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1 avril 2025
Femmes
CHIMAMANDA, L'ÉCRITURE RETROUVÉE
Après dix ans d'absence dans le domaine romanesque, la célèbre écrivaine féministe nigériano-américaine revient avec "L'Inventaire des rêves". Un roman qui explore la sororité entre quatre femmes africaines et revisite l'affaire Strauss-Kahn-Diallo
(SenePlus) - La célèbre écrivaine nigériano-américaine Chimamanda Ngozi Adichie, figure de proue du féminisme contemporain, est de passage à Paris pour présenter son nouveau roman très attendu, « L'Inventaire des rêves ». Lors d'un entretien accordé au journal Le Monde, l'autrice aborde avec franchise le blocage créatif qui l'a paralysée pendant une décennie, la genèse de son nouveau livre inspiré de l'affaire Strauss-Kahn, et livre son analyse sans concession sur la situation politique américaine.
Dix ans après le succès international d'« Americanah », Chimamanda Ngozi Adichie renoue avec la fiction qu'elle qualifie, selon Le Monde, comme « l'amour de sa vie, sa raison d'être, sa 'joie' ». Cette longue absence dans le domaine romanesque n'était pas volontaire, mais le résultat d'un blocage créatif profond. « J'étais bloquée, répond-elle, c'est aussi simple que cela », confie-t-elle au quotidien français.
L'écrivaine, née au Nigeria en 1977 et récemment naturalisée américaine, évoque avec une rare transparence les tourments liés à cette incapacité d'écrire : « Je me sentais totalement misérable, séparée de mon vrai moi », avoue-t-elle, ajoutant qu'elle « passait beaucoup temps à cacher aux autres qu'elle n'écrivait pas ».
C'est après avoir perdu successivement ses deux parents que la romancière a retrouvé le chemin de la création littéraire. Elle explique au Monde ce phénomène par une forme de connexion spirituelle : « C'est comme si ma mère m'avait ouvert une porte... » Un événement qu'elle ne cherche pas à rationaliser, mais dont elle revendique l'« intuition profonde ».
« L'Inventaire des rêves », ouvrage de plus de 600 pages décrit par Le Monde comme « un texte tonique et plein de sève », entrelace les destins de quatre amies africaines. « Cela faisait longtemps que je voulais mettre en scène des vies de femmes contemporaines », explique l'autrice qui souhaitait « montrer l'amitié qui les lie, la façon dont elles se comprennent, se soutiennent, explorer la 'sisterhood' [la sororité] ».
Le journal détaille les profils de ces protagonistes : Chiamaka (« Chia »), une Nigériane installée aux États-Unis qui a abandonné son emploi pour se consacrer à l'écriture de voyage ; Zikora, avocate tourmentée par un désir de maternité ; Omelogor, femme d'affaires aux opinions tranchées ; et enfin Kadiatou, femme de ménage guinéenne dont le parcours est inspiré de celui de Nafissatou Diallo.
Comme le rapporte Le Monde, le roman commence durant la pandémie de Covid-19, période durant laquelle les trois premières protagonistes s'interrogent sur leurs aspirations : « Les rêves des femmes sont-ils vraiment les leurs ? » La romancière confronte ses personnages aux injonctions contradictoires qui pèsent sur les femmes, créant une œuvre à la fois critique et engageante.
Le personnage de Kadiatou, d'après Le Monde, est librement inspiré de Nafissatou Diallo, la femme qui avait porté plainte contre Dominique Strauss-Kahn en 2011. Dans le roman, son rêve américain se brise lorsque « dans une chambre, 'un Blanc tout nu, un client VIP', s'est rué sur elle et l'a laissée 'la bouche pleine d'asticots' ».
Chimamanda Ngozi Adichie explique au journal son indignation face à l'abandon des poursuites contre DSK : « Quand j'ai su que les poursuites avaient été abandonnées sous prétexte que Nafissatou Diallo avait menti au moment de sa demande d'asile, j'ai trouvé cela injuste et immoral. C'était une façon de dire aux femmes : si vous êtes agressées sexuellement, il faut, pour espérer obtenir réparation, que vous soyez parfaites en tout point. Or, qui est parfait dans la vraie vie ? »
Pour l'écrivaine, ce livre revient sur « une affaire trop importante pour être classée sans suite » et démontre comment « là où le droit ne s'exerce pas, la littérature peut rendre justice », en « redressant par l'écriture 'l'équilibre des récits' ».
Interrogée sur la situation politique américaine actuelle et le retour de Donald Trump, Chimamanda Ngozi Adichie livre une analyse sans détour : « Je pense qu'on a trop couvert la folie [de Trump]. Parce qu'elle est divertissante, d'un certain point de vue, la télévision l'a beaucoup trop relayée, imprudemment. C'est cela qui a fait Trump. Si ça n'avait pas été le cas, il n'aurait pas gagné le premier mandat. »
L'écrivaine déplore, selon Le Monde, l'obsession pour le divertissement qui caractérise la politique trumpienne, citant en exemple une récente humiliation du président ukrainien Zelensky : « Regardez, quand Trump humilie Zelensky à l'écran, ce qu'il dit à la fin c'est : 'Ça va faire un bon moment de télévision !' »
Face à cette situation, Adichie affirme avoir pris ses distances avec l'actualité : « Je ne veux pas qu'elle contrôle ma vie ». Ayant grandi « dans une dictature, au Nigeria », elle assure que la situation actuelle ne « changera rien » à sa créativité : « Je ne me laisserai certainement pas aller au désespoir. »
« L'Inventaire des rêves » de Chimamanda Ngozi Adichie, traduit de l'anglais par Blandine Longre, est publié aux éditions Gallimard dans la collection « Du monde entier » (656 pages, 26 euros).
KEN BUGUL, UNE LEÇON DE SPIRITUALITÉ ET DE RÉSILIENCE
Honorée d'un doctorat Honoris Causa, l'écrivaine sénégalaise partage sa vision d'une société où l'indifférence gagne du terrain. "Je mourrai debout", affirme celle qui a fait de la résistance à la fatalité son credo
L'écrivaine sénégalaise Ken Bugul était l'invitée de l'émission "BL" animée par Pape Alioune Sarr, ce jeudi 19 mars 2025. Dans cet entretien profond et touchant, l'auteure du "Baobab fou" a livré une véritable leçon de spiritualité et partagé sa vision de la société contemporaine.
Récemment honorée d'un doctorat Honoris Causa par l'Université de La Laguna pour l'ensemble de son œuvre, Ken Bugul est revenue sur cette distinction qu'elle considère comme "un grand honneur". Cette reconnaissance internationale témoigne de l'impact de ses écrits sur plusieurs générations de lecteurs.
"Je mourrai debout", affirme celle qui a fait de la résilience sa philosophie de vie. L'écrivaine établit une distinction claire entre destin et fatalité : "Le destin, c'est le kit avec lequel on naît, tandis que la fatalité est une démission rapide face aux difficultés temporaires." Cette approche lui a permis de surmonter les nombreuses épreuves jalonnant son parcours.
La spiritualité occupe une place centrale dans la vie de Ken Bugul. Pour elle, il s'agit d'une quête permanente qui transcende le simple cadre religieux : "Du dogme à la connaissance, il faut toujours être dans la quête de Dieu. Plus on pense l'avoir trouvé, plus il nous dépasse."
L'auteure s'est également inquiétée de l'indifférence grandissante dans la société, particulièrement envers les jeunes. Évoquant le suicide récent de l'étudiant Matar Diagne, elle dénonce l'absence de "garde-fous" pour récupérer ceux qui souffrent : "Personne n'a le temps de personne. Les gens ne se parlent plus, ne s'écoutent plus, ne se regardent plus."
Ken Bugul a également tenu à rappeler le rôle fondamental mais souvent occulté des femmes dans les traditions spirituelles : "Sans les femmes, il n'y aurait pas eu de religion." Elle illustre son propos par des exemples tirés des trois religions monothéistes, où les femmes ont joué un rôle déterminant bien que rarement mis en lumière.
