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22 novembre 2024
Femmes
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COLLÉ SOW ARDO, ITINÉRAIRE D’UNE ICÔNE DE LA MODE AFRICAINE
Découvrez à travers cette entrevue, comment la styliste de renom, mannequin à ses débuts, en est arrivée à fêter aujourd’hui les 4 décennies de pérennité d’une marque.
Il faut s’appeler Collé Sow Ardo pour avoir le stoïcisme de renoncer à une enveloppe de soutien de 50 millions FCFA, venant d'un Président de la République. La créatrice de mode surnommée la « Reine du pagne tissé » par le défunt Moïse Ambroise Gomis, a renoncé à une aide financière du couple présidentiel d’alors, Abdou Diouf et Elisabeth, pour pouvoir voler de ses propres ailes.
Une sage décision soufflée par son oncle par alliance, Valdiodio Ndiaye, dont les souvenirs de son arrestation et de son décès restent encore amers pour la styliste.
Malgré les péripéties de la vie et du monde de l'entrepreneuriat, elle a réussi aujourd'hui à tisser son nom en fil d’or dans le milieu de la mode africaine, voire internationale. Une réputation grâce à laquelle, pour une tenue signée « Collé Sow Ardo », les amateurs n’hésitent pas à débourser 300.000 à 450.000 FCFA pour être à la dernière mode.
POURQUOI LA SÉNÉGALAISE GERMAINE ACOGNY EST SI INFLUENTE
Elle a cherché activement des moyens d'exprimer son identité noire, les rythmes de danse propres à l'Afrique de l'Ouest, ainsi que son parcours personnel en tant que femme pour trouver sa propre voix.
La danseuse et chorégraphe la plus célèbre d'Afrique, Germaine Acogny, a fêté ses 80 ans le 28 mai. J'ai eu le privilège de rencontrer l'artiste sénégalaise, d'apprendre d'elle et de l'interviewer dans le cadre de mes recherches en cours sur la danse contemporaine africaine.
Il s'agit d'un hymne à une femme africaine qui a inspiré non seulement les danseurs africains, mais aussi une communauté mondiale d'artistes, à penser différemment leur identité, leur corps, leur peau et, en fait, leur façon de bouger.
Sur un continent miné par l'héritage de la colonisation, du racisme et du patriarcat, Germaine Acogny s'est élevée au rang de femme artiste qui a défié les stéréotypes liés à sa couleur noire, à sa féminité et à son grand corps, pour devenir l'une des danseuses les plus vénérées au monde.
Qui est Germaine Acogny ?
Née en 1944 à Porto Novo au Bénin, Germaine Acogny déménage avec sa famille et s'installe au Sénégal alors qu'elle n'est encore qu'une jeune fille. Elle est souvent désignée comme la mère de la danse contemporaine en Afrique, en raison de sa longue carrière d'interprète, d'enseignante et de chorégraphe. Elle a créé une compagnie de danse, Jant-Bi, ainsi qu'une école et un centre de danse mondialement reconnus à Toubab Dialaw, au Sénégal, appelés École des Sables (Place in the Sand).
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Jeune fille à Dakar, Acogny a fréquenté l'école catholique. Se sentant étrangère à la langue, à la religion et aux rituels coloniaux, elle se réfugie dans le sport. C'est ainsi qu'elle entre à l'école de danse et de sport Simon Siegel à Paris en 1962. Elle se destine à devenir professeur d'éducation physique.
Rencontrant la danse occidentale pour la première fois, et étant la seule élève noire (et africaine) de sa classe, elle a été poussée à se sentir pas “bien dans sa peau” et que sa silouhette était “inappropriée”. Au lieu de se laisser abattre, Acogny a commencé à inventer des mouvements qui correspondaient à son propre corps. Elle m'a dit:
J'ai pris mes pieds plats, mon grand derrière et mes hanches de femme africaine, mon grand corps d'Africaine de l'Ouest, pour en faire un élément central.
Une rencontre avec la danseuse afro-américaine Katherine Dunham, qui essayait de créer une école de danse au Sénégal, a donné à Acogny l'impulsion finale dans sa quête d'un langage de danse qui lui convenait. La technique de Germaine Acogny est aujourd'hui reconnue comme l'un des premiers systèmes codifiés de formation des danseurs africains urbains ou contemporains.
Acogny a reçu de nombreux prix, dont un Lion d'or à la Biennale de Venise et un Bessie Award à New York. Les gouvernements sénégalais et français lui ont décerné de multiples distinctions.
Elle continue de parcourir le monde avec ses œuvres. Si la gestion de son école repose désormais en grande partie sur son fils Patrick Acogny, elle continue également d'enseigner et de partager sa sagesse en matière de danse à l'échelle mondiale.
Contribution à la danse contemporaine
Comprendre ce qu'Acogny a fait pour la formation et l'interprétation de la danse conduit à une réflexion sur la nature de la danse contemporaine. La danse contemporaine , difficile à définir, est une forme d'expression libre visant à créer de nouveaux langages de danse en résonance avec le “contemporain” (le moment présent).
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En Afrique, il existe une riche interaction entre les formes de danse traditionnelle, l'histoire et les méthodologies de la danse moderne européenne et américaine, et la recherche permanente de voix africaines contemporaines authentiques qui s'expriment sur les idées de culture, de politique, de soi et d'identité.
L'écrivain sud-africain Adrienne Sichel note que cette définition pourrait également inclure “l'invention et la réinvention de formes et de fonctions artistiques et culturelles par la danse contemporaine, ainsi que sa capacité à perturber, déplacer, relier et survivre”.
Acogny a été l'une des premières danseuses africaines à remettre en question la norme européenne du corps de la femme blanche, très mince et sans poids apparent. Elle a cherché activement des moyens d'exprimer son identité noire, les rythmes de danse propres à l'Afrique de l'Ouest, ainsi que son parcours personnel en tant que femme pour trouver sa propre voix. Son travail reflète souvent sa propre histoire et sa compréhension incarnée du fait que le corps des femmes est souvent le plus grand butins des guerres, des génocides et du patriarcat.
Deux grandes œuvres
Convaincue que nous portons notre histoire dans notre corps, Acogny s'est particulièrement distinguée par deux de ses œuvres de danse.
La première est une collaboration avec le danseur japonais Kota Yamakazi en 2004, avec une œuvre intitulée Fagaala (Génocide). Il s'agit d'un voyage dans l'horrible mémoire du génocide rwandais de 1994. Il s'agit d'un conte dansé qui établit un lien entre la forme d'art contemporain japonais Butoh (souvent appelée “la danse de la mort”) et le style unique de danse contemporaine ouest-africaine d'Acogny.
