférer les charges négatives. Voilà le quotidien d'une grande partie des sénégalais toujours à la recherche de "xaarfafufa ", des pratiques occultes pour tuer "des génies ". Tous leurs rapports à la réussite sont basés sur cette tension occulte de gens qui sillonnent les baobabs du Sine, de la Basse Casamance, pour jeter des sorts contre leurs frères, soeurs, maris ou épouses.
Une société magico-religieuse contre les performants et les performances. Vrai ou pas vrai, d'un point de vue épistémique, entre africains, nous nous connaissons. Admettons que ce sont des pratiques transversales à notre continent. L'anthropologie religieuse comparée produit des pratiques très significatives. Les intensions valent souvent plus que les pratiques. Bienvenue au Sénégal bardé de gens qui sont toujours à l'église ou à la mosquée ou dans les bois sacrés et qui prient dans le secret de leur conscience, qu'un adversaire politique ou même un demi frère crève la dalle. Qui peut lever le doigt pour jurer qu'il n'a jamais marabouté son prochain ?
En attendant, si tout cela fonctionne comme prévu, j'ai enlevé toutes les pointes enchâssées dans ces deux baobabs des Karones sauvant "syllogistiquement" ces emprisonnés du baobab. J'espère qu'ils se sont réveillés et qu'ils ont été exorcisés de Satana ou de l'homo-senegalensis. Quelle imbécilité de clouer même "symboliquement" un être humain dans des baobabs perdus dans ces forêts ou d'autres !
Camus avait raison sur la bêtise humaine. Elle insiste et persiste. Une société magico-religieuse n'est jamais fiable si elle vise à tuer nos génies transformateurs de progrès.
par El Hadji Gorgui Wade Ndoye
UN GRAND MONSIEUR S'EN VA
Son dernier combat fut le parachèvement de la paix en Casamance. Le combat d’une vie d’un grand intellectuel. Repose en Paix grand frère et cher ami Ndukur Kacc Essiluwa Ndao
El Hadji Gorgui Wade Ndoye |
Publication 07/09/2024
Repose en Paix grand frère et cher ami Ndukur Kacc Essiluwa Ndao. En début de cette semaine, le 02 septembre, nous avons échangé par whatsapp.
L’éminent ethno-anthropologue et spécialiste de la Casamance est mort ! En décembre 2020, pour la deuxième Edition du Gingembre Littéraire du Sénégal sur le vivre ensemble consacré à la Casamance, Abdou Ndao qui est mon ancien de l’Université Gaston Berger et avec qui j'ai partagé le même pavillon universitaire le G4/D avec d’autres personnalités comme son plus que frère le magistrat Cheikh Bamba Niang etc, n'avait ménagé aucun effort pour la réussite de cet évènement fort bien accueilli. Il s’était mis totalement à notre disposition tant au niveau intellectuel et humain en organisant la logistique sur place avec notre autre aîné Moustapha Tambadou.
Son dernier combat fut le parachèvement de la paix en Casamance. Le combat d’une vie d’un grand intellectuel.
ÉCLAIRAGE SUR LE BRAS DE FER ENTRE L'EXÉCUTIF ET LE PARLEMENT
L'expert en Droit public Yaya Niang offre une perspective approfondie des enjeux juridiques qui sous-tendent le conflit. Son analyse soulève des questions cruciales sur la capacité du cadre constitutionnel à gérer des situations politiques inédites
Réalisé par Nando Cabral GOMIS |
Publication 07/09/2024
Enseignant chercheur en Droit public à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Dr Yaya Niang apporte ses éclairages juridiques sur le bras de fer que mène actuellement la majorité parlementaire Benno Bokk Yakar et le nouveau régime. Dans cet entretien, Dr Yaya Niang aborde plusieurs questions dont la programmation de la déclaration de politique générale du Premier ministre mais aussi les répercussions que la dissolution de l’Assemblée nationale agitée par le nouveau régime pourrait avoir sur le fonctionnement de l’Etat.
Quelle lecture faites-vous de cette décision de la conférence des présidents de fixer la date de la DPG, au 11 septembre 2024 ?
