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1 mars 2025
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UN ÉTAT DE DROIT INDISPENSABLE POUR UNE ADMINISTRATION EFFICACE
Entre patrimonialisation de l'administration, clientélisme politique et concentration excessive des pouvoirs, Mame Adama Gueye pointe les dérives ayant fragilisé la démocratie sous Macky. Il exhorte le nouveau régime sur l'urgence de rétablir ce pilier
(SenePlus) - Dans un contexte politique marqué par des défis majeurs, Me Mame Adama Guèye, membre fondateur du Forum Civil, a mis en lumière l'urgence pour le nouveau régime de s'engager pleinement dans l'établissement d'un État de droit solide, condition sine qua non pour une administration efficace. Son intervention, lors de la discussion portant sur "L'importance pour les citoyens de l'État de droit et d'une administration efficace", a apporté un éclairage critique sur les obstacles qui ont sapé ce principe fondamental durant l'ère Macky Sall, ouvrant ainsi la voie à des dérives préoccupantes.
Selon Me Guèye, l'absence d'un État de droit au Sénégal découle de divers facteurs, tant politiques que sociaux, qui ont progressivement fragilisé les fondements de la démocratie. Au cœur de ces dysfonctionnements se trouve une culture politique marquée par le clientélisme, un phénomène qui gangrène les structures administratives du pays. "Nous avons une culture politique incompatible avec l'État de droit, caractérisée par le clientélisme politique, un fléau structurel qui mine le bon fonctionnement de l'administration", souligne-t-il.
Une autre dimension critique réside dans la patrimonialisation de l'administration, où chaque responsable utilise ses prérogatives à des fins personnelles, au détriment de l'intérêt général. "Aujourd'hui, chaque responsable de l'administration patrimonialise ses responsabilités, les utilisant à des fins d'enrichissement personnel", déplore l'avocat lors de cette conversation organisée au Quartier général de Sursaut citoyen.
Par ailleurs, Me Guèye met en lumière une dimension sociale préoccupante, caractérisée par un mépris croissant de l'État de droit au sein de la société. En effet, nous avons développé une culture de contournement des citoyens par l'administration, où ces derniers semblent se désintéresser de leurs droits fondamentaux.
L'avocat pointe du doigt aussi le système politique présidentialiste en vigueur au Sénégal, qui favorise une concentration excessive de pouvoirs entre les mains du président de la République. "Nous ne choisissons pas simplement un président, mais nous élisons un monarque, ce qui est incompatible avec l'État de droit", affirme-t-il. Cette concentration de pouvoirs, non seulement, éloigne le pays des principes démocratiques, mais renforce également les tendances autoritaires au détriment de la primauté du droit.
L'instauration d'un État de droit est une condition sine qua non pour un Sénégal stable, prospère et juste. Le nouveau régime a la responsabilité de relever ce défi crucial pour l'avenir du pays.
LE MIRAGE DES PARCHEMINS
Si les diplômes envahissent de plus en plus les CV des politiques et hauts fonctionnaires sénégalais, leur valeur réelle est loin d'être assurée. Car derrière les belles signatures, les compétences concrètes et l'expertise de terrain sont parfois absentes
Le culte des diplômes semble devenir l'élément central pour nos autorités, dans la nomination aux postes de ministres et de directions des entreprises publiques. Les titulaires de ces diplômes sont souvent perçus comme les mieux préparés aux postes de responsabilités et à affronter les défis complexes de la gouvernance moderne. ‘’EnQuête’’ jette un regard critique sur ce phénomène.
Doctorats, PHD, MBA, DESS, Master II… La possession de ces différents sésames semble être une condition sine qua non pour être nommé dans ce nouveau gouvernement. Le diplôme n’est plus une présomption de connaissance, mais une finalité en soi dans un pays où le statut social et la légitimité se mesurent à l'aune d’un curriculum vitae bien rempli. Les partisans de l’ancien président Abdoulaye Wade aimaient le présenter comme le chef d’État le plus diplômé du Caire au Cap.
En effet, de nos jours, le Sénégal traverse une période où les titres académiques sont devenus des symboles de réussite sociale et de compétence professionnelle. Le nouveau gouvernement illustre cette tendance, en promouvant des qualifications académiques élevées pour toute nomination à des postes clés. Les titulaires de ces diplômes sont souvent perçus comme les mieux préparés pour affronter les défis complexes de la gouvernance moderne.
Cependant, cette course aux diplômes soulève des questions sur la véritable nature de la compétence et de l'efficacité dans la gestion des affaires publiques. Pour le journaliste, Moustapha Mbaye, ‘’le pouvoir discrétionnaire du président de la République est souvent téléguidé par d'autres considérations socioculturelles. Le diplôme ne suffit pas, il n'est qu'un justificatif au plan hiérarchique. De ce fait, la confiance, la proximité avec le chef et l'apport politique comptent beaucoup. À cet effet, le mérite inclut des paramètres qui exposent le choix final à des critiques’’, a-t-il déclaré.
Pour beaucoup de citoyens, d'un côté, cette exigence de qualifications élevées pourrait conduire à une Administration publique plus compétente et mieux formée. Les titulaires de diplômes avancés apportent souvent une expertise spécialisée et une capacité analytique précieuse, pense Fatou M. Guèye, assistante de direction.
Cependant, cette approche présente également des limites. La surévaluation des diplômes peut éclipser des compétences tout aussi importantes, comme le leadership, l'innovation et l'expérience pratique. Elle peut également engendrer une élite technocratique déconnectée des réalités et des besoins de la population, analyse un assistant de ressources humaines dans un cabinet situé sur la VDN, B. Fall.
Pour un gouvernement réellement efficace, il est important de trouver un équilibre entre les qualifications académiques et les compétences pratiques. La reconnaissance des expériences de terrain, des capacités de gestion et des compétences interpersonnelles est essentielle pour compléter la formation académique des responsables publics, conseille-t-il.
Oumou Niang : ‘’Le recrutement dans l’Administration est trop politisé.’’
Contrairement au secteur public, le secteur privé sénégalais se distingue par des procédures de recrutement beaucoup plus rigoureuses et basées sur le mérite. Les entreprises privées suivent généralement des processus de sélection stricts, comprenant des évaluations techniques, des entretiens approfondis et des vérifications de références.
Directrice des ressources humaines dans une société de la place, Oumou Niang considère que le recrutement dans l’Administration est trop politisé. ‘’Le secteur privé est plus rigoureux que la Fonction publique où les recrutements se font sur la base du clientélisme politique, du lobbying ou de la familiarité… Les compétences ne sont pas les seuls critères. Alors que dans les structures privées, le mode de recrutement obéit à une procédure de sélection, de test écrit et d’entretien’’, soutient-elle.
Elle poursuit qu’il faut aussi une période d’essai de deux à trois mois pour un contrat.
Une thèse que confirme Doudou Diamé qui a postulé à plusieurs reprises dans une multinationale anglophone spécialisée dans la sécurité. ''J'ai été éliminé trois fois après avoir réussi les tests préliminaires et des cas pratiques... Ce n’est pas facile d'entrer dans ces boîtes ; elles sont exigeantes’’, nous confie-t-il.
En effet, les entreprises privées mettent l'accent sur les compétences techniques et les expériences professionnelles pertinentes. Les candidats doivent souvent passer par plusieurs étapes de sélection, y compris des tests de compétences, des entretiens comportementaux et des évaluations de performance. Ce processus rigoureux assure que les employés recrutés sont bien qualifiés pour les postes proposés, favorisant ainsi la productivité et la compétitivité des entreprises.