Son œuvre littéraire, initialement conçue comme une démarche personnelle de guérison, s'est révélée thérapeutique pour de nombreux lecteurs. "L'écriture qui répare", comme l'a qualifiée un professeur camerounais, trouve aujourd'hui un écho renouvelé auprès d'une jeune génération qui redécouvre ses livres.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
KEN BUGUL OU LA CONSCIENCE DE LA RENAISSANCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Par sa puissance littéraire, l'auteure de La Folie et la Mort nous oblige à raisonner sur nous-mêmes pour construire le chemin de la Renaissance. C’est un roman captivant par sa forme et par son propos
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
La Folie et la Mort de Ken Bugul est un roman déchirant qui accuse la force du pouvoir et les dérives sanglantes d’un continent en proie au déséquilibre. Le style de Ken Bugul possède un souffle narratif qui mêle réalisme, fantastique, allégorie tout en explorant l’univers secret des croyances africaines et la réalité brutale d’un monde qui a perdu ses valeurs. L’écriture elle-même oscille entre le récit romanesque, la prose poétique et l’épopée onirique. C’est un roman captivant par sa forme et par son propos. L’auteure tisse une histoire contemporaine sans rien oublier des injustices cruelles que traverse l’Afrique.
Dans un pays imaginaire, à quelques détails près, les habitants obéissent au grand Timonier qui a décidé de faire disparaître tous les fous « qui raisonnent et ceux qui ne raisonnent pas ».
On suit ainsi le destin de plusieurs personnages dont les histoires sont tragiques et empreintes de folie. L’espoir de vie est si réduit que malgré le courage, l’honnêteté et la lucidité qui les animent, ils sont voués à errer dans la nuit terrifiante des horreurs qu’ils ont traversées.
Mom Dioum, jeune femme qui a bravé la capitale pour étudier, revient au village désemparée. Un terrible secret semble l’habiter et elle décide de « se tuer pour renaître ». Pour cela, elle choisit de se faire tatouer les lèvres pour échapper à ses démons. Elle disparaît et sa décision va la conduire dans une longue errance initiatique et douloureuse. Inquiète, Fatou Ngouye, son amie d’enfance, part à sa recherche, accompagnée de Yoro le cousin de Mom Dioum. Arrivés à la capitale, les deux jeunes gens sont arrêtés par la police puis séparés. Et leur calvaire ne fait que commencer. Fatou Ngouye, déshonorée, connaît un sort tragique. Brûlée sur la place du marché, elle devient une figure de martyre. Yoro lui cède à la déchéance et s’allie, corps et âme, au pouvoir machiavélique pour survivre mais il n’y parviendra pas.
Mom Dioum, quant à elle ayant échoué son rite initiatique, est défigurée et se retrouve à l’hôpital psychiatrique. Elle y fait la connaissance de Yaw que des images de sang et de meurtres ont rendu irresponsable. C’est le seul espoir que propose le récit de Ken Bugul, la rencontre de deux êtres qui ont souffert et qui veulent retrouver la force et la voie de l’amour. Mais la folie ne peut survivre au désespoir et la mort vaut mieux que l’aliénation totale. C’est le message que semble délivrer Ken Bugul.
A travers ces récits irréels, et pourtant réalistes, haletants de blessures profondes, Ken Bugul nous entraine dans son univers littéraire singulier, fabuleux, chimérique et terriblement juste. La lecture de ce roman ne nous laisse pas indifférent car l’auteur sait aussi dénoncer ce qui peut mener le continent africain à la folie et à la mort : les humiliations de la dépendance, la misère, les guerres fratricides, les chefs d’Etat criminels avides de pouvoir, l’exploitation des peuples, la déshumanisation de l’esprit africain, la perte des valeurs et la course vers l’espoir sans cesse brisée.
Cette vision terriblement pessimiste est une sorte de métaphore poussée à l’extrême qui bouscule nos certitudes et nous force à réfléchir sur les enjeux de l’avenir du continent africain. Ken Bugul, par sa puissance littéraire, nous oblige à raisonner sur nous-mêmes pour construire le chemin de la Renaissance.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
La Folie et la Mort, Ken Bugul, Présence Africaine, Paris, 2000.
LA FEMME AU CENTRE DE LA STRATÉGIE POUR L’ÉDUCATION DES MASSES
Le tollé qu’a suscité la note de service du Directeur Général du Port Autonome de Dakar aménageant les horaires de travail en faveur des femmes et pour le Ramadan mérite une attention particulière, tant il renseigne sur la complexité de notre société
Amkoullel, l’enfant peulh : « Un enfant peut désobéir à son père mais jamais à sa mère ».
Le tollé qu’a suscité la note de service du Directeur Général du Port Autonome de Dakar aménageant les horaires de travail en faveur des femmes et pour le Ramadan mérite une attention particulière, tant il renseigne sur la complexité de notre société.
Mieux, il renseigne sur une certaine difficulté à mettre sur la besace à idées quelques problématiques de fond dont le traitement permettrait de combattre quelques freins au développement.
Par exemple : en tant qu’écrivain et intellectuel qui se nourrit de controverses scientifiques, je suis (excusez l'emploi du je) déjà très en avance aussi bien dans la réflexion que dans la rédaction d’un essai politique qui traitait de la place de la femme dans notre société.
Le titre choisi, assez complexe, est le suivant : La place de la femme dans la société sénégalaise : entre conformisme ou modernité. (Titre qui pourrait évoluer)
Il reste évident, au demeurant, que traiter le présent sujet serait comme se positionner sur une ligne de crête surtout quand, subséquemment, on veut réfléchir sur ce qui pourrait concourir à une vraie éducation des masses, au Sénégal. Problématique ; à savoir précisément l’absence d’éducation des masses, qui demeure un parmi d’autres des vrais obstacles au développement du Sénégal.
La solution, à cet effet, pourrait être de replacer la femme au centre même de la stratégie pour aboutir à une société ou l’éducation est socle de toute démarche des membres qui la composent.
En vérité, superficiellement, il est difficile pour un pays de se développer avec une grande partie de la population mal éduquée, mal instruite et qui considère l’argent comme la seule valeur à considérer.
Cela justifie l’expansion et la puissance du paraitre outrageusement soigné à « ndoumbelane » et érigé en passe-droit un peu partout.
Venons-en à l’absence d’éducation des masses.
Manifestation de l’absence d’éducation comme frein au développement
L’absence d’éducation dans la société a engendré au Sénégal beaucoup de tares. Lesquelles appréciées aussi bien au niveau des citoyens que des hommes politiques.
En effet, le Sénégal est un pays où chacun peut faire ce qu’il veut. C’est un pays où le respect est mort malgré les discours moralisateurs, à longueur de journée, sur la politesse et sur tout ce qui s’y apparente.
Un pays ou celles et ceux qui essaient de rester sur le droit chemin et qui font preuve de rectitude dans la démarche dérangent. Il est une société où le mensonge est généralisé et banalisé, où la corruption est un recours usité insolemment.
Le mensonge, l’impolitesse, la ruse et la corruption sont-ils devenus les arguments du citoyen qui ne se gêne plus d’en user abondamment dans sa vie courante ?
Le citoyen sénégalais pense que la voie de la réussite passe par l’emprunt des voies de contournement et non par le travail. Ainsi, est-il noté le point de départ de la course, sans règles établies et par toutes sortes de pratiques, vers l’obtention de la richesse.
Ce qu’il y a lieu de comprendre, en réalité, est que tous les problèmes liés au développement comme la mal gouvernance, la gabegie, le népotisme ou l’utilisation à des fins politiques de l’administration découlent ou s’expliquent par une mauvaise éducation.
Il est évident qu’une personne qui a vécu dans des valeurs de partage, de solidarité, de respect du bien d’autrui, du « Ngor, diom et fouleu » aura toujours un comportement exemplaire.
La personne qui reste dans les valeurs constitue une référence absolue et un exemple pour tous. C’est à ce niveau de responsabilité que sont appréciées éducation et instruction. L’éducation est un travail de base sur la personnalité de l’enfant. C’est cela qui subsiste pour dire vrai.
Prenons l’exemple des débats politiques au Sénégal. Le débat politique qui devait être civilisé et didactique n’est qu’étalage, la majeure partie du temps, de médiocrité et d’indiscipline.
Combien de fois, au Sénégal, des militants de partis politiques, du pouvoir comme de l’opposition, se sont montrés en exemple de la pire des manières en ne s’écoutant pas, en s’insultant, au pire, copieusement sur les réseaux sociaux et même ailleurs ? On ne se gêne pas de s’insulter pour exprimer nos désaccords.
