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26 novembre 2024
Cheikh Anta Diop
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, RACINE ASSANE DEMBA
CHEDDAR MAN ET LA MÉMOIRE DE CHEIKH ANTA DIOP
EXCLUSIF SENEPLUS - Le plus vieux Britannique était noir - Pour qui s’intéresse un tant soit peu aux travaux du natif de Ceytu, la surprise de la communauté scientifique britannique a de quoi surprendre
Ce mercredi 7 février, alors que nous commémorions les 32 ans de la disparition de l’historien, anthropologue, égyptologue, Cheikh Anta Diop (1923 - 1986), le quotidien londonien The Guardian nous apprenait que les ossements de Cheddar Man, découverts en 1903, avaient subi une analyse ADN. Le Natural History Museum de Londres a ainsi pu révéler une modélisation du visage de ce lointain ancêtre arrivé en Grande-Bretagne après la dernière période glaciaire, il y a 10 000 ans.
La surprise fut grande de découvrir qu’il avait « la peau foncée, des yeux bleus et les cheveux bouclés ». Jusqu’ici, en effet, les spécialistes s’accordaient sur un teint clair et une chevelure fournie.
« Cette découverte, rapporte le Guardian, montre que les gènes de la peau claire sont devenus courants chez les populations européennes bien plus tard qu’on ne le pensait à l’origine. » Dans le Royaume, les spécialistes s’accordent à dire désormais, relate Courrier International, que parmi les premiers Britanniques modernes « les ancêtres de Cheddar Man auraient quitté l’Afrique pour le Moyen-Orient avant de migrer en direction de l’Europe de l’Ouest et de la Grande-Bretagne via des terres aujourd’hui recouvertes par la mer du Nord ».
Pour qui s’intéresse un tant soit peu aux travaux de Cheikh Anta Diop, cette surprise de la communauté scientifique britannique a de quoi surprendre. Battant en brèche les théories polygénétiques (origines multiples de l’humanité) qui étaient la porte ouverte à une hiérarchisation des races, le natif de Ceytu nous avait déjà appris que le premier homme blanc sur la terre est apparu à la suite de la la transformation de l’homme noir ayant quitté l’Afrique. Il va migrer vers d’autres parties du monde dont l’Europe et c’est durant cette période d’adaptation à un climat extrêmement froid pendant la dernière glaciation qu’il donnera naissance, par mutation, à l’homme de Cro-Magnon c’est à dire l’homme blanc.
Dans une interview, lors de son séjour à Atlanta, aux Etats-Unis, en avril 1985, il disait : « si on s’en tient, sans préjugés, aux données rigoureusement scientifiques, nous sommes bien obligés d’affirmer en toute sérénité que c’est l’adaptation du grimaldien à ce climat froid qui a donné naissance à ce qu’on appelle conventionnellement aujourd’hui le type leucoderme ou homme blanc. L’homme blanc est sorti du noir à la suite d’adaptation à un climat froid ». Et pour pointer du doigt la curieuse attitude de nombreux scientifiques à l’époque, il ajoutait : « cela tous les spécialistes aujourd’hui le savent dans leur for intérieur même s’ils ne le disent pas avec autant d’honnêteté. Nous voyons bien que l’humanité en sortant de l’Afrique et en s’adaptant aux différents climats de la terre a donné naissance aux différentes races ».
Cheikh Anta Diop, loin de tout afrocentrisme, délivre ainsi un message humaniste et antiraciste. « Voilà comment, dit-il, les races sont nées. Donc la race est une notion géographique. Si le premier homme n’était jamais sorti de l’Afrique, il n’y aurait pas eu de différenciation raciale. Il y aurait une seule humanité homogène et noire cantonnée en Afrique. Le polygénétisme est une théorie qui voulait instaurer une hiérarchie des races (…) La théorie monogénétique montre que l’humanité a une souche commune et toutes ses composantes ont les mêmes capacités intellectuelles ».
