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22 novembre 2024
Femmes
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UN MENSONGE VIEUX DE 80 ANS S'EFFONDRE
La France reconnaît enfin la vérité sur le massacre de Thiaroye. Six tirailleurs, jadis qualifiés de mutins, sont désormais reconnus morts pour la France. Cela ouvre la voie à un procès en révision crucial, comme le révèle l'historienne Armelle Mabon
Dans une interview accordée à TV5 Monde dimanche 28 juillet 2024, l'historienne Armelle Mabon lève le voile sur l'un des épisodes les plus sombres de l'histoire coloniale française. Le massacre de Thiaroye, longtemps dissimulé sous les apparences d'une mutinerie, refait surface avec la reconnaissance posthume de six tirailleurs sénégalais morts pour la France.
"C'est un crime d'État", affirme sans détour Mabon, auteur de "Prisonniers de guerre indigènes : visages oubliés de la France occupée". Selon elle, ce massacre prémédité par l'armée française en 1944 a fait bien plus que les 35 victimes prétendument reconnues. Les estimations parlent de jusqu'à 400 morts, un chiffre dissimulé par la falsification systématique des archives.
Cette reconnaissance tardive ouvre enfin la voie à un procès en révision tant attendu. "Grâce à cette mention 'mort pour la France', le procès en révision va pouvoir aboutir", explique l'historienne. Ce processus juridique pourrait non seulement innocenter les 34 tirailleurs injustement condamnés à l'époque, mais aussi ouvrir la porte à des réparations pour les familles des victimes.
Mabon insiste sur l'importance de ce tournant : "Le garde des Sceaux a maintenant tout pouvoir pour faire le nécessaire afin que le procès en révision aboutisse." Cette avancée, bien que significative, n'est qu'un premier pas. L'historienne appelle à la divulgation complète de la liste des victimes et des rapatriés, ainsi qu'à la reconnaissance officielle du mensonge d'État qui a perduré pendant huit décennies.
Alors que la France commence à peine à affronter ce chapitre douloureux de son passé colonial, l'interview d'Armelle Mabon sur TV5 Monde souligne l'urgence de la vérité et de la justice pour les tirailleurs sénégalais et leurs descendants. Le procès en révision à venir pourrait marquer un tournant décisif dans la reconnaissance et la réparation de ce crime longtemps occulté.
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YASSINE FALL BRISE LE SILENCE SUR LA NOMINATION DE SA FILLE
"Je n'y suis pour rien" : c'est par ces mots que la ministre des Affaires étrangères a répondu à la polémique entourant la nomination de sa fille Sophie Nzinga Sy à la tête de l'APDA. Un démenti destiné à faire taire les accusations de passe-droit
La nomination de Sophie Nzinga Sy à la tête de l'Agence pour la promotion et le développement de l'Artisanat (APDA) a suscité une vive polémique, certains y voyant un cas de favoritisme. Face à ces accusations, sa mère, la ministre de l'Intégration africaine Yassine Fall, a tenu à apporter un démenti cinglant.
"Croire que je peux influencer le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko pour qu'ils nomment ma fille, c'est mal les connaître", a martelé Mme Fall dans un entretien avec Papé Alé Niang sur la RTS. Et d'ajouter avec fermeté: "J'étais à Accra quand ma fille a été nommée, je n'étais même pas au courant. Chacun est libre de me croire ou pas."
La cheffe de la diplomatie sénégalaise a insisté sur le fait que sa fille a décroché ce poste sur la base de ses compétences avérées dans le domaine de l'artisanat. "On a présenté ma fille à son ministre de tutelle à mon insu, ils ont échangé. Elle a été nommée et je n'y suis pour rien", a-t-elle soutenu.
"Ma fille a été nommée au ministère de l'Artisanat parce qu'ils ont vu ses compétences en la matière, comme c'est le cas avec Mabouba Diagne dans l'Agriculture", a poursuivi Yassine Fall, rejetant ainsi toute supposition d'interventionnisme de sa part.
par Aminata Thior
MESSAGE AU PRÉSIDENT DIOMAYE SUR LA REPRÉSENTATIVITÉ DES FEMMES DANS LES INSTANCES DE DÉCISION
EXCLUSIF SENEPLUS - Au bout de 14 Conseil des ministres, l’écart dans les nominations hommes-femmes est effarant. 75 contre 7. Comment peut-on exclure de ce vent d’espoir, l’apport des femmes à la marche du pays ?
Le choc, tout Sénégalais et Sénégalaise sensible à la question de la représentativité des femmes dans l’espace public l’a reçu et encaissé à la sortie de votre première liste du gouvernement avec 25 ministres dont seulement 4 femmes. Nous avions protesté. Nous vous avions écrit que nous ne voulons pas régresser sur la question de la place de la femme dans notre société. La vague de contestations passée, comme de bons Sénégalais et Sénégalaises, nous nous sommes armés de patience et gorgés d’espoir pour voir plus de femmes dans les postes de direction. Mais quel second choc de constater qu’au bout du 14ème Conseil des ministres, l’écart dans les nominations entre les hommes et les femmes est effarant.
14ème Conseil des ministres : 82 nominations. 75 hommes. 7 femmes. C’est terrible, vous persistez et le message semble très clair : vous n’êtes pas sensible à la représentativité des femmes ou alors, ce n’est pas votre priorité. Ou les deux à fois.
Par ailleurs, à chaque fois que vous avez pris la parole pour vous adresser à nous, nous avons vu et entendu un président :
Intelligent
Respectueux de ses concitoyens
Fédérateur, rassembleur
Positif et constructif
Ouvert à écouter ceux et celles qui apportent du ciment pour construire un meilleur Sénégal
Déterminé fortement à apporter un changement dans notre pays
Mais alors, comment un tel profil de président, jeune qu’il est, ouvert au monde, à ses défis et enjeux actuels, dirigeant l’un des pays les plus respectés en Afrique et dans le monde pour la détermination de son peuple, ses hommes et FEMMES de savoir, peut fermer les yeux sur la question de la représentativité des femmes dans les instances de décision ?
Comment peut-on jub, jubal, jubanti sans la présence de près de cette moitié de la population autour de la table ? Comment peut-on développer ce pays si on se passe du cerveau, de la compétence, de la sensibilité, de la finesse, de la rigueur, de l’abnégation, de la détermination, de la hargne, de l'honnêteté et du courage de tous ces profils de femmes que nous avons dans ce pays et sa diaspora ? Comment peut-on avancer sur les questions qui touchent nos filles et femmes si elles ne sont pas présentes là où se prennent les décisions qui impactent leur vie ? Comment peut-on exclure de ce vent d’espoir, l’apport des femmes à la marche du pays ? Comment peut-on envisager une rupture en envoyant un message de régression sur la question des femmes ?