Dans Fagaala, Acogny a travaillé uniquement avec les danseurs sénégalais masculins de sa compagnie et leur a demandé d'explorer ce que cela signifiait d'être une femme et de vivre les massacres du Rwanda. Ainsi, bien que les danseurs soient des hommes, l'œuvre explore des histoires de femmes. Les danseurs masculins devaient comprendre physiquement et émotionnellement - et jouer - les conséquences du viol et de la torture, deux instruments du génocide. Il s'agit donc d'affronter l'horreur des hommes et de la guerre.
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La deuxième œuvre est le solo profondément personnel qu'Acogny a créé et interprété en 2015 à l'âge de 71 ans. Intitulé A un endroit du début, il s'agit du voyage d'Acogny dans ses propres histoires maternelles et paternelles qui s'entrecroisent avec son double héritage ouest-africain du Bénin et du Sénégal.
Elle déterre les effets viscéraux dévastateurs du christianisme colonial, tout en se connectant à la puissance réprimée de la spiritualité Yoruba de sa grand-mère. L'œuvre est un palimpseste de danse, de vidéo, de texte et de superposition d'histoires de femmes d'Afrique noire, alors qu'elle est confrontée à la perte et à la mémoire. A un endroit au début est importante non seulement pour sa narration féministe décoloniale unique, mais aussi parce qu'elle offre au public le corps glorieux et sans précédent d'une matriarche africaine âgée dansant la vérité au pouvoir.
Alors qu'Acogny fête ses 80 ans, il s'agit d'un hymne à la louange de l'héritage vivant d'une créatrice de danse qui a contribué à façonner l'importante contribution de l'Afrique à la danse en repensant les corps, les histoires et l'identité elle-même.
Malgré le négationnisme de plus en plus affiché de certains Rwandais, le génocide des tutsis a existé et est documenté. Mais les Rwandais sont-ils pour autant restés dans l’immobilisme, bloqués par ce sombre passé ? Réponse dans « The face of résilience»
Deux jeunes rwandaises de la diaspora ont réalisé « The face of the résilience » ou «Les traits de la résiliences » en français, un film documentaire consacré à la résilience à travers le parcours de quelques rescapées du génocide, a été projeté mercredi dernier, à La Place du Souvenir à Dakar, en présence de l'ambassadeur du Rwanda au Sénégal, de l'association rwandaise IBUKA et du directeur de Goethe Institut, qui a permis la projection au Sénégal.
Plus d'un million de personnes massacrées sous le regard complice de la communauté dite internationale qui avait tous les moyens pour stopper cette tragédie. Mais qui a choisi de ne pas agir tant que ses intérêts n'étaient pas expressément en jeu. Plus de trente ans après, le Rwanda se construit et les Rwandais tentent de vivre d'exorciser ce douloureux passé et se positionne même comme modèle sur bien des plans comme la promotion des femmes.
Paradoxalement, les mots « Rwanda » ou « Rwandais » sont systématiquement associés au génocide, notamment dans le monde occidental. C'est rappeler au monde que oui le génocide a eu lieu, oui une ethnie a massacré gratuitement une autre dans un même pays, mais que oui aussi les Rwandais ont tourné la page, vivent, se réconcilient et font preuve d'une grande résilience que les deux réalisatrice ont fait ce film qui retrace les portraits d’autres femmes. En clair, le pays des mille collines n’est pas restée dans l’immobilisme.
En marge de la soirée de projection de son film « The face of résilience » la réalisatrice Rwandaise Divine Gashogi , la co-productrice a répondu aux questions d’AfricaGlobe Tv pour explique ce qui a motivé ce film qui retrace des parcours de femmes rwandaises, toutes rescapées du génocide et devenues inspirantes.
MAÏMOUNA DIEYE PARIE SUR LA CELLULE FAMILIALE
Le Sénégal a célébré la Journée internationale de la famille. L'occasion pour la nouvelle ministre de lancer l'élaboration d'une politique nationale ambitieuse en faveur des familles, tout en soulignant leur rôle clé face aux enjeux environnementaux
A l’instar de la Communauté internationale, la Journée internationale de la famille, «différée en raison de contraintes d’agenda», a été célébrée au Sénégal vendredi dernier, sous l’égide de la ministre de la Famille et des solidarités, Maïmouna Dièye. A cette occasion, la ministre a appelé à faire des familles et les différents individus qui la composent, des agents du changement dans le combat contre le réchauffement climatique.
Le Sénégal a célébré, vendredi dernier, la Journée internationale de la famille, mais de manière «différée en raison de contraintes d’agenda», selon Maïmouna Dièye, la nouvelle ministre de la Famille et des solidarités. Maïmouna Dièye, dans son allocution, a souligné l’importance de cette célébration dont le thème est «Famille et action climatique», pour aborder les enjeux cruciaux touchant les familles. «Cette journée nous offre l’opportunité de mieux nous imprégner des questions qui interpellent les familles et d’encourager la mise en œuvre des initiatives qui visent en définitive à promouvoir l’épanouissement, la prospérité et la productivité au sein de nos familles», déclare Maïmouna Dièye. Elle a insisté sur la nécessité de lutter contre toutes les menaces pouvant compromettre l’avenir des générations futures, notamment le réchauffement climatique. «Dans cette quête d’un mieux-être pour nos familles, nous devons éliminer toute menace pouvant hypothéquer l’avenir des générations futures. Et parmi ces obstacles, il y a le réchauffement climatique qui, avec son lot d’événements météorologiques extrêmes tels que la sécheresse, les inondations et les vagues de chaleur ou de froid, affecte considérablement la santé et la qualité de vie des familles», a-t-elle expliqué. Selon Maïmouna Dièye, le thème «Famille et action climatique» souligne l’importance de s’attaquer aux effets du changement climatique qui augmentent la vulnérabilité des familles. En ce sens, elle a appelé à faire des familles et des différents individus qui la composent, des agents du changement dans la lutte contre le changement climatique. «Les familles sont certes victimes du changement climatique, mais elles peuvent jouer un rôle décisif dans la gestion des ressources naturelles. La famille est la première cellule chargée de forger les individus, hommes comme femmes, en les pétrissant des valeurs qui guideront leurs comportements», a-t-elle lancé, tout en mettant l’accent sur le rôle crucial des femmes dans cette dynamique. «Les parents, et en particulier nous, les femmes, qui tenons les foyers et intervenons principalement dans l’éducation des enfants, peuvent agir en faveur de la promotion de pratiques durables et sensibles au climat, notamment en matière de consommation d’eau et d’électricité, de gestion des déchets et de reboisement», at-elle laissé entendre. Cependant, cette cérémonie a été également l’occasion pour la ministre de procéder au lancement du processus d’élaboration d’un document de politique nationale de la famille, «catalyseur de plusieurs interventions en faveur des familles».
