SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
24 novembre 2024
Politique
VIDEO
NOUS SOMMES LOIN D'UN ÉTAT EN FAILLITE
Invitée du JDD ce dimanche sur Iradio, Ndéye Fatou Blondin Diop a abordé les défis économiques du Sénégal. Face à la récente baisse de la note du pays par Moody’s, elle a insisté sur l'importance de la transparence des chiffres.
Ingénieure en télécommunication, ancienne Ministre des Technologie de l’Information et de la Communication, Ndéye Fatou Blondin Diop était l’invité du JDD ce dimanche sur Iradio et Itv. La consultante qui a fait le tour de l’actualité nationale revient entre autres, sur la baisse de la note du Sénégal par Moody’s, après les la révision à la hausse du déficit budgétaire et du niveau d’endettement annoncée par le gouvernement le 26 septembre dernier. Mais selon elle, l’espoir est toujours permis, car nous sommes loin d’un Etat en faillite.
« Le devoir de vérité a manqué au Sénégal depuis très longtemps. On a vu des pays (comme la Grèce) qui ont camouflé les chiffres et qui ont payé le prix cher après sur le plan de leur économie. C’est pourquoi donner les bons chiffres du Sénégal concernant la dette publique ne peut nous nuire. Les autorités, actuellement, ont signé un pacte d’honnêteté avec les populations et sont sur cette voie » a dit Ndéye Fatou Ndiaye Blondin Diop.
Sur la croissance à deux chiffres que l’ancien régime a présentée, elle a regretté le fait qu’on extrapole sur nos valeurs. «On a tendance à être heurté quand on entend la vérité parce qu’on est habitué à entendre le mensonge. Au niveau interne, les chiffres qui augmentent ne se sentent pas dans la vie de tous les jours et on comprend maintenant que c’est à cause des faux chiffres ».
Néanmoins, souligne-t-elle, l’espoir est permis. « Nous avons confiance parce qu’il y a de nouvelles ressources qui vont impacter. La confiance que notre pays inspire aux bailleurs peut encourager les investissements. Nous sommes loin d’un État à la faillite. Il fut un temps où tout le monde était pessimiste. Sur tous les plateaux, ce n’était pas la question de la subsistance de la dette, mais si le Sénégal allait survivre. L’on se demande actuellement comment ce pays a pu réussir la transition, comment des jeunes avec la quarantaine ont réussi à instaurer la gouvernance».
L'APR RIPOSTE AUX ACCUSATIONS DE SONKO
Le Premier ministre est accusé d'avoir porté des "accusations injustes" contre d'anciens ministres des Finances. Le parti d'opposition dénonce une démarche précipitée, ignorant les procédures légales et le rôle de la Cour des comptes
Dans une déclaration publiée ce dimanche 6 octobre 2024, l'Alliance Pour la République (APR) dénonce des « propositions irresponsables » sur la gestion des finances publiques de 2019 à 2023. Le parti de l'ancien président Macky Sall fustige un « mode opératoire peu élégant » et défend la transparence de sa gestion.
"Le 26 septembre 2024, le Premier ministre, accompagné des ministres en charge de l'Économie, de la Justice, de l'Enseignement supérieur et du ministre Secrétaire général du gouvernement, a organisé une conférence de presse pour présenter les résultats d'un rapport sur la situation des finances publiques.
Il est profondément regrettable de constater que des propos irresponsables tenus lors de cette conférence ont laissé entendre que le gouvernement sortant aurait manipulé des chiffres et/ou falsifié des données dans le cadre de sa gestion couvrant la période 2019-2023.
Ces insinuations, qui évoquent des détournements massifs de ressources publiques, au-delà de leur caractère manifestement dénué de tout fondement, sont nuisibles à la crédibilité de nos institutions qu'un dirigeant sérieux se devait de préserver.
L'Alliance Pour la République déplore le mode opératoire du Premier ministre et de son gouvernement, qui, de manière peu élégante et péremptoire, incriminent, de façon arbitraire des anciens ministres en charge des Finances publiques sur la base d'un simple rapport provisoire qu'ils n'ont ni vu encore moins discuté, n'étant pas en mesure d'en apprécier la valeur dudit rapport ou de répondre.
L'Alliance Pour la République, tient fermement à contester ces grossières affirmations qui démontrent l'incompétence de leurs auteurs et leur ignorance des règles qui gouvernent les finances publiques.
Le Premier ministre n'a eu aucun scrupule à se prononcer publiquement, sur les résultats d'un rapport provisoire d'audit sur les finances publiques: - une matière d'une complexité notoire - avant même que la Cour des comptes ne donne son avis sur ledit rapport.
Il est donc inacceptable que des jugements soient portés sans attendre la certification de la Cour des Comptes, qui dispose d'un délai de trois mois pour valider les conclusions d'un tel document.
Il est important de rappeler que la Cour des comptes est l'unique juridiction compétente pour évaluer la régularité des comptes et le bon usage des fonds publics.
A cet effet, elle a validé la gestion des années 2019 à 2021 pour laquelle les lois de règlement ont été déjà votées par l'Assemblée nationale sans oublier que le projet de loi de règlement 2022 est validé, envoyé à l'Assemblée en attente d'être examiné
Or, la Cour des Comptes ne se prononcera sur le rapport provisoire susvisé qu'après l'avoir soumis aux acteurs concernés notamment les anciens ministres des Finances pour la période considérée afin de recueillir leurs observations, dans le respect du principe du contradictoire, avant de rendre ses conclusions.
Tout en saluant l'esprit de retenue des anciens ministres des finances, objet des accusations injustes de la part du Premier ministre Ousmane Sonko, nous condamnons son empressement à tirer des conclusions de ce rapport qui n'est que provisoire alors que son processus de validation n'est pas encore achevé.
La Premier ministre semble ignorer qu'en matière de gouvernance la prudence, la retenue et surtout la discrétion doivent prévaloir dans l'exécution des missions régaliennes de l'Etat, vertus essentielles pour conduire notre pays, en quête d'émergence, vers un développement harmonieux et durable.
