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7 avril 2025
Femmes
DE JANVIER À JUIN 2024, 196 CAS DE VIOL
L'Association des juristes sénégalaises (AJS) lève le voile sur l'ampleur réelle des violences sexuelles dans le pays. Face à ce constat alarmant, l'association propose des solutions concrètes pour venir en aide aux victimes
Le taux de prévalence des violences sexuelles au Sénégal, 21, 5%, n’est que l’arbre qui cache une forêt de cas non dénoncés. La Secrétaire exécutive de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) en fait le constat et plaide pour la mise en place d’un fonds d’aide aux victimes de violence et la création de structures dédiées à la prise en charge holistique de ces victimes.
Pour le Sénégal, le projet Kasa chiffre le taux de violences sexuelles à 21, 5%. Qu’est-ce qui se cache derrière ces chiffres ?
Derrière ces chiffres, il se cache qu’il n’y a pas vraiment de dénonciation. Ces chiffres cachent surtout l’ampleur des violences sexuelles dans le pays. Nos boutiques de droit couvrent 7 des 14 régions du pays. Ce qui veut dire que beaucoup de cas ne sont pas dénoncés à la police ou à la gendarmerie. De janvier à juin 2024, sur 2550 personnes reçues pour toutes les catégories de consultations juridiques, nous avons 500 cas de violence et sur ces 500 cas de violence, 196 sont des cas de viol.
Vous estimez qu’il faudrait mettre en place un fonds d’assistance des victimes de violences sexuelles. Pourquoi ce plaidoyer ?
Les victimes de violence ont besoin d’être assistées médicalement, psychologiquement, matériellement et aussi juridiquement. Et dans notre pays, le fonds d’assistance qui est en place au ministère de la Justice ne concerne que les accusés ou les prévenus. Mais une victime de violence sexuelle a besoin d’être prise en charge parce qu’il y a déjà un traumatisme. D’où l’importance de mettre en place ce fonds d’assistance pour que dès qu’il y a un cas de violence, de pédophilie ou de viol, on puisse avoir cette assistance des avocats pour ces victimes.
Et il y a aussi le renforcement des capacités des enquêteurs…
Les enquêteurs, la loi les cantonnent dans un délai de 48 ou 72h. S’ils ont suffisamment de preuves, ils font le défèrement au niveau du procureur. Mais s’ils n’en ont pas, ils sont obligés de relaxer le prévenu. C’est pour dire que les enquêteurs doivent être mieux outillés pour les enquêtes concernant les victimes. Est-ce que nos Officiers de police judiciaire (Opj) sont assez outillés pour mener à bien les interactions avec les victimes ? C’est ce qui nous pousse à demander le renforcement des capacités des personnes qui vont faire les enquêtes avec les victimes de violences sexuelles.
Il y a aussi la lourdeur des procédures que doivent suivre les victimes. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait les alléger ?
Je serais mitigée. C’est la nature de l’infraction qui exige ces procédures, mais on peut les alléger sans doute. On pourrait mettre en place des structures où toutes ces prises en charge seront réunies : police, personnel de santé, psychologue, et une maison d’accueil. Pour que quand on a un cas de violence sexuelle, que ces personnes puissent être prises en charge. Par exemple au Mali, il y a les One stop center où on regroupe tous les services de prise en charge des victimes de violences sexuelles, et à mon avis, ce sont des exemples qui ont de bons résultats.
Vous participez à cette rencontre de l’Awdf autour du projet Kasa. Qu’est-ce que ce soutien vous a permis de faire ?
L’Ajs a participé à cette rencontre avec le partenaire Awdf qui est un des partenaires qui nous financent pour la vulgarisation, la sensibilisation et la lutte contre les violences sexuelles. Depuis le début du financement qui en est à sa deuxième phase, nous avons fait beaucoup d’activités communautaires avec les acteurs religieux, les jeunes et autres. Nous avons aussi fait d’autres activités avec les acteurs de la chaîne judiciaire, pour que les populations puissent s’approprier cette loi criminalisant le viol et la pédophilie, mais également pour une application effective de cette loi.
LA PEUR N’EST PAS LIEE AU SEXE
Pour la sociologue Dr Selly Ba, la migration concerne aussi les femmes qui occupent une place de choix dans le phénomène en général et dans l’émigration irrégulière en particulier, en raison des mutations et perceptions sociales
«La migration n’est pas seulement l’affaire des hommes. Elle concerne aussi les femmes qui occupent une place de choix dans le phénomène en général et dans l’émigration irrégulière en particulier, en raison des mutations et perceptions sociales. De plus en plus on assiste à une mobilité féminine autonome, même si elle est l’objet d’une faible légitimité sociale et d’une stigmatisation.
On note qu’il y a une diversité en âge et en situation matrimoniale et le profil est varié. Cette migration des femmes répond à la nécessité de subvenir aux besoins vitaux de la famille. Il y a aussi la recherche d’une autonomie sociale et financière. Ces femmes candidates à l’émigration sont le plus souvent influencées par leurs amies émigrées. La peur n’est pas liée au sexe. Cela n’a rien à voir mais tout dépend de la façon dont la personne est socialisée. C’est vrai que dans nos sociétés les femmes sont stigmatisées.
Mais la socialisation n’est pas statique, elle évolue. Il y a maintenant des politiques qui les rendent beaucoup plus solides, autonomes et indépendantes. Tous ces éléments, sans déstructurer notre société, participent à une société égalitaire».
LA SEXOSPÉCIFICITÉ A CHANGÉ
Pour le Professeur Djiby Diakhaté, nous sommes passés d’une société marquée par le triomphe de l’esprit patriarcal à celle où la femme est «à la périphérie d’instance de décision». Elle est donc préparée à l’affirmation de soi, analyse le sociologue
Pour le Professeur Djiby Diakhaté, nous sommes passés d’une société marquée par le triomphe de l’esprit patriarcal à celle où la femme est «à la périphérie d’instance de décision». Elle est donc préparée à l’affirmation de soi, analyse le sociologue.
«Pendant longtemps, l’émigration n’a concerné que de jeunes garçons qui vivent dans des conditions précaires, bricolant des solutions de survie au quotidien. Nous sommes dans une société où l’esprit patriarcal triomphe partout. Le cadre social met l’accent sur l’idée que c’est l’homme qui doit prendre en charge les besoins de la famille. Mais les paradigmes ont changé, la sexospécificité a changé. En effet, à la faveur de l’émancipation de la femme, des victoires qu’elle a emportées en termes de représentation sociale, de correction de pratiques les plaçant à la périphérie des instances de décision, les femmes s’affirment».
«On a mis dans l’esprit de la petite fille qu’elle peut être au niveau de l’homme ou le dépasser»
«On va alors mettre dans l’esprit de la petite fille qu’elle peut être au niveau de l’homme ou le dépasser. La sexospécificité va changer. La femme qui était confinée aux travaux domestiques, à des types de métiers, est préparée à occuper des postes de responsabilité à l’affirmation de soi, au positionnement. Les choses sont donc en train de changer. On a remarqué que le taux de réussite au bac est très important chez les filles, et qu’au concours général la personne la plus géniale est une fille. Et celles qui n’ont pas la chance de réussir à l’école trouvent d’autres moyens d’ascension sociale».
