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12 avril 2025
Politique
LES RAISONS DE LA DETERIORATION DU DEFICIT BUDGETAIRE
La Lfi 2025 fait état de « mesures correctives engagées par les autorités pour assainir le secteur et poser les premiers jalons de la conduite des orientations budgétaires en phase avec la vision Sénégal 2050 ».
La Lfi 2025 fait état de « mesures correctives engagées par les autorités pour assainir le secteur et poser les premiers jalons de la conduite des orientations budgétaires en phase avec la vision Sénégal 2050 ».
Ainsi, le déficit budgétaire, dons compris, est projeté à 2362 milliards de FCfa, soit 11,6% du Pib en fin 2024 contre une évaluation du déficit à hauteur de 1891,1 milliards en 2023 (10,1% du Pib), soit une détérioration de 1,4%. « Ces déficits reflètent des tirages sur financement extérieur élevés, l’impact des charges de la dette contractée les années antérieures, le niveau élevé des subventions sur les produits énergétiques et alimentaires, associés à une performance modeste du recouvrement des recettes. Les tirages sur prêts projets devraient passer de 1225,2 milliards en 2023 à 1113 milliards de FCfa en 2024 reflétant la réalité constatée », indique le document. Toutefois, le déficit budgétaire en 2024 excluant les rattachements à l’exercice de 2023 d’un montant de recettes estimé à 200 milliards (0,9% du Pib) ressortirait plutôt à 10,6% du Pib.
Un budget de rupture
Un budget de rupture, « tant dans sa méthodologie que dans le contenu ». C’est l’ambition du gouvernement à travers la loi de finances 2025 qui « s’articule autour de plusieurs priorités stratégiques, visant à consolider la souveraineté nationale et à renforcer le développement économique et social du pays ». Il prévoit notamment de renforcer la souveraineté énergétique, de gagner la bataille de la souveraineté alimentaire, de préserver l’environnement tout en promouvant un développement territorial durable et harmonieux, de réaffirmer notre souveraineté en matière de sécurité et de défense, de poursuivre les actions pour une justice sociale et territoriale renforcée voire consolider les capacités des Collectivités territoriales pour une meilleure prise en charge des besoins au niveau des terroirs.
À titre d’exemple, une enveloppe de 120 milliards de FCfa est prévue pour le secteur primaire sous forme de subventions afin de stimuler la production. Au total, une enveloppe de 1070 milliards de FCfa est prévue pour renforcer la productivité de l’agriculture, le développement de chaînes de valeur et des filières moteurs de croissance. La hausse des dépenses liées au renforcement du capital humain (1377 milliards de FCfa) et l’équité sociale s’inscrivent dans une dynamique de « transformation profonde de notre modèle de développement ». « Il jette les bases de la souveraineté économique et engage le Sénégal sur une trajectoire nouvelle, caractérisée par une gestion budgétaire transparente, plus rigoureuse et soucieuse de l’allocation optimale et de l’utilisation efficiente des ressources publiques, tout en mettant un accent particulier sur la reddition des comptes », indique le document.
LES RESERVES DU PIT-SENEGAL À PROPOS DE LA DPG
Dans un communiqué de presse, le Parti de l’indépendance et du travail du Sénégal (Pit-Sénégal) a émis des réserves sur la Déclaration de politique générale d'Ousmane Sonko
Aliou DIOUF et Souleymane WANE |
Publication 30/12/2024
Dans un communiqué de presse, le Parti de l’indépendance et du travail du Sénégal (Pit-Sénégal) a émis des réserves sur la Déclaration de politique générale (Dpg) de Ousmane Sonko. Selon cette formation politique, les propos et le programme énoncés par le Premier ministre sont différents des actes posés par le Gouvernement depuis sa prise de fonction.
Le Parti de l’indépendance et du travail du Sénégal (Pit-Sénégal) s’est prononcé, à travers un communiqué de presse, sur la Déclaration de politique générale (Dpg) du Premier ministre, Ousmane Sonko. D’emblée, le Pit a indiqué que le Premier ministre a attendu d’avoir créé sa «propre tribune pour se jeter à l’eau, réussissant ainsi à éviter cet exercice devant la mandature précédente». Abordant le fond, le Pit relève que « la Dpg tardive » du chef du gouvernement n’est, en réalité, qu’une «profession de foi» survenant après les élections.
Laquelle reprend « les nombreuses idées » du référentiel « Sénégal 2050 », dont des pans entiers étaient déjà présents dans « le Plan Sénégal émergent ». Revenant sur la loi d’amnistie dont le Premier ministre a annoncé qu’elle serait rapportée, le Pit-Sénégal soutient qu’il s’est toujours opposé à l’adoption de celle-ci. Ce, parce qu’il estimait qu’aucune violence physique, morale ou politique ne doit être amnistié et mise sous silence dans l’intérêt de dessein politique. Cependant, le Pit demande quel serait le sort de nombreux présumés acteurs ou instigateurs des violences de 2021 à 2024 de tous bords, qui ont été libérés dont le Premier ministre Ousmane Sonko ?
En effet, le Pit dit être favorable pour la reprise des enquêtes et des auditions liées aux violences afin de situer les responsabilités de chacun. Mais, précise-t-on dans le document de presse : « le Pit ne milite pas pour la réouverture du cycle de tensions ayant conduit notre pays au bord du précipice ». Il regrette également que sur les 130 pages du document lu par le Premier ministre, une demi-page ait été consacrée « au plan politique pour évoquer brièvement des points comme la bonne gouvernance, les conditions de participation aux élections, le statut du chef de l’opposition… ».
Selon le Pit, cela est bien insuffisant et trahit une grande méprise quant aux jalons posés bien avant l’avènement de Pastef et de ses dirigeants. De l’avis de ce parti, le système politique sénégalais est certes perfectible, mais il a atteint un certain seuil après de longues luttes de la gauche sénégalaise et d’autres forces qui se sont sacrifiées pour le Sénégal. « Ousmane Sonko dirige un parti politique depuis environ 10 ans sans avoir jamais organisé le moindre congrès pourtant indispensable à une organisation politique démocratique », a rappelé le Pit. La formation politique a, par ailleurs, apporté son soutien à l’ancien député Moustapha Diakhaté actuellement dans les liens de la détention et à Barthélémy Dias, révoqué de ses fonctions de maire de la Ville de Dakar.
par Souleymane Gueye
L'IMPOSTURE PANAFRICAINE DE DROITE DE SONKO SUR LE CFA
Entouré de ses 'chiens de garde' - comme les nommait Nizan -, le nouveau régime perpétue la ligne de Macron et de ses valets africains : des ajustements cosmétiques qui ne remettent rien en cause
En réponse au "Zemmour de Ndoumbelane," Tahirou Sarr, Ousmane Sonko s’est proclamé panafricaniste à plusieurs reprises au sein de l’hémicycle. Mais être panafricaniste ne se limite pas à se draper dans des mots.
