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7 avril 2025
LE COUP DE GUEULE DE DIAGNE FADA
Le président de LDR Yessal livre une analyse sans concession de la situation politique et économique du Sénégal. Il s'inquiète particulièrement de la gestion financière actuelle et des choix stratégiques des nouvelles autorités
Modou Diagne Fada, président de LDR Yessal, était l’invité de l’émission « Point de vue » sur RTS1. Au cours de l’émission, il a abordé plusieurs sujets d’actualité, notamment la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom, la gestion de la dette publique et le projet de pôles territoires.
Lors de son intervention, Modou Diagne Fada a exprimé sa surprise quant au fait que Farba Ngom soit la première victime d’une procédure de levée d’immunité parlementaire. « Je n’ai jamais pensé que la première victime serait Farba Ngom, » a-t-il déclaré, soulignant que ce dernier n’a jamais géré les deniers publics, mais est un homme d’affaires et un haut responsable de l’APR. Fada a interprété cette procédure comme un possible règlement de comptes politique, faisant écho aux déclarations passées du chef de Pastef. Il a rappelé que la CENTIF, créée en 2004 et renforcée sous Macky Sall, est un outil de transparence.
Sur le plan économique, Modou Diagne Fada a critiqué la gestion actuelle, accusant les nouvelles autorités de ne pas avoir réduit le déficit. Il a expliqué que les dépenses de fonctionnement augmentent tandis que les recettes baissent, ce qui pourrait creuser le déficit en 2025. Le président de LDR Yessal a également pointé du doigt les emprunts à court terme et à taux élevés, les qualifiant d’inefficaces. Il a également questionné la cohérence des données financières fournies par les institutions, mettant en doute la capacité des nouvelles autorités à gérer la situation économique du pays.
Concernant le projet de pôles territoires, il a reconnu l’intérêt de l’idée mais a mis en garde contre l’utilisation de noms traditionnels, qui pourraient poser des problèmes. Il a suggéré de se limiter aux noms des régions pour éviter des controverses inutiles, rappelant l’expérience passée du président Abdoulaye Wade.
VOYAGE À TRAVERS L’HISTOIRE DU FORT DE BAKEL
Ses murs ont été témoins des combats héroïques de Mamadou Lamine Dramé et de la transformation du pays. Ce monument, désormais siège de la préfecture et site UNESCO, reste un symbole vivant de la mémoire collective
Perché sur une colline stratégique, le fort de Bakel domine fièrement le fleuve Sénégal et la Mauritanie voisine. Construit entre 1818 et 1853, ce fort n’est pas simplement une fortification : il incarne l’histoire et les luttes de cette région, un témoignage de l’époque coloniale et des résistances locales. Depuis 1960, il abrite également la préfecture de Bakel, un rôle administratif qui renforce son importance et son ancrage dans la vie contemporaine.
En 1854, Federbe, gouverneur du Sénégal et militaire, prend les rênes de la région. Bien qu’il n’ait pas été directement sur place, il joue un rôle décisif dans la transformation du fort. De Saint-Louis, il supervise les travaux de modernisation, renforçant les fortifications et transformant le fort de Bakel en un lieu stratégique. Des canons sont installés, orientés vers la Mauritanie, prêts à défendre cette position clé.
Les murs épais du fort, munis de meurtrières, permettent aux soldats de surveiller les alentours tout en restant protégés. À travers ses nombreuses tours, comme la tour du pigeon au nord et la tour du Mont au Singe au sud, le fort pouvait signaler les mouvements ennemis. À l’ouest, la tour Jaurice, surnommée le « tout télégraphique », était un centre vital pour les communications.
Non loin du fort se trouve le pavillon René Caillet, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce pavillon, qui porte le nom de l’explorateur français, est un témoignage de l’époque coloniale. René Caillet, en traversant Bakel sur son chemin vers Tombouctou, y laissa une trace indélébile. Le pavillon reste un point de mémoire et un symbole de l’histoire de l’exploration.
Mais Bakel n’a pas été seulement un lieu de colonisation. C’est également un lieu de résistance. En 1886, Mamadou Lamine Dramé, un homme de Boundiourou (Mali), se dresse contre l’oppression coloniale. Après avoir accompli son pèlerinage à La Mecque, il revient dans son village natal, où il forme une armée pour lutter contre les forces coloniales. Le 12 avril 1886, il mène ses hommes dans une bataille contre les Français, mais malgré leur courage, les bombardements français les dispersent. Cet acte de résistance fait partie des nombreux récits de la lutte pour l’indépendance.
La construction du fort de Bakel, réalisée avec des pierres locales, est un exemple frappant de durabilité. Perché sur une colline, il a été conçu pour résister aux intempéries, et malgré les années, il reste en bon état. Son emplacement élevé lui a permis de résister aux inondations, un défi que d’autres fortifications n’ont pas toujours su surmonter. Ce fort, fait de pierre et de mémoire, se dresse toujours malgré les affres du temps.
Aujourd’hui, l’histoire du fort de Bakel continue d’être racontée par des passionnés comme Idrissa Diarra, un enfant du pays. Enseignant et directeur d’école pendant 40 ans, Idrissa a choisi, après sa retraite en 2012, de devenir guide touristique. Il permet ainsi aux visiteurs de découvrir l’histoire fascinante du fort et de la région. Grâce à des hommes comme lui, l’héritage de Bakel, riche de combats et de conquêtes, demeure vivant et accessible.
Depuis 1960, le fort de Bakel n’est plus seulement un site historique, mais aussi le siège de la préfecture. Il incarne ainsi l’évolution de la ville, passant d’un symbole militaire à un centre administratif vital. Le fort, avec ses pierres et ses tours, continue de raconter l’histoire de la région, une histoire d’indépendance, de résistance et de transformations. Aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, il est un lieu de mémoire et un trésor à préserver pour les générations futures.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LA RÉSISTANCE DES FEMMES DANS L’ŒUVRE THÉÂTRALE DE MAROUBA FALL
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus de Marouba Fall est un texte très engagé sur le thème de la résistance. Le genre théâtral permet ici de mettre en résonnance la démarche de la renaissance africaine. Chaque personnage représente la conscience de chacun à s’interroger sur l’histoire et sur les luttes qui ont été conduites pour résister à l’esclavage et à l’aliénation exercée par la puissance coloniale.
La dame de Kabrus est une prêtresse qui, par ses pouvoirs divins, invite la population à ne plus courber l’échine devant l’envahisseur mais à écouter la voix des ancêtres pour recouvrer la dignité. Le drame épique est ainsi posé. Mais les forces françaises, aidées de collaborateurs peu scrupuleux, ne l’entendent pas ainsi, il faut anéantir toute contestation. La révolte pacifique partie du Sud divise le pays car au Nord les alliances conduites par l’administration française détruisent la cohésion et la résistance. Aliin Sitooye Jaata refuse toute compromission et aspire à l’unité africaine. Selon elle, il n’y a pas de nord ni de sud mais une population pareillement morcelée, déchirée par la guerre coloniale. La réunification est la seule solution pour parvenir à la liberté. Ainsi elle choisit l’arme de la démocratie et de la négociation pour parvenir à un accord respectueux des hommes et des femmes, son message est celui de la paix. Courageuse et rebelle, telle une reine africaine, elle se livre aux autorités qui veulent sa tête et la brutalisant tuent l’enfant qu’elle porte.
Aliin Sitooye Jaata est donc la figure héroïque de la résistance, chère aux épopées antiques, qui offre sa vie en sacrifice et qui crie « plutôt la mort que l’esclavage », comme le scandaient les Femmes de Nder. Le théâtre de Marouba Fall est un terrible réquisitoire sur le massacre des esprits qu’a généré l’occupation coloniale française. L’unité spatio-temporelle du théâtre de l’auteur occupe le genre littéraire de manière poétique et engagée. Le texte est un hommage à l’unité, à la paix, à la dignité, à l’espérance d’une liberté grandie par le sacrifice. La parole de Marouba Fall est la promesse du rayonnement de la Renaissance Africaine.
Le second texte, Adja, militante du G.R.A.S., met en lumière la corruption politique qui occupe le pouvoir et qui se traduit par les échecs successifs de certaines gouvernances. Adja est une femme respectueuse, épouse et mère, qui veut devenir député pour aider son pays, au grand désespoir de son mari. Malheureusement, sa pensée est trahie, elle confond la formation politique dénuée d’intérêts personnels et la réussite corrompue. Elle revendique la condition moderne de la femme comme signe de vertu mais adopte une attitude irresponsable au sein de son foyer. Le modèle occidental est son référent social mais cela détruit ce qu’elle est profondément, une femme africaine honnête attachée aux valeurs humaines. Pourtant, le personnage d’Adja et son engagement sincère pose la question du rôle des femmes dans la conduite politique des Etats. Abusée par un escroc déguisé en marabout, Adja retrouve la raison afin de poursuivre son combat sur une voie nouvelle dégagée de l’opportunisme dévastateur.
Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique. Le continent africain doit inventer son fonctionnement politique en s’appuyant sur ses valeurs culturelles, sociales et humaines. C’est tout le message de l’œuvre théâtrale de Marouba Fall qui inspire brillamment la démarche de la Renaissance africaine.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus suivi de Adja, militante du G.R.A.S.,
Marouba Fall, Les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, Dakar, 2005.
De Conakry à Dakar, en passant par Lagos et Tripoli, Ousmane Yara a bâti un empire d'influence dans l'ombre des palais présidentiels. Aujourd'hui, l'homme d'affaires malien révèle comment il est devenu l'artisan de l'apaisement politique au Sénégal
(SenePlus) - L'homme qui a joué un rôle clé dans les coulisses de la dernière présidentielle sénégalaise sort de l'ombre. Dans une série d'entretiens accordés à Jeune Afrique, Ousmane Yara, discret homme d'affaires malien, lève le voile sur son rôle d'intermédiaire entre Macky Sall et Ousmane Sonko durant la période trouble qui a précédé l'élection de mars 2024.
Il y a un an, dans la résidence présidentielle de Mermoz à Dakar, un dîner allait changer le cours de la politique sénégalaise. Selon Jeune Afrique, c'est lors de cette soirée qu'Ousmane Yara, face à un Macky Sall préoccupé par les tensions politiques, propose de servir d'intermédiaire avec l'opposant emprisonné Ousmane Sonko. "J'ai vu que la direction dans laquelle certains voulaient le pousser lui créerait des problèmes, et créerait des problèmes au pays", confie-t-il au magazine panafricain.
Cette intervention n'est pas le fruit du hasard. La relation entre Yara et Sall remonte au début des années 2000, quand ce dernier était Premier ministre d'Abdoulaye Wade. Une proximité qui a permis à cet homme d'affaires malien de devenir un acteur clé dans les négociations politiques au Sénégal.
Né en janvier 1970 à Lubumbashi, fils d'un diamantaire malien, Ousmane Yara a construit son influence pas à pas. Comme le révèle JA, c'est d'abord en Guinée, sous l'aile d'Alpha Condé, qu'il commence à tisser son réseau. "Grâce à lui, j'ai pu côtoyer Mahamadou Issoufou, Ibrahim Boubacar Keïta, Muhammadu Buhari et même le président sud-africain Jacob Zuma", énumère-t-il.
Mais c'est au Nigeria qu'il bâtit sa fortune, notamment dans le pétrole, en se rapprochant du milliardaire Aliko Dangote. Son influence s'étend aujourd'hui bien au-delà des frontières africaines : le magazine rapporte qu'il prépare actuellement "la venue de certains chefs d'État africains" à l'investiture de Donald Trump.
Cette position d'intermédiaire ne fait pas l'unanimité. "Il ressemble surtout à l'un de ces hommes d'affaires qui cherchent à être proches des palais présidentiels pour avoir en retour un accès aux marchés publics", confie au journal un chef d'entreprise ouest-africain. Une critique que Yara réfute fermement : "Il n'y a aucun chef d'État que j'ai aidé et qui, en retour, m'a facilité l'obtention de marchés publics."
Macky Sall lui-même semble avoir cerné la complexité du personnage. Lors de l'inauguration d'un hôtel du groupe Azalaï à Dakar en novembre 2023, il déclarait, non sans ironie : "Ousmane Yara est un homme très exceptionnel et très dangereux." Une description qui résume parfaitement l'ambiguïté de cet homme de l'ombre devenu, le temps d'une crise politique majeure, un acteur incontournable de la vie politique sénégalaise.
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L'APPEL À LA RÉSISTANCE DE DOMINIQUE DE VILLEPIN
Celui qui s'était opposé à la guerre en Irak dresse un parallèle inquiétant entre cette période et la situation actuelle. Entre technologie débridée et retour des idéologies de la séparation, il voit se dessiner un choc des civilisations à contrer
Dans un entretien accordé à Edwy Plenel pour l'émission "L'échappée", Dominique de Villepin, ancien ministre français, lance un avertissement solennel sur les dangers qui menacent l'ordre mondial. Vingt-deux ans après son discours historique à l'ONU contre la guerre en Irak, il dresse un parallèle saisissant entre cette période et la situation actuelle.
L'ancien Premier ministre alerte sur l'émergence d'une Amérique trumpiste qui, selon lui, incarne un modèle dangereux porté par les oligarques de la Silicon Valley, dont Elon Musk. Il dépeint un monde où s'affrontent désormais trois visions de l'humanité : l'universalisme français hérité de la Révolution, prônant l'égalité et la liberté ; l'individualisme américain exacerbé ; et le collectivisme autoritaire chinois.
Face à la montée du suprémacisme et de la hiérarchisation des humanités, de Villepin appelle à une résistance active de l'Europe. Il met en garde contre la réduction de l'être humain à de simples données monétisables par les géants technologiques et plaide pour une défense vigoureuse des valeurs humanistes.
L'ancien diplomate s'insurge également contre la simplification excessive des enjeux diplomatiques actuels. Il défend une approche fondée sur la nuance et le doute constructif, critiquant au passage la tendance à réduire des situations complexes à des formules choc, notamment dans les relations avec l'Algérie.
Dans cet entretien réalisé au musée du Quai Branly-Jacques Chirac, de Villepin réaffirme son engagement à porter une voix indépendante dans le débat public, malgré les intimidations et les attaques personnelles. Il se pose en défenseur d'une certaine idée de la France et de l'Europe face aux défis majeurs qui se profilent à l'horizon, appelant à une mobilisation des consciences pour préserver les valeurs humanistes face aux dérives autoritaires et technologiques.
LES COLLINES, PREMIÈRE ÉPREUVE DES ÉLÈVES DE DINDÉFÉLO ET IWOL
Pour les potaches vivant sur le plateau, escalader ces collines n’est pas une aventure mais une épreuve quotidienne, entre défis physiques et sacrifices scolaires.
Les chutes de Dindéfélo demeurent une attraction qui occulte le bonheur des randonnées et découvertes sur les montagnes du village et d’Iwol. Mais pour les élèves provenant du plateau, leur escalade est une corvée quotidienne.
Sur les contreforts du Fouta-Djallon, dans l’extrême sud-est du Sénégal, le pari semble accessible quoiqu’osé. Les 500 mètres d’altitude ne devraient point poser de problème. Il nous faut progresser au-delà du pied de la montagne, signification de Dindéfélo en pulaar, gravir ses pentes sous la conduite du guide Kaba Tounkara. A peine après avoir quitté le village, notre groupe (deux amies lettones et votre serviteur) entame son odyssée montagnarde par un sentier s’ouvrant au milieu des arbres, arbustes, un chemin parsemé de nombreuses roches noirâtres jonchant le sol encore herbacé en cette fin d’hivernage.
Le chemin, escarpé et sinueux, rend la marche difficile. Le sentier fait de bifurcations, des détours des plus inattendus. C’est une vraie forêt. Il faut souvent se servir de ses mains pour écarter les feuillages qui obstruent le passage ou d’un bâton comme une des nôtres en utilise. Tout en continuant l’escalade vers un horizon incertain, le visiteur doit avoir l’œil rivé sur le sol pour savoir où poser ses pieds. Gare à ceux qui n’ont pas de chaussures adaptées.
La montée comme la descente se révèlent périlleuses eu égard au caractère abrupt de la montagne. La crainte d’une chute nous habite tous et les consignes de prudence qu’on se lance à la volée semblent accentuer les appréhensions. La verdure et le parfum des arbres et herbes aident à supporter l’exercice. Il nous faut de temps à autre s’arrêter pour souffler. L’une des nôtres souffre d’une maladie qui ralentit son endurance physique. A la vérité, nous souffrons tous de la montée d’autant plus que la pratique sportive n’est pas quotidienne chez les randonneurs d’une matinée. La fréquence des haltes « pour se désaltérer » montre que les organismes sont éprouvés.
Le guide s’adapte au rythme et comprend que l’âge de ses clients, la cinquantaine, ne les prédispose pas à un exercice aussi périlleux. A quelques minutes de huit heures, c’est le début des cours au collège et au lycée. On est frappé par les grappes d’élèves qui dévalent ce qui tient lieu de marches pour se rendre à l’école. Constituant le cinquième des effectifs du collège et du lycée, selon le censeur Dame Seck, les élèves, originaires des quatre villages situés sur le plateau, sont soumis à ce « calvaire » tous les jours d’école.
L’habitude et la jeunesse aidant, ces potaches ne semblent point souffrir de la descente ou de la montée. Avec leurs cahiers, livres tenus dans des mains nues ou dans des sacs, ils devisent, discutent, rient aux éclats. Ils saluent ceux qu’ils croisent y compris les étrangers des différents villages du Plateau Dindéfélo. Ici, tout le monde se connaît quasiment. Et le guide du jour est comme un grand frère. Plus les minutes s’égrènent, plus les retardataires pressent le pas. Ceux qui ont le cours d’éducation physique et sportive ont l’accoutrement approprié pour aller à l’école. L’on est également surpris sur la non-emergence d’athlètes de haut niveau dans une zone ceinturée de montagnes.
La montée peut se poursuivre pour les athlètes du jour que nous sommes, et, face à la fatigue éprouvée, l’on se prend de pitié pour les jeunes potaches obligés de faire la randonnée tous les jours. « Cette épreuve constitue un véritable parcours du combattant ; c’est un souci pour nous. Leur vécu quotidien ne nous laisse pas indifférent. Il faut reconnaître : les élèves sont fatigués », compatit le censeur Dame Seck.
Un autre enseignant reconnaît que « quiconque parmi nous escalade la montagne aura dorénavant un regard différent et de la commisération pour les élèves qui nous viennent de la montagne ». Il a connu sa dose de souffrance de cette montée. Course contre la montre A cause de cette corvée des plus éprouvantes, les élèves des villages du plateau sont acceptés en classe même avec 20 minutes de retard.
Au-delà des conditions de déplacement et du facteur temps qu’ils prennent en compte, ils passent très souvent la journée à Dindéfélo et peinent à trouver des tuteurs. L’idée d’ériger un collège sur la montagne est constamment remise sur la table, même si le censeur sait que le « temps des promesses n’est pas celui de la réalisation. C’est un projet qui pourrait être considéré comme chimérique eu égard au nombre réduit d’élèves qui devront le fréquenter, mais aussi au budget qu’il ne serait pas facile de trouver ».
Tout récemment, l’idée a été remise sur la table et envisagée avec la visite d’un conseiller municipal départemental. « L’érection de ce collège serait un moyen d’atténuer les souffrances des élèves », souligne le censeur.
Une « alternative » partagée également par le maire de Dindéfélo, Kikala Diallo. Le corps enseignant est très heureux du « paradoxe constitué du fait que les meilleurs résultats scolaires sont obtenus par les élèves qui viennent de la montagne ». Il existe une « sorte d’émulation, de rivalité » entre les élèves du village et ceux de la montagne, constate le censeur.
Concernant les résultats scolaires, les jeunes filles remportent la palme face aux garçons. Pourtant, pour les principaux concernés, la montagne n’est pas un obstacle à la réussite et aux études.
« C’est dur de monter tous les jours, mais je préfère étudier ici que de retourner à Kédougou où j’ai fait la classe de 6e, vu que mes parents sont là », confie Halimatou Régina Diallo, 14 ans, en classe de 4e. Elle rêve de devenir infirmière. Même son de cloche chez la jeune Coumba Diallo, également élève en 4ème.
Cette dernière milite pour l’ouverture d’une route qui rallierait la montagne au village de Ségou voisin, pourvu également d’un lycée et collège. Le détour serait plus long, mais facilité. Originaire du village de Dandé, Mlle Diallo se projette dans la vie professionnelle dans la médecine ; elle veut embrasser une carrière de sage-femme. Samedi 21 décembre. Le groupe du jour est constitué d’un jeune confrère et d’un photographe. Comme à Dindéfélo, la tâche est plus qu’ardue en voulant prendre d’assaut le sanctuaire d’Iwol, haut de plus 450 mètres et domaine des Beddiks. Nous ne tardons pas, sous les rayons du soleil matinal, à mesurer l’ampleur de la tâche et à réclamer des moments de pause et de récupération. A chaque halte, l’inspiration et la respiration se font à grandes gorgées, sous l’œil amusé de notre guide du jour, un jeune de 13 ans issu du village d’Ibel, au bas de la montagne. Ici, contrairement à Dindéfélo, la route n’est pas rectiligne puisque le guide a choisi l’itinéraire le plus court. Dur de monter tous les jours Mais également le plus difficile. Au retour, la descente s’est révélée plus facile et avec moins d’arrêts. Les élèves du village d’Iwol sont soumis au même calvaire, mais sont aussi plus qu’endurants pour la randonnée.
« Ce n’est pas trop difficile. Il me faut juste 10 minutes pour monter et descendre », avance Kisto Keïta, rencontré en train de descendre, sac à dos, pour rallier Kédougou pour les vacances de Noël.
L’élève accuse du retard scolaire avec ses 18 ans. Il se prédestine à une carrière militaire. Sous l’influence certainement de certains de ses frères, mais également des soldats du centre d’entraînement tactique de Patassy visible dans la montagne voisine. Kisto Keïta déplore le « problème d’eau avec un forage qui fonctionne au solaire, donc pas toujours optimal, et l’absence de terrain de foot ». Plus on avance, nous rencontrons des populations occupées à leurs travaux champêtres. Ici, l’agriculture est la première activité, rangeant en arrière-plan la chasse et la cueillette qui nourrissaient jadis les Bedik. Nous rencontrons le chef du village d’Iwol, Jean-Baptiste Keïta, qui, d’un pas alerte et rapide malgré ses 68 ans, se rend également au champ. Il s’arrête, nous permettant une nouvelle halte et une nouvelle occasion de recharger les batteries. Le sexagénaire expose l’histoire de la localité et le quotidien de ses habitants. Il se propose de nous conduire au baobab mythique, le plus grand du Sénégal avec une circonférence de 23,30 mètres. L’imposant arbre vaut la montée.
par Ibrahima Malick Thioune
L’ABROGATION DE LA LOI D’AMNISTIE, UN DELIRIUM JURIDIQUE
L’abrogation d’une loi – en particulier une loi d’amnistie – ne saurait être analysée uniquement à l’aune de la souveraineté législative. Elle suppose une prise en compte des implications sociales, économiques et morales sous-jacentes
Le crime projette une onde d’émotion dans la société en manifestant une rupture d'équilibre dans la vie sociale. Pour rééquilibrer Il nait sur la tête de l’auteur une dette de rachat. Mais parfois la société pardonne en graciant, parfois elle oublie en amnistiant. Rachat, oubli, pardon. La notion d’amnistie s’inscrit au cœur des systèmes juridiques modernes, reflétant un équilibre complexe entre la nécessité de sanctionner les infractions et la volonté de promouvoir une réconciliation nationale. Historiquement, l’amnistie trouve ses origines dans les pratiques de clémence[1] des souverains, étendue ensuite aux institutions modernes comme un outil d’apaisement sociopolitique. Elle ne trouve guère de justification autrement que dans sa reconnaissance en un instrument de paix sociale notamment en matière de conflit collectif[2]. Philosophiquement, elle repose sur des idées de pardon et de renouveau collectif, comme le soutient Hannah Arendt, qui souligne que l’amnistie constitue « une suspension temporaire de l’irruption du passé dans le présent ». Sociologiquement, elle s’impose souvent dans les contextes de transition ou de crise majeure, visant à cicatriser les fractures sociales. La clémence devient au fil du temps un instrument du droit, une sorte de monnaie d'échange pour remporter la victoire dans un conflit d'intérêts[3].
C’est le quatrième tiret de l’article 67 de la Constitution du 22 janvier 2001 en vigueur qui rappelle que « la loi fixe les règles concernant (…) l’amnistie »[4]. L’amnistie, comme son nom l’indique, est d’origine grecque : c’est l’oubli dans lequel le législateur veut qu’on laisse ce qui a été fait contre la loi. L’amnistie est une fiction en vertu de laquelle’ le législateur tient pour inexistants, non pas les faits qui se sont accomplis, mais leur caractère délictuel. [5]. Elle constitue un acte législatif par lequel sont effacées, jusqu’à leur souvenir même, une condamnation pénale prononcée et toutes poursuites judiciaires engagées pour des faits tombant sous le champ de la loi d’amnistie. Elle a pour effet de supprimer rétroactivement le caractère délictueux des faits auxquels elle se rapporte. Elle peut être accordée alors qu'aucune peine n'a encore été prononcée ou après une condamnation définitive. Celle-ci est alors effacée et aucune information ne figure au casier judiciaire des bénéficiaires de la mesure[6]. C’est acte du pouvoir souverain immunisant des personnes de toute poursuite pénale pour des crimes passés.
De son étymologie, du grec ancien, amnēstia, composé de a- (privation) et mnêstis (souvenir), elle signifie la défense de se souvenir ou, à l’inverse, obligation d’oublier[7]. Elle a pour vocation de rendre juridiquement inexistante l’infraction qu’elle vise, entraînant de ce fait l’extinction de l’action publique ainsi que l’effacement des condamnations, de leurs effets juridiques et de leurs conséquences, quelles qu’elles soient. Ce n’est pas que le législateur puisse supprimer des faits, mais c’est parce qu’il est en son pouvoir de leur ôter toute signification juridique[8]. L’individu bénéficiaire d’une amnistie est dès lors considéré comme n’ayant jamais été condamné. Cette spécificité confère à l’amnistie une portée qui relève exclusivement du domaine législatif, contrairement à la grâce présidentielle, laquelle, bien qu'effaçant les peines, maintient les incapacités juridiques résultant de la condamnation. Il reste que l’amnistie consiste en une mise en échec de la responsabilité pénale[9].
Cependant, la question de l’abrogation d’une loi d’amnistie soulève des défis théoriques et pratiques majeurs. Cette démarche, bien que théoriquement possible au regard des principes fondamentaux du droit, entre en contradiction avec les effets juridiques immédiats et irréversibles produits par une telle loi. Cet article examinera, dans une première partie, les bases juridiques de l’abrogation théorique et, dans une seconde partie, les conséquences juridiques et pratiques de cette tentative, en particulier à la lumière de l’article 6 du Code de procédure pénale.
Possibilité théorique de l’abrogation d’une loi d’amnistie
L’abrogation des lois d’amnistie, bien qu’enracinée dans le principe de souveraineté législative, soulève des interrogations complexes au carrefour du droit public et du droit pénal. Si, en théorie, une loi d’amnistie peut être abrogée par une autre loi, sa nature exceptionnelle, effaçant juridiquement les infractions et leurs conséquences, impose des limites substantielles. Entre respect des principes fondamentaux tels que la sécurité juridique et impossibilité de rétroactivité, cette problématique illustre les tensions entre la souplesse de l’édifice législatif et la stabilité nécessaire au droit.
Le principe de l'abrogation et la souveraineté législative
L’abrogation d’une loi, qui correspond à la suppression de son caractère exécutoire pour l’avenir, constitue une manifestation essentielle du droit législatif et repose sur le principe fondamental du parallélisme des formes. Ce principe, pierre angulaire du droit public, énonce que l’acte juridique qui a instauré une norme légale ne peut être modifié ou abrogé que par un autre acte de nature équivalente ou supérieure dans la hiérarchie des normes. Cette règle, profondément enracinée dans le système normatif, vise à garantir la cohérence et la stabilité de l’ordre juridique tout en encadrant les prérogatives du pouvoir législatif.
En vertu de ce principe, une loi adoptée par le Parlement – qu’il s’agisse d’une loi ordinaire, organique ou spécifique, telle qu’une loi d’amnistie – ne peut être abrogée que par une autre loi adoptée suivant une procédure respectant les mêmes formes ou des formes plus contraignantes. Cela reflète une application directe du principe de souveraineté parlementaire, qui permet au législateur d’adapter en permanence le cadre normatif à l’évolution des besoins sociaux, économiques ou politiques de la société. Cette souveraineté s’exerce dans les limites des mécanismes constitutionnels, qui encadrent à la fois les conditions d’adoption des lois et celles de leur abrogation.
Cependant, l’abrogation d’une loi – en particulier une loi d’amnistie – ne saurait être analysée uniquement à l’aune de la souveraineté législative. Elle soulève des enjeux juridiques complexes qui exigent une articulation entre différents principes du droit public. Parmi ces principes, la sécurité juridique joue un rôle crucial. Celle-ci implique que les citoyens puissent avoir confiance dans la stabilité des normes juridiques applicables à leurs droits et obligations. L’abrogation d’une loi d’amnistie, notamment, peut poser problème si elle remet en question des situations juridiques acquises ou des droits déjà consolidés, ce qui pourrait engendrer une insécurité pour les justiciables. Ainsi, le Conseil constitutionnel, garant de la hiérarchie des normes et du respect des principes constitutionnels, veille à ce que l’abrogation des lois ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à la sécurité juridique.
Par ailleurs, le principe de continuité de la loi impose au législateur de ne pas altérer arbitrairement des normes en vigueur. Une loi d’amnistie, par exemple, répond souvent à un contexte politique ou social spécifique (réconciliation nationale, pardon politique, etc.) et son abrogation pourrait symboliquement ou matériellement contredire ces objectifs initiaux. En pratique, l’abrogation d’une telle loi nécessite un examen approfondi des conséquences juridiques, sociales et politiques, ce qui explique que le législateur encadre souvent ces processus de manière précise dans les textes.
Un autre enjeu réside dans le contrôle juridictionnel de l’abrogation. En principe, le juge n’a pas le pouvoir de censurer l’abrogation d’une loi, qui relève de la compétence exclusive du législateur. Cependant, cette compétence n’est pas absolue. Le juge constitutionnel ou administratif peut être amené à examiner si l’abrogation respecte les normes constitutionnelles ou les engagements internationaux souscrits par l’État, tels que la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, une loi d’abrogation qui porterait atteinte de manière disproportionnée à des droits fondamentaux ou à des principes tels que la non-rétroactivité des lois pénales (article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) pourrait être censurée.
Enfin, il convient de rappeler que l’abrogation d’une loi n’est pas nécessairement expresse. Elle peut être tacite, lorsqu’une nouvelle loi rend matériellement impossible l’application de la précédente, créant ainsi une incompatibilité normative. Cependant, une abrogation tacite peut être source de confusion et d’incertitude juridique, ce qui justifie une préférence pour des abrogations expresses, clairement énoncées dans un dispositif législatif.
En somme, l’abrogation d’une loi, bien qu’elle repose sur le principe du parallélisme des formes, s’inscrit dans une dialectique entre souveraineté législative, sécurité juridique, continuité des normes et respect des engagements constitutionnels et internationaux. Ce processus, loin d’être une simple formalité technique, mobilise des enjeux juridiques, politiques et sociétaux qui nécessitent une rigueur et une réflexion approfondie dans la conduite de l’action législative. Comme le souligne le professeur Georges Vedel, « La loi, expression de la volonté générale, ne peut être modifiée que par elle-même, mais cette modification doit respecter l’équilibre subtil entre pouvoir et stabilité [10]».
L’amnistie : une spécificité juridique face à l’abrogation
L’amnistie, en tant qu’acte législatif, se distingue par sa portée juridique exceptionnelle. Elle efface l’infraction et ses conséquences comme si elles n’avaient jamais existé, modifiant ainsi de manière irréversible l’ordre juridique. Par sa nature, elle opère une extinction des poursuites et des peines, mais aussi une disparition juridique de l’infraction elle-même, ce qui confère à ses effets un caractère définitif. Toute tentative d’abrogation rétroactive d’une loi d’amnistie se heurterait donc à des principes fondamentaux, notamment celui de la sécurité juridique et celui de la non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, consacrés respectivement par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (article 8) et la Convention européenne des droits de l’homme (article 7). Une telle abrogation compromettrait la stabilité du système normatif en remettant en cause des situations consolidées, ce qui irait à l’encontre de la confiance légitime des citoyens. Le Conseil constitutionnel français a, dans ce cadre, rappelé que le législateur ne peut méconnaître les effets qu’il a lui-même produits sans porter atteinte à ces principes fondamentaux[11].
Pour autant, l’abrogation d’une loi d’amnistie est possible dans une perspective strictement prospective, c’est-à-dire pour l’avenir, sans affecter les effets juridiques déjà produits. Cette capacité législative demeure cependant encadrée par des exigences précises. D’un point de vue technique, une telle abrogation doit être formulée de manière claire et explicite pour éviter les incertitudes interprétatives et respecter les principes de sécurité juridique. Politiquement et symboliquement, elle marque une rupture, car les lois d’amnistie s’inscrivent souvent dans des contextes spécifiques de réconciliation nationale ou de pacification sociale. L’abrogation ne saurait donc se réduire à une mesure technique : elle suppose une prise en compte des implications sociales, économiques et morales sous-jacentes. De plus, une telle démarche peut être soumise au contrôle juridictionnel, notamment celui du Conseil constitutionnel, qui veille à ce que l’abrogation respecte les droits fondamentaux et les engagements internationaux de l’État.
Enfin, l’abrogation, même prospective, soulève des enjeux de conformité au droit international. En vertu de la jurisprudence internationale[12], toute modification législative ayant pour effet de rétablir ou de réprimer une infraction déjà effacée pourrait être considérée comme une violation des principes fondamentaux du droit pénal, notamment celui de prévisibilité et de non-rétroactivité. Par conséquent, l’abrogation d’une loi d’amnistie, bien qu’inscrite dans la souveraineté législative du Parlement, est limitée par un équilibre délicat entre la nécessité d’ajuster les normes juridiques aux évolutions sociopolitiques et l’impératif de préserver la sécurité juridique des citoyens et l’intégrité de l’ordre juridique. Il s’agit ainsi d’un exercice de conciliation entre des principes juridiques fondamentaux et les réalités politiques, qui doit être encadré avec rigueur et prudence pour éviter toute instabilité normative.
L’impossibilité pratique d’une abrogation efficace
Cette impossibilité peut se recueillir à travers le double effet de l’amnistie : son irrévocabilité et son intangibilité.
L’irrévocabilité des effets de l’amnistie
L’article 6 du Code de procédure pénale dispose que « l’amnistie efface les condamnations et empêche toute poursuite pour les faits amnistiés ». Cette disposition traduit la nature irrévocable de l’amnistie, qui produit des effets définitifs dès sa promulgation.
Ainsi, même si une loi venait à abroger une amnistie, elle ne pourrait juridiquement rétablir les poursuites ou les condamnations pour les faits antérieurement amnistiés. Cette impossibilité pratique repose sur des considérations fondamentales.
La non-rétroactivité des lois pénales plus sévères
L’abrogation n’est pas une annulation. Une loi abrogée n’annihile pas les effets qui avait été créés par elle. Ce qui n’est pas le cas de l’annulation qui anéantit rétroactivement les effets créés sauf putativité. Le droit pénal offre une illustration spécifique de ces principes.
Le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères incarne une des garanties les plus fondamentales de l'État de droit, visant à protéger les individus contre des modifications législatives susceptibles d’aggraver leur situation juridique pour des faits déjà commis. Ancré dans l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ce principe est également consacré par l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit explicitement toute application rétroactive d’une loi pénale défavorable. D’ailleurs en droit pénal le principe est la non-rétroactivité de la loi qui est une composante d’un principe plus large : le principe de légalité des délits et des peines. Ainsi une nouvelle loi pénale de fond, lorsqu’elle est plus sévère, ne peut s’appliquer à une infraction commise sous l’empire d’une loi antérieure, tant que cette infraction n’a pas été définitivement jugée.
De même, elle ne peut concerner des actes qui, au moment de leur commission, étaient soumis à une sanction moins rigoureuse. En conséquence, une loi pénale plus sévère n’a vocation à régir que les infractions commises à partir de sa date d’entrée en vigueur. Les faits antérieurs, pour lesquels aucune décision définitive n’a encore été rendue, demeurent soumis aux dispositions de la loi en vigueur au moment de leur réalisation. En d’autres mots, lorsque la loi d’amnistie est abrogée, les infractions qu’elle visait ne peuvent être punissable qu’au titre d’une nouvelle loi.
Dans le cadre d’une abrogation d’une loi d’amnistie, la violation de ce principe serait manifeste : une telle abrogation ne constituerait pas simplement un retrait normatif mais réintroduirait de facto des infractions et des condamnations que l’amnistie avait effacées de manière définitive. Ce processus reviendrait à imposer rétroactivement une norme plus sévère, en rétablissant des poursuites pénales ou des peines déjà abolies. Or, une telle démarche heurterait de plein fouet l’exigence de stabilité et de prévisibilité du droit pénal. Comme le souligne Carbonnier, « la justice pénale n’est juste qu’à la condition d’être stable et prévisible » : tout retour en arrière, dans ce contexte, porterait atteinte à l’intégrité du système juridique et à la confiance qu’il inspire aux citoyens
L’intangibilité des effets de l’amnistie
L’amnistie, par sa nature même, instaure un état juridique irréversible. Elle opère un effacement total et définitif des infractions qu’elle vise, assimilant ces dernières à des faits juridiquement inexistants. Ce mécanisme confère aux bénéficiaires une immunité absolue contre toute poursuite future, et ce, dans une perspective de réconciliation ou de pacification sociale. Comme l’a affirmé Duguit, l’amnistie n’est pas seulement une extinction des peines, mais une réhabilitation intégrale de l’individu, le replaçant dans une situation de droit comme si aucune infraction n’avait été commise.
Dans ce cadre, la sécurité juridique s’impose comme le fondement protecteur de cet état de fait. Ce principe, qui garantit la stabilité des situations juridiques et la prévisibilité des règles applicables, interdit toute remise en cause des droits acquis ou des situations consolidées. Abroger une loi d’amnistie ne constituerait pas une simple modification législative : ce serait une tentative de démanteler des droits déjà consacrés par la loi, engendrant une insécurité juridique massive. De surcroît, cette démarche serait illusoire sur le plan pratique. Les effets de l’amnistie, étant définitifs et irrévocables, échappent à toute intervention rétroactive. Une fois l’infraction effacée, l’ordre juridique la considère comme inexistante ; il devient donc juridiquement impossible de faire renaître une action publique ou une condamnation à partir de faits désormais dépourvus d’existence légale.
En ce sens, l’abrogation d’une loi d’amnistie s’apparenterait à une tentative d’« effacer l’effacement », pour reprendre l’expression de certains doctrinaires, ce qui constituerait une hérésie non seulement sur le plan théorique mais également au regard des principes fondamentaux du droit. Cela reviendrait à rompre le pacte tacite entre l’État et ses citoyens, selon lequel toute intervention normative doit préserver un minimum de cohérence et de sécurité. Ainsi, comme le rappelle Hans Kelsen, « le droit est un ordre, et tout désordre dans cet ordre constitue une négation du droit lui-même ».
L’inapplicabilité de la reprise d’information
Les articles 181, 182 et 183 du Code de procédure pénale régissent la reprise de l’information sur charges nouvelles, permettant, en principe, de rouvrir une enquête ou une procédure lorsqu’apparaissent des éléments nouveaux.
La reprise de l’information en matière pénale repose sur des fondements juridiques et philosophiques qui visent à équilibrer deux impératifs majeurs du droit : d’une part, la garantie de la sécurité juridique et de la stabilité des décisions judiciaires, et d’autre part, la nécessité de parvenir à une juste et complète manifestation de la vérité. Ce mécanisme, souvent utilisé pour relancer une procédure pénale après une décision de classement sans suite, un non-lieu ou même un acquittement, constitue une exception au principe de l’autorité de la chose jugée, principe selon lequel une décision judiciaire définitive ne peut être remise en cause. Cette exception est justifiée par le souci de ne pas laisser des faits graves impunis lorsque des éléments nouveaux ou non exploités initialement permettent de rouvrir le débat judiciaire.
Les fondements juridiques de la reprise de l’information s’articulent autour de la notion de charges nouvelles[13], qui en constitue la condition sine qua non. Ces charges doivent être de nature à modifier substantiellement l’appréciation des faits ou à révéler des aspects qui n’ont pu être pris en compte lors de la première procédure. L’objectif est d’assurer que la vérité soit recherchée avec la plus grande exhaustivité possible, sans pour autant porter atteinte de manière disproportionnée à la sécurité juridique. Cette démarche est également ancrée dans une vision éthique de la justice, où la reprise de l’information traduit la volonté de répondre aux attentes des victimes, de rétablir la confiance dans l’institution judiciaire et de faire prévaloir l’intérêt général sur des considérations formelles ou procédurales. Toutefois, pour éviter les dérives, ce mécanisme est strictement encadré et ne peut être activé qu’en présence de faits ou d’éléments probants d’une importance décisive, garantissant ainsi un équilibre entre les droits des individus et l’exigence de justice.
Toutefois, dans le cas d’une loi d’amnistie, ces dispositions ne sauraient être invoquées. Sont considérées comme charges nouvelles les déclarations de témoins, les pièces et les procès-verbaux qui, n'ayant pu être soumis à l'examen du juge d'instruction ou de la chambre d'accusation, sont cependant de nature soit à fortifier les charges qui auraient été jugées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité.
La notion de charges nouvelles revêt une importance décisive dans le cadre de la réouverture d’une enquête ou d’un procès pénal, notamment dans des situations où une décision antérieure, telle qu’un non-lieu ou un acquittement, pourrait être remise en question. Les charges nouvelles se définissent comme des éléments probants inédits – tels que des témoignages, des documents, ou des constatations matérielles – qui n’ont pas été soumis à l’appréciation des juridictions compétentes lors de l’examen initial de l’affaire. Ces éléments doivent être à la fois substantiels et pertinents, c’est-à-dire qu’ils doivent avoir une incidence directe sur l’appréciation des faits ou sur la solidité des charges initialement retenues. Il ne s'agit donc pas simplement de présenter des preuves complémentaires, mais de produire des informations susceptibles de modifier l’appréciation judiciaire par leur portée décisive ou révélatrice.
L’intérêt d’une telle notion repose sur sa finalité essentielle : garantir une meilleure manifestation de la vérité. Les charges nouvelles doivent apporter des développements significatifs qui éclairent les faits de manière à remettre en cause une décision antérieure considérée comme insuffisamment fondée ou qui aurait négligé des aspects clés de l’affaire. Cependant, leur introduction est encadrée par des exigences juridiques strictes pour éviter tout risque de remise en cause arbitraire de décisions judiciaires définitives. En effet, la reconnaissance de charges nouvelles nécessite une évaluation rigoureuse pour s’assurer qu’elles ne relèvent pas d’une simple réitération des éléments déjà analysés, mais qu’elles introduisent véritablement une perspective inédite et déterminante dans l’administration de la justice. Ce cadre protecteur garantit à la fois le respect de la sécurité juridique et l’équilibre entre les droits des parties.
Or, l’amnistie a pour effet d’effacer les infractions comme si elles n’avaient jamais existé. L’amnistie est une mesure d’oubli qui fait disparaitre l’infraction mais la matérialité des faits subsiste[14]. Par conséquent, il est juridiquement impossible de considérer que des faits amnistiés puissent faire l’objet de nouvelles charges. L’absence de faits nouveaux en tant que tels rend ces articles inapplicables dans ce contexte. Cette situation souligne l’étendue des effets d’une amnistie, qui interdit tout retour en arrière, même sous l’apparence de nouvelles preuves ou éléments.
En somme, l’abrogation d’une loi d’amnistie, bien que théoriquement envisageable, se heurte à des barrières juridiques insurmontables qui rendent son application pratique inopérante.
L’amnistie, en tant qu’instrument juridique, témoigne de la capacité d’un système pénal à s’adapter aux exigences de réconciliation et de pardon dans des contextes exceptionnels tant est si que cette loi en cause poursuive ce but. Si son abrogation peut être envisagée sous l’angle du parallélisme des formes, elle se heurte à des limitations juridiques qui protègent les principes fondamentaux de la sécurité juridique et de la non-rétroactivité. Ainsi, toute tentative de revenir sur une amnistie accordée ne peut qu’être perçue comme un delirium juridique, susceptible de déstabiliser l’ordre juridique et social qu’elle cherche précisément à apaiser.
En conclusion, l’amnistie, lorsqu’elle est mal encadrée, comporte le risque de consacrer une véritable culture de l’impunité, en neutralisant toute poursuite judiciaire et en effaçant rétroactivement les infractions. Il s’agit, en principe, d’une mesure d’oubli collectif généralement adoptée au terme des graves crises civiles pour permettre le retour à la paix et la remise en route sereine d’une société un moment déchirée[15]. La sous-jacence est de déclarer symboliquement que la crise est finie et qu’on n’en parlera plus puisqu’elle nuit à la vie commune[16].La possibilité d’un conflit entre les exigences de réconciliation d’un corps social et l’activité menée par un organe judiciaire de répression nationale ou internationale préfigure une possible hétérogénéité des intérêts à protéger, qui laissent entrevoir le besoin d’une grille taxinomique d’orientation[17]. Une mauvaise utilisation pourrait miner les droits fondamentaux des victimes, en les privant de leur accès à la justice et à une réparation légitime. Cette négation des préjudices subis équivaut à une marginalisation des victimes et peut engendrer une profonde défiance envers les institutions judiciaires, perçues alors comme défaillantes dans leur rôle de gardiennes de l’équité et du droit. Seulement et heureusement, l’amnistie ne porte pas atteinte aux droits des victimes à demander réparation.
Dans cet ordre d’idées, une nuance inspirée par un relecteur avisé et un tantinet nourri aux effluves du droit naturel doit être introduite pour éviter que l’amnistie ne soit une simple modalité d’absolution de l’odieux et pour ses promoteurs de s’aménager un abri d’impunité. C’est en ce sens qu’un auteur disait « L’amnistie n’est pas toujours une quête de réconciliation, mais souvent une arme pour effacer les traces des crimes du pouvoir »[18] parce que « la plus grande injustice peut être habillée d’une forme juridique parfaite »[19]. En effet, pour revenir à la dialectique victimes-coupables, quid du droit des victimes identifiables lorsqu’elles ne sont même pas dans la possibilité d’identifier leurs coupables ? Les victimes de la période noire du Sénégal ont pâti de la violence du bourreau, du dominant, du persécuteur. L’agression subie était la négation du droit, la résistance opposée était la négation de cette négation, c’est-à-dire l’affirmation du droit. Si bien que « sans égard aux victimes la loi n’est pas une loi d’amnistie, mais une loi d’amnésie. On ne peut priver à une société le droit de savoir la vérité. Une société recourt à la technique d’amnistie lorsqu’elle veut passer l’éponge sur l’ignominie. L’amnistie doit être utilisée avec beaucoup de précaution et de sagesse au risque de se retrouver avec des dommages sans auteurs et des infractions sans juges[20]. ». Or, les lois d’amnistie peuvent priver les victimes de leur droit à un recours effectif et à une réparation, en contradiction avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, en exonérant de leurs responsabilités les auteurs d’actes répréhensibles, l’amnistie affaiblit la fonction dissuasive du droit pénal, ouvrant ainsi la voie à la répétition des infractions et à une banalisation des comportements délictueux, notamment dans des contextes où elle est utilisée comme un instrument de protection des élites dirigeantes. Le pardon fondé sur des causes politiques ou d'ordre public est immoral en ce qu'il ne prend pas en considération l'évolution de la personnalité du coupable, mais l'intérêt de la société, voire de quelques-uns[21].
Dans cette occurrence, une amnistie accordée sans mécanismes complémentaires, tels qu’une justice transitionnelle ou des mesures de vérité et réconciliation, compromet gravement les dynamiques de pacification et de cohésion nationale. L’absence de reconnaissance des torts infligés et de dialogue inclusif avec les victimes peut exacerber les tensions sociales et prolonger les fractures collectives, à rebours des objectifs initiaux de réconciliation. En ce sens, l’amnistie, pour éviter de devenir un outil d’amnésie collective au détriment des impératifs de justice, doit impérativement s’inscrire dans un cadre honnête garantissant un équilibre entre les nécessités de stabilisation sociale et le respect des principes fondamentaux de responsabilité pénale et de réparation.
[1] H. Ruiz Fabri et ali , Les institutions de clémence (amnistie, grâce, prescription) en droit international et droit constitutionnel compare, www.cairn.info,
[2] B. Rebstock, « Le droit à l’oubli en matière pénale ». Les Cahiers Portalis, 2016/1 N° 3, 2016. p.25-32. CAIRN.INFO, droit.cairn.info/revue-les-cahiers-portalis-2016-1-page-25?lang=fr.
[3] Jean-Michel Jude (sous la direction de), La clémence et le droit, Economica, Paris, 2011
[4] M. Diakhate, L’amnistie au Sénégal dans tous ses états., www.ceracle.com
[5] J-A. Roux , Notions générales sur l’amnistie, « Cours de droit criminel français », T. I, § 150,
Sirey, Paris 1927, 2e éd.
[6] Senat, L'amnistie et la grâce, Étude de législation comparée n° 177 - octobre 2007
[9] M. DELMAS-MARTY, « Chapitre 4. La responsabilité pénale en échec (prescription, amnistie, immunités) ». Juridictions nationales et crimes internationaux, Presses Universitaires de France, 2002. p.613-652. CAIRN.INFO, droit.cairn.info/juridictions-nationales-et-crimes-internationaux--9782130526926-page-613?lang=fr.
[10] G. Vedel, Droit constitutionnel. Presses Universitaires de France, 1962.
[12] Cour européenne des droits de l’homme. Scoppola c. Italie (n°2), requête n° 10249/03, arrêt du 17 septembre 2009. L'affaire Scoppola c. Italie (n°2) concerne un litige devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) relatif à l'application rétroactive de lois pénales plus favorables. M. Scoppola, condamné à une peine de réclusion à perpétuité en Italie pour homicide, a fait valoir qu'une législation postérieure plus clémente, adoptée après sa condamnation, aurait dû s'appliquer à son cas. Il s'est appuyé sur l'article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit la rétroactivité des lois pénales plus sévères, mais qui prévoit également l'application rétroactive des lois plus favorables.
La Cour a jugé que l'article 7 impose non seulement une interdiction des lois rétroactives plus sévères, mais également une obligation pour les États d'appliquer les lois pénales plus clémentes adoptées après les faits reprochés. En l’espèce, la Cour a conclu que l'Italie avait violé cet article en refusant à M. Scoppola l’application d’une législation plus favorable entrée en vigueur après sa condamnation.
[13] Y. Mayaud, Des charges nouvelles aux faits nouveaux, ou des méandres de la requalification sur fond d'assassinat, In Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2011, 03, pp.613. ⟨halshs-02244819⟩
[14] A. Thiam, La loi d’amnistie, sous éclairage !, https://www.sudquotidien.sn, Fevrier 2024. L’auteur précise que « l’amnistie enlève à l’infraction son caractère délictueux. Mais la matérialité des faits subsiste. La victime de l’infraction amnistiée peut par conséquent agir en réparation. L’action en dommages-intérêts de la victime est toujours rappelée par les lois d’amnistie lorsqu’elles emploient la formule: « l’amnistie ne saurait préjudicier aux droits des tiers ». De même, le fait amnistié peut entrainer l’application d’une mesure disciplinaire sauf si la loi d’amnistie en dispose autrement. »
[15] S. Gacon, « L’amnistie en France : histoire et pratiques ». Rendre la justice en Dauphiné De 1453 à 2003, Presses universitaires de Grenoble, 2013. p.175-178. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/rendre-la-justice-en-dauphine--9782706111754-page-175?lang=fr.
[20] Cet ami relecteur, E. S. N, est l’un des esprits les plus brillants de sa génération. Fiévreux lecteur et docte penseur, il navigue avec aisance entre droit international et droit civil. Sa science juridique s’éclaire de domaines extérieurs au droit tant il butine dans la sociologie, l’épistémologie et l’histoire.
[21] S. BOUHNIK-LAVAGNA, Le pardon en Droit pénal, Thèse de doctorat, sous la direction de Roger Bernardini, Nice, 1998.
Par Bachir FOFANA
AU ROYAUME DES 54%, LA JUSTICE EST AUX ORDRES
Il est clair qu’il y a un certain nombre de faits qui ne militent pas pour une organisation et un fonctionnement impartial du pouvoir judiciaire
La cérémonie de Rentrée des cours et tribunaux 2025 a été présidée par le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, le 16 janvier 2025. Cette cérémonie solennelle, qui s’est tenue à la Cour suprême, marque le début de l’année judiciaire 2025 et constitue une première pour le chef de l’Etat depuis son accession au pouvoir le 24 mars 2024. Le thème choisi pour cette année est : «Droit de grève et préservation de l’ordre public.» Le Président Bassirou Diomaye Faye a souligné l’importance de la Justice au cœur de la République, en tant que garante des libertés fondamentales et de l’équilibre social. Il a également mis en avant la nécessité de poursuivre les réformes pour moderniser davantage le système judiciaire et veiller à ce que le droit de grève s’exerce dans le respect de l’ordre public et de l’intérêt général.
Cependant, face à des situations pour le moins suspectes, il est clair que cette volonté du président de la République, appréciée à l’aune des pratiques de la Justice, est à l’opposé de ce qu’il prône. En effet, comment comprendre que cette Justice semble agir et fonctionner sous la dictée de l’Exécutif, particulièrement en suivant les humeurs du Premier ministre. Il est clair qu’il y a un certain nombre de faits qui ne militent pas pour une organisation et un fonctionnement impartial du Pouvoir judiciaire.
Premièrement, lors de son show du Grand théâtre en mai dernier, le Premier ministre a nommément accusé le président du Conseil constitutionnel d’être un corrompu qui l’a empêché d’être candidat à la Présidentielle. Il a aussi dit ce jour-là que la reddition des comptes commencera après avoir «nettoyé» la Justice. Dans un passé assez récent, certains acteurs politiques avaient dit moins que cela et cela leur avait valu des remontrances de la part de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums). Mais bizarrement face aux agressions sauvages du chef du gouvernement, cette organisation semble très aphone (Cf, notre Chronique du 12 octobre 2024).
Deuxièmement, nous avons tous entendu le Premier ministre dire que le ministre de la Justice doit sa nomination au fait que c’est lui qui a fait la proposition au président de la République ; et qu’à partir de cela, Ousmane Diagne est une autorité politique qui doit s’exécuter quand il le lui demande. «Si je vous demande d’arrêter quelqu’un, vous devez l’arrêter», avait-il dit lors de la campagne pour les Législatives anticipées. D’ailleurs, l’on constatera que 81 personnes furent arrêtées la nuit même de cette fracassante annonce.
Troisièmement, nous avons également vu Ousmane Sonko contester la décision de condamnation pour 15 jours du chroniqueur Ahmed Ndoye. Il avait jugé que la sentence était trop clémente et ne s’était pas privé de menacer les magistrats et les fonctionnaires qui poseraient des actes hostiles à la «révolution» en cours.
Quatrièmement, sur le cas Farba Ngom, le leader de Pastef a eu à faire plusieurs fois des allusions sur son cas : lors de son meeting de Dakar Arena, en meetings politiques à Matam et à Agnam. C’était pour le menacer de poursuites judiciaires. Il est même allé jusqu’à dire que ce serait «la dernière élection à laquelle il participerait».
Toutes choses qui font qu’aujourd’hui les procédures déclenchées par le Pôle judiciaire financier sont entachées de suspicions légitimes vu que cette institution judiciaire dont la mise en œuvre a été saluée par tous les acteurs qui militent pour la transparence dans les Finances publiques, semble agir sur ordre et pour le compte du Premier ministre. Par ce fait, nous constatons une immixtion anormale et injustifiée de l’Exécutif dans le fonctionnement du Pouvoir judiciaire. Ce qu’a d’ailleurs dénoncé Ibrahima Hamidou Dème, ancien magistrat de son état. «Si on constate que les déclarations et les menaces proférées par le Premier ministre Ousmane Sonko contre certaines personnalités politiques … sont suivies d’effets, on est en droit de tirer à nouveau le signal d’alarme», a déclaré sur sa page Facebook, l’ex-juge, qui est allé plus loin en soutenant qu’il ne faut plus jamais jouer avec la Justice ou en faire un instrument pour vaincre ses adversaires politiques. «L’obligation de redevabilité et l’impératif de recouvrer nos deniers publics spoliés ne doivent cependant pas entraîner la Justice à faillir à ses obligations d’une justice indépendante et impartiale, seule pouvant garantir un procès équitable», dit-il. Selon le magistrat, qui a démissionné en mars 2018, le Pool judiciaire financier est en train de se laisser politiser comme la Crei en 2012. «L’histoire est en train de bégayer. Il y a une dizaine d’années, après la deuxième alternance de 2012, une juridiction très utile contre la corruption et l’enrichissement illicite a été pervertie par son instrumentalisation par l’Exécutif. Actuellement, le Pool judiciaire financier, qui a corrigé certaines imperfections de la Crei, semble suivre le chemin d’une justice dévoyée par sa politisation.»
L’opinion commence à se faire une religion sur le Pjf : c’est le bras armé de Ousmane Sonko pour, non pas «réduire l’opposition à sa plus simple expression», mais effacer celle-ci de la carte politique. Et encore une fois, les politiques auront fait jouer à la Justice le sale boulot. En effet, il n’y a eu aucun communiqué ni aucun début de procédure judiciaire quand le Premier ministre a fait l’annonce que plus de 1000 milliards de francs Cfa (Cf, Contrepoint du 2 novembre 2024) ont été trouvés dans un seul compte bancaire appartenant à une autorité de l’ancien pouvoir.
La perception du citoyen sénégalais sur le fonctionnement de la Justice est souvent teintée de scepticisme et de méfiance, et les agissements du Pjf le confortent. En effet, le «vraifaux» communiqué diffusé avant l’officiel indique que ce pan important de la Justice met en avant les considérations politiciennes plutôt que le respect de la présomption d’innocence et du droit des accusés. Ainsi, beaucoup de citoyens estiment que les tribunaux ne sont pas à l’abri des influences politiques et des intérêts particuliers. Cette vision est alimentée par des affaires médiatisées où des personnalités influentes semblent bénéficier d’un traitement de faveur, alors que les citoyens ordinaires, eux, se retrouvent parfois privés de justice équitable. Comment comprendre que la plainte déposée contre Samuel Sarr soit traitée, alors que celle qu’il a déposée dorme encore dans les tiroirs du Parquet ? Comment d’ailleurs comprendre que la banque qui était poursuivie au même titre que Khadim Ba soit hors de cause et que le Dg de Locafrique soit toujours en détention ?
Les Sénégalais ont massivement voté pour ce pouvoir pour espérer une justice qui soit réellement indépendante et impartiale, capable de défendre les droits de tous sans distinction. Ils souhaitent voir des juges rendre des décisions basées uniquement sur la loi et non sur des consignes ou des pressions politiques. C’est d’ailleurs la promesse faite par Diomaye dans son programme avec des réformes judiciaires qui prennent en compte ces préoccupations, tout en œuvrant à rétablir la confiance de la population dans le système de justice. Or, aujourd’hui, le sentiment le plus partagé est que nous sommes en train de vivre la justice des vainqueurs, les règlements de comptes et la judiciarisation des conflits politiques.
Au-delà de cette sélectivité dans le traitement des dossiers, dans ce Pjf, figureraient des juges qui auraient manifesté leur penchant pour Ousmane Sonko avant l’arrivée de Pastef au pouvoir. Pour certains d’entre eux, ils ne s’en cachaient même pas dans leurs pages Facebook. Il s’agit manifestement de ceux que le leader de Pastef avait qualifiés de «bons juges» dans une de ses sorties publiques. De ce fait, la nomination de juges perçus comme proches du pouvoir nourrit les soupçons d’une instrumentalisation de la Justice. Cette pratique n’est pas seulement un outil de répression contre les opposants ; elle polarise également la société en créant une dichotomie artificielle entre «bons citoyens», ceux qui soutiennent le régime, et «mauvais citoyens», ceux qui le critiquent.
En fait, nous nageons dans un éternel recommencement. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on a l’impression que le Sénégal tourne en rond. Chaque nouveau régime perd au moins trois à quatre ans sur des redditions des comptes sélectives avant de s’attaquer aux vrais problèmes du pays.
Deux ou trois personnages de premier plan du régime sortant seront «immolés» sur l’autel de la reddition des comptes pour apaiser les frustrations et les colères du Peuple, avant le début des choses sérieuses. Wade avait eu Mbaye Diouf, Aziz Tall et Pathé Ndiaye. Macky Sall avait scalpé Karim Wade et Cie. Aujourd’hui, c’est Farba Ngom et peut-être Abdoulaye Saydou Sow. Rien de nouveau sous le soleil. Au royaume des 54%, la Justice est aux ordres et rien ne change.
Par André Gribel
IMBROGLIO AUTOUR D’UN ACTE ADMINISTRATIF
La Fédération sénégalaise de football (FSF) a-t-elle fait perdre au Casa Sports 185.000 euros (soit plus de 120 millions F CFA) en omettant d’inscrire le nom du club de Ziguinchor, formateur de Nicolas Jackson, sur le passeport de ce dernier ?
La Fédération sénégalaise de football (FSF) a-t-elle fait perdre au Casa Sports 185.000 euros (soit plus de 120 millions F CFA) en omettant d’inscrire le nom du club de Ziguinchor, formateur de Nicolas Jackson, sur le passeport de ce dernier ? En tout cas, c’est qu’a laissé entendre le Département Enregistrement et Transfert de Données des Joueurs de la Fifa dans sa lettre-réponse au Casa Sports qui réclamait a Chelsea FC (Premier League), une contribution de solidarité dans le cadre du transfert de Nicolas Jackson en provenance de Villarreal C.F (Liga). Sauf que l’instance fédérale refuse d’endosser une quelconque responsable dans ce dossier en publiant le document attestant de la mise à disposition du passeport sportif au Casa Sports depuis le 19 décembre 2024. Au niveau du club formateur, sans vouloir verser dans la polémique, une responsable reconnait qu’il y a une vice de procédure dans l’enregistrement du joueur mais que les avocats du club engagent la bataille judiciaire pour récupérer l’argent. Sud Quotidien publie in extension pour ces lecteurs, la lettre-réponse de la Fifa et le document émis par la FSF.
« VIA TMS CASA SPORT DE ZIGUINCHOR
Miami, le 7 janvier 2025
Répartition de la contribution de solidarité dans le cadre du transfert de Nicolas JACKSON du Villarreal C.F. (Espagne) au Chelsea Football Club (Angleterre).
Réf. N° TMS 14833 (veuillez toujours citer cette référence dans toute correspondance future)
Chère Madame, Cher Monsieur,
Nous nous référons à la question susmentionnée et accusons réception de votre correspondance téléchargée dans TMS le 6 janvier 2025, et avons pris bonne note de votre intention de déposer une réclamation concernant la contribution de solidarité dans le cadre du transfert susmentionné.
À cet égard, nous vous informons que le Règlement de la Chambre de compensation de la FIFA (FCHR) est entré en vigueur le 16 novembre 2022.
En conséquence, les cas de récompenses de formation où l'enregistrement ou le transfert du joueur a eu lieu le 16 novembre 2022 ou après cette date sont traités via le processus d'examen du passeport électronique du joueur (EPP) et payés via la Chambre de compensation de la FIFA, et non via le système de réclamations de TMS.
En particulier, nous vous informons que le transfert de référence a conduit à un déclencheur de récompense de formation identifié par TMS et que par conséquent l'EPP-25375 a été généré (cf. articles 5 à 8 du FCHR) et que votre association membre, la Fédération sénégalaise de football, a été répertoriée comme participante.
À cet égard, nous tenons à souligner que l'article 8.3 lit. b) de la FCHR stipule qu'un club qui n'est pas répertorié dans l'EPP provisoire et estime qu'il devrait être inclus dans l'EPP définitif peut demander à son association membre d'être incluse dans le processus de révision de l'EPP et de fournir des informations d'inscription pertinentes, et que les associations membres doivent agir de bonne foi en répondant à cette demande.
En outre, nous vous informons également qu'après la conduite du processus de révision de l'EPP au sens de l'article 9 de la FCHR, l'EPP n° 25375 est devenu définitif suite à la décision du secrétariat général de la FIFA du 10 octobre 2023. Nous reconnaissons également que vous n'avez pas été ajouté par la Fédération sénégalaise de football lors du processus de révision de l'EPP.
Nonobstant ce qui précède, l'article 18.2 du FCHR stipule qu'un club qui n'a pas pris part au processus EPP concerné et qui répond à certains critères peut déposer une réclamation, conformément à l'article 27 du Règlement de procédure régissant le Tribunal du football. Plus spécifiquement, l'article 18.2 du FCHR est limité aux cas où un club considère qu'à la suite d'un transfert-pont (cf. article 5bis du RSTP ), d'un échange de joueurs ou d'informations déclarées par le nouveau club ou son association membre (y compris la catégorie de formation du club), i. qu'il n'avait pas droit à tort à des récompenses de formation, ou avait droit à un montant inférieur à celui qui aurait dû être calculé ; ou ii. un processus de révision du PEP aurait dû avoir lieu ; et c) considère qu'il a le droit de recevoir des récompenses de formation.
Sur la base de ce qui précède, étant donné que votre association membre a participé au processus de révision du PEP pertinent, nous avons le regret de vous informer que les conditions énoncées à l'article 18.2 du FCHR ne semblent pas être remplies et que, par conséquent, votre réclamation ne peut être prise en compte.
En conséquence, nous allons par la présente procéder à la clôture de la réclamation TMS 14833. Enfin, et par souci d'exhaustivité, nous souhaitons vous renvoyer à l'article 17.3 du FCHR. Nous vous remercions d'avoir pris note de ce qui précède».
Cordialement, Au nom du Tribunal du Football
André Gribel
Gestionnaire de dossier Département Enregistrement et Transfert de Données des Joueurs
LINGUERE-US GOREE, UN DUEL DES EXTREMES QUI PROMET
Après l’intermède des 32e finale de la Coupe du Sénégal, la Ligue 1 prend le relais avec la 12e journée.
Après l’intermède des 32e finale de la Coupe du Sénégal, la Ligue 1 prend le relais avec la 12e journée. Elle sera marquée par le duel « des extrêmes » qui mettra aux prises leader, l’Us Gorée à la Linguère de Saint Louis, première équipe relégable. Cette journée sera aussi marquée par les retrouvailles entre Dakar AJEL de Rufisque et Dakar SacréCœur (DSC), trois jours après leur rencontre en Coupe du Sénégal soldée par le succès et la qualification des Académiciens
Solide leader, l’Us Gorée poursuit son chemin dans le championnat de Ligue 1 qui entre ce samedi dans sa 12e journée. Le club insulaire (1er ; 26 points) se rend à Kébémer pour le duel des « extrêmes » qui l’opposera lundi à la Linguère de Saint Louis. L’élimination surprise par la modeste équipe des Damels ce jeudi en Coupe du Sénégal sonne comme une alerte du côté de la formation Saint Louisienne. C’est sans doute qui explique le remue-ménage effectué au sein du club avec le départ de son entraineur Massamba Cissé et le retour de l’ancien président Amara Traoré dans l’encadrement. La Linguère (15e ; 9 points) voudra donc trouver la bonne carburation et surtout sortir de la zone de relégation.
En entendant la 12e journée la Ligue 1 va s’ouvrir ce samedi 18 janvier, avec le duel qui opposera au stade Ngalandou Diouf, l’AJEL de Rufisque (9e ; 13 points) à Dakar Sacré- Cœur (5e ; 16 points). Des retrouvailles qui promettent entre ces deux équipes qui se sont déjà mesurés mercredi dernier en 32e de finale de la Coupe du Sénégal. Avec au bout une victoire et la qualification du club académicien. La journée se poursuivra avec trois autres rencontres ce dimanche. La première opposera au stade municipal de Ngor, l’US Ouakam (11e. 13 points) à l’AS Pikine (12e ; 11 points).
Au même moment, le Casa sports (14e ; 10 points) accueillera au stade Aline Sitoe Diatta, Teungueth FC. A un point de la Linguère, les Ziguinchorois (14e ; 10 points) auront devant leurs supporters l’obligation de gagner pour ne pas glisser de nouveau dans la zone rouge. Les Rufisquois, quant à eux, entament avec ce déplacement dans le championnat sous un nouvel élan puisqu’ils viennent, comme la Linguère, de se défaire de leur entraineur Sidath Sarr, éjecté suite à l’élimination de Teungueth FC aux 32e de finale de la Coupe du Sénégal par le DUC.
Le club du président Babacar Ndiaye, est actuellement 6e au classement avec 13 points du leader, l’US Gorée. De son côté, la Sonacos (8e, 13 points), accueillera au stade Eli Manel Fall Diourbel, le Jamono de Fatick, actuelle lanterne rouge (16e ; 7 points).
L’autre promu Oslo FA de Grand Yoff de son côté, jouera le lendemain lundi au stade municipal des Parcelles Assainies où il recevra Génération foot (10e ; 13 points).
La 12e journée sera clôturée mardi par un duel de promus au stade Lat Dior, entre les promus thiéssois de Wallydaan, qui occupent la place de dauphin (2e, 20 points) et les HLM de Dakar (13e ; 11 points). Quant au duel Guédiawaye FC (7e ; 7 points) - Jaraaf (4e ; 16 points) il a été reporté en raison du déplacement du club « Vert et Blanc » sur la pelouse de l’USM Alger comptant pour la 6e journée de la Coupe CAF.
PROGRAMME 12E JOURNÉE DE LA LIGUE 1
SAMEDI 18 JANVIER
Stade Nganlandou Diouf
AJEL-DSC (16h30)
DIMANCHE 19 JANVIER
Stade municipal de Ngor
USO-Pikine (16h30)
Stade Eli Manel Fall Diourbel
SONACOS-ASUC Jamono de Fatick
Stade municipal de Kébémer
17h 30 : Linguère- Gorée
LUNDI 20 JANVIER
Stade municipal des Parcelles Assainies
Oslo FA- Génération foot