«Le candidat à l’émigration n’a pas peur de la mort mais de l’échec»
«Je pense qu’il y a un travail de recherche, un travail empirique essentiel à faire parce que les trajectoires et les parcours ne sont pas les mêmes, les raisons ne sont pas identiques. Chaque cas d’émigration renvoie à une structure spécifique propre à un acteur donné. C’est pourquoi il nous faut ce travail de terrain pour comprendre les ressorts qui guident les uns et les autres vers l’émigration clandestine. La fille a reçu une éducation qui refuse toute forme d’exclusion, elle n’est pas enfermée dans un espace de phobie, d’inhibition. C’est un nouvel être social. Il y a lieu un travail empirique à faire pour déterminer les raisons de ce phénomène d’émigration irrégulière. Et, en général, il répond à une quête d’ascension sociale dans une société qui promeut les riches. Mais de façon générale, dans une approche très approximative, on met l’accent sur la quête du profit, sur le fait qu’il y a une situation sociale qui promeut une personne détentrice de ressources et qui a tendance à placer les autres à la périphérie. Donc, il y a une pression sociale énorme qui s’exerce sur l’acteur et qui le pousse à rechercher le profit à tout prix. Maintenant, vous avez tout le complexe que nous avons de L’Occident. L’idée que la vraie réussite passe par l’Occident, que l’Occident serait un Eldorado, un paradis terrestre. Ce sont des représentations qui sont prolongées au niveau de notre espace social et institutionnel. On a l’impression que toutes nos institutions sont inspirées de la France, que tous ceux qui ont réussi dans notre vie se targuent d’avoir été en Europe, de passer leurs vacances à la Côte d’Azur. Toutes ces choses sont de nature à fouetter ce complexe d’infériorité. Et là aussi, on remarque que, pour décourager l’émigration clandestine, on met l’accent sur le risque de mort alors que le candidat n’a pas peur de la mort mais de l’échec. C’est pourquoi je pense que dans la communication il faut plutôt mettre l’accent plus sur l’échec que sur la mort, montrer qu’il y a des gens qui sont arrivé en Europe mais qui n’ont pas réussi du tout, et d’autres qui ne sont pas allés en Europe et qui ont réussi et bénéficient d’un grand respect sur le plan social».
LES FEMMES MIGRANTES SONT ABUSEES, STRESSEES, UTILISEES
Elhadji Seydou Nourou Dia fait l’historique de l’émigration et donne quelques raisons qui poussent les femmes à tenter le diable de l’émigration irrégulière. Cet expert en migrations estime que les femmes migrantes sont abusées, stressées et utilisées.
Elhadji Seydou Nourou Dia fait l’historique de l’émigration et donne quelques raisons qui poussent les femmes à tenter le diable de l’émigration irrégulière. Cet expert en migrations estime que les femmes migrantes sont abusées, stressées et utilisées.
Le phénomène de l’émigration féminine est-il nouveau ?
Le phénomène de la migration en général existe depuis que le monde est monde. Quant à la migration irrégulière, elle existe depuis très longtemps. En un moment donné, l’Europe qui était en manque de ressources humaines a fait appel aux pays africains qu’elle avait colonisés pour la maind’œuvre. A cette époque, il était facile de quitter le Sénégal pour la France. Mais par la suite, l’Europe a vu sa population croître. Ils ont eu des problèmes pour gérer leurs populations. C’est ainsi qu’ils ont développé des politiques de sauvegarde, pour rationaliser l’émigration avec les visas. Mais ces visas ont montré leurs limites car beaucoup parvenaient à voyager à partir d’un seul passeport. C’est ce qui a conduit à des conditions de voyage contraignantes avec la biométrie. Et en même temps, les migrants ont développé des stratégies de contournement en passant par le désert et la mer. Le phénomène de la migration irrégulière est donc la conséquence des lois pour rendre contraignantes les conditions de voyage. En ce qui concerne les raisons, il faut dire que certains s’adonnent à l’émigration irrégulière pour aller à la quête de l’Eldorado alors que pour d’autres, ils le font parce que c’est leur mode de vie, la migration est pour eux une valeur culturelle.
Qu’en est-il spécifiquement de l’émigration irrégulière féminine ?
On la constate depuis quelques années. Quand des villages entiers sont dépeuplés et que les hommes sont dans l’incapacité de partir, les femmes constituent la relève. C’est certainement l’une des raisons. Mais le drame, c’est quand on voit des images poignantes de femmes en état de grossesse avancée ou des femmes avec leurs enfants.
Mais comment comprendre que des femmes puissent prendre le risque de voyager avec leurs enfants ?
Une femme qui voyage seule dans ces conditions est d’une certaine vulnérabilité. Mais elle l’est davantage quand elle le fait avec son enfant. Les gens sont sensibles à certaines situations. Pour ces candidates, cela peut être un moyen de se faire accepter une fois au pays d’accueil. C’est possible aussi que parce qu’au pays de départ elles n’ont pas des personnes à qui confier leurs enfants ou que leurs enfants soient encore en allaitement. Chaque cas est spécifique. A chacun son histoire.
Quelles sont, à votre avis, les solutions pour éviter ou réduire cette migration féminine ?
Je pense qu’il faut renforcer la confiance des personnes, les amener à comprendre qu’elles peuvent réussir chez elles. En réalité, l’Etat est en train de faire des efforts en développant des programmes, en rendant l’accès à la formation professionnelle et au financement facile et simple. Je pense aux structures comme le 3Fpt, la Der, l’Apix... C’est une façon de montrer aux populations qu’elles peuvent saisir leurs chances au pays, que l’Europe n’est plus ce qu’elle était.
Y a-t-il eu des recherches sur la féminisation de l’émigration irrégulière de la part de l’Oim et des États africains ?
Il y a beaucoup d’études sur les motivations de ces femmes, les difficultés auxquelles elles font face durant ces parcours migratoires. Il y a aussi des études sur l’apport des femmes dans la gouvernance migratoire de façon globale. Mais il est vrai que sur le nombre de femmes migrantes, les données sont assez timides et muettes. Il n’y a pas de chiffres exacts. On met l’accent sur les conditions difficiles de l’émigration. La route migratoire clandestine est difficile pour les hommes, à plus forte raison pour les femmes. Celles-ci sont confrontées à des difficultés énormes. Elles font face au stress de l’inconnu car elles s’engagent dans un projet et elles n’ont pas de bonnes informations par rapport. En plus, elles sont victimes d’agressions sexuelles et d’autres formes d’agressions, de banditisme. Au-delà de l’épuisement, elles sont très souvent utilisées et sont plus exposées que les hommes qui font face aussi à des difficultés.
LA FEMINISATION DU PHENOMÈNE DE L'ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE
«Une pirogue est arrivée avec des corps sans vie de femmes». «Une embarcation a été sauvée par les garde-côtes espagnols avec une femme enceinte». «Des dizaines de migrants secourus avec des bébés à bord»
A Mbour, tout comme dans les autres zones côtières, l’émigration irrégulière continue de plus belle. En dépit des nombreuses pertes en vies humaines, les embarcations vers l’Espagne dans les pirogues de fortune semblent inarrêtables. Et ce qui est frappant, c’est qu’il y a de plus en plus de femmes et de jeunes filles attirées par ce suicide organisé. Cette migration du genre n’est pas nouvelle, mais l’ampleur du phénomène interroge. Partant du foyer de Mbour, sociologues et spécialistes des migrations décortiquent le choix des femmes pour cette aventure.
«Une pirogue est arrivée avec des corps sans vie de femmes». «Une embarcation a été sauvée par les garde-côtes espagnols avec une femme enceinte». «Des dizaines de migrants secourus avec des bébés à bord»… Ou encore «des candidats à l’émigration irrégulière ont été interceptés par la marine sénégalaise dont des femmes». La migration est un mot féminin. Sa pratique irrégulière et risquée aussi l’est davantage, surtout ces dernières années. Et le dernier cas, c’est la pirogue qui a échoué à Kaffrine grâce à la gendarmerie qui a empêché des hommes et des femmes de prendre le large. Comme toutes les villes côtières, Mbour est un lieu d’embarcation de candidats à l’émigration irrégulière dans des pirogues de fortune vers l’Espagne. Cette vidéo choquante d’une dame candidate à l’émigration qui a trouvé la mort, et qui n’a pas été enterrée mais juste ensevelie de sable, est la preuve de l’ampleur de la féminisation du phénomène jusque-là chasse gardée des hommes.