Le panafricanisme, c’est l’action collective pour l’émancipation des peuples africains. Ce n’est pas une posture, encore moins un slogan creux. Si de simples déclarations suffisaient, Ismaël Lô et sa chanson Africa auraient fait de lui le leader du panafricanisme. Mais la réalité est toute autre.
Ousmane Sonko, perçu comme l’incarnation de l’espoir pour une jeunesse africaine désabusée, est attendu sur le front du panafricanisme de combat. Ce combat, toutefois, ne peut être mené qu’en reconnaissant d’abord la fracture entre le panafricanisme des institutions, conservateur et complice de l’ordre établi, et le panafricanisme des peuples, révolutionnaire et porteur de véritables ruptures.
Cette reconnaissance est indispensable, car l’histoire ne s’écrit que dans le choc des idées. Le panafricanisme, loin d’être une utopie consensuelle, doit assumer sa polarisation : un camp défend l’émancipation populaire, l’autre perpétue la soumission institutionnelle.
L’histoire a toujours été façonnée par des clivages idéologiques. Le panafricanisme, ce grand rêve collectif africain, n’échappe pas à cette logique. Aidé par la face hideuse de l'imposture communiste occidental, l'idéologie dominante a réussi à limiter ce clivage gauche/droite à un clivage capitalisme /communisme.
Cependant, la gauche est bien plus qu’un dogme économique. Elle est l’esprit du soulèvement contre l’ordre établi. Elle ne commence pas avec Marx. Elle se manifeste dans chaque réponse à l'oppression, comme le soulèvement de Spartacus contre Rome ou la révolution haïtienne menée par Toussaint Louverture.
C’est précisément là où le peuple sénégalais attend le gouvernement dirigé par Ousmane Sonko : dans la mise en œuvre d’un panafricanisme de gauche, tel qu’évoqué dans le programme du président Diomaye. Être panafricaniste de gauche, c’est renverser l’ordre établi incarné par le panafricanisme de droite, celui des institutions
Lors de sa Déclaration de Politique Générale, Ousmane Sonko a pourtant trahi les attentes. Sur la question cruciale du franc CFA, il n’a pas tenu le discours audacieux que les peuples espéraient. Là où on attendait un rugissement contre l’ordre françafricain, nous avons entendu un murmure servile, digne d’un bureaucrate de la BCEAO. Cette posture de droite, celle d’un panafricanisme institutionnel aligné sur les intérêts des élites, est indigne de celui qui prétend incarner la rupture.
Le gouvernement de Sonko tiré par des chiens de garde, au sens que Paul Nizan attribuait à ces intellectuels soumis aux institutions anti-populaires, s’enfonce dans le sillon tracé par Emmanuel Macron et ses valets africains : des ajustements cosmétiques qui ne remettent rien en cause. Ce pour retarder les réformes audacieuses attendues et donner du temps à la pieuvre néocoloniale de se régénérer ce bras monétaire sous une autre forme.
Le peuple sénégalais n’a pas voté pour un gouvernement qui s’aligne. Il a voté pour une révolution. Le panafricanisme de gauche exige du courage : briser les dogmes, démanteler les institutions néocoloniales et redonner le pouvoir aux peuples.
par Abdoul Aziz Diop
ET OUSMANE SONKO PLAGIE MAME MADIOR BOYE
L'analyse lexicométrique révèle des similitudes troublantes, notamment dans l'emploi des mots "éducation", "formation" et "emploi", dont les fréquences sont quasi identiques avec le texte prononcé par l'ancienne Première ministre en 2001
Par leur impardonnable faute, les élites de tous les pays du monde cantonnèrent celles et ceux dont le très lourd fardeau que leur impose l’ignorance ne s’allège pas pour cause de non accès, à l’éducation, l’information et la culture, dénoncé par toutes les déclarations des droits de la personne humaine. C’est que les élites, non enclines, pour cause de sectarisme, à conforter l’universel, en tant qu’allègement de toutes les charges dont l’analphabétisme, n’entreprennent rien ou presque pour éviter que ce qu’elles désignent par populace, hélas nombreuse, ne tombe entre les mains des farouches partisans de l’ochlocratie. Issue de la pathologie dégénérative de la démocratie sous les coups de boutoir d’irréductibles ochlocrates, l’ochocratie, le pouvoir de la foule, chipé à la foule, s’impose alors à tous jusqu’au prochain réveil de l’Histoire.
Le 27 décembre 2024, bientôt un an depuis qu’il court contre les institutions de la République, Ousmane Sonko se décide enfin de prendre la parole à l’Assemblée nationale dans une atmosphère si peu virevoltante qu’on se croirait dans une interminable minute de silence le temps d’un discours de politique générale dont l’analyse, après coup, dit définitivement tout sur l’encore premier ministre de Bassirou D. D. Faye.