Cette controverse soulève deux questions de droit : la computation des délais et l’application de la loi dans le temps. Sur la computation des délais, la loi organique n°2024-12 du 30 août 2024 modifiant le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale est entrée en vigueur le 30. Elle réintroduit dans le Règlement intérieur un article 97 qui précise que « L’Assemblée nationale doit être informée huit jours au moins avant la date retenue ».
Seulement, l’article précité ne mentionne pas le caractère franc des délais. Un délai franc ne tient compte ni du jour de la décision ni du jour de l’échéance et si le dernier jour tombe sur un dimanche ou un jour férié, le délai est prolongé jusqu’au premier jour ouvrable. Inversement, les délais non francs tiennent compte du jour de la décision et celui de l’échéance. L’on dit que les délais francs sont exclusifs et que les délais non francs sont inclusifs.
Il faut reconnaitre cependant que les délais de huit jours mentionnés à l’article 97 du Règlement intérieur n’indiquent pas qu’ils sont francs. Or, à chaque fois que les délais sont francs, le texte en fait mention expressément. Il en résulte que ce délai n’est pas franc.
Par conséquent, la computation des délais de huit jours prend comme point de départ le jour de la décision. Par décret n°2024-1880 du 04 septembre 2024, le Président convoque l’Assemblée nationale en session extraordinaire tout en mentionnant la DPG au titre des points inscrits à l’ordre du jour. Cette mention de la DPG dans l’ordre du jour vaut information de l’Assemblée nationale. La computation se fait donc à partir du 4 septembre, date de la prise du décret. Dans ce cas, une DPG tenue le 11 septembre tient compte des délais de huit jours prévus par l’article 97 du Règlement intérieur. Mais, ma préoccupation, c’est moins la computation des délais de huit jours que l’applicabilité de la loi organique qui introduit ce délai. A titre de rappel, le Premier ministre est nommé par décret n°2024-921 du 02 avril 2024. La loi organique n°2024-12 du 30 aout 2024 modifiant le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale est entrée en vigueur le 30. Elle réintroduit dans le Règlement intérieur un article 97 formulé ainsi qu’il suit : « la Déclaration de politique générale doit intervenir trois mois après l’entrée en fonction du Gouvernement. L’Assemblée nationale doit informer huit jours au moins avant la date retenue ».
La question juridique qui se pose est surtout celle de savoir si une loi promulguée le 30 aout 2 0 2 4 pourrait rétroagir et régir la DPG d’un Premier ministre nommé le 02 avril 2024 ? Le principe de la non-rétroactivité des lois dans le temps voudrait qu’on ne légifère que pour l’avenir. Une disposition nouvelle ne saurait régir une situation qui lui est antérieure sous réserve des exceptions en matière pénale ou lorsque la loi elle-même prévoit sa rétroactivité. Certains peuvent être tentés de soutenir que la Constitution est d’application immédiate. Ils pourraient dans ce cas nous démontrer comment appliquer cet article 97 nouvellement introduit qui astreint le Premier ministre à faire sa Déclaration de politique générale dans un délai de trois mois compte étant tenu qu’il est entré en fonction depuis le 02 avril 2024. Ce délai étant dépassé, comment remonter le temps ? L’on ne saurait faire une application partielle de l’article 97. Il ne peut être permis, dans un même article, d’isoler le délai d’information de huit jours et ignorer le délai de trois mois impartis au Premier ministre pour faire sa DPG.
En définitive, je suis d’avis qu’aussi bien les délais de trois mois que ceux de huit jours d’information ne sont applicables à la DPG de l’actuel Premier ministre. Le régime de celle-ci ne se détermine pas par référence à la nouvelle loi organique modifiant le Règlement intérieur de l’Assemblée. Par conséquent, l’invocation de l’article 97 nouvellement introduit n'est pas convaincante.
Quel enjeu présente la dissolution de l’Assemblée nationale de plus en plus agitée sur le fonctionnement de l’Etat ?
La question de la dissolution de l’Assemblée nationale qui semble relever de l’évidence est, en réalité, loin de l’être. L’évidence tient dans la clarté de l’article 87 qui habilite le Président de la République à pouvoir prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée nationale. Cependant, en isolant l’unique article 87 pour apporter une réponse à la question que soulève la dissolution de l’institution parlementaire, l’on emprunte la voie d’une démonstration juridique très superficielle. Une réponse à cette question constitutionnelle nécessite une mise en relation de plusieurs dispositions constitutionnelles. La marque de celles-ci c’est la solidarité. La séparation peut les vider de leur charge normative.