Nous constatons également un manque de respect flagrant envers l'administration de l'économie et des finances publiques. Il est inacceptable en effet que des accusations soient portées sans preuves tangibles, mettant ainsi en péril la confiance du public envers nos institutions.
En croyant s'attaquer à des ministres qui ont accompli leur exaltante mission dans le respect de l'intégrité de notre système financier et budgétaire qui repose essentiellement sur la transparence et le respect des normes en vigueur, Monsieur Ousmane Sonko a avili l'image du Sénégal et déshonoré la République.
Il est seul et unique responsable de la dégradation de la notation du Sénégal et des conséquences dramatiques qui s'en suivront.
L'APR rappelle et réaffirme son engagement envers une gestion rigoureuse et transparente des ressources publiques.
C'est ainsi que, sous la conduite du président Macky Sall, des mécanismes rigoureux de contrôle et de reddition des comptes ont été mis en place afin de garantir que chaque franc dépensé soit justifié et profite au peuple sénégalais souverain.
Ces efforts ont été soutenus par des audits réguliers et des évaluations indépendantes dont l'objectif était d'assurer l'utilisation optimale des fonds publics.
Le bilan palpable légué au peuple sénégalais en est le meilleur indicateur.
Ce bilan a fait l'objet d'un livre dont les actions, faits et chiffres y indiqués sont irréfutables.
L'APR appelle Monsieur Ousmane Sonko à faire preuve de responsabilité et de retenue dans ses déclarations insensées et maladroites qui engagent la crédibilité, l'image et la réputation du Sénégal construites avec vigueur, méthode et constance par de grands hommes d'Etat avant lui.
Les enjeux économiques et sociaux auxquels notre pays fait face, exigent une sérieuse prise de conscience à la hauteur de la gravité de la mission et des défis complexes à relever.
Au moment où les coupures d'électricité refont surface, l'économie en repli, la croissance en recul, le chômage en constante progression, la migration clandestine en résurgence, le logement inaccessible, les prix des denrées de première nécessité flambants, la cohésion sociale menacée, les libertés fondamentales dont la liberté de se déplacer bafouées, le Sénégal a plus que jamais besoin d'un débat public sain, des messages des dirigeants basés sur la vérité et des analyses rigoureuses avec un seul dessein de prendre en charge correctement les attentes légitimes du peuple.
Les discours de délation infondée, de calomnie méchante et des accusations malveillantes ne feront jamais progresser notre pays"
VIDEO
LE MIRAGE SAOUDIEN DU FOOTBALL S'ESTOMPE
La Saudi Pro League, censée rivaliser avec l'élite européenne, révèle ses failles. Les salaires mirobolants tardent à être versés, les transferts s'essoufflent, et le public reste timide
Un an après l'arrivée fracassante des stars mondiales, le football saoudien se heurte à une réalité moins reluisante. Les pétrodollars, qui semblaient couler à flots, se tarissent dans les caisses de nombreux clubs. Ronaldo, Benzema et Neymar brillent toujours, mais dans un championnat qui chancelle.
La Saudi Pro League, censée rivaliser avec l'élite européenne, révèle ses failles. Les salaires mirobolants tardent à être versés, les transferts s'essoufflent, et le public reste timide. L'équipe nationale, loin de profiter de cet afflux de talents, peine à convaincre sur la scène internationale.
Ce projet pharaonique, lancé à grand renfort de publicité, semble avoir négligé les fondations. Absence de contrôles financiers, déséquilibre flagrant entre les clubs, et manque de vision à long terme : le château de sable vacille.
L'Arabie Saoudite, qui rêvait d'une Coupe du monde, se retrouve face à un dilemme. Le football, utilisé comme vitrine, pourrait-il devenir un miroir gênant ? L'heure des choix approche pour le royaume, entre prestige éphémère et développement durable de son football.
À DAKAR, L'ESSOR DE LA CUISINE DE RUE
Du petit-déjeuner au casse-croûte nocturne, les vendeurs ambulants nourrissent la ville à toute heure. Cette tendance, autrefois réservée aux ouvriers, séduit désormais toutes les classes sociales
(SenePlus) - Dans un article intitulé "Dakar : la révolution de la street food", le journal Le Monde dresse un portrait saisissant de l'évolution de la restauration de rue dans la capitale sénégalaise. Cette tendance, devenue indissociable du mode de vie dakarois, témoigne d'une transformation profonde des habitudes alimentaires et sociales.
"Il ya une vingtaine d'années, manger dans la rue était réservé aux enfants et aux ouvriers", explique le géographe Malick Mboup au Monde. Aujourd'hui, la clientèle s'est considérablement diversifiée, incluant « les employés, les cadres pressés, les touristes et la petite bourgeoisie ». Cette évolution a même fait "reculer une vieille règle de politesse selon laquelle il est plutôt mal vu de manger dans la rue, à la vue de tous", souligne le chercheur.
L'offre s'est également enrichie, reflétant le cosmopolitisme de la ville. Des plats traditionnels comme le thieb côtoient désormais des créations hybrides et des spécialités importées. Comme le note Tamsir Ndir, chef et consultant, "La street food dakaroise, c'est la rencontre entre les tendances mondiales et le porte-monnaie du Sénégalais".
L'aspect économique joue un rôle crucial dans ce phénomène. Seydou Bouzou, un vendeur de dibi haoussa, peut gagner jusqu'à 10 000 francs CFA (15,40 euros) lors des bonnes journées. Pour de nombreux Dakarois, ces options abordables sont essentielles. "Dans beaucoup de foyers, on prévoit un repas par jour. Pour le reste, chacun se débrouille. Les collations entre 100 et 1 000 francs CFA permettent de manger plus d'une fois par jour", explique Ndir au Monde.