Le dendrogramme infaillible
Depuis l’an 2000, correspondant à l’année de notre intérêt appuyé pour la politique qui justifie le choix de cette date plutôt qu’une autre, 11 premiers ministres, de Moustapha Niasse à Ousmane Sonko en passant par Mame Madior Boye, Idrissa Seck, Macky Sall, Cheikh Hadjibou Soumaré, Souleymane Ndéné Ndiaye, Abdoul Mbaye, Aminata Touré, Mahammed Boun Abdallah Dionne (paix à son âme) à deux reprises (2014 et 2017) et Amadou Ba, sacrifièrent au rituel démocratique et républicain en vertu de la Constitution de la République intronisée par la hiérarchie des normes. Chaque discours de politique générale constituant une entité, deux grandes classes de discours se dégagent de la douzaine de textes dans lesquels n’importe qui peut opérer un tri en se faisant aider par un puissant outil d’analyse électronique adéquat qui ne dédouane pas pour autant le lexicométricien - celui qui analyse par le lexique des locuteurs - de la lecture, avant coup, des épreuves écrites. On désigne par dendrogramme le diagramme grâce auquel le spécialiste identifie les classes de textes pour mesurer, à l’intérieur d’une classe, les oppositions et rapprochements entre les entités. C’est aussi le principe du clustering qui permet de faire une classification des entités étudiées par distance ou similarité. En faisant le tri à l’intérieur des deux classes d’entités - Moustapha Niasse d’un côté et Abdoul Mbaye, Ousmane Sonko et Mame Madior Boye de l’autre - distantes ou similaires, le dendrogramme réalisé est celui présenté en illustration de notre tribune. Ousmane Sonko porta son choix sur la partie du diagramme global, constitué des 12 discours, qui fait que le discours de politique général prononcé, le 27 décembre 2024 devant la représentation nationale, n’est ni plus ni moins que le texte du grand oral de l’ancienne première ministre Mame Madior Boye. Ne célébrant que son nombril, Narcisse Sonko ne daigna pas rendre hommage à la grande dame de la République qui fit œuvre utile en s’adressant à son peuple, le lundi 1 janvier 2001, à travers ses honorables représentants élus au suffrage universel. Après avoir lu et/ou fait lire à ses nègres de service les discours de politique générale de Moustapha Niasse et de Mame Madior Boye, Ousmane Sonko adopta la conduite d’écriture dont Mame Madior Boye fit état au début de son discours de politique générale. « Si nous voulons mettre le Sénégal en ordre de bataille et les Sénégalais au travail, nous devons appréhender la réalité sans retard », dit-elle. « Mais, précise-t-elle, il ne s'agit point pour nous de faire l'état des lieux. Mon prédécesseur - [Moustapha Niasse] - s'en est déjà acquitté avec brio en faisant “un inventaire précis, objectif et sans complaisance” de la situation du pays à l'occasion de sa déclaration de politique générale le 20 juillet 2000. Permettez-moi donc de ne pas y revenir. » Ousmane Sonko et/ou ses nègres de service en concluent qu’ils doivent faire comme Niasse avant d’entreprendre de piller le patrimoine immatériel dont Madior Boye gratifia la République après avoir quitté ses fonctions de Garde des sceaux, ministre de la Justice dans le gouvernement dirigé par Moustapha Niasse dont le soutien historique au pape du Sopi (« changement en ouolof ») se solda par le triomphe par lequel commença, le 2 avril 2000, la séquence libérale qui prit fin le 24 mars 2024.
Le générateur du dendrogramme ne s’est pas trompé ! Il ne se trompe d’ailleurs jamais puisque celui qui le manie, en passant au peigne fin les textes de son corpus, peut multiplier les grands et moins grands tests de validation du diagramme généré. Passé l’état des lieux comme dans le discours de politique générale de Moustapha Niasse, Ousmane Sonko prit tout à sa successeure Mame Madior Boye. Quatre lexèmes - mots dans le jargon des lexicométriciens - attestent ce que nous avançons. Il s’agit des mots au singulier et/ou au pluriel « éducation, formation, et emploi » dont les fréquences dans les discours de Mame Madior Boye et d’Ousmane Sonko sont trop voisines pour ne pas dire parfaitement égales. Il ne fait aucun doute qu’on peut juger tout un discours, consacré aux préoccupations de tout un peuple, en le jugeant en fonction des places réservées, dans ledit discours, à l’éducation, la formation et l’emploi. L’emploi quand, bien sûr, l’environnement propice à la création de richesses est établi et entretenu et lorsque les richesses, équitablement réparties dans le pays au travail pour son affranchissement immatériel et matériel, sont au rendez-vous.
Ousmane Sonko est un plagiaire ! Il plagiat Mame Madior Boye. Inutile de comparaître devant un tribunal inquisiteur pour le prouver. La science a établi qu’il a triché pour passer le cap fatidique de la déclaration de politique générale qui requinqua une fois encore l’ochlocrate au pouvoir. Mais pour combien de temps encore à ne jamais travailler et à gagner du temps au contact des foules qui transformèrent la place publique en un immense réceptacle de harangues sans fin. Voilà en tout cas bientôt un an que cela dure.
Un discours de généralités politiques
La présidente de l’unique groupe parlementaire de l’opposition à l’Assemblée nationale, l’avocate et femme politique Aïssata Tal Sall, n’a pas tort d’attirer l’attention des citoyens assis devant leurs écrans de télévisions sur les slogans dans le discours chipé et travesti de M. Sonko. Jusqu’à la fin des temps, la plupart des slogans, exemples parfaits de viol par le langage, figureront dans les discours politiques des ochlocrates d’abord. Le philosophe politique roumain Constantine Salavastru, dont nous avons recommandé l’œuvre de philosophie politique à nos anciens étudiants de l’Institut des sciences de l'information et de la communication (ISSIC) - le journaliste et directeur de Walf, Moustapha Diop, connu pour ses digressions pro-Sonko, est l’un de ceux-là - dit des slogans qu’ils excluent la réflexivité dans une relation de pouvoir reliant son détenteur et sa destination (les foules notamment) pour lui signifier que la réciprocité n’existe pas. Et pour cause ! L’intellectuel camerounais Achille Mbembé parlant du « viol par le langage » dont le slogan est l’une des formes les plus courantes, écrit que « dans tous les rapports où l'une des parties n'est pas assez libre ni égale, le viol souvent commence par le langage - un langage qui, sous prétexte de n'exposer que les convictions intimes de celui qui le profère, s'exempte de tout, refuse d'exposer ses raisons et s'auto-immunise tout en faisant porter tout le poids de la violence au plus faible ». Mbembé répondait au discours controversé prononcé par l’ancien président français Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007, peu après son élection, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
La lecture des commentaires de profanes sur les réseaux sociaux avant et après la clôture du rituel républicain du vendredi 27 décembre 2024 en dit long sur les stigmates d’un viol par le harangue qui dura dix ans dans l’opposition et qui se poursuit pour on ne sait combien de temps encore.
