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par Ibrahima Thiam
QUAND JUSTICE RIME AVEC COÏNCIDENCE
Le Premier ministre l'avait annoncé : "Farba Ngom ne fera plus jamais campagne après cette consultation." Une déclaration qui résonne aujourd'hui comme un oracle, alors que le nouveau député se retrouve menacé de perdre son immunité parlementaire
Rappelez-vous cette déclaration mémorable du Premier ministre en pleine campagne : “Farba Ngom ne fera plus jamais campagne après cette consultation.” Un avertissement ? Une prophétie ? On aurait dû écouter plus attentivement, car voilà que l’élu fraîchement installé au parlement se retrouve déjà sur le banc des accusés, au cœur d’une procédure de levée d’immunité parlementaire. Si la politique sénégalaise était une série, ce serait un cliffhanger de choix.
Qu’on soit clair, la levée d’immunité parlementaire, c’est une procédure tout à fait normale. Mais pourquoi le timing donne-t-il toujours l’impression qu’il a été soigneusement scénarisé ? Pourquoi, subitement après son élection, Farba Ngom se retrouve-t-il au cœur de l’ouragan judiciaire ? Si le dossier était prêt, pourquoi ne pas l’avoir traité avant ? mais ce serait gâcher tout le suspense, n’est-ce pas ?
Il faut dire que le peuple sénégalais adore les feuilletons politico-judiciaires. On nous promet de la justice, on nous sert du spectacle. D’un côté, on agite la bannière de la reddition des comptes, ce qui est légitime. De l’autre, on laisse planer l’ombre d’un règlement de comptes savamment orchestré. Et nous, pauvres spectateurs, oscillons entre applaudissements pour la transparence et soupçons sur la motivation réelle du scénario.
Attention, ne nous méprenons pas : toute personne ayant abusé des deniers publics doit être traduite devant la justice. Mais pour que cela ait du sens, encore faudrait-il que la justice soit perçue comme impartiale et indépendante. Car, voyez-vous, une justice qui choisit ses cibles, ça ressemble plus à une chasse qu’à une quête de vérité.
Prenons un instant pour réfléchir. Farba Ngom est-il coupable ? Peut-être. Est-il victime d’un jeu politique ? Qui sait ? Mais ce qui est sûr, c’est que le calendrier pose question. Ce timing impeccable, juste après son élection, donne l’impression d’une justice qui, comme un acteur principal, attend toujours son moment de gloire. Pourquoi ne pas éclaircir ces soupçons avant qu’il ne devienne député ? Pourquoi attendre que les projecteurs soient braqués sur lui pour sortir le dossier ?
Ne nous mentons pas : cette affaire dépasse le cas de Farba Ngom. Elle pose une question essentielle sur l’état de nos institutions. Une justice équitable ne doit pas donner l’impression d’être une marionnette manipulée par des intérêts politiques. Sinon, on risque de confondre reddition des comptes et règlement de comptes, ce qui, reconnaissons-le, est une nuance de taille.
Le peuple sénégalais mérite mieux qu’une justice qui semble toujours intervenir au bon moment pour le mauvais effet. Il aspire à des institutions fortes et crédibles, où la lutte contre la corruption est menée avec rigueur et impartialité. Parce qu’au fond, ce que les citoyens veulent, ce n’est pas des séries à rebondissements, mais un véritable système de justice où les lois s’appliquent à tous, sans distinction ni manipulation.
Alors, Farba Ngom, héros ou bouc-émissaire ? La réponse importe moins que la manière dont cette affaire sera gérée. Parce qu’au final, la crédibilité de nos institutions en dépend. Et si cette affaire n’est qu’un épisode de plus dans la longue série des manipulations politiques, alors il faudra bien admettre que ce n’est pas la justice qui triomphe, mais le cynisme. À quand une vraie réforme, pour qu’on arrête de confondre tribunal et théâtre ?
TRUMP REVIENT EN MAÎTRE À WASHINGTON
À quelques heures de prêter serment pour la seconde fois, Donald Trump savoure déjà sa victoire sur une capitale qui lui résistait jadis. Des patrons de la tech aux médias mainstream, c'est désormais à qui montrera le plus de déférence envers le président
(SenePlus) - Dans un article approfondi, le New York Times dresse le portrait d'une capitale américaine qui, à la veille de la seconde investiture de Donald Trump, affiche un visage radicalement différent de celui de 2017. Le journal décrit une ville où la défiance d'antan a cédé la place à une forme de soumission généralisée.