Comme une réponse aux risibles accusations de suprémacisme à son encontre ou une mise en garde contre toute récupération de sa pensée par des suprémacistes noirs, il trouvait important de préciser : « je ne suis pas en train de montrer, par exemple, que le noir est supérieur au blanc, ce serait faux. Aucune race n’est supérieure à l’autre ».
Cette journée du 07 février commémorant la mort de Cheikh Anta Diop a soulevé beaucoup de questions auprès des étudiants dont l'université porte son nom.
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LE DERNIER PHARAON
32ème anniversaire de son décès - Anthropologue, historien, spécialiste de physique nucléaire et passionné de linguistique, le Sénégalais Cheikh Anta Diop pose les bases d'une écriture de l'histoire de l'Afrique enfin libérée des préjugés racistes
Deutsche Welle |
Tamara Wackernagel, Mamadou Lamine Ba et Philipp Sandneront |
Publication 07/02/2018
Cheikh Anta Diop est né en 1923 dans le village de Thieytou, une centaine de kilomètres à l'est de Dakar, au Sénégal, au sein d'une famille d'origine aristocratique wolof. Il décroche une bourse pour étudier en France en 1946, et choisit d'abord la physique et la chimie, avant de se tourner vers la philosophie et l'histoire, avec une thèse consacrée à « l'Afrique noire précoloniale et l'unité culturelle de l'Afrique noire ». Nationaliste et défenseur d'un fédéralisme africain, il retourne au Sénégal dès l'indépendance en 1960, où il se dédie à enseignement, la recherche et la politique, jusqu'à sa mort en 1986.
Écrivain prolifique, Cheikh Anta Diop est l'auteur d'un grand nombre de travaux scientifiques et d'ouvrages consacrés à l'histoire du continent, mais aussi à son avenir. En s'appuyant notamment sur la parenté entre des langues africaines, comme le wolof - sa langue maternelle - et l'égyptien antique, Cheikh Anta Diop a dévoilé l'influence culturelle de peuples africains antérieurs sur la civilisation égyptienne et démontré que « l'Égypte ancienne était négro-africaine ».
Diplômé en chimie et en physique nucléaire, il a créé dès 1966 le premier laboratoire africain de datation au carbone 14, au sein de l'Université de Dakar qui porte aujourd'hui son nom. Militant pour l'indépendance des pays africains pendant ses années étudiantes, il s'est plus tard imposé comme une figure du mouvement fédéraliste africain, des idées présentées dans Les fondements économiques et culturels d'un État fédéral en Afrique noire (1960, éditions présence africaine).
Des citations célèbres
"L'Égypte est au reste de l'Afrique Noire ce que la Grèce et Rome sont à l'Occident."
"La plénitude culturelle ne peut que rendre un peuple plus apte à contribuer au progrès général de l'humanité et à se rapprocher des autres peuples en connaissance de cause."
"Les idéologues qui se couvrent du manteau de la science doivent se rendre compte que l'ère de la supercherie, de l'escroquerie intellectuelle est définitivement révolue, qu'une page est tournée dans l'histoire des rapports intellectuels entre les peuples."
Des controverses autour de lui
Lors de la publication de son livre Nations nègres et culture (1954), Cheikh Anta Diop a dû faire face à un grand scepticisme dans le monde universitaire, en plus des critiques basées sur les préjugés racistes hérités du colonialisme. Certains collègues lui reprochent une approche multi-disciplinaire parfois chaotique, et d'autres d'être influencé dans son travail scientifique par son militantisme politique. Ce n'est qu'en 1974, au cours du colloque international du Caire, que les plus grands égyptologues ont salué ses théories « visionnaires ». Elles ont depuis été acceptées en tant que vérités scientifiques.
Toute l’Afrique s'est sentie concernée ce jour, par la mort de celui que l’on nomme "le pharaon des temps modernes", égyptologue éminent, engagé dans le combat des idées et de la renaissance de l'Afrique...