Dans la septième édition de son ouvrage sur les « libertés publiques » (Dalloz, 1989), Claude-Albert Colliard parle des causes sociales, économiques et techniques de la « crise des libertés publiques ». Selon Colliard, « les causes sociales se résument en l’apparition, (…), du phénomène de masse ». « Les masses, écrit-il, tiennent des foules des sentiments parfois violents ». De sorte que « l’organisation des masses en partis politiques animés par quelques formules simples a abouti à une simplification artificielle et parfois dangereuse des problèmes, à une disparition des nuances ». « Jub-Jubal-Jubanti» (3J) est la dernière-née de ces formules simples qui ont fait tilt au Sénégal au cours du dernier quart de siècle politique. Ousmane Sonko trouve au 3J deux emplacements dans « son » discours de généralités politiques qui font que ses partisans d’abord l’attentent maintenant à la foire non révocable des bons résultats dont rien n’indique l’arrivée prochaine. « Nous avons déjà entrepris de bâtir une Administration publique autour des principes de probité et d’intégrité autour du “Jub, Jubal, Jubanti” », écrit Sonko juste avant de faire cap dans « son » texte sur 2025-2029.
Qui disait qu’Ousmane Sonko est le meilleur premier ministre que le Sénégal s’est donné depuis l’indépendance ? Le président de la République Bassirou D.D. Faye ! Le président de tous les Sénégalais changera-t-il d’avis avant longtemps ? Ses hautes charges ne lui permettent pas de lire les bénévoles du mouvement des idées ou ce qu’il en reste. L’auteur de cette tribune peut néanmoins se satisfaire d’avoir respecté sa promesse : répondre à Diomaye après la lecture et surtout l’analyse lexicométrique du discours de politique générale du premier ministre qu’il programma, pour rien, pour le 13 septembre 2024, dénonçant lui-même sa propre signature déjà entre les mains de l’ancien président de l’Assemblée nationale Amadou Mame Diop.
MORT DE JIMMY CARTER
Premier président centenaire de l'histoire américaine, il s'est éteint le 29 décembre à l'âge de 100 ans, laissant derrière lui l'héritage d'un homme qui a su transformer l'échec politique en triomphe humanitaire
(SenePlus) - D'après la presse américaine, Jimmy Carter, 39e président des États-Unis et lauréat du prix Nobel de la paix, s'est éteint le 29 décembre 2024 à l'âge de 100 ans.
Son parcours politique débute dans un contexte particulier. Comme le relate RFI, lors de sa candidature en 1974, il profite d'une Amérique échaudée par le scandale du Watergate. Cet outsider, alors quasi-inconnu sur la scène politique nationale, remporte l'élection présidentielle de 1976 face à Gerald Ford avec une marge d'un million de voix.
Dès son investiture, Carter marque sa différence. "Il a fait preuve de ce qu'il faudrait à tous les présidents : de l'humilité", souligne Mel Elfin, ancien responsable du bureau de Newsweek à Washington, cité par la radio française. Cette humilité se manifeste notamment lors de sa prise de fonction, où il choisit de traverser Washington à pied plutôt qu'en voiture.
Son mandat présidentiel (1977-1981) est marqué par des réformes importantes mais aussi par des crises majeures. Il crée les départements de l'Énergie et de l'Éducation, réforme l'administration et la fiscalité. Toutefois, son administration fait face à une inflation galopante atteignant 12% en 1979, une crise des otages à Téhéran, et l'invasion soviétique de l'Afghanistan.
Dans son célèbre "discours du malaise" du 15 juillet 1979, Carter déclare avec franchise : "Nous avons toujours cru dans ce quelque chose qu'on appelle 'progrès'. [...] Aujourd'hui, nous perdons cette conviction." Cette honnêteté, bien que louable, ne suffit pas à convaincre les électeurs, et il perd face à Ronald Reagan en 1980.
L'après-présidence de Carter se révèle extraordinairement productive. Comme le rapporte RFI, il fonde le Carter Center en 1982, dont la mission est de "récompenser la paix, se battre contre la maladie, construire l'espoir." Son engagement pour la paix le conduit dans environ 150 pays, supervisant des élections et menant des médiations diplomatiques cruciales.
Ses efforts sont récompensés par de nombreuses distinctions, notamment le prix Nobel de la paix en 2002. Lors de la cérémonie, il prononce un plaidoyer en faveur de l'ONU : "Il faut se confronter à ces défis planétaires en insistant sur la paix, sur l'harmonie avec les autres, avec des alliances fortes et un consensus international."
Fervent chrétien baptiste, surnommé "Deacon" (diacre) par ses services de sécurité, Carter n'a jamais hésité à critiquer ses successeurs, démocrates comme républicains. Il qualifie George W. Bush de "plus mauvais président des États-Unis" et n'hésite pas à dénoncer les "erreurs graves" de Donald Trump sur le dossier iranien.
Leon Panetta, ancien directeur de la CIA et secrétaire à la Défense, offre une analyse perspicace citée par RFI : "C'était un idéaliste, il voulait faire de bonnes choses. Mais j'ai senti qu'il n'avait jamais eu assez de pragmatisme pour pouvoir négocier, ce qui est inévitable à Washington si vous voulez faire quelque chose."
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ABDOU MBOW DÉMOLIT LA PRESTATION DE SONKO A L’ASSEMBLEE
Au cœur des critiques, l'absence du Premier ministre lors du vote du budget 2025. Le député s'inquiète particulièrement du transfert du Fonds intergénérationnel, alimenté par les revenus pétroliers, du ministère des Finances vers la présidence
Le député de l'opposition Abdou Mbow a vivement critiqué la prestation du Premier ministre Ousmane Sonko devant l'Assemblée nationale, lors de son intervention ce dimanche dans l'émission "Grand Jury" de RFM. Au lendemain de la déclaration de politique générale du chef du gouvernement, le parlementaire dénonce ce qu'il qualifie de "double forcing" dans la procédure budgétaire.
Au cœur des critiques, l'absence du Premier ministre lors du vote du budget 2025, qui s'est fait représenter par son ministre des Finances. Pour M. Mbow, il s'agit d'une "violation flagrante de la Constitution" et d'un "abus de pouvoir" de la majorité parlementaire. "Même lorsque nous avions la majorité, nous n'avons jamais foulé au pied les lois fondamentales", a-t-il souligné.
Le député a également pointé du doigt plusieurs aspects controversés du budget 2025. Il s'inquiète particulièrement du transfert du Fonds intergénérationnel, alimenté par les revenus pétroliers, du ministère des Finances vers la présidence de la République. Une décision qu'il qualifie de "scandale", estimant que cet argent destiné aux générations futures ne devrait pas être sous le contrôle direct de la présidence.
Un autre point de friction concerne l'inscription au budget d'une enveloppe de cinq milliards de francs CFA pour l'indemnisation des victimes des manifestations politiques de mars 2021. Abdou Mbow s'interroge sur les critères de sélection des bénéficiaires de ces indemnisations.