Restons toujours sur les réseaux sociaux. Aucune possibilité de débat contradictoire. Des discussions viles et sans réel contenu. Le constat d’une attraction pour les débats sur les personnes, sur la nudité, sur la vie d’autrui, et quelques fois par le fait de quelques presses en ligne, constituant une violation du droit à la vie privée et frisant la majeure partie du temps une atteinte illégale à l’honneur et à la réputation de tiers distingués. Quant aux débats scientifiques, ils sont sanctionnés par leur audience quasi inexistante.
Sur un autre aspect, la vérité « Mbedoum-Bour » est l’expression la plus parlante et la plus évidente d’une conception rétrograde de la société.
Elle témoigne, par ailleurs, d’une absence d’éducation et d’inculture réelles dans notre société. Comment considérer la rue comme un dépotoir d’ordures pour n’importe lequel sénégalais s’il est suivi le sens très précis du “Mbedoum-Bour”.
Un autre exemple des plus illustratifs pour comprendre l’indiscipline au Sénégal reste l’irrespect total du code de la route et l’intolérance sur la route entre chauffeurs. Il suffit d’observer la circulation pour se donner une idée du Sénégal et de ses pathologies impossibles à dissimuler.
Pour terminer sur les manifestations de l’absence d’éducation des masses, chacun peut constater aujourd’hui que l’insulte est banalisée. Le discours racé et policé est de moins en moins constaté contrairement aux années 60 ou il était l’apanage du plus grand nombre.
Quelle décadence !
Quelles sont les causes de cette absence d’éducation des masses ? Les causes de la situation étant multiples. On peut citer, entre autres : la pauvreté, la désertion des parents (mari comme femme) du foyer conjugal pour une quête de vie quotidienne meilleure, la désagrégation de l’enseignement public, la télé et la presse qui font plus du marketing et du busines en offrant plus que du ludisme que du didactique. Le ludisme, en ce sens, est devenu l’opium du peuple.
Jadis, l’éducation et l’instruction des masses étaient un travail communautaire. Elles étaient partagées par différents acteurs à savoir les parents, la famille élargie, les voisins, l’Etat à travers les écoles et pour finir le monde de l’audiovisuel et de la presse.
Il faut revenir, en conséquence, aux fondamentaux à savoir une société normalisée ou chacun jouera traditionnellement son rôle. C’est là où le sujet traité est intéressant puisqu’il insiste sur une mission essentielle dévolue à la femme à savoir l’éducation d’une nation.
Revenons aux causes de la désertion des parents, mari comme femme, du domicile familial. Ce qui traditionnellement fait obstacle à la tâche d’assurer l’éducation des enfants.
Le constat qu’il est possible de faire est que, désormais, homme comme femme se rendent au travail. Cela n’est pas sans conséquence sur la construction de la personnalité de l’enfant dont la responsabilité incombe aux parents.
Plusieurs causes, d’une inégale importance, expliquent la nouvelle situation qui devient une règle. Parmi ces causes, deux des plus significatives restent la dure réalité dans les ménages qui fait que l’homme ne peut plus lui seul, conformément aux préceptes de l’islam et à la vérité culturelle, assurer la dépense quotidienne mais aussi, et dans bien des cas, le mimétisme qui amène la femme africaine à se comporter comme la femme occidentale. Il s’y ajoute le manque d’éducation citoyenne qui fait de l’argent la seule valeur à considérer.
La vérité retient, aussi bien dans les traditions africaines que dans les civilisations islamiques, que jusqu’à un certain âge bien défini, sept ans pour les uns, douze ans pour les autres, l’éducation de l’enfant relève de la femme qui doit lui inculquer les valeurs de base de la famille ainsi que celles de la société.
Pour ce faire, il est vrai, la femme est appuyée par la totalité des membres de la maison y compris les parents proches, les voisins. Quant au père, bien que souvent absent, il n’est jamais exempté de contribuer drastiquement à l’éducation des enfants. La base de l’éducation reposait sur un travail communautaire.
Au terme de l’âge requis, l’enfant est placé entre les mains de l’école qui assurait sa réelle mission. Par ailleurs, au plan historique, en France, la famille appartenait au père qui en détenait la responsabilité.
La raison de la généralisation du travail des femmes en Europe est à chercher dans les effets et conséquences des deux guerres mondiales qui ont décimé l’essentiel de la population jeune qui constituait les soldats.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les femmes, veuves pour la grande majorité d’entre-elles, se sont vues dans l’obligation de sortir pour travailler, nourrir leurs enfants en bas âge et se nourrir.
Il s’agit d’une situation objective pour répondre à un besoin réel de survie. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que le droit de vote accordé aux femmes n’est intervenu que récemment en France.
Dans ce pays, alors que les hommes ont obtenu le droit de vote universel en 1848, il s’est écoulé presque un siècle pour que les femmes obtiennent ce droit. C’est en 1944 qu’elles l’ont eu et n’ont pu, finalement, l’exercer qu’en 1945, juste après la Seconde Guerre mondiale.
La réalité vécue par les femmes africaines est tout autre et fort différente. Elle mérite d’être connue pour faire ressortir la position appréciable et très enviable que l’Islam et les traditions africaines offrent à la femme.
Pour illustration, le proverbe africain ne dit-il pas que « Les pantalons exécutent le jour ce que les foulards ont décidé la nuit » ? Ainsi, la place accordée à la femme, dans ces civilisations, est-elle d’importance.
En vérité, la femme est au centre de tout. Elle est, à la limite et à juste raison, vénérée. Proverbe = Sagesse des nations. Ce que les nations ont sécrété pour en faire vérité.
Aussi, accentuer ce mimétisme alors même que les vécus sont différents, pour affirmer que la femme doit forcément travailler et le faire comme à l’européenne, peut-il se traduire au résultat, par des effets pas si favorables que cela au développement de l’Afrique.
Il est, soit dit en passant, possible d’alerter sur la loi sur la parité qui doit être revue. Elle doit faire l’objet d’une étude sérieuse pour en déterminer les résultats, notamment en termes d’effet et d’impact sur le développement du pays.
Pour terminer avec la France où on a importé presque tout au mépris de nos vérités traditionnelles et sans recours à la tropicalisation, la parité, quoique semblablement obligatoire, reste optionnelle pour les formations politiques.
Au Sénégal, par exemple, même les conseils municipaux ont l’obligation de respecter intégralement la parité. Ce qui sape quelques fois à l’établissement d’un conseil performant.
La question à trouver réponse est de savoir comment les femmes sénégalaises puissent-elles s’épanouir intellectuellement tout en continuant à jouer pleinement leur rôle dans le foyer et notamment celui d’inculquer à l’enfant une éducation de base la plus solide qui passe même plus important que les considérations de préparation de ndogou ?
NB : L’insertion professionnelle des femmes ne répond plus contextuellement à leur seul désir d’épanouissement intellectuel ou à une volonté de contribution significative et incontestable au développement du pays mais une nécessité, pour beaucoup d’entre elles et au même titre que les hommes, de contribuer financièrement dans la maison pour une vie plus aisée. Elle n’est donc et ne sera jamais remise en question.
En définitive, la réponse à la question permettrait de bâtir et de mettre en pratique une politique d'éducation répondant à nos valeurs culturelles et cultuelles.
Boubacar Mohamed Sy est Juriste spécialisé en droit du numérique, des technologies avancées et de la cybersécurité, Conseiller Municipal / Commune de Patte d’oie.
Par Mamadou M. Mbacké LEYE
PISTE DE SOLUTION CONTRE LES VIOLENCE SEXUELLES AU SENEGAL
Les violences sexuelles sont des violations flagrantes des Droits des femmes et des filles au sein de la société. Le renforcement de la lutte passera par la mise en œuvre de ces recommandations.
Les violences sexuelles sont des violations flagrantes des Droits des femmes et des filles au sein de la société. Le renforcement de la lutte passera par la mise en œuvre de ces recommandations.