La charte fondamentale est un enchainement de dispositions le plus souvent interdépendantes. L’application de l’une ne doit nullement emporter l’anéantissement de l’autre à partir du moment où les dispositions constitutionnelles sont d’égale valeur. C’est d’ailleurs en application de cette technique d’interprétation que le juge constitutionnel avait conclu, dans sa décision du 15 février 2024, à l’annulation de la Loi n°4/2024 portant dérogation à l’article 31 de la Constitution compte tenu de ses répercussions qu’elle pourrait avoir sur l’article 27 fixant la durée du mandat et l’article 103 alinéa 7 de la Constitution rendant intangible cette durée. C’est dire que le juge constitutionnel avait mobilisé les articles 27 et 103 de la Constitution pour se faire une conviction sur l’inconstitutionnalité d’une loi dont l’objet portait pourtant sur l’article 31 de la Constitution, mais dont les conséquences touchent d’autres dispositions de la Constitution, comme celle de la durée du mandat présidentiel. Cette jurisprudence spectaculaire conforte la thèse de la solidarité des dispositions constitutionnelles, ou tout au moins de certaines dispositions constitutionnelles qui se distinguent par les matières qu’elles régissent. Il y a de ces dispositions, telles qu’elles sont formulées, et compte tenu de leur objet, le constituant ne préfigure nullement une situation juridique provoquée susceptible de faire obstacle à leur mise en œuvre, même temporairement.
La charge normative qu’elles contiennent s’oppose à toute neutralisation pouvant résulter d’une application éventuelle d’une disposition constitutionnelle, lorsque cette application est potentiellement génératrice d’une situation juridique inédite qui ne trouve pas de solution immédiate dans l’architecture constitutionnelle.
Ma conviction est que toute dissolution de l’Assemblée nationale en application de l’article 87 évoqué n’est pas sans conséquences neutralisantes sur l’article 68 relatif à la loi de finances et l’article 39 traitant la suppléance du Président de la République en cas de vacance du pouvoir. Or, les articles 68 et 39 de la Constitution sont de l’ordre de ces dispositions décrites ci-dessus.
La dissolution pourrait-elle donc avoir un impact sur l’adoption de la loi de finances ?
Immanquablement, la dissolution de l’Assemblée nationale risque de générer des situations inédites qui ne trouvent pas de solution dans le tissu constitutionnel. Elle risque de neutraliser l’article 68 de la Constitution. L’article 68 de la Constitution a la particularité de décrire avec précision le temps imparti à l’Assemblée nationale pour l’adoption de la loi de finances. Il prévoit avec force que l’Assemblée nationale dispose de soixante jours au plus pour voter les projets de lois de finances. Dans le cadre de cette procédure décrivant les rapports entre le Président de la République et l’Assemblée nationale, trois situations peuvent survenir et la Constitution a apporté une solution à chaque cas de figure. Le premier cas de figure, c’est lorsque, par suite d’un cas de force majeure, le Président de la République ne dépose pas le projet de loi de finances à temps pour permettre à l’Assemblée nationale de l’adopter dans les délais. Le retard est donc imputable au pouvoir exécutif. Dans ce cas, l’article 68, alinéa 3, envisage la prolongation de la session jusqu’à l’adoption du projet de loi de finances.
La deuxième hypothèse survient lorsque, bien que déposé dans les délais, l’Assemblée nationale n’arrive pas à voter définitivement le projet de loi de finances dans le délai de soixante jours indiqué plus haut. La faute étant imputable à l’institution parlementaire, l’article 68, alinéa 4, habilite le Président de la République à mettre en vigueur, par décret, le projet de loi de finances, en tenant compte des amendements parlementaires qu’il a acceptés.
Le dernier cas de figure est celui où la loi de finances de l’année n’entre pas en vigueur avant l’année financière (janvier de l’année suivante), du fait des rapports entre les deux pouvoirs politiques résultant de la procédure décrite par l’article 68. Dans ce cas, l’article 68, alinéa 5, autorise le Président de la République à reconduire, par décret, les services votés. Les services votés correspondent aux dotations budgétaires inscrites dans la loi de finances de l’année précédente.
