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22 novembre 2024
Cheikh Anta Diop
MACKY SALL SOUHAITE L’INSTITUTION D’UN "PRIX CHEIKH ANTA DIOP’’ AU FESPACO
’’(...) il faut voir comment instaurer un prix qui sera nommé Cheikh Anta Diop— car je suis un panafricaniste— dédié au cinéma africain’’, pour notamment soutenir les actions du Burkina Faso dans ce domaine, a déclaré le chef de l’Etat
Le président de la République, Macky Sall, propose l’instauration d’un ’’Prix Cheikh Anta Diop’’ d’un montant de 20 millions de francs CFA lors du prochain Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO).
’’(...) il faut voir comment instaurer un prix qui sera nommé Cheikh Anta Diop— car je suis un panafricaniste— dédié au cinéma africain’’, pour notamment soutenir les actions du Burkina Faso dans ce domaine, a déclaré le chef de l’Etat en recevant mardi des cinéastes sénégalais, dont la réalisatrice du film ’’Atlantique’’, Mati Cléméntine Diop.
Des professionnels du cinéma ont été décorés à cette occasion. Il s’agit de Mati Diop, Ousmane William Mbaye, Moussa Touré, Arona Camara, Ibrahima Mbaye, Rokhaya Niang, Baba Diop, Lamine Ndiaye, Alain Gomis et Oumar Sall.
Le FESCAPO a été créé en 1969 à Ouagadougou à l’initiative d’un groupe de cinéastes africains, dont le Sénégalais Sembène Ousmane (1923-2007), surnommé l’aîné des anciens.
Son objectif consiste, entre autres, à favoriser la diffusion de toutes les œuvres du cinéma africain, permettre les contacts et les échanges entre professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, contribuer à l’essor, au développement et à la sauvegarde du cinéma africain, en tant que moyen d’expression, d’éducation et de conscientisation.
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CHEIKH ANTA DIOP, L'HISTORIEN RÉVOLUTIONNAIRE
Retour sur le parcours du scientifique sénégalais qui a bouleversé la vision de l’histoire africaine
Le Monde Afrique |
Coumba Kane |
Publication 14/07/2019
Cheikh Anta Diop a été l’un des penseurs africains les plus influents du XXe siècle. Historien, scientifique et homme politique, le chercheur sénégalais a développé la théorie d’une Egypte ancienne profondément africaine. En 1954, il publie sa thèse dans Nations nègres et culture. La parution du livre va susciter l’hostilité du monde scientifique français. Le milieu académique reproche à Cheikh Anta Diop d’avoir une lecture plus politique et idéologique que scientifique de l’histoire africaine.
Malgré les controverses, trente-trois ans après sa mort, l’auteur de Civilisation ou barbarie et Antériorité des civilisations nègres continue d’influencer la recherche en histoire africaine, et de manière plus globale la pensée politique, philosophique, économique et culturelle du continent et de ses diasporas.
par Madiambal Diagne
LES PYRAMIDES D'ÉGYPTE, SYMBOLES DE L'ÉCHEC DE L'AFRIQUE
Comment cette Afrique qui a produit ce qu’il y avait de plus évolué dans le monde a pu aujourd’hui être à la traîne ? Les Africains sont assez prompts pour se trouver des excuses, comme l’esclavage ou la colonisation européenne
En Egypte, le visiteur ne peut manquer de s’émerveiller devant les hautes pyramides. Ces grandes bâtisses, vieilles de plus de 4 000 ans et sans aucune ride, constituent une prouesse technique et architecturale. Elles sont hautes, comme un immeuble de plus de 45 étages (Les pyramides de Gizeh près du Caire montent à 146 mètres de hauteur). Construites avec beaucoup d’ingéniosité et des moyens technologiques d’un autre âge, les pyramides ont été considérées comme l’une des sept Merveilles du monde. Elles sont les témoins encore debout d’une grande civilisation, la plus évoluée de l’histoire de l’humanité. Tout le monde s’accorde sur l’idée que le monde moderne – la civilisation contemporaine – prend sa source de l’Egypte ancienne. Cette Egypte a produit le monde comme il est aujourd’hui. Le Pr Cheikh Anta Diop avait fini par convaincre de l’antériorité des civilisations noires. Il a pu établir indubitablement que «l’Egypte ancienne était nègre», non pas seulement par sa situation géographique, mais aussi par ses langues, son organisation politico-sociale et ses brassages ethno-linguistiques.
Les Africains ont donc de bonnes raisons d’être fiers de la civilisation égyptienne qui porte le sceau des différentes dynasties pharaoniques. Mais paradoxalement, les reliques de l’Egypte ancienne devraient aussi constituer notre mauvaise conscience. En effet, comment cette Afrique qui a produit ce qu’il y avait de plus évolué dans le monde a pu aujourd’hui être à la traîne du monde ? Les Africains sont assez prompts pour se trouver des excuses, comme l’esclavage ou la colonisation européenne. Force est de dire que quand la civilisation égyptienne déclinait, il n’avait point encore été question de traite négrière ou de colonisation.
Le sort des morts importe plus que celui des survivants
Il apparaît que paradoxalement l’Egypte a été freinée par la grandeur et l’aura de ses pharaons. Qu’est-ce que la postérité retient de ces illustres pharaons ? Rien d’autre que leurs pyramides qui servaient de temples, qui leur servaient de tombeaux. Chaque pharaon passait sa vie à édifier la plus grande pyramide, la plus majestueuse ou la plus prestigieuse pour y reposer éternellement. Il ne se trouve pas dans l’histoire de l’Egypte ancienne ou dans l’histoire du monde noir un souverain qui a laissé à sa suite une infrastructure communautaire qui fasse encore rêver. Tout était centré et dévolu à la gloire personnelle du souverain. Le postulat semblait être que la vie des Peuples africains s’arrêtait avec la mort de leur souverain. Le souverain se faisait enterrer avec son colossal patrimoine. Les richesses accumulées étaient ainsi perdues pour toujours. Le successeur était appelé à repartir de zéro, à chercher à amasser une nouvelle richesse qui ne lui survivra pas non plus. L’histoire devient ainsi un éternel recommencement. Aucun acquis économique ou d’infrastructure n’aura à profiter aux générations suivantes. Qui peut montrer une route, une école, une université ou même une maison habitable laissée par un souverain africain à son successeur ? Le souverain se faisait enterrer avec ses serviteurs et ses richesses pour, disait-on, lui permettre de poursuivre sa vie de luxe et de lucre dans l’au-delà. Il reste, ironie du sort, que le souverain s’arrangeait toujours pour ne pas se faire enterrer avec ses reines ou ses enfants. Ce sont les autres, le Peuple de serviteurs, qui sont sacrifiés. Le souverain perpétuait sa lignée qui va continuer de régner sur son Peuple. La bonne preuve est qu’on retrouve des temples conçus et dédiés à telle reine ou tel successeur de tel souverain. La dynastie ne s’arrête jamais à la mort du souverain régnant. Le souverain africain vivait uniquement pour ses petits plaisirs. Pourtant, l’histoire enseigne combien avait été rude la vie des Peuples égyptiens pendant que les pharaons ne se privaient de rien.
Ils sont célèbres, les raouts des rois africains. Leur gloire et leur épopée sont chantées au gré des largesses et de la bombance. Au Sénégal par exemple, on nous conte toujours l’histoire emblématique de ce roi du Kajoor qui faisait la fête à longueur de journée entre la bonne «chair et la boisson» qu’on devine «alcoolisée». Il peut arriver de se vanter de ses origines «ceddos», qui sont synonymes de libertinage, de prodigalité, de goût du lucre et de la bombance. Qu’est-ce qu’il y a de progressiste dans une telle façon de vivre ? Toujours au Sénégal, on chante encore la gloire d’un souverain dont le mérite, ô combien grand, est d’avoir «creusé un puits où tout le monde s’abreuvait». Un signe ou un geste de générosité ou de mansuétude ? Comme si le Peuple n’avait pas droit à de l’eau ! Etait-ce suffisant pour faire la prospérité de son Peuple et valoir à ce souverain une gloire qui aura traversé des générations ?
De nombreux milieux intellectuels africains se sont extasiés d’un article publié, récemment, dans un média britannique, qui présentait le roi malien Kankan Moussa comme «l’homme le plus riche de tous les temps». Kankan Moussa avait été si riche que lors de son pèlerinage à la Mecque, il avait transporté des tonnes d’or sur plus de 1 200 chameaux et éléphants, portant chacun plus de 150 kilogrammes d’or. Kankan Moussa a fait le pèlerinage à la Mecque, accompagné d’une cour de plus de 60 mille sujets et quelque 12 mille esclaves. «C’était comme une ville qui traversait le désert.» Kankan Moussa a même fait dégringoler les cours de l’or sur tout son passage en Egypte, en Syrie et à la Mecque. Que reste-t-il de l’épopée de Kankan Moussa ? On ne lui connaît pas une autre réalisation laissée à la postérité que la seule mosquée de Djingareyber à Tombouctou, construite à partir de 1327. Oui, «l’homme le plus riche du monde et de tous les temps» n’a laissé ni école ni route, ni maison ni palais, mais une seule et grande mosquée. Cette richesse de Kankan Moussa a profité à d’autres Peuples.
Nous voulons croire à l’épopée que «le roi Mansa Moussa (roi des rois) est revenu de la Mecque avec plusieurs savants musulmans, dont des descendants directs du prophète Mohamed et un poète et architecte andalou du nom de Abu Es Haq es Saheli, qui est largement reconnu pour avoir conçu la célèbre mosquée Djingareyber. En plus d’encourager les arts et l’architecture, il a également financé la littérature et construit des écoles, des bibliothèques et des mosquées. Tombouctou était rapidement devenue un centre d’éducation et des gens venaient du monde entier pour étudier à la future Université Sankore. Le richissime roi est souvent crédité d’avoir commencé la tradition de l’éducation en Afrique de l’Ouest». Qu’on nous montre les vestiges de tout cela ! On ne trouve pratiquement à Tombouctou que des tombeaux de saints. Dans le cimetière de Tombouctou, la légende voudrait que seraient enterrés exactement 333 saints. Les exemples sont légion en Afrique et sont les plus parlants, les uns les autres.