Un canevas très rare dans l’Administration. Pour expliquer cette dichotomie, le journaliste Moustapha Mbaye relève la différence qui existe entre ces deux mondes. ‘’L’Administration a une démarche différente de celle du privé qui n'est pas pris au piège par la politique, même si d'autres considérations sociologiques sont prises en compte. Le diplôme est la porte d'entrée, mais la compétence et le résultat demeurent les racines qui vous permettent de mieux vous implanter dans l'entreprise’’.
L'ENA et les corps militaires et paramilitaires…
Le plus grave dans cette pratique se trouve dans la Fonction publique locale (municipalité et mairie de ville, conseil régional ou départemental) où ‘’le clientélisme politique excessif a étouffé dans l’œuf toute compétence’’, nous confie un secrétaire municipal dans l’anonymat.
Malgré ce contexte de clientélisme, certaines institutions sénégalaises continuent de promouvoir des concours basés sur le mérite, garantissant ainsi une certaine transparence et équité dans le recrutement. L'École nationale d’Administration du Sénégal (ENA) est un exemple phare de cette méritocratie. Les concours d'entrée dans cette école administrative sont rigoureux et sélectifs, attirant les meilleurs talents du pays. Ces concours garantissent que seuls les candidats les plus qualifiés, ayant démontré leurs compétences académiques et professionnelles, accèdent à des postes dans la haute Administration publique.
Les recrutements dans les corps militaires et paramilitaires sont également basés sur des concours stricts et des critères de sélection rigoureux. Ces processus de recrutement sont conçus pour identifier les candidats les plus aptes physiquement et intellectuellement, assurant ainsi un haut niveau de professionnalisme et d'efficacité au sein des forces de défense et de sécurité.
Toutefois, la promotion à certains grades supérieurs entraine des guéguerres et des frustrations dans l’élite martiale.
Avec la promesse des appels à candidatures qui n’est pas encore tenue, le mode de recrutement dans la Fonction publique sénégalaise est toujours décrié par certains citoyens pour ses pratiques clientélistes. Pour eux, cette forme de favoritisme où les emplois publics sont distribués en fonction des affiliations politiques plutôt que des compétences et du mérite est une réalité persistante qui compromet l'efficacité et l'intégrité des institutions publiques. C’est pourquoi d’aucuns pensent que ces pratiques peuvent saper la méritocratie et alimenter un sentiment d'injustice parmi les citoyens.
Elles peuvent également engendrer une inefficacité bureaucratique, car les compétences professionnelles sont souvent négligées au profit de la loyauté politique. Le recrutement dans la Fonction publique sénégalaise est marqué par un dualisme frappant. D'une part, le clientélisme politique continue de prévaloir, entravant le développement d'une administration publique efficace et compétente. D'autre part, des concours méritocratiques comme ceux de l'ENA et des corps militaires et paramilitaires offrent des lueurs d'espoir pour un système de recrutement plus équitable.
En parallèle, une partie du secteur privé, avec ses procédures de sélection strictes et basées sur le mérite, pourrait servir de modèle pour réformer les pratiques de recrutement dans la Fonction publique. Une telle réforme serait essentielle pour renforcer l'efficacité des institutions publiques et restaurer la confiance des citoyens dans l'Administration. Singapour est un exemple patent.
MBEUBEUSS, MOUSSA BALA FOFANA S’ENGAGE À METTRE FIN A LA PRÉSENCE DES ENFANTS
Le ministre a insisté sur l’urgence de cette mesure, soulignant que la décharge de Mbeubeuss n’est pas un lieu pour des enfants, compte tenu des enjeux de sécurité et de santé publique.
Le Ministre de l’Urbanisme, des Collectivités Territoriales et de l’Aménagement des Territoires, Moussa Bala Fofana, a effectué une visite sur le site de la décharge de Mbeubeuss, située dans la banlieue dakaroise. Déterminé à mettre fin à la présence des enfants sur cette décharge, il a exprimé sa volonté de prendre des mesures fermes à cet égard.
Accompagné du Secrétaire d’Etat à l’Urbanisme et au Logement, Momath Talla Ndao, du Directeur de Cabinet, Amadou Manel Fall, du Directeur Général de la SONAGED, Abou BA, du Directeur du PROMOGED, Cheikhou Oumar Gaye, ainsi que des autorités administratives et locales du département de Keur Massar, le Ministre Fofana a pu constater les conditions de fonctionnement de la décharge.
« C’est l’une des premières décisions que nous prendrons ici. On ne peut plus tolérer la présence des enfants sur cette décharge. J’espère que ceux qui dirigent ce centre vont prendre cette note. C’est assez clair, on ne peut plus tolérer les enfants à Mbeubeuss », a déclaré fermement le ministre.
Moussa Bala Fofana a insisté sur l’urgence de cette mesure, soulignant que la décharge de Mbeubeuss n’est pas un lieu pour des enfants, compte tenu des enjeux de sécurité et de santé publique. « Il faudra faire en sorte que les enfants n’aient plus accès à la décharge de Mbeubeuss qui n’est pas une place pour un enfant de 5 ou de 10 ans », a-t-il ajouté.
Lors de la visite, la délégation a examiné les différentes installations du site, incluant les plateformes actives, les cabines de pesage et de contrôle des camions, et l’usine de transformation des déchets. Ils ont également assisté au processus de déchargement des ordures.
Ouverte en 1968, Mbeubeuss est l’une des plus grandes décharges d’Afrique, recevant quotidiennement près de 2 000 tonnes d’ordures déversées par des centaines de camions sur une superficie de plus de 114 hectares.
ÉMIGRATION IRREGULIÈRE, INTERCEPTION AU LARGE DE GORÉE D’UNE PIROGUE AVEC 164 CANDIDATS
Cette interception s’est déroulée dans le cadre d’une opération Aero maritime menée en collaboration avec l’armée de l’air.
La Marine nationale a annoncé avoir intercepté, hier, au sud de l’île de Gorée une pirogue transportant environ 164 candidats à l’émigration irrégulière, comprenant des Sénégalais et des ressortissants étrangers.
Parmi les passagers de cette embarcation, on compte 11 femmes et dix-huit mineurs.
Cette interception s’est déroulée dans le cadre d’une opération Aero maritime menée en collaboration avec l’armée de l’air.
Il s’agit de la deuxième pirogue de migrants arraisonnée au large de Dakar par la Marine nationale en un peu plus de 48 heures.
BASSIROU DIOMAYE FAYE S’ENGAGE À SOUTENIR LA FINITION DU SANCTUAIRE MARIAL DE POPENGUINE
L’archevêque de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye, a salué la présence du président Faye et de sa délégation. Lors de son allocution, Monseigneur Ndiaye a exhorté les pèlerins à prier pour le président et son gouvernement.
Le Président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a effectué, samedi, une visite au nouveau sanctuaire Marial de Popenguine. Il a été accueilli par Mgr Benjamin Ndiaye, Archevêque de Dakar, accompagné des autorités de l’église.
Cette visite s’inscrit dans le cadre de la 136e édition du pèlerinage marial de Popenguine, célébrée du 18 au 20 mai 2024. Le thème de cette année, « Avec Marie notre Mère, marchons ensemble pour un Sénégal de Justice et de paix », résonne particulièrement en cette période de rassemblement spirituel.
Dans son discours, le Président de la République a souligné l’importance de ce rassemblement pour la vie de la nation, mettant en lumière la ferveur spirituelle et la solidarité qui unissent les différentes communautés.
Le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a réitéré l’engagement de l’État à accompagner les travaux de finition du sanctuaire marial de Popenguine, un lieu symbolique du patrimoine spirituel et de l’unité nationale. Il a assuré que ces travaux seraient menés à bien dans les meilleurs délais pour offrir aux pèlerins des conditions d’accueil dignes et respectueuses.