Le parlementaire a par ailleurs dénoncé la pression fiscale maintenue sur les citoyens malgré un déficit des recettes, ainsi que des zones d'ombre dans la gestion foncière, notamment concernant les attributions de terrains par le Syndicat des impôts.
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LA FRANCE REVIENT PAR LA PETITE PORTE EN RCA
Dans le plus grand secret, Paris a orchestré une réconciliation avec le président Touadéra, pourtant réputé proche de Moscou. Une partie d'échecs qui se joue dans l'ombre, entre formation militaire secrète et promesses économiques
La République centrafricaine et la France amorcent un rapprochement stratégique inattendu, six ans après leur rupture diplomatique. Cette réconciliation, initiée début 2023, marque un tournant dans les relations entre les deux pays.
Le processus de rapprochement a débuté lors d'une rencontre entre Emmanuel Macron et le président centrafricain Faustin Archange Touadéra au Gabon, orchestrée par Pascal Génin Perrez, une femme d'affaires française proche du couple présidentiel français. Cette médiation a abouti à la nomination d'un nouvel ambassadeur de France à Bangui, Bruno Foucher, et à la signature d'une feuille de route en avril 2024.
L'aspect le plus significatif de ce rapprochement concerne la reprise de la coopération militaire, organisée de manière discrète. Les forces armées françaises forment désormais des soldats centrafricains, notamment la garde présidentielle, non pas directement en RCA mais au Gabon. Ces formations, éventuellement dispensées par l'armée gabonaise à Libreville, incluent des instructeurs français qui enseignent le combat en jungle et l'utilisation de drones.
Sur le plan économique, la France cherche à reconquérir sa place. Un don de 10 millions d'euros a été accordé à l'État centrafricain, et plusieurs entreprises françaises tentent de s'implanter ou de renforcer leur présence dans le pays. Total, notamment, négocie de nouveaux contrats dans le secteur énergétique.
Cependant, cette nouvelle dynamique franco-centrafricaine n'efface pas l'influence russe dans le pays. Les anciens membres du groupe Wagner maintiennent une présence active à Bangui, symbolisée par l'érection récente d'une statue de leur ancien chef, Evgueni Prigojine, à proximité de l'ambassade de France. Le président Touadéra poursuit sa politique d'ouverture à différents partenaires internationaux, affirmant que "la République centrafricaine n'exclut personne".
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
VEILLÉES AFRICAINES DE NDÈYE ASTOU NDIAYE OU L’ART DU RÉCIT INITIATIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers ce livre, elle renseigne l'organisation sociale et le tableau culturel qui associent des images fortes et des valeurs universelles, celles de la loyauté, de l’engagement, du partage, de la fidélité, de l’humilité...
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Avec Veillées africaines, Ndeye Astou Ndiaye, professeure, romancière et nouvelliste, devient la voix de la transmission narrative du conte qui a valeur pédagogique, tout en créant un bel espace littéraire.
Au cœur des origines de l'humanité, le conte était de tradition orale et permettait de raconter, de manière directe, un récit qui s’apparente à l’esthétique littéraire. Par ce moyen, on peut dire que le conte était un mode de transmission mémorielle avant l’apparition de l’écrit.
Par un processus de mémorisation spécifique et par son interprétation, le conte appartient, de manière universelle, à la forme d’un récit qui renseigne sur l’histoire culturelle et sociale, tout en donnant à réfléchir à une problématique humaine qui est riche d’enseignement. Cette disposition orale et métaphorique devient la construction d’une pensée, ou plus exactement d’un raisonnement, tout en s’appuyant sur la dynamique narrative du réel et de l’imaginaire. Ainsi, par cette combinaison littéraire, le conte fait partie de la mémoire historique et culturelle.
Si l’on s’arrête un instant sur la didactique du conte, il apparaît que la dramatisation est accentuée et qu’elle devient ainsi, au-delà du contenu didactique, « une ruse de la raison orale », comme le souligne Mamoussé Diagne.
Pour le conteur, l’interprétation est parfois si grande que les analystes attribuent au conte un caractère profane. À travers le conte, on souhaite transmettre un savoir mais c’est le principe narratif, quelquefois travesti à l’extrême, qui donne sa validité au récit.
En ce sens, le conte laisse au locuteur une liberté d’expression suffisamment ample pour occuper une place décisive. On peut dire que le conte est aussi la « transposition » d’un phénomène social à travers le mécanisme d’un jeu qui tend à enseigner, à amuser, à faire réfléchir.
C’est cette articulation entre le réel et l’imaginaire, ouvrant un espace du possible, qui caractérise le conte. On apparente souvent le conte à une « petite pièce de théâtre » car la dramatisation, le travestissement des personnages tiennent un rôle majeur dans l’énoncé du conte. L’énoncé linguistique qui introduit le récit (il était une fois, etc.) ainsi que les relances à l’égard du destinataire constituent les éléments du rituel narratif. De même que les lieux, l’époque, les événements sociaux et culturels dans lesquels le conte se déroule ont toute leur importance. Par exemple, le soir est souvent propice à la narration du conte.
L’introduction au conte, ou sa mise en condition d’écoute, est très importante et s’inscrit souvent de manière formelle. Il en va de même pour la « finale » du récit. La chute du conte est le résultat du paroxysme entretenu par le récit, elle a aussi le rôle de rassembler les éléments profonds de la fable de manière pédagogique. Ici, le conteur conclut par une vérité qui éclaire la leçon en dépassant le récit lui-même.
Mais l’épilogue du conte n’est parfois qu’un prétexte, il n’est pas obligatoirement une contraction du récit mais plutôt une révélation décisive qui implique un questionnement. L’énonciation ultime provoque souvent une espèce de « démarche à rebours » du récit.
Ainsi, on pourrait dire que la conclusion du conte est le début d’une vérité, d’un savoir, d’un fait sociologique ou historique. Cette dramatisation de l’énoncé apporte au conte deux fonctions : une valeur illustrative et une valeur d’archivage ou de mémorisation. Ainsi le conte possède un rôle d’éducation car la toile du récit ainsi inventée permet une appropriation de valeurs morales, sociales, une réflexion sur une problématique nouvelle ou ancienne. Le caractère fictif du conte permet de mettre à distance l’implication humaine que chacun peut ressentir. L’utilisation des animaux de la faune, représentation irréelle de la nature humaine, en est un parfait exemple. La personnification, figure de style majeure du conte et de la poésie, apporte une nouvelle vision qui provoque l’inattendu, l’émotion, le sourire et la reconnaissance d’une situation qui s’inscrit dans le plausible tout en utilisant des artifices littéraires.