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KEMTIYU SÉEX ANTA, SUR LA RTS CE SOIR
Le documentaire consacré à Cheikh Anta Diop sera diffusé sur les petits écrans, dans le cadre du 32e anniversaire de la disparition du savant sénégalais
La Radiotélévision sénégalaise va diffuser le documentaire "Kemtiyu, Séex Anta", mercredi soir, après le journal télévisé, la version française sur la RTS1 et celle sous-titrée en wolof sur la RTS 2, a annoncé à l’APS son réalisateur, Ousmane William Mbaye.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre du 32e anniversaire de la disparition du savant sénégalais et se veut "un hommage à l’égyptologue".
Cheikh Anta Diop, né le 29 décembre 1923 à Thieytou, dans la région de Diourbel (centre), est un historien et anthropologue qui s’est évertué toute sa vie à montrer l’apport de l’Afrique à la culture et à la civilisation mondiale.
Il a étudié la physique et la chimie à Paris avant de s’orienter vers l’histoire et les sciences sociales. Il est l’auteur de plusieurs publications dont Nations nègres et culture", son œuvre le plus connu, publié en 1954.
Cheikh Anta Diop, en apôtre du panafricanisme, a notamment matérialisé son engagement politique à travers le Rassemblement national démocratique (RND), le dernier parti qu’il a fondé.
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RARE DISCOURS POLITIQUE DE CHEIKH ANTA DIOP
Il parle de démocratie, de République, de langues nationales et de développement
Cheikh Anta Diop s'exprimait lors d'un meeting politique. Le célébre scientifique explique, en wolof, que la démocratie, le socialisme, la République et le développement ne peuvent advenir dans un pays qui n'utilise pas ses langues vernaculaires dans l'enseignement et la gouvernance.
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LA CRISE ORGANIQUE AU RND
Dialo Diop, secrétaire général du Rassemblement national démocratique
Dialo Diop, secrétaire général du Rassemblement national démocratique conte Cheikh Anta Diop, décrypte la crise organique au RND et revient sur l'actualité politique nationale.
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JE SUIS FASCINÉ PAR LE PARCOURS D'OUSMANE SEMBÈNE
Mboumba Franck allias Kemit, slameur et poète gabonais
Aïssatou Ly & Fatoumata Hanne Dia |
Publication 15/02/2017
Du slam à la poésie et de la poésie au slam on dit qu'il n y a qu'un pas. Le slameur Kemit a franchi ce pas en sortant ce 4 février 2017 son premier recueil de poèmes intitulé "Damné en années". Paru aux éditions Kusoma, ce recueil porte dans ces 124 pages les aspirations ; les rêves, requêtes et désillusion d'un artiste qui vibre aux sons et préoccupations de son pays. Que dis-je ? de son continent ! Panafricaniste affirmé, passionné de culture et d'histoire, Mboumba Franck allias Kemit le slameur sculpte les mots, les maux d'une Afrique. De ses rêves les plus fous d'une valorisation de la culture noire à ses envies les plus pressantes d'une Afrique libérée de tout mal, ce fils du Gabon qui vit depuis bientôt 5 ans au Sénégal se libère. Du haut de ses 2,02 mètres, une seule remarque est valable : il voit loin, très, très loin.
Pourquoi avez-vous sorti un recueil de poèmes, alors que Kemit est connu comme slameur et non poète ?
J‘ai publié le 4 février dernier ma première œuvre littéraire, un recueil de poèmes. Il vient après la sortie de mon premier album slam le 22 juillet dernier. Un album qui s'intitule "Bilime" qui signifie les années dans ma langue natale (le Punu : une langue parlée dans le sud-ouest du Gabon, dans le village de Ndéndé). Ce recueil de poèmes est en quelque sorte une continuité du disque que j'ai sorti (un Ep de 5 ou 6 titres) et qui s'intitulait également "Années" (Bilime). Mais cette fois-ci j'ai voulu varier en mettant comme titre : "Damné en année"
Pourquoi "Damné en années" ? Vous considérez-vous comme un damné ?