Le Chef de l’Etat a souhaité à la communauté catholique une joyeuse fête de Pentecôte, exprimant son espoir que cet événement renforce la foi et l’engagement envers les valeurs communes de la nation.
Accompagné de son épouse et de membres de son gouvernement, le chef de l’État a profité de cette occasion pour exprimer sa profonde reconnaissance à la communauté catholique
L’archevêque de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye, a salué la présence du président Faye et de sa délégation. Lors de son allocution, Monseigneur Ndiaye a exhorté les pèlerins à prier pour le président et son gouvernement, soulignant ainsi l’importance de l’unité et de la prière pour le bien-être du pays.
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SONKO ANNONCE UN CHANGEMENT DE PARADIGME ÉDUCATIF
Langues locales dès la maternelle, plus de souplesse dans les filières, renforcement de l'anglais, réformes des programmes scolaires trop éloignés des besoins réels... Le Premier ministre dévoile ses ambitions de transformation de l'école au Sénégal
Le Premier ministre Ousmane Sonko a clairement affiché samedi ses ambitions pour refonder en profondeur le système éducatif sénégalais. Lors du Conseil interministériel consacré à cette question cruciale, il a martelé que "les Sénégalais doivent surtout s'éduquer, c'est essentiel pour le capital humain".
Dans un discours volontariste, Sonko a dressé un constat sans concession : "Nous connaissons les défis, ils sont colossaux que ce soit pour les infrastructures, les ressources humaines ou l'accompagnement social. Nous ne pouvons réaliser nos objectifs de développement sans résorber ces manques ".
La réforme phare annoncée est l'introduction généralisée des langues nationales dès la petite enfance avant d'apprendre le français et l'anglais. "Une partie de notre retard s'explique par le fait que nous voulons à bas âge imposer à nos enfants de s'alphabétiser dans des langues qu'ils ne peuvent pas", a martelé le Premier ministre, citant son "mentor" le président Macky Sall pour qui c'est "une souffrance très chère".
"Il ya que l'Afrique qui emprunte des langues étrangères pour essayer de les imposer. On perd entre 8 et 13 ans pour que l'enfant essaie de posséder cette autre langue, alors qu'au moment où il va à la maternelle il parlait déjà sa langue maternelle", a-t-il insisté.
L'apprentissage de l'anglais, "langue de communication internationale", sera également renforcé selon Sonko, mais sans faire fi des langues locales qui sont "une richesse et non un appauvrissement".
Autre chantier d'envergure, une révision en profondeur des programmes scolaires jugés trop chargés et éloignés du pragmatisme. "On met tout et rien finalement. Je me demande parfois à quoi a servi tout ce que j'ai appris du primaire à l'université", a lâché le chef du gouvernement.
Il a également plaidé pour plus de souplesse dans les filières, prenant l'exemple d'"élèves sortis avec un bac littéraire mais qui se sont retrouvés à faire des études de comptabilité ou d'économie appliquée".
Au passage, Sonko a lancé une pique aux "traditions héritées", se disant prête à s'inspirer de "modèles inspirants" à l'étranger comme au Japon ou au Rwanda. "Il faut sortir de notre zone de confort", at-il exhorté.
Dernier dossier brûlant, la nécessité de lutter contre "les négligences, voire les fraudes" dans la délivrance d'état civil, un "phénomène" auquel il veut "mettre fin définitivement avec fermeté".
par Moussa Sylla
POURQUOI DEVONS-NOUS LIRE ?
Je lance un plaidoyer fort en faveur des livres, car je sais qu’ils nous permettront de changer notre vie. Faisons le choix de lire, tout lire, même les livres qualifiés d’hérétiques. C’est ainsi que nous développerons la faculté de concentration
Les mémoires d’Abdoulaye Bathily, Passion de liberté, sont un pur délice de sagesse, d’érudition, d’élégance littéraire. J’ai pris plaisir à lire ce livre d’un trait, et très souvent, à le reparcourir à mes heures perdues, tant il contient des passages édifiants et inspirants.
Une histoire m’a particulièrement marqué, dans ces mémoires. Sa réussite au baccalauréat, dans des conditions qui montrent l’importance de la résilience.
Abdoulaye Bathily a été exclu de l’école pour mouvement séditieux (grève, insubordination). Aucune école ne voulut ensuite l’accepter, parce que des instructions avaient été données dans ce sens par le gouvernement. N’étant pas né dans une famille aisée, il n’avait pas les moyens de s’inscrire dans une école privée. Aussi décida-t-il de tenter sa chance au baccalauréat en tant que candidat libre.
Il travailla avec acharnement pour obtenir son baccalauréat, parallèlement à son emploi à l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN). Le décès de son papa, quelques jours avant l’examen, ne le détourna pas de ses objectifs, car pour lui, lui rendre hommage revenait à réussir au baccalauréat, tant son père avait insisté pour qu’il étudiât. Il atteignit son objectif en obtenant le diplôme avec la mention Bien.
À la lecture de ce passage, je m’arrêtai pour me poser des questions : comment certaines personnes, devant certaines situations, se métamorphosent-elles pour développer leur potentiel ? Elles ne se plaignent pas, elles n’attribuent pas leurs difficultés du moment à d’autres et prennent la responsabilité de leur destin. D’autres, cependant, se plaignent, accusent le monde entier, ne se demandent pas : « Comment puis-je améliorer ma situation, que dois-je faire dans ce sens ? »
Telle est la magie des livres ; ils sont un moyen de s’élever, ils représentent la voie par excellence pour retrouver espoir et apprendre des devanciers. La lecture de biographies et de mémoires me conforte toujours sur ce point de vue. Tandis que la plupart des gens pensent que la trajectoire des personnes célèbres est linéaire, une lecture attentive de leurs mémoires ou biographies révèle que tel n’est pas le cas.
Très souvent, elles ont connu ces doutes et découragements qui sont des choses normales dans toute existence humaine. Cependant, la différence entre les personnes qui atteignent leurs objectifs et s’élèvent au sommet et celles qui connaissent un destin moyen est souvent la persistance ou le renoncementface aux difficultés.
Quand je discute avec des personnes plus jeunes que moi, je mets toujours l’accent sur l’importance de la lecture. Je leur conseille, si elles veulent changer positivement leur vie, de lire, beaucoup, et tout lire.
Avec l’avènement puis la prépondérance des réseaux sociaux, nos cerveaux sont en train d’être remodelés. Ils sont en proie à une attention et à une concentration faibles, à l’ennui persistant. Or, la pensée en profondeur facilite grandement la réussite, comme le défend Nicolas Carr dans son livre TheShallows, ou encore Cal Newport dans son livre Deep Work, sous-titré, Retrouver la concentration dans un monde de distractions.
Dans son livre précité, Cal Newport écrit : « Il est important de mettre l’accent sur l’omniprésence en profondeur chez les personnes influentes, car cela contraste violemment avec le comportement de la plupart des travailleurs du savoir — un groupe d’individus qui est en train d’oublier ce que peut apporter le fait d’approfondir les choses. »
Cette pensée de Cal Newport montre ce qu’il faut faire pour progresser dans sa carrière. C’est adopter délibérément la pensée profonde, la réflexion, refuser la superficialité. L’acquisition de ces qualités est facilitée par les livres. Dans ce sens, ils permettent d’accélérer sa carrière et d’atteindre plus facilement ses objectifs.
Les périodes les plus fécondes de ma vie ont été celles où j’ai adopté délibérément la réflexion profonde. Pendant des années, j’étais absent de tous les réseaux sociaux. Ce furent des années très productives, pendant lesquelles j’ai beaucoup publié et acquis les bases me facilitant l’écriture. Je suis revenu aux réseaux sociaux, mais m’évertue à ne pas me laisser dominer par eux. La lecture est l’une des armes favorites pour y parvenir.