Il s’agit de mettre en place un programme national de lutte contre les traumatismes intentionnels et non intentionnels, renforcer la communication sur les conséquences néfastes des violences sexuelles, l’éducation sur la sexualité, la formation en matière d’établissement et de délivrance de certificats médicaux, l’accessibilité financière aux certificats médicaux, des tests de diagnostic (tests ADN…) et l’autonomisation économique des femmes.
- Ériger le bureau de prévention de la violence et des traumatismes du MSAS en programme national de lutte contre les traumatismes intentionnels et non intentionnels
Inscrire les « traumatismes et violences » comme un problème prioritaire de santé dans e prochain Plan National de Développement Sanitaire et Social (PNDSS) est une démarche importante pour une lutte efficace contre les violences sexuelles qui menace la vie des personnes surtout celles vulnérables (femmes et filles). Avec ce programme, un plan stratégique quinquennal sera élaboré prenant en compte la prévention et la prise en charge des violences avec la pleine participation des ministères, du parlement, de l’université, des collectivités locales, de la société civile (organisations communautaires), des ONG internationales de lutte contre les violences. Il sera un document de référence de toutes les stratégies planifiées à mettre en œuvre pour les 5 prochaines années.
- Élaborer et mettre en œuvre un plan national de communication sur les violences faites aux femmes et aux filles
La mise en œuvre du plan de communication permettra de mener des activités de plaidoyer auprès des Ministères en charge la santé, de la famille et de la justice et des partenaires pour un financement conséquent des activités de lutte contre les violences. Au niveau de la communauté, il faut cibler les autorités religieuses et coutumières pour les amener à cerner la place de la femme au sein de la société et les méfaits de la violence sur leur état de santé. Les agents communautaires peuvent diffuser les messages auprès des différentes couches de la population au cours des causeries, lors des journées de mobilisation sociale. La mobilisation sociale doit être massive, répétitive, intensive et persistante. L’utilisation des mass médias reste des canaux de communication efficaces pour faire passer des spots publicitaires et des débats sur la lutte contre les violences en langues nationales. Les messages vont permettre d’informer, de créer des attitudes favorables et de susciter des actions.
- Affecter au moins dans chaque établissement public de santé de niveau 2 un psychologue clinicien
L’État devra intégrer le corps des psychologues cliniciens dans la nomenclature de la fonction publique afin que ces derniers soient recrutés. En fait, actuellement, la non intégration à la fonction publique les pousse à s’installer dans les structures sanitaires privées inaccessibles financièrement pour la majeure partie des populations. Ainsi, les victimes sont obligées de se prendre en charge auprès des psychiatres, vu que ces derniers ont une certaine compétence dans ce domaine. Malheureusement, ces psychiatres sont inégalement répartis sur le territoire national. Le Ministère en charge la santé doit mettre à la disposition de chaque EPS 2 une unité de veille et de prise en charge psychosociale avec un psychologue et un assistant social. Il doit aussi collaborer avec la Faculté de Médecine, Pharmacie et Odontologie de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar et les unités de formation et de recherche (UFR) santé des universités des régions pour la mise en place d’un diplôme d’études spécialisées (DES) en psychologie médicale car n’étant pas encore disponible au Sénégal.
- Renforcer les capacités des médecins du secteur public comme privé en matière d’établissement et de délivrance de certificats médicaux
Le certificat médical doit être rédigé après examen du malade. Le contenu doit être lisible, clair et compréhensible. L’exactitude des données renseignées sur le certificat médical permet de qualifier certaines formes de violences. C’est un acte médical qui n’est pas spécifiquement corrélé à un spécialiste dans le domaine de la médecine mais il est préférable que le gynécologue fasse le certificat de constatation de viol si possible. Au cas où le certificat médical ne satisferait pas la plaignante ou le présumé agresseur, le juge peut saisir l’Ordre des médecins qui propose un expert. Le juge fait une ordonnance de désignation de l’expert. Ce dernier signe le serment et s’engage à travailler dans la transparence, l’honnêteté et l’impartialité. Ainsi, le certificat de constatation de viol est déterminant pour la sanction judiciaire des agresseurs. Il doit être délivré en mains propres à l’intéressée qui est ici la victime. Si elle est mineure, son tuteur légal est le seul habilité à disposer de son certificat médical. Certains praticiens, inconscients des risques encourus, continuent de délivrer des certificats médicaux dit de « complaisance » alors qu’ils ne sont nullement tenus de les fournir. En général, les demandeurs de ces certificats ont comme motifs d’échapper à la justice, ou de causer du tort au présumé agresseur. Les médecins des secteurs privé et public doivent bénéficier d’un renforcement de capacités en matière de certificats médicaux.
- Appliquer la loi relative à la criminalisation du viol
La criminalisation des actes de viol et la pédophilie entraine un surpeuplement des prisons car la durée de détention provisoire des présumés coupables n’est pas encadrée par des délais en cas de crimes. Cette situation doit encourager les autorités judiciaires à appliquer la Loi n02020 – 28 du 07 juillet 2020 consacrant le placement sous surveillance électronique comme mode d’aménagement des peines . L’application de la Loi vise à désencombrer les prisons et à maintenir les liens familiaux de la personne concernée. Au cours de son placement sous surveillance électronique, le juge mène son enquête. Ce dernier reste confronté parfois à des difficultés pour apporter des preuves permettant d’incriminer le présumé coupable. Parmi ces preuves, le test ADN reste crucial mais il n’est pas accessible financièrement pour la majeure partie des populations et n’est disponible qu’à Dakar, au niveau du Centre de Diagnostic et de Recherche en Médecine Moléculaire (CDRMM) et de l’Institut de Recherche en Santé, de Surveillance Épidémiologique et de Formations (IRESSEF). Pour y apporter des solutions, l’État doit renforcer les capacités diagnostiques et techniques en biologie moléculaire au niveau de la police scientifique et des établissements publics de santé de niveau 2 et 3.
- Renforcer l’éducation à la sexualité en milieu scolaire
L’éducation complète à la sexualité reste une stratégie importante pour préparer les jeunes à une vie saine et productive. Le milieu scolaire est un bon cadre pour connaître les avantages d’une éducation à la sexualité de qualité basée sur les programmes scolaires. Le milieu scolaire est un grand apport pour éduquer les élèves sur la sexualité. Ainsi, il est important de réviser les curricula de formation en introduisant des modules de formation sur l’éducation à la sexualité ciblant les adolescents notamment durant les cycles moyen et secondaire. Pour une meilleure appropriation, ce processus de révision devra impliquer toutes les parties prenantes du secteur éducatif notamment les associations des parents d’élèves, les représentants des élèves, les syndicats des enseignants, les directeurs, principaux et proviseurs, les ONG et les représentants du Ministère de l’Éducation Nationale. Ce processus devra impérativement s’adosser sur le respect strict de nos principes et valeurs culturelles.
- Promouvoir l’autonomisation économique des femmes
L’autonomisation des femmes passe par l’éducation qui leur permettra de sortir du monde de l’ignorance. L’État doit mettre à la disposition des associations féminines des spécialistes dans leurs domaines d’activités en vue de les encadrer à toutes les étapes, de la production à l’écoulement de leurs produits de qualité sur le marché. Ces activités encadrées leur permettront de générer des bénéfices qui vont servir à rembourser les prêts auprès des structures décentralisées de l’État, à assurer les dépenses de production notamment les charges en ressources humaines et matérielles. L’autonomisation économique exige un accès aux ressources et une capacité des femmes à les contrôler et à les utiliser d’où la nécessité de renforcer leurs compétences. Elle donne aux femmes plus de pouvoir de décision leur permettant de prendre des mesures L’autonomisation des femmes passe par l’éducation qui leur permettra de sortir du monde de l’ignorance. L’État doit mettre à la disposition des associations féminines des spécialistes dans leurs domaines d’activités en vue de les encadrer à toutes les étapes, de la production à l’écoulement de leurs produits de qualité sur le marché. Ces activités encadrées leur permettront de générer des bénéfices qui vont servir à rembourser les prêts auprès des structures décentralisées de l’État, à assurer les dépenses de production notamment les charges en ressources humaines et matérielles. L’autonomisation économique exige un accès aux ressources et une capacité des femmes à les contrôler et à les utiliser d’où la nécessité de renforcer leurs compétences. Elle donne aux femmes plus de pouvoir de décision leur permettant de prendre des mesures émancipatrices notamment la revendication de leurs Droits au sein de la société. Les femmes doivent occuper des postes de responsabilité comme les hommes au sein du secteur public comme privé. Ainsi, elles peuvent devenir des gestionnaires de programmes et être capables de prendre des décisions.