Ce document définira les objectifs, les principes et les mesures concrètes à prendre pour soutenir les familles et favoriser leur bien-être. «Le document de politique nationale de la famille reflètera notre conception de la famille qui tire son origine de notre histoire, de notre culture et de nos croyances respectives», explique Maïmouna Dièye, qui appelle à une collaboration avec les partenaires au développement et les organisations de la Société civile pour améliorer la qualité de vie des familles sénégalaises. «Les défis sont grands et les attentes des populations urgentes, mais je demeure convaincue, connaissant votre engagement et votre passion pour les causes justes et légitimes, que nous allons réussir», affirme-t-elle, tout en annonçant une réforme agraire visant à sécuriser les droits fonciers, les exploitations familiales et les investissements privés. «Un soutien accru sera apporté aux personnes handicapées, aux personnes âgées et aux familles vulnérables, notamment celles vivant dans les quartiers défavorisés et les villages enclavés», a-t-elle conclu.
Pionnière dans la sante communautaire en Côte d’Ivoire, ASAPSU depuis sa création voulait un accès universel aux soins de santé, surtout aux plus démunis.
Trente-cinq (35) ans après, cette vision reste intacte. Initiée par une quinzaine d’anciennes fonctionnaires, aujourd’hui l’association a parcouru du chemin et a bien grandi depuis lors a tous point de vue.
L’ambition de départ demeure intacte comme le rappelle Solange Koné, la chargé de la pérennisation et des partenariats. Mais ce qui surprend aujourd’hui dans cette association c’est la constance de ses plus anciens membres.
En effet, malgré la retraite et le poids des âges, les fondatrices et anciennes membres sont toujours pleine d’entrain, pleine d’énergie pour continuer le travail. Elles se moquent royalement leur âge. Tenez, la plus jeune membre est septuagénaire et la PCA est octogénaire.
L’âge n’est donc pas un handicap. Toutefois l’organisation travaille pour le passage de témoin à la jeune génération, tout en ne cachant pas sa préoccupation sur la manière donc le legs va être géré dans la pérennité de l’action. Puisque l’association aspire à atteindre un siècle d’existence toujours au service de la sante communautaire.
ASAPSU est une ONG pionnière dans la sante communautaire en Côte d’Ivoire partie d’une modeste incitative de 15 fonctionnaires, l’association a aujourd’hui 35 ans et a bien grandi depuis lors, les fonctionnaire qui au départ ont créé l’association ne veulent pas quitte l’association.
Aujourd’hui ils ont élargie leur domaine d’activité. Même retraites les initiatives reste encore très implique dans l’association qui a aujourd’hui 300 salaries avec un budget annuel de pas moins de 4 milliards.
LE CRI TOUJOURS PERCUTANT D'AWA THIAM
Publié en 1978, "La Parole aux Négresses" brisait les tabous en évoquant les mutilations génitales, la polygamie ou encore le blanchiment de la peau. 46 ans plus tard, ce manifeste fondateur de l'afroféminisme, longtemps indisponible, est enfin réédité
(SenePlus) - Il y a 46 ans, l'anthropologue sénégalaise Awa Thiam publiait "La Parole aux Négresses", un essai pionnier qui brisait le silence sur l'oppression des femmes africaines. Longtemps indisponible, ce manifeste féministe percutant refait surface, réédité en France (éditions Divergences) et au Sénégal (éditions Saaraba).
Avec ce titre provocateur, Awa Thiam, née en 1950, donnait la parole aux femmes africaines et redéfinissait les contours d'un mouvement féministe jusqu'alors vu comme occidental. "C'est un livre qu'il urge de lire, une réédition nécessaire", souligne Mame-Fatou Niang, professeure de littérature à Pittsburgh, dans la préface française. Pour elle, chaque lecture est une "expérience quasi organique" : "Dérangement, douleur, colère, dégoût, joie, résolutions. Mais, après chaque lecture, l'impression de sentir une partie amputée repousser."
Ndeye Fatou Kane, écrivaine et doctorante à Paris, insiste dans les colonnes du Monde sur "le legs précieux" de l'ouvrage : "Chaque lecture est une redécouverte pour la féministe que je suis." Un profond respect pour cette pionnière qui a osé dénoncer les problèmes des femmes noires.
Dans "La Parole aux Négresses", Awa Thiam brise les tabous en évoquant les mutilations génitales, la polygamie, la dot ou le blanchiment de la peau. "Là où l'Européenne se plaint d'être doublement opprimée, la Négresse l'est triplement, écrit-elle. Oppression de par son sexe, de par sa classe, et de par sa race."
Mame-Fatou Niang interrogée par Le Monde souligne que l'autrice formule déjà, avec 46 ans d'avance, le concept d'intersectionnalité entre sexisme, racisme et classe sociale. Un discours politique fondateur d'un afroféminisme, réclamant de prendre sa place dans le mouvement mondial.
Si certaines avancées sont notées, comme le recul des mutilations génitales, la sociologue Kani Diop, en postface de l'édition sénégalaise, juge que les sujets d'Awa Thiam "demeurent pertinents".
"C'est d'une triste actualité, s'insurge Ndeye Fatou Kane. Nous parlons toujours de dépigmentation, polygamie, excision... En Gambie, la loi contre l'excision est menacée." Elle dénonce aussi l'invisibilisation des féministes sénégalaises, taxées d'"occidentalisées".
"Mais il y a 46 ans, c'est bien l'une des nôtres qui a écrit ce livre, l'Occident n'a rien à voir avec ça", rappelle-t-elle, rendant hommage à la voix puissante d'Awa Thiam, qui continuera sans doute d'inspirer de nombreuses luttes.