Aujourd’hui, je déplore que le Sénégal ne dispose toujours pas d’une bibliothèque nationale. Dans un pays d’écrivains talentueux, cela est un scandale. Je n’ai rien contre le sport, que j’adore, mais qu’il y ait autant de stades et une arène nationale pour la lutte mais qu’il n’y ait toujours pas de bibliothèque nationale montre que notre pays ne se donne pas les chances de se développer. Se doter d’une bibliothèque nationale serait un énorme symbole, montrant que le Sénégal a compris que dans le monde d’aujourd’hui, le savoir prime, et un pays qui y investit avance(ra) plus rapidement.
Le Sénégal devrait également faciliter l’accès aux livres en construisant, comme je l’ai écrit plus haut, une bibliothèque nationale et en dotant ses terroirs de bibliothèques. Cela démocratisera le livre et contribuera à améliorer l’égalité des chances dans notre pays. Parfois, si les jeunes ne lisent pas, c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter des livres. Ces derniers coûtent cher et ne sont pas à la portée de tout le monde. Je me rappelle qu’il y a quelques années, je cherchais les livres qui me plaisaient sur des sites internet douteux, car je n’avais pas toujours les moyens de les acheter.
Si l’accès aux livres n’est pas facilité au Sénégal, l’inégalité des chances y persistera, avec ceux et celles qui ont les moyens de s’en procurer et ceux et celles qui ne les ont pas. Le devoir de l’État est d’y remédier, afin que chaque personne qui veuille lire puisse le faire.
À un niveau individuel, nous devons comprendre les bénéfices que nous apportera la lecture. Elle nous permettra d’avancer plus rapidement dans notre carrière ou dans notre projet d’entrepreneuriat, de devenir de meilleures personnes, tolérantes et ouvertes d’esprit. Je soupçonne que les lecteurs sont en moyenne plus tolérants que les non-lecteurs.
La sirène des réseaux sociaux est tentante. Ils donnent accès aux gratifications instantanées, au neuf. Mais de là vient leur danger. Ils nuisent à ces qualités primordiales à la réussite que sont la pensée profonde, la réflexion délibérée, la capacité de s’ennuyer. Leurs fondateurs, connaissant leurs risques, refusent leurs conséquences négatives pour eux et leurs enfants en se déconnectant. Que font-ils à la place ? Ils lisent.
Suivons leur exemple et lisons. Les civilisations prospères sont des civilisations de savoir, de connaissance. Les personnes les mieux rémunérées aujourd’hui sont celles qui maîtrisent le mieux leur domaine. Cela a un coût, comme la gratification différée. Dans le cas du livre, ses effets positifs ne se remarqueront pas d’emblée. Ils prendront du temps, mais quand ils commenceront à se manifester, nous penserons que nous aurions dû lire davantage.
Si tout le monde passe son temps libre à surfer sur les réseaux ou à regarder la télévision, il n’y a aucun avantage comparatif si nous aussi le faisons. Cependant, si nous choisissons la concentration et refusons la distraction que facilite le fait de surfer sur internet, nous nous donnons des avantages qui seront décisifs, nous distingueront et faciliteront l’atteinte de nos objectifs.
Je lance un plaidoyer fort en faveur des livres, car je sais qu’ils nous permettront de changer notre vie. Faisons le choix de lire, tout lire, même les livres qualifiés d’hérétiques. C’est ainsi que nous développerons la faculté de concentration et acquerrons la capacité de tolérance. Cela vaut un essai, dès maintenant.
À nos livres !
Moussa Sylla est auteur du livreLa conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA.
LA HAVANE RÉCLAME À WASHINGTON SON RETRAIT DE LA LISTE DES COMMANDITAIRES DU TERRORISME
Le ministère cubain des Relations extérieures indique que Cuba, non seulement ne commandite pas le terrorisme international, mais qu’elle en est victime, y compris du terrorisme d’État, comme le sait pertinemment l’administration américaine - DÉCLARATION
Alors qu'il n'a pas été inclus dans le dernier rapport américain, Cuba reste classé comme Etat "commanditaire du terrorisme" par les Etats-Unis. Dans sa déclaration, le ministère cubain souligne le caractère arbitraire et infondé de cette désignation.
"Déclaration du ministère cubain des Relations extérieures
D’après des informations officielles en provenance des Etats-Unis, le secrétaire d’État a, le 15 mai 2024, remis au Congrès une nouvelle mouture d’un des rapports ciblant normalement des pays, d’une manière arbitraire, sans le moindre mandat ni la moindre reconnaissance de la communauté internationale. En l’occurrence, ce rapport liste quatre pays qui, censément, « ne coopèrent pas à fond avec les efforts antiterroristes des Etats-Unis durant l’année civile 2013 ». À la différence des années précédentes, Cuba ne fait pas partie de cette liste calomnieuse.
N’empêche que le département d’État continue de la maintenir, comme État censément « commanditaire » du terrorisme international, sur cette liste absolument unilatérale, dénuée de tout fondement, qui ne vise qu’à calomnier et qui sert de prétexte à l’administration étasunienne pour adopter des mesures économiques coercitives contre des États souverains, comme celles qu’elle applique impitoyablement à notre pays.
Or, non seulement le peuple cubain et de nombreux gouvernements latino-américains et caribéens, mais des organisations politiques, sociales et religieuses et différents hommes politiques des Etats-Unis ne cessent de réclamer haut et fort, de manière réitérée, que l’administration étasunienne rectifie cette injustice.
En effet, il est absolument clair et évident que Cuba, non seulement ne commandite pas le terrorisme international, mais qu’elle en est victime elle-même, y compris du terrorisme d’État, comme quiconque s’intéresse à la question peut le constater, et comme le savent pertinemment l’administration étasunienne, son département d’État, sa police et ses agences de renseignements, qui savent tout autant – puisque c’est la raison d’être de cette liste – les extraordinaires préjudices que causent à l’économie cubaine les mesures, les actions et les rétorsions qui se déclenchent automatiquement contre tout État inscrit sur cette liste, que ce soit vrai ou faux.
Cuba – et ce n’est pas tout de le reconnaître – coopère à fond non seulement avec les Etats-Unis, mais avec l’ensemble de la communauté internationale. C’est là une vérité bien connue, même si l’on tente de confondre l’opinion publique. Le président des Etats-Unis dispose de toutes les prérogatives requises pour agir honnêtement et faire ce qui est correct."
ALASSANE SAMBA DIOP SANS MASQUE
Il vient de boucler un an à la tête du groupe Emedia Invest qu’il dirige depuis le 10 mai 2023, avec plus de 25 ans dans la presse. "Mamoudou a décidé de faire de la politique, nous autres membres de la rédaction avons choisi de rester journalistes’
Il vient de boucler un an à la tête du groupe Emedia Invest qu’il dirige depuis le 10mai 2023, avec plus de 25 ans dans la presse. Lui, c’est Alassane Samba Diop, alias ‘’Monsieur Scoop’’. Dans cette interview avec‘’EnQuête’’, il revient sur son parcours, la guerre en Guinée-Bissau qu’il a couverte en 1998, son départ de Walfadjri, son passage à la RMD, la naissance de RFM, sans oublier Emedia et les difficultés qu’il traverse depuis quelque temps.
Qui est Alassane Samba Diop ? Pouvez-vous revenir un peu sur votre parcours ?
Alassane Samba Diop est un Sénégalais qui vient du Fouta, plus précisément de Kanel, qui a fait ses études entre Kanel et Dakar. J’ai eu mon baccalauréat au lycée Lamine Guèye où j’ai connu Yoro Dia (ancien ministre porte-parole de la présidence : NDLR). On a fait la seconde, la première et la terminale ensemble. Après le Bac, il est parti au Département d’histoire et moi je suis allé faire mes humanités en sociologie. Il se trouve que la même année, il y a eu l’année invalide. Par un concours de circonstances, on a fait le concours d’entrée au Cesti et on l’a réussi.
Nous avons retrouvé au Cesti des aînés comme Mamoudou Ibra Kane, Aliou Ndiaye, Babacar Cissé, Abdoulaye Sékou Faye, entre autres. En1997,nousavons fait notre stage au journal ‘’LeMatin’’qui venait d’être lancé avec les Baba Tandian, les Boubacar Boris Diop, Alain Agboton, Pape Samba Kane... Nous avons retrouvé là-bas Aliou Ndiaye, Sidy Diop, Habib Demba Fall, Mamadou Alpha Diallo dit ‘’Zak’’ qui est maintenant aux Nations Unies, Samboudian Camara, Yakham Mbaye...
Par la suite, Walf a lancé sa radio et Mame Less Camara a fait appel à nous. J’ai passé huit ans à Walfadjri. En tant que reporter, j’étais préposé à couvrir toutes les grèves à l’université. J’y étais avec les Jupiter Diagne, Aliou Ndiaye, Mamoudou Ibra Kane, Yoro Dia, Antoine Diouf, feu Reine Marie Faye, Abdoulaye Lam, Assane Guèye. On faisait une très belle équipe.
À un moment, il y a eu des divergences entre le syndicat et Sidy Lamine Niasse sur l’orientation du groupe. À cause de ces tiraillements, Sidy avait décidé d’affecter tous les jeunes reporters dans les régions. Je me suis ainsi retrouvé à Matam. Finalement, on a démissionné de Walfadjri.
On est resté un moment sans travail. C’était vraiment difficile. C’est en ce moment qu’on s’est rendu compte que la star, c’est le médium. Les gens qui vous appellent c’est parce que vous êtes dans un lieu où ils pensent que vous pouvez leur être utile... Cela a contribué à renforcer notre humilité. Par la suite, avant RFM, il y a eu l’épisode de la Radio municipale de Dakar (RMD) créée par Pape Diop, à l’époque maire de Dakar. Il l’avait confiée à Mamoudou qui m’a parlé du projet et m’a confié la rédaction. On est resté huit mois là-bas, mais le projet ne bougeait pas, malgré les multiples voyages de Mamoudou en France pour commander du matériel...
Un ami qui était à la présidence à l’époque m’a, par la suite, appelé pour me dire que c’est une mauvaise idée de rester à la RMD. Il nous a fait comprendre que les gens de la présidence considéraient que nous avons été avec Walf et Sud pour beaucoup dans l’avènement de l’alternance en 2000, que nous faisions partie de ceux qui ont fait partir Diouf - même si ce n’est pas vrai, parce que ce sont les Sénégalais qui votent. Il m’a dit : ‘’Ils veulent vous mettre là-bas (à la RMD). Ils vont vous payer des salaires, mais c’est juste pour vous neutraliser.’’ Comme moi je considère qu’un journaliste qui n’est pas à l’antenne, qui n’écrit pas, n’en est plus un, c’est à ce moment que j’ai appelé Youssou Ndour que je connaissais... Je lui ai demandé si sa radio Sports FM marchait ? Il m’a dit que non et on a échangé...
Mon point de vue était que le concept de radio thématique ne marche pas trop au Sénégal. Nous, on aime les radios où les gens se chamaillent, parlent beaucoup politique... Par la suite, on s’est rencontré chez lui à Fann, on a discuté et je lui ai présenté le premier draft de ce qui allait devenir la RFM. Il m’a convaincu de venir travailler avec lui. Je lui ai demandé si je peux venir avec Mamoudou Ibra Kane et il a donné son accord. Youssou Ndour a voulu me confier la direction de la radio, je lui ai proposé de la donner à Mamoudou. Je l’ai fait parce que quand on quittait la RMD, il avait la position de directeur et je voulais qu’il occupe la même position. C’était aussi pour moi une manière de lui renvoyer l’ascenseur, parce que quand j’étais en chômage, il m’avait tendu la main. Et moi je suis comme ça, je n’oublie jamais ces genres de choses. Avec Mamoudou, comme on dit, on a toujours eu de bonnes vibes, on se comprend.
Pour dire que RFM, c’était vraiment notre bébé. Même le nom, c’est moi qui l’ai donné. On pensait à Ndakaru FM, Liberté FM... J’ai dit à Youssou : vous avez un groupe qui s’appelle Groupe futurs médias. Disons donc RFM, la Radio futurs médias. D’ailleurs, si vous regardez bien, vous allez voir que les logos qu’on avait au départ, c’était inspiré des logos de RFM France, avec du bleu sur du rouge. On utilisait même le jingle de cette radio. Au fur et à mesure, ça a changé. C’est comme ça que c’est parti.
Ensuite, Youssou m’a chargé du recrutement ; la plupart des anciens qui sont à la RFM, c’est moi qui les ai appelés. Youssou disait que GFM, c’est le Real Madrid et il doit faire des transferts.
Vous en avez quand même pris beaucoup à Walf. Comment cela avait-il été accueilli par Sidy ?
C’est vrai qu’il ne l’avait pas bien pris. À un moment, il a eu à dire qu’il nous donne six mois pour ne plus tenir. Youssou Ndour a mis les moyens et on a fait le job. Par la suite est venu ‘’L’observateur’’ qui s’appelait d’abord ‘‘Pop l’original’’, ensuite la TFM qui a été pendant un temps bloqué par le régime d’alors. Je crois que le déclic qui a poussé Wade à donner à Youssou sa licence, c’est quand le président Abdoulaye Wade avait lancé l’appel pour aller chercher les Haïtiens. Khalifa Diakhaté était parti dans l’avion avec le ministre Lamine Ba. Il a pu faire un travail remarquable, un bon reportage envoyé le jour même. On a pu le diffuser dans le journal du soir. Je pense que la présidence était un peu ébahie, parce que la RTS était là, elle n’a pas pu le faire ou bien ils n’ont pas eu l’idée de le faire. Je pense qu’à partir de là, les gens se sont rendu compte qu’ils ont affaire à de jeunes professionnels qui ne font que leur travail. De manière très professionnelle.
N’y avait-il pas une certaine envie de revanche, vu les conditions dans lesquelles vous avez quitté Walf ?
Non, non, non. Au contraire ! Nous n’oublierons jamais ce que Walf et Sidy nous ont apporté. Walf a été une grande école pour nous. Je me rappelle d’ailleurs mes premiers pas à Walf, lors d’un stage en première année de Cesti. La première chose qu’on te demandait, c’était de faire le thé pour les grands frères Ousseynou Guèye, Abdourahmane Camara, Jean Meissa Diop, Seydou Sall... Je me suis beaucoup bonifié au contact de ces aînés. C’était une famille. Sidy ne donnait certes pas de per diem, mais il y avait le bol de Sidy qui réunissait tout le monde. C’était vraiment une ambiance conviviale et ce sont ces bons souvenirs que l’on a gardé de Walf.
Vous rappelez-vous votre premier salaire ?
J’avais 30 000 F CFA. J’habitais la Patte d’Oie. Des fois, je prenais le ‘’car rapide’’ jusqu’à Khar Yalla. Des fois je marchais. En 1998, quand je partais avec Mamadou Alpha Diallo couvrir la guerre en Guinée-Bissau, chacun avait 10 000 F CFA. L’argent n’était vraiment pas un problème pour nous. La passion prenait le dessus. Nous sommes partis pendant trois mois. Il y avait aussi d’autres confrères de ‘’Nouvel horizon’’, du ‘’Cafard Libéré’’, mais aussi le doyen Amadou Mbaye Loum. C’est la première fois que j’allais au front. J’entendais les balles siffler... Nous aurions pu y perdre la vie. C’était une ambiance assez éprouvante. Pour la première fois, on a vu des morts. Cela m’a beaucoup forgé dans mon travail, j’y ai aussi connu beaucoup de militaires, de très belles rencontres.
Comment faisiez-vous pour l’envoi de vos papiers, si l’on sait qu’Internet n’était pas aussi développé ?
On a travaillé dans des conditions très difficiles. On n’avait pas Internet. Je squattais la valise de RFI ou de Radio Portugal. Mame Less était le directeur de la radio ; il était très inquiet parce qu’il avait peur que les enfants d’autrui qu’il avait envoyés reviennent dans des cercueils. Je me rappelle le premier papier que nous avions fait à notre retour de Bissau, il a été publié dans la rubrique Kiosques de ‘’Jeune Afrique’’. En ce moment, on avait juste la convention collective : peut être 100 ou 150 000 F CFA maximum. Nous sommes partis parce que nous étions passionnés. Et je pense que c’est ce qu’il faut pour être un bon journaliste. Malheureusement, cette passion a tendance à disparaitre de nos rédactions.
D’où vient le surnom ‘’Scoop’’ que certains vous collent ?
Cela vient des confrères. Je pense que c’était Madiambal Diagne qui m’a affublé du surnom ‘’Scoop’’ pour la première fois. Le plus important pour un journaliste, c’est de ne pas suivre les effets de mode, d’avoir sa stratégie pour accéder à l’information, à la bonne information, de première main comme on dit. Pour ce faire, il faut être dégourdi, mais patient ; il faut aussi préserver sa crédibilité. Même quand on vous donne un document, tu dois vérifier, recouper, trianguler... Ce n’est pas toujours évident dans notre contexte notamment, avec les difficultés d’accéder à l’information. Il faut donc être patient et rigoureux pour éviter d’être démenti.
En 2018, vous quittez GFM pour mettre en place Emedia Invest. Pouvez-vous revenir sur les circonstances de votre départ et la création de ce groupe ?
Nous avons quitté GFM qui, comme je le disais, est notre bébé et on a toujours d’excellentes relations avec nos frères et sœurs qui sont làbas. C’est parti sur le constat qu’il y a des engagements qui ont été pris et qui n’ont pas été respectés. Pour la bonne et simple raison qu’on a toujours défendu que les journalistes doivent être des actionnaires dans les entreprises de presse dans lesquelles ils travaillent. Les patrons doivent avoir la générosité d’ouvrir le capital aux travailleurs. Ensuite, on s’est rendu compte que la fonction de journaliste était de plus en plus négligée au profit de l’’’Entertainment’’, du spectacle. Ce qui est compréhensible, parce que le groupe a été créé par un artiste. C’est donc normal qu’il y ait une certaine sensibilité au spectacle. À un moment donné, le seul rendez-vous qui existait, par exemple, en français, c’était le ‘’20 H’’. ‘’Les Affaires de la Cité’’, ‘’Question directe’’, ‘’L’art’’, beaucoup d’émissions ont été supprimées et remplacées par des émissions en wolof ou de divertissement. Quand on ne se sent plus à l’aise dans ce qui se fait, il est temps de partir.
On s’est réuni : d’abord Mamoudou Ibra Kane, Mamadou Ndiaye et moi pour voir comment mettre en place un groupe. Boubacar Diallo est venu après. On s’est dit que la seule expérience de journalistes qui se sont réunis et qui ont monté quelque chose de solide, c’est Sud. Pourquoi ne pas imiter ce modèle ? Sauf que nous, nous n’avions pas de capital. On s’est dit qu’il faut aller chercher des hommes d’affaires sénégalais à qui on va expliquer le projet. L’idée était de leur dire que le Sénégal va devenir un pays gazier et pétrolier. De plus en plus, les médias étrangers vont s’intéresser au Sénégal et c’est déjà le cas. Nous leur avons dit : vous êtes des hommes d’affaires, vous avez des intérêts à défendre. Nous, nous sommes des journalistes. Je pense qu’on devrait s’associer et mettre en place des choses et tout le monde va gagner. Sinon, demain, si on vous arrache vos droits, vous n’auriez nulle part où vous plaindre, d’autant plus que ces médias étrangers vont défendre les entreprises de leurs pays.
Ensuite, c’est pour contribuer à la démocratie sénégalaise. C’est une vision holistique qui a favorisé la naissance de ce projet. Les partenaires savent qu’ils ne vont peut-être pas gagner de l’argent, mais qu’ils vont contribuer à la création d’emplois, ils vont participer à la démocratie et cela a des effets sur leurs business.
Donc, vous n’êtes pas contre la jonction entre le capital et les journalistes pour mettre en place des groupes viables ?
Du tout ! Allez en France, Bolloré a vendu tout ce qu’il avait et a investi dans les médias avec Canal, avec Cnews... Aujourd’hui, rien ne se fait en France sans lui. Il a même créé un monstre qu’est Zemmour. Si vous allez aux États-Unis, c’est la même chose ; la plupart des grands groupes sont contrôlés par des firmes. La différence est qu’aux États-Unis, l’éditorial est différent de la rédaction. Quand tu es propriétaire d’un journal, tu peux faire un édito et soutenir qui tu veux, mais cela n’engage pas la rédaction. C’est le business. Nous devons nous adapter.
On vous a reproché d’être parrainé par Macky Sall ou d’autres hommes de son régime. Qu’en est-il ?
C’est totalement faux ! Les gens font des raccourcis très faciles. Nous sommes toucouleurs ; forcément, quand un Al Pulaar monte quelque chose, c’est Macky Sall qui est derrière. Ce sont des raccourcis très dangereux. Macky Sall n’a rien à voir, ni de près ni de loin avec notre entreprise. Ce sont des hommes d’affaires sénégalais qui ont pignon sur rue qui ont décidé d’investir dans Emedia. Pour nous, ce sont des Sénégalais qui ont investi comme les Sénégalais investissent dans n’importe quelle entreprise.
Cinq ans après, ce groupe que l’on croyait parmi les plus solides se retrouve dans des difficultés financières. Comment on en est arrivé-là ?
Les gens ont pensé qu’on avait énormément d’argent, parce qu’ils n’étaient pas habitués à voir cela. Pour la première fois, on lance un groupe de presse avec une télé, une radio et un site Internet en même temps. Et ensuite est venu le journal. C’est peut-être pourquoi on a pensé qu’on avait énormément d’argent. Ce qui est contraire à la vérité ; on n’avait pas beaucoup d’argent, mais on avait une force de frappe, c’est-àdire nos carnets d’adresses, avec Boubacar Diallo, Mamoudou Ibra Kane, Mamadou Ndiaye. On s’est battu pour trouver des partenaires et lancer cette affaire.
Malheureusement, notre ascension a été un peu perturbée par la Covid. Ensuite est venue la crise ukrainienne... Aujourd’hui, la guerre au Yémen qui nous impacte aussi. Nous n’avons pas été encouragés par le contexte, mais nous tenons bon. Il faut préciser que nous avons juste des retards de salaire. Il n’y a aucun arriéré. Il y a dans la presse des entreprises qui ne paient pas depuis des mois. Mais nous on essaie de se battre, bon an mal an, même si la conjoncture est difficile pour tout le monde. Mais je comprends aussi les jeunes, c’est tout à fait normal. C’est des jeunes, mais ils sont des responsables qui ont des charges et qui ont des pressions de leurs bailleurs, des familles... On comprend parfaitement parce que nous vivons avec eux. Vous me permettez de les remercier parce qu’ils sont travailleurs, ils sont professionnels et ils font des résultats. Nous pensons qu’on va travailler à trouver ensemble des solutions aux problèmes qui sont conjoncturels.