Jamais un Peuple dans l’histoire de l’humanité n’a disposé d’autant de richesses ! Sous le règne de Mansa Moussa, l’empire du Mali représentait près de la moitié des réserves d’or de l’Ancien Monde, selon le British Museum. A l’époque, encore une fois, il n’était pas question de traite négrière, encore moins de colonisation qui expliquerait ou justifierait les retards actuels. Le roi Magha 1er avait succédé à Kankan Moussa. A sa mort, Mari Djata II arriva au pouvoir «avec ses lubies et ses débauches». L’écrivain Ibn Khaldùn, dans son Livre des exemples, explique que l’un des successeurs de Kankan Moussa, Mari Djata II, mort en 1373, n’avait pas bonne réputation. «Il ruina le royaume, dissipa les richesses, mettant l’empire du Mali au bord de l’effondrement. Il poussa tant ses gaspillages et ses dilapidations qu’il vendit la pépite d’or du Trésor royal hérité de son père.» Une peinture historique montre Kankan Moussa avec la fameuse boule d’or à la main, symbole de sa royauté.
En Afrique, quand on construit, c’est d’abord un lieu de culte. Rien n’est trop beau pour un lieu de culte. On peut être dans un trou perdu pour y dresser une basilique ou une mosquée, la plus somptueuse, alors que les fidèles appelés à s’y recueillir manquent de tout, de nourriture, d’eau courante, d’électricité, d’écoles, de lieux pour se soigner.
Qu’ils sont tristement célèbres nos rois ! Allons au royaume d’Abomey, actuel Bénin ! Depuis 1625, ils étaient douze rois sanguinaires à se succéder et qui avaient fini par ruiner leurs Peuples. Comme s’ils rivalisaient de cruauté. Ils pratiquaient la traite des esclaves, le culte du sang et se préoccupaient uniquement d‘entretenir leur cour avec faste et de faire la guerre. Ils disposaient de la vie et des biens de leurs sujets. Ils héritaient des morts. Ils dépouillaient leurs sujets pour mener leur train de vie.
Continuer de faire comme les ancêtres
Le schéma se perpétue de nos jours. Les richesses africaines profitent plus à d’autres Peuples qu’aux Peuples africains. Nos élites rivalisent du plus beau et plus vaste domaine ou autre propriété en Europe ou en Amérique ou dans les pays du Golfe arabo-persique. Toutes les richesses africaines sont externalisées par nos élites politiques, économiques et sociales. S’il faut investir, il faut le faire à l’étranger, loin des yeux et des oreilles de son Peuple. Les ressources du sol africain sont placées entre les mains d’étrangers et les revenus qui en sont tirés sont domiciliés à l’étranger. Ces ressources pourront permettre de financer les infrastructures, le développement et les circuits économiques des pays étrangers. L‘Afrique semble condamnée à vivre éternellement ainsi. Il arrive souvent qu’un chef d’Etat africain, après plusieurs décennies, ne laisse derrière lui la moindre maison bâtie sur le sol du Peuple dont il a guidé aux destinées. Par contre, ce dirigeant ne manquera pas de posséder des propriétés les plus somptueuses à l’étranger.
Dans nos chaumières, il faut consacrer nos revenus à faire la fête. Mais pour investir, il faut le faire chez les autres. Les élites africaines étalent leurs richesses dans des cérémonies familiales comme le mariage, la fête de la naissance d’un nouveau membre de la famille ou encore pour fêter la mort d’un proche. Les deuils sont l’occasion de dépenser toutes les économies de la famille, jusqu’à s’endetter même. Le défunt aura été dignement fêté pour le repos de son âme éternelle, même si la vie de ses proches survivants sera affectée, pour toujours, par des dettes ou la pauvreté. En Afrique, on ne vit que pour nos morts, c’est peut-être parce que «les morts ne sont pas morts».
par Ndongo Samba Sylla
LA MONNAIE UNIQUE OUEST-AFRICAINE RISQUE D'ÊTRE UN ÉCHEC CUISANT
Le fait que les pays africains ne soient pas encore prêts pour l’unité politique ne les condamne pas pour autant à choisir entre le statu quo monétaire et l’adoption d’une grossière copie de l’euro
Le Monde Afrique |
Ndongo Samba Sylla |
Publication 30/06/2019
Le sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui s’est tenu samedi 29 juin à Abuja, au Nigeria, a été l’occasion de faire le point sur l’éco, la monnaie unique que les quinze pays de ce bloc régional projettent de lancer en 2020. Sa création pourrait être une excellente nouvelle pour ceux d’entre eux qui utilisent le franc CFA, soit huit Etats. Elle entraînerait de facto la fin de cette monnaie née pendant la période coloniale et toujours placée sous la tutelle du ministère français des finances, avec l’obligation pour les pays africains de déposer la moitié de leurs réserves de change auprès du Trésor français et la présence de responsables français dans les instances de leurs banques centrales.
Pour nombre d’intellectuels et de militants panafricanistes, il est temps de tourner la page du franc CFA au profit d’une intégration monétaire entre Africains qui transcenderait les legs du colonialisme. Le projet éco pourra, pensent-ils, permettre d’y parvenir. Or une critique économique conséquente du franc CFA, se situant au-delà d’une critique politico-symbolique, montre que la monnaie unique de la Cédéao, telle qu’elle a été conçue jusqu’ici, ne constitue pas la meilleure voie à suivre.
Faiblesse du commerce intra-régional
Une objection importante contre le franc CFA est que les deux blocs qui l’utilisent, c’est-à-dire l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac), ne présentent pas les caractéristiques de « zones monétaires optimales ». Cela veut dire que leur existence ne se justifie pas économiquement : les inconvénients à partager la même monnaie pour les pays membres pris individuellement sont supérieurs aux avantages à la maintenir. Partant de ce fait relevé par des travaux empiriques, on peut difficilement concevoir qu’une union monétaire plus large permettra d’inverser la tendance.
Le comité ministériel de la Cédéao note lui-même, dans son dernier rapport, qu’aucun pays de la région n’avait rempli en 2018 les critères requis pour faire partie de la zone monétaire éco. Dans le cas des pays de l’UEMOA, cette observation est plutôt dévastatrice. Elle signifie qu’ils ne satisfont toujours pas les préalables en vue d’une intégration monétaire, malgré près de soixante ans de partage d’une même monnaie ! Soulignons au passage que les pays de l’UEMOA n’ont toujours pas présenté le plan de divorce d’avec le Trésor français exigé par le Nigeria depuis 2017.
A supposer que l’éco voie le jour, ses bénéfices risquent d’être limités au regard de la faiblesse du commerce intra-Cédéao (9,4 % en 2017). L’argument selon lequel l’intégration monétaire va changer la donne est sujet à caution. Il suffit de se référer par exemple à l’expérience des pays de la Cémac : le commerce intra-régional y est de l’ordre de 5 %, en dépit de plus de soixante-dix ans d’intégration monétaire.
Il est par ailleurs probable que la politique monétaire et de change s’alignera sur la conjoncture du Nigeria, lequel représente les deux tiers du PIB de la région et la moitié de sa population. Le Nigeria, qui acceptera difficilement d’être dans une union monétaire dont il ne sera pas le patron, est un exportateur de pétrole, alors que les autres pays sont pour la plupart des importateurs nets de pétrole. En raison de ces différences de spécialisation, les cycles économiques des uns et des autres seront rarement synchrones. Or les Etats ayant intérêt à partager la même monnaie, et donc une même politique monétaire, sont ceux dont les cycles économiques sont synchrones.
Dans cette configuration, les pays exposés à des chocs asymétriques négatifs ne pourront pas avoir recours à la politique monétaire et de change pour s’ajuster. Ils n’auront pour option que la « dévaluation interne », concept qui désigne les politiques d’austérité. Un scénario d’autant plus probable que le projet éco ne prévoit, en l’état actuel, aucun mécanisme de solidarité budgétaire afin de faire face à des conjonctures différenciées entre les pays membres. Pire, ce projet est conçu dans une optique d’orthodoxie budgétaire (limitation du déficit et de l’endettement publics) qui sape d’emblée toute capacité de réaction positive des Etats confrontés à des chocs asymétriques. Laisser grossir les rangs des chômeurs et des sous-employés et ponctionner les classes moyennes et populaires : tel sera le mode d’ajustement en cas de crise.
Une grossière copie de l’euro
Que les architectes du projet éco aient copié dans le détail le « modèle » de l’Eurozone, sans s’être souciés de ses défauts devenus apparents avec la crise des subprimes, semble assez paradoxal. S’il y a bien une leçon à retenir de l’Eurozone, c’est qu’une zone monétaire sans fédéralisme budgétaire est vouée à l’échec. Wolfgang Schaüble, l’ex-ministre allemand des finances, a récemment admis que « l’erreur originelle avait été de vouloir créer une monnaie unique sans une politique commune dans les domaines de l’économie, de l’emploi et de la politique sociale ». En raison de cette faille originelle, les disparités économiques entre les pays européens se sont accentuées. Comme le montre une étude récente du Fonds monétaire international (FMI), les crises dans les pays de la zone euro ont été plus fréquentes et plus sévères que dans les autres pays riches. Les reprises y ont aussi été plus lentes.
Pour aller vers une monnaie unique, il faudrait d’abord mettre en place un gouvernement fédéral sur une base démocratique avec des pouvoirs fiscaux forts. Avoir la gestion monétaire au niveau supranational et laisser la gestion budgétaire au niveau national est une terrible erreur de conception. Le projet éco risque, tout comme la zone de libre-échange continentale (ZLEC), d’être un échec cuisant parce qu’il n’aura pas été fondé sur un socle politique fédéraliste. L’avertissement de Cheikh Anta Diop formulé en 1976 à propos de la Cédéao alors naissante reste actuel et pertinent : « L’organisation rationnelle des économies africaines ne peut précéder l’organisation politique de l’Afrique. »
Le fait que les pays africains ne soient pas encore prêts pour l’unité politique ne les condamne pas pour autant à choisir entre le statu quo monétaire et l’adoption d’une grossière copie de l’euro. Fort heureusement, de brillants économistes africains comme Samir Amin, Mamadou Diarra et Joseph T. Pouemi ont ébauché une alternative pratique et féconde : un système de monnaies nationales solidaires.
Concrètement, il s’agirait de faire en sorte que chaque pays de la zone franc ait sa propre monnaie nationale, gérée par sa banque centrale. Ces monnaies seraient liées par une unité de compte commune qui servirait à régler les échanges entre eux. Un système de paiement africain serait mis en place. Les réserves de change seraient en partie gérées de manière solidaire, afin que les monnaies se soutiennent mutuellement. Des politiques communes seraient mises en œuvre pour obtenir l’autosuffisance alimentaire et énergétique, et donc limiter les importations dans ces deux secteurs.