Mais plus encore, vous dirigez un pays qui s’appelle le Sénégal où les femmes ont fortement influé dans les luttes les plus importantes dans ce pays et en Afrique. Elles sont les premières dans les classements dans les écoles et universités. Elles constituent un grand nombre dans le tissu entrepreneurial de notre pays. Elles sont de grandes managers, fonctionnaires, militantes, directrices d’ONG. Elles gèrent les finances de grandes entreprises et programmes. Elles se retrouvent à des postes de responsabilité à l’Union Africaine, à la CEDEAO, au FMI, à l’ONU, à la Banque mondiale. Elles vivent au Sénégal et dans sa diaspora. Cet état de fait, vous ne pouvez en faire fi. C’est de votre responsabilité de continuer à le renforcer et à le pérenniser.
Avec ces rares femmes que vous avez nommées au sommet de l’État et dans les directions générales, vous êtes clairement en train de leur envoyer le message contraire.
Il est temps de faire des efforts pour corriger le tir mon président.
Oui, je veux bien croire que vous êtes rattrapé par la réalité du monde politique et que vous êtes obligé de récompenser mais je refuse de croire définitivement que vous n’êtes pas sensible à la question de la place de la femme dans nos sphères de décision. Et quand bien même vous le seriez, nous avons tous vu à quel point vous apprenez vite. Ainsi, j’ose espérer que ceux qui vous entourent et vous conseillent, vous rappelleront que la présence des femmes, dans les lieux de décision est cruciale à notre époque, pour notre pays et pour la marche du monde.
J’ose espérer qu’un Abdoulaye Bathily vous rappellera le rôle de la femme sénégalaise dans l’histoire politique du Sénégal et dans l’accession à l’indépendance ; et qu’une régression n’est pas envisage.
J’ose espérer qu’une Yacine Fall, ministre des Affaires étrangères, qui a lutté pour la représentativité des femmes, travaillé dans des instances nationales et internationales, côtoyé partout dans le monde des femmes sénégalaises brillantissimes, vous a conseillé de ne pas reléguer au second plan, cette question de la représentativité des femmes.
J’ose espérer que des “He for She” comme Abdourahmane Diouf, Abdourahmane Sarr et d’autres dans votre gouvernement vous ont alerté sur ce sujet …
J’ose espérer que nos journalistes n’oublieront plus jamais de vous interpeller sur l’implication et la place des femmes dans le jub, jubbal, jubbanti ; qu’ils ne reprendront plus les clichés sur cette question dans leurs émissions ; qu’ils ne minimiseront plus les revendications des femmes sensibles à ce sujet et traiteront de manière sérieuse et approfondie, cette question.
J’ose espérer que tous ces brillants hommes et femmes (visibles et de l’ombre) qui vous conseillent et à qui vous avez rendu hommage lors de votre allocution avec la presse sénégalaise le samedi 13 juillet 2024 vous rappelleront que les femmes sénégalaises doivent avoir leur place dans cette rupture pour le développement de notre pays.
Car oui, autant c’est de votre responsabilité de garder le Sénégal sur une dynamique progressiste sur la question de la femme, autant, c’est de leur responsabilité de vous le dire, de vous le conseiller ou de vous le rappeler si vous ne l’appliquez pas.
Vous n’avez pas trouvé mieux au sommet de l’État ? Alors faites mieux mais ne gardez pas le statuquo et surtout, ne faites pas régresser cet acquis.
LE ROAJELF PLAIDE POUR UNE DEMULTIPLICATION DES STRUCTURES
Le Réseau Ouest africain des Jeunes Femmes Leaders du Sénégal (ROAJELF/SENEGAL) a appelé vendredi les autorités à démultiplier les structures de prise en charge holistique des survivantes de violences basées sur le genre.
Le Réseau Ouest africain des Jeunes Femmes Leaders du Sénégal (ROAJELF/SENEGAL) a appelé vendredi les autorités à démultiplier les structures de prise en charge holistique des survivantes de violences basées sur le genre. Le ROAJELF formulait ce plaidoyer en marge d’une foire artistique de plaidoyer qu’il a organisé dans le cadre de son projet intitulé : « Plaidoyer régional pour la mise en place et/ou le renforcement des structures de prise en charge holistique des femmes survivantes de violences basées sur le genre au Bénin, au Burkina Faso et au Sénégal ». Il s’agit en réalité de sensibiliser les communautés et inviter les autorités à prendre des engagements pour la démultiplication des structures de prise en charge holistique des violences basées sur le genre.
« On s’est rendu compte aujourd’hui, à travers la mise en œuvre de ce projet qui est un projet de plaidoyer qui se déroule dans trois pays : au Benin, au Burkina et au Sénégal, qu’il y a réellement un besoin en tout cas de démultiplier les structures existantes mais aussi de renforcer celles qui existent, mais également nous appelons nos Etats à mettre en place un fonds d’appui à la prise en charge de ces violences », a plaidé vendredi Mme Ziporah Ndione, coordonnatrice du Réseau Ouest africain des Jeunes Femmes Leaders du Sénégal (ROAJELF/SENEGAL). Et la coordonnatrice du ROAJELF/ Sénégal, de poursuivre : « On a vu que l’Etat est dans le cadre de la mise en place de cinq autres structures de prise en charge holistique, mais malgré la mise en place, tous ces cinq structures ne suffisent pas. »
Par conséquent, « Nous appelons vraiment à faire en sorte que ces structures puissent être fonctionnelles mais également à les démultiplier pour que nous puissions avoir ces structures dans toutes les régions pour permettre vraiment que toute femme survivante de violence puisse être correctement prise en charge et puisse bénéficier en tout cas de tout le soutien qu’il faut », a encore plaidé Mme Ndione.
Prenant part à cette activité au nom du ministère de la Famille et des solidarités, Mme Ramatoulaye Touré Diop, responsable de la division formation et inclusion sociale à la direction de l’équité et du genre au ministère de la Famille fera remarquer que « Ce plaidoyer, c’est aussi une action pour nous de faire un appel à l’action parallèle pour inviter à la mobilisation de plus de ressources parce qu’on sait que la mise en place de centres holistiques de prise en charge demande beaucoup de fonds. »
Bien que toutes les structures du ministère travaillent main dans la main pour que le maillage de ces centres soit une réalité avec l’accompagnement des partenaires techniques et financiers selon elle, mais « il faut que ça soit une action collaborative, que la mobilisation des ressources soit accentuée mais également par la mobilisation des forces vives du Sénégal », a préconisé la responsable de la division formation et inclusion sociale à la direction de l’équité et du genre au ministère de la famille et des solidarités.