Est-ce que le départ de Mamoudou n’a pas précipité le groupe dans des difficultés ?
Mamoudou était le directeur général. Quand il a pensé faire la politique, nous avons estimé que c’est incompatible. Notre concept est d’être professionnel, responsable et équilibré. Quand il a décidé de faire la politique, nous avons estimé qu’il devait aller s’occuper de son mouvement. Donc, les déclarations ou positions qu’il peut prendre n’ont rien à voir avec le groupe. Certains font l’amalgame, parfois volontairement, juste pour nous nuire. Ce que Mamoudou fait sur le plan politique ne nous engage pas. Il a décidé de se lancer en politique, nous autres membres de la rédaction avons choisi de rester journalistes.
Donc, les déclarations de Mamoudou ne doivent nullement engager Emedia. Il faut vraiment insister là-dessus et faire la part des choses entre les activités de son mouvement et le groupe de presse que je dirige. Le groupe reste équilibré et donnera la parole à tout le monde.
Au-delà d’Emedia, ce que certains n’arrivent pas à comprendre, c’est pourquoi les difficultés persistent dans les entreprises de presse, malgré toutes les mannes injectées par l’État, notamment à travers l’aide à la presse et l’effacement des dettes fiscales. Où passent ces mannes ?
Moi, j’ai toujours dénoncé qu’on donne de l’argent directement aux médias. Souvent, quand on donne l’argent, ça couvre des dépenses, des dettes et d’autres charges. Je suis pour un changement de paradigme.
D’abord, l’État du Sénégal doit avoir une fiscalité adaptée à la presse. Il peut jouer par exemple sur le coût des intrants, sur la dette des entreprises de presse, sur l’Ipres, la Caisse de sécurité sociale, les charges de la presse, au lieu de donner de l’argent à un patron qui peut en faire un usage non conforme.
Ensuite, il faut surtout faire le nettoyage, assainir le milieu. N’importe qui peut se lever un jour et créer un journal. Ça pose problème dans un pays sérieux. L’État a failli dans son rôle de régulation. Nous sommes envahis par des gens qui n’ont rien à voir avec les médias. Il y a aussi la faillite des journalistes eux-mêmes qui n’ont pas défendu leur métier.
Enfin, je pense que les journalistes et les entreprises doivent également s’adapter, en investissant davantage le digital, par exemple.
Vous posez là le problème du modèle économique. Quel modèle pour des entreprises de presse viables ?
Le modèle actuel n’est plus opérant. Nous sommes appelés à nous adapter comme j’ai dit. Sinon, nous allons disparaitre. L’économie est dans le digital. Aussi, l’écosystème même est à revoir. Ce n’est pas normal que les Gafam rémunèrent les contenus en Europe, aux ÉtatsUnis, en Occident et que rien ne soit fait en Afrique. Je pense que nos États, à travers les organisations comme l’UEMOA, la CEDEAO ou même l’Union africaine, doivent prendre en compte cette problématique. Les gens produisent des articles avec tout ce qui va avec comme énergie et moyens déployés, on pompe, on met dans Google, on génère de la pub et d’autres perçoivent les retombées. C’est inacceptable. L’Afrique doit aussi défendre sa presse.
Ces difficultés coïncident avec le changement de régime. Est-ce que cela a joué sur la situation des médias ?
Non, je ne le pense pas. Le seul impact possible, c’est que les entreprises ont des contrats avec les ministères et institutions. C’est tout à fait normal que les nouvelles équipes qui viennent veuillent comprendre ce qui s’est passé. Tous les médias ont des contrats et sont confrontés à ce genre de problème. Maintenant, moi je pense que les gens doivent chercher un modèle qui est moins dépendant de l’État. Il faut aller vers la digitalisation, même si le papier a aussi sa place. Il faut trouver l’équilibre qui doit être basé sur une étude sérieuse. Mais l’écosystème de la publicité aussi doit être revu. Aujourd’hui, c’est la jungle. Chacun fait ce qu’il veut. Est-ce que vous pouvez comprendre que des journaux viennent de l’étranger et gagnent des marchés de pub à 600, 800 millions qu’ils ramènent chez eux ? Et pourtant, quand il y a eu la Covid, on a eu recours à cette presse locale. Les gens ont fait le job. Lors des élections aussi, on voit le travail remarquable des médias locaux, les journalistes sont dans les bureaux de vote pour diffuser les résultats en direct et contribuent ainsi à la transparence du scrutin. Vous pensez que tout ça a un prix ?
Malgré tout, on crie au scandale quand des entreprises de presse signent quelques contrats avec des structures étatiques. N’est-ce pas un paradoxe ?
Mais c’est scandaleux ! Comment peut-on se taire quand un journal étranger vient ramasser une pub de 800 millions et se scandaliser quand une entreprise sénégalaise gagne un petit contrat de quelques millions ? Les gens sont méchants, ils ont la haine de soi. Quand un journal sénégalais s’en sort, ça doit être une fierté. Ceux qui y travaillent sont des Sénégalais. Et après on va s’offusquer de l’émigration irrégulière… C’est un véritable paradoxe.
Vous avez parlé des grands groupes. On les voit rarement faire de la publicité dans nos médias. Comment l’expliquez-vous ?
Il y a une connivence entre ces groupes et les médias de leurs pays. Quand le patronat a de la pub, ils le font dans leurs médias. Les Sénégalais n’y voient que du feu. Pourtant, c’est de l’argent gagné ici. Vous ne verrez jamais de grands marchés de publicité de ces entreprises étrangères être confiés à nos médias. Ça pose problème. Et je pense que la rupture, c’est aussi à ce niveau. C’est une question de souveraineté au même titre que les autres. Regardons le cas de Canal. Si aujourd’hui, il décidait de couper son signal, beaucoup de Sénégalais ne pourront regarder les télés, hormis la TNT qui n’est pas présente dans toutes les localités. Voilà les véritables enjeux.
Avez-vous pris, pour le cas d’Emedia, des mesures pour assainir les finances ?
D’abord, il y a l’option de la digitalisation qui estirréversible. J’ai vu beaucoup d’expériences dans ce domaine. Aux États-Unis par exemple, à la VOA, où j’aitrouvé un de mes grands,Idrissa Fall, les réunions se font de façon virtuelle. Cela permet d’amoindrir les coûts, cela permet aussi d’avoir plus de traçabilité du travail... Il faut aussi renforcer la qualité des contenus. C’est également un des défis majeurs pour tous les médias.
Le constat dans les télévisions est qu’il y a très peu d’émissions en français. Est-ce que ce n’est pas problématique ?
Je pense que c’est une bonne chose de faire davantage de place au wolof, parce que c’est une langue parlée par tous les Sénégalais ; c’est une langue de compréhension des Sénégalais ; c’est une langue d’unité nationale. Que l’on soit Al Pulaar, Sérère, Njaago ou Diola, on comprend tous le wolof qui nous unit, qui nous permet de nous parler et de nous comprendre.