La street food est même devenue tendance, comme l'affirme Najma Orango, influenceuse sur les réseaux sociaux. Des initiatives comme le festival de la street food organisé par Tamsir Ndir depuis 2019 contribuent à cette valorisation. "La première année, des quinquagénaires qui avaient perdu le réflexe du repas dans la rue remerciaient les exposantes de leur faire redécouvrir le goût de leur enfance. Les beignets de rue, c'est du patrimoine", raconte-t-il.
Au-delà de son impact culturel, ce secteur représente une source d'emplois importante. Selon le journal, la street food emploierait entre 120 000 et 180 000 personnes au Sénégal, majoritairement dans le secteur informel. Malick Mboup explique : "C'est un moyen de démarrer une activité économique rapidement, avec un investissement minime, pour des retours d'argent souvent modestes mais rapides et quotidiens".
Ainsi, la street food à Dakar illustre non seulement une évolution des goûts et des habitudes, mais aussi une transformation économique et sociale profonde de la capitale sénégalaise.
VIDEO
DIMBOKRO, UN MASSACRE COLONIAL OUBLIÉ
Dans cette petite ville ivoirienne, la colère populaire s'est heurtée à la violence coloniale. Le résultat ? Un massacre qui a fait trois morts et plus de cinquante blessés. Un drame qui a changé le cours de la lutte anticoloniale en Afrique de l'Ouest
Le 30 janvier 1950, Dimbokro, Côte d'Ivoire. Une foule de manifestants africains s'assemble pour exiger la libération de Samba Koné Ambroise, un leader du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Soudain, les forces coloniales ouvrent le feu. Bilan : 13 morts et plus de 50 blessés.
Ce jour-là, le sang coule sur la terre ivoirienne, mais l'histoire reste muette. Les autorités coloniales emprisonnent les blessés, falsifient les témoignages. Un an plus tard, un procès unique condamne les victimes.
Le massacre de Dimbokro marque un tournant. Félix Houphouët-Boigny, figure du RDA, rompt avec le Parti communiste. Une décision qui façonnera l'avenir politique de la Côte d'Ivoire.
Aujourd'hui, le cimetière des martyrs de Dimbokro s'efface sous la végétation. Les noms des victimes s'écrasent sur les plaques abandonnées. Un oubli qui interroge sur la mémoire collective et la reconnaissance des sacrifices passés.
Dimbokro, 1950 : une cicatrice dans l'histoire de la décolonisation, un cri silencieux qui résonne encore dans l'Afrique contemporaine.
VIDEO
LE SÉNÉGAL OTAGE D'UNE VENDETTA POLITIQUE ?
Abdoul Mbaye dénonce une stratégie gouvernementale axée sur la confrontation avec le régime précédent, au détriment des enjeux nationaux. Selon lui, cette "guerre" contre l'ancien pouvoir pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le pays
Lors de sa participation à l'émission "Grand Jury" de la RFM, l'ancien Premier ministre Abdoul Mbaye a mis en lumière ce qu'il perçoit comme une "guerre contre l'ancien régime" menée par le gouvernement actuel, tout en soulignant les risques que cette stratégie fait peser sur le Sénégal.
Le leader d'ACT pointe du doigt la récente conférence de presse du 26 septembre, animée par le Premier ministre Ousmane Sonko, comme emblématique de cette approche. Selon lui, cette communication, axée sur la dénonciation des chiffres économiques du gouvernement précédent, relève davantage d'un « show politique » que d'une démarche constructive. "On a préféré donner la priorité à l'accusation d'un régime précédent par rapport aux conséquences", a-t-il déclaré, soulignant le calcul politique derrière ces révélations.
L'ancien Premier ministre met en garde contre les conséquences de cette stratégie sur la réputation internationale du Sénégal. Il a notamment cité la récente dégradation de la note du pays par l'agence Moody's, passant de Ba3 à B1, comme une conséquence directe de cette communication hasardeuse. "On a fait un aveu d'insolvabilité", a-t-il regretté, soulignant que cette approche pourrait nuire à la capacité du pays à lever des fonds sur les marchés internationaux.
Abdoul Mbaye dénonce également ce qu'il perçoit comme des dérives autoritaires dans cette "guerre" contre l'ancien régime. Il évoque les récentes convocations policières de personnalités politiques et de médias ayant contesté les chiffres gouvernementaux, et voyant une menace pour les libertés démocratiques. "Il faut arrêter ça", a-t-il martelé, appelant au respect des libertés constitutionnelles.
L'ancien banquier souligne l'urgence de se concentrer sur les véritables défis économiques du pays plutôt que sur cette guerre politique. Il appelle le gouvernement à présenter un projet économique clair et à prendre des mesures concrètes pour réduire le train de vie de l'État, prévoyant des tensions sociales accumulées liées aux ajustements économiques inévitables à venir.
En conclusion, Abdoul Mbaye plaide pour une approche plus constructive et moins conflictuelle. Il évoque notamment les prochaines élections législatives du 17 novembre comme une opportunité de mettre en place un contrepouvoir capable d'accompagner le gouvernement tout en le freinant lorsque nécessaire, dans l'intérêt supérieur du Sénégal.
par Ibrahima Malick Thioune
ANALYSE CRITIQUE DU BUDGET 2024
L'utilisation de l'exposé des motifs comme outil de propagande politique et la manipulation des chiffres soulèvent des questions sur l'intégrité du processus budgétaire
Le budget de l’État est un document essentiel pour la gestion des finances publiques et un pilier de la gouvernance démocratique. Il s’agit d’une loi organique qui détermine, pour une année, les recettes et les dépenses de l'État. En tant que tel, le budget revêt un caractère juridique contraignant et informatif, fournissant aux citoyens et aux institutions une vision claire de l’orientation économique et des priorités politiques d’un pays. Sa préparation et son adoption sont encadrées par des principes stricts qui garantissent la transparence et la sincérité des prévisions économiques. En outre, le Conseil constitutionnel, compétent pour examiner la conformité des lois organiques, veille au respect de ces principes.