«Nous n’avons toujours pas de nouvelles de ma tante Astou et sa fille»
Dans toute la Petite Côte, sur les plages de Saly, Mbour, Joal, Pointe Sarène..., des jeunes embarquent nuitamment à bord de pirogues en direction de l’Espagne. Les candidates à cette émigration irrégulière viennent de partout dans le pays. Alimatou, habite le quartier Golfe de Mbour. Elle n’est pas au bout de sa peine. Après avoir perdu son aîné à la fleur de l’âge, voilà qu’une de ses tantes et la fille de celle-ci, candidates à l’émigration, sont introuvables. «Nous n’avons toujours pas de nouvelles de ma tante Astou et sa fille. Depuis quelques jours, leurs photos sont publiées sur les réseaux sociaux, en vain. Elles sont de Gandiol d’où est originaire ma maman. Je viens d’apprendre qu’il y a beaucoup de nos compatriotes qui sont retenus au Maroc et qui n’attendent que d’être rapatriés. Ils vivent dans des conditions difficiles», confie Alimatou.
«Ma fille est rentrée comme ensorcelée»
Maman, une jeune fille de 17 ans, habitant aussi le quartier Golfe, fait partie de ces nombreuses candidates à l’émigration irrégulière. Elle n’a pas réussi à atteindre l’Espagne. Mais on ne peut pas dire qu’elle est revenue saine et sauve puisque de sa périlleuse aventure, elle est tombée malade. «J’étais parti en mer ; et à mon retour, j’ai été informé que ma fille est partie en Espagne par la mer. Ni moi ni sa maman n’étaient au courant de son projet. Elle nous l’a caché, sachant que nous nous y serions opposées. Les jeunes qui prennent la mer n’en parlent jamais à leurs parents», a dit Bou, le père de Maman. Sa fille est rentrée malade et sa maman l’a amenée chez ses parents pour des soins traditionnels. «Depuis qu’elle est rentrée, elle est comme traumatisée, ensorcelée. A chaque fois elle répète cette phrase : ‘’C’est eux qui l’ont fait.’’ Elle est vraiment affectée par son voyage mais elle se sent beaucoup mieux. Ma fille est de nature afférente. Tout cela se passe avec les téléphones portables. C’est avec ces appareils qu’ils font toutes leurs machinations. C’est d’ailleurs pourquoi je m’étais opposée à ce que son père lui achète un téléphone», déplore cette femme affligée de voir sa fille dans un tel état de santé mentale.
Aminata : «Notre pirogue a pris de l'eau… Nous étions nombreux dont 10 femmes»
Âgée de 23 ans, Aminata est une employée domestique qui vit avec sa maman. Son rêve d’aller en Espagne pour venir en aide à sa mère est brisé. Mais elle rend grâce à Dieu d’être rentrée saine et sauve. Son périple n’a duré qu’une journée. «Nous avons dû rebrousser chemin parce que nous étions confrontés à beaucoup de problèmes. Il y avait beaucoup de vent, la pirogue a pris de l'eau et on s’affairait à vider l’eau. C’était difficile. Nous n’avions pas de Gps ni un bon moteur. En plus, la nourriture était insuffisante et de mauvaise qualité. Il y avait beaucoup de monde dans cette pirogue dont dix femmes», a-t-elle raconté.
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LE FAUEFAO MISE SUR LE DIGITAL POUR LA BONNE CAUSE
Le Forum pour l’autonomisation économique des femmes en Afrique de l’Ouest s’est trouvé des alliés idéaux que sont les journalistes, les jeunes chercheurs et les étudiants, tous formés au blogging afin d’accompagner la mission du Forum.
Le Forum pour l'autonomisation économique des femmes en Afrique de l'Ouest (FAUEFAO) s'est trouvé ses alliés et les met à niveau pour accompagner sa vision de l'autonomisation économique des femmes dans la sous-région ouest africaine. Il s'agit des blogueurs, des journalistes et des jeunes chercheurs pour soutenir cette cause juste.
L'autonomisation économique des femmes est un des aspects du point 5 des Objectifs de développement durable des Nations Unies qui prône «l'égalité des sexes ». Ce concept consistant dans une certaine mesure a un rééquilibrage des genres correspond très précisément au point 5. 5 des ODD qui recommande de : «Garantir la participation entière et effective des femmes et leur accès en toute égalité aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique ».
Sans une bonne communication, l'objectif risque de ne pas être atteint au grand dam de ceux qui se mobilisent pour cette cause. Le Forum pour l'autonomisation économique des femmes en Afrique de l'Ouest (FAUEFAO) s'inscrit sans doute dans cette perspective et à juste titre.
En effet, les femmes dans différentes parties du globe, celles du milieu rural en l’occurrence, sont victimes de nombreuses injustices sur tous les plans.
Qu'elles soient du milieu rural ou urbain, sur le plan économique, elles n’ont pas toujours accès et le contrôle des ressources.
Accablées par des travaux domestiques non rémunérés, sur le plan social, leur accès au marché de l’emploi reste hypothéqué. Et même lorsque elles y accèdent, elles croisent un vilain démon qui se nomme inégalité salariale quand bien même elles seraient d’égales compétences et qualifications égales que leurs collègues masculins. Pourtant, elles demeurent la cheville ouvrière de l’entretien du foyer du bien-être de toute la cellule familiale au quotidien.
De toute évidence, si les femmes sont économiquement autonomes, théoriquement, c’est la maisonnée qui sera socialement épanouie. C’est en cela que le concept de l’autonomisation économique des femmes est d’une pertinence évidente et mérite adhésion et soutien de tous.
Le forum pour l’autonomisation économique des femmes en Afrique de l’Ouest est, de ce point de vue, sur la bonne voie de réparation de cette injustice.
Si la femme n’est pas l’égal de l’homme du point de vue physiologique certes, elle devrait l’être en termes de droit, d’égalité de genres.
par Amina Grâce
UNE RÉPUBLIQUE POUR LES SUBSTANTIFIQUES MÂLES
EXCLUSIF SENEPLUS - Le patriarcat est d'une perversité inouïe. Il ensevelit dans les tréfonds de l'histoire les efforts politiques des femmes, puis leur demande de prouver leur mérite, leurs efforts. Le Sénégal c'est : Des mâles-Un but-Une foi
Quelle surprise : "après l'élection de Diomaye-Sonko", plus rien n’est comme avant. Or tout est pareil, en pire. L'éclat de leurs discours et projets pré-électoraux auraient dû forcer les reconsidérations politiques les plus profondes, les débats exceptionnels et les mesures politiques drastiques, bref renverser le système une fois au pouvoir. Le système non pas en tant que mécanisme lointain dont des individus ténébreux et invisibles tirent les ficelles, mais comme des éléments de pouvoir de changer les choses, entre les mains d'un président élu par un peuple surtout composé de femmes assoiffées de justice et d'équité sociales, rêvant de voir une ère poser au moins les premières pierres de l'égalité sociale, économique et politique (les deux premiers s'intègrent dans le dernier) entre les hommes et les femmes.