Avec Veillées africaines, Ndeye Astou Ndiaye, professeure, romancière et nouvelliste, devient la voix de la transmission narrative du conte qui a valeur pédagogique, tout en créant un bel espace littéraire. Tous les ingrédients du schéma narratif y sont présents : exposition, objet déclencheur du changement, intrigue, péripéties et résolution finale. Par sa composition narrative, la structure du conte possède un caractère initiatique qui amène le lecteur à une analyse des données pour dépasser, par exemple, un stéréotype humain. Pour assurer cette continuité culturelle, Ndeye Astou Ndiaye se fait la narratrice de l’enfance, période première de la formation, et tout ce qui fonde notre pensée, tout en développant nos capacités de construction mentale qui s’allient au merveilleux.
Ici, Ndeye Astou Ndiaye utilise tout le tissu allégorique africain et ses métaphores. Par ces récits, elle renseigne l'organisation sociale et le tableau culturel qui associent des images fortes et des valeurs universelles, celles de la loyauté, de l’engagement, du partage, de la fidélité, de l’humilité, la protection de la terre et de ses bienfaits et de l’espérance. De cet appareil narratif en apparence candide, elle rappelle l’importance de notre créativité,
En utilisant la transformation, et l’allégorie des animaux et de la flore, elle invite chacun à se saisir de la métamorphose littéraire pour en donner un sens éducationnel, pour créer une sorte de récit d’apprentissage qui a valeur de leçon. En cela, l’écriture du conte se rapproche de la poésie par ses images, par son langage, par ses anaphores et ses tropes littéraires.
De même, elle utilise des symboles typiquement africains, le baobab, les royaumes anciens, la ronde sociale et familiale incarnée par la case, la place de la femme dans nos sociétés à vocation matrilinéaire, les noms propres puisés dans notre sémiologie, ou encore des proverbes wolofones, pour ancrer ses récits dans nos conventions romanesques qui produisent une identification remarquable. L’originalité vient aussi que le recueil, dans sa deuxième partie, est traduit en wolof. Utiliser ici la langue wolof est un acte d’engagement puissant qui permet l’appropriation par l’expression du langage qui apporte avec lui une illustration au plus proche du sens de l’univers africain.
En ce sens, elle produit des récits qui posent la problématique de la transmission dans une dynamique pédagogique qui s’inscrit pleinement dans la renaissance panafricaine. De cet allié culturel, elle en fait une matière didactique qui a une valeur mémorielle et émotionnelle.
Ainsi, avec Veillées africaines, Ndeye Astou Ndiaye réussit à incarner un irréel réinventé par des emblèmes africains qui entraîne, de manière belle, la métamorphose de notre patrimoine littéraire, inspiré par son propre récit, par son verbe dans toute son altérité et par son identité culturelle.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Veillées africaines, Ndeye Astou Ndiaye, éditions Lettres de Renaissances, Paris, novembre 2024, ISBN : 978-2-36929-044-5.
En tant que Sénégalaise de la diaspora, la DPG discours m’a rappelée à ma terre, ravivant en moi un sentiment de fierté nationale mêlé de nostalgie. À nous maintenant de lever les yeux pour notre patrie et pour nous-mêmes
« Lorsque l’on te montre la lune, tu regardes le doigt », a lancé le Premier ministre au député Abdou Mbow, las et exaspéré par celui à qui il ne semble pas vouer d’animosité particulière, allant jusqu’à se demander comment le sauver si tant est que cela soit encore possible. Une pique acérée, adressée à un adversaire, mais qui dépasse la simple joute parlementaire. Car cette lune, il ne l’a pas montrée qu’à un député. Il l’a tendue à nous tous, Sénégalais, comme une invitation à lever les yeux au-delà des querelles stériles et des horizons limités.
Un pays se transforme d’abord au mental. Cette phrase, prononcée avec une clarté presque cinglante, a résonné dans une salle pétrifiée, où le silence seul semblait répondre. Les vérités crues du Premier ministre, dévoilant les failles de notre nation et les comportements à réformer, ne laissent aucune échappatoire. C’est au forceps, cet outil qui sauve des vies dans la douleur, qu’il entend extraire notre souveraineté de l’inertie et du fatalisme. Et qu’on l’aime ou non, il est difficile de ne pas reconnaître l’engagement d’un homme qui se donne tout entier à une cause : celle de son peuple.
Durant cette Déclaration de Politique Générale, bien des choses ont été dites, mais deux éléments m’ont profondément marquée. D’abord, cette idée que la reconquête de notre souveraineté est une tâche collective, impliquant chaque Sénégalais. Cela paraît évident, mais combien d’entre nous s’y sentent réellement concernés ? Ensuite, cette phrase d’un député, reconnaissant que le Premier ministre est « précieux ». Un mot simple, mais puissant, dans un contexte où la politique tend trop souvent à déshumaniser ses acteurs. Au-delà de ces impressions, la première partie de son discours, consacrée à un état des lieux et à des mesures concrètes, n’a fait que confirmer ce que j’avais déjà lu dans le référentiel 2050. Mais c’est dans la seconde partie, où il a méthodiquement répondu aux députés, que j’ai été touchée.
Face aux questions saugrenues et à l’agitation, il a gardé son calme, m’évoquant par moments des scènes dignes des affrontements verbaux historiques. Je me suis souvenue de ce débat entre Chirac et Fabius, en 1985, où Chirac, excédé, lâchait : « Soyez gentil de me laisser parler et cessez d’intervenir comme un roquet incessamment. » Ici encore, le spectacle politicien prenait parfois le pas sur le fond, mais les arguments du Premier ministre, clairs et précis, ont fini par s’imposer. Et comme il l’a lui-même souligné, personne n’a véritablement contesté le contenu de sa déclaration. Les critiques relevaient bien plus de postures politiciennes que d’un débat de fond. Une réalité frustrante, mais hélas compréhensible dans notre paysage politique actuel.