Si le dispositif de sécurité reste imposant - "plus de 30 miles de clôtures anti-escalade" et "des barrières en béton" selon le quotidien new-yorkais - l'atmosphère n'a plus rien à voir avec la tension qui régnait il y a huit ans. "La résistance de 2017 s'est transformée en résignation de 2025", observe le New York Times.
Le journal rapporte un changement radical d'attitude des élites. Les magnats de la technologie "se précipitent à Mar-a-Lago pour rendre hommage" au président élu, tandis que "les milliardaires signent des chèques à sept chiffres" pour s'assurer une place à la cérémonie d'investiture. Plus révélateur encore, "certaines entreprises abandonnent préventivement leurs programmes climatiques et de diversité pour s'attirer les faveurs" du futur président.
David Urban, stratège républicain et allié de Trump, résume ce revirement dans les colonnes du quotidien : "Le hashtag-résistance s'est transformé en hashtag-capitulation. Les bonnets roses sont remplacés par des casquettes MAGA portées par des Noirs et des Bruns."
Face à cette nouvelle réalité, l'opposition semble déboussolée. Donna Brazile, ancienne présidente du Comité national démocrate, confie au NYT : "Les leaders démocrates ont appris que concentrer toute l'énergie sur un seul homme n'a pas fait la différence. C'est une pilule amère à avaler, mais ce n'est pas la fin."
Les manifestants qui persistent dans leur opposition, comme Lisa Clark, 65 ans, venue d'Akron dans l'Ohio, expriment leur lassitude tout en maintenant leur détermination : "Pourquoi devons-nous continuer à faire cela ? Mais bon, nous le ferons. Nous avons déjà été là, et nous y retournerons si nécessaire."
Cette seconde investiture de Trump marque ainsi, selon le New York Times, un tournant majeur dans la politique américaine. Le journal conclut que le président élu "n'a même pas besoin d'agir pour forcer ses adversaires à s'adapter" : sa simple présence suffit à remodeler le paysage politique américain. Une réalité qui laisse Sarah Longwell, stratège républicaine anti-Trump, poser la question qui hante désormais Washington : "Comment endurer les quatre prochaines années ?"
Le président de LDR Yessal livre une analyse sans concession de la situation politique et économique du Sénégal. Il s'inquiète particulièrement de la gestion financière actuelle et des choix stratégiques des nouvelles autorités
Modou Diagne Fada, président de LDR Yessal, était l’invité de l’émission « Point de vue » sur RTS1. Au cours de l’émission, il a abordé plusieurs sujets d’actualité, notamment la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom, la gestion de la dette publique et le projet de pôles territoires.
Lors de son intervention, Modou Diagne Fada a exprimé sa surprise quant au fait que Farba Ngom soit la première victime d’une procédure de levée d’immunité parlementaire. « Je n’ai jamais pensé que la première victime serait Farba Ngom, » a-t-il déclaré, soulignant que ce dernier n’a jamais géré les deniers publics, mais est un homme d’affaires et un haut responsable de l’APR. Fada a interprété cette procédure comme un possible règlement de comptes politique, faisant écho aux déclarations passées du chef de Pastef. Il a rappelé que la CENTIF, créée en 2004 et renforcée sous Macky Sall, est un outil de transparence.
Sur le plan économique, Modou Diagne Fada a critiqué la gestion actuelle, accusant les nouvelles autorités de ne pas avoir réduit le déficit. Il a expliqué que les dépenses de fonctionnement augmentent tandis que les recettes baissent, ce qui pourrait creuser le déficit en 2025. Le président de LDR Yessal a également pointé du doigt les emprunts à court terme et à taux élevés, les qualifiant d’inefficaces. Il a également questionné la cohérence des données financières fournies par les institutions, mettant en doute la capacité des nouvelles autorités à gérer la situation économique du pays.
Concernant le projet de pôles territoires, il a reconnu l’intérêt de l’idée mais a mis en garde contre l’utilisation de noms traditionnels, qui pourraient poser des problèmes. Il a suggéré de se limiter aux noms des régions pour éviter des controverses inutiles, rappelant l’expérience passée du président Abdoulaye Wade.