DROITS DES FEMMES : DES HOMMES EN ORDRE DE BATAILLE
Hommes Dedff se mobilise pour défendre les droits des femmes et des filles à travers des ateliers de sensibilisation. L'association créée par des hommes veut sensibiliser les autres hommes sur l'égalité entre les genres et mettre fin aux discriminations
HOM Dedff, Hommes pour les droits des femmes et des filles a été mis sur pied par des hommes pour soutenir les femmes dans leur quête d’émancipation et leur conquête de liberté. Cette organisation a animé, lundi dernier, un atelier de sensibilisation sur le sujet
Les femmes peuvent maintenant compter sur le soutien des hommes dans leur lutte pour leurs droits. Hommes pour les droits des femmes et des filles (Hom Dedff) a été mis sur pied dans ce sens et veut gagner ce pari par des campagnes de sensibilisation. «Les femmes et les filles souffrent de beaucoup de discrimination. Il est important que des hommes s’impliquent dans le combat en sensibilisant les hommes comme eux sur les droits des femmes et des filles. Cet atelier entre dans ce cadre. Il y a aussi des théâtres forum», a déclaré Daouda Diop, le secrétaire général de Hom Dedff. «Nous nous réjouissons du fait que des hommes s’organisent pour nous soutenir. Hom Dedff est vraiment venu à son heure. Mais il faut savoir qu’il y a des zones de résistance. Dans notre société, on considère la femme comme n’ayant aucun droit, comme n’étant pas l’égale de l’homme», déplore Dieynaba Diallo, membre de l’organisation.
Par ailleurs, Hom Dedff se veut aussi le défenseur des enfants talibés. «Les talibés sont des enfants du pays comme ceux qui fréquentent les écoles. C’est pourquoi ils doivent être l’objet du même respect, de la même considération que les autres qui vont à l’école. Les talibés sont l’objet d’une exploitation de la part de leurs marabouts», déclare le Président de l’association.
«Cet atelier est en phase avec la politique du gouvernement de protection de la famille et de l’enfant. Les femmes sont victimes de toutes sortes de violences, physique, morale, économique... Dans le département de Mbour où il y a une diversité ethnique et culturelle, la violence faite aux femmes est multiforme», souligne Mame Diarra Faye, cheffe du service départemental de la famille.
MÉLENCHON DÉFEND À DAKAR LE BRASSAGE FÉCOND DES CULTURES
Pour le leader de la France Insoumise, ignorer le lien culturel entre l'Afrique et sa diaspora, c'est se priver de comprendre l'histoire. Les échanges entre les peuples ont permis l'enrichissement mutuel des cultures selon lui
À conférence publique à l'Ucad avec Ousmane Sonko, Jean-Luc Mélenchon est intervenu pour défendre le lien profond qui unit chaque être humain à l'Afrique. Selon lui, l'histoire ne peut être comprise si on rompt ce "cordon ombilical". Il a rappelé que les premières mondialisations sont dues aux migrations humaines, qui ont permis aux sociétés d'accueil "d'apprendre" et à l'humanité de s'enrichir de nouvelles expériences.
Pour Mélenchon, le processus qui a uni les grands royaumes de l'Antiquité doit être compris dans sa "réalité concrète" à travers les échanges entre les hommes qui se "créolisent", mélangent leurs cultures. Face aux courants "racistes et ethnicistes" qui méprisent ces mélanges, il défend la "fécondation de l'humanité par sa migration et sa créolisation".
Un cordon ombilical unit chaque être humain à l’Afrique. Quiconque cherche à le rompre s’interdit de comprendre l’Histoire.
L’Histoire a commencé, s’est déroulée et rebondit aujourd’hui en Afrique par votre révolution citoyenne. pic.twitter.com/QEG17yB3iI
La toponomie, qui reflète une reconnaissance symbolique, immortalise les hommes et enterre les femmes. Masculine et coloniale, elle les efface de notre mémoire collective. Ainsi a été conçu et perpétué un imaginaire difficile à déconstruire
La logique quantitative de la sous-représentation des femmes dans les instances décisionnelles domine le débat au Sénégal : 4 femmes ministres sur 30 membres du nouveau gouvernement, soit 13% pour 49,6% de la population. La même tendance s’observe avec les nominations hebdomadaires du Conseil des ministres pour les principaux postes décisionnels. En somme, un sevrage brutal, suivi d’un régime draconien, digne d’un « programme d’ajustement structurel » au féminin. Au-delà de l’indignation collective, cette minorisation des femmes interpelle et fait réfléchir sur ses origines, la construction idéologique qui la sous-tend et ses structures de légitimation.
Bâtie sur des fondements patriarcaux, notre société perpétue le processus d’ostracisation des femmes non seulement depuis la « déterritorialisation » occasionnée par l’arrivée des religions du Livre et la colonisation, mais aussi la poursuite de cette exclusion par les autorités sénégalaises à partir de 1960. On comprend mieux pourquoi des interprétations conservatrices des préceptes religieux sont encore mises en avant pour essayer de justifier la relégation des femmes dans la catégorie des « cadets sociaux ».
Dans les sociétés négro-africaines adossées aux logiques du matriarcat telles que définies par Cheikh Anta Diop dans L'Unité culturelle de l'Afrique noire (1959), les femmes participaient à toutes les instances de pouvoir politique, social et même religieux au sein de la famille et de la communauté. La division sexuelle du travail ne reposait ni sur une hiérarchie, ni sur une oppression d’un sexe par l’autre. Il existait « un dualisme harmonieux, une association acceptée par les hommes et les femmes où chacun s’épanouit pleinement en se livrant à l’activité qui est la plus conforme à sa nature physiologique » (p. 114).
Le système colonial a déstructuré cette organisation sociale et politique en arrimant la place des femmes à une logique patriarcale. Les colonisateurs portaient un regard spéculaire sur les Africaines à l’image des femmes de leur pays qui avaient un statut de mineure et étaient sous la dépendance des hommes (père, frère, mari et fils). En imposant l’hégémonie masculine, l’État colonial a dépossédé les femmes. C’est ainsi que la loi foncière de 1904, qui attribue toute propriété au chef de famille, c’est-à-dire le mari, seul propriétaire des biens, a réduit leurs conditions d’accès à la terre. Dans le domaine de l’éducation, l’École normale de filles n’a été mise en place qu’en 1939, vingt ans après celle des garçons, pour les initier à des métiers subalternes. Pour mieux écarter les femmes de la vie politique décisionnelle, l’administration coloniale a ostensiblement ignoré leur pouvoir traditionnel, leurs chefferies et leurs prêtrises. L’idéologie patriarcale a servi de pivot à la politique coloniale et à ses relations avec les différentes aristocraties locales, puis avec les milieux maraboutiques.