Il apparait clairement que tous ces cas de figure ne correspondent aucunement à une situation où l’Assemblée nationale est dissoute avant l’adoption de la loi de finances. L’article 68 agité ne prévoit que des situations résultant des rapports entre le Président de la République et l’Assemblée nationale. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’on trouve l’article 68 dans le titre VII de la Constitution traitant les rapports entre le pouvoir législatif et le rapport exécutif. En définitive, la dissolution de l’Assemblée nationale mettra en échec l’application de l’article 68 de la Constitution dès lors que la situation q u ’ e l l e provoque n’est pas envisagée par l’article précité. C’est un cas de figure qui n’est pas envisagé par la Constitution. La seule solution, c’est d’espérer que les élections législatives puissent se tenir en novembre 2024 et que la XVème législature soit dans les conditions d’adopter la loi de finances suivant une procédure accélérée. En tout cas, c’est ce qui serait plus conforme à notre Constitution. Dans le cas contraire, si par extraordinaire, par une interprétation extensive, le Président de la République reconduit par décret le budget précédent, un autre écueil se dressera contre cette volonté. Peut-on reconduire les services votés si l’on sait que l’alternance politique a entrainé des changements des services comme en témoigne l’entrée en vigueur du décret n°2024-940 du 5 avril 2024 portant répartition des services de l’Etat et du contrôle des établissements publics, des sociétés nationales et des sociétés à participation publique entre la Présidence de la République, la Primature et les Ministères.
Comment le Président de la République va-t-il gouverner sans l’Assemblée nationale ?
La configuration atypique de la XIVème législature nous rappelle l’importance de la fonction législative. Le pouvoir législatif peut toujours éprouver le pouvoir exécutif malgré la prépondérance de ce dernier dans l’allocation des prérogatives entre les deux pouvoirs politiques.
Concernant spécifiquement la question de l’aptitude du Président de la République à gouverner sans l’Assemblée nationale, le s e u l o b s - tacle que j’ai trouvé c’est celui évoqué plus haut et se rapportant à la loi de finances. J’ai soutenu que la Constitution n’envisage pas ce cas de figure. L’adoption de la loi de finances n’est envisageable qu’avec une Assemblée fonctionnelle.
Il faut aussi rappeler, qu’en tout état de cause, les élections législatives doivent obligatoirement se tenir dans les soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus, à compter de la date de publication du décret de dissolution. La question qu’il faut plutôt se poser est celle relative à la suppléance du Président de la République pendant la période de dissolution de l’Assemblée nationale.
L’article 39 de la Constitution dispose qu’« en cas de démission, d’empêchement ou de décès, le Président de la République est suppléé par le Président de l’Assemblée nationale ».
S’il est vrai que les députés gardent leur statut jusqu’à l’installation de la nouvelle Assemblée, qu’en est-il du bureau ? La dissolution de l’Assemblée nationale emporte nécessairement la disparition du bureau. Elle éteint concomitamment la fonction de Président de l’Assemblée nationale. Le Président de l’Assemblée nationale ne saurait garder la plénitude de ses attributs.
Par conséquent, la suppléance prévue à l’article 39 sera tenue en échec avec la dissolution de l’Assemblée nationale. La Constitution n’a pas proposé une suppléance pendant la période de dissolution de l’Assemblée nationale. L’Etat du Sénégal risque de rester trois mois sans possibilité de suppléance du Président de la République lorsque surviennent les cas de vacance du pouvoir prévus à l’article 39 précité.
Quelles sont les conséquences d’une gouvernance par ordonnance ?
La dissolution de l’Assemblée nationale n’ouvre pas un régime de gouvernance par ordonnances. La gouvernance par ordonnances est envisageable soit par habilitation législative de l’Assemblée nationale prévue à l’article 77, alinéa 2, ou lorsque le Président de la République met en œuvre ses pouvoirs exceptionnels prévus à l’article 52 de la Constitution. Nous ne sommes pas dans ces cas de figure.
par l'éditorialiste de seneplus, Oumou Wane
PAR IMPULSIVITÉ, BENNO S'EST ENFERMÉE DANS SA PROPRE TRAPPE
EXCLUSIF SENEPLUS - Hantée par la défaite amère de la présidentielle, la coalition refuse de lâcher sa dernière parcelle de pouvoir, comme si sa survie en dépendait. Dans ce jeu inégal, le plus grand défi est de ne pas s'attirer la haine du peuple
"Lorsqu'on laisse l'émotion prendre le pas sur la raison, cette dernière disparaît. On pourrait presque dire que l'émotion est nègre comme la raison est hellène...’’- Senghor.