VOYAGE À TRAVERS L’HISTOIRE DU FORT DE BAKEL
Ses murs ont été témoins des combats héroïques de Mamadou Lamine Dramé et de la transformation du pays. Ce monument, désormais siège de la préfecture et site UNESCO, reste un symbole vivant de la mémoire collective
Perché sur une colline stratégique, le fort de Bakel domine fièrement le fleuve Sénégal et la Mauritanie voisine. Construit entre 1818 et 1853, ce fort n’est pas simplement une fortification : il incarne l’histoire et les luttes de cette région, un témoignage de l’époque coloniale et des résistances locales. Depuis 1960, il abrite également la préfecture de Bakel, un rôle administratif qui renforce son importance et son ancrage dans la vie contemporaine.
En 1854, Federbe, gouverneur du Sénégal et militaire, prend les rênes de la région. Bien qu’il n’ait pas été directement sur place, il joue un rôle décisif dans la transformation du fort. De Saint-Louis, il supervise les travaux de modernisation, renforçant les fortifications et transformant le fort de Bakel en un lieu stratégique. Des canons sont installés, orientés vers la Mauritanie, prêts à défendre cette position clé.
Les murs épais du fort, munis de meurtrières, permettent aux soldats de surveiller les alentours tout en restant protégés. À travers ses nombreuses tours, comme la tour du pigeon au nord et la tour du Mont au Singe au sud, le fort pouvait signaler les mouvements ennemis. À l’ouest, la tour Jaurice, surnommée le « tout télégraphique », était un centre vital pour les communications.
Non loin du fort se trouve le pavillon René Caillet, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce pavillon, qui porte le nom de l’explorateur français, est un témoignage de l’époque coloniale. René Caillet, en traversant Bakel sur son chemin vers Tombouctou, y laissa une trace indélébile. Le pavillon reste un point de mémoire et un symbole de l’histoire de l’exploration.
Mais Bakel n’a pas été seulement un lieu de colonisation. C’est également un lieu de résistance. En 1886, Mamadou Lamine Dramé, un homme de Boundiourou (Mali), se dresse contre l’oppression coloniale. Après avoir accompli son pèlerinage à La Mecque, il revient dans son village natal, où il forme une armée pour lutter contre les forces coloniales. Le 12 avril 1886, il mène ses hommes dans une bataille contre les Français, mais malgré leur courage, les bombardements français les dispersent. Cet acte de résistance fait partie des nombreux récits de la lutte pour l’indépendance.
La construction du fort de Bakel, réalisée avec des pierres locales, est un exemple frappant de durabilité. Perché sur une colline, il a été conçu pour résister aux intempéries, et malgré les années, il reste en bon état. Son emplacement élevé lui a permis de résister aux inondations, un défi que d’autres fortifications n’ont pas toujours su surmonter. Ce fort, fait de pierre et de mémoire, se dresse toujours malgré les affres du temps.
Aujourd’hui, l’histoire du fort de Bakel continue d’être racontée par des passionnés comme Idrissa Diarra, un enfant du pays. Enseignant et directeur d’école pendant 40 ans, Idrissa a choisi, après sa retraite en 2012, de devenir guide touristique. Il permet ainsi aux visiteurs de découvrir l’histoire fascinante du fort et de la région. Grâce à des hommes comme lui, l’héritage de Bakel, riche de combats et de conquêtes, demeure vivant et accessible.
Depuis 1960, le fort de Bakel n’est plus seulement un site historique, mais aussi le siège de la préfecture. Il incarne ainsi l’évolution de la ville, passant d’un symbole militaire à un centre administratif vital. Le fort, avec ses pierres et ses tours, continue de raconter l’histoire de la région, une histoire d’indépendance, de résistance et de transformations. Aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, il est un lieu de mémoire et un trésor à préserver pour les générations futures.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LA RÉSISTANCE DES FEMMES DANS L’ŒUVRE THÉÂTRALE DE MAROUBA FALL
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus de Marouba Fall est un texte très engagé sur le thème de la résistance. Le genre théâtral permet ici de mettre en résonnance la démarche de la renaissance africaine. Chaque personnage représente la conscience de chacun à s’interroger sur l’histoire et sur les luttes qui ont été conduites pour résister à l’esclavage et à l’aliénation exercée par la puissance coloniale.