Par Fatou Warkha SAMBE
L’ILLUSION D’UN PRIVILÈGE
Ces aménagements d’horaires ne sont pas des faveurs, mais des confirmations institutionnalisées du rôle que la société assigne aux femmes. Elles rappellent que peu importe leur fonction ou leurs ambitions, le foyer doit toujours primer sur leur travail
Au début de chaque Ramadan, nos pratiques basées sur nos réalités socioculturelles mettent en lumière les dynamiques de genre profondément ancrées dans notre société. Si cette période est un moment de recueillement, de partage et de solidarité, elle révèle aussi une répartition inégale des responsabilités domestiques, qui ne cesse d’être renforcée par des décisions institutionnelles. Derrière les discours de bienveillance qui justifient certaines mesures, la réalité est bien plus pernicieuse : ces aménagements d’horaires ne sont pas des faveurs, mais des confirmations institutionnalisées du rôle que la société assigne aux femmes. Elles rappellent, avec insistance, que peu importe leur fonction, leur statut ou leurs ambitions, le foyer doit toujours primer sur leur travail.
Le choix de réorganiser les horaires de travail dans certaines entreprises, publiques comme privées, telles que le Port autonome de Dakar et La Poste, pour ne citer que ceux-là, autorisant les femmes à quitter le travail plus tôt que les hommes pour préparer le «ndogou», illustrent à quel point ces inégalités sont institutionnalisées.
Peu importe depuis quand ces mesures sont reconduites ou si elles ont été formulées à la demande des femmes, elles ne font que réaffirmer une perception genrée du rôle des femmes dans la société : celle du foyer, de la cuisine et du travail invisible.
Ces mesures posent problème car elles supposent que la charge domestique revient naturellement aux femmes, comme si leur travail professionnel devait toujours s’adapter à cette responsabilité. En libérant uniquement les femmes, ces institutions valident une répartition inégale des tâches et renforcent l’idée que leur rôle premier est de nourrir et de servir. Peu importe leur grade ou leurs responsabilités : aux yeux de ces décisions, préparer le «ndogou» est plus essentiel que tout autre travail.
Certaines personnes disent que ces décisions ne sont que la réponse à une demande des femmes elles-mêmes. Mais cette demande n’est elle pas le reflet d’un problème plus profond ? Si les femmes demandent à partir plus tôt, c’est parce qu’elles sont enfermées dans un schéma où la gestion du foyer repose exclusivement sur elles. Ce n’est pas un choix, mais une contrainte sociale normalisée. Elles savent que si elles ne préparent pas le «ndogou», personne d’autre ne le fera à leur place. Cette demande ne témoigne donc pas d’un besoin d’aménagement, mais d’une répartition inégalitaire du travail domestique qui reste un fardeau invisible.
Celles qui rient aujourd’hui, pensant profiter d’un «privilège», oublient que chaque concession faite au nom du «rôle naturel de la femme» renforce une assignation à des tâches qu’elles n’ont jamais choisies. Elles confondent soumission et confort, acceptant que leur disponibilité pour le foyer soit un critère de respectabilité sociale. Ce sont ces mêmes normes qui, demain, leur reprocheront d’avoir sacrifié leur carrière, qui les rendront coupables de ne pas «assez» se consacrer à leur famille, ou qui feront d’elles des employées moins considérées parce qu’on leur suppose des «obligations domestiques prioritaires».
Le problème n’est pas de descendre plus tôt, mais ce que cela signifie : un système qui ne laisse pas d’autres choix aux femmes que d’endosser des responsabilités que les hommes, eux, peuvent se permettre d’ignorer. Ces mesures contribuent à renforcer une inégalité professionnelle structurelle. A long terme, elles alimentent la perception selon laquelle les femmes sont moins disponibles pour des postes à responsabilités, ce qui justifie leur exclusion progressive des espaces de décision. Cette discrimination indirecte s’ajoute aux nombreux obstacles qui freinent déjà leur progression dans le monde du travail, notamment les écarts salariaux, les préjugés sur leur capacité à gérer des charges élevées et la surcharge des tâches domestiques.
Plutôt que d’interroger les déséquilibres dans la gestion des tâches au sein des foyers, ces institutions préfèrent renforcer la norme patriarcale selon laquelle les femmes doivent jongler entre emploi et responsabilités domestiques, pendant que les hommes restent entièrement déchargés de ces obligations.
Cette normalisation ne remet jamais en question l’absence des hommes dans ces responsabilités. Pourquoi ces mesures ne concernentelles pas aussi les hommes ? Pourquoi ne pas envisager une flexibilité qui permette à tous les travailleurs, sans distinction de sexe, de s’organiser en fonction de leurs responsabilités familiales ? En limitant cette mesure aux femmes, ces institutions entérinent l’idée que les hommes ne sont pas concernés par le travail domestique et que le seul rôle des femmes, audelà de leur fonction professionnelle, est d’assurer le bien-être du foyer. Pire encore, en institutionnalisant cette norme sexiste, elles rendent toute remise en question de la répartition des tâches encore plus difficile.
Comparer cette mesure au congé de maternité est une tentative absurde de détourner le débat. Le congé de maternité est une mesure de protection médicale et physiologique nécessaire après un accouchement, qui vise à assurer la santé de la mère et du nouveau-né. Il ne repose pas sur un rôle socialement imposé, mais sur un besoin biologique indiscutable. A l’inverse, descendre plus tôt pour cuisiner ne répond à aucun impératif biologique, mais découle d’une norme sociale imposée par le patriarcat, qui assigne les femmes au travail domestique et au soin des autres.
Assimiler ces deux réalités revient à confondre une nécessité médicale avec une injonction sexiste. Le congé de maternité n’est pas un privilège, mais une protection. En revanche, libérer les femmes plus tôt pour préparer le «ndogou» revient à officialiser leur rôle de cheffes de la cuisine, perpétuant ainsi une inégalité structurelle. De plus, cette comparaison masque un problème fondamental : si le congé de maternité existe pour protéger les femmes, où sont les mesures équivalentes pour alléger la charge domestique qu’elles portent en permanence, y compris au travail ?
Dans un pays où l’égalité des sexes est un principe constitutionnel, ces mesures sont une contradiction flagrante. L’article 1er de la Constitution sénégalaise affirme que «la République du Sénégal garantit l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de religion». De plus, l’article 25-1 précisait que «les hommes et les femmes ont les mêmes droits en matière d’emploi et de travail». Dès lors, toute mesure qui assigne un rôle spécifique aux femmes dans la sphère domestique, en les différenciant des hommes dans l’organisation du travail, constitue une violation directe de ces principes fondamentaux. Le milieu du travail doit être neutre, équitable et inclusif, et non renforcer les stéréotypes en dictant des pratiques basées sur des rôles genrés archaïques. En instaurant des horaires de travail différenciés selon le sexe, ces décisions institutionnalisaient une inégalité structurelle qui allait à l’encontre des engagements du Sénégal en matière de droits humains et d’égalité des sexes.
Ces décisions ne passaient pas seulement inaperçues aux yeux de certains, elles étaient même défendues par ceux et celles qui voyaient dans ces mesures une faveur à apprécier plutôt qu’une inégalité à dénoncer. Pourtant, revendiquer une égalité réelle ne signifie pas vouloir effacer les spécificités individuelles ou les besoins réels des travailleurs et travailleuses, mais bien remettre en question les injustices systémiques qui perpétuent l’oppression des femmes. Les féministes ne demandaient pas que le Ramadan soit plus difficile pour elles, mais que les responsabilités du foyer soient équitablement partagées.
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LA SG DE L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES FEMMES FRANCOPHONES LIVRE SON DIAGNOSTIC
Invitée de l’émission Objection de la radio Sudfm, Mme Diouf, Marie Bernadette Amy Ndione a préconisé une distinction pratique entre les besoins pratiques des femmes et leurs intérêts stratégiques.