Le budget est ainsi défini comme un acte législatif qui prévoit et autorise les ressources et les charges publiques pour une période donnée, généralement une année. Cette définition implique que le budget doit être sincère, transparent et vérifiable. Il ne se limite pas à un simple outil technique de gestion des finances ; c’est aussi un document informatif qui sert de référence pour le contrôle parlementaire et citoyen. Les principes fondamentaux qui encadrent l’élaboration du budget sont les suivants : le principe d’annualité, selon lequel le budget s’applique sur une période d’un an ; le principe d’unité, qui exige que toutes les recettes et dépenses de l’État soient présentées dans un document unique ; le principe d’universalité, qui stipule que les recettes et les dépenses doivent être intégralement inscrites sans compensation entre elles ; le principe de sincérité, qui impose que les prévisions de recettes et de dépenses soient réalistes et fondées sur des hypothèses économiques vérifiables.
Parmi ces principes, le caractère informatif du budget est central. En effet, le budget sert à informer clairement et honnêtement les citoyens et les institutions publiques sur la situation financière de l’État, ses projets de dépenses et ses prévisions de recettes. La transparence budgétaire est donc un impératif démocratique. Toute dissimulation ou manipulation des données budgétaires remet en question la validité de ce document et viole les règles qui encadrent sa préparation.
Dans cette occurrence, le Premier ministre a pleinement joué son rôle en soulevant ce déni de transparence, en rappelant que l’inclusion du remboursement du capital de la dette dans les prévisions budgétaires constituait une violation des principes de sincérité et de transparence budgétaire. En dénonçant cette manœuvre, il a cherché à rétablir la vérité des comptes publics et à informer de manière juste et claire les citoyens et les institutions, conformément aux exigences de la loi organique. Sa prise de position visait à garantir que le budget de l’État reflète fidèlement la réalité économique et qu'il ne serve pas à masquer les véritables engagements financiers du pays.
Dans le contexte du budget de 2024, force est de constater que ces principes, en particulier celui de sincérité et de transparence, semblent avoir été largement ignorés. L’exposé des motifs, les prévisions irréalistes et l’inclusion d’éléments extra-budgétaires dans les recettes posent question et nécessitent une analyse approfondie des manquements du gouvernement.
I. Aspects de Forme : Une dérive politique sous couvert de justification juridique
L’exposé des motifs, traditionnellement dédié à l'explication rationnelle et technique des choix budgétaires, se transforme, dans le cadre du budget 2024, en un vecteur de légitimation politique même si Gaston Jèze écrivait en 1922 que "le budget est essentiellement un acte politique. […] Le budget est, avant tout, la mise en œuvre d’un programme d’action politique. Il constitue un levier majeur d’intervention de l’Etat dans les domaines économique et social ; l’objectif étant de réguler l’activité économique, d’assurer la cohésion sociale et de réduire les inégalités à travers notamment la fiscalité et les dépenses nécessaires au bon fonctionnement des services publics. C’est pourquoi, ce dévoiement du discours normatif révèle une volonté manifeste de sublimer les réalisations du pouvoir exécutif, au détriment de l'analyse économique rigoureuse et de la transparence exigée par la loi organique parce que et surtout le budget un instrument de pilotage et de maîtrise des finances publiques.
Ce glissement progressif, d’une approche juridique à un plaidoyer politisé, interroge non seulement la forme, mais également l’esprit dans lequel ce budget a été conçu. Derrière la rhétorique élogieuse se cache une tentative de renforcer l'image présidentielle, brouillant ainsi la frontière entre gestion des finances publiques et promotion politique. Une telle approche, loin d’être anodine, constitue une entorse aux exigences d’universalité et de généralité des lois, principes constitutionnels pourtant censés présider à l’élaboration d’un texte aussi crucial que celui de la loi de finances.
1.1. L’exposé des motifs : un instrument de propagande
Le budget de 2024 commence par un exposé des motifs, dont le rôle premier est de justifier techniquement et juridiquement les choix budgétaires opérés. Or, cet exposé dépasse largement cette mission en se transformant en un long plaidoyer pour le bilan du Président de la République. Loin d’être une analyse économique ou financière, il s’apparente davantage à une énumération des réalisations politiques, ce qui n’est ni la vocation ni l’objectif d’un document de cette nature.
Cette dérive est d’autant plus préoccupante que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°1 C1 2016 du 12 février 2016 (Référendum 2016), a rappelé que « l’exposé des motifs d’une loi ne doit pas contenir les réalisations répétées du Président de la République ». Le caractère général et impersonnel des lois, y compris des lois de finances, est un principe fondamental qui garantit l'objectivité du texte. En s'écartant de cette règle, le budget de 2024 compromet son impartialité et son sérieux, et soulève des questions quant à sa conformité juridique.
Le budget n’est pas un panégyrique destiné à exalter les mérites d’un homme ou d’un pouvoir, mais bien une loi organique à caractère général et impersonnel. Il ne saurait servir de tribune pour magnifier les réalisations d’un individu, aussi éminent soit-il, car son objet est de déterminer les ressources et les charges de l’État avec rigueur et impartialité. En ce sens, il doit être exempt de tout éloge personnel ou partisan, afin de préserver son caractère institutionnel et technique. Sa finalité première est d’assurer la gestion transparente et rationnelle des finances publiques, au bénéfice de l’intérêt général, et non de se faire l’instrument de valorisation politique. Il est donc impératif que le budget reste fidèle à sa vocation première : celle de fixer des règles budgétaires dans le respect des principes de sincérité, d'universalité et de transparence, sans tomber dans la personnalisation qui en dénaturerait l’esprit.