À l’Indépendance, en 1960, les nouvelles autorités héritent des valeurs infériorisant les femmes, les perpétuent à travers les institutions et prolongent le « contrat social sénégalais » - expression que nous empruntons à Donal Cruise O’Brien - avec les chefs confrériques. Engagées en première ligne dans la lutte pour la décolonisation et l’émancipation du pays, les Sénégalaises n’ont pas vu leur situation changer. Au contraire, elles étaient encore confinées et orientées par le pouvoir des hommes (politique, syndical, législatif) dans des espaces discursifs réduits (mouvements de femmes, associations féminines).
Taillé sur mesure par et pour les hommes, le Code de la famille (1972) ne fait que cristalliser l’assujettissement des femmes. L’essentiel de ses dispositions leur sont défavorables. Par exemple dans le cadre du mariage, le mari est reconnu comme le seul chef de famille (art. 152, CF), l’autorité, celui qui choisit exclusivement la résidence conjugale (Art. 153, CF) et exerce la puissance paternelle (art. 277, CF). En cas de divorce, les femmes peuvent même être condamnées à payer une pension alimentaire pour leurs enfants quand la garde est attribuée au père. La mère, même si elle participe à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants communs, ne peut pas bénéficier des suppléments pour charge de famille. « Ces charges pèsent à titre principal sur le mari » (art. 375, CF).
La socialisation différenciée par une stratification liée au sexe fabrique des attentes différentes. Les filles sont éduquées à rendre service aux autres et à conjuguer au quotidien les verbes « Plaire, Avoir et Satisfaire », des P.A.S à assimiler systématiquement pour entrer dans le schéma social et œuvrer pour leur réussite conjugale. Elles doivent se prévaloir d’une « langue courte » renvoyant à un silence construit et validé par la société, avoir des « pas courts » pour ne pas franchir l’espace assigné qu’avec une autorisation masculine et un « regard court » qui ne questionne pas les fondements de leur subordination. Étroitement surveillées, elles subissent, à chaque étape de leur vie, les contrôles d’une société panoptique, au sens foucaldien. Une surveillance qui contraste avec celle des garçons encouragés à monopoliser l’espace, à le conquérir, à y bâtir et conserver leur réussite professionnelle.
L’école, une passerelle qu’empruntent plusieurs générations, exclut les femmes des pages de l’histoire. De fines traces apparaissent dans les manuels scolaires pour mieux les occulter, voire les oublier. L’oralité, « moyen d’expression féminine par excellence », est négligée.
La toponomie, qui reflète une reconnaissance symbolique, immortalise les hommes et enterre les femmes. Masculine et coloniale, elle les efface de notre mémoire collective.
Les représentations véhiculées par les médias accordent plus de visibilité et de poids aux hommes. Ce miroir déformé, qui n’est qu’une réplique réflexive de la configuration sociale, renforce l’invisibilité et l’inaudibilité des femmes dans les sphères décisionnelles. Ainsi a été conçu et perpétué un imaginaire difficile à déconstruire.
Aussi, cette somme de facteurs, entre autres, entrave-t-elle les fragiles avancées des droits acquis par les femmes. Et, sans un changement d’imaginaire social, nommer des femmes à des postes de « visibilité » ne permet pas de briser les stéréotypes solidement ancrés dans les mentalités. La loi sur la parité ne bouleverse pas le système d’inégalité dénoncé et ne change pas, non plus, la réalité sociologique. Il ne suffit pas de changer la culture politique, mais les soubassements de pratiques culturelles qui les marginalisent. Il urge, donc, de s’attaquer aux fondements des structures sociales basées sur des privilèges et des curricula masculins.
La rupture prônée par le gouvernement, qui met l’accent sur le bien-être social de tous les Sénégalais, commence par la famille et dans la famille. Les femmes en constituent le socle, le « poteau mitan ». Pour atteindre ce bien-être, elles doivent être au cœur du « Projet ». Leur mise à l’écart est une reconnaissance a minima de leur central rôle communautaire.
Le débat sémantique sur l’appellation du ministère de la Famille à la place du ministère de la Femme ne doit pas s’embourber dans des raccourcis de pensée. Il doit aller au-delà de ce clivage pour apporter des réponses diversifiées et conjuguées aux préoccupations quotidiennes de toutes les femmes comme la sécurité, l’adaptabilité des services publics et du transport en commun, l’accès au foncier et aux crédits, l’encadrement du travail des employées domestiques, la prise en charge par l’État des traitements de fertilité pour les couples en difficulté de procréation, les congés de maternité pour toutes, etc.
La redéfinition des luttes à partir d’un schéma endogène est une priorité pour éviter le piège d’un féminisme médiatique communiquant à tout va, un féminisme sans boussole, ni colonne vertébrale qui emprisonne les femmes.
Le rapport au pouvoir des femmes ne doit pas se résumer en une énumération quantitative de leur présence dans les instances décisionnelles ou se limiter à la parité en termes de représentativité politique. Ces tendances conjoncturelles ont aussi montré leurs limites.
La sous-représentation des femmes, qui régit tous les compartiments de la vie sociale, au-delà d’un sémantisme construit, n’est qu’un continuum. Elle est politique et l’engagement politique en est l’antidote. C’est dans l’arène politique, lieu d’exercice du pouvoir, que les femmes doivent mener le combat pour faire bouger les lignes, s’en approprier comme un lieu de libération malgré le coût social élevé du billet d’entrée, refuser de servir « d’escaliers » aux hommes et assumer leur leadership au lieu d’attendre des substituts de reconnaissance pour se débarrasser de leur « mussoor de verre ».
Fatoumata Bernadette Sonko est Enseignante-chercheure, CESTI-UCAD.
par marame gueye
LES FEMMES DANS LA NATION SÉNÉGALAISE
La décolonialité genrée est habillée de vêtements coloniaux et accessoirisée d'un islam patriarcal, tout en revendiquant une africanité qui n'existe que dans l'imaginaire des hommes désireux de la mettre en œuvre
Le gouvernement du plus jeune président de l'histoire du Sénégal semble déjà incarner une vision rétrograde des femmes.
L'élection de Bassirou Diomaye Diakhar Faye en tant que cinquième président du Sénégal semble avoir rétabli le statut du pays en tant que phare de la démocratie dans la région de l'Afrique de l'Ouest en proie aux coups d'État. Les Sénégalais espèrent que ce nouveau vent de changement apportera un changement de paradigme dans la gouvernance. Toutefois, le faible nombre de femmes au sein du nouveau gouvernement en amène plus d'un à se poser des questions : De quelle démocratie s'agit-il d'ailleurs ?