Ce système a l’avantage de permettre une solidarité entre pays africains et une flexibilité macroéconomique au niveau national. Ce que n’autorise pas le projet éco.
Ndongo Samba Sylla est économiste. Il a co-écrit, avec Fanny Pigeaud, L’Arme invisible de la Françafrique, une histoire du franc CFA (La Découverte, 2018).
Par Demba Moussa Dembélé
QUI REFUSERAIT UNE MONNAIE SOUVERAINE AFRICAINE ?
Au moment où le processus vers la monnaie unique dans l’espace CEDEAO semble franchir des pas décisifs, on assiste à une série de contre-feux de la part des défenseurs du franc CFA, dans le but de repousser l’échéance de 2020
Au moment où le processus vers la monnaie unique dans l’espace CEDEAO semble franchir des pas décisifs, on assiste à une série de contre-feux de la part des défenseurs du franc CFA, dans le but de repousser l’échéance de 2020 et de perpétuer la servitude monétaire imposée aux ex-colonies françaises depuis plus de 70 ans.
Les décisions de la réunion d’Abidjan
Lors de la réunion du Comité interministériel de la CEDEAO, composé des ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales, les 17 et 18 juin 2019, dans la capitale ivoirienne, d’importantes décisions ont été prises qui, si elles sont entérinées par les chefs d’Etat et de Gouvernement le 29 juin prochain, seraient une étape décisive vers la naissance de la monnaie unique. La première décision est le consensus sur le nom de la future monnaie unique, qui s’appellera ECO. La politique monétaire sera définie dans le cadre d’un ciblage de l’inflation globale. La seconde décision est relative à la nature de la future banque centrale, qui serait de type fédéral. Cette option vise sans doute à donner un peu plus de flexibilité aux pays dans l’application de la politique monétaire, tout en respectant le cadre global de celle-ci. La troisième décision concerne la nature du taux de change, qui serait flexible
La monnaie unique n’est plus une utopie
Ce qui est remarquable est que ces décisions aient été prises à Abidjan, en Côte d’Ivoire, dont le président, Alassane Ouattara, est taxé d’être un des farouches opposants à l’abandon du franc CFA, classé comme l’un des “gardiens du temple” par Jeune Afrique. Un autre signe qui conforte l’optimisme est la déclaration du ministre ivoirien de l’Economie et des Finances, Adama Koné, qui dit que “la monnaie de la CEDEAO n’est plus une utopie technocratique”. Cette déclaration semble indiquer que l’argument “technique” ne peut plus être évoqué pour retarder le processus vers la monnaie unique. En effet, pendant longtemps, les opposants à la monnaie unique ont avancé le caractère “technique” de la monnaie pour soutenir que les pays africains n’étaient pas prêts à créer leur propre monnaie et à abandonner le franc CFA.
Les critères de convergence sont certes un élément important à prendre en considération, mais ils ne doivent pas être un facteur bloquant d’autant plus que c’est impossible de voir tous les pays respecter ces critères en même temps. En réalité, il n’y a pas de modèle idéal pour aller à la monnaie unique. En fait, la question de la monnaie est fondamentalement politique. C’est pourquoi la Taskforce présidentielle, composée des chefs d’Etat de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Niger et du Nigeria, avait préconisé en octobre 2017, lors de sa réunion à Niamey (Niger), d’aller à la monnaie unique par étapes. Cette volonté avait été réaffirmée à Accra (Ghana), lors de la réunion de la Taskforce en février 2018. Au cours de cette réunion, les dirigeants avaient fixé une feuille de route révisée avec le “recentrage et la réduction des critères de convergence de onze à six”. Selon cette feuille de route révisée, les pays qui auront satisfait à ces critères de convergence, notamment ceux de premier rang, lanceront la monnaie unique en 2020 et les autres suivront. D’ailleurs, plusieurs pays, et non des moindres, ont dit avoir respecté au moins cinq des six critères retenus, ce qui rend possible le lancement de la monnaie unique, comme prévu. Ce que semble confirmer Monsieur Jean-Claude Brou, président de la Commission de la CEDEAO, qui, lors de la réunion d’Abidjan, a affirmé que “la feuille de route sera suivie”.
Les contre-feux des défenseurs de la servitude monétaire
Les décisions d’Abidjan et la perspective de les voir acceptées par les chefs d’Etat et de Gouvernement le 29 juin ont alarmé les défenseurs inconditionnels du franc CFA. Déjà, avant la réunion du Comité interministériel de la CEDEAO, l’hebdomadaire Jeune Afrique, qui avait eu vent de l’agenda de la rencontre, publiait dans son édition du 16 au 22 juin un document de 14 pages consacré au débat sur le franc CFA, avec une classification fantaisiste entre “extrémistes”, “réformistes” et “gardiens du temple”. En vérité dans ce débat, il n’y a que deux camps: les défenseurs du statu quo ou de la servitude monétaire et les partisans de la souveraineté monétaire. L’objectif du document de Jeune Afrique était de détourner l’attention sur la rencontre d’Abidjan ou peutêtre d’influencer les décisions des présidents des pays de la zone franc lors du Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement le 29 juin. Il y avait notamment l’interview de Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre français de l’Economie et des Finances et ancien Directeur général du FMI. Il est conseiller des présidents du Togo et du Congo-Brazzaville. La parole fut également donnée à ancien Conseiller spécial du gouverneur de la BCEAO, Monsieur Théophile Ahoua N’Doli, qui implore de “ne pas jeter le bébé CFA avec l’eau du bain”. Derrière leurs propositions de “réformes” pour faire évoluer les relations entre les pays africains et la France, se cache un objectif fondamental: préserver la tutelle de celleci, c’est-à-dire perpétuer la servitude monétaire des pays africains, sous une forme “rénovée” !
En Afrique et ailleurs, il y a toute une cohorte d’économistes, de journalistes et “d’experts” en tout genre qui se mobilisent pour mettre en garde contre l’abandon du franc CFA et l’adoption d’une monnaie souveraine africaine. A leurs yeux, les Africains ne sont pas assez “mûrs” pour gérer leur politique monétaire, même après 74 ans d’asservissement ! Ces défenseurs du franc CFA contre une monnaie africaine ne peuvent pas envisager l’avenir de leurs pays sans la France. Ils ressemblent à ces anciens esclaves qui, au seuil de la porte vers la liberté, reviennent sur leur pas vers la maison du maître, parce qu’ils se sentent perdus sans ce dernier ! Me revient à l’esprit la fameuse conférence du Pr. Cheikh Anta Diop à Niamey, au Niger. La plupart des questions posées par l’audience tournaient autour de l’acceptation de ses thèses par les Blancs ! Et l’éminent savant avait réagi en ces termes : “toutes vos questions reviennent à une seule : quand est-ce que les Blancs vous reconnaîtront-ils ? Parce que la vérité sonne blanche !”. Ceux à qui s’adressait l’éminent savant et ceux qui s’opposent à la fin de la servitude monétaire sont victimes d’une profonde aliénation culturelle, qui crée des réflexes de subordination et de soumission que beaucoup d’intellectuels africains traînent encore et dont ils ont du mal à se débarrasser. N’est-ce pas Steve Biko, l’une des figures héroïques de la lutte contre l’odieux système d’apartheid en Afrique du Sud, qui disait que “l’arme la plus puissante entre les mains de l’oppresseur est la mentalité de l’opprimé” ?
Un combat d’arrière-garde
Le combat que mènent les agents africains du néocolonialisme est un combat d’arrière-garde. Leurs cris d’alarme pourraient peut-être influencer quelques “dirigeants” sous le contrôle de la France, mais ils ne pourront pas arrêter la marche inexorable de l’histoire. Le contexte mondial est en pleine mutation. La mondialisation capitaliste est en train de s’effondrer, comme l’illustrent les guerres commerciales en cours, sous les regards impuissants de l’Organisation mondiale du commerce et des institutions financières internationales. On assiste à la mort de l’ancien ordre économique mondial et à la naissance d’un nouvel ordre dans lequel les pays du Sud, y compris l’Afrique, auront un poids économique et financier de plus en plus important. C’est dans ce contexte que l’Union africaine a lancé la Zone de libreéchange continentale (ZLEC), l’un des projets-phares de l’Agenda 2063. C’est dans ce contexte également que se situe le rapprochement entre la Côte d’Ivoire et le Ghana pour défendre ensemble les prix du cacao dont ils sont les principaux producteurs mondiaux. C’est sûr que le contexte mondial et régional en pleine mutation a pesé dans les importantes décisions prises à Abidjan et va probablement influencer celles des chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO lors de leur Sommet du 29 juin à Abuja, au Nigeria. Ils ont compris qu’il est temps de faire preuve de volonté politique et de franchir le Rubicon. Il y va de leur crédibilité, il y va du développement de leur Communauté. Faut-il rappeler que la quête d’une union monétaire va au-delà de la CEDEAO. L’Union africaine a lancé depuis plusieurs années des chantiers sur ce sujet, tels que le Fonds monétaire africain et la Banque centrale africaine. Plus de 40 banques centrales du continent adhèrent à ce projet, dont le secrétariat est logé à la BCEAO. Bienvenue à l’éco ! Au musée le franc des colonies françaises d’Afrique !
Demba Moussa Dembélé est économiste, organisateur des “samedis de l’économie”, Coauteur du livre Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le Franc CFA
PAR Aliou Diack
APPELEZ NOTRE FUTURE MONNAIE DE LA CEDEAO "LE KEMT" ET NON "ECO"
Le plus grand hommage que les chefs d’états africains pourraient rendre à Cheikh Anta Diop qui a décomplexé l’Afrique, ainsi qu’aux pères fondateurs du panafricanisme, c’est de donner à cette nouvelle monnaie un nom fédérateur
Les 15 chefs d’État de la Communauté Economique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont donné rendez-vous le 29 juin 2019 à Abuja au Nigéria, en vue d’adopter un agenda pour la mise en circulation prochaine d’une nouvelle monnaie unique de la zone, en l’occurrence l’ECO, qui devrait intervenir en 2020, en remplacement du Franc CFA encore en vigueur. C’est une excellente initiative à saluer et on a envie d’ajouter : oui « il faut faire ! », pour paraphraser l’éminent Professeur Congolais Théophile Obenga, qui considère à juste titre que les dirigeants africains hésitent trop souvent devant l’histoire, à prendre leur courage à deux mains et à décider ! Enfin ! car quels que puissent être les arguments avancés par ses défenseurs, le Franc CFA a été, demeure et restera toujours une monnaie de domination, voire d’oppression d’une importante partie du continent africain.