1.2. L’omission de la perspective juridique
De manière générale, cet exposé des motifs qui doit présenter les orientations générales du projet, reflète une tendance observée ces dernières années, où les lois de finances s’inscrivent de plus en plus dans une démarche politique plutôt que juridique. Cette approche affaiblit la force normative du texte et le soumet à des considérations politiciennes, en contradiction avec les exigences de la loi organique relative aux lois de finances. En conséquence, il est nécessaire de rétablir la rigueur juridique de ces documents, conformément aux standards fixés par le Conseil constitutionnel, pour assurer un processus budgétaire fiable et sincère. En effet, selon Gaston Jèze, le budget « n'est pas uniquement une évaluation arithmétique d'ordre financier ; il a une signification juridique ». La loi organique relative à la loi de finances (LOLF), souvent qualifiée de « constitution financière » du pays, établit les règles et principes fondamentaux qui encadrent le contenu, la présentation, l’élaboration, l’adoption, l’exécution et le contrôle de la loi de finances. Elle constitue ainsi le socle juridique sur lequel repose l’ensemble du processus budgétaire.
II. Aspects de Fond : entre manipulation des chiffres et fausse transparence
Sous l'apparence d'une présentation technique et chiffrée, le budget 2024 dissimule de profondes incohérences qui révèlent une approche douteuse quant à la sincérité des prévisions budgétaires. Derrière la façade d'un équilibre financier ostensiblement maîtrisé, se profilent des artifices comptables et des ajustements peu conformes aux principes de transparence et de rigueur qui régissent la loi organique relative aux finances publiques.
L’intégration d’emprunts parmi les recettes budgétaires, l’annonce de prévisions fiscales optimistes sans fondement tangible, et la dissimulation des véritables niveaux d’endettement traduisent une démarche qui, sous couvert de rationalité, trahit une manipulation subtile des chiffres. Il ne s’agit plus simplement d’une erreur technique, mais d’une stratégie de maquillage budgétaire destinée à masquer la réalité économique du pays. Ces pratiques soulèvent la question d’une possible volonté délibérée de désinformer les destinataires de ce document fondamental, sapant ainsi les principes de sincérité, de prudence et de responsabilité financière qui devraient en garantir l’objectivité. Cette pratique transgresse allègrement le directive n°01/2009/cm/uemoa portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’uemoa qui rappelle avec force que « les acteurs publics qui pilotent et gèrent les fonds publics, élus ou fonctionnaires, acceptent des obligations d’intégrité et de rectitude particulièrement exigeantes, à mesure de la confiance qui leur est faite »
2.1. Sincérité douteuse des prévisions budgétaires
L’un des points centraux de notre critique porte sur le manque de sincérité des prévisions budgétaires pour l’année 2024. Selon les déclarations du ministre des Finances, le budget total s’élèverait à 7000,3 milliards de francs CFA. Cependant, cette estimation inclut 1248 milliards d’amortissements de la dette, qui sont des recettes hors budget. En effet, depuis la réforme de 2009, les emprunts ne sont plus comptabilisés comme des recettes budgétaires au sens strict, mais comme des recettes de trésorerie.
La loi organique 2020-06 sur les lois de finances est claire à ce sujet : seuls les intérêts de la dette, ici estimés à 578 milliards, doivent figurer dans le budget. En incluant les emprunts dans les recettes budgétaires, le gouvernement viole les articles 8, 11, 27, 28 et 24 de cette loi organique. En réalité, sans l’amortissement de la dette, le budget réel s’élève à 5755 milliards, et non à 7000,3 milliards comme annoncé.
La disposition de la loi organique 2020-06 relative aux lois de finances, qui stipule que seuls les intérêts de la dette doivent figurer dans le budget, signifie que l’État ne doit pas inclure le remboursement du capital emprunté dans les prévisions de recettes et de dépenses annuelles du budget. En d'autres termes, les sommes consacrées au remboursement du principal de la dette (amortissement) sont considérées comme des opérations de trésorerie, et non comme des dépenses publiques ordinaires. Les intérêts de la dette, qui représentent les frais financiers que l'État paie sur ses emprunts, sont, eux, des charges courantes à inclure dans le budget car ils affectent directement les finances publiques et contribuent au déficit budgétaire.
Le remboursement du capital, quant à lui, bien qu'il s'agisse d'un engagement financier, est classé hors budget car il relève de la gestion de la dette plutôt que des dépenses de fonctionnement ou d'investissement de l'État. Cette distinction vise à renforcer la transparence des comptes publics, en permettant de dissocier les opérations de gestion de la dette des dépenses budgétaires effectives. En ne comptabilisant que les intérêts, l’État présente une image claire de la charge réelle et immédiate que représente sa dette, tandis que l'amortissement, souvent financé par de nouveaux emprunts, reste une opération de trésorerie.
Cette disposition protège contre une illusion budgétaire où l'État pourrait prétendre inclure des ressources temporaires (par exemple, des emprunts) dans ses recettes annuelles, alors que cela ne reflète pas la solidité économique du pays.
Cette manipulation des chiffres constitue une violation des principes de sincérité et de transparence inscrits dans la loi. En faussant les prévisions, le gouvernement dénature l’information budgétaire, ce qui affecte la capacité des institutions, des investisseurs et des citoyens à évaluer correctement la situation économique et financière du pays.
2.2. Prédictions irréalistes des recettes fiscales
Un autre aspect problématique du budget de 2024 est l’annonce d’une augmentation des recettes fiscales de plus de 693 milliards de francs CFA, sans introduction de nouvelles taxes ou impôts. Le gouvernement justifie cette hausse par une meilleure gouvernance fiscale, via la mise en œuvre des programmes SRMT et PROMAD. Toutefois, cette prévision semble particulièrement optimiste, notamment en période électorale où, historiquement, les recettes tendent à baisser, comme cela a été observé lors des élections de 2012 et 2019.
L’absence de sincérité dans ces prévisions est non seulement une faute technique, mais aussi une violation explicite de la loi organique relative aux lois de finances, qui impose la sincérité comme principe fondamental. En gonflant les chiffres, le gouvernement fait preuve d’un optimisme douteux, mettant en péril la crédibilité du budget.
2.3. Un déficit budgétaire préoccupant et une dette insoutenable
Le budget de 2024 prévoit également un déficit de 840,2 milliards de francs CFA, un chiffre préoccupant dans le contexte actuel. Ce déficit est d’autant plus inquiétant que la dette publique atteint désormais 15 000 milliards, avec près de 100 milliards consacrés au service de cette dette. Cette situation illustre une mauvaise gestion des finances publiques et met en lumière l’urgence de repenser la stratégie de financement de l’État.