La dame de Kabrus est une prêtresse qui, par ses pouvoirs divins, invite la population à ne plus courber l’échine devant l’envahisseur mais à écouter la voix des ancêtres pour recouvrer la dignité. Le drame épique est ainsi posé. Mais les forces françaises, aidées de collaborateurs peu scrupuleux, ne l’entendent pas ainsi, il faut anéantir toute contestation. La révolte pacifique partie du Sud divise le pays car au Nord les alliances conduites par l’administration française détruisent la cohésion et la résistance. Aliin Sitooye Jaata refuse toute compromission et aspire à l’unité africaine. Selon elle, il n’y a pas de nord ni de sud mais une population pareillement morcelée, déchirée par la guerre coloniale. La réunification est la seule solution pour parvenir à la liberté. Ainsi elle choisit l’arme de la démocratie et de la négociation pour parvenir à un accord respectueux des hommes et des femmes, son message est celui de la paix. Courageuse et rebelle, telle une reine africaine, elle se livre aux autorités qui veulent sa tête et la brutalisant tuent l’enfant qu’elle porte.
Aliin Sitooye Jaata est donc la figure héroïque de la résistance, chère aux épopées antiques, qui offre sa vie en sacrifice et qui crie « plutôt la mort que l’esclavage », comme le scandaient les Femmes de Nder. Le théâtre de Marouba Fall est un terrible réquisitoire sur le massacre des esprits qu’a généré l’occupation coloniale française. L’unité spatio-temporelle du théâtre de l’auteur occupe le genre littéraire de manière poétique et engagée. Le texte est un hommage à l’unité, à la paix, à la dignité, à l’espérance d’une liberté grandie par le sacrifice. La parole de Marouba Fall est la promesse du rayonnement de la Renaissance Africaine.
Le second texte, Adja, militante du G.R.A.S., met en lumière la corruption politique qui occupe le pouvoir et qui se traduit par les échecs successifs de certaines gouvernances. Adja est une femme respectueuse, épouse et mère, qui veut devenir député pour aider son pays, au grand désespoir de son mari. Malheureusement, sa pensée est trahie, elle confond la formation politique dénuée d’intérêts personnels et la réussite corrompue. Elle revendique la condition moderne de la femme comme signe de vertu mais adopte une attitude irresponsable au sein de son foyer. Le modèle occidental est son référent social mais cela détruit ce qu’elle est profondément, une femme africaine honnête attachée aux valeurs humaines. Pourtant, le personnage d’Adja et son engagement sincère pose la question du rôle des femmes dans la conduite politique des Etats. Abusée par un escroc déguisé en marabout, Adja retrouve la raison afin de poursuivre son combat sur une voie nouvelle dégagée de l’opportunisme dévastateur.
Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique. Le continent africain doit inventer son fonctionnement politique en s’appuyant sur ses valeurs culturelles, sociales et humaines. C’est tout le message de l’œuvre théâtrale de Marouba Fall qui inspire brillamment la démarche de la Renaissance africaine.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus suivi de Adja, militante du G.R.A.S.,
Marouba Fall, Les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, Dakar, 2005.
De Conakry à Dakar, en passant par Lagos et Tripoli, Ousmane Yara a bâti un empire d'influence dans l'ombre des palais présidentiels. Aujourd'hui, l'homme d'affaires malien révèle comment il est devenu l'artisan de l'apaisement politique au Sénégal
(SenePlus) - L'homme qui a joué un rôle clé dans les coulisses de la dernière présidentielle sénégalaise sort de l'ombre. Dans une série d'entretiens accordés à Jeune Afrique, Ousmane Yara, discret homme d'affaires malien, lève le voile sur son rôle d'intermédiaire entre Macky Sall et Ousmane Sonko durant la période trouble qui a précédé l'élection de mars 2024.
Il y a un an, dans la résidence présidentielle de Mermoz à Dakar, un dîner allait changer le cours de la politique sénégalaise. Selon Jeune Afrique, c'est lors de cette soirée qu'Ousmane Yara, face à un Macky Sall préoccupé par les tensions politiques, propose de servir d'intermédiaire avec l'opposant emprisonné Ousmane Sonko. "J'ai vu que la direction dans laquelle certains voulaient le pousser lui créerait des problèmes, et créerait des problèmes au pays", confie-t-il au magazine panafricain.
Cette intervention n'est pas le fruit du hasard. La relation entre Yara et Sall remonte au début des années 2000, quand ce dernier était Premier ministre d'Abdoulaye Wade. Une proximité qui a permis à cet homme d'affaires malien de devenir un acteur clé dans les négociations politiques au Sénégal.
Né en janvier 1970 à Lubumbashi, fils d'un diamantaire malien, Ousmane Yara a construit son influence pas à pas. Comme le révèle JA, c'est d'abord en Guinée, sous l'aile d'Alpha Condé, qu'il commence à tisser son réseau. "Grâce à lui, j'ai pu côtoyer Mahamadou Issoufou, Ibrahim Boubacar Keïta, Muhammadu Buhari et même le président sud-africain Jacob Zuma", énumère-t-il.
Mais c'est au Nigeria qu'il bâtit sa fortune, notamment dans le pétrole, en se rapprochant du milliardaire Aliko Dangote. Son influence s'étend aujourd'hui bien au-delà des frontières africaines : le magazine rapporte qu'il prépare actuellement "la venue de certains chefs d'État africains" à l'investiture de Donald Trump.
Cette position d'intermédiaire ne fait pas l'unanimité. "Il ressemble surtout à l'un de ces hommes d'affaires qui cherchent à être proches des palais présidentiels pour avoir en retour un accès aux marchés publics", confie au journal un chef d'entreprise ouest-africain. Une critique que Yara réfute fermement : "Il n'y a aucun chef d'État que j'ai aidé et qui, en retour, m'a facilité l'obtention de marchés publics."
Macky Sall lui-même semble avoir cerné la complexité du personnage. Lors de l'inauguration d'un hôtel du groupe Azalaï à Dakar en novembre 2023, il déclarait, non sans ironie : "Ousmane Yara est un homme très exceptionnel et très dangereux." Une description qui résume parfaitement l'ambiguïté de cet homme de l'ombre devenu, le temps d'une crise politique majeure, un acteur incontournable de la vie politique sénégalaise.
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L'APPEL À LA RÉSISTANCE DE DOMINIQUE DE VILLEPIN
Celui qui s'était opposé à la guerre en Irak dresse un parallèle inquiétant entre cette période et la situation actuelle. Entre technologie débridée et retour des idéologies de la séparation, il voit se dessiner un choc des civilisations à contrer
Dans un entretien accordé à Edwy Plenel pour l'émission "L'échappée", Dominique de Villepin, ancien ministre français, lance un avertissement solennel sur les dangers qui menacent l'ordre mondial. Vingt-deux ans après son discours historique à l'ONU contre la guerre en Irak, il dresse un parallèle saisissant entre cette période et la situation actuelle.
L'ancien Premier ministre alerte sur l'émergence d'une Amérique trumpiste qui, selon lui, incarne un modèle dangereux porté par les oligarques de la Silicon Valley, dont Elon Musk. Il dépeint un monde où s'affrontent désormais trois visions de l'humanité : l'universalisme français hérité de la Révolution, prônant l'égalité et la liberté ; l'individualisme américain exacerbé ; et le collectivisme autoritaire chinois.
Face à la montée du suprémacisme et de la hiérarchisation des humanités, de Villepin appelle à une résistance active de l'Europe. Il met en garde contre la réduction de l'être humain à de simples données monétisables par les géants technologiques et plaide pour une défense vigoureuse des valeurs humanistes.
L'ancien diplomate s'insurge également contre la simplification excessive des enjeux diplomatiques actuels. Il défend une approche fondée sur la nuance et le doute constructif, critiquant au passage la tendance à réduire des situations complexes à des formules choc, notamment dans les relations avec l'Algérie.
Dans cet entretien réalisé au musée du Quai Branly-Jacques Chirac, de Villepin réaffirme son engagement à porter une voix indépendante dans le débat public, malgré les intimidations et les attaques personnelles. Il se pose en défenseur d'une certaine idée de la France et de l'Europe face aux défis majeurs qui se profilent à l'horizon, appelant à une mobilisation des consciences pour préserver les valeurs humanistes face aux dérives autoritaires et technologiques.