Le 24 mars, Faye a remporté le premier tour avec 54,28 % des voix. Il est resté en prison jusqu'à dix jours avant les élections, lorsque lui et Ousmane Sonko, le leader populiste de son parti, le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité), ont bénéficié d'une loi d'amnistie de dernière minute de la part du président de l'époque, Macky Sall, qui a tenté de repousser les élections indéfiniment. Le 2 avril, M. Faye a prêté serment lors d'une élégante cérémonie à laquelle ont assisté de nombreux chefs d'État d'Afrique de l'Ouest. À 44 ans, M. Faye est le plus jeune président de l'histoire du Sénégal et, en tant que mandataire d'Ousmane Sonko, qui n'avait pas le droit de se présenter, il n'apporte aucune expérience de la fonction publique à la présidence.
Faye choisit Ousmane Sonko comme Premier ministre, qui, après des jours de suspense, dévoile le premier gouvernement comprenant 30 postes de secrétaires, dont seulement quatre femmes. Le ministère de la femme est supprimé et absorbé dans le nouveau ministère de la famille et des solidarités. De nombreuses personnes, en particulier les défenseurs des droits de la femme, se demandent si la « rupture » ou le changement radical promis par le parti du président Faye pendant la campagne ne signifie pas un mouvement rétrograde qui exclut les femmes des postes de responsabilité et les confine au foyer et à la famille. La sous-représentation des femmes est flagrante dans la première photo de groupe officielle du gouvernement, qui comprenait le président et le Premier ministre. Comme pour souligner leur présence, les femmes portant des vêtements traditionnels aux couleurs claires sont saupoudrées, comme de la poussière de lutin, sur la masse d'hommes vêtus de costumes européens noirs et bleu foncé.
Les féministes et les organisations de la société civile ont publié des déclarations dénonçant le faible nombre de femmes dans le gouvernement nouvellement formé et la suppression du ministère de la Femme. Elles se heurtent néanmoins à la réaction des fidèles du Pastef, qui affirment que les notions de parité et d'équité sont importées et que le choix des membres du gouvernement est fondé sur la compétence, et non sur le sexe. Les Sénégalais attendaient de voir si le président corrigerait ce premier coup porté aux femmes en nommant davantage de femmes à d'autres postes de direction importants dans les semaines à venir. Or, le 24 avril, les nominations de 17 directeurs d'agences nationales ne comprenaient que deux femmes. Jusqu'à présent, plus de 50 nominations ont été faites et seulement huit d'entre elles sont des femmes.
Pour les femmes, qui représentent 49,4 % de la population sénégalaise, ce changement est un retour en arrière, qui bafoue leurs droits acquis au cours d'années de lutte pour l'égalité dans ce pays hétéro-patriarcal à majorité musulmane. Les femmes sénégalaises se sont battues aux côtés des hommes pour maintenir la tradition démocratique du pays. Au cours des deux dernières années du régime de Macky Sall, de nombreuses femmes, en particulier des partisanes du PASTEF, ont été emprisonnées. Pourtant, lors de l'attribution des postes de direction au sein du gouvernement, elles sont négligées sous prétexte que la compétence l'emporte sur le sexe. Comme d'habitude, la compétence n'est invoquée que lorsqu'il s'agit de femmes. Le Sénégal et sa diaspora comptent de nombreuses femmes compétentes, y compris au sein du Pastef, qui auraient pu être mises à contribution pour une meilleure représentation et une plus grande équité. Le gouvernement de Macky Sall comptait huit femmes secrétaires.
Dans ses discours, le président Faye n'a mentionné les femmes qu'une seule fois, lorsqu'il a souligné l'urgence de « l'emploi pour les jeunes et les femmes », deux entités souvent mises dans le même sac, les femmes arrivant toujours en dernier. Le ministère de la femme était l'entité faîtière qui faisait comprendre aux femmes que leurs droits étaient importants et que l'État était déterminé à réduire les inégalités criantes entre les hommes et les femmes au sein de la société sénégalaise. Par l'intermédiaire du ministère de la Femme et de l'enfant, le Sénégal était un acteur de premier plan dans les efforts mondiaux en faveur de l'équité entre les sexes. La suppression de ce ministère ne fera qu'aggraver la situation déjà précaire des femmes au Sénégal. Le ministère du Développement Communautaire, de la Solidarité Nationale et de l'Équité est un autre ministère qui a été supprimé. La suppression du ministère de la Femme et la suppression des mots « femme » et « équité » dans le nouveau ministère de la Famille et de la Solidarité traduit une volonté délibérée de minorer l'importance des droits de la femme et de ne considérer son rôle qu'au sein de la famille. Dans le décret stipulant les dénominations du nouveau ministère de la Famille et de la Solidarité, la définition de la famille semble se réduire aux femmes et aux enfants.
En Afrique, l'État-nation est un modèle colonial dont les avantages ne sont accessibles qu'à quelques-uns et ne donnent pas à la majorité les moyens de se réaliser. Au Sénégal, les femmes sont en dehors de cette communauté imaginée. Elles sont « l'autre » dans le « nous », généralement considéré comme masculin. Les femmes ont des droits constitutionnels, mais elles ne sont pas traitées sur un pied d'égalité. Le féminicide, la violence sexuelle, le mariage des enfants et d'autres discriminations fondées sur le sexe sont monnaie courante dans le pays. Par exemple, le viol était un simple délit jusqu'en 2020, et même après qu'il soit devenu un crime punissable d'un minimum de 10 ans, les juges, qui sont en majorité des hommes, n'appliquent pas la loi dans son intégralité. Le Code de la famille, archaïque et sexiste, hérité de l'administration coloniale française, n'a pas été révisé pour refléter les progrès et les promesses de l'égalité des sexes. Les femmes n'ont toujours pas les pleins droits parentaux sur leurs enfants et ne peuvent voyager avec eux sans l'autorisation du père. La recherche de paternité n'est pas autorisée et les femmes doivent assumer la responsabilité de leurs enfants nés hors mariage si le père refuse de reconnaître la paternité. L'âge du mariage est de 16 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons.