La loi de finances devrait viser à contenir l’endettement et à assurer une trajectoire financière soutenable. Or, avec un endettement aussi élevé, le pays s’expose à un risque accru de surendettement, ce qui compromet sa stabilité économique à moyen et long terme.
Le budget de 2024, tel qu’il est présenté, souffre de graves manquements tant sur la forme que sur le fond. L’usage dévoyé de l’exposé des motifs comme instrument de légitimation politique, couplé à des manipulations comptables flagrantes, met en lumière une gestion budgétaire empreinte de légèreté et d’opacité. En intégrant des emprunts parmi les recettes budgétaires, en gonflant artificiellement les prévisions de recettes fiscales, et en omettant de rendre compte de manière transparente du niveau d'endettement, le gouvernement semble s'éloigner des principes fondamentaux de sincérité et de transparence inscrits dans la loi organique relative aux finances publiques.
Ce budget, qui fausse délibérément la réalité économique, expose le Sénégal à plusieurs risques majeurs. Tout d’abord, en violant les principes de sincérité budgétaire, il compromet la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux, qui fondent leurs décisions sur la stabilité et la fiabilité des informations fournies par l'État. Un budget artificiellement gonflé, reposant sur des prévisions économiques irréalistes, expose le pays à des révisions en urgence, à une dégradation de sa notation souveraine, et, potentiellement, à une baisse des investissements étrangers.
Ensuite, la manipulation des chiffres accroît le risque de surendettement. Avec une dette publique déjà considérable, atteignant 15 000 milliards de francs CFA, toute stratégie qui dissimule l’ampleur de la dette et des déficits pourrait précipiter le Sénégal dans une spirale d’endettement incontrôlé. Ce surendettement pourrait limiter la capacité de l'État à financer des projets structurants et à assurer les services publics essentiels, impactant directement le développement du pays.
Enfin, l’absence de sincérité dans les prévisions de recettes fiscales, couplée à des promesses non fondées de gouvernance fiscale améliorée, risque de créer un fossé entre les attentes budgétaires et les réalités économiques. Ce décalage peut entraîner des coupes budgétaires drastiques en milieu d’exercice, affectant des secteurs sensibles tels que l’éducation, la santé et les infrastructures. Ces ajustements forcés auraient des conséquences directes sur le bien-être des citoyens, surtout dans un contexte où les attentes sociales sont fortes.
En somme, loin d’être un simple outil de gestion des finances publiques, ce budget reflète une méthode de gouvernance qui, en faussant les données, met en péril la stabilité économique du Sénégal et mine la confiance des citoyens dans leurs institutions. Plus qu’une simple erreur technique, l'art de mal budgétiser devient ici un risque stratégique pour l’avenir du pays.
Dans ce sillage, il incombe désormais aux autorités compétentes de saisir le Conseil constitutionnel afin qu’il examine la conformité du budget aux dispositions constitutionnelles et organiques en vigueur. Le Conseil constitutionnel, en tant que garant de la légalité des lois organiques, notamment celles relatives aux finances publiques, est appelé à jouer un rôle fondamental dans la vérification de la régularité des choix budgétaires. Une telle saisine permettrait de lever toute ambiguïté quant à la conformité de ces dispositions aux principes de sincérité, d’universalité et de transparence, et de garantir que les engagements de l’État, notamment en matière de gestion de la dette, respectent scrupuleusement les exigences constitutionnelles.
Le rôle central des finances publiques dans la gouvernance de notre pays et leur impact direct sur la vie quotidienne des citoyens incitent à penser que la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière budgétaire et financière est appelée à se développer considérablement dans les années à venir. Cette évolution concernera non seulement le contrôle de constitutionnalité a priori des lois de finances, mais également des recours a posteriori, renforçant ainsi le cadre juridique et institutionnel de la gestion budgétaire. Cela contribuerait à consolider la confiance dans le processus budgétaire et à garantir que celui-ci reste aligné sur les exigences de la transparence et de la responsabilité démocratique.
VIDEO
Y'EN A MARRE TIRE LA SONNETTE D'ALARME
Arrestations controversées, libertés menacées, promesses oubliées : Aliou Sané dresse un bilan sans concession des premiers pas du gouvernement. Un rappel cinglant que la vigilance citoyenne ne prend jamais de vacances
Ce dimanche 6 octobre 2024, Alioune Sané, coordinateur du mouvement Y'en a Marre, a fait entendre sa voix lors de l'émission dominicaine de Sud FM. Dans un entretien percutant, il a exprimé de vives inquiétudes quant à l'état actuel de la démocratie sénégalaise.
Sané a pointé du doigt les récentes actions du nouveau gouvernement, notamment les arrestations pour "diffusion de fausses nouvelles". Il avertit que ces pratiques rappellent dangereusement celles du régime précédent, contre lesquelles le mouvement s'était battu. "On ne peut pas dire à une opposition comment elle doit s'opposer", a-t-il martelé, appelant à préserver l'espace démocratique chèrement acquis.
Le coordinateur de Y'en a Marre n'a pas manqué de souligner l'importance de la reddition des comptes, tout en insistant sur le respect des droits et de la présomption d'innocence. Il exhorte le gouvernement à agir de manière transparente et équitable dans ce processus.
Face aux défis sociaux critiques tels que l'insécurité, l'immigration irrégulière et le chômage des jeunes, Sané appelle à un leadership fort et inspirant. Selon lui, le nouveau président a la responsabilité de "faire rêver" la jeunesse sénégalaise et de l'engager dans un projet de développement national.