Ce qui m’attriste cependant, c’est l’allusion répétée du Premier ministre à ce qu’il appelle leurs « médias ». Il touche ici une plaie béante : la politisation insidieuse d’une partie de notre presse. Certains patrons de presse ont eu l’honnêteté de reconnaître leur engagement politique et de l’assumer pleinement. Mais d’autres, tout aussi engagés, continuent de se cacher sous le masque de l’objectivité journalistique. Comment peut-on prétendre faire du journalisme le matin et animer des meetings politiques l’après-midi ?
Avoir des convictions politiques est une chose, mais les dissimuler pour manipuler l’opinion en est une autre. C’est une forme d’escroquerie intellectuelle, une trahison du pacte de confiance entre la presse et le peuple.
En un mot, ce que j’ai entendu lors de cette Déclaration de Politique Générale, ce n’est pas une simple liste de mesures ou une rhétorique habile. J’ai vu un homme debout, fort et serein, malgré les épreuves qu’il a traversées. Un homme capable de résister aux vociférations sans haine, portant en lui une vision claire et humaniste. En tant que Sénégalaise de la diaspora, ce discours m’a rappelé à ma terre, ravivant en moi un sentiment de fierté nationale mêlé de nostalgie. Oui, il nous a montré la lune et demandé de faire bloc. À nous maintenant de lever les yeux pour notre patrie et pour nous-mêmes.
Oumou Wane est présidente de Citizen Media Group – africa7.
par Maniang Fall
QUEL REGARD SUR L'HÉRITAGE DE TIRAILLEURS ?
Une réparation authentique ne peut faire l'économie d'une remise en cause profonde de ces mécanismes néocoloniaux. C'est à ce prix seulement que la page du colonialisme pourra être véritablement tournée
La justesse de la réhabilitation humaine et de la réhabilitation matérielle des tirailleurs ne devrait souffrir d’aucune contestation de la part de tout individu tant soi démocrate et/ou sincère. Par contre, la réhabilitation mémorielle est questionnable si on n’essaie pas de l’approfondir ou de la nuancer à travers certains de ses aspects plus ou moins compromettants comme l’octroi de la mention « Mort Pour la France - MPF ». Une mention hâtivement accordée par l’Etat Français à quelques tirailleurs avant la célébration du 80ème anniversaire des massacres de Thiaroye par l’armée française le 1er décembre 1944. Cette mention revêt un double aspect :
un aspect relatif à des droits pour ses conjointes ou descendant-e-s en termes de pension de réversion ou d’allocations à des pupilles de la nation. A ces droits, on pourrait y ajouter un autre aussi démocratique dont devrait bénéficier la mémoire du tirailleur assassiné, c’est le droit d’être innocenté d’un crime imaginaire qu’il n’a jamais commis. Et tous les faits émergés de la censure le prouvent. L’approche d’Armelle Mabon pour le statut de « MPF » est aussi une formulation de droits démocratiques dans la bonne intention d’une égalité de traitement des tirailleurs par rapport à leurs « collègues français ». Il fait le parallèle entre l’affaire des tirailleurs de Thiaroye 1944 et l’affaire Dreyfus en France dans ces termes : « La balle est dans le camp du garde des sceaux qui peut saisir la Cour de cassation. Une réhabilitation serait un geste inédit depuis l’affaire du capitaine Dreyfus … Ces tirailleurs ont subi un traitement discriminatoire car ils étaient africains. Aurait-on laissé des soldats blancs dans des fosses communes et camouflé leur assassinat pendant si longtemps ?Thiaroye, c’est aussi une histoire du racisme[i]». Le capitaine était un officier juif dans un contexte de summum d’antisémitisme officiel entre autres en France à ce moment. Il avait été injustement accusé et condamné pour intelligence avec l‘empire allemand. Il fut libéré et réhabilité à la suite d’une grande mobilisation d’une catégorie d’individus qu’on appelle depuis lors « intellectuels ».
un aspect politique ou idéologique de la guerre pour laquelle ou à l’issue de laquelle le tirailleur est mort.
C’est dans cet aspect politico-idéologique que l’os s’incruste dans le boudin. Car toutes les guerres dans lesquels les tirailleurs sont impliqués sont soit des guerres entre brigands impérialistes comme en 1914-1918, soit des guerres de conquête, de domination et répression d’autres peuples colonisés. Pour utiliser un jeu de mot avec leur appellation, dans toutes ces guerres les tirailleurs TIRENT AILLEURS que vers ce qui devrait être leur véritable CIBLE : le colonialisme ou l’impérialisme régentés par la bourgeoisie de France. Même le paravent antifasciste ou antinazi brandi par les « Alliés » pour la seconde guerre mondiale ne devrait pas faire illusion dans la lignée de ce qui a été développé ci-dessus. A savoir en dehors du projet nazi d’exterminer d’entités telles que la communauté juive, les Tziganes, les LGBT, etc., la seconde guerre mondiale ne diffère pas fondamentalement de la première guerre mondiale. Les « puissances Alliées occidentales » ont prétendu mener un combat contre un régime prônant une hiérarchie entre les présumées races pour entretenir cette même hiérarchie dans les colonies, dans leurs armées, dans leurs pays concernant les USA où la ségrégation raciale était légale jusque dans les années. Outre la boucherie de Thiaroye en décembre 1944 contre les tirailleurs, le meilleur démenti à la posture antifasciste ou antinazie des « Alliés Occidentaux » est la cause sous-tendant la précipitation de leur rapatriement global : « le blanchiment ou le blanchissement de troupes » devant parachever la libération des villes comme Paris.
Et ce n’est pas tout ! La boucherie de Thiaroye 1944 ne constitue qu’un épisode de crimes de l’armée française. Il y en eut plusieurs avant. Peut-être, Thiaroye 1944 fut la seule tuerie de tirailleurs réclamant leurs dus fusillés comme des lapins par « leurs ex-frères d’armes ». Après Thiaroye, 1944 et la défaite du nazisme, les massacres de l’Etat français s’enchainèrent contre les manifestations politiques et les révoltes l’indépendance : les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie à partir de la signature de l’armistice entre la France et l’Allemagne le 8 mai 1945, les massacres de Madagascar en 1947, les massacres en Indochine jusqu’à la débâcle de l’armée en 1954.
Il faudrait souligner qu’au-delà de Thiaroye 1944, l’Etat français a commis une spoliation globale à travers la « cristallisation » des pensions des tirailleurs de son ex-empire colonial dans son ensemble à partir des années 1960. La conséquence fut le gel de leurs pensions déjà à un taux inférieur à ceux de leurs « collègues » français. Pour les toucher, de nombreux tirailleurs étaient obligés de vivre une partie de l’année en France dans des conditions précaires et indignes.