On aurait tort de banaliser cet acte fort et patriotique que viennent de poser les chefs d’état vers la réalisation de l’Unité Africaine sur une base économique solide avant qu’elle ne devienne organique, malgré l’afro-pessimisme ambiant qui habite certains observateurs étrangers, africains et afro-descendants de la diaspora. On aurait également tort de caricaturer cette nouvelle monnaie comme une monnaie de singe par condescendance !
En célébrant le 26 mai 2013 le jubilé de l’âge d’or (50ème anniversaire) de l’Organisation de l’Unité Africaine/Union Africaine (OUA/UA) fondée le 25 mai 1963 à Addis-Abeba en Ethiopie, les chefs d’états africains, après avoir rendu hommage aux pères-fondateurs du Mouvement Panafricain et des Mouvements de Libération Nationale, et rappelé le rôle, les efforts et sacrifices historiques qu’ils ont joués et déployés ; après s’être s’inspirés de leur vision, de leur sagesse et de leur combat, y ont pris des engagements très importants dans une « Déclaration solennelle sur le cinquantième anniversaire de l’OUA/UA ». En effet, dans l’agenda consacré à l’intégration africaine, les chefs d’états se sont résolument engagés à, je cite :
« Accélérer la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale, assurer la libre circulation des biens, en mettant l’accent sur l’intégration des marchés locaux et régionaux, et faciliter la citoyenneté africaine en vue de la libre circulation des personnes par la suppression graduelle des obligations de visa ;
Accélérer les mesures visant à bâtir une Afrique unie et intégrée par la mise en œuvre de nos cadres communs de gouvernance, de démocratie et des droits de l’homme, avancer rapidement vers l’intégration et la fusion des Communautés Economiques Régionales en tant que piliers de l’Union. » (Fin de citation).
Le rêve des pères fondateurs du Panafricanisme, de l’Unité Africaine et des Etats-Unis d’Afrique, passe inéluctablement par une indépendance culturelle, économique et militaire. Il s’agit de bâtir notre avenir en nous fondant sur un Paradigme Africain décomplexé de toute tutelle intellectuelle ou culturelle. Le Professeur Cheikh Anta Diop disait qu’il fallait « basculer l’Afrique sur la pente de son destin fédéral ». Pour cela, il faudra bien que l’Afrique recouvre sa dignité en s’appuyant sur le ressort de ses traditions pour rebondir vers une Renaissance Africaine.
Les puissances économiques et militaires mondiales, ont également commencé par prendre des décisions historiques majeures dans des conditions loin d’être optimales, et comparables à bien des égards à celles qui prévalent actuellement en Afrique. L’Union Européenne a démarré son travail d’unification douze années seulement après la terrible guerre mondiale de 1939- 1945 aux conséquences dramatiques, avec le fameux traité de Rome, qui a créé la « Communauté Economique Européenne (CEE) en 1957, une organisation supranationale avec 6 pays seulement, en l’occurrence l’Allemagne Fédérale (Allemagne de l’Ouest), la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Des pays exsangues économiquement, que le
fameux Plan Marshall d’après-guerre des Etats-Unis d’Amérique a aidé à se relever. Chaque pays conservait encore sa propre monnaie : le Deutsche Mark (DM) en Allemagne, le Franc Belge (BEF) en Belgique, le Franc Français (FRF) en France, la Lire (ITL) en Italie, le Franc Luxembourgeois (LUF) au Luxembourg et le Florin Néerlandais (FL) aux Pays-Bas. Mais les Européens ont fait ! Ils ont fait leur Marché Commun pour mener une vraie intégration économique. Le développement économique n’était ni linéaire ni uniforme, la cadence était inégale dans toute l’Europe, dans et hors de la zone CEE. Le décalage économique qui existait entre l’Allemagne et l’Italie, ou entre la France et le Portugal, était comparable à celle qui existe aujourd’hui entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, ou entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ou le Niger. Il en résulta comme corollaire, beaucoup de mouvements migratoires dans des années 60 jusqu’au milieu des années 80, le flux allant des pays du sud, moins nantis vers ceux du nord de l’Europe plus développés. Les pays faibles étaient tirés par les plus forts. Néanmoins, les Européens ont fait ! Ils sont même passés à la vitesse supérieure en créant l’Acte Unique en 1986. Ils passèrent ainsi de six (6) pays à douze (12) avec de nouveaux adhérents, en l’occurrence le Danemark, l’Irlande, le Royaume-Uni, la Grèce, l’Espagne et le Portugal. Pourtant, pendant cette période cruciale, surtout suite aux conséquences économiques désastreuses découlant des deux chocs pétroliers de 1973 (guerre Israël/Arabes du Jom Kippur) et de 1979 (renversement du Schah Reza Pahlevi d’Iran par la révolution dirigée par l’Imam Khomeiny), l’Euroscepticisme était marqué même au sein des sociétés européennes. Cet Acte Unique de 1986 modifia le traité de Rome de 1957, pour ouvrir la voie à la création du Marché Unique de l’Union Européenne (UE) tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Six (6) ans après la signature de l’Acte Unique, les pays européens ont réussi à créer l’UE par un « Traité sur l’Union européenne (TUE) » signé à Maastricht (Pays-Bas) le 7 février 1992, lequel traité est entré en vigueur le 1er novembre 1993. Une zone de libre échange économique avec une monnaie commune l’Euro fut décidée. Pour en être membre, il fallait respecter 4 critères de convergence économique, qui sont :
A sa création, l’UE ne comptait donc que 12 pays. Aujourd’hui ils sont 28 avec 5 autres demandeurs d’adhésion, malgré une demande de sortie du Royaume-Uni (BREXIT) en instance.
Depuis la création de l’UE jusqu’à maintenant, les critères de Maastricht n’ont jamais pu être respectés par tous les pays de zone Euro. On a fonctionné avec des compromis, au risque de compromettre la viabilité même de la zone. Aujourd’hui, dans cette organisation économique qui comptabilise 26 années d’existence, aucun des 28 pays ne respecte intégralement les quatre critères de convergence définis en 1992 à Maastricht ! Quelques exemples en sont l’illustration, en prenant le critère le plus déterminant relatif aux « Finances publiques saines et viables » : L’Allemagne qui est la première puissance économique de l’Europe, avec une dette publique en 2018 à hauteur de 61% de son Produit Intérieur Brut (PIB), dépasse le taux maximum de 60% fixé par les critères de Maastricht ; pendant dix-sept (17) années successives (de 2002 à 2018) ce pays n’a pas réussi à respecter ce critère de convergence. En 2018, le Royaume-Uni 2ème puissance économique d’Europe traine une dette publique de 87% de son PIB, la France, 3ème puissance économique d’Europe en est encore à 98,40% d’endettement par rapport à son PIB, la Grèce à 181%, l’Italie à 132%. Malgré le non- respect des critères de convergence par les 28 pays européens, l’UE et l’Euro se portent bien et l’économie européenne est devenue, selon les études les plus récentes de 2018 publiées sur la situation économique mondiale par le Fonds Monétaire International (FMI), la seconde puissance économique du monde, avec un PIB de 22.023 milliards de Dollars US ($US), derrière la Chine devenue la première puissance économique mondiale avec 25.270,07
milliards de $US. Les États-Unis d’Amérique viennent maintenant d’être recalée en 3ème position avec un PIB de 20.494,05 milliards de $US.
Les pays africains de la CEDEAO qui ont décidé de mettre en place leur propre monnaie commune, l’Eco, sont au nombre de 15 et totalisent un PIB global de 1.729 milliards de $US, qui les placerait en 19ème position des puissances économiques du monde devant l’Iran, la Thaïlande et l’Australie. Pour un départ, c’est déjà honorable. N’oublions pas que de six (6) à douze (12) et finalement 28 pays, l’Union Européenne s’est bâtie sur une longue période de soixante-deux ans (62) ans ! Concédons alors à la CEDEAO et à l’Afrique un minimum de période de gestation. L’essentiel c’est encore une fois de faire !
Parallèlement à la CEDEAO avec sa monnaie commune, une Zone de Libre Echange Continentale (ZLEC), est en train de prendre forme de manière encourageante. C’est un projet de zone de libre échange économique devant regrouper à terme 55 pays africains. Elle fédérerait les organisations existantes à travers le continent, entre autres, le marché commun de l’Afrique Orientale et Australe (COMESA), la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC), la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union du Maghreb Arabe et la Communauté des Etats Sahélo- Sahariens. Pour lancer la ZLEC, il fallait un minimum requis de 22 états à en ratifier le traité, ce qui est maintenant chose faite depuis le 29 avril 2019. Le PIB des 55 pays africains devant composer la ZLEC serait de 6.801 milliards de Dollars US à fin 2018 (selon les chiffres de 2018 du FMI), plaçant cette organisation continentale au 5ème rang des puissances économiques du monde, derrière la Chine 1ère, l’Union Européenne 2ème, Les Etats-Unis d’Amérique 3ème et l’Inde 4ème, mais devant le Japon (5.594,45 milliards $US), devant l’Allemagne (4.356,35 milliards de $US), devant la Russie (4.213,40 milliards de $US), devant l’Indonésie (3.494,74 Milliards $US) , devant le Brésil (3.365,34 milliards de $US), devant le Royaume-Uni (3.037,79 milliards de $US) et devant la France (2.962,80 milliards de $US).
La monnaie unique de la CEDEAO et la zone de libre-échange de la ZLEC continentale marquent un jalon historique dans la marche de l’Afrique vers une indépendance réelle, aux plans économique, culturelle et plus tard militaire. L’Afrique ne peut compter et être prise au sérieux, au plan mondial, que si elle est vraiment forte. Une monnaie doit s’appuyer sur une Charte de Valeurs éthiques, sociales et culturelles, dans la recherche du mieux-être pour les populations qui s’en servent comme outil de production et d’échange. La Maât dans l’Egypte Antique Noire, constitue une excellente synthèse de toutes ces valeurs, dans lesquelles se reconnaitront tous les peuples d’Afrique et de sa Diaspora. La Maât est symbolisée par une femme, dans la mythologie Kamite (Egyptienne), comme incarnation de la déesse de l'ordre, de l'équilibre du monde, de l’équité, de la paix, de la vérité et de la justice. Elle est l'antithèse de l'Isfet qui est chaos, injustice et désordre social. La Maât symbolise la norme universelle, à savoir l'équilibre établi par le Créateur, la justice qui permet d'agir selon le droit, l'ordre qui fait conformer les actes de chacun aux lois, la vérité, la droiture et la confiance.