Le Sénégal n'a toujours pas appliqué les conventions internationales relatives à l'égalité des sexes qu'il a signées, comme le protocole de Maputo, qui accorde aux femmes le droit à l'avortement. L'avortement est illégal au Sénégal, même en cas de viol ou d'inceste. Les femmes affichent des taux d'analphabétisme plus élevés en raison des facteurs cités plus haut qui les empêchent d'aller à l'école. Bien que sous Abdoulaye Wade, les femmes aient obtenu une loi sur la parité à l'Assemblée nationale, elles représentent toujours moins de 45 % de cette entité. Cette misogynie de l'État considère les femmes en dehors de l'entreprise démocratique et est au cœur de la subordination croissante des femmes au Sénégal.
Le Pastef a vendu au peuple sénégalais un programme de décolonisation des relations avec l'Occident, en particulier avec la France. Cependant, cette décolonialité est enveloppée de colonialité. La composition du nouveau gouvernement et la dissolution du ministère de la Femme augurent d'une régression des droits des femmes qui semble être une tendance dans la région. C'est le cas en Gambie, où l'islam et la culture sont instrumentalisés pour faire pression en faveur de l'abrogation d'une loi interdisant les mutilations génitales féminines. Au nom de la culture et de la religion, les droits des femmes sont de plus en plus érodés. Cette décolonialité genrée est habillée de vêtements coloniaux et accessoirisée d'un islam patriarcal, tout en revendiquant une africanité qui n'existe que dans l'imaginaire des hommes qui veulent la mettre en œuvre. Les accusations selon lesquelles les notions de parité et d'égalité des sexes sont des importations occidentales ignorent le rôle que les femmes sénégalaises ont joué dans les luttes anticoloniales et la manière dont les femmes africaines ont contribué à la décolonisation des connaissances.
La sous-représentation des femmes au sein du gouvernement et la suppression du ministère de la Femme ne rassurent pas ceux qui craignent que le mandat du président Faye soit un mandat salafiste avec des idées fondamentalistes sur le rôle et la place des femmes, alors que le Sénégal a une constitution laïque et que la cohabitation pacifique entre les musulmans et les chrétiens (principalement les catholiques) fait partie des fondements de sa solide démocratie. M. Faye a rendu visite aux chefs religieux des deux confessions. Il a également annoncé lors du Conseil des ministres du 17 avril qu'il avait créé un bureau des Affaires religieuses au sein de la présidence et qu'il donnerait la priorité à l'emploi de professeurs d'arabe. On ne sait pas si ce bureau des affaires religieuses s'adressera à toutes les religions ; toutefois, le fait de donner la priorité à l'arabe n'est pas un gage d'équité pour toutes les religions et minimise l'importance des langues locales. En outre, la création d'un bureau des affaires religieuses et la suppression du ministère de la Femme donnent le ton de cette présidence et indiquent où se situe la priorité. On peut se demander si les femmes sénégalaises devront bientôt adopter la burqa comme tenue vestimentaire imposée par l'État.
Fii, fàtte xaju fi (il est impossible d’oublier), le Premier ministre Ousmane Sonko a une relation problématique avec les femmes, et son accession au deuxième poste le plus élevé du gouvernement est un coup violent porté aux victimes d'agressions sexuelles. En 2021, il a été accusé de viol par Adji Raby Sarr, une jeune masseuse, allégations qu'il a démenties en accusant le régime de Macky Sall de comploter pour le disqualifier pour les élections de 2024. Cette affaire a plongé le Sénégal dans deux années de crise violente au cours desquelles au moins deux douzaines de personnes ont perdu la vie. Monsieur Sonko a refusé de se soumettre à un test ADN et n'a pas assisté au procès. Son chef d'accusation a finalement été réduit à la corruption de la jeunesse et il a été condamné à deux ans de prison, qu'il n'a jamais purgés. L’on ne peut pas oublier les propos misogynes et aberrants qu’il avait eu à l'égard de son accusatrice, en déclarant : « Si je devais violer, je ne violerais pas quelqu'un qui ressemble à une guenon affligée d'un AVC ».
Après l'élection de Faye, l'accusatrice de Sonko s'est réfugiée en Suisse. Dans une vidéo virale, on voit des loyalistes du Pastef dans le hall d'un hôtel genevois où Sarr aurait séjourné, interrogeant le personnel sur elle. On entend l'un d'eux dire au personnel de l'hôtel que Sarr est responsable de la mort de nombreuses personnes au Sénégal. Sonko, alors député, n'a jamais nié avoir violé un couvre-feu imposé par le Covid pour se rendre dans le salon de massage louche où travaillait Sarr et dont il était un client régulier. Il n'a jamais non plus porté plainte pour diffamation contre Adji Sarr.
Le manque de femmes au sein du gouvernement contraste avec les nombreuses femmes présentes dans la vie privée du président et du Premier ministre. Faye est le premier président de l'histoire du Sénégal à être polygame (il a deux femmes) ; selon la rumeur, le Premier ministre Ousmane Sonko en aurait trois. L'élection de M. Faye place la polygamie au premier plan des débats nationaux et internationaux. Les journaux nationaux et internationaux publient des photos de lui flanqué de ses deux épouses comme la nouvelle image d'un Sénégal en quête d'une africanité imaginée. Le lendemain de l'élection, un journaliste français a contacté la sociologue et féministe sénégalaise Fatou Sow Sarr sur X pour une interview sur la polygamie. La professeure a répondu : « La polygamie, la monogamie et la polyandrie sont des modèles matrimoniaux déterminés par l'histoire et la culture de chaque peuple. Aujourd'hui, ces modèles sont concurrencés par les mariages homosexuels ». Pressé par les critiques, Sow Sarr a ajouté : « Ma pensée profonde est que l'Occident n'a pas le droit légitime de juger nos cultures (africaines)». Sow Sarr a évité de s'engager de manière critique sur la polygamie en se détournant vers ce que Sokhna Sidibe et Amina Grace ont appelé la « panique sexuelle », l'homophobie étant endémique au Sénégal. Les déclarations de Sow Sarr passent sous silence les aspects abusifs de la polygamie et utilisent les cartes de la « culture » et de la « décolonisation » pour justifier la polygamie du président.
Bien entendu, nous ne voudrions pas que l'Occident fasse de la polygamie l'aspect unique de l'élection de Faye. Cependant, il ne s'agit pas de jouer à « vous faites pire que nous, et donc, nous sommes justifiés dans nos pratiques ». Les Africains doivent s'engager les uns avec les autres et ne pas faire de l'Occident leur interlocuteur. Au Sénégal, la polygamie a été corrompue et transformée en une pratique de collecte de femmes. Ce qui est pratiqué au Sénégal est la polygynie parce que les femmes n'ont pas le droit d'avoir plusieurs maris.