A la rigueur, la mention « MPF » pourrait être assumée par les tirailleurs dans le cadre d’une véritable guerre contre le nazisme avec une implication de fortes forces internationalistes en France se battant dans la perspective d’une révolution prolétarienne en France et d’une reconnaissance inconditionnelle à l’indépendance des nations sous domination coloniale. Hélas, il n’y en eut pas en France, du moins à un niveau très faible incapable de peser.
Dans cette rubrique, le passif de la gauche ou bien de « gauche » est très lourd sur toute une longue période historique :
La révolution bourgeoise de 1789 n’a libéré ni les femmes, ni les esclaves, ni les prolétaires de France non plus ;
Les idéologues, « grands Hommes » ou les « Lumières » furent pour l’essentiel des racistes, des colonialistes, des antisémites, des esclavagistes [ii];
C’est la « gauche » qui entreprit la conquête coloniale après la révolution de 1789 avec un Jules Ferry proclamant fièrement : « Les races supérieures ont le droit et le devoir de civiliser les races supérieures ».
La direction ou l'implication dans les guerres coloniales en Algérie, en Indochine, au Madagascar (1945-1962), en l’occurrence le Parti « Communiste » Français (PCF) et la Section Française de L’Internationale Ouvrière (SFIO), ancêtre du Parti Socialiste (PS). Le PCF n’était pas au gouvernement durant la guerre coloniale en Algérie en 1954-1962, mais a voté tous les crédits de guerre.
Un projet de déchéance de la nationalité française pour des personnes d'origine étrangère par le gouvernement de « gauche » Hollande-Valls 2012-2017 (au moins pour ce projet, Christiane Taubira fit preuve de ce qui lui restait de dignité en refusant de le défendre comme ministre de la justice). Selon l’usage, chaque président français, du moins du PS, choisit un parrain. Celui de François Hollande fut Jules Ferry !
Etc.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu une gauche française ayant incarné une position, une force vraiment anti-chauvine conséquente que l’alternative internationaliste entre les prolétaires de France et les peuples colonisés ne devrait pas être posée. Tout au contraire, quelle que soit la faiblesse des forces qui la portent, cela semble la seule voie de salut de l’humanité en butte à un désastre écologique, à des guerres « civilisationnelles » menées par les différentes puissances impérialistes, à du sionisme et du jihadisme mortifères, etc.
La « gauche » des pays dominés anciennement colonisés qui a viré sa cuti sont est mal placée pour faire la leçon à cette « gauche » française. Par exemple au Sénégal, la présidence et la primature (siège du premier ministre) furent considérées jusqu’à récemment comme un repaire d’entrisme d’anciens maoïstes, trotskystes, anarchistes, etc.
Dans les pays d’Afrique noire, force est de reconnaître que les tirailleurs bénéficièrent d’une certaine aura et suscitèrent la fierté dans de nombreuses familles mêmes élargies. Mais il n’en demeure pas moins l’existence d’un imaginaire négatif provoqué par le passage des tirailleurs dans différents pays contre leurs luttes de libération nationale qui semble être inconnu et/ou refoulé par les présumées élites. Par exemple au Madagascar, les femmes pour faire taire leurs enfants qui pleurent les menacent d’appeler les « tirailleurs sénégalais ». Et c’est dire, les tirailleurs ont dû y laisser une réputation tout sauf glorieuse. De même au Vietnam, les descendant-e-s qui furent le fruit de la « collaboration horizontale » de femmes vietnamiennes et de tirailleurs africains firent toujours l’objet de stigmatisations. Il ne s’agit nullement d’accabler les tirailleurs qui furent en général enrôlés de force comme le furent les « Malgré nous » en Alsace embrigadés par l’Allemagne sous l’occupation pour « servir » dans les pays de l’Est. Contre ces malentendus ou préjugés, des initiatives de contact et d’explications pourraient être prises entre Etats ou entre associations des différents Etats concernés.
Il en résulte de tout cela que cela constitue une révolte à genoux d’esclaves que des Africains demandent quelque chose à l’Etat français parce que leurs ancêtres se sont battus ou sont morts pour la France. C’est un signe de servilité.
La déviation symétrique existe au niveau de certaines organisations politiques en France ou une partie de la population française motivant la reconnaissance de certains droits à des étrangers africains d’une manière utilitariste : par exemple, « leurs ancêtres ont contribué à notre libération » ou bien « ils nous sont utiles économiquement pour une population vieillissante que nous sommes, surtout en faisant des tâches que nous ne voulons pas faire ».
Toute autre est l’approche anti-impérialiste internationaliste considérant une planète dominée par un système capitaliste où circulent sans entraves les capitaux, les marchandises et les biens immatériels. Au niveau des êtres humains, la liberté de circulation est refusée pour l’essentiel seulement aux prolétaires de pays dominés. Les classes dominantes de tous les pays se déplacent sans problèmes. Il en est de même pour les citoyen-ne-s des pays impérialistes sous condition de pouvoir économique.
De ce constat, il peut en découler la revendication suivante :
Liberté de circulation, d’installation de tous les prolétaires nomades en France ou ailleurs ;
Egalité complète des droits entre tous les travailleurs, y compris le droit de vote à toutes les élections.
C’est un postulat comme base d’une lutte pour une véritable émancipation sociale en France et une lutte pour la libération de la domination impérialiste des peuples dominés, voire au-delà. Il y a un terreau pour ce socle, à savoir la solidarité active et agissante de nombreuses associations et de plusieurs organisations de la gauche véritable envers les sans-papiers. Grâce aux nombreuses engrangées dans ces luttes, les « clandestins » sont devenus des sans-papiers gagnant en visibilité et aussi en dignité.
Mais cela ne suffit pas comme plateforme au regard du pillage économique, culturel enduré durant des siècles avec le maintien de bases militaires françaises dans différents pays d’Afrique. A cet effet, on devrait aller au-delà de la réhabilitation matérielle légitime des tirailleurs et exiger :
La remise de toutes les dettes contractées vis-à-vis de la France par ses ex-colonies ;
L’abandon sans contrepartie de tous les intérêts économiques français dans les ex-colonies françaises d’Afrique, en particulier les implantations de tous les monopoles impérialistes ;
La fermeture de toutes les bases militaires françaises et le retrait de toutes les troupes militaires françaises en Afrique.