La Secrétaire générale de l’Association internationale des femmes francophones a passé en revue hier, dimanche 09 mars, l’évolution de la politique d’autonomisation des femmes au Sénégal. Invitée de l’émission Objection de la radio Sudfm (privée), Mme Diouf, Marie Bernadette Amy Ndione tout en saluant les efforts accomplis par le Sénégal dans le cadre de la promotion des droits de la femme, a préconisé une distinction pratique entre les besoins pratiques des femmes et leurs intérêts stratégiques.
La Secrétaire générale de l’Association internationale des femmes francophones a dressé un état des lieux de l’évolution de la politique d’autonomisation des femmes au Sénégal. Invitée de l’émission Objection de la radio Sudfm (privée) hier, dimanche 9 mars, Mme Diouf, Marie Bernadette Amy Ndione a salué les efforts accomplis par le Sénégal dans le cadre de la promotion des droits de la femme. En effet, selon elle, sur le plan juridique, le Sénégal a fait des avancées significatives en matière d’égalité des sexes en citant notamment l’intégration de l’égalité homme-femme dans toutes les constitutions et l’adoption de lois spécifiques en faveur des femmes qui montrent, selon elle, une volonté politique de réduire les inégalités. Sous ce rapport, elle a cité plusieurs dispositions législatives et réglementaires adoptées par le Sénégal en faveur des femmes dont notamment l'équité fiscale en 2008, la modification du Code pénal en la faveur de l’intégration des dispositions relatives aux violences conjugales, à la répression de l'excision, du viol.
« L’une des avancées majeures reste la possibilité pour les femmes de transmettre la nationalité depuis 2013, ce qui est une grande victoire pour l’égalité des droits », a-t-elle soutenu. Toutefois, poursuivant son propos, la Secrétaire générale de l’Association internationale des femmes francophones a fait remarquer que « malgré ces progrès juridiques, l’application effective des lois reste un défi » pour le Sénégal. Citant la stratégie nationale d’autonomisation des femmes, la Secrétaire générale de l’Association internationale des femmes francophones a assuré que le diagnostic de ce document révèle la persistance « des inégalités dans l’accès à l’emploi, les écarts salariaux et la représentativité dans certains secteurs clés qui plombent l’éclosion du talent féminin »
Sous ce rapport, elle a cité les secteurs tels que l'agriculture, l'élevage, la pêche, l'artisanat mais aussi l'énergie où la présence des femmes est quasi inexistante. « Nous avons également constaté que 68 % du cheptel appartenait aux hommes, tandis que le salaire minimum des femmes était de 68 000F, contre 108 000F pour les hommes. La différence est flagrante. De plus, selon l’audit de la fonction publique réalisé en 2014, les femmes ne représentent que 23 % des effectifs. Cela montre qu’elles sont sous représentées dans ce domaine et qu’il reste encore beaucoup d’efforts à fournir pour améliorer la situation », a-t-elle lancé avant d’ajouter. « C’est bien de s’occuper des besoins pratiques des femmes comme l’accès à l’eau mais l’intérêt stratégique, c’est comment faire pour corriger toutes ces formes de discriminations qui plombent l’éclosion du talent féminin »
Par ailleurs, préconisant une distinction pratique entre les besoins pratiques des femmes et leurs intérêts stratégiques, Marie Bernadette Amy Ndione a aussi prôné la révision de l’article 152 du Code de la famille concernant la puissance maritale, de l'article 153 surle choix de la résidence, de l'article 111 relatif à l'élévation de l'âge du mariage, ainsi que de l'article 196 concernant l'interdiction de la recherche de paternité.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
AMINATA SOW FALL, LA VOLONTÉ ET L’ESPOIR
EXCLUSIF SENEPLUS - Elle est une médiatrice qui, par sa belle plume, fait passer une autre image de l’Afrique, celle des traditions, de l’intelligence, de la dignité, de la beauté, de l’énergie à combattre les injustices
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 09/03/2025
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
La problématique du roman d'Aminata Sow Fall pourrait a priori s’expliquer simplement. Pourtant il n’en est rien. Les paradigmes qui structurent le récit sont complexes et jamais unilatéraux.
Asta, une femme sénégalaise, la quarantaine diplômée et autonome, est victime d’une injustice alors qu’elle se rend en Europe pour une conférence sur l’Ordre Economique Mondial. A travers le récit d’Asta, arrêtée par la police des frontières et transférée au « dépôt » pour être reconduite chez elle, on assiste aux interrogations du peuple africain sur les sujets majeurs qui agitent le continent noir : la mésestime de soi, l’immigration comme seule chance de survie, chargée d’illusions d’un Eldorado impossible, la corruption des dirigeants africains et l’immobilisme qui en résulte, l’incompréhension et le mépris des autorités des pays occidentaux, la dépendance des Etats africains liée aux aides internationales, au pouvoir dévastateur du Fond Monétaire International, l’inégalité monétaire, politique, économique, sociale, la dureté des conditions de l’immigration, le passé colonial qui hante les esprits et produit les pires injustices.
A travers ces questionnements, Aminata Sow Fall ne donne aucune leçon de morale mais elle propose la voie intellectuelle, celle de l’écriture, la voie humaine, l’élan de dignité nécessaire à la construction, une voix de la renaissance africaine.
La construction littéraire de l’auteure est particulièrement intéressante car les personnages prisonniers du « dépôt » sont les témoins du chaos migratoire et racontent « l’enfer » de la déshumanisation. Le récit est haletant, comme une tragédie antique, au plus près des réalités contemporaines et utilisant un langage poétique qui émerge quand renaît l’espoir.
A l’extérieur du cachot, Anne, une amie française de Asta, se bat pour démêler l’imbroglio teinté de racisme primaire et l’injustice faite à sa « camarade ». Militante et convaincue de l’innocence de Asta, elle se heurte à la rigidité administrative, aux mensonges des diplomates, aux fausses promesses. Pendant ce temps, le drame continue de se jouer dans l’enceinte du « dépôt ».
Anne aussi rêve d’un monde meilleur pour former une ronde humaine et solidaire. C’est ce désir très fort qui unit les deux femmes si différentes et si semblables à la fois. C’est dans cette tentative d’harmonie féminine, de combat et de partage que prend toute sa dimension le récit de l’auteure.
Car Aminata Sow Fall est une médiatrice qui, par sa belle plume, fait passer une autre image de l’Afrique, celle des traditions, de l’intelligence, de la dignité, de la beauté, de l’énergie à combattre les injustices.
Dans l’épilogue du récit où Asta retrouve enfin la liberté, la blessure est vive mais elle n’est pas brisée. Et comme cadeau, elle reçoit une terre africaine qu’elle va aménager et cultiver pour la postérité. C’est le retour à la terre des ancêtres, loin de la cruauté de la ville, loin de l’illusion destructrice des côtes européennes.
Les Douceurs du bercail sont les richesses qui émergent de la terre de l’Afrique si l’on se bat, si l’on y croit, si le rêve est intact et que l’on transforme le savoir en abondance et que l’expérience devient sagesse.
Le roman de Aminata Sow Fall est l’expression de la force, de la confiance sereine, de la beauté, de la vérité, de la lumière de l’Afrique, éléments essentiels de la Renaissance Africaine et de la conscience historique du peuple africain.
Des procédures administratives bloquées, des enfants privés de voyages ou même de nationalité : le quotidien de nombreuses Sénégalaises est rythmé par l'absurdité d'un Code de la famille qui perpétue des inégalités flagrantes
Maguette Ndao et Ndeye Saly Diatta |
Publication 09/03/2025
Chaque année, la Journée internationale des droits des femmes est l’occasion, pour les Sénégalaises, de faire entendre leurs revendications. Parmi elles, une demande revient avec insistance : la réforme du Code de la famille. Derrière les textes de loi, ce sont des vies qui se jouent, des décisions cruciales parfois bloquées par des dispositions que certaines femmes jugent injustes.
Fatou Dia, la trentaine, est fatiguée. Depuis plusieurs mois, elle enchaîne les démarches administratives pour obtenir un passeport pour son fils. Mais impossible d’avancer sans l’autorisation du pater. ‘’Quand on prend seule en charge son enfant, pourquoi doit-on encore quémander l’accord d’un père absent ?’’ Sa voix tremble et valse entre la colère et l’épuisement.