Le titre "Damné en années" m'a été inspiré d'une œuvre que j'ai lue il y a quelques années. Une œuvre de Frantz Fanon (Ndlr : Les damnés de la terre). C‘est une œuvre que j'ai parcourue et qui m'a pleinement inspiré. Donc quand j'ai décidé d'écrire le livre j'ai beaucoup hésité sur le titre. Au début, j'avais mis "d'années en années" mais j'ai trouvé que c'était trop terre à terre. Etant un poète, je me suis dit qu'il fallait en trouver un d'assez original. Quelque chose qui me plaise d'abord et plaise au reste du monde. J‘ai donc choisi "Damné en années", parce que j'estime que je suis condamné à écrire. Il y a beaucoup de choses qui ne me plaisent pas et que j'aimerai changer. J‘écris pour dénoncer. C'est une condamnation que je m'inflige, une tâche que je m'assigne. Parce que quand j'écris je me sens plus libre. C‘est mon havre de paix.
Vous dites qu'il y a beaucoup de choses qui ne vous plaisent pas. "Damné en années" est-il donc un recueil de revendications ?
Lorsque j'ai commencé, j'écrivais plus sur des thèmes revendicatifs. Mais avec la maturité, je me suis ouvert à d'autres thèmes, d'autres réalités. Dans ce recueil, il y a un texte titré : "Les couleurs de l'espoir" et qui figure également dans mon disque Bilime, comme il y a des textes qui parlent des endroits où j'ai grandi, d'autres de la nature. Il y a des thèmes variés. Je parle de pêche, de la nature, de l'environnement etc. Toute thématique en rapport à la société moderne m'intéresse.
Quelles sont les revendications que vous portez ?
J'écris par exemple sur les indépendances et me questionne. Fête-t-on les indépendances chaque année pour le simple plaisir de faire la fête ou doit-il y avoir un réel désir d'indépendance? Sommes-nous vraiment indépendants ? Dans "Damnée en années", je revendique plein de choses. C‘est se mentir à soi-même que de croire qu'on fête réellement les indépendances. Il faut réfléchir, se remettre en question et remettre en question les choses que nous tous avons trouvées. Moi, j‘ai arrêté de fêter les indépendances ; cela fait 3 ans.
Qu'est-ce qui vous gêne dans la célébration des indépendances ?
Nous ne sommes pas indépendants. C‘est quoi être indépendant ? Les États-Unis par exemple, la France peuvent s'estimer indépendants. Mais nous, on croit être indépendants alors qu'on n'arrive même pas à élire nos propres dirigeants. Tout le monde sait, il y a des élections partout en Afrique mais elles ne servent à rien. Tenez, au Congo par exemple, vous pensez que Denis Sassou Nguesso, vous croyez vraiment qu'il a été élu démocratiquement ? Vous croyez que Ali Bongo qui a fait 42 ans au pouvoir, c'est la population qui a voté pour qu'il reste toujours au pouvoir ? Je ne le crois pas. On nous fait croire des choses fausses et on nous les impose comme étant des choses vraies et nous on ne remet rien en cause.
Si on veut que la société change, il ne faut pas juste se dire qu'elle va changer. Si on ne fait rien, rien ne changera, c'est aussi simple que ça.
Parlons slam à présent. Vous disiez avoir sorti un disque en juillet 2016, après 16 ans de pratique, d'abord dans votre pays le Gabon et ensuite ici au Sénégal. Depuis 5 ans que vous êtes au Sénégal, avez-vous eu à fréquenter d'autres groupes de slam ou vous avez toujours évolué en solo ?
A mon arrivée, j'étais dans le collectif "Vendredi slam". J'ai cheminé avec eux pendant des années et nous avons participé à différentes manifestations culturelles dont le festival de jazz de Saint louis. Mais j'ai quitté le navire parce qu'il fallait que j'apprenne à nager tout seul. C'est en quittant le navire que j'ai sorti mon propre disque Bilime.