LES COLLINES, PREMIÈRE ÉPREUVE DES ÉLÈVES DE DINDÉFÉLO ET IWOL
Pour les potaches vivant sur le plateau, escalader ces collines n’est pas une aventure mais une épreuve quotidienne, entre défis physiques et sacrifices scolaires.
Les chutes de Dindéfélo demeurent une attraction qui occulte le bonheur des randonnées et découvertes sur les montagnes du village et d’Iwol. Mais pour les élèves provenant du plateau, leur escalade est une corvée quotidienne.
Sur les contreforts du Fouta-Djallon, dans l’extrême sud-est du Sénégal, le pari semble accessible quoiqu’osé. Les 500 mètres d’altitude ne devraient point poser de problème. Il nous faut progresser au-delà du pied de la montagne, signification de Dindéfélo en pulaar, gravir ses pentes sous la conduite du guide Kaba Tounkara. A peine après avoir quitté le village, notre groupe (deux amies lettones et votre serviteur) entame son odyssée montagnarde par un sentier s’ouvrant au milieu des arbres, arbustes, un chemin parsemé de nombreuses roches noirâtres jonchant le sol encore herbacé en cette fin d’hivernage.
Le chemin, escarpé et sinueux, rend la marche difficile. Le sentier fait de bifurcations, des détours des plus inattendus. C’est une vraie forêt. Il faut souvent se servir de ses mains pour écarter les feuillages qui obstruent le passage ou d’un bâton comme une des nôtres en utilise. Tout en continuant l’escalade vers un horizon incertain, le visiteur doit avoir l’œil rivé sur le sol pour savoir où poser ses pieds. Gare à ceux qui n’ont pas de chaussures adaptées.
La montée comme la descente se révèlent périlleuses eu égard au caractère abrupt de la montagne. La crainte d’une chute nous habite tous et les consignes de prudence qu’on se lance à la volée semblent accentuer les appréhensions. La verdure et le parfum des arbres et herbes aident à supporter l’exercice. Il nous faut de temps à autre s’arrêter pour souffler. L’une des nôtres souffre d’une maladie qui ralentit son endurance physique. A la vérité, nous souffrons tous de la montée d’autant plus que la pratique sportive n’est pas quotidienne chez les randonneurs d’une matinée. La fréquence des haltes « pour se désaltérer » montre que les organismes sont éprouvés.
Le guide s’adapte au rythme et comprend que l’âge de ses clients, la cinquantaine, ne les prédispose pas à un exercice aussi périlleux. A quelques minutes de huit heures, c’est le début des cours au collège et au lycée. On est frappé par les grappes d’élèves qui dévalent ce qui tient lieu de marches pour se rendre à l’école. Constituant le cinquième des effectifs du collège et du lycée, selon le censeur Dame Seck, les élèves, originaires des quatre villages situés sur le plateau, sont soumis à ce « calvaire » tous les jours d’école.
L’habitude et la jeunesse aidant, ces potaches ne semblent point souffrir de la descente ou de la montée. Avec leurs cahiers, livres tenus dans des mains nues ou dans des sacs, ils devisent, discutent, rient aux éclats. Ils saluent ceux qu’ils croisent y compris les étrangers des différents villages du Plateau Dindéfélo. Ici, tout le monde se connaît quasiment. Et le guide du jour est comme un grand frère. Plus les minutes s’égrènent, plus les retardataires pressent le pas. Ceux qui ont le cours d’éducation physique et sportive ont l’accoutrement approprié pour aller à l’école. L’on est également surpris sur la non-emergence d’athlètes de haut niveau dans une zone ceinturée de montagnes.
La montée peut se poursuivre pour les athlètes du jour que nous sommes, et, face à la fatigue éprouvée, l’on se prend de pitié pour les jeunes potaches obligés de faire la randonnée tous les jours. « Cette épreuve constitue un véritable parcours du combattant ; c’est un souci pour nous. Leur vécu quotidien ne nous laisse pas indifférent. Il faut reconnaître : les élèves sont fatigués », compatit le censeur Dame Seck.
Un autre enseignant reconnaît que « quiconque parmi nous escalade la montagne aura dorénavant un regard différent et de la commisération pour les élèves qui nous viennent de la montagne ». Il a connu sa dose de souffrance de cette montée. Course contre la montre A cause de cette corvée des plus éprouvantes, les élèves des villages du plateau sont acceptés en classe même avec 20 minutes de retard.