L'attitude impulsive de la coalition Benno ces dernières semaines, marquée par des affrontements stériles avec l'exécutif, révèle deux constats clairs. D'une part, l'exécutif agit avec méthode et discernement, tandis que Benno, toujours une longueur de retard, réagit avec passion plus qu'avec stratégie.
L'exécutif s'est appuyé sur cinq piliers : la Constitution sénégalaise, le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, un crayon, un calendrier, et la mesure du peuple. Aux commandes, une équipe de conseillers compétents et scrupuleux, dotés d'une expertise juridique de premier plan. Lorsque vous avez des talents comme Ousmane Diagne, Cire Cledor Ly, Ngouda Mboup, Amadou Ba, Khadim Diagne, Sidy Alpha Ndiaye et d'autres encore, il est évident que le jeu n'est pas à armes égales. Sans même mentionner Mimi Touré, revenue sur le devant de la scène et capable d’analyser le moindre signe de Macky Sall pour en tirer la parade nécessaire. À ce stade, la partie est loin d'être équilibrée.
De l'autre côté, Benno, agrippée à cette déclaration de politique générale du Premier ministre pour des raisons à la fois subjectives et impulsives, s’est empêtrée seule dans ses propres contradictions, brandissant des armes qui, hélas, se révèlent factices. Toujours hantée par la défaite amère de la dernière élection présidentielle, la coalition refuse de lâcher sa dernière parcelle de pouvoir, comme si sa survie même en dépendait. Ce qui arrive à Benno est semblable au sort de certains médias, sevrés des subventions et d’avantages d'antan. À tous, je rappellerais ces paroles de Charles Aznavour : « Il faut savoir... »
« Il faut savoir encore sourire, quand le meilleur s'est retiré
Et qu'il ne reste que le pire dans une vie bête à pleurer
Il faut savoir, coûte que coûte, garder toute sa dignité
Et malgré ce qu'il nous en coûte, s'en aller sans se retourner »
Parce que dans ce jeu inégal, le plus grand défi est de ne pas s'attirer la haine du peuple. L'exécutif joue finement, respectant les textes à la lettre pour préparer sa future campagne législative, pendant que Benno se consume dans une agitation stérile.
Quand le Premier ministre Ousmane Sonko a déclaré le 28 juin 2024 que le règlement intérieur de l'Assemblée nationale était erroné et qu'il n'accepterait de se présenter devant les députés qu'après sa correction, le sort en était déjà jeté. Pourtant, ce jour-là, les pièges étaient déjà en place. Le président et le Premier ministre, faut-il le rappeler, sont des juristes aguerris, des stratèges experts de la politique.
En violant l'article 97, Benno — ou ce qu'il en reste de l'APR — s'est offert le bâton pour se faire battre. Le 11 septembre prochain, il n’y aura point de déclaration de politique générale, et le Premier ministre Ousmane Sonko a déjà exprimé sa préférence pour une autre configuration pour cette prise de parole. La trappe étant toujours ouverte, je me demande si le sort ne sera pas déjà scellé avant cette date fatidique.
La leçon est simple : malgré tout son courage, le jeune Abdou Mbow ne pourra rien y changer. Ceux qui l'encouragent dans cette direction suicidaire ne font que révéler leur impulsivité. Une Assemblée nationale dirigée par des incompétents est, en un mot comme en cent, un frein au développement de notre pays. Mieux vaut savoir partir que de se faire mettre à la porte...