D’ailleurs Tiken Jah Fakoly l’a dit : ‘’Heureusement qu’au Sénégal, ils ont le wolof qui leur permet de se parler et de se comprendre.’’ Mais le français doit aussi avoir sa place, parce que c’est la langue qui nous permet de parler au monde. Nous devons même développer des émissions en anglais. Nous, on en a à iRadio. Tous les dimanches, on fait la synthèse de l’actu de la semaine en anglais pour nous faire comprendre par nos frères gambiens, les autres Anglophones qui sont là également. On doit développer davantage ces formats. Comme disait l’autre, c’est enracinement et ouverture. Mais la langue wolof a permis de décoloniser l’information. Si aujourd’hui, les chaînes étrangères ne peuvent pas avoir une certaine audience dans notre pays, c’est parce que le wolof a permis de démocratiser l’information, de la faire comprendre. Le seul problème avec le wolof, c’est qu’on n’a pas parfois la même exigence. Souvent, c’est la porte d’entrée de tout le monde. Il suffit d’avoir un bon niveau de langue, de parler bien et on vous recrute, alors que sur le plan professionnel, vous avez des lacunes. Je pense que les écoles doivent intégrer cet aspect dans leurs cursus.
Avec les nouvelles autorités, il y a eu trop de contentieux, notamment quand ils étaient dans l’opposition. Pensez-vous que les relations peuvent se normaliser ?
Non, je ne vois pas de problème particulier. Ils viennent d’arriver, ils viennent de faire à peine un mois. Il faut leur donner du temps et on avisera. Au début, il est normal qu’ils veuillent faire l’état des lieux. Je pense qu’ils ont l’obligation de travailler avec tous les Sénégalais, y compris les médias. En tant que Sénégalais, nous ne sommes pas obligés d’avoir les mêmes points de vue, mais chacun doit pouvoir faire son travail dans le respect de l’autre. Pour la presse, elle doit continuer de travailler, aller chercher les niches d’argent là où elles sont, ne pas dépendre de l’État. Et les journalistes eux-mêmes doivent s’adapter à la mentalité digitale. C’est devenu important. ‘’Mediapart’’ est un exemple. ‘’Midi libre’’, qui est aujourd’hui exclusivement sur Internet est un exemple. Nous devons imiter ce qui se fait de mieux dans le monde.
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LES TRESORS DE L’IFAN
Contes africains, musées, langues nationales, recherche scientifique, niveau de pollution au CO2, botanique, bibliothèques, biologie animale, islam, etc. Tous ces mots apparemment non reliés ont un point en commun : l’Ifan.
Contes africains, musées, langues nationales, recherche scientifique, niveau de pollution au CO2, botanique, bibliothèques, biologie animale, islam, etc. Tous ces mots apparemment non reliés ont un point en commun : l’Ifan. Cette institution est comme un puzzle dont ces mots, et bien d’autres, sont les composants. Une fois chaque pièce identifiée et soigneusement agencée, on se retrouve avec l’image d’une institution qui repose sur deux piliers : la préservation du patrimoine culturel de l’Afrique et la recherche scientifique au service du bien commun.
Dans un contexte de rachat de la bibliothèque de Senghor, il convient de rappeler un événement qui a eu lieu en juillet 2022 : le legs à l’Ifan de la bibliothèque personnelle de Abdoulaye Ly. Cet intellectuel décédé en 2013 à l’âge de 93 ans était le premier sénégalais détenteur d’un doctorat en histoire. Il était aussi le premier assistant de recherche africain de l’Ifan (1954). Conformément à la volonté du défunt, sa famille a remis à son ancienne institution sa bibliothèque riche de 1500 ouvrages. Cet épisode révèle l’un des moyens par lesquels le riche patrimoine de l’Ifan s’est constitué : Le legs. Parmi les hommes ayant transmis leur collection, il y a notamment l’intellectuel arabisant Cheikh Moussa Kamara (1864-1945) ainsi que le Gouverneur Henri Gaden qui aurait également conçu un dictionnaire français-pulaar. Le Fonds initial de la bibliothèque a été hérité de l’Aof en 1938. Par la suite, la collection s’est enrichie avec des achats, des dons, des collectes de terrain, des échanges avec d’autres institutions mais aussi et surtout les publications de chercheurs. Ces ouvrages, archives et manuscrits sont pour les chercheurs et les curieux une source de savoirs ancestraux rares, de témoignages, de résultats de recherches et un moyen de mieux connaitre l’histoire des sociétés africaines.
L’archéologie... en mer
Toutefois, les sources orales et écrites ne sont pas les seuls moyens de retracer l’histoire. L’archéologie nous renseigne sur le passé à travers les vestiges matériels laissés par les sociétés étudiées. Ces vestiges peuvent inclure des artefacts, des structures architecturales, des restes humains, des outils, des poteries, des inscriptions, etc. Ces trouvailles aident à reconstituer et à comprendre les modes de vie, la culture, l’avancée technologique et les relations sociales des civilisations anciennes. L’Ifan a mené plusieurs fouilles archéologiques au Sénégal et en Afrique de l’Ouest. Alors que les fouilles en terre sont plus répandues, l’Ifan a participé récemment à des fouilles en mer à la recherche d’épaves de navires ayant coulé durant l’esclavage. Ce projet mené en collaboration avec une institution afroaméricaine entend retracer l’histoire de l’esclavage en faisant parler les bateaux négriers qui reposent au fond de l’Atlantique. A travers l’état de ces navires et de leurs funestes cargaisons humaines, les chercheurs espèrent faire des découvertes qui vont aider à mieux documenter l’histoire de cette tragédie humaine.
Faire parler des bateaux naufragés
L’Unesco estime à près d’un millier le nombre de navires négriers ayant sombré entre l’Afrique et l’Amérique. Ces accidents sont attribués à plusieurs causes : «Les obstacles à la navigation (mauvaise visibilité, bancs de sable…), ainsi que la rivalité entre puissances européennes, ont précipité vers le fond de nombreuses embarcations et avec elles les milliers d’esclaves qui avaient été forcés d’embarquer», lit-on dans un article publié par l’Unesco et portant la signature du Dr Madické Guèye de l’Ifan. L’équipe de plongeurs-chercheurs sénégalais est menée par le Pr Ibrahima Thiaw, archéologue à l’Ifan. Les recherches se concentrent aux larges de l’île de Gorée. Entre 2016 et 2017, une recherche avait montré qu’il y avait au moins 24 sites archéologiques aux larges de l’île. Il s’agit maintenant d’identifier ces épaves et de collecter des données qui vont renseigner sur les conditions de vie à bord et peut-être les circonstances du naufrage. Certains vestiges pourraient être remontés en surface et conservés dans des musées. Néanmoins, le séjour prolongé en mer peut entrainer une dégradation nécessitant des conditions spéciales de conservation. Or, «le Sénégal n’est pas encore équipé de laboratoire de conservation, élément primordial pour poursuivre les fouilles archéologiques sous-marines», déplore Madické Guèye, Docteur en archéologie sous-marine.
3 grands musées dont l’un situé dans une ancienne prison
L’Ifan dispose cependant d’un réseau de trois musées où sont conservés et exposés des vestiges de l’histoire africaine. Le musée Théodore Monod situé au Plateau à Dakar est consacré à la préservation et à la valorisation du patrimoine culturel africain. Il abrite plus de 9700 objets et vestiges historiques. Le musée historique à Gorée est consacré à l’histoire générale du Sénégal. Ce musée est aménagé dans le Fort d’Estrées qui était une ancienne prison où furent incarcérés des opposants au régime de Senghor. Omar Blondin Diop y trouva la mort en 1973. Cette imposante bâtisse abrite désormais une collection de cartes, d’objets et de pièces «qui retracent l’histoire de l’Île de Gorée, de la traite négrière, des royaumes de la Sénégambie et de l’Islam au Sénégal entre autres», lit-on sur le site de l’Ifan. Toujours situé à Gorée, il y a le Musée de la Mer consacré à l’eau et à la biodiversité marine. Le Sénégal disposant d’îles et de 700 km de côtes, on comprend l’importance accordée à la mer et à ce qu’elle abrite. Après tout, que serait le thièbou djeun sans le poisson ? Le musée abrite une collection de plusieurs centaines de poissons et de mollusques.