Au lieu de ça, le système, il se maintient à l'identique et va très bien, merci. La suprématie mâle, le sexisme d'Etat vivent des jours ensoleillés sous le duo Diomaye-Sonko, malgré les caprices du climat politique qui concède aux femmes des morceaux de droits de temps en temps en leur disant :"Tenez, on vous a criminalisé le viol !". Comme pour leur demander de fermer leur gueule une bonne fois pour toutes. L'aumône offerte aux femmes par cette criminalisation devra couvrir et étouffer tous les forfaits moraux et physiques que les hommes commettront sur les femmes pendant au moins un siècle à venir et effaceront les précédents. La vengeance du féminin est actée par la loi 2020-05, qui n’a toujours pas transcendé les supports juridiques.
J'ai commencé cet article au mois d'avril, mais j'ai attendu comme toutes les filles et femmes sénégalaises qui s'intéressent à la politique, comme les femmes de la sous-région qui savouraient avec nous cette nouvelle promesse d'une nouvelle ère. J'ai attendu l'espoir au ventre que les nominations suivantes ne soient pas comme les premières : un club de phallus. J'ai attendu la révolution politique que Diomaye-Sonko faisait miroiter aux femmes dans leurs programmes et discours.
Hélas, elle ne viendra pas, du moins pas sous les coutures promises et souhaitées par les femmes. Diomaye-Sonko leur inflige une première gifle le 5 avril 2024 en nommant 25 ministres dont 4 femmes ; et 5 secrétaires d’État dont aucune femme. Le pire n'est pas tant cela, mais la suppression du ministère de la Femme et de l'égalité des genres. Ces phallocrates ont supprimé ce qui aurait pu servir à tenir leurs promesses électorales quant à un pan de l'équité sociale. Des féministes outragées et quelques femmes, quoique ces dernières un peu frileuses de devoir s'adresser à son éminence le nouveau jeune président, ont adressé un communiqué ou une tribune en y allant avec le dos de la cuillère pour d'abord ne pas froisser l'ego inviolable du duo, ensuite pour s'indigner, tendrement surtout, et quémander de maigres parcelles de visibilité. Je ne suis pas en train de jouer sur des tournures grammaticales pour vous émoustiller par la lecture. Non, j'étais dans un groupe de plusieurs centaines de personnes où se décidaient comment envelopper les phrases du communiqué dans un voile doucereux et un ton édulcoré pour ne pas offenser le duo et les hommes de ce pays. Des expressions aussi simples qu'une quête de visibilité claire et nette se sont vues rejetées par un groupe de femmes fébriles qui désiraient courber l'échine pour obtenir grâce. J'ai failli gerber plusieurs fois puis j'ai balancé un message et me suis retirée du groupe. J'ai appris à foutre le camp quand c'est nécessaire.
Des prises de position du même ordre de tendresse ont été observées sur les réseaux sociaux par des femmes et 2-3 hommes souffrants de crises de conscience. Tout de suite après, ces derniers pouvaient par conséquent se désintéresser après nous avoir offert une pensée, une émotion. La conscience claire des causalités de cette exclusion n'est pas suffisante pour combattre les tentacules du patriarcat. Ne parlons même pas de ces hommes qui abattent leurs écoutilles, mettent toutes leurs forces à ce que cette conscience ne leur parviennent pas ; persisteront à tenir ces décisions du duo pour un élément exogène, un coup du hasard ; s'esclaffent à l'idée que le sexisme et la misogynie auraient quoique ce soit à voir là-dedans. Mais alors, il faut bien que ces grands mâles justifient la domination et l'exclusion des femmes des cercles de pouvoir. La tautologie "un homme est un homme est un homme" ne saurait survivre en prétexte dans ce cas-là. Alors, ils nous ont distribué un mot sous nos posts et positions outragés, l'hostie, le corps du christ à avaler, l'assurance symbolique multirisques du pouvoir masculin, le mot censé dissoudre toute critique : la compétence. Il ne faut surtout pas laisser les femmes, présumées incompétentes depuis toujours, mais surtout depuis les faibles écarts à l'Assemblée nationale conquise par la loi sur la parité, souiller ce nouveau gouvernement par leur "incompatibilité crasse". Les hommes ont beau s'enchâsser dans la médiocratie générale et généralisée des indépendances à aujourd'hui, deux femmes qui faisant un Snap à l'Aassemblée actent pour eux l'incompétence et la non-compatibilité avec le pouvoir de toutes les femmes sénégalaises. Et puis enfin, ce nouveau duo ne va pas faire capoter le Projet en s'adonnant à la discrimination positive.
Mais la discrimination positive est celle qui permet aux hommes d'obtenir des postes. Elle est même très poussée. Jusqu'à la fin des années 1990, l'Etat sénégalais majoritairement masculin, tergiversait avec les organismes à l’origine du financement de l'éducation des filles. Les fonds internationaux passaient ailleurs, dans l'entretien de leur troisième proéminence inférieure et de sa sacralité.
Tous les jours, depuis des siècles, des hommes sont nommés à des postes parce qu'ils sont des hommes, ils accèdent aux études supérieures et autres strates de la société parce qu'ils sont des hommes. Faites semblant de l'ignorer, messieurs, mais bien souvent, si vous êtes en place, c'est parce que vous posséder un phallus. Elle est là, la discrimination positive. S'autoriser à l'exercer, à en bénéficier et à la nier, c'est toute la perversité du système sexiste. La preuve de ce que j'avance est d'autant plus manifeste que, le duo dans l'allégresse et l'ébriété du discours, avait promis placer les hommes et les femmes qu'il faut à la place qu'il faut en lançant des appels à candidature pour des postes importants. L'on se demanderait alors d'où leur vient l'audace de nommer un directeur de la société des mines qui bégaie en appelant Diomaye, père de la nation, s'énerve lorsqu'on lui demande de dresser à la télé le bilan des 100 jours de Diomaye. On se demanderait également d'où viennent ces nominations d'hommes dont les postes n'ont rien à voir avec leurs qualifications. Oon se demanderait que viennent faire ces hommes au casier judiciaire douteux dans les instances importantes du pouvoir même les moins essentielles.
Il n’est plus à prouver que de savoir-faire technique et intellectuel, il n’en a jamais été question. Ils commencent petit à petit à l’admettre publiquement pour les plus hardis et discrètement pour les plus couards, à commencer par les deux têtes présidentielles. Oui, maintenant que la fête est terminée, adieu les saints. Il faut à présent affubler d’un autre mensonge ces nominations hasardeuses - quoiqu’elles suivent toutes une logique propre - à ceux qui posent des questions. Il faut leur mettre quelque chose entre les dents, à ceux qui revendiquent. Alors “accidentellement”, ce qui se disait dans le secret des confidences intimes, exprimées ou tues, mais qu’ils savent lire dans tous les cas dans à travers l’esprit de leurs complices ;, ce qui fait leur stupidité commune, sort de la bouche de l’un de leur bête de portage, un ancien exilé politique sous Macky Sall. Le même qui bafouillait sur TV5 en s'énervant hystériquement pour une simple question, a lâché la semaine dernière lors d'un évènement du parti au pouvoir Pastef, sur une chaine de télévision sénégalaise : " Ce sont uniquement les gens du parti qui ont cru au Projet, alors ce sont eux que nous mettrons aux postes de moindre ou de grande envergure. Donc les appels à candidature se feront uniquement pour les postes de chef de quartier ou de météo. Il faut qu'on assume que c'est Pastef qui sera au coeur de l'Etat dans toute la chaîne..." Il n'a rien dit que le pouvoir en place ne soit en train d'appliquer au forceps. Ils sélectionnent sur des critères conformément à ceux qui qui auraient plus "souffert/milité" pour les mettre au pouvoir. La rupture donc dans la perpétuation du népotisme et du favoritisme. Tout copinage politique mérite salaire ; le dépeçage, loin d’être sur-mesure, des postes. Mais le patriarcat est d'une perversité inouïe. Il ensevelit dans les tréfonds de l'histoire hégémonique les efforts politiques des femmes puis leur demande de prouver leur mérite, leurs efforts. Depuis les années d'indépendance, les hommes politiques dès qu'ils sont élus, foutent aux calendes grecques leurs promesses faites aux femmes qui ont milité/souffert avec eux et celles qui ont voté pour eux. L'une des premières victimes meurtrières de la guerre entre Macky et Sonko est Mariama Sagna, violée et assassinée après un meeting de ce dernier. Je la cite pour la mémoire, mais je ne jouerai pas le jeu de ces charognes convaincus de leur propre sottise que les femmes ne méritent que d'exister dans la sphère privée. Parce que dans un Etat qui se veut démocratique et aspirant à l'égalité sociale dans tous les sens de l'expression, il n'est pas nécessaire de citer toutes les anonymes ayant souffert et voté pour un projet politique, pour prouver leur droit d’existence dans les positions de décision.