Comme elle, de nombreuses mères dénoncent les obstacles posés par l’article 277 du Code de la famille. Ce texte reconnaît certes l’autorité parentale conjointe, mais en cas de désaccord ou tant que le mariage subsiste, c’est le père qui a le dernier mot en tant que chef de famille. Une réalité qui, pour beaucoup de femmes, complique les choses au quotidien.
Des pères absents, mais toujours décideurs
Aïssatou, installée en Espagne depuis des années, connaît bien ce casse-tête. Son fils, né à l’étranger, n’a toujours pas la nationalité sénégalaise. Et pour cause : le père, avec qui elle n’a plus de contact, refuse de donner son autorisation. ‘’Même pour aller au Sénégal en vacances, je dois voyager sans lui’’, confie-t-elle, résignée. Malgré des recours judiciaires, la situation reste bloquée.
Ce pouvoir laissé aux pères même absents ou désengagés est au cœur des frustrations. Une autre mère, exaspérée, décrit les lourdeurs administratives : ‘’C’est révoltant de courir après un irresponsable pour faire sortir son propre enfant du territoire.’’ Certaines évoquent même des situations de chantage où l’autorisation parentale devient un moyen de pression. Certains pères vicieux ou frustrés par la séparation l'utilisent contre la mère de leurs enfants.
Les choses, espère-t-on, pourraient changer avec les autorités actuelles. Une députée, membre de la majorité présidentielle, Maïmouna Bousso a posé le problème lors de de la déclaration de politique générale du Premier ministre Ousmane Sonko. Ainsi, elle a exhorté les autorités à décliner des orientations pour régler cette problématique. Mieux encore, la députée Marième Mbacké du groupe parlementaire Pastef/Les patriotes a déposé une question écrite adressée au ministre de la Justice. ‘’Dans la législation sénégalaise, l'autorité parentale exclusivement réservée au père pose de véritables problèmes aux mères divorcées avec des enfants. La mère divorcée est souvent responsable de la garde des enfants. À cet égard, elle devrait pouvoir signer les documents de voyage de ses enfants mineurs’’, écrit-elle. ‘’Cependant, certains hommes utilisent cette autorité comme une arme de guerre contre leur ex-épouse au point de nuire à leurs propres enfants en leur refusant, sans raison, la signature de l'autorisation parentale. Ce qui entraîne des conséquences graves, particulièrement pour les enfants vivant avec leur mère à l'étranger’’, argue-t-elle.
D’après Marième Mbacké, ‘’les femmes de la diaspora sénégalaise nous ont souvent interpellées sur ces questions. C'est pourquoi, sans adopter une perspective féministe, nous vous prions de reconsidérer cette mesure. Le père, en tant qu'autorité morale au sein de la famille, ne pose pas de problème, mais il est important que les deux parents puissent donner leur consentement aux voyages de leurs enfants’’. Ainsi, ‘’pour remédier à cette situation, ne serait-il pas opportun de réviser le Code de la famille ? Quelles seraient les mesures que vous comptez prendre pour trouver des solutions à ce problème’’, a demandé Marième Mbacké à Ousmane Diagne.
Ce dernier n’a pas encore répondu ou, du moins, sa réponse n’est pas pour le moment publiquement partagée. Donner une suite favorable à cette demande aidera à couronner des années de luttes des Sénégalaises.
Par ailleurs, existe une autre disposition légale jugée discriminatoire à l’égard des femmes. Il s’agit de l'article 196 du Code de la famille. Il interdit la recherche de paternité pour un enfant né hors mariage, sauf si le père accepte de reconnaître l’enfant. Une disposition qui, pour beaucoup, prive les enfants de leur droit à connaître leur filiation et place les mères dans une situation de dépendance juridique.
Le 8 Mars, au-delà du folklore
Par ailleurs, alors que les préparatifs pour la Journée internationale des droits des femmes battent leur plein, certaines veulent profiter de l’occasion pour mettre ces questions au centre des débats. ‘’Le 8 Mars, ce n’est pas juste pour défiler ou offrir des fleurs. On veut des changements concrets, surtout sur l’autorité parentale’’, martèle une militante engagée dans la défense des droits des femmes.
Depuis 2004, le Sénégal est pourtant signataire du Protocole de Maputo, un texte continental qui garantit l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris dans les droits parentaux. Mais vingt ans plus tard, plusieurs dispositions du Code de la famille restent en décalage avec ces engagements. C’est le cas de l’article 111, qui fixe l’âge minimum du mariage à 16 ans pour les filles et 18 ans pour les garçons. Une différence qui, pour les défenseurs des droits humains, consacre une inégalité dès l’union matrimoniale et va à l’encontre des principes d’égalité défendus par le Protocole.
Un combat long et éprouvant
Pour celles qui décident d’entamer des démarches pour obtenir la puissance parentale exclusive, le chemin est semé d’embûches. ‘’Il faut être prête mentalement et financièrement. C’est long, compliqué et rien ne garantit qu’on aura gain de cause’’, explique Mariama, qui a engagé une procédure contre son ex-mari.
Certaines espèrent que le nouveau régime politique fera de ces questions une priorité. ‘’Il est temps qu’on arrête de laisser un père absent décider de la vie de son enfant’’, tranche une autre mère, lassée par les lenteurs administratives et juridiques.
Entre attentes et espoir de réforme
Pour beaucoup, il ne s’agit pas seulement d’une question juridique : c’est une bataille pour la dignité et l’égalité. Derrière ces revendications, il y a l’espoir qu’un jour, être mère au Sénégal ne rime plus avec dépendance ou impuissance face à la loi.
À l’approche du 8 Mars, ces voix veulent se faire entendre. Et au-delà des discours officiels et des célébrations symboliques, elles attendent surtout des actes.
Les noms des femmes qui ont témoigné dans cet article sont des noms d’emprunt.
par Jean Pierre Corréa
NDEER EN ACTIONS, POUR QUE LE 8 MARS NE SOIT PAS UNE FOLKLORIQUE SAINT VALENTIN
Il serait temps que l’on parle d’autre chose que de parité et d’égalité, et qu’on exige enfin du respect pour ce genre qui est avant tout celui de nos mères, de nos sœurs et de nos filles
Il est à redouter qu’encore cette année, le 8 mars soit une nouvelle fois une occasion ratée de remettre au milieu du village, la problématique récurrente des « Droits de la Femme », que l’on se plaît à célébrer au Sénégal sous le vocable forcément réducteur de « Journée de la Femme », fêtée avec le folklore qui sied aux traditionnelles gaudrioles avec lesquelles nous savons si bien dérouler notre sens aiguisé du futile et du vaporeux. Même sous des auspices proclamés de « Ruptures », nous n’échapperons pas aux cérémonies bruyantes et dissipées durant lesquelles des femmes de toutes organisations, drivées par le convenu et inévitable ministère de la Femme, sapées dans un dress-code grégaire et désuet, vont faire assaut des discours habituels vantant et relatant d’exceptionnels parcours de femmes, qui servent d’arbres à cacher la forêt dense qui enveloppe les tourments et les drames que vivent souvent la majorité d’entre elles.
Dans l’expression de mon métier, je plante ça et là, quelques « marronniers », et le 8 mars en fait partie, sauf qu’il me semble plus pertinent de proclamer mon amour pour les femmes, la veille, c’est-à-dire le 7 mars, date qui depuis 2015 marque Talaatay Ndeer, référence à la dignité conquise de haute lutte par ces femmes qui ont illuminé le sens aigu de la rébellion des Sénégalais, et que l’Association Ndeer en Actions a choisi pour célébrer les Femmes, en pointant ces faiblesses sociétales, qui comme des « cailloux dans nos babouches », nous empêchent d’avancer avec hardiesse et élégance sur les chemins qui balisent nos aspirations égalitaires.
Les engagements intelligents et dynamiques ayant pour vertus de s’agréger, la directrice du laboratoire genre de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), le professeur Fatou Sow Sarr diffuse cette conviction et accentue le plaidoyer pour l’intégration dans le calendrier républicain de la date du 7 mars pour célébrer la journée de la femme sénégalaise. Si la date du 8 mars est retenue, depuis 1977, à l’échelle internationale, en référence à la lutte des femmes ouvrières, elle estime « qu’il est temps pour le Sénégal de célébrer ces « Linguères » qui se sont immolées le 7 mars 1820 pour sauver l’honneur de leur patrie, et de consacrer la date du 7 mars au temps de la réflexion pour revisiter l’histoire des femmes de Talaatay Ndeer et faire du 8 mars un moment des festivités. Il est vrai que le brouhaha des tamas peut ne pas être propice à l’expression porteuse de changements audacieux et…urgents.