En Afrique comme dans l'Islam, la polygamie n'était pas destinée à l'épanouissement sexuel de l'homme. Historiquement, en Afrique, elle permettait aux familles aisées d'avoir plus d'enfants pour disposer de la main-d'œuvre nécessaire à l'agriculture et à d'autres activités. Dans l'islam, la polygamie vise à protéger les veuves et les orphelins démunis. Le prophète Mohamed était monogame jusqu'à la mort de sa première épouse, Khadija. À l'exception d'Ayisha, toutes ses autres épouses étaient des veuves ou des divorcées. En outre, dans l'islam, le verset qui autorise la polygamie avertit que si un homme ne peut pas aimer et traiter ses femmes de manière égale à tous les niveaux, la monogamie est la meilleure solution.
Aujourd'hui, la polygamie est à la mode au Sénégal et représente 35% des mariages contre 17% dans les années 1970. C'est un marqueur de la masculinité patriarcale où les hommes qui ont plus d'une femme sont perçus comme courageux et appelés góor dëgg (de vrais hommes). Guy Marius Sagna, membre de la coalition de Sonko et Faye, qui était jusqu'à récemment chrétien, s'est converti à l'islam et a épousé une deuxième femme, imposant ainsi la polygamie à sa première femme. Il a été félicité pour sa force de caractère. Les hommes épousent des femmes plus jeunes en tant que deuxième, troisième ou quatrième épouse, rassemblant ainsi plusieurs archétypes de femmes. Par exemple, la première épouse du président Faye porte le hijab, a la peau plus foncée et est considérée comme pieuse et humble. En revanche, la seconde épouse porte une perruque, a la peau plus claire et est représentée comme une femme joviale, très présente sur les réseaux sociaux.
La polygamie est répandue dans les zones urbaines où les femmes éduquées préfèrent un mariage polygame parce qu'il leur offre plus de temps et de flexibilité. Elles préfèrent partager leur mari avec d'autres femmes parce qu'elles n'ont pas à s'occuper exclusivement de lui. On peut se demander s'il s'agit là d'un choix naturel, étant donné qu'au Sénégal, le mariage est encore considéré comme l'accomplissement ultime pour une femme et un symbole de respectabilité sociale. Les hommes épousent souvent des femmes plus jeunes, ce qui laisse aux femmes de leur groupe d'âge moins de choix quant à la personne à épouser. En raison des taux de chômage élevés, de nombreux hommes en âge de se marier n'ont pas les moyens d'assumer les responsabilités financières d'un mariage. Les femmes qui sont socialement pressées de se marier se tournent vers des hommes déjà mariés. En outre, en raison du regard de la société et de sa réprobation de l'activité sexuelle féminine en dehors du mariage, de nombreuses femmes contractent des mariages polygames pour valider leur vie sexuelle.
Telle qu'elle est pratiquée au Sénégal, la polygamie est imposée aux femmes à qui l'on fait croire qu'il y a plus de femmes que d'hommes, alors que le récent recensement montre le contraire. On leur dit aussi qu'un homme bon doit être partagé. Les hommes utilisent la polygamie comme une arme pour imposer leur volonté à leurs femmes, menaçant d'en épouser une autre si celle-ci ne répond pas à leurs exigences patriarcales. Bien que les couples puissent choisir entre la monogamie et la polygamie, cette dernière est la solution par défaut s'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord. Les hommes utilisent l'excuse qu'ils sont autorisés à épouser plus d'une femme pour justifier leur infidélité, et les femmes sont résignées à l'idée qu'elles finiront par partager leur mari et donc à accepte leur infidélité. Il existe également la pratique du takku suuf (mariage clandestin), dans laquelle les hommes se marient sans publicité ni reconnaissance officielle.
La polygamie est abusive pour les premières épouses, qui sont souvent forcées de prendre une retraite romantique et parfois sexuelle pendant que le mari entame une romance avec la nouvelle épouse. Dans l'une des photos de campagne, la première femme du futur président est montrée en train de le voir n'avoir d'yeux que pour la seconde femme, son ancienne étudiante qu'il a épousée un mois avant d'aller en prison. En cas de conflit dans le mariage, la plupart des hommes choisissent la polygamie plutôt que le divorce, abandonnant émotionnellement et parfois financièrement leur première femme. Pour les manipuler afin qu'elles se résignent à leur abandon émotionnel et romantique, les premières épouses reçoivent le titre d'aawo-yaay (première femme-mère), les reléguant au rôle d'égalisatrice, celle qui doit materner tout le monde, y compris le mari et son nouveau trophée. Sur les photos de l'intronisation, le président et la seconde épouse portent des vêtements européens aux couleurs coordonnées. En revanche, habillée en vêtements traditionnels, la première épouse apparaît comme la figure féminine parentale.
La polygamie monte les femmes les unes contre les autres. Par le biais du concept de defante (compétition), leur travail physique, émotionnel, économique, sexuel et reproductif est exploité dans un jeu hypocrite d'attrape-nigauds qui ne profite qu'au mari et à sa famille. Les coépouses utilisent la notion de jonge pour se surpasser les unes les autres afin de satisfaire le mari et de contraindre sa famille à avoir ce dernier de leur côté. L'opinion populaire du pays reproche à la seconde épouse de Faye d'être présente sur les médias sociaux et d'en faire trop lorsqu'elle a plié le genou, signe de respect et de dévotion, pour féliciter le président nouvellement élu. La première épouse est dépeinte comme ayant de la classe et transmet un sentiment d'ancrage et de sérénité.
Selon le récent rapport de l'Agence nationale des statistiques et de la démographie, la polygamie appauvrit les familles. Il indique que 46,49 % des familles polygames vivent dans la pauvreté, contre 36,3 % des familles monogames. En outre, les femmes dépensent beaucoup d'argent et de temps dans des guerres surnaturelles avec l'aide de charlatans. Elles se font du mal physiquement et émotionnellement, et leurs enfants sont également victimes de ces conflits. Il est intéressant de noter qu'au moment où la polygamie de Faye faisait l'objet d'une couverture médiatique, l'histoire tragique d'un éleveur de 25 ans qui avait tué sa deuxième femme, âgée de 16 ans, et brûlé son corps, faisait également la une des journaux. Même ceux qui n'en ont pas les moyens pratiquent désormais la polygamie. Le fait d'avoir un polygame à la tête de l'État institutionnalisera cette pratique.