Ces hommes ministres, secrétaires d'Etat, secrétaires généraux, présidents d'administration entre autres, n'ont jamais eu besoin de se tremper dans la boue pour obtenir leurs postes. Si ces centaines d'hommes sont là où ils sont, actuellement, c'est parce que quelque part au Sénégal, des milliers de femmes, se sont vues refusées l'accès à l'école, aux études supérieures, aux places centrales dans les entreprises, aux positions d'envergure dans les mouvements politiques. C'est parce que quelque part, des pères et des mères ont éduqué leurs fils dans la pensée qu'avoir un phallus fait de facto mériter la part du loin dans cette société et qu'ils sont censés dominer les femmes et les enfants. Si ces hommes sont à ces postes actuels, c'est parce que le tamis social les as épargnés par des tris successifs de femmes qui sont/auraient pu être des rivales intellectuelles de taille.
D’ailleurs, la couardise masculine brille de mille feux sur ce coup-là ; elle fait les règles du jeu pour les mâles et s'étonne, puis les congratule d'être les seuls à gagner. Malgré tous les obstacles sociaux et politiques que les femmes vivent ou peuvent vivre, il y en a des milliers qui écrabouillent intellectuellement ces bons messieurs. Menteurs, Tricheurs, Incompétents...
Il pleut des nominations depuis qu'ils sont là et le bilan est fort décevant, mais pas surprenant pour certaines féministes : 65 femmes pour 356 hommes. Ce sont les chiffres et le visage du sexisme d'Etat. C'est ce qui est visible mais au fin fond des ministères et administrations, ces hommes s'entourent également d'hommes et laissent aux femmes les "postes alimentaires" et précaires, donc invisibles. La misogynie du premier prédateur, je veux dire du Ppremier ministre n'est plus à prouver. L'espoir porté sur le chef de l'Etat, qui au passage est d'une tendresse poétique envers ce dernier, c'est ce qui inspirait aux femmes de retenir leur souffle pour voir les nominations suivantes. Nous sommes de plus en plus au clair, et même à un degré qui frise le point de certitude. Le Sénégal c'est : Des mâles-Un but-Une foi.
LES JEUNES FILLES DE PIKINE SE CONFIENT AUX SAGES-FEMMES
Les questions de santé de la reproduction ont été au menu du programme d’activités commémoratives de la journée internationale de la jeunesse
Les questions de santé de la reproduction ont été au menu du programme d’activités commémoratives de la journée internationale de la jeunesse. Occasion saisie par la Direction Régionale de la Santé (DRS) de Saint-Louis et la Coordination régionale du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) dans la zone Nord pour donner la parole aux jeunes filles pour voir comment elles gèrent leur hygiène menstruelle. Un débat riche et direct qui a réuni pendant plus de deux tours d’horloge des jeunes filles et des sage-femmes au quartier de Pikine.
Il s’agissait en effet d’un forum communautaire tenu au niveau de l’espace ado du poste de santé de Pikine où les pairs éducateurs se sont mobilisés avec l’appui de l’Association des Sage-femmes et tous les acteurs de la santé de la reproduction. « Nous sommes vraiment satisfaits car nous avons pu déclencher une communication, un dialogue entre prestataires de service particulièrement les jeunes sage-femmes et les jeunes filles pour échanger sur leur vie sexuelle et reproductive », a fait savoir Aboubakrine Ndiaye, coordonnateur régional du Fonds des Nations Unies pour la Population dans la zone Nord.
Ce forum a été donc une occasion de pouvoir aborder de manière directe et sans tabou toutes les questions relatives à la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes. Beaucoup d’autres activités ont marqué la célébration de cette Journée internationale de la jeunesse notamment une caravane de sensibilisation des jeunes sur le numérique ; des offres de service des forums ; un dépistage des cancers du col de l’utérus et des seins ; de l’hypertension artérielle, du diabète, du VIH et de l’hépatite. « Nous avons beaucoup apprécié en dehors de cette consultation médicale la communication entre sage-femmes et les patientes. Nous avons eu aussi des interpellations même en dehors de questions liées à notre état de santé », a soutenu Mme Khamsa Diop Bâ, Coordonnatrice en santé de la reproduction au niveau de la Direction Régionale de la Santé de Saint-Louis. Elle souhaite que chaque jeune fille puisse identifier une sage-femme à qui elle fait confiance pour pouvoir lui exposer ses problèmes entre autres. « Nous sentons que la communion commence et d’ici peu nous verrons une parfaite collaboration entre les sage-femmes et la population ».
Pour Mme Alimata Kâ Bâ, sagefemme du poste de santé de Pikine, la communication devrait se passer d’abord à la maison avec les parents précisément les mamans avant que ça ne soit avec les sage-femmes. « Il faut inciter les jeunes filles à avoir une relation tissée avec leurs parents mais cela pose problème et que ça nécessite l’appui de la sagefemme, nous ouvrons grandement nos portes afin de pouvoir leur permettre de résoudre leurs problèmes », a-t-elle déclaré.
Lors de ces 72 heures d’activités commémoratives de la journée internationale de la jeunesse, les organisateurs ont effectué le jour du 15 août une descente au niveau de la plage de l’Hydrobase pour parler toujours aux jeunes.
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L'OMBRE LUMINEUSE DE SERIGNE TOUBA
Dans les annales du Mouridisme, un nom reste dans l'ombre : Soxna Mbène Ngabou. Fille de Serigne Touba, éduquée dans la tradition coranique, a fait de l'enseignement religieux sa mission de vie
Dans l'ombre du grand Serigne Touba, une figure féminine a marqué l'histoire du mouridisme sans faire de bruit. Soxna Mbène Ngabou, née en 1922 dans le berceau même du mouvement, incarne la résilience et la dévotion.
Fille du fondateur, elle a grandi au rythme des versets coraniques, bercée par l'enseignement religieux . Orpheline à 5 ans, elle n'a pas baissé les bras, poursuivant son éducation avec une détermination de fer.
Connue comme "Soxna Abou", elle a transcendé son statut de fille de chef spirituel pour devenir une véritable disciple, au même titre que ses frères. Plus qu'un simple nom, Abou est devenu synonyme d'engagement et d'initiative.
par Makhtar Diouf
ÔTEZ CE VOILE QUE JE NE SAURAIS VOIR
EXCLUSIF SENEPLUS - Chaque entité sociale ne voulait s’en remettre qu’à son ‘’règlement intérieur’’, que deviendrait cette unité nationale ancrée dans nos us et coutumes, entérinée par toutes nos Constitutions ?
En évoquant l'interdiction du voile des élèves musulmanes dans les écoles catholiques, le Premier ministre Sonko n'a pas créé un problème. Il a posé un problème. Encore qu'il aurait dû le faire sur un ton plus serein.
Ce n'est pas parce qu'on refuse de poser un problème que le problème ne continuera pas à se poser s’il n’est pas résolu. Ce problème du voile à l'école est en veille depuis près d'une quinzaine d'années dans le pays, au point de devenir lancinant, jalonné par des dates significatives sur lesquelles il est opportun de revenir.
Une pratique française et une loi française
Le 18 septembre 1989, dans un collège de la petite ville de Creil au Nord de Paris, trois élèves musulmanes portant le voile sont interdites d'entrée, puis expulsées définitivement. C’est une première.
Le 15 mars 2004, l’Assemblée nationale française vote une loi interdisant en France le port du voile dans les écoles publiques (les écoles privées ne sont pas concernées).
Une loi profondément islamophobe, qui ne peut pas étonner d’un pays qui dans l’histoire s’est d'abord distingué par les croisades entreprises du 11ème au 13ème siècle pour anéantir l’Islam.
L’interdiction dit s’appliquer au port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Les signes visés sont les plus ostensibles : le ‘’voile islamique’’, la kippa des garçons juifs, les grandes croix de certains chrétiens. Mais sont tolérés les signes discrets comme les petits bijoux (les petites croix chrétiennes portées comme pendentifs).
En fait, la mesure ne vise que l’habillement des filles musulmanes. Les juifs continuent à porter leur kippa et les chrétiens leurs petites croix comme pendentifs.
C’est ainsi que des adolescentes de 15 à 17 ans sont refusées d’entrée dans leurs écoles pour avoir porté une tenue « non conforme ». Le Collectif contre l’Islamophobie en France a recensé 130 cas d’exclusion de collégiennes ou lycéennes en raison de leur tenue vestimentaire en 2014. Dans la fonction publique française, le port du voile n’est pas permis.
La France est le seul pays d’Europe et même d’Occident où le port du voile fait l’objet de fixation. C’est le pays où le qualificatif ‘’islamique’’ est adjoint au voile, pour parler de ‘’voile islamique’’ alors que dans les pays de langue anglaise, on dit simplement head scarf (foulard de tête).
Mais cette loi rencontre de la résistance dans le pays. Elle a introduit des divisions même au sein du mouvement féministe français. Certaines féministes continuent à considérer le voile comme un symbole d’oppression, mais d’autres féministes la combattent vigoureusement. C’est le cas de Christine Delphy, figure de proue du féminisme en France, qui estime qu’aucun argument rationnel n’a été avancé pour interdire le port du voile à l’école : Une loi qui est inique, raciste, et s’inscrit dans un aveuglement collectif. Un groupe de féministes françaises ‘’Les Blédardes’’ a aussi combattu cette loi. Et ce ne sont pas les arguments qui manquent. Comment peut-on dans les écoles accepter des jeunes filles qui portent des tenues dénudant le nombril, et refuser d’autres jeunes filles qui se couvrent la tête ?
Lorsque le projet de loi d’interdiction du voile est soumis à l’Assemblée nationale française, les 14 députés du Parti communiste qui votent contre ne sont sûrement pas animés par le souci de défendre l'Islam. Ils voient simplement dans cette loi une atteinte aux droits humains.
Le 12 mars 2012, des enseignants français signent l'Appel Nous demandons l'abrogation de la loi dite ''sur le voile à l'école''.
Le Français Julien Suaudeau, écrivain enseignant aux Etats-Unis condamne ces mesures d’interdiction dans un article de presse intitulé ‘’La France contre le reste du monde’’ (7 septembre 2016) pour parler de « délire », « d’hystérie collective », « d’obsessions et névroses identitaires ».
Le sport aussi s’est invité dans le problème du voile. Actuellement, toutes les fédérations internationales de disciplines sportives (athlétisme, basketball, football, judo…) ont homologué le port du voile pour les athlètes musulmanes lors des compétitions. La seule réticence vient encore des fédérations françaises. En 2018, la firme américaine d’équipements sportifs ‘’Nike’’, en collaboration avec deux athlètes musulmanes, met au point son hijab sportif, le Nike Pro Hijab, une tenue bien adaptée, qui permet de pratiquer son sport favori tout en respectant sa religion.
Devant le succès de l’opération, en février 2019, l’équipementier français ''Décathlon'' annonce son projet de fabrication de hijab sportif avec l’argument de rendre la pratique du sport accessible à toutes les femmes dans le monde. Mais le tollé soulevé en France, surtout du côté de la classe politique, est tel que le projet est abandonné.
Ce qui amène un journaliste américain du Washington Post correspondant à Paris à écrire : La France s’est une nouvelle fois plongée dans le ridicule en parlant des vêtements que les femmes musulmanes peuvent choisir de porter ou non.
Une journaliste britannique de la BBC fait aussi part de son indignation : Les politiques français devraient arrêter avec cette obsession de décider de comment doit s’habiller une femme musulmane.
Une revisite de l’histoire de France révèle que l’Islam n’est pas la première victime de l’interdiction vestimentaire. Alain Weill (Affiches impertinentes, improbables, incorrectes, insolites, Paris : 2010) nous apprend dans ce livre que, avant même la loi de 1905 sur la laïcité, Eugène Thomas maire du Kremlin Bicêtre (proche banlieue Sud de Paris), avait signé le 10 septembre 1900 un arrêté interdisant le port de la soutane sur le territoire de la commune (rapporté par LeCanard enchaîné du 5 mai 2010). Avec des propos irrespectueux que je ne me permettrai pas de reproduire ici.
Ce qui montre que l’irrespect à l’égard de la religion ne date pas d’aujourd’hui dans une France tombée depuis des décennies dans un processus avancé de déchristianisation.
En 2012, le Comité des droits de l’homme des Nations unies, au nom du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a condamné le gouvernement français à la suite d’une plainte d’un élève d’origine indienne expulsé de son école pour avoir porté un turban ‘’sikh’’ révélant son appartenance au sikhisme (religion monothéiste indienne). Le gouvernement français est alors astreint à la double obligation de réparer l’injustice faite au lycéen par sa réintégration, le paiement d'une compensation appropriée, et d’empêcher que de semblables violations ne se reproduisent dans le futur.
Pourquoi le voile en Islam ?
Le verset 59 de la sourate 33 du Coran sur l’habillement des femmes musulmanes a surtout valeur de recommandation, de conseil dans l’intérêt même des femmes. Bien qu'adressé aux musulmanes, il concerne toutes les femmes.
Si elles doivent s’habiller comme le recommande le Coran, c’est d’abord pour qu’elles soient reconnues (you’rafna) comme musulmanes certes, mais aussi comme femmes de dignité, qui rien que par leur présentation extérieure imposent le respect et ne soient pas l’objet du voyeurisme de certains hommes et de leurs comportements malveillants.
C’est aussi pour leur éviter d’être you’zayna. Ce terme coranique est rendu dans les langues indo-européennes de traduction du verset par une gamme de mots tels que ‘’agacer’’, ‘’importuner’’, ‘’tourmenter’’, ‘’offenser’’, ‘’injurier’’ … Ils revoient tous au terme ‘’harceler’’.
Il est recommandé à la femme musulmane de s’habiller d’une façon qui impose le respect lorsqu'elle sort de son domicile. Il est certain qu’une femme dont le corps est bien couvert a bien moins de chances d’être objet de convoitise de la part de certains hommes. Il s’agit donc de mesure de prévention et de protection, d’autant plus que le harcèlement sexuel dont sont victimes bon nombre de femmes dans la rue, dans les lieux de travail, dans les transports en commun, est non seulement stressant, aliénant, mais ouvre la voie bien souvent au viol.
Pour l’Egyptienne Safinaz Kazim, le voile est un ‘’imperméable moral’’ qui permet de se dérober du viol visuel par lequel certains hommes jouissent d’une femme sans son consentement. Pour elle, cette façon de s’habiller libère la femme de l’ostentation, lui évite d’être considérée comme un simple objet de désir. C’est une illusion pour la femme de penser qu’elle se libère en dénudant aux yeux de tous une grande partie de son corps.
Il convient tout de même de préciser que la façon qu’ont certaines femmes d’Asie centrale (Ouzbékistan, Afghanistan, Pakistan …) de s’habiller en ''burqa'' (tout en noir, le visage couvert ne laissant voir que les yeux) relève de leur culture et non de préceptes islamiques.
Simone de Beauvoir dans son livre Le Deuxième sexe, 1949, qui est le classique de la littérature féministe, dénonce la mode féminine d’habillement qui transforme la femme en objet pour le voyeurisme des hommes,avec une société qui lui demande de se transformer en objet érotique, pour être offerte comme une proie aux désirs mâles.
Comment la femme peut-elle revendiquer d’être traitée comme une égale si elle adopte un style vestimentaire qui amène les hommes à ne se focaliser que sur son corps partiellement dénudé, faisant totalement l’impasse sur sa personnalité, ses capacités intellectuelles et professionnelles ?
On peut à cet égard relater l’expérience racontée par cette femme d’origine asiatique, vivant aux Etats-Unis, dans un article au titre suggestif Hijabed like me (‘’Voilée comme moi’’). Certainement très jolie, elle était constamment harcelée dans la rue. Étant de nature sensible, elle dit qu’elle était effrayée, se sentait mutilée, molestée, violée :
Ce n’est pas, dit-elle, ma féminité qui était problématique, mais ma sexualité, ou plutôt la sexualité que certains hommes avaient inscrite en moi, basée sur mon sexe biologique.
Elle pense trouver une échappatoire en se faisant couper court les cheveux, mais en vain. Elle se résout alors à s’habiller à la manière hijab, comme les femmes musulmanes qu’elle voyait, et relate ainsi le résultat :
Les gens me percevaient comme une femme musulmane et ne me traitaient plus comme un être sexuel avec des remarques cruelles … J’ai remarqué que les yeux des hommes ne glissaient plus sur mon corps … Auparavant j’étais dans la conception occidentale selon laquelle le port du voile est oppressif … je suis arrivée à la conclusion que cette vue est superficielle et erronée … Ce fut l’expérience la plus libératrice de ma vie … C’est ma sexualité que je dissimulais, non ma féminité. Le fait de couvrir la première permettait la libération de la seconde (Kathy Chin, 1994).
A l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, de plus en plus d’étudiantes adoptent la tenue voilée, pour certaines, moins par conviction religieuse que par souci de faire barrage au harcèlement sexiste de leurs camarades étudiants. Ces derniers, soit les respectent, soit les trouvent moins séduisantes.
Position du judéo-christianisme
Dans le Judaïsme, les rabbins maudissent l’homme qui laisse voir les cheveux de sa femme, et la femme qui laisse voir ses cheveux est indexée comme apportant la pauvreté. Dans l’ancienne société juive, le voile était considéré comme un signe de respectabilité, de dignité, raison pour laquelle il était interdit aux prostituées de le porter. Dans la société juive actuelle, beaucoup de femmes ont tendance à substituer la perruque au voile.
Dans le Nouveau Testament, Première Lettre de Paul à Timothée, on peut lire :
Je désire aussi que les femmes s’habillent d’une façon convenable, avec modestie et simplicité ; qu’elles ne s’ornent pas de coiffures compliquées, ou de bijoux d’or, ou de perles ou de vêtements coûteux, mais d’œuvres bonnes, comme il convient à des femmes qui déclarent respecter Dieu (Timothée 2 : 9).
Loi française appliquée au Sénégal
Sept ans après sa promulgation en France, la loi d'interdiction du voile poursuit son bonhomme de chemin pour atterrir au collège catholique Hyacinthe Thiandoum d'un quartier populaire de Dakar. En 2011, des élèves filles portant le voile sont exclues. La Direction de l'enseignement catholique du Sénégal (Didecs) avait décrété :
A compter de l'année scolaire 2011-2012, il ne sera plus question du port du voile dans les établissements privés catholiques du Sénégal, sous peine de renvoi temporaire ou définitif’.
L'évènement semble passer inaperçu, peut-être à cause de l'ambiance pré-électorale de l'époque, annonçant la fin du régime de Wade. Une poignée des plus de 300 établissements catholiques d'enseignement du Sénégal tentent de l'appliquer : Didier Marie à Saint-Louis, Anne-Marie Javouhey à Dakar... mais sans bruit, avec des arrangements locaux à l'amiable.
En septembre 2021, alors que le pays est au calme, l'Institution Sainte Jeanne d'Arc de Dakar (ISJA) sonne la mobilisation. Évoquant son règlement intérieur, elle renvoie des filles portant le voile. C'est alors comme un coup de foudre dans un ciel serein. C'est avec ISJA que le problème du voile à l'école atteint son paroxysme et sa diffusion avec l’appareil médiatique qui n’existait pas auparavant.
Après bien des tergiversations, un accord est conclu entre l'État et la direction de l'école sur le type de voile que devront porter les filles qui le veulent. Mais ce n'est qu'un accommodement pour calmer la situation momentanément, car cette disposition du règlement intérieur n'est pas abrogée. Le problème est désactivé mais n'est pas éteint. C'est pour cela qu'il est nécessaire qu'en toute responsabilité une décision soit prise pour vider cette affaire une fois pour toutes.
Le cas Institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar
Au départ est le Patronage Jeanne d’Arc créé en 1904 par le Père Daniel Brottier. Le Patronage est une organisation sur un site donné qui réunit des enfants et des adolescents pour leur donner une formation physique, morale et sociale par des activités sportives et éducatives. Le Père Daniel Brottier donne à son patronage le nom de Jeanne d’Arc. Au début des années 1920, avec son accord, le Père Lecocq met en place à Dakar l’Association sportive et culturelle Jeanne d’Arc aux couleurs Bleu et Blanc. Le souci de ces deux prélats français est de réunir Noirs, Européens, Métis, catholiques et musulmans dans un même cercle de fraternité. Un club sportif Jeanne d’Arc est aussi créé à Bamako.
Club catholique à l’origine, la JA Dakar attire par la suite de plus en plus de musulmans, pratiquants et supporters, au point d’être considérée à un moment donné comme le club comportant le plus grand nombre de supporters. L’auteur de ces lignes a été depuis 1959 membre du club sportif JA, d’abord comme footballeur, ensuite comme membre du Comité directeur. La JA est un microcosme de l’harmonie confessionnelle au Sénégal. La présidence du club a été exercée par des chrétiens et par des musulmans. C’est une famille. Il n’y a jamais été perçu une trace de problème entre chrétiens et musulmans.
C’est dans ce sillage que le volet éducatif du patronage est concrétisé à Dakar avec la création en 1939 de l’école appelée Institution Sainte Jeanne d’Arc (ISJA) avec les mêmes couleurs Bleu et Blanc. Mais cette école a créé un problème en réchauffant l’interdiction du voile qui semblait oubliée, s'écartant ainsi de la ligne tracée par ses fondateurs.
Quid de l’unité nationale ?
L’harmonie religieuse et ethnique qui existe au Sénégal est un modèle envié partout dans le monde.
Le Premier ministre Sonko a posé un problème. L’abbé André Latyr Ndiaye avec une violence inouïe et surprenante de la part d’un prélat, s’est employé à créer un problème, pour donner à un problème d’école, une dimension communautaire susceptible de mettre face à face catholiques et musulmans. Ce n’est même pas la peine de revenir ici sur les civilités que les deux communautés se sont toujours mutuellement faites.
Ce n’est pas le Père Daniel Brottier, initiateur du Patronage Jeanne d’Arc et le cardinal Mgr Thiandoum, qui auraient approuvé la mesure d’interdiction du voile dans des écoles catholiques et les propos de cet ecclésiastique.
On ne peut pas laisser des Sénégalais inviter dans le pays une loi française, de surcroit inspirée par l’islamophobie. Si chaque entité sociale ne voulait s’en remettre qu’à son ‘’règlement intérieur’’, que deviendrait cette unité nationale ancrée dans nos us et coutumes, entérinée par toutes nos Constitutions ?
Certains conseillent aux parents musulmans de retirer ou de ne plus envoyer leurs enfants dans des écoles catholiques. Ce serait capituler et créer un précédent dangereux. On ne peut pas avoir dans le pays une école exclusivement pour les catholiques et une école exclusivement pour les musulmans. Que deviendrait l’unité nationale ? Les enfants sénégalais doivent dès leur jeune âge, prendre l’habitude de vivre ensemble sans distinction de religion ou d’ethnie comme l’ont fait les générations qui les ont devancés.
Dans les écoles, les élèves filles qui portent le voile le font par choix personnel. Ce n’est pas le voile qui les distingue de leurs camarades chrétiennes. La différenciation confessionnelle est visible au niveau des noms et prénoms. Et cela n'a jamais posé de problème.
Nombreux sont les parents catholiques qui envoient leurs enfants à l'école publique et à l'école privée non catholique où ils vivent en parfaite harmonie avec leurs camarades dont des filles voilées. En vertu de quoi l'école catholique doit- elle faire exception ?
Dans une interview du 16 mars 2015, l'abbé Georges Diouf nous apprend que les élèves musulmans constituent 75 pour cent des effectifs des écoles catholiques au Sénégal.
Cela dit, l'Etat ne peut pas rester en dehors de ce problème. Le ministère de l'Éducation nationale en plus des établissements d'enseignement publics, a en charge les établissements catholiques et laïcs, auxquels des subventions sont accordées chaque année.
Il faut que les hautes autorités de l'Église catholique prennent leurs responsabilités pour instruire la Direction de l’enseignement catholique d’abroger l'interdiction du voile. Cette mesure appliquée au Sénégal ne l’aurait jamais été si elle n’avait pas existé en France. Elle a été prise sept ans après le rappel à Dieu de Mgr Hyacinthe Thiandoum, trait d'union entre chrétiens et musulmans (il avait une sœur musulmane), l'année même où la loi a été votée en France. Cette mesure n'aurait jamais été prise en sa présence.
Revenons sur ces dates :
- 18 septembre 1989 : exclusion d'élèves musulmanes voilées en France
-15 mars 2004, vote de la loi antivoile en France
- 18 mai 2004, rappel à Dieu de Mgr Thiandoum
- En 2011, Pour l'année scolaire 2011-2012, la Direction de l'enseignement catholique du Sénégal (Didecs) interdit le port du voile dans les écoles catholiques.
Il existe à Dakar, un Collège protestant John Wesley qui brille par sa discrétion.
Il ne faut pas que le problème du voile soit interprété comme un problème entre catholiques et musulmans. Nombreux sont les catholiques sénégalais qui s'insurgent contre cette mesure d'interdiction du voile, trouvant qu'ils n'en voient pas l'intérêt.
Une seule solution
Ce problème doit être envisagé non pas au niveau communautaire, mais au niveau éthique et juridique.
1) Un argument souvent avancé en France par les adversaires du voile est qu’il est contraire à leurs valeurs. Seulement, les valeurs françaises ne sont pas les nôtres.
L'école privée catholique n’est pas sous régime d’exterritorialité susceptible de lui permettre d’instaurer dans le pays une loi étrangère tropicalisée en règlement intérieur. Le port du voile ne peut y être interdit.
Un règlement intérieur est au plus bas dans la hiérarchie des droits, loin derrière la Constitution et la loi votée à l'Assemblée. Un règlement intérieur est coiffé, parrainé par une loi. L'interdiction du voile à l'école catholique procède d'une loi non pas sénégalaise, mais française. Ce qui est inadmissible.
L’interdiction du voile dans les écoles catholiques est en violation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
5) Elle viole la Constitution du Sénégal qui dans son préambule proclame l’inaltérabilité de la souveraineté nationale, le rejet et l’élimination, sous toutes leurs formes de l’injustice, des inégalités et des discriminations.
L'article 25-3 insiste sur le devoir de s’abstenir de tous actes de nature à compromettre l’ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publics.
Le verdict rendu par le Comité des Droits de l’homme de l’ONU contre la France pour le même motif a valeur de jurisprudence au Sénégal.
Il est arrivé que le Vatican fasse son autocritique. Ce qu'a fait le pape Jean XXIII (dont une rue du centre de Dakar porte le nom) avec ''l'Aggiornamento'' (Remise à jour) proclamé lors du Concile Vatican II (1962-65). L'actuel pape François se situe dans la même démarche sur certains dossiers du passé.
L'Église catholique sénégalaise se doit en toute humilité et grandeur de faire son mea culpa (par ma faute, en latin) dans ce problème du voile à l'école.
L’abbé Georges Diouf, actuellement Directeur diocésain de l’Office National de l’Enseignement Catholique du Sénégal (ODEC), semble s'être engagé dans cette voie. En toute conformité avec les propos qu'il avait tenus dans une interview de 2015.
Très bien. Mais le prélat continue à exiger des élèves musulmanes de proscrirele refus de serrer la main d’un camarade du sexe opposé, le refus de partager une table ou un banc en classe ou dans la cour de récréation avec une personne de sexe opposé, et le refus de participer à des activités physiques en tenue scolaire en raison de convictions personnelles.
Il s'agit là d'une clause ajoutée à son texte, et qui n'a aucun fondement sociétal. Comment le prélat peut-il ignorer que dans la société africaine traditionnelle, les femmes ne serrent pas les mains des hommes ? Il gagnerait à visiter ou à revisiter L'Unité culturelle de l'Afrique noire de Cheikh Anta Diop, les travaux de Elia Mbokolo et Théophile Obenga. Il devrait aussi savoir que même à l'heure actuelle, certaines musulmanes refusent de serrer la main de musulmans avec qui elles n'ont pas de lien solide de parenté.
Pour ce qui est des séances d'éducation physique, il ne doit pas y avoir de tenue scolaire imposée. Il existe maintenant un hijab sportif reconnu par toutes les fédérations sportives internationales (mais pas en France).
Dans tous les établissements scolaires mixtes, dans les cours de récréation les élèves se regroupent entre copains et entre copines. Dans tous les campus universitaires les pavillons des étudiantes sont distincts des pavillons des étudiants.
Il est à craindre que cette clause qui n'est qu'un prétexte et non un argument convaincant ne fasse obstacle à l'abrogation de la mesure d'interdiction du voile dans les écoles catholiques. Une mesure que rien ne peut justifier.
C’est dans l’interview du 16 mars 2015 que l’abbé Georges Diouf disait : Quand on s’ouvre à l’autre, cette dimension permet d’accepter l’autre dans sa différence. L’ouverture à l’autre est très présente dans nos cultures, le respect de l’autre dans sa différence et le dialogue.
L’acceptation et le respect de la différence de l’autre, c’est ce que demandent les filles musulmanes pour porter le voile dans les écoles catholiques.
Bonne fête de l’Assomption à tous les catholiques du Sénégal et d’ailleurs.