« Il faut savoir quitter la table, lorsque l'amour est desservi
Sans s'accrocher l'air pitoyable, mais partir sans faire de bruit… »
Oumou Wane est présidente de Citizen Media Group-Africa 7.
par Nioxor Tine
TIRER LES BONNES LEÇONS INSTITUTIONNELLES
Le régime du Pastef n’accorde pas encore à l’immense chantier de refondation institutionnelle, toute l’importance requise. Il est temps de matérialiser l'engagement envers les Assises, acté par la signature du Pacte de bonne gouvernance démocratique
Les Sénégalais ont l’impression de vivre un cauchemar. Les dysfonctionnements institutionnels, qui perdurent dans notre pays et qu’on pourrait faire remonter au temps régime UPS-PS, surtout après la crise de 1962, sont loin de s’estomper.
Les Assises nationales de 2008-2009 avaient suscité un brin d’espoir, vite effacé par la boulimie pouvoiriste du président Macky Sall. Résultat des courses, le Sénégal vient de sortir d’une période sombre, digne des pires dictatures comme le Haïti des Duvalier ou les autocraties pétrolières d’Afrique Centrale ou du Moyen-Orient.
Dernier rempart d’un renouveau démocratique
C’est donc avec tristesse, que les patriotes et démocrates sincères de notre pays constatent, que le régime du Pastef, n’accorde pas encore à l’immense chantier d’assainissement des mœurs politiques et de refondation institutionnelle, toute l’importance requise. Pour notre part, nous sommes convaincus, que c’est l’entêtement des régimes issus de nos deux premières alternances à ignorer les impératifs d’un véritable dialogue politique tourné vers la réforme radicale de l’hyper-présidentialisme, avec une véritable séparation et un équilibre des pouvoirs, qui explique l’état de ruines dans lequel, le premier ministre Sonko déclare avoir trouvé notre pays.
Comment comprendre ces querelles de borne-fontaine, évoquant parfois un combat de coqs, au sein de l’hémicycle.
Le camp patriotique constitue, dans la phase historique actuelle, le dernier rempart d’un renouveau démocratique, surtout depuis la désertion des anciens combattants de la gauche marxiste. Cette nouvelle génération d’hommes politiques, dont les promesses électorales et propositions programmatiques ont été approuvées par une large majorité des Sénégalais n’ont rien à gagner dans cette confrontation stérile, sous peine d’être assimilés à cette « vieille classe politique », avocat d’un système néocolonial honni, dont le naufrage politique a été sinon définitivement acté, tout au moins, fortement esquissé.
Plus que de véritables hommes politiques, il s’agit surtout de criminels à col blanc, milliardaires, qui malheureusement continuent à diriger le camp des vaincus et dont l’attitude est bien compréhensible, leur principal souci étant d’échapper aux fourches caudines de la Justice, surtout à la reddition des comptes, qui serait imminente. Au lieu de se réinventer politiquement, de faire leur aggiornamento, en faisant leur autocritique, en modifiant leur stratégie largement rejetée par les Sénégalais, ils ont pris le parti de miser sur l’échec des nouvelles autorités.
Plus grave, ils ont même initié une campagne de dénigrement et de désinformation digne de Cambridge Analytica, une entreprise experte dans les stratégies d’influence électorale et politique, qui a fait ses preuves au Nigeria, dans l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis et la campagne victorieuse du Brexit, de triste mémoire. Le nom d’une société fantôme israélienne, ayant déjà intervenu au Sénégal, lors de la présidentielle de 2019, serait même évoquée dans les tentatives de déstabilisation du nouveau régime patriotique.
Ces mercenaires de l’ombre, très actifs dans une certaine presse et sur les réseaux sociaux, avec des milliers de faux profils, usent d’une stratégie de communication basée sur les fake-news et les procès d’intention.
Ils cherchent à discréditer la nouvelle équipe au pouvoir, accusée d’étouffer la presse, alors qu’il s’agit de contentieux fiscaux, de paralyser le secteur BTP, victime plutôt de la mal-gouvernance du foncier, qu’on essaie de rectifier, de manquer de respect aux parlementaires, surtout ceux de l’opposition, décidément très susceptibles, depuis le 24 mars dernier.
Le parlement, dernier bastion du Mackyland
Ces députés du Macky – et non du peuple – organisent la résistance « contre-révolutionnaire » au niveau du parlement, où ils disposent encore d’une très faible majorité, d’une voix. C’est dans ce cadre, qu’il faut appréhender le déroulement de la dernière session parlementaire sur la dissolution du CESE et le HCCT. Elle est une illustration parfaite de la théâtralisation outrancière de la vie politique de notre pays, telle que nous la vivons, depuis toujours, mais surtout depuis la première alternance de 2000.
Plus que d’une rupture entre le parlement et les aspirations populaires comme mentionné dans le communiqué du porte-parole de la présidence, c’est plutôt d’un fossé béant qu’il s’agit entre l’ancien régime de prédateurs et le peuple sénégalais, qui a subi, douze ans durant, la dictature de Benno. Car le désaveu cinglant de l’ancienne majorité, annoncé par ses revers électoraux de l’année 2022 et la défiance populaire à son endroit, à l’origine d’une répression féroce, a déjà été acté par sa déroute lors de la dernière présidentielle.
C’est pour cela qu’on peut considérer, que le show parlementaire soporifique du 3 septembre dernier, qui rappelle de mauvais souvenirs de forcing parlementaire des années passées, n’a eu pour effet que de requinquer et de ressouder la nouvelle opposition, dont certains pans cherchent à se distancier d’un passé récent peu glorieux.
Benno Bokk Yakaar, mal en point, achevée par euthanasie
Heureusement, la liquidation de Benno Bokk Yakaar, aux allures d’euthanasie politique, prononcée par Macky Sall, dès la fin de la session parlementaire, a confirmé le processus avancé de dégénérescence de l’ancienne majorité présidentielle.
Hormis la dissidence de l’ancien candidat hyper-liquide (mais mal-aimé) du Benno-APR, qui s’apprête à créer son propre parti, on nous signale la naissance du front social et républicain regroupant d’anciens membres de Macky 2012 et des évolutions au sein des partis socio-démocrates (PS, AFP, Taxawu…etc) vers plus d’autonomie.
Quant à la Confédération pour la Démocratie et le Socialisme (CDS) rassemblant les anciens de « l’ex-gauche marxiste », sur la voie de regrouper leurs partis exsangues et de se muer en fédération (FDS), elle continue de tirer à boulets rouges sur les nouvelles autorités, reprenant, mot pour mot, les argumentaires et éléments de langage de l’APR. Elle persiste dans son entêtement à perpétuer son compagnonnage morbide avec ses anciens patrons politiques, dans une posture de servitude volontaire, dont ils ont du mal à se dépêtrer.
Pourtant, même s’ils étaient restés sourds et aveugles, une décennie durant, devant la longue série de forfaits et crimes de l’Etat APR, gommés par une autoamnistie, initiée par l’ancien président Macky Sall, le putsch électoral avorté du 3 février 2024, aurait dû enfin leur ouvrir les yeux.
Ne serait-ce que par bon sens et par instinct de survie politique, la défaite cinglante du Benno-APR lors de la dernière présidentielle leur offrait une occasion inespérée de renouer avec le camp du travail et du progrès social, avec à la clé, une autocritique en bonne et due forme.
Il convient, pour terminer, d’appeler le camp patriotique à refuser de suivre ces politiciens libéraux en fin de carrière dans leur cirque politico-électoral et de matérialiser leur engagement envers le processus des Assises nationales, acté par leur signature du pacte national de gouvernance démocratique.
ASSEMBLÉE NATIONALE, DEUX RÉUNIONS CONVOQUÉES CE VENDREDI À PARTIR DE 17H30
Les membres de la Conférence des Présidents sont convoqués en réunion à 18H dans la Salle Marie Joséphine DIALLO (nouveau bâtiment), pour examiner le calendrier de travail.
Après l’ouverture, jeudi de la 3e Session extraordinaire, sur demande du président de la République au motif d’examiner trois projets de loi et la tenue de la Déclaration de politique générale (DPG), et toute la polémique qui a suivi la décision du président de l’Hémicycle de programmer cette DPG pour le 11 septembre prochain, deux réunions viennent d’être convoquées pour cet après-midi.
Dans deux documents signés par Amadou Mame Diop, les membres du Bureau de l’Assemblée nationale sont convoqués en réunion ce vendredi à 17H30 dans la Salle de conférence dite de la Présidence. Avec comme ordre du jour: Informations.
Aussi, les membres de la Conférence des Présidents sont convoqués en réunion à 18H dans la Salle Marie Joséphine DIALLO (nouveau bâtiment), pour examiner le calendrier de travail.