Au-delà des conditions de déplacement et du facteur temps qu’ils prennent en compte, ils passent très souvent la journée à Dindéfélo et peinent à trouver des tuteurs. L’idée d’ériger un collège sur la montagne est constamment remise sur la table, même si le censeur sait que le « temps des promesses n’est pas celui de la réalisation. C’est un projet qui pourrait être considéré comme chimérique eu égard au nombre réduit d’élèves qui devront le fréquenter, mais aussi au budget qu’il ne serait pas facile de trouver ».
Tout récemment, l’idée a été remise sur la table et envisagée avec la visite d’un conseiller municipal départemental. « L’érection de ce collège serait un moyen d’atténuer les souffrances des élèves », souligne le censeur.
Une « alternative » partagée également par le maire de Dindéfélo, Kikala Diallo. Le corps enseignant est très heureux du « paradoxe constitué du fait que les meilleurs résultats scolaires sont obtenus par les élèves qui viennent de la montagne ». Il existe une « sorte d’émulation, de rivalité » entre les élèves du village et ceux de la montagne, constate le censeur.
Concernant les résultats scolaires, les jeunes filles remportent la palme face aux garçons. Pourtant, pour les principaux concernés, la montagne n’est pas un obstacle à la réussite et aux études.
« C’est dur de monter tous les jours, mais je préfère étudier ici que de retourner à Kédougou où j’ai fait la classe de 6e, vu que mes parents sont là », confie Halimatou Régina Diallo, 14 ans, en classe de 4e. Elle rêve de devenir infirmière. Même son de cloche chez la jeune Coumba Diallo, également élève en 4ème.
Cette dernière milite pour l’ouverture d’une route qui rallierait la montagne au village de Ségou voisin, pourvu également d’un lycée et collège. Le détour serait plus long, mais facilité. Originaire du village de Dandé, Mlle Diallo se projette dans la vie professionnelle dans la médecine ; elle veut embrasser une carrière de sage-femme. Samedi 21 décembre. Le groupe du jour est constitué d’un jeune confrère et d’un photographe. Comme à Dindéfélo, la tâche est plus qu’ardue en voulant prendre d’assaut le sanctuaire d’Iwol, haut de plus 450 mètres et domaine des Beddiks. Nous ne tardons pas, sous les rayons du soleil matinal, à mesurer l’ampleur de la tâche et à réclamer des moments de pause et de récupération. A chaque halte, l’inspiration et la respiration se font à grandes gorgées, sous l’œil amusé de notre guide du jour, un jeune de 13 ans issu du village d’Ibel, au bas de la montagne. Ici, contrairement à Dindéfélo, la route n’est pas rectiligne puisque le guide a choisi l’itinéraire le plus court. Dur de monter tous les jours Mais également le plus difficile. Au retour, la descente s’est révélée plus facile et avec moins d’arrêts. Les élèves du village d’Iwol sont soumis au même calvaire, mais sont aussi plus qu’endurants pour la randonnée.
« Ce n’est pas trop difficile. Il me faut juste 10 minutes pour monter et descendre », avance Kisto Keïta, rencontré en train de descendre, sac à dos, pour rallier Kédougou pour les vacances de Noël.
L’élève accuse du retard scolaire avec ses 18 ans. Il se prédestine à une carrière militaire. Sous l’influence certainement de certains de ses frères, mais également des soldats du centre d’entraînement tactique de Patassy visible dans la montagne voisine. Kisto Keïta déplore le « problème d’eau avec un forage qui fonctionne au solaire, donc pas toujours optimal, et l’absence de terrain de foot ». Plus on avance, nous rencontrons des populations occupées à leurs travaux champêtres. Ici, l’agriculture est la première activité, rangeant en arrière-plan la chasse et la cueillette qui nourrissaient jadis les Bedik. Nous rencontrons le chef du village d’Iwol, Jean-Baptiste Keïta, qui, d’un pas alerte et rapide malgré ses 68 ans, se rend également au champ. Il s’arrête, nous permettant une nouvelle halte et une nouvelle occasion de recharger les batteries. Le sexagénaire expose l’histoire de la localité et le quotidien de ses habitants. Il se propose de nous conduire au baobab mythique, le plus grand du Sénégal avec une circonférence de 23,30 mètres. L’imposant arbre vaut la montée.