De son côté, la directrice du centre Kayam/Sénégal a espéré qu’au sortir de cette activité qu’elles aient l’opportunité de rencontrer des partenaires. Et Mme Béatrice Badiane Yolande de déclarer : « J’espère que suite à cet atelier, nous aurons au moins des partenaires, parce que souvent on entend parler de partenaires techniques et financiers mais nous en tant que centre d’accueil, nous ne parvenons toujours pas à trouver ces partenaires techniques et financiers. Précisant qu’ « avec ce travail qui est en train de se faire en arrière-plan afin qu’à leur niveau, elles puissent faire un suivi holistique de toutes ces femmes survivantes de VGB. »
LASSINA ZERBO PLAIDE POUR L’INTEGRATION DE LA FACETTE JEUNE ET FEMME
Conseil scientifique des gouvernements en Afrique de l’ouest - L’ancien Premier ministre burkinabè pour justifier sa position, évoque l’aspect jeunesse mais également l’évolution des femmes dans l’espace scientifique ouest-africaine
L’ancien Premier ministre du Burkina Faso, par ailleurs ancien président du comité d’orientation qui a réfléchi sur le conseil scientifique a préconisé l’intégration de la facette jeune et femme dans le Conseil scientifique des gouvernements pour des décisions dans les politiques publiques. Pr Lassina Zerbo qui s’exprimait en marge de l’atelier de consolidation des efforts de promotion du conseil scientifique en Afrique de l’Ouest, organisé par le Réseau francophone international en conseil scientifique (RFICS) en collaboration avec l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS), a également évoqué la nécessité d’une diplomatie scientifique inter-générationnelle et inter-genre pour préserver la diversité des espèces et des ressources naturelles.
Prenant part à l’atelier de consolidation des efforts de promotion du conseil scientifique en Afrique de l’Ouest organisé par le Réseau francophone international en conseil scientifique (RFICS), en collaboration avec l’Académie nationale des sciences et techniques du Snégal (ANSTS), Pr Lassina Zerbo, ancien président du comité d’orientation sur le conseil scientifique a indiqué qu’ « On ne peut pas faire de conseil scientifique des gouvernements pour des décisions dans les politiques publiques sans tenir compte du dividende démographique. »
L’ancien Premier ministre burkinabè pour justifier sa position, évoque l’aspect jeunesse mais également l’évolution des femmes dans l’espace scientifique ouest-africaine. « Nous avons une population francophone ouest africaine à majorité jeune. 70 à 75% est jeune. On a aussi une évolution significative des femmes dans l’espace scientifique. Donc, on ne peut pas faire de conseil scientifique sans intégrer ces deux facettes de la population. Et c’est pourquoi l’importance des jeunes et des femmes dans tout ce que nous faisons prend toute cette importance capitale dans tout ce nous faisons en ce moment ».
Par ailleurs, l’ancien président du comité d’orientation du conseil scientifique estime qu’il faut parler de la nécessité d’une diplomatie scientifique inter-générationnelle et inter-genre pour préserver la diversité des espèces et des ressources naturelles et énergétique pour une sécurité internationale réussie. D’après lui, « On se bat toujours pour faire quelque chose mais on doit être plutôt des tenants. Parce que se battre, c’est une chose mais tenir ce qu’on a obtenu, c’est ça la grande difficulté. » A cet égard, il invite à la prise en compte de ces éléments : « J’invite tous les experts ici présents, les académiciens à prendre en compte ces éléments qui sont évoqués par les autorités ici présentes pour qu’on aille de l’avant dans ce conseil scientifique des gouvernements », a conclu Lassina Zerbo.
L'ÉDITORIAL DE RENÉ LAKE
DÉCOLONISER LA JUSTICE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans un État démocratique et de droit, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement et l'indépendance de chaque institution
Aller chercher le savoir jusqu’en…Chine ! Cette recommandation de bon sens est une invite à aller au-delà des frontières de la vieille métropole coloniale pour chercher les meilleures pratiques (best practices), surtout quand, dans un domaine particulier, celle de l’ex-colonisateur n’est pas le meilleur exemple pour la bonne gouvernance à laquelle les Sénégalaises et les Sénégalais aspirent. S’il y a bien un domaine où la France n’est pas une référence à l’échelle mondiale, c’est bien celui de la Justice dans son rapport avec l’Exécutif.
Dans un État démocratique et de droit, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement et l'indépendance de chaque institution. Au lendemain de la remise au président Diomaye Faye du rapport général des Assises de la justice qui se sont tenues du 15 au 17 juin 2024, ce texte a l’ambition de mettre en lumière l'importance de cette séparation et pourquoi il est critiqué que le président de la République soit également le président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Prévention de l'abus de pouvoir. La séparation des pouvoirs empêche la concentration excessive de pouvoir entre les mains d'une seule personne ou d'un seul organe. Chaque branche agit comme un contrepoids aux autres, ce qui limite les abus potentiels et favorise la responsabilité.
Indépendance judiciaire. En particulier, l'indépendance du pouvoir judiciaire est essentielle pour garantir des décisions impartiales et justes. Les juges doivent être libres de toute influence politique ou pression externe afin de pouvoir appliquer la loi de manière équitable. En de bien nombreuses occasions, tout le contraire de ce que l’on a connu depuis plus de 60 ans au Sénégal et qui a culminé pendant les années Macky Sall avec une instrumentalisation politique outrancière de la justice.
Fonctionnement efficace du législatif. Le pouvoir législatif doit être libre de proposer, examiner et adopter des lois sans interférence de l'exécutif ou du judiciaire. Cela assure la représentation démocratique des intérêts de la population et la formulation de politiques publiques diverses et équilibrées.
Le président de la République et le Conseil Supérieur de la Magistrature -
Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) est souvent chargé de la nomination, de la promotion et de la discipline des magistrats. Dans de nombreux pays démocratiques, il est critiqué que le président de la République soit également le président de cet organe pour plusieurs raisons notamment celle du conflit d’intérêt potentiel et de la menace pour la séparation des pouvoirs.
En occupant simultanément ces deux fonctions, le président peut influencer directement les décisions judiciaires et les nominations de magistrats, compromettant ainsi l'indépendance judiciaire. Cette perversion n’a été que trop la réalité de la justice sénégalaise depuis les années 60 avec une accélération sur les deux dernières décennies avec les régimes libéraux arrivés au pouvoir après une alternance politique.
Cette situation a fortement affaibli la séparation des pouvoirs au Sénégal en concentrant trop de pouvoir entre les mains de l'exécutif, ce qui a régulièrement mené à des décisions politiquement motivées plutôt qu'à des décisions basées sur le droit.
La crainte d’une République des juges -
Les acteurs sociaux favorables à la présence du chef de l’État dans le CSM invoquent régulièrement la crainte d’une "République des Juges". Cette idée d'une "République des juges" où le pouvoir judiciaire dominerait les autres branches gouvernementales, n'est pas pertinente dans un système démocratique où il existe de multiples recours et des contrepoids aux potentiels abus des juges. Cette idée relève plus du fantasme jacobin que d’un risque réel dans une démocratie bien structurée, où il existe plusieurs niveaux de recours judiciaires permettant de contester les décisions des juges. Ces recours assurent que les décisions judiciaires peuvent être réexaminées et corrigées si nécessaire.
Par ailleurs, le pouvoir législatif a le rôle crucial de créer des lois et de superviser l'exécutif. En dernier ressort, le législatif peut modifier des lois pour contrer toute interprétation judiciaire excessive ou inappropriée, assurant ainsi un équilibre des pouvoirs.
Enfin, l'indépendance judiciaire signifie que les juges sont libres de rendre des décisions impartiales, mais cela ne signifie pas qu'ils sont au-dessus des lois ou qu'ils ne sont pas responsables. Les juges doivent toujours interpréter et appliquer les lois dans le cadre des normes constitutionnelles établies par le législatif.
La crainte d’une République des juges est un chiffon rouge agité en France depuis longtemps pour justifier un système judiciaire bien plus attaché à l’Exécutif que dans les autres démocraties occidentales.
Historiquement, le président de la République française a été le président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette pratique a été critiquée pour son impact potentiel sur l'indépendance judiciaire. Actuellement, la réforme de 2016 a réduit le rôle direct du président dans le CSM, mais des questions persistent sur l'indépendance réelle.
De son côté, le système américain illustre une stricte séparation des pouvoirs, où le président n'a qu’un rôle indirect dans la nomination des juges fédéraux. Dans ce processus le président est chargé uniquement de nommer et seul le Sénat américain détient le pouvoir de rejet ou de confirmation. Cela vise à maintenir une certaine distance entre l'exécutif et le judiciaire.
L'Allemagne pour sa part maintient également une séparation rigoureuse des pouvoirs avec des organes distincts pour l'exécutif, le législatif et le judiciaire, évitant ainsi toute concentration excessive de pouvoir et préservant l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Le modèle progressiste sud-africain -
L'Afrique du Sud offre un cas fascinant de respect de la séparation des pouvoirs, essentielle pour la stabilité démocratique et la protection des droits constitutionnels depuis la fin de l'apartheid. Suit une exploration de la manière dont la séparation des pouvoirs est respectée dans le système judiciaire sud-africain.
La Constitution sud-africaine, adoptée en 1996 après la fin de l'apartheid, établit clairement les pouvoirs et les fonctions de chaque institution de l’État : l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Elle garantit également les droits fondamentaux des citoyens et définit les principes de gouvernance démocratique.
La Constitution insiste sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, affirmant que les tribunaux sont soumis uniquement à la Constitution et à la loi, et ne doivent pas être influencés par des intérêts politiques ou autres pressions externes. Les juges sont nommés de manière indépendante, et leurs décisions ne peuvent être annulées que par des procédures juridiques appropriées, garantissant ainsi leur autonomie dans l'interprétation et l'application de la loi.
La Cour constitutionnelle est la plus haute autorité judiciaire en matière constitutionnelle en Afrique du Sud. Elle est chargée de vérifier la constitutionnalité des lois et des actions du gouvernement, de protéger les droits fondamentaux des citoyens, et de maintenir l'équilibre entre les pouvoirs. La Cour constitutionnelle a le pouvoir de rendre des décisions contraignantes pour toutes les autres cours, garantissant ainsi l'uniformité et la primauté du droit constitutionnel.
En plus de la Cour constitutionnelle, l'Afrique du Sud dispose d'un système judiciaire complet avec des tribunaux inférieurs qui traitent des affaires civiles, pénales et administratives à différents niveaux. Chaque niveau de tribunal joue un rôle spécifique dans l'administration de la justice selon les lois applicables.
La Cour constitutionnelle a souvent été appelée à vérifier la constitutionnalité des lois adoptées par le Parlement sud-africain. Cela démontre son rôle crucial dans le maintien de la séparation des pouvoirs en s'assurant que les lois respectent les normes constitutionnelles et les droits fondamentaux.
Les juges en Afrique du Sud sont nommés sur la base de leur compétence professionnelle et ne sont pas soumis à des influences politiques directes. Cela garantit que leurs décisions sont prises en fonction du droit et non de considérations partisanes ou externes.
La séparation des pouvoirs renforce la protection des droits fondamentaux des citoyens en permettant au pouvoir judiciaire d'agir comme un contrepoids aux actions potentiellement inconstitutionnelles ou injustes du gouvernement ou du législateur.
En respectant la séparation des pouvoirs, l'Afrique du Sud renforce la confiance du public dans le système judiciaire, crucial pour la stabilité politique, économique et sociale du pays.
Se référer aux bonnes pratiques –
La Fondation Ford a joué un rôle significatif et historique dans le processus d'élaboration de la Constitution sud-africaine de 1996. Franklin Thomas, président de cette institution philanthropique américaine de 1979 à 1996, a été un acteur clé dans ce processus. Avant les négociations constitutionnelles officielles qui ont conduit à la Constitution de 1996, l’institution philanthropique américaine a soutenu financièrement des recherches approfondies et des débats critiques sur les principes et les modèles constitutionnels. Cela a permis de jeter les bases d'une réflexion constructive et informée parmi les diverses parties prenantes en Afrique du Sud.
Des rencontres et des dialogues ont été facilités entre les leaders politiques, les juristes, les universitaires, ainsi que les représentants de la société civile et des communautés marginalisées. Ces forums ont joué un rôle crucial en encourageant la participation démocratique et en favorisant la compréhension mutuelle nécessaire à la construction d'un consensus constitutionnel.
Par ailleurs, plusieurs organisations de la société civile en Afrique du Sud ont joué un rôle actif dans les négociations constitutionnelles. Cela comprenait des groupes de défense des droits humains, des organisations communautaires et des instituts de recherche juridique.
En encourageant des initiatives visant à promouvoir la justice sociale, l'équité raciale et les droits fondamentaux, ces efforts ont contribué à ancrer ces valeurs dans le processus constitutionnel sud-africain. Cela a été essentiel pour contrer les héritages de l'apartheid et pour établir un cadre constitutionnel solide basé sur les principes de l'État de droit et de la démocratie.
Le rôle de ces initiatives dans l'élaboration de la Constitution sud-africaine a laissé un héritage durable de liberté et de justice en Afrique du Sud. La Constitution de 1996 est largement reconnue comme l'une des plus progressistes au monde, protégeant une vaste gamme de droits et établissant des mécanismes forts pour la protection de la démocratie et de l'État de droit.
L'expérience sud-africaine a souvent été citée comme un modèle pour d'autres pays en transition ou confrontés à des défis de consolidation démocratique ou de rupture systémique. Elle démontre l'importance du partenariat entre les acteurs nationaux dans la promotion de la bonne gouvernance et des droits humains.
Nécessité d'une transformation systémique au Sénégal –
Avec l'arrivée au pouvoir du mouvement Pastef, il est crucial pour l’administration Faye-Sonko de ne pas tomber dans le piège des petites réformes qui maintiennent intact le système ancien mais d'envisager une réforme judiciaire qui s'inspire des meilleures pratiques internationales, telles que celles observées en Afrique du Sud.
Décoloniser et émanciper la justice au Sénégal implique de repenser et de réformer le système judiciaire de manière à renforcer l'indépendance, la transparence et l'efficacité. S'inspirer des meilleures pratiques internationales tout en adaptant ces modèles au contexte spécifique du Sénégal est essentiel pour promouvoir une gouvernance démocratique solide et durable, répondant aux aspirations des citoyens pour une justice juste et équitable. L’instrumentation politique de la Justice doit devenir une affaire du passé au Sénégal.
Réformer la Justice pour assurer la Rupture au Sénégal ne peut se concevoir que dans un cadre plus général de refondation des institutions. L’éditorial SenePlus publié sous le titre “Pour une théorie du changement“ développe cet aspect de manière explicite. L’ambition pastéfienne de sortir le Sénégal du système néocolonial est partagée par l’écrasante majorité des Sénégalais et des jeunesses africaines. Cette ambition doit cependant être exprimée dans la présentation d’un cadre général clair, discuté et élaboré avec les citoyens. Le processus doit être réfléchi, inclusif et sérieux. Cela aussi, c’est la Rupture exigée par les Sénégalaises et les Sénégalais le 24 mars 2024.
ROKIA TRAORÉ DÉFIE LA JUSTICE EUROPÉENNE
Arrêtée à Rome fin juin alors qu'elle s'apprêtait à monter sur scène, l'artiste croupit en prison depuis plus de 20 jours. La chanteuse malienne de 50 ans conteste désormais les conditions de son procès devant la Cour européenne
(SenePlus) - Rokia Traoré, célèbre chanteuse malienne de 50 ans et ambassadrice de bonne volonté pour l'agence des réfugiés des Nations Unies (HCR), a été arrêtée le 20 juin dernier à l'aéroport de Fiumicino à Rome, en vertu d'un mandat d'arrêt européen. Condamnée en son absence à deux ans de prison en Belgique en octobre 2022 dans une bataille juridique pour la garde de sa fille, elle fait désormais appel auprès de la Cour de justice de l'Union européenne pour s'opposer à son extradition vers la Belgique, a déclaré son avocate italienne Maddalena Del Re à Reuters.
"Mme Traoré a été condamnée en Belgique sans la certitude qu'elle ait eu connaissance du procès. Pire encore, le procès s'est déroulé sans avocat pour assurer sa défense", a expliqué Me Del Re. Selon elle, cela constitue un motif d'opposition à l'extradition, et elle a donc saisi la Cour européenne, compétente en la matière.
Depuis son arrestation à Fiumicino, où elle s'était rendue pour donner un concert aux abords du Colisée, l'artiste de renom est détenue dans la prison de Civitavecchia, près de Rome. Un premier rebondissement s'est produit cette semaine, le parquet de la cour d'appel de Rome acceptant qu'elle puisse bénéficier d'une assignation à résidence si elle trouve un logement dans la capitale italienne.
Les ennuis judiciaires de Rokia Traoré ont débuté en 2020, lorsqu'elle a été arrêtée en France sur la base d'un mandat d'arrêt belge, pour ne pas avoir remis sa fille à son ex-compagnon belge, le père de l'enfant, comme l'exigeait une décision de justice. Libérée sous conditions quelques mois plus tard, elle avait rallié le Mali à bord d'un vol privé avec sa fille aujourd'hui âgée de 9 ans, bravant l'interdiction de quitter la France.
LE MARIAGE EST UN PROJET DE VIE QUI DONNE DES VIES
Dr Massamba Guèye chercheur, écrivain, conteur, traditionnaliste, manager et fondateur de Kër Leyti, la Maison de l’oralité et du patrimoine décortique le slogan «Goor dou projet» et redoute une «catastrophe sociale».
Bés Bi le Jour |
Adama Aïdara KANTE |
Publication 13/07/2024
Dr Massamba Guèye est chercheur, écrivain, conteur, poète, critique littéraire et traditionnaliste. Dans cet entretien, le manager et fondateur de Kër Leyti, la Maison de l’oralité et du patrimoine décortique le slogan «Goor dou projet» et redoute une «catastrophe sociale».
Que comprendre de cette expression ‘’Goor dou projet’’, qui fait fureur, comme ‘’Took muy dox’’ d’ailleurs ?
Dans le cadre de la communication politique globale, il y a des expressions outrageantes à travers desquelles on voit une connotation opportuniste, «took muy dox», qui signifie ne rien fournir comme effort, faire marcher les choses sans rien faire. Ce qui veut dire que nous sommes dans une position d’exploitation des autres. Donc, quand on le met dans le contexte d’un rapport entre l’homme et la femme, cela veut dire que l’homme considère la femme comme une identité à séduire. Et dans ce cadre, la femme considère que l’homme n’est rien d’autre qu’une usine de production de biens. Donc, en chercher un pour lui soutirer tout ce qu’on peut. On voit donc le danger qu’il y à instaurer des slogans politiques parce qu’ils rentrent dans les mœurs, dans les familles et peuvent avoir des conséquences.
On a l’habitude d’entendre un projet de mariage... Il se réalise parfois, échoue aussi. Peut-on limiter la vie de couple à un projet ?
La vie de couple n’est pas un projet. C’est un élément d’un projet de vie. Chaque être humain a un projet de vie. Et dans le projet de vie global, il y a des étapes. Car, au début, on a des projets scolaires, puis des projets universitaires ou encore des projets professionnels. A un moment, arrive le besoin d’insertion sociale dans notre communauté, et le mariage est un acte de socialisation qui consacre un certain niveau de responsabilité. Le mariage n’est pas un projet économique, ce n’est pas un projet qu’on élabore. Mais, c’est un projet de vie extraordinaire parce que, c’est un projet de vie qui donne des vies.
Mais où va-t-on lorsque des femmes qui disent que dans leur vie l’homme n’est pas un projet sous prétexte qu’elles sont veuves, qu’elles ont souffert dans leurs foyer, etc. ?
Mais, on va vers la catastrophe sociale. Parce que quand une communauté tue le mariage, il y a trois possibilités : La première, c’est le développement de l’adultère et la grande consécration de la prostitution, parce que les gens ont des besoins biologiques. Et pour satisfaire ses besoins biologiques en dehors du cadre du mariage, il n’y a que cela, l’adultère ou la prostitution. La deuxième conséquence, c’est qu’à un certain âge, quand on n’a pas quelqu’un avec qui partager certaines détresses, à qui se confier, on peut être dans une psychose. Ce qu’on appelle une destruction d’une mentalité sociale. Et la troisième conséquence, c’est que, vraiment, on est dans la représentation et les emprunts culturels. Dire que dans une société comme la nôtre que le mariage n’est rien d’autre qu’un poids et prôner la vie matérielle, individuelle, c’est une société d’emprunt. On est en train de vivre sous le cliché de la société occidentale.
Alors, un projet doit aussi être financé non ? N'est-ce pas l’aveu d'un matérialisme ?
Quand on considère que le mariage est un projet ou il faut être financé, c’est qu’on rame à contre-courant des valeurs traditionnelles et de l’islam et des valeurs chrétiennes. C’està-dire, on cherche des gens d’une certaine qualité humaine, d’une certaine qualité au niveau des valeurs éthiques pour pouvoir construire un idéal de vie avec eux. Et ces gens sont forcément des travailleurs qui se suffisent de ce qu’ils ont. Ils peuvent être extrêmement riches, moyennement riches, ils peuvent de temps en temps aussi avoir des hauts et des bas. Parce que considérer que c’est un projet économique, cela veut dire que le jour où vous épousez quelqu’un de riche, quand il perd son argent, vous lui tourner le dos. Donc, elle est où la sincérité humaine ? Elle est où la relation ? Comme on le dit en wolof, le cœur n’est pas une pierre.
Est-ce à dire que nos jeunes d’aujourd’hui sont en train de fouler au pied nos traditions? Et où se situe la responsabilité… ?
La responsabilité c’est d'abord les parents. Parce que, quand vous avez un jeune qui n’a aucune connaissance de son environnement culturel, de ses valeurs religieuses et éthiques, il est normal qu’il soit un enfant du plaisir. Et vous savez, quand vous avez des enfants du plaisir qui naissent dans le plaisir dont les anniversaires sont fêtés dans le plaisir, dont les vacances sont fêtées dans le plaisir, ils n’ont pas de rapport construit avec l'inconstance de la vie. Et comme, ils n’ont pas de rapport construit avec cette inconstance de la vie, philosopher sur la vie, penser la vie, réfléchir sur l’humain n’est pas leur prérogative. Tout ce qui les intéresse, c’est quel est mon bonheur ? On rentre dans un égoïsme installé et c’est un grand danger. C’est la résultante de tout cela.
Donc, est-ce qu’il n’est pas nécessaire de faire un «ndeup» ?
Je pense que le projet de réorganisation du système scolaire doit obéir à ces trois principes. Il y a un principe d’ancrage culture, un principe d’éducation culturelle et un principe d’ouverture linguistique. On parle de «ndeup» national, mais évidemment on est dans le «ndeup» national depuis 2021. Et ce «ndeup» national-là, je pense qu’il faut que les gens en sortent plus sereins mais pas plus fous.
Est-ce que c'est dû à la modernité avec l’avènement des réseaux sociaux qui entraineraient tous ces écarts ?
Mais on a récupéré des éléments que nous ne maitrisons pas. Les éléments de réseaux sociaux qui étaient des éléments de construction de relations sont devenus des éléments de destruction des relations. Nous avons beaucoup de gens qui n’ont pas un niveau scolaire en arabe ou en français ou en anglais consistant. Et généralement, ces gens peuvent être manipulés par ces réseaux-là. Le dernier élément, c’est la responsabilité de nos familles. Dans nos familles, quand quelqu’un n’a rien, il n’est rien. Les médias aussi sont responsables de la vulgarisation des obscénités. Quand je regarde les débats politiques sur les plateaux, je me demande d’où viennent ces gens-là. On est juste dans du crêpage de chignons, dans l’insulte, l’invective, le parjure, etc. Et ces jeunes n’ont que ces références-là. Tant que dans nos médias on n’aura aucune tranche pour les jeunes, pour les enfants, on continuera à subir le contenu des autres.
Le mari ou l’homme est-il réduit à un «bailleur», alors que les femmes aussi travaillent ?
Mais, si le mari est réduit à un bailleur, il devient un frappeur. Dans nos sociétés, la femme a toujours travaillé
Qu'est-ce que cette société en déliquescence prépare l'individu ?
On le prépare à l’acquisition de l’argent, au succès, les belles voitures, la nomination, l’accès au pouvoir. Mais on ne le prépare pas à la sérénité des consciences.
«GOOR DOU PROJET», LE NOUVEAU SLOGAN DES FEMMES
Si le projet Pastef incarné par le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko est de résoudre les difficultés du Sénégal, le projet de certaines jeunes filles, femmes divorcées ou veuves est de dégager les hommes de leur vie
Bés Bi le Jour |
Adama Aïdara KANTE |
Publication 13/07/2024
Un projet peut en cacher un autre. Si le projet Pastef incarné par le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko est de résoudre les difficultés du Sénégal, le projet de certaines jeunes filles, femmes divorcées ou veuves est de dégager les hommes de leur vie. Cette boutade fait fureur actuellement sur les réseaux sociaux, notamment Tik-Tok. Chacune d’elles tente de donner des explications. Bés bi qui a voulu tâter le pool des Sénégalais par rapport à ce sujet, pose le débat. Et bon nombre de nos concitoyens estiment que ce sont des réflexions «bidons». D’autres, plus catégoriques, parlent de manque de repères de la jeunesse, qui pense que tout ce qui brille est de l’or. Reportage
Dakar et sa banlieue suffoquent à cause de la chaleur. Un ciel un peu nuageux et une météo qui prédit une pluie dans les prochaines 24 heures donnent l'espoir d'un temps plus clément. Il est 11 heures 35 minutes sur cet arrêt du bus de la ligne 62 qui quitte Grand-Mbao pour rallier Dakar. Vendeurs de poissons, de légumes, de friperie, etc., cohabitent avec les grands magasins et boutiques d’alimentation générale. Après un quart d’heure d’attente, le bus tata, plein comme un œuf, se pointe. C’est la bousculade. Même les passagers arrivés à destination peinent à descendre. «Mais laissez-nous au moins descendre d’abord», peste un vieux, dégoulinant de sueur, le bonnet et le chapelet entre les mains. «Père descend rek, nous allons au travail. Cela fait plus de 45 minutes que nous attendons le 62», rétorque un jeune homme en jean noir déchiré assorti d’un teeshirt jaune, des lunettes de soleil mal ajustées. «En tout cas, les membres du nouveau gouvernement doivent penser à reprendre le transport urbain, nous qui habitons dans la banlieue, nous souffrons», proposent un groupe de jeunes.
«Si vos parents avaient dit ça, vous ne seriez pas de ce monde»
Après quelques minutes de brouhaha et de bousculades, le bus roule tout lentement en direction du centre-ville. Et les affinités se dessinent entre les passagers, les hommes confortablement assis sur les sièges taquinent les filles qui ont les mains suspendues sur la barre. «Vous avez dit parité, donc il faut assumer le fait d’être debout pour le trajet», lancent-ils. «Ça c’est de la facilité. Je comprends pourquoi certaines femmes disent que ‘’Goor dou projet’’. Aucune galanterie», réplique la jeune receveuse. Et commence un rire contagieux dans le bus. Et c’est parti pour un débat contradictoire. Une dame de teint clair, tout de blanc vêtue, les yeux rivés sur son téléphone portable, met son grain de sel. «Ah, ma fille, je ne suis pas d’accord. Arrêtez, c’est des bêtises de penser ainsi. Si vos parents avaient dit ça, passez-moi l’expression, est-ce que vous serez de ce monde ? Il ne faut pas copier certaines pratiques occidentales qui ne sont pas les nôtres», tance-telle, avant de remettre ses écouteurs noirs.
Hommes et femmes s’accusent de lesbiennes et d'homos
La réplique n’a pas tardé. «Les hommes d’aujourd’hui aiment la facilité. Ils ne font aucun effort, alors que les femmes sont braves et dégourdies. Regardez les maisons, ce sont les femmes qui s’occupent presque de tout, sous prétexte que c’est nous qui avons accepté la parité. Donc, un homme qui ne peut rien faire pour toi, qui ne peut même pas vous satisfaire au lit, c’est un problème. Personnellement, je suis d’accord que ‘’Goor dou projet’’. On fait focus sur nous», renchérit une jeune fille de teint clair, taille moyenne, habillée en taille basse. Une déclaration qui a aussitôt provoqué l’ire d’un groupe de jeunes hommes. «Arrêtez de vouloir stigmatiser tout le temps les hommes pour meubler vos tares. Vous aimez le libertinage, car beaucoup d’entre vous sont des lesbiennes. Vous êtes des complexées, vous copiez mal. Vous pensez que tout ce qu’on montre à la télé, sur les séries et les films, c’est du réel. C’est du toc. Vous devez vous ressaisir», lance l’un d’entre eux. D’une petite voix, au fond du bus, une jeune femme embraie : «C’est le contraire. Car, à cause de l’argent, beaucoup hommes sont devenus des homosexuels. C’est la raison pour laquelle nous disons que ‘‘Goor dou projet’’». La discussion était tellement intense que l’on n’a pas senti la longueur du trajet.
«Je ne veux pas mourir si jeune à cause des hommes»
Au campus social de l’Université Cheikh Anta Diop, le thème «Goor dou projet» est lancé à des étudiants. Ce slogan qui fait grand bruit sur les réseaux sociaux depuis un certain temps passionne. «Franchement, dans mes projets, l’homme n’en fait plus partie. Et je pèse bien mes mots en le disant. Parce que j’ai été trahi 3 fois dans ma vie. Le plus récent, c’était même avec une proposition de mariage. A ma grande surprise, même pas un mois, on m’a fait savoir que le monsieur s’est marié avec sa cousine, alors que je lui ai tout donné, j’avais confiance en lui. J’ai failli passer de vie à au trépas à cause de cette énième trahison. Ça suffit maintenant, je me concentre sur mes études. A l’avenir, je compte adopter deux enfants : une fille et un garçon», a dit cette étudiante en master 2 en chimie, les yeux larmoyants. «Moi, je ne veux pas mourir si jeune ou avoir une maladie rare à cause des hommes. L’homme n’est pas un projet pour moi, avec les mariages compliqués auxquels on assiste, c’est bon», renchérit sa camarade.
CAS PAR CAS…
Awa Barry, animatrice : «Je suis divorcée, mon ex-mari m’a laissé seule avec les enfants»
«Si on en vient à dire que ‘’Goor dou projet’, c’est que les femmes sont fatiguées et se sont révoltées. Tout le monde sait que la beauté de la femme, c’est d’avoir un mari. Mais beaucoup vivent des violences physiques, morales ou phycologiques dans leurs ménages. On ne va plus souffrir jusqu’à avoir la maladie du goitre. Nous préférons faire focus sur nous, car nous sommes au 21e siècle. C’est la raison pour laquelle on dit que ‘’Goor dou projet’’. Moi, je suis une femme divorcée, mais mon ex-mari m’a laissée seule avec les enfants. Toute la charge repose sur mes frêles épaules. Avec tous ces facteurs que nous vivons, je préfère me concentrer sur moi-même et mes enfants. Par contre, je ne vais pas jusqu’à dire à 100% que ‘’Goor dou projet’’. Je fais du 50/50 parce je veux être une femme indépendante, surtout financièrement. Même si j’ai un mari un jour, je saurai à quoi m’en tenir. C’est pourquoi je comprends quand des femmes disent que ‘’Goor dou projet’’. Parce que beaucoup d’hommes ne savent pas entretenir une femme. Mais toutes les femmes souhaitent avoir un mari. On n’a pas le choix, nous sommes fatiguées dans les foyers».
Ndèye Fatou Baldé, coiffeuse : «Le mariage n’est pas une fin en soi…»
«Moi, je clame haut et fort, sans gants, je ne veux plus d’homme dans ma vie, je suis dégoûtée. J’ai été une brillante élève, mes parents m’ont mise dans un mariage forcé avec un vieux qui pouvait être mon grand-père. Parce que, c’était un richissime homme d’affaires, alors que je n’avais pas une seule once d’amour pour lui. Je ne voulais pas consommer mon mariage pendant un mois et demi après la célébration du mariage. Il a fallu la complicité des parents qui m’ont droguée pour que ça arrive. Je peux donc dire qu’il m’a violée et a volé ma virginité. Au bout de 3 ans de mariage, j’ai fait deux fausses couches. Il me battait, me violentait, me violait chaque nuit et je n’osais pas en parler à la famille par peur de représailles. Mais au bout de 5 ans, mes deux parents sont décédés et j’ai tout fait pour divorcer. Je suis venue à Dakar chez une cousine, j’ai connu des hauts et des bas. Et Dieu merci, aujourd’hui, je gère mon propre salon de coiffure. J’ai 33 ans et ma priorité, ce n’est ni un homme, encore moins un enfant. Si j’ai envie de satisfaire ma libido, il y a d’autres méthodes, mais pas un homme. Je suis dégoûtée par eux. Je vois sur les réseaux, on nous traite de tous les noms d’oiseaux sans même essayer de comprendre pourquoi on dit ‘’Goor dou projet’’. Et je vous le jure : ‘’Goor dou projet’’ pour moi. Nous sommes fatiguées, le mariage n’est pas une fin en soi, l’homme n’est pas le centre de la vie de la femme».
Salla Marième Soda Mboup, veuve : «Ces hommes n’ont d’yeux que pour les divorcées et les veuves qui ont une certaine aisance financière»
«Je suis veuve. J’ai perdu mon mari il y a 10 ans, alors que nous avions fait 25 ans de mariage dans le bonheur et la paix. Je n’ai connu que cet homme. Nous avons 4 enfants : 3 filles et 1 garçon. Aujourd’hui, mon projet, ce sont mes enfants, mais pas un homme. Car ces hommes d’aujourd’hui n’ont d’yeux que pour les femmes divorcées et les veuves qui ont une certaine aisance financière pour les entretenir. Mais ce n’est pas de l’amour. D’ailleurs, mon cœur ne peut plus aimer un autre homme. Je n’ai pas de temps pour un homme, vouloir gérer ses caprices, être au petit soin, c’est fini ça. Je fais focus sur ma progéniture et sur ma personne. Bien avant que ce phénomène ne soit viral sur les réseaux sociaux, je le disais tout le temps à mes amies qui venaient de se plaindre souvent des coups bas de leur conjoint ou de leur amant. Je leur disais toujours que mon projet de vie, les hommes n’en font plus partie. Ce n’est parce que je veux être libre, mais ce que je vois maintenant faire les hommes n’est pas du tout rassurant. Ils ne savent plus entretenir une femme, la chérir. ‘’Goor-yii danio beugg lou yombou’’ (Les hommes aiment la facilité). Je le répète, mon projet c’est mes enfants»
Karine Ndiaye, jeune agent marketing : «Si c’est pour avoir du plaisir, il y’a d’autres méthodes»
«A quoi cela sert d’avoir un homme dans sa vie si ce n’est que vous créer des problèmes, d’augmenter le stress jusqu’à ce que vous poussiez des cheveux blancs. Si c’est pour avoir du plaisir, il y a d’autres méthodes. D’ailleurs, beaucoup d’hommes ne savent plus faire l’amour. En passant, si c’est pour avoir des enfants, il y a des crèches et des pouponnières. Et mieux, si avoir des enfants c’est pour qu’ils vivent dans la galère, ce n’est pas la peine. Moi, j’ai connu beaucoup d’hommes, mais c’est des trompeurs, des mythomanes, des trafiquants de personnalité. Grâce à mon travail, j’en n’ai vu de toutes les couleurs. C’est pourquoi j’ai décidé de ne plus vivre un chagrin d’amour, de souffrir pour quelqu’un qui ne souffre pas pour moi. Tout ce qui l’intéresse, c’est son argent et sa situation sociale, c’est fini ça ! J’ai gommé les hommes dans ma vie, ils ne sont plus ma préoccupation. Je suis une misandre comme me le rappelle toujours ma seule et unique amie. Je fais focus à 100% sur mon travail qui me donne du plaisir et beaucoup de satisfaction. Avec mon travail, je ne sens pas l’absence ou le manque d’homme à mes côtés. Je vis bien, je n’ai de compte à rendre à personne, si ce n’est à moi-même et parfois à ma mère, la seule qui me comprend d’ailleurs. Avec ces nombreux cas de divorce dont la plus part sont dus à des mariages célébrés en grande pompe qui font long feu, on doit surtout se consacrer à soimême. Maintenant, des femmes indépendantes choisissent de ne pas faire d’un homme le centre du monde, une priorité».
LE PASNEG FORME LES OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE ET INSTALLE SON BUREAU
Le Projet d’appui à la stratégie nationale de pour l’équité et l’égalité de genre a initié des sessions de formation des officiers de police judiciaire pour une prise en charge adéquate
Partant du constat que beaucoup de femmes et d’enfants victimes de violence basée sur le genre se confient plus aux dames qu’aux hommes, le Projet d’appui à la stratégie nationale de pour l’équité et l’égalité de genre (PASNEG) a initié des sessions de formation des officiers de police judiciaire pour une prise en charge adéquate. Outre ces aptitudes attendues, un bureau sera ouvert à la Police centrale de Sédhiou, chargé d’accueillir les victimes aux fins d’une bonne orientation.
Cette session de formation se propose de renforcer les capacités des officiers de police judiciaire sur les aptitudes qui favorisent la prévention des violences basées sur le genre et la prise en charge adéquate des victimes de toutes formes de violences basées sur le genre aussi bien en période de paix que dans les situations de conflit. C’est une initiative du PASNEG, le Projet d’appui à la stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre, financé par le gouvernement italien, en ancrage au ministère de la Famille et de la Solidarité nationale. «La Police et la Gendarmerie constituent, en général, la première porte d’entrée pour les femmes et les filles victimes de violences basées sur le genre. Et ce premier accueil est important, surtout pour la prise en charge de la victime. Bien souvent, quand la prise en charge est défaillante, la victime peut même abandonner la procédure de poursuite. Cette formation leur facilitera les conditions d’accueil et même de dénonciation», déclare Mme Awa Nguer Fall, la Coordinatrice nationale du PASNEG.
Mme Bintou Guissé, Commissaire de la Police de Zac Mbao (Dakar) et point focal genre de la Police nationale, explique la pertinence d’une telle option. «C’est de faire en sorte que les conditions d’accueil soient optimales avec les Forces de défense et de sécurité, pour mettre les victimes en confiance, pour mieux les écouter et les prendre en charge. Nous envisageons mettre un bureau genre à la Police de Sédhiou car une victime de violence à plus tendance à se confier à une dame qu’à un homme», indique-t-elle.
Si l’on en croit Mme Fall Awa Nguer, la Coordinatrice du PASNEG, un suivi de la mise en œuvre est déjà acté. «Nous avons déjà obtenu l’autorisation de la mise en place d’un bureau dédié exclusivement aux victimes de violence au bureau de la Police de Sédhiou. Nous avons également évoqué, en vue d’un bon suivi de la situation des femmes et des enfants en milieu carcéral. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons jugé utile d’associer à cette formation les acteurs de la Maison d’arrêt et de correction (MAC) de Sédhiou». A l’arrivée, il est attendu de ces officiers de police judiciaire une maîtrise du cadre juridique national et supranational ainsi que les mécanismes de prévention des violences basées sur le genre.