Le plus grand hommage que les chefs d’états africains pourraient rendre au Professeur Cheikh Anta Diop qui a décomplexé l’Afrique, ainsi qu’aux pères fondateurs du Panafricanisme, c’est de donner à cette nouvelle monnaie un nom fédérateur, dans lequel tous les peuples du continent africain et de sa diaspora se reconnaitraient. Le nom de la monnaie devrait porter le nom de Kemt (et non de Eco !), du nom que nos ancêtres donnaient à l’Afrique Antique, que les anciens Grecs ont appelé EGYPTE, mais que les colonisateurs européens ont réduit à ce petit pays de 1.001.450 km2 que nous connaissons aujourd’hui. Kemt d’Afrique Noire a généré la première civilisation du monde et la plus rayonnante des cultures jamais connues dans l’humanité. Pour Cheikh Anta Diop, hommage ne pourrait être plus sublime.
par El Hadji Momar Sambe
RÉPONSE À OUSSEYNOU BÈYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il s'agit de défendre l’Afrique contre ceux qui pour des intérêts de multinationales veulent nous diviser et armer certains d’entre nous contre d’autres Sénégalais au nom d’une soi-disant lutte contre la corruption
L’unité nationale, seul remède face au danger qui guette le Sénégal !
Ousseynou Beye, éditorialiste de « SenePlus » a réagi à la lettre que j’ai adressée à un frère panafricaniste. Je voudrais ici lui apporter la réplique dans le seul but de participer à la clarification du débat sur une question d’actualité.
Désolé Ousseynou, mais tu passes complètement à côté des questions que je soulève pour nous amener sur le terrain de « défense d’Aliou Sall » qui n’apparaît nulle part dans mon propos. C’est une manière de dresser des camps pour tirer sur le camp « ennemi », en convoquant des questions qui ne sont pas abordées. A quoi bon ? Ce faisant Ousseynou, tu noies le débat.
Même attitude quand tu glisses sur le panafricanisme comme raison essentielle de mon texte pour faire tout un discours là-dessus, en érigeant encore deux camps, te classant dans l’un, faisant face à l’autre dans lequel tu veux me confiner. Pourquoi ? Qu’est-ce que cela éclaire dans le propos qui nous occupe ?
Ousseynou le fait exprès en occultant l’idée centrale de mon papier : « Alerte face au mot d’ordre de BBC dont le montage est une honteuse tentative de manipulation.
Pour O.Beye, « Momar Samb ignore ou méconnait toutes les alertes, toutes les indignations, toutes les investigations, toutes les analyses qui se sont faites jour depuis…. sept longues années »,
Non Ousseynou, Momar n’ignore pas toute la polémique suscitée par la découverte du pétrole et du gaz, toute la campagne menée par l’opposition sur la question. C’était légitime et compréhensible tant que c’est entre nous sénégalais, entre nous africains. Débats, controverses, polémiques, etc. pour nous-mêmes, entre nous-mêmes, par nous-mêmes. Les experts ont écrit et parlé, ceux qui comme moi ne savaient pas ont appris. L’affaire semblait avoir été clarifiée. Mieux les points de vue de l’opposition ont été écrasés, lors d’un débat organisé dans la campagne électorale, par la société civile entre les représentants de l’opposition et le porteur des couleurs de Bennoo Bokk Yaakaar (BBY), en l’occurrence Amadou Fall Kane, vice-président du Cos-Pétrogaz qui a démontré devant ses adversaires politiques, la fausseté des accusations avancées jusqu’ici. Mais cela restait encore entre nous. Ensuite, à la présidentielle du 24 février dernier, le peuple souverain a choisi le candidat de BBY, Macky Sall accusé de tous les péchés d’Israël, écrasant encore une fois, dans les urnes les positions des candidats porteurs de ces accusations sur le pétrole et le gaz. Et c’était toujours entre nous, par nous, sans que l’on puisse y déceler une main étrangère.
Mais voilà que, après tout cela, la BBC nous sort un reportage qui appelle ouvertement à la révolte du peuple sénégalais contre ses gouvernants qui auraient volé son pétrole. Avoue quand même, Ousseynou, que nous entrons là dans quelque chose de nouveau. Ici, la main étrangère est bien visible. Pour quelle raison BBC a-t-elle agi de la sorte, pour quels intérêts, ceux du peuple sénégalais, pour nous aider ? J’en doute vraiment ! Toi, non ?
Que cela se fasse, quelques jours seulement après le lancement du dialogue national auquel l’essentiel des forces vives de notre pays a participé ne te trouble pas ?
Que dans le reportage, ceux qui portent la charge de l’accusation soient exclusivement des opposants au dialogue ne te touche pas ?
Que l’évènement survienne dans un contexte où le Sénégal venait de porter à l’Onu la revendication de la restitution des archipels Chagos à l’Ile Maurice, contre la couronne britannique, ne te soucie pas ?
Mais enfin Ousseynou, tremble au moins de ce que la mémoire des crimes perpétrés contre les peuples de Libye, du Congo, du Nigéria, du Soudan, du Rwanda puisse mordre quelque part ta vigilance et te faire douter, un instant, un instant seulement de la bonne foi de BBC !
Il me semble Ousseynou, qu’il est d’abord bon et de probité intellectuelle de reconnaître que l’appel à réagir du groupe « Aar linu bokk » que m’a envoyé un camarade dans notre mailing-list panafricaniste méritait d’être interrogé. La pétition lancée dès le lendemain de la publication du reportage de BBC est un fait indéniable. Elle ne l’a pas été un autre jour, pendant les sept (7) ans que tu évoques. Reconnaissons d’abord ça, Ousseynou ! Que cela ne t’ait rien fait m’abasourdit sérieusement !
Laisse-moi m’étonner davantage qu’un éditorialiste animateur d’un organe de presse puisse, sans sourciller, laisser passer sous son nez expérimenté un tel élément de communication qui pue la manipulation et le mensonge avec un montage qui viole toute la déontologie du journalisme. C’est d’une énormité, d’une telle légèreté éthique catastrophique pour tes lecteurs.
Tu laisses sciemment de côté mes arguments de rejet du reportage et d’alerte de mon correspondant et des lecteurs, pour aller construire sur des questions du panafricanisme, etc. Je n’ai pas traité du panafricanisme ni de ses orientations. Je me suis adressé à un frère panafricaniste avec qui je croyais partager les mêmes principes de défense intransigeante de notre africanité historiquement agressée, violentée par les puissances occidentales. Je l’avoue. Devant le reportage de BBC ma mémoire a eu mal !
Malgré tout, tu t’interroges sur mon cri d’alarme « à quoi peut bien rimer cette tragique et pathétique mise en garde aux accents guerriers : ‘’Africains, soyons prudents, vigilants et regardons, vérifions, enquêtons nous-mêmes !’’ »
« Cette tragique et pathétique mise en garde » rime avec la pathétique et tragique histoire des peuples africains esclavagisés, colonisés, enrôlés comme « tirailleurs sénégalais » pour combattre d’autres africains.
« Cette tragique et pathétique mise en garde » rime avec la pathétique et tragique histoire du peuple nigérian qui a vécu les affres de la guerre civile du Biafra à cause du pétrole, avec plus d’un million de morts (plus que le Rwanda).
« Cette tragique et pathétique mise en garde » rime avec la pathétique et tragique histoire du peuple congolais transformés en Zoulous et Cobras, s’entretuant à cause des intérêts de multinationales comme Elf, faisant plus de Quatre cent mille (400.000) morts.
Je ne me lasserai de le répéter…
« Cette tragique et pathétique mise en garde » rime avec la pathétique et tragique histoire des peuples de la Libye plongée dans un chaos qui continue de ravager le continent, surtout dans le sahel, etc.
Il ne s’agit pas d’être pour un panafricanisme contre un autre, pour le panafricanisme de Cheikh Anta contre celui de Léopold Senghor. Mais ici et maintenant de défendre l’Afrique contre ceux qui pour des intérêts de multinationales veulent déstabiliser notre pays, nous diviser et armer certains d’entre nous contre d’autres sénégalais au nom d’une soi-disant lutte contre la corruption.
Que tu dises après tout ce discours « Pour revenir plus précisément à notre sujet », est un aveu clair que tu n’étais pas dans le sujet. Pourquoi ce procédé, pour distraire le lecteur ?
En ajoutant « nous nous contentons de poser ces questions toutes simples : y a-t-il ou non scandale sur le pétrole présentement dans notre pays ? », tu en viens à une démarche intellectuelle qui me plait bien. Chercher à discuter (non à condamner), après avoir tenté de comprendre l’autre dans ce qu’il dit précisément. Mais Ousseynou, la question est top bateau. Laisse-moi l’éclater de manière à simplifier et à rendre lisible et clair chaque aspect qu’elle comporte. Voici mes questions (que j’emprunte à Mamadou Dione, Directeur général du Cosec), entre autres, auxquelles je nous inviterais à répondre l’un l’autre, afin d’établir l’effectivité ou non du scandale présumé.
« 1- En quoi le rachat des actions de Timis par Cosmos, ensuite par BP a-t-il pu faire perdre de l'argent au Sénégal ?
2- En quoi de supposées redevances lors de la cession de parts entre les acheteurs Cosmos, BP et le cédant Timis auraient-elles fait perdre de l'argent au Sénégal ?
3- En quoi les salaires et primes d'un compatriote quand il travaillait pour Timis aurait-il fait perdre de l'argent au Sénégal ?
4- Comment un privé peut-il encaisser des taxes attendues par un État ? »
Mais, après avoir posé ta question, tu retournes encore dans ta fâcheuse manie à discourir sur des questions qui ne sont pas pointées dans mon papier. Pourquoi convoquer les choses sur lesquelles tu dis que les « compatriotes ont fermé les yeux » ?