Malgré ces préoccupations, Alioune Sané réaffirme le rôle crucial de Y'en a Marre en tant que "sentinelle de la démocratie". Il souligne l'importance de maintenir des organisations citoyennes indépendantes, capables de s'élever au-dessus des intérêts politiques pour défendre les principes démocratiques.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
UNE ODE POUR LA RENAISSANCE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est de notre responsabilité, nous les Africains où que nous soyons, d’œuvrer pour le rétablissement de nos valeurs, de notre conscience historique, de nos ressources culturelles, de nos créations
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 05/10/2024
La renaissance africaine est une démarche qui propose un ensemble de valeurs en rupture avec les représentations euro-centristes et les négations de soi qui effacent et dévalorisent la conscience historique africaine.
Ce partage de résolutions communes doit s’accompagner d’une unité africaine avec pour levier un postulat qui permet d’œuvrer pour la renaissance : une unité culturelle avec la réappropriation du patrimoine historique et des valeurs africaines ainsi que l’exercice des langues nationales ; mais aussi une unité économique et monétaire avec une réelle exploitation des richesses naturelles du continent et enfin une unité politique d’où doit émerger une véritable démocratie participative qui aura pour fondement la pensée africaine le Ubuntu, la justice cognitive, la défense des droits humains fondamentaux et la lutte contre les corruptions, l’impunité et le népotisme.
Il est une de ces valeurs qu’il convient de mettre en lumière, celle de l’engagement politique qui doit être accompagné d’une intégrité sans faille.
Il s’agit ici de dénoncer les accessions au pouvoir qui ne sont pas acquises au moyen simple de la démocratie. Le suffrage universel doit être transparent et le pouvoir ne se conquiert pas à coup d’élections truquées, achetées. La conquête des plus hautes responsabilités d’Etat doit s’exercer par l’intelligence, par une exigence politicienne saine et par une vraie démarche intellectuelle. Un chef d’Etat est un homme tourné vers son peuple et qui doit mesurer, écouter et rendre possible les ambitions de celui-ci dans une cohérence républicaine et démocratique.
Certains gouvernants africains sont des usurpateurs qui tuent la créativité africaine. Ils sont les complices du grand banditisme international qui maintient le continent dans la misère crasse, le chaos, la guerre. Ils sont les assassins des forces vives du continent, de l’intégrité, de l’excellence intellectuelle et de l’entendement humain.
Comme le souligne l’ancien président Thabo Mbeki, grand défenseur de la renaissance africaine, « tant qu’il en sera ainsi, notre continent restera en marge de l’économie mondiale, pauvre, sous-développé et incapable de décoller. »
Et ce ne sont pas que des mots réservés à l’élite, aux cadres, aux intellectuels, c’est le cri de tous les peuples quels qu’ils soient.
Il ne s’agit plus de promesses, de discours pour mieux piller les États et leurs richesses. Il s’agit de rendre compte de ses actes et un homme d’Etat qui ne défend que ses intérêts personnels est un imposteur. L’Afrique n’est pas un continent mineur, des hommes et des femmes sont prêts à se battre pour son développement durable à l’échelle mondiale.
Cette prise de conscience doit s’accompagner de la réappropriation des richesses culturelles, historiques, intellectuelles de la pensée africaine. Nous possédons dans l’histoire antique des modèles d’intelligence et de démocratie en harmonie avec la société que nous voulons construire : les intellectuels du Moyen-âge, l’université des savoirs enracinée à Tombouctou durant des siècles, les savants africains de l’Égypte antique qui maîtrisaient les sciences physiques, spirituelles et sociales, « deux milles ans en avance sur les Européens de Grèce ».
Cinq cents ans d’esclavage et de pouvoir colonial ont réduit à néant ce fantastique héritage. Il est de notre responsabilité, nous les Africains où que nous soyons, d’œuvrer pour le rétablissement de nos valeurs, de notre conscience historique, de nos ressources culturelles, de nos créations qui sont exhibées de par le monde sans que l’on soit directement, sans intermédiaire crapuleux, impliqués dans la défense de ce patrimoine.
La connaissance de soi et l’ouverture du champ des possibles sont les seules issues pour recouvrer la dignité, la confiance et l’estime de soi.
La démarche de la renaissance africaine est une méthode de lutte perpétuelle contre les chefs d’Etat tyranniques, contre les népotismes, contre la misère intellectuelle, contre l’imposture, contre le crime organisé.
Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et attendre encore que plusieurs générations d’africains soient sacrifiées au seul profit de quelques hommes illégitimes et malhonnêtes.
Hommes politiques, hommes de culture, savants, chercheurs, cadres, artistes, intellectuels, ouvriers, paysans, chômeurs, enseignants, revenons à la « terre mère ».
Hommes, femmes, jeunes de tout le continent et de la diaspora, rassemblons-nous pour créer l’unité africaine de demain qui ainsi constituée formera l’image belle et renouvelée du continent et que l’on nomme la renaissance africaine.
« Pour toi je bâtirai
Un continent de pleine lune
Avec des terres sans frontières
Sans castes
Sans propriétés
Sans mépris
Et sans haine
Où grandiront
De beaux nénuphars noirs
Fleuris par les soleils de nos libertés !
Et je foudroie l’envahisseur et ses valets
Tous les nouveaux
Chiens de garde
Avec pour force
Ma seule folie ensoleillée
Brodée de conscience historique
Comment voulez-vous
Que je me soumette »
Extrait La parole du baobab, poésie, éditions Acoria, Paris, 1999.
Amadou Elimane Kane est enseignant, poète écrivain.
LE DUO QUI BOUSCULE LES CODES
« Il n'y a qu'une chaise pour un président », s'exclame l'opposition. Pourtant, le Sénégal semble aujourd'hui gouverné par un duo : Diomaye, le président novice, et Sonko, le Premier ministre charismatique. Leur tandem suscite espoirs et interrogations
(SenePlus) - Dans un paysage politique africain souvent marqué par la concentration du pouvoir, le Sénégal offre aujourd'hui un spectacle inédit : un tandem présidentiel qui bouscule les codes et suscite autant d'espoirs que d'interrogations. Le magazine Jeune Afrique (JA) consacre un grand angle à ce phénomène, mettant en lumière les dynamiques complexes qui animent l'exécutif sénégalais depuis l'élection surprise de Bassirou Diomaye Faye le 24 mars dernier.