Hom-Deff : cela ne s’invente pas !
Loin des célébrations festives organisées par toutes sortes d’associations et groupements féminins, souvent issus d’entreprises ou d’institutions, cette date du 7 mars est épinglée dans le calendrier national par une association dénommée Ndeer en Actions, au sein de laquelle, c’est à souligner, des hommes et des femmes défendent, animés par leurs convictions, les principes qui sous-tendent la quête d’un certain égalitarisme entre hommes et femmes pour faire rimer femmes et démocratie. C’est d’ailleurs une singulière particularité de Ndeer en Actions, que d’accueillir en son sein l’Association des Hommes pour la Défense des Droits des Femmes et des Filles, Hom-Deff, comme pour dire « l’homme fait », ça ne s’invente pas, tout en décernant des « Diplômes de Reconnaissance » chaque année à des hommes qui ont par leurs actes, contribué à faire avancer la cause des femmes et des jeunes filles.
Mame Binta Cissé incarne dans un enthousiasme entraînant Ndeer en Actions. MBC est politique, d’essence et de nature. Parce que son environnement a toujours été politique, dans son sens premier et le plus noble, celui rattaché à la racine « polis » qui évoque la cité et donc ses citoyens.
Mame Binta Cissé est conquérante, au sens où elle aborde les problématiques qui lui tiennent à cœur, avec le goût du combat, et l’objectif de la victoire, à travers les résolutions des problèmes.
Les cercles de femmes, n’ont plus de secrets pour cette dame de Rufisque qui a toujours mis un point d'honneur à participer ou organiser la journée internationale des femmes, créant en outre l'association « Ndeer en actions » en 2015, avec pour mission de faire du 7 mars une journée nationale des femmes commémorant Talaatay Ndeer.
En 2022, les réflexions portaient sur le comportement que devraient avoir les jeunes filles en milieu scolaire sur internet pour éviter les dérives et promouvoir l’égalité, en 2024 sur le rôle des hommes dans l’émancipation des jeunes filles et l’autonomisation des femmes en milieu urbain.
La session de réflexion de 2025, inspirée du principe qu’il faut « continuer le début et que ce n’est qu’un combat », proposait en ce mois de Ramadan un thème d’une grande acuité : « Femmes et Islam. Quelles réformes pour le Code de la Famille ? ».
Qu’il se soit agi de Madame Sophie Cissé, modératrice, ou d’Alassane Niang, spécialiste en Charia et législation islamique, ou d’El Hadj Mbaye Bassine, Imam de la Mosquée de Keury Souf, tous ont évoqué la Sacralité de la Femme en Islam, et précisé sa place de choix, que certains ont choisi justement de ne pas voir… Il est vrai que notre particularité, réside dans le fait que les Sénégalais, souvent, ne comprennent pas…ce qu’ils savent.
Les acquis ne sont jamais définitifs et requièrent pour être pérennes, vigilance, sagacité et…convictions citoyennes.
Alors, que ce soit le 7 ou le 8 mars, ce qui est en jeu n’a rien à voir avec « la Fête des Femmes », mais avec « Le Droit des Femmes », lequel dans ce monde où le masculinisme à la Trump et à la Poutine pousse à chahuter certaines avancées acquises de haute lutte, nécessite vision, élégance, combativité et convictions.
Des activistes et universitaires appellent à la révision du code de la famille au Sénégal. Il semble exister une unanimité sur la nécessité de réformer le code de la famille. Mais conservateurs et progressistes ne s'entendent pas sur comment réformer ni sur quoi réformer. Selon le présent code de la famille au Sénégal, qui a pris un peu de poussières, seul un homme peut être reconnu comme chef de famille, décidant de quasiment tout. De l'endroit où vit la famille, à comment ou quand établir des documents administratifs à ses enfants, l'homme est le chef suprême de la famille. Ces réticences racontent quelque chose qui ressemble à une forme de régression.
« Touches pas à mon voile » !
La plateforme nationale des femmes musulmanes "Ndeyi Askann Wi" a pris des positions fermes contre l’agenda du genre et les politiques qu’elles jugent contraires aux valeurs traditionnelles sénégalaises.
Face à ce qu’elles considèrent comme une « propagande déguisée », alternant les termes « violences faites aux femmes » et « violences basées sur le genre », les membres de la plateforme dénoncent une tentative de normalisation des idéologies qu’elles rejettent. Selon elles, ces concepts sont utilisés de manière intentionnelle pour créer des amalgames et faire passer des idées contraires aux normes morales et religieuses du Sénégal.
« Nous refusons la féminisation de la famille », ont-elles déclaré, rappelant que pour elles, la quintessence de la cellule familiale réside dans l’union entre un homme et une femme, conformément aux valeurs islamiques et humaines universelles.
La ministre de la Famille et des Solidarités a été directement interpellée, à la limite de la menace : « Si vous choisissez l’agenda du genre, nous n’hésiterons pas à vous faire face ».
C’est la grande force du patriarcat et de notre société sexiste, qui est de réussir à diviser l’humanité en deux moitiés, puis de morceler l’une des deux moitiés en plein de petits groupes pour être sûr que les choses ne changent pas. Diviser pour mieux régner, en somme, et cibler l’influence des lobbies féministes et des organisations internationales, accusées d’imposer des idéologies étrangères au Sénégal.
Chronique du viol ordinaire
S’il existe un domaine où il est plus indiqué d’être de Ndeer du 7 mars, plutôt que de la bamboula du 8 mars, c’est assurément celui du grand danger, et du grand mépris que notre société sexiste et patriarcale destine et inflige à nos jeunes filles, nos très jeunes filles, violées dans une indifférence coupable, par des tontons, des « édukateurs » ou des précepteurs religieux, sans véritables châtiments, malgré l’adoption de la loi criminalisant le viol et la pédophilie. Malgré ces mesures draconiennes, les viols, les uns plus odieux que les autres, font légion dans le pays.
L'Association des juristes sénégalaises (AJS) rapporte que "sur 331 victimes de viol recensées en 2022, 43% avaient entre 4 et 14 ans". Plus inquiétant encore, selon un rapport de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) cité par le journal du soir, le Centre de guidance infantile et familiale de Dakar a comptabilisé "97 cas de viols ou d'incestes sur mineures et 21 cas de viols suivis de grossesse, avec une moyenne d'âge de 11 ans" sur la seule période 2016-2017 dans la région de Dakar.
Face à ce drame, les nouvelles autorités sénégalaises, élues en mars, restent muettes. Malgré la signature du protocole de Maputo en 2004, qui prévoit l'autorisation de l'avortement dans les cas extrêmes, aucun gouvernement n'a osé légiférer sur la question, craignant les pressions religieuses.
Malgré tout ce pouvoir des hommes, il serait temps que l’on parle d’autre chose que de parité et d’égalité, et qu’on exige enfin du respect pour ce genre qui est avant tout celui de nos mères, de nos sœurs et de nos filles. Quel que soit le niveau de pouvoir des hommes qui détruisent l’avenir de ces jeunes filles, quels que soient la beauté d’une jeune fille et l’attrait de ses atours, il faut que les hommes du Sénégal sachent que : « Un HOMME ça s’empêche ». Et comment « ça s’empêche » ? En calmant sa braguette en pensant à sa mère, à sa sœur, à sa fille. Tout simplement.
Le 8 mars c’est tous les jours qu’il faut le célébrer en faisant du respect absolu des femmes, de leur liberté et de leur dignité un enjeu essentiel de civilisation. Le Professeur Fatou Sow nous enseigne que « Cela permettra de reconstituer l’histoire de nos sociétés traditionnelles, qui a été construite par des femmes. A travers cette approche, il sera possible de restaurer des valeurs qui sont nôtres et de booster l’estime de soi des femmes et leur obligation à participer à la construction du pays ».
Et surtout, cela nous éviterait de vivre comme des bêtes.