Que tu dises à la fin des fins, après toutes ces longues digressions, « Tu as raison, camarade, nous ne devrons pas être des « Tirailleurs de BBC… » (ce par quoi tu devais commencer) ne me rassure nullement. Je n’ai pas le sentiment d’un accord vrai de ta part basé sur la compréhension de mon argumentation. Permets-moi d’être un peu plus clair.
Si nous ne devons être les tirailleurs ni de BBC, ni d’aucune autre compagnie étrangère, nous devons nous entendre entre nous, opposition comme majorité. La seule arme que nous avons contre les manœuvres et opérations occultes ou non de faire main basse sur nos ressources, c’est de faire en sorte que le peuple sénégalais soit uni. Seule cette union nationale forte peut nous sauver de l’adversité.
Avec le reportage de BBC, le Sénégal fait face à un média-mensonge, comme le définit si bien Michel Colon, dont l’objectif est la déstabilisation de notre pays qui peut, s’il réussit, plonger le Sénégal dans des difficultés énormes ne permettant pas une exploitation de son pétrole et de son gaz au profit exclusif du peuple. Et ceux qui portent la voix de BBC elle-même porteuse d’intérêts occultes se font les complices des multinationales et se feront demain leurs « tirailleurs » contre leur propre peuple.
Si nous sommes tous mus par le seul souci d’une bonne gouvernance de ces ressources pour l’intérêt de notre peuple, qu’est-ce qui nous empêche de nous asseoir pour discuter entre nous de nos divergences, après avoir « dialogué » à distance ? Qu’est-ce qui empêche que tu prennes part au « Pénc » appelé par le président que le peuple a élu afin de porter ta vision sur la gouvernance de ces ressources, sachant que sans la paix sociale, sans la stabilité des institutions de la république, nous devenons fragiles et vulnérables devant les multinationales qui n’hésiteront devant rien pour approfondir nos divisions et les porter à un niveau tel que nous n’aurions même pas le temps d’exploiter par nous-même et pour nous même ces ressources ? Tout le pays y perdra, les générations d’aujourd’hui et celles à venir. Que l’on soit de l’opposition ou de la majorité, que l’on soit panafricaniste « Senghorien » ou « Antaiste », rien n’y fera !
Je suis affligé de voir comment, des gens comme toi, avec toute l’expérience syndicale et politique acquise, ne peuvent comprendre que nous sommes en danger. Le Sénégal, aujourd’hui, avec la découverte du pétrole et du gaz, devient une proie suscitant la convoitise des puissances d’argent, dans cette jungle qui ne connaît ni foi ni loi.
Face à cela, nous avons deux réponses possibles, pas trois : l’acceptation par toutes les forces vives du pays de ce dialogue national inclusif sans tabou ou son rejet. Ceux qui récusent cette voie, en vérité optent pour la voie de l’insurrection, à soulever la rue pour prendre le pouvoir, au besoin avec le soutien des puissances qui les ont appelés à la révolte. Au départ, ce sera pacifique, mais quand cela se compliquera, ils donneront des armes, après avoir initié toute sortes de provocations, à l’effet de se victimiser et de justifier éventuellement l’intervention étrangère. Alors, ce sera trop tard ! L’histoire politique mondiale nous en donne des exemples avérés (Irak, Surie, etc.) et la situation actuelle du Venezuela l’illustre de manière éclatante !
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous ne devrons pas être des «tirailleurs de BBC», ce comparse de la dernière heure - Pour autant, devrons-nous être les complices de cette reconquête silencieuse et sournoise aux forts relents néo-colonialistes ?
Ousseynou Bèye de SenePlus |
Publication 18/06/2019
C’est avec beaucoup de perplexité (pour dire le moins) que nous avons pris connaissance de l’article que notre camarade, ami et frère Momar Samb, Secrétaire Général du parti de la Mouvance présidentielle, le RTAS, a publié ces derniers temps dans la presse, sous le titre : «Non, je refuse d’être un « tirailleur» de BBC !»
Sans le citer, Momar prend le parti de défendre M. Aliou Sall (et son clan) dans l’affaire qui défraie la chronique. Cela relève naturellement de son droit d’opinion et d’expression. Son argumentation repose pour l’essentiel sur le principe du «panafricanisme» puisque, note-t-il sur un ton indigné «… L’affaire est annoncée (par BBC) le vendredi et dès le lendemain la machine est mise en branle pour mobiliser les africains contre un autre africain, sans douter le moins du monde, sans mettre en branle notre réflexe panafricaniste. C’est tout de même curieux !... »
Tout d’abord, au plan factuel, il est sidérant de constater que Momar Samb ignore ou méconnait toutes les alertes, toutes les indignations, toutes les investigations, toutes les analyses qui se sont faites jour depuis…. sept longues années, maintenant, lorsque le journaliste Baba Aïdara a levé un coin du voile sur les nébuleux contrats, conventions et autres décrets signés ou pris dans des conditions tout à fait irrégulières.
Momar, penses-tu sincèrement que… c’est ce fameux «vendredi» que tout a commencé ? Les gens n’ont quand même pas attendu la vidéo de BBC pour «mobiliser des Africains contre d’autres Africains» ? Même s’il est vrai que les tenants du régime n’ont senti le sol se dérober sous leurs pieds quand ils ont jusque-là ignoré les «vociférations» d’une opposition «en mal d’audience».
La conférence de presse du président Wade, les remontrances de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, les alertes et autres prises de position des nombreux journalistes, syndicalistes et membres de la Société civile (Birahim Seck et compagnie), les interrogations, dénonciations et études d’Ousmane Sonko qui a consacré tout un livre à la question, les innombrables « QuesTekki » de Mamadou Lamine Diallo, les très nombreux exposés médiatisés et fort documentés du sulfureux et controversé lanceur d’alerte Clédor Sène, les persistants et pathétiques aveux-dénégations-autocritiques de l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, les révélations-confirmations du ministre Thierno Alassane Sall, malgré ses réticences et scrupules du début… Tout cela compte-t-il donc pour rien ? Nous ne pouvons manquer de mentionner ici le professeur Abdoulaye Elimane Kane qui, face à un journaliste de la Radio d’Etat, la RTS, ce dimanche 16 juin, faisant une fois de plus preuve d’une pertinence et d’une indépendance d’esprit remarquables. Honorant ainsi son statut d’intellectuel.
Momar, lui, fait fi de tout cela et ne voit que la vidéo de BBC d’où tout serait parti. Il est vrai que la plupart des intervenants, s’ils ne sont pas de la Société civile (ces «encagoulés»), sont membres de partis de l’opposition. Mais cela leur enlèverait-il leur qualité de citoyens sénégalais ayant voix au chapitre ? Ou alors auraient-ils perdu leur «africanité», chemin faisant, pour cause de lèse-Majesté ?
Au vu de toutes ces prises de position antérieures (rappelons le, durant toutes ces sept années de magistère du président Macky Sall), à quoi peut bien rimer cette tragique et pathétique mise en garde aux accents guerriers : « Africains, soyons prudents, vigilants et regardons, vérifions, enquêtons nous-mêmes ! » ?
Si nous comprenons bien cette façon de voir les choses de Momar (excuses moi de te le dire : tu nous avais habitués à mieux que cela !), les Africains en direction de qui les «panafricanistes» devraient marquer toute leur solidarité, ce sont : lui-même, nous-mêmes, vous le lecteur, le président Macky Sall, son frère Aliou… nous tous habitants de ce vieux continent, berceau de l’humanité, et peut-être de surcroît, nous à la peau noire… Voilà le rempart qui serait notre bouclier, nous mettant tous dans le même… panier !
Une telle conception serait pain béni pour un Omar El Béchir du Soudan, s’il s’avérait, comme tout semble l’indiquer, que ce tyran déchu par son peuple affamé, est aussi le plus grand détourneur de derniers publics et le plus corrompu du siècle.
Pour notre part, nous optons pour le panafricanisme de Nkrumah, pas pour celui de Senghor, chantre d’une « Négritude » hypocrite et ambiguë ; pour le panafricanisme de Cheikh Anta Diop, pas pour celui de Mobutu, théoricien de l’« Authenticité » ; pour le panafricanisme de Lumumba, Ben Bella, Cabral, Nasser, Nyéréré, Sankara, Mandela… pas pour celui de Tschombé, Idy Amin Dada, Bokassa, Moubarak, Omar El Béchir, Paul Biya, Sassou Nguesso …
Pour revenir plus précisément à notre sujet, nous nous contentons de poser ces questions toutes simples : y’a-t-il ou non scandale sur le pétrole présentement dans notre pays ? Tout au moins, y’a-t-il ou non des raisons de s’inquiéter à ce propos ? Ou tout simplement encore : y’a-t-il, oui ou non, de quoi se poser des questions ? Admettons que Momar nous ait indiqué la bonne voie : «Enquêtons par nous-mêmes !» Mais n’est-ce pas ce qu’ont bien fait les éminentes personnalités ci-dessus listées, et bien d’autres encore ?
Après tout cela, chacun peut se faire sa religion sur la question… ou continuer d’enquêter ! Mais pourquoi nous demander de manifester une solidarité «panafricaniste»… automatique ? Ce serait, hélas, pour notre part, au-dessus de notre force. Nous adorons le nationalisme de Mamadou Dia et abhorrons celui de Marine Le Pen.
C’est vrai que beaucoup de nos compatriotes ont fermé les yeux sur la précipitation dont a fait montre notre président de la République qui, dès le lendemain de sa première élection est allé solliciter des subsides à l’Elysée pour pouvoir «payer les salaires des fonctionnaires», n’oubliant pas du même mouvement, d’annuler les accords militaires qui aspiraient à nous rendre un peu de notre souveraineté. On aurait espéré la même promptitude s’agissant de l’accord signé entre l’ancien régime libéral et Pétro-Tim. Il est vrai aussi que bon nombre de nos concitoyens ferment les yeux sur le retour en force de Ecotrans et de Bolloré au port de Dakar, sur le renforcement de Senac et compagnie sur nos routes, autoroutes et stations d’essence, sur l’entrée en force de Auchan, U, Casino et Carrefour dans nos étals de la Médina, de la Gueule Tapée et de nos quartiers de la banlieue, si ce n’est sur l’ensemble du territoire national.
Mais comme tout cela est l’œuvre d’un Africain, alors tous les «panafricanistes» devraient tout simplement se mettre au garde-à-vous et chanter ses louanges. Circulez !... Rien à signaler. N’est-ce pas bizarre, cela, tout de même ?
Tu as raison, camarade, nous ne devrons pas être des «Tirailleurs de BBC», ce comparse de la dernière heure. Pour autant, devrons-nous être les complices de cette reconquête silencieuse et sournoise aux forts relents néo-colonialistes ? Nous faire les porte-voix d’un nationalisme de mauvais aloi ? Nous inviterais-tu, au nom d’un certain «panafricanisme», à fermer les yeux sur la confiscation de notre souveraineté nationale et sur le bradage des ressources naturelles de notre pays ?
Non, merci : en ce qui nous concerne, nous ne voulons pas de ce panafricanisme-là qui permet aux multinationales, quelles qu’elles soient, de faire main basse sur nos richesses nationales au profit d’un clan et aux au détriments du peuple.
Le 2 mai 1980, disparaissait, à l’âge de 70 ans, ce professeur de lettres, historien, philosophe et éditeur ayant joué un rôle de premier plan dans l’émancipation de l’Afrique et de ses diasporas à travers la revue et la maison d’édition qu’il a fondées
Le 2 mai 1980, disparaissait, à l’âge de 70 ans, Alioune Diop, professeur de lettres, historien, philosophe et éditeur ayant joué un rôle de premier plan dans l’émancipation de l’Afrique et de ses diasporas à travers la revue et la maison d’édition ‘’Présence Africaine’’ qu’il a fondées à Paris. A l’annonce de sa mort, le président sénégalais Léopold Sédar Senghor saluait en lui « l’un des premiers militants et une sorte de secrétaire permanent du Mouvement de la Négritude ».
Lors des obsèques d’Alioune Diop, le 9 mai 1980 à Saint-Louis, le ministre d’Etat en charge de la Culture, Assane Seck, déclare : « Fortement enraciné dans les traditions de notre peuple et armé de principes moraux étayés sur le culte de l’honneur, du respect de soi et des autres, tels qu’il les voyait pratiquer dans la cellule familiale, le jeune Alioune Diop a affronté le Paris de l’entre-deux-guerres, déjà plein d’équilibre ».
« Aussi, quelque obstacle qu’il ait rencontré, quelque facilité qui l’ait tenté, quelque nostalgie du pays natal qui l’ait tourmenté, choisit-il avec lucidité, guidé par cette lumière intérieure dont sont pétries les grandes âmes, la porte étroite de l’effort soutenu, dans la grisaille des jours difficiles », ajoute le professeur Seck, qui a été plus tard – en 2010 – président du comité d’organisation du centenaire de la naissance d’Alioune Diop.
« Une vie entièrement consacrée aux autres »
L’historien et homme politique Cheikh Anta Diop, de son côté, dédie son livre Civilisation ou barbarie (Présence Africaine, 1981) à Alioune Diop, « en témoignage d’une amitié fraternelle plus forte que le temps » pour un homme qui est « mort sur le champ de la bataille culturelle africaine ».
« Alioune, tu savais ce que tu étais venu faire sur la terre : Une vie entièrement consacrée aux autres, rien pour soi, tout pour autrui, un cœur rempli de bonté et de générosité, une âme pétrie de noblesse, un esprit toujours serein, la simplicité personnifiée ! », écrit Cheikh Anta Diop qui s’interroge alors : « Le démiurge voulait-il nous proposer, en exemple, un idéal de perfection, en t’appelant à l’existence ? ».
« Hélas, il t’a ravi trop tôt à la communauté terrestre à laquelle tu savais, mieux que tout autre, transmettre ce message de vérité humaine qui jaillit du tréfonds de l’être. Mais il ne pourra jamais éteindre ton souvenir dans la mémoire des peuples africains, auxquels tu as consacré ta vie », se désole-t-il.
« Au vrai, résume Makhliy Gassama, ancien ministre de la Culture, Alioune Diop était un homme. Oui un homme dans le sens camusien et sartrien du terme. Il n’est pas facile d’être ‘’un homme de quelque part, un homme parmi les hommes’’, comme dit Sartre. Cette ambition implique l’engagement total dans la société, la lutte quotidienne contre les forces du mal, la quête obstinée d’un bien-être collectif, qui ne s’accomplit pas sans provoquer de redoutables et ignobles adversités ».
Avec « une pensée pieuse » pour Alioune Diop, Gassama souligne que celui-ci a vécu « pour l’Afrique, uniquement pour l’Afrique en s’oubliant ». « On peut dire qu’il est mort d’épuisement pour l’Afrique, à l’âge de 70 ans. »
Né le 10 janvier 1910 à Saint-Louis, Alioune Diop a effectué ses études secondaires au lycée Faidherbe (actuel lycée Cheikh Oumar Foutiyou Tall). Il fréquente ensuite les facultés d’Alger et de Paris, et y obtient une licence de lettres classiques ainsi qu’un diplôme d’études supérieures. Professeur de lycée, puis chargé de cours à l’Ecole coloniale, il est ensuite nommé chef du cabinet du gouverneur général de l’Afrique occidentale française (AOF).
« L’ambition d’un continent »
En 1947, Diop fonde, avec la collaboration de compagnons de lutte (Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, entre autres), la revue ’Présence Africaine’, une « extraordinaire tribune pour l’intelligentsia du continent africain et de la diaspora ; une tribune de haute qualité », selon Makhliy Gassama, président du comité scientifique du colloque qui a été consacré, en mai 2010 à Dakar, à l’œuvre d’Alioune Diop.
Dans son éditorial du premier numéro (novembre-décembre 1947), ‘’Niam n’goura ou les raisons d’être de Présence Africaine’’, Alioune Diop assigne ses objectifs à la revue. Il s’agit, selon lui, de « définir l’originalité africaine et de hâter son insertion dans le monde moderne ».
Alioune Diop réussit à y donner la parole aux colonisés, parce qu’il était « généreux, il était téméraire, rien pour lui, tout pour les autres : il portait en lui l’ambition d’un continent. C’est ainsi que son nom scintillera à jamais dans les pages de l’histoire de la décolonisation », avait indiqué M. Gassama, le 7 janvier 2010, lors de la conférence de presse de lancement des activités du centenaire de l’intellectuel africain, organisées par la Communauté africaine de culture (CAC).
En 1949, la Maison d’édition ’Présence Africaine’ ouvre ses portes. Romanciers, nouvellistes, conteurs, essayistes, poètes et penseurs du monde noir y trouvent un moyen de diffusion de leurs œuvres. Le premier ouvrage publié par les Editions Présence Africaine est La Philosophie Bantoue, du Révérend Père Placide Tempels, en 1949.
En 1954, ‘Présence Africaine’ édite Nations nègres et culture de Cheikh Anta Diop, ouvrage dans lequel l’historien sénégalais prend le contre-pied théorique de ce milieu solidement établi dans l’enceinte même de l’université française. Dans ce livre, l’auteur fait la démonstration que la civilisation de l’Egypte ancienne était négro-africaine. Le Martiniquais Aimé Césaire choisit, pour une deuxième édition de son Discours sur le colonialisme, en 1955, ‘Présence Africaine’.
Alioune Diop est, avec Léopold Sédar Senghor, Jacques Rabemananjara, Cheikh Anta Diop, Richard Wright, Jean Price-Mars, Frantz Fanon, l’un des instigateurs du premier Congrès des écrivains et artistes noirs, qui réunit, en septembre 1956 à la Sorbonne, les intellectuels noirs venus des Antilles françaises et britanniques, des Etats-Unis, des diverses régions d’Afrique (AOF et AEF, Afrique du Sud, Angola, Congo belge, Mozambique…) et de Cuba.
Dans son discours inaugural, Alioune Diop explique qu’il revient aux écrivains et aux artistes de « traduire pour le monde la vitalité morale et artistique de nos compatriotes, et en même temps de communiquer à ceux-ci le sens et la saveur des œuvres étrangères ou des événements mondiaux ».
Un « sage (…) d’une modernité qui bouleverse »
Ce premier congrès a donné naissance à « une arme culturelle redoutable contre le racisme ambiant, un outil qui a forgé des intelligences sur le continent : la Société Africaine de Culture (SAC) devenue la Communauté Africaine de Culture (CAC) », selon Makhily Gassama, qui précise que cette structure a à son actif le deuxième Congrès des écrivains et des artistes (1959 à Rome) et de nombreux autres congrès en Afrique comme le premier Congrès international des africanistes (1962 à Accra) ou le premier Congrès constitutif de l’Association des historiens africains (1972 à Dakar). S’y ajoutent le colloque sur le sous-développement (1959), le séminaire sur ‘’Civilisation noire et conscience historique’’ (1973 à Paris) ou le séminaire préparatoire au colloque ‘’Le journaliste africain comme Homme de culture’’ (1973), des tables-rondes et journées d’études.
Au premier Festival mondial des arts nègres de Dakar (avril 1966), Alioune Diop est parmi les maîtres d’œuvre. Il a la responsabilité du colloque portant sur le thème : ‘’Signification de l’art dans la vie du peuple et pour le peuple’’. Il préside l’association du festival. Il prolonge cette action jusqu’au Festival de Lagos (1977).
Aimé Césaire, lui, relève que la négritude de Diop était à l’opposé du racisme, soulignant que le directeur de ’Présence Africaine’ était « une des plus belles figures du monde noir ». « Son œuvre se confond tout entière avec son action, je devrais dire son apostolat. De l’apôtre, il avait la foi. Cette foi, bien entendu, c’était la foi en l’homme noir et en ce qu’on a appelé la négritude qui était à l’opposé du racisme et du fanatisme », poursuit-il.
Césaire ajoute que « Alioune Diop était un homme de dialogue, qui respectait toute civilisation ». « Il apparaîtra, j’en suis sûr, avec le recul du temps, comme un des guides spirituels de notre époque », souligne le poète martiniquais, tandis que l’écrivain béninois Olympe Bhêly-Quenum qualifie l’homme de « sage (…) d’une modernité qui bouleverse ».
« Nul de ceux qui l’ont connu et discuté avec lui ne saurait en douter », note Bhêly-Quenum, en rappelant cette phrase qu’Alioune Diop aimait répéter : « Chaque civilisation vivante assume sa propre histoire, exerce sa propre maturité, secrète sa propre modernité à partir de ses propres expériences, et de talents particuliers à son propre génie ».