Un duo né des circonstances
L'histoire de ce duo atypique commence par un coup de théâtre électoral. Bassirou Diomaye Faye, quasi-inconnu du grand public, est propulsé à la présidence avec près de 54% des voix dès le premier tour. Une victoire qui doit beaucoup à Ousmane Sonko, figure charismatique de l'opposition, empêché de se présenter et qui a rapporté son soutien sur son fidèle lieutenant.
Cette configuration unique trouve son origine dans les méandres de la politique sénégalaise. Comme le rapport JA, Faye lui-même aurait confié à l'un de ses conseillers : "J'ai travaillé pendant dix ans pour faire élire Ousmane Sonko, et il a fait de moi un président en dix jours." Une phrase qui illustre la profondeur des liens unissant les deux hommes, mais qui soulève aussi des questions sur la répartition réelle du pouvoir au sommet de l'État.
"Coprésidence" ou complémentarité ?
L'opposition n'a pas tardé à s'emparer du sujet, dénonçant ce qu'elle qualifie de "coprésidence qui ne dit pas son nom". Les critiques fusent, notamment après l'épisode de la dissolution de l'Assemblée nationale en septembre. Ousmane Sonko avait alors annoncé la mesure avant même que le président ne la décrète probablement, provoquant l'ire de ses adversaires.
L'ancien ministre Abdou Latif Coulibaly n'a pas mâché ses mots : "Vous avez décidé d'accompagner, à la limite de la déraison, votre Premier ministre. Vous avez préféré perdre la face devant l'opinion nationale plutôt que de gouverner en exigeant de lui qu'il obéisse à vos instructions." Des propos qui suscitent une inquiétude plus large sur l'équilibre des pouvoirs au sein de l'exécutif.
Cependant, l'entourage du duo présidentiel défend fermement leur complémentarité. Fadilou Keïta, ancien membre du cabinet de Sonko, explique : "Les gens sont obsédés par la relation entre les deux parce qu'ils ne comprennent pas ce qui les lie. Aujourd'hui, le chef de l'État a quelqu'un qui peut le remplacer et parler en son nom. Où est le problème ?"
Si la répartition officielle des rôles est claire - Faye est président, Sonko est Premier ministre - leurs styles de communication et d'action diffèrent sensiblement. Bassirou Diomaye Faye, décrit comme plus posé, semble avoir endossé le costume présidentiel avec une certaine retenue.
Ousmane Sonko, quant à lui, conserve le franc-parler qui a fait sa renommée d'opposant. Il n'hésite pas à distribuer des "piques assassins" et à maintenir une posture combative, notamment envers l'ancienne majorité et certains partenaires internationaux. Cette dualité soulève des questions sur la cohérence de la politique étrangère sénégalaise, mais pourrait aussi être vue comme une stratégie délibérée de « bon flic, mauvais flic » sur la scène internationale.
Un ancien candidat à la présidentielle, cité par JA, résume ainsi la situation : "Ils sont les deux faces d'une même pièce. En dépit de leurs divergences dans l'approche et dans leurs personnalités, ils s'entendent comme des larrons en foire."
Vers une refonte du système politique ?
Au-delà des personnalités, cette configuration pourrait annoncer une transformation profonde du système politique sénégalais. Depuis l'indépendance, le pays connaît une tradition d'hyperprésidentialisme, renforcée par les régimes successifs de Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall.
Le parti Pastef, dont sont issus Faye et Sonko, a toujours prôné une refonte de ce système. Madièye Mbodj, vice-président de Pastef et conseiller spécial du chef de l'État, explicite cette vision :
"Nous avons toujours défendu un système où l'Assemblée serait le centre d'impulsion de la vie politique et où le Premier ministre cesserait d'être un fusible, voire un laquais du chef de l'État. Le projet de refondation n'est pas encore en place, mais les prémices sont là. La pratique est en avance sur les institutions".
Cette volonté de réforme institutionnelle pourrait expliquer en partie la dynamique évoquée entre Faye et Sonko, comme une préfiguration d'un nouveau système de gouvernance.
Des défis immédiats à relever
Malgré leur popularité et leurs ambitions réformatrices, le tandem Faye-Sonko fait face à des défis immédiats et considérables. Le ralentissement économique, souligné par une récente mission du FMI, place le gouvernement sous pression. La tragédie du naufrage d'une pirogue au large de Mbour, coûtant la vie à 39 personnes, a douloureusement rappelé l'urgence de s'attaquer au chômage des jeunes et à la question migratoire.
Sur le plan économique, le nouveau pouvoir doit également rassurer un secteur privé inquiet face à la pression fiscale et aux nombreux audits en cours. Ousmane Sonko a notamment dénoncé la situation « catastrophique » des finances publiques, promettant de faire la lumière sur ce qu'il qualifie de « corruption généralisée » sous l'administration précédente.
Fadilou Keïta, nommé à la tête de la Caisse des dépôts et consignations, justifie cette approche : « La bonne gouvernance était le talon d'Achille du régime de Macky Sall. Des dizaines de milliards de francs CFA ont été décaissés [à la CDC] , à contre-courant de l'intérêt national. Il s'est passé des choses très graves, et il est important que l'on situe les responsabilités."
L'épreuve des législatives
Les élections législatives du 17 novembre prochain constituent un test crucial pour le nouveau pouvoir. Si Pastef part favori, l'issue du scrutin déterminera la capacité du duo Faye-Sonko à mettre en œuvre les réformes promises.
Le président a annoncé "une phase de redressement du pays, une phase de décollage et une phase de stabilisation". Mais il est conscient que le temps presse. Comme le souligne un cadre du parti cité par Jeune Afrique : "Diomaye, Sonko, c'est pareil. Notre parti a toujours prôné la désincarnation. Ce qui nous intéresse, c'est le Projet. Peu importe la couleur du chat au moment d'attraper la souris."