Vous passez du slam à la poésie. Est-ce pour vous une façon de montrer qu'il n'y a pas de frontière entre le slam et la poésie ?
Le slam est une autre forme de poésie où les gens s'expriment librement, sans instrument de musique, sans enivrement. Le père du slam, Marc Smith, est un Américain. S'il a créé le slam, c'était pour se départir de toutes ces règles dans la poésie et de proposer une nouvelle forme d'expression artistique aux jeunes. Puis ça a grandi pour atteindre d'autres contrées, l'Allemagne, la France, l'Afrique. Nous, on essaie de faire grandir la chose ici. Oui, je sors un recueil de poèmes mais ce n'est pas un recueil de poésies classiques. Cela n'a rien à voir.
"On croit être indépendant alors qu'on n'arrive pas à élire nos dirigeants"
Vous ne faites pas donc partie du cercle de ces poètes hermétiques ?
Je vous confie une chose qui peut vous paraitre paradoxale : Je n'ai jamais aimé la poésie classique. D'ailleurs, Baudelaire m'a cassé la tête. Il disait des choses que je ne comprenais pas. Cette poésie je la trouve trop éloignée de moi. On ne peut pas lire un vers en regardant tout le temps un dictionnaire. Si on écrit un livre et tout est compliqué où même pour lire le titre il faut consulter une encyclopédie, on risque de perdre nos lecteurs qui s'éloigneront. Je ne suis pas du rang de ces poètes qui écrivent des choses inaccessibles. Mon recueil est accessible à plusieurs catégories de personnes. Je reconnais qu'il y a des textes qui sont très techniques, qui demandent un certain niveau de culture générale et de connaissances mais ce n'est pas l'ensemble de l'œuvre qui est comme cela.
Kemit semble être quelqu'un de très collé aux us et coutumes de l'Afrique ?
Dans "Damné en années", je me suis amusé à mettre certaines parties dans des langues de chez moi. C'est le cas du texte Ogooué, (Ndlr : nom d'un long fleuve qui parcourt la majeure partie de mon pays le Gabon). Dans ce texte, j'introduis un mot, kombé, qui signifie soleil dans un des dialectes du Gabon. Tout cela pour inciter le lecteur à faire une recherche et à apprendre et avoir ne serait-ce qu'une petite idée des dialectes africains.
Dans un autre texte où je parle de mon village, Ndéndé, et d'une une rivière qui s'y trouve, la Dola. Dans ce texte, on retrouve plusieurs éléments de notre patrimoine comme Mami Wata. Tout comme en Occident, on parle de "La belle au bois dormant", j'estime qu'ici en Afrique nous avons nos propres valeurs. Et nous devons les mettre en avant.
Ce que je revendique c'est la valorisation de nos coutumes, nos langues et je suis contre le fait qu'on abandonne nos cultures, nos traditions, notre héritage culturel. Des gens se sont battus pendant plusieurs années pour qu'on puisse maintenir quelque chose qu'ils ont voulu nous transmettre et nous aujourd'hui on ne mesure même pas la valeur qu'on nous a léguée. On a des traditions, des coutumes, restons dans notre culture et évitons de prendre des choses qui nous viennent d'ailleurs.
Vous parlez de gens qui se sont battus pour le maintien de cet héritage culturel africain. Votre nom d'artiste Kemit s'apparente à Kemit, l'homme noir de l'Egypte antique. Des penseurs comme Cheikh Anta Diop vous inspirent-ils dans votre poésie et votre slam ?
Cheikh Anta Diop, oui parce que son œuvre Nations nègres et culture, m'a ouvert les yeux sur plusieurs choses. C'est une œuvre qui m'a poussé à réfléchir, à chercher et je pense ne l'avoir pas comprise jusqu'au bout. Il y a en outre des personnages que j'ai découverts un peu plus comme Ousmane Sembène. Je suis fasciné par le parcours de cet écrivain-cinéaste. C'est quelqu'un qui a giflé son maître et qui est sorti de la classe. Pour tant, il a été l'un des meilleurs cinéastes du continent. C'est quand même fou ! Il faut oser ! C'est ce parcours de vie qui m'impressionne.