Depuis la mort d’Alioune Diop, en 1980, sa veuve, Christiane Yandé Diop, a pris la relève au sein de la revue et de la Maison d’édition ’Présence Africaine’, poursuivant l’œuvre de celui qui, selon le mot du critique littéraire Mouhamadou Kane, a été « l’initiateur du prodigieux combat pour la culture africaine, le moteur de son épanouissement, le témoin passionné de l’émergence de l’Afrique culturelle ».
Plaque du centenaire d’Alioune Diop
Le 10 janvier 2010, une plaque commémorative du centenaire de la naissance du fondateur de ‘Présence Africaine’ avait été dévoilée à la maison familiale d’Alioune, rue Babacar Sèye à Saint-Louis. Il est inscrit sur la plaque découverte par le maire de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, et la veuve de l’homme de culture, Christiane Yandé Diop : « Ici a vécu Alioune Diop (1910-1980), Professeur de Lettres, Fondateur de Présence Africaine ».
La pose de la plaque du centenaire de la naissance d’Alioune Diop marquait le début d’une série d’activités prévues sur trois jours à Saint-Louis. La cérémonie s’était déroulée en présence de plusieurs personnalités, dont l’ancien ministre de la Culture, Makhily Gassama, André Guillabert, maire honoraire de Saint-Louis, Christian Valantin, ancien député socialiste, Kolot Diakhaté, président du comité saint-louisien du centenaire d’Alioune Diop, l’historien Djibril Tamsir Niane.
Au nom de la famille, Alioune Sy, avait dit que la pose d’une plaque commémorative et la célébration du centenaire de la naissance d’Alioune Diop constituent « un grand honneur pour la famille », soulignant que l’intellectuel sénégalais a, « dans toutes ses actions, honoré l’Afrique dans son ensemble ».
« Veiller à ce que cette étincelle ne ternisse jamais »
Le président du comité saint-louisien d’organisation du centenaire, Kolot Diakhaté, avait, de son côté, salué la mémoire du fondateur de Présence Africaine, estimant qu’Alioune Diop est « immortel par son œuvre, ses qualités d’homme, son humilité ». Il avait rappelé le rôle que Diop a joué dans l’organisation du premier Festival mondial des Arts nègres, en avril 1966 à Dakar. « Il était dans la conception de l’événement avant de s’effacer lui-même pour ne pas récolter les lauriers », avait-il dit.
S’adressant à Christiane Yandé Diop, la veuve d’Alioune Diop, Kolot Diakhaté a dit : « Vous n’êtes pas seule et vous ne le serez pas, parce qu’Alioune a été un Noir brillant qui a inspiré le rêve d’autres Noirs du monde. Nous sommes là pour veiller à ce que cette étincelle ne ternisse jamais ».
Pour sa part, le maire de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, avait salué l’initiative de la Communauté africaine de culture (CAC), organisatrice du centenaire de la naissance d’Alioune Diop, pour avoir ainsi « honoré la mémoire d’un très grand Saint-Louisien, et réconcilié la ville de Saint-Louis avec son passé ».
« Alioune Diop a marqué son époque par une œuvre au service des peuples noirs. Ni l’âge ni le temps ne sauront l’effacer de notre mémoire », avait ajouté M. Dièye, tandis que Christiane Yandé Diop, émue aux larmes, s’est dit « très heureuse » de revenir à la maison familiale d’Alioune Diop. Paraphrasant l’écrivain Birago Diop, elle avait dit : « Les morts ne sont pas morts, ils sont là ».
Le 11 janvier 2010, entre 9h 30 et 12 heures, il avait été organisé, au Quai des Arts, un hommage solennel de la ville de Saint-Louis, la remise de prix aux lauréats du Concours littéraire. A partir de 12h 30, le public avait suivi la projection du film documentaire Alioune Diop, tel qu’ils l’ont connu. Une table ronde sur la vie et l’œuvre d’Alioune Diop avait eu lieu, le lendemain, de 10 heures à 13 heures à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Cette manifestation avait été présidée par l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane.
Propos choisis d’un intellectuel engagé
Le fondateur de Présence Africaine, Alioune Diop (1910-1980) n’avait écrit ni un roman ni un essai philosophique ni un traité doctrinaire, comme le soulignait le philosophe Babacar Sine, mais il avait publié des éditoriaux et prononcé des discours, dont chacun était une occasion d’affirmer avec force son engagement pour l’émergence des peuples noirs.
— EXTRAIT DE L’EDITORIAL DE ’PRESENCE AFRICAINE’, N° 105-106, 1978 : « Le peuple noir est de tous les peuples du Tiers-Monde celui qui a été le plus dépouillé de liberté et de dignité, le plus atteint de ces carences et infirmités spécifiques provoquées par l’action coloniale, le racisme, l’esclavage, et accentuées par la fragilité d’une civilisation orale. Il est illusoire de vouloir guérir ce peuple noir des effets de l’aliénation culturelle et du sous-développement, du moins, pas tant que ce peuple n’ait d’abord repris la vitalité globale et organique de toutes ses facultés. Pas sans qu’il ait au préalable pris conscience et de son existence et récupéré tout le dynamisme de sa créativité et toute sa capacité et toute sa capacité de répondre directement (dans toute la mesure de ses moyens et dans le style de sa personnalité) aux défis du monde moderne (…) L’avenir peut réserver un destin grandiose et exaltant à l’élite qui prendra en main la direction et la gestion de notre civilisation. L’Afrique doit avoir une élite qui joue un rôle privilégié dans le déroulement de l’histoire des civilisations ».
— EXTRAIT DU DISCOURS INAUGURAL AU PREMIER CONGRES DES ECRIVAINS ET ARTISTES NOIRS, PARIS, septembre 1956 : « Ce jour sera marqué d’une pierre blanche. Si depuis la fin de la guerre la rencontre de Bandoeng constitue pour les consciences non européennes l’événement le plus important, je crois pouvoir affirmer que ce premier congrès mondial des hommes de culture noirs représentera pour nos peuples le second événement de cette décade. D’autres congrès avaient eu lieu, au lendemain de l’entre-deux guerre, ils n’avaient l’originalité ni d’être essentiellement culturels, ni de bénéficier du concours remarquable d’un si grand nombre de talents parvenus à maturité, non seulement aux Etats-Unis, aux Antilles et dans la grande et fière République d’Haïti, mais encore dans les pays d’Afrique noire. Les dix dernières années de l’histoire ont été marquées par des changements décisifs pour le destin des peuples non européens, et notamment de ces peuples noirs que l’Histoire semble avoir voulu traiter de façon cavalière, je dirais même résolument disqualifier, si cette histoire, avec un grand H, n’était pas l’interprétation unilatérale de la vie du monde par l‘Occident seul. Il demeure cependant que nos souffrances n’ont rien d’imaginaire. Pendant des siècles, l’événement dominant de notre histoire a été la terrible traite des esclaves. C’est le premier lien entre nous, congressistes qui justifie notre réunion ici. Noirs des Etats-Unis, des Antilles et du continent africain, quelle que soit la distance qui sépare parfois nos univers spirituels nous avons ceci d’incontestablement commun que nous descendons des mêmes ancêtres. La couleur de peau n’est qu’un accident : cette couleur n’en est pas moins responsable d’événements et d’œuvres, d’institutions, de lois éthiques qui ont marqué de façon indélébile nos rapports avec l’homme blanc (…) ».
par Cheikh Tidian Gadio
VIDEO
L'AFRIQUE VUE PAR CHEIKH ANTA DIOP
Comprendre Cheikh Anta et surtout pratiquer sa doctrine sont des actes d’émancipation et de libération mentale, intellectuelle et politique
Je vous présente avec un immense plaisir, cette vidéo magistrale de l’illustre fils d’Afrique, grand chantre du panafricanisme, le professeur émérite Cheikh Anta Diop. Il y déroule avec le calme et la sérénité du vrai savant, la grandeur incontestable de l’Afrique, l’urgence et les conditions de sa renaissance.
Ecoutons et admirons le maître, mais surtout saisissons et relevons le défi qu’il nous lance : rendre à l’Afrique sa grandeur, toute sa grandeur, celle de son passé grandiose (berceau de l’humanité et berceau de la civilisation humaine) et celle de l’avenir radieux qu’elle mérite (1/3 des ressources naturelles du monde, 1 millard d’habitants dont plus de 60% de jeunes, les meilleures terres arables et parmi les plus grandes ressources hydriques du monde !)
Qu’on l’accepte ou non, l’Afrique est le continent phare du monde contemporain. Il est le continent des convoitises et des fortes rivalités entre les puissances anciennes et nouvelles. Tout ceci parce que l’Afrique « don de dieu » reste le centre du monde où se joue et continue de se jouer l’avenir de l’humanité ! Dès lors, notre seule préoccupation est de savoir si les africains en sont conscients et sont prêts à assumer leur destin historique, c’est-à-dire leur leadership historique malgré les vicissitudes de notre histoire à la fois douloureuse et glorieuse.
Or donc, selon Cheikh Anta Diop dans cette interview télévisée faite chez nos plus-que frères et sœurs de la diaspora, « après l’histoire douloureuse que nous avons subie ces derniers siècles, il faudra nous raccorder aux coordonnées générales de l’histoire africaine. »
En clair, il nous faut saisir et comprendre la totalité de notre histoire et refuser que l’Afrique de la splendeur des pyramides, mère de toutes les sciences (mathématiques, physique, géométrie, architecture, médecine, philosophie, religions, systèmes politiques, agriculture et irrigation, etc.) ne soit réduite a l’Afrique esclavagisée, colonisée et néo-colonisée.
Cheikh Anta ajoute avec raison : « il y a tellement de faits négatifs accumulés depuis la chute (fin de l’apogée africaine suivie d’une décadence radicale) qu’un nouveau départ se prépare et on a peur de ce nouveau départ. Quand on est tombés si bas on ne peut pas ne pas regagner les sommets. Voici que nous sommes les seuls qui soient objectivement motivés pour repartir du bon pied. Par conséquent, je crois que l’avenir des peuples noirs est radieux dans la mesure où nous comprenons vraiment et nous saurons interpréter l’histoire ! »
Comprendre Cheikh Anta et surtout pratiquer sa doctrine sont des actes d’émancipation et de libération mentale, intellectuelle et politique. J’y invite surtout les jeunesses africaines, fer de lance de « la renaissance africaine » et du grandiose projet « des États-Unis d’Afrique ».