En dehors de Sembène, il y a tous ces leaders : Lumumba, Sankara, Marcus Gavey, Nkrumah, Aimé Césaire... Mon slam, ma poésie, c'est un peu la continuité de toutes les histoires que j'ai lues. J'essaie de suivre les pas de ces géants, même si eux sont allés jusqu'à donner leur vie pour ça.
Sur la chemise que vous portez, il est inscrit : Yitou. Est-ce votre marque ?
Oui, je suis, en dehors du slam et de la poésie, un entrepreneur. Je commercialise la marque de vêtements Yitou. Yitou, ce n'est pas un mot français, ni anglais, mais un mot issu de ma langue et qui signifie espoir. J'essaie de valoriser, à travers cette marque, le travail des artisans africains. Dans Yitou, vous verrez aussi bien du bogolan, du pagne tissé que d'autres tissus qui ont une grande valeur dans nos traditions africaines.
Quels sont vos projets et objectifs ?
Mes projets du moment, c'est de sortir le recueil "Damné en années", en version papier pour le moment, c'est juste en version numérique de le rendre accessible à tous, de le présenter dans les écoles, d'en parler à mes jeunes frères pour qu'ils puissent avoir, ne serait-ce qu'une partie de notre patrimoine à tous. Parce que je pense que ce que j'ai appris à l'école primaire, c'est ce qu'on continue à enseigner aux enfants. Même à l'université, les textes de droit qu'on nous faisait étudier, les Codes civils gabonais et sénégalais sont justes les copies du Code civil français. Nos intellectuels n'ont fait que remplacer certains mots par des synonymes.
Mes objectifs, c'est d'essayer de faire en sorte pour qu'on s'aime nous-mêmes et qu'on apprenne davantage de nous-mêmes. Plus tard, j'aimerais sortir un disque où il y aura tout ce patrimoine culturel africain réuni. Les influences de partout : pas que du Gabon d'où je suis originaire, du Sénégal où je vis depuis longtemps, du Rwanda, un pays que je porte dans mon cœur.
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LE FILM ‘’KEMTIYU – SÉEX ANTA’’ DE WILLIAM MBAYE PRIMÉ
Dakar, 6 fév (APS) – Le film ‘’Kemtiyu – Séex Anta’’ du réalisateur sénégalais Ousmane William Mbaye a reçu le prix du meilleur documentaire de la 23-ème édition du Festival régional et international du cinéma de Guadeloupe (FEMI), qui s’est déroulée du 27 janvier au 4 février, a appris l’APS de source autorisée.
Le documentaire d’Ousmane William Mbaye retrace le parcours de l’historien et homme politique sénégalais Cheikh Anta Diop (1923-1986). Il a été projeté le 1-er décembre à l’Institut français de Libreville.
Le FEMI se donne pour mission de ‘’promouvoir les œuvres cinématographiques et les cinéastes des Antilles-Guyane et plus largement de la Caraïbe, trop peu mis à l’honneur et de ce fait souvent méconnus du grand public’’, indique le site de la manifestation.
Le festival offre aussi ‘’l’occasion de découvrir le meilleur du cinéma international à travers une programmation diversifiée de films incitant à la réflexion sur des sujets de société, mais aussi de dénicher des talents en devenir et mettre en lumière des talents confirmés’’. Il programme plus de 60 films locaux, régionaux et internationaux ; longs métrages, courts métrages, documentaires souvent inédits et en avant-première.
Après sa première mondiale, le 7 mai dernier à Sorano, le film "Kemtiyu – Séex Anta" a été montré en Côte d’Ivoire (Abidjan), au Canada (Montréal), en France (Paris, Apt), en Afrique du Sud (Johannesburg). Il sera en compétition officielle à la 25-ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO.