Le chef de l’Etat a demandé au ministre de la Culture et de la communication d’engager avec les acteurs impliqués, les concertations nécessaires à l’amélioration du statut des artistes et au financement adéquat de leurs projets et activités culturels. Une nouvelle bien reçue par les acteurs.
Les cultures urbaines et les industries culturelles et créatives intéressent le chef de l’Etat. Ce mercredi, en Conseil des ministres, il a demandé au ministre de la Culture et de la communication, Abdoulaye Diop, d’engager avec les acteurs impliqués, les concertations nécessaires à l’amélioration du statut des artistes et au financement adéquat de leurs projets et activités culturels. Face au gouvernement, Macky Sall a indiqué qu’il souhaitait valoriser davantage l’esprit créatif des jeunes par la promotion des cultures urbaines, avec le renforcement des fonds alloués à ce sous-secteur dynamique et innovant. Une nouvelle accueillie favorablement par les acteurs de ce sous-secteur. «C’est une bonne nouvelle. Le Président a donné le ton. Maintenant, il faut que l’importance que le Président accorde à la culture, soit très bien saisie par les différents ministères et directions», a déclaré le rappeur Malal Talla, alias Fou malade.
Joint au téléphone, il affirme que ces autorités ne comprennent pas qu’elles doivent rencontrer les acteurs et discuter avec eux, parce que «c’est primordial». «Il faut qu’il y ait assez rapidement des rencontres entre les acteurs culturels et le ministère de la Culture, pour effectivement discuter de la mise en œuvre des projets», lance-t-il. Des mesures qui devraient permettre de relancer la promotion des industries culturelles et créatives.
Même son de cloche du côté de Safouane Pindra, manager général de Optimiste productions et directeur artistique du Festival Yakaar. «Je pense que, suite à une rencontre dans le mois du ramadan passé au Palais, on avait souligné nos inquiétudes au président de la République. Et je pense qu’il nous a écoutés. On le félicite, on l’encourage mais aussi que ça ne soit pas un discours parce qu’aujourd’hui, la priorité c’est déjà le statut des artistes», a-t-il expliqué.
Tout en se réjouissant de cette nouvelle annoncée par le Président Macky Sall, il demande également une convention spéciale pour la fiscalité des artistes. «Aujourd’hui, on est sous le même régime que les commerçants, ce qui n’arrange pas du tout nos activités parce que la majeure partie d’entre nous, font des activités temporaires. Et si on nous applique dans le même régime, ça va être difficile», juge-t-il.
Le Fdcu en question
Depuis quelques années, les industries culturelles bénéficient d’un fonds de développement. Doté d’un budget initial de 300 millions de francs Cfa, il a été doublé par le chef de l’Etat, pour atteindre 600 millions de francs Cfa à partir de 2019. «Le président de la République souligne la nécessité de valoriser davantage l’esprit créatif des jeunes par la promotion des cultures urbaines, avec le renforcement des fonds alloués à ce sous-secteur dynamique et innovant.»
Selon Safouane Pindra, le Fdcu joue bien son rôle. Mais comme dans toute chose, il y a des brebis galeuses. «C’est aux acteurs des cultures urbaines de dénoncer ces fraudeurs et d’effacer les structures fictives qui bénéficient de ce fonds», dit-il.
Toutefois, concernant la gestion du fonds, il avoue que ce n’est pas du tout satisfaisant. Raison pour laquelle, dans le cadre du Forum national sur le fonds des cultures urbaines qu’ils avaient initié, l’année dernière, au mois de mai, la question avait été largement discutée entre acteurs et autorités de la tutelle, c’est-à-dire le ministère de la Culture. Et des recommandations pour une meilleure gestion des fonds avaient été faites. Un travail qu’on a partagé avec les acteurs des 14 régions du Sénégal.
De son côté, Malal Talla est rassurant. «Le fonds des cultures urbaines joue son rôle comme il le faut. Il y a beaucoup de choses à améliorer quand même, mais c’est un fonds très important, qui joue un rôle très important et a aidé vraiment à ce que le secteur se développe davantage. Donc, je pense qu’on a même besoin que ce fonds soit augmenté parce que c’est insuffisant par rapport à la demande», a-t-il détaillé.
COUMBA GAWLO SIGNE SON COME-BACK SUR LA SCENE MUSICALE
L’artiste Coumba Gawlo sera de retour sur la scène musicale sénégalaise, le 7 mars prochain. Une bonne nouvelle qui va rendre heureux ses fans et les mélomanes, puisque cela fait un an que l’auteur de « Femme Objet » était en retrait de la scène
L’artiste Coumba Gawlo sera de retour sur la scène musicale sénégalaise, le 7 mars prochain. Une bonne nouvelle qui va rendre heureux ses fans et les mélomanes, puisque cela fait un an que l’auteur de « Femme Objet » était en retrait de la scène, pour des raisons de santé.
Après une année de retrait de la scène musicale, pour des raisons de santé, la diva sénégalaise à la voix d’or, Coumba Gawlo Seck, qui a fêté ses 50 ans le 29 janvier dernier, annonce son grand retour, pour le 7 mars prochain. Elle a partagé la nouvelle sur les réseaux sociaux, repris par Afrik.com. Un retour qui coïncide également avec la « Journée internationale des femmes », célébrée le 8 mars.
Victime d’une occlusion intestinale, Coumba Gawlo Seck (50 ans), qui avait subi une intervention chirurgicale avec une amputation intestinale et une intubation, s’était retirée complètement de la scène musicale. Mais, elle aurait connu avec succès une autre intervention chirurgicale en France, afin de retrouver sa voix. En effet, la chanteuse de « Pata-Pata », qui semble avoir retrouvé toute sa santé physique et sa corde vocale, a partagé une affiche sur sa page Instagram, pour donner rendez-vous à ses fans, le 7 mars prochain.
En revanche, selon le site, la vidéo publiée par la diva sénégalaise à la voix d’or, n’a pas été bien détaillée. Certainement, qu’elle veut réserver une grande surprise à ses fans, qui ne l’ont pas vu sur la scène musicale, depuis assez longtemps. Malgré cette longue absence, ces derniers espèrent tout de même que cela sera un retour en force de la grande diva de la musique sénégalaise. De ce fait, tout le monde est impatient de réécouter Coumba Gawlo Seck, pour savoir si sa voix a retrouvé sa superbe, après les multiples interventions chirurgicales subies.
A noter que Youssou Ndour, le roi du « Mbalax » sénégalais, plusieurs fois disques d’or, lauréat des Grammy Awards en 2005 et lauréat en 2017 du Praemium Imperiale, l’équivalent du Nobel des arts, était allé à la rencontre de Coumba Gawlo Seck, le 20 janvier dernier, pour lui exprimer son soutien. La veille, la chanteuse avait annoncé sur sa page Facebook, être allée se recueillir, à Touba, la ville religieuse de la confrérie mouride fondée par Cheikh Ahmadou Bamba.
Il faut signaler que Coumba Gawlo Seck revient de loin. Le monde entier se rappelle encore des images touchantes montrant la chanteuse annonçant son retrait de la scène musicale. « Je souffre d’une petite maladie et les médecins m’ont dit de laisser la musique pendant un moment. J’ai des problèmes avec ma voix et il me sera difficile de chanter », avait annoncé la diva, début février 2021. Une sortie qui avait ému le monde entier, le Sénégal en particulier, où le peuple pensait devoir se passer de la belle voix de cette griotte.
MACKY SALL RÉCLAME DES CONCERTATIONS SUR LE STATUT DES ARTISTES ET LE FINANCEMENT DES ACTIVITÉS CULTURELLES
Le chef de l’Etat a donné au ministre de la Culture la consigne de se concerter avec les acteurs culturels en vue de l’amélioration du statut des artistes et du financement adéquat des projets et activités culturels.
Dakar, 2 mars (APS) - Le chef de l’Etat a donné au ministre de la Culture la consigne de se concerter avec les acteurs culturels en vue de l’amélioration du statut des artistes et du financement adéquat des projets et activités culturels.
Macky Sall a demandé ‘’au ministre chargé de la Culture (…) d’engager avec les acteurs impliqués les concertations nécessaires à l’amélioration du statut des artistes et au financement adéquat des projets et activités culturels’’, lit-on dans le communiqué du Conseil des ministres.
Les discussions doivent être menées dans l’‘’urgence’’, selon la même source.
Les cultures urbaines aussi préoccupent le chef de l’Etat. ‘’Le président de la République souligne la nécessité de valoriser davantage l’esprit créatif des jeunes par la promotion des cultures urbaines, avec le renforcement des fonds alloués à ce sous-secteur dynamique et innovant’’, écrit le ministre, porte-parole du gouvernement, Oumar Guèye.
‘’Le chef de l’Etat, ajoute M. Guèye, rappelle l’urgence d’intensifier le soutien au programme de développement du cinéma national, qui nous vaut de réels motifs de satisfaction à l’international’’.
Le communiqué du Conseil des ministres affirme que ‘’le chef de l’Etat a insisté sur l’importance qu’il accorde à la promotion des industries culturelles et créatives’’.
«C’EST UNE GROSSE ERREUR QUE LE MINISTRE DE LA CULTURE GÈRE LES FONDS DU CINÉMA»
Président des cinéastes du Sénégal, le réalisateur Moussa TOURÉ ne digère pas que les fonds alloués par l’Etat au secteur du 7e art soient gérés par le ministre de la Culture, et non par les acteurs du milieu
Président des cinéastes du Sénégal, le réalisateur Moussa TOURÉ ne digère pas que les fonds alloués par l’Etat au secteur du 7e art soient gérés par le ministre de la Culture, et non par les acteurs du milieu. Dans cet entretien qu’il a accordé à «L’As», il fait le diagnostic de la crise qui affecte le secteur cinématographique en pointant le manque de salles de diffusion de films.
En tant que président des cinéastes, quel est l’état des lieux que vous faites du cinéma sénégalais ?
Aujourd’hui, nous avons un cinéma de festival. Un cinéma, c’est une industrie ; ce qui n’est pas encore le cas. Et à côté, nous avons des séries qui marchent très fort, parce qu’il y a un public et des diffuseurs. C’est cela l’état des lieux. On a de l’argent puisqu’il y a un fonds de deux milliards FCFA alloué par l’Etat. Mais ces 2 milliards FCFA ne sont pas gérés pas les cinéastes, mais plutôt par des politiques. C’est une grosse erreur que les textes du Fonds de Promotion de l’Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (Fopica) permettent au ministre de la Culture lui-même de gérer cet argent. Il fallait mettre en place un comité de gestion dans lequel siégeraient les acteurs du secteur pour décider de ce qu’il faut faire.
Vous étiez monté au créneau pour dire que le cinéma sénégalais a été pris en otage pendant 12 années. Qu’est-ce qui vous fonde à soutenir une telle thèse ?
Oui, le cinéma était pris en otage. Comme on était inactifs, on n’avait plus de bureau. L’association des Cinéastes Sénégalais Associés (Cineseas) n’existait plus. Il y avait des querelles entre ses membres et les bureaucrates ont profité de ce vide pour tout prendre en main. Et quand ils ont repris ça, ils ont pris quelques cinéastes comme garants. C’est à ces cinéastes que je fais allusion quand je parle d’otage. Ce sont eux qui disaient ce qu’il fallait faire et comment faire les choses, avec le bureau du cinéma. C’est comme cela qu’on a été pris en otage pendant 12 ans. Et pendant ce temps, pour l’ensemble des cinéastes, c’étaitle statu quo. Mais pour ce groupe-là, non. Mais malheureusement, ces films n’ont pas abouti. En dehors de quelques films comme celui d’Alain Gomis, «Félicité» (2017), et de Mati Diop, «Atlantique» (2019), les autres films sont toujours là. Ils n’ont pas abouti.
A votre avis, comment s’explique la crise qui perdure au sein du cinéma ?
Cela s’explique par le fait qu’on n’a pas d’endroit où montrer nos films. On ne peut pas parler de cinéma sans salle. Or, on n’a pas de salles de cinéma depuis très longtemps. Donc, on a un cinéma inexistant. Quand on dépense de l’argent pour des films, il faut qu’ils soient vus. Si un film n’est pas vu, il n’y a plus de cinéma. Et cette crise remonte à très longtemps. Donc il faut mettre en place des salles. On nous parle du complexe Sembene, mais ce n’est pas cela. Il y a une structure dénommée «Pathé» qui veut faire des salles, mais celles-ci ne sont pas sénégalaises. En fait, elles vont diffuser des films français. Il faut réaliser des salles de cinéma en plein air dans les quartiers, dans les régions. On peut en faire 14 en une semaine, surtout que l’argent du Fopica est là. Le cinéma sans diffusion, ce n’est plus un cinéma. C’est la raison pour laquelle les gens font des séries. Bonnes ou mauvaises, elles seront suivies. Il faut juste faire des salles. On a de la matière. En plus, il y a des films qu’on n’a jamais vus.
On constate souvent que de nombreux films des cinéastes sénégalais ne sont souvent pas vus dans leur pays. A quel niveau se situe le problème ?
C’est le système ! Mais les films sénégalais étaient vus. Moi par exemple, mes films « Toubab Bi » (1991), « TGV » (1997) ont été suivis. Pareil pour « La pirogue » (2012) qui a été diffusé en plein air. Le film a même fait le tour du Sénégal en plein air. Donc le problème, c’est qu’on n’a pas d’endroit où montrer nos films.
Les séries connaissent un énorme succès, mais vous estimez que nos valeurs sont souvent bafouées. C’est dans quel sens ?
Ce sont des événements. Les acteurs sont habillés comme des reines. Des gens font des films pour choquer. Or le cinéma, c’est un engagement.
A quoi se résume le cinéma, d’après vous ?
C’est faire des films pour mourir. Tant qu’on ne sait pas qu’on fait des films qu’on va laisser ici, on ne fait pas du cinéma.
FESTIVAL DE MBOUMBA, LES POPULATIONS BOYCOTTENT LE FORUM SUR LA GESTION DE L’EAU
La sixième édition du Festival à Sahel ouvert (Faso), organisée comme à l’accoutumée à Mboumba, a été marquée par la tenue d’un important forum.
L’édition 2022 du Festival de Mbouma, commune située dans le département de Podor, a vécu ce week-end. L’une des activités phares de cet évènement a été sans nul doute le forum consacré à la gestion de l’eau, qui a vu la participation du chanteur Baaba Maal. Toutefois, cette rencontre a été boycottée par les populations.
La sixième édition du Festival à Sahel ouvert (Faso), organisée comme à l’accoutumée à Mboumba, a été marquée par la tenue d’un important forum. En effet, les organisateurs ont initié ce programme consacré à la question de la gestion de l’eau. Une rencontre à laquelle ont participé de nombreuses personnalités venues de divers horizons. «Dans ce monde où la question de l’eau est devenue un enjeu vital, par endroits source de conflit, il me semble important d’offrir en exemple l’harmonie parfaite qui a existé pendant des millénaires pour la gestion de l’eau autour du fleuve Sénégal. Ce forum, qui a réuni des experts de l’Omvs et de la Saed et des organisations agricoles de la zone, devrait constituer un cadre pour une prise en compte des réalités locales (fleuve, foncier, emploi des jeunes)», a indiqué Baaba Maal.
Selon l’artiste, les conclusions issues des panels seront «versées, en guise de contribution, aux travaux du neuvième Forum mondial de l’eau, prévu à Dakar du 21 au 26 mars». Evoquant les conflits liés à la gestion de l’eau dans certaines parties du monde (le Nil, Israël), Baba Maal a plaidé, au nom de l’Association «Voix du fleuve, voix de la paix», pour une harmonie parfaite entre les différentes communautés de la zone (pêcheurs, éleveurs, agriculteurs).
Coordonnateur des projets industriels du Plan Sénégal Emergent (Pse), Abdoulaye Ly est revenu sur les opportunités d’investissement qu’offre le fleuve Sénégal avant d’inviter les habitants de la zone à plus d’efficacité. Il a aussi préconisé le marketing territorial, l’intercommunalité et la mobilisation des ressources et l’utilisation des compétences de la diaspora, avant de souligner la nécessité de définir des «réserves foncières pour abriter des activités industrielles».
Malgré son importance, cette rencontre, tenue dans le domicile du maire Sadel Ndiaye et non sur le site habituel, a été boycottée par les jeunes. Ces derniers estiment que les retombées économiques de ce festival ne sont pas ressenties par les populations de la commune. «Depuis 12 ans, le seul acte constaté dans la commune est la pose de la première pierre d’un centre de formation culturel dont les travaux n’ont toujours pas démarré», s’offusquent-ils avant de dénoncer leur «non-implication» dans l’évènement.
A noter qu’en dehors de Baaba Maal, Samba Peuzzi, le groupe Daara J (Sénégal), Noura Mint Seymali (Mauritanie), Sékou Kouyaté (Guinée), Sona Jobarteh (Gambie), Daby Touré (Mauritanie) ont pris part au Faso.
DEVOIR DE MÉMOIRE ET TOURNANT D’UNE VIE
Intellectuels, universitaires, hommes de lettres et de culture ont échangé sur l’œuvre du journaliste écrivain Boubacar Boris Diop, notamment « Murambi, le livre des ossements » (Ed. Flore Zoa 2022), lauréat du prix de littérature Neustadt International
L’œuvre «Murambi, le livre des ossements» (Ed. Flore Zoa 2022) de Boubacar Boris Diop a fait l’objet d’une table ronde à laquelle ont participé des intellectuels, universitaires et hommes de lettres et de culture. Ces derniers ont discuté de la question du devoir de mémoire du génocide rwandais et du déclic que ces événements ont suscité dans l’œuvre du journaliste écrivain, lauréat du Neustadt International.
Intellectuels, universitaires, hommes de lettres et de culture ont échangé sur l’œuvre du journaliste écrivain Boubacar Boris Diop, notamment « Murambi, le livre des ossements » (Ed. Flore Zoa 2022), lauréat du prix de littérature Neustadt International. Cet ouvrage, issu du projet ‘’devoir de mémoire du génocide rwandais’’, a été revisité de fond en comble lors de la célébration de son auteur. Cérémonie à laquelle ont pris part des personnalités comme le Pr Penda Mbow, Dr Abdoulaye Diallo de la maison d’édition «L’Harmattan Sénégal» et l’ancien ministre de la Culture, Makhali Gassama. Faisant une étude comparative des livres publiés par journaliste écrivain Boubacar Boris Diop, Dr Serigne Sèye (professeur de littérature africaine) déclare : «L’auteur a essentiellement adopté deux principes : la simplicité et la précision… dans « le Cavalier et son ombre » et « Murambi, le vivre des Ossements » qui sont deux romans traitant la question du génocide. La quête du juste récit dans ces deux œuvres est faite avec le terme «Eux». Il a fait un récit épuré et une narration de la réalité la plus dépouillée » possible du génocide de 1994. Entre ces deux œuvres, l’auteur a changé son approche, pour dire de façon juste l’horreur dans ses ouvrages-mémoires. La construction d’un récit dans l’œuvre de Boubacar Boris Diop est l’aspect le plus marquant dans les écrits du penseur».
MURAMBI, UN DECLIC DANS L’ŒUVRE DE BOUBACAR BORIS DIOP L’AUTEUR
Professeur de lettres Classiques, Fatimata Diallo Bâ a relevé le changement de paradigme dans la construction du récit chez l’auteur de «Murambi». «Les canaux habituels de la narration furent insuffisants pour traduire cette acre réalité. L’histoire et la mémoire font partie du monde. Ce, même si le romancier n’est pas un historien. Il le fait à travers un récit où l’imaginaire fait vibrer la vérité. La littérature contribue ainsi à l’avancement et/ou à la marche du monde», explique Pr Diallo Ba.
D’ailleurs, depuis son sacre de 2001, le livre des ossements continue toujours d’être célébré. Aux yeux de Fatimata Diallo Ba, cet ouvrage a constitué une nette rupture avec les écrits antérieurs de l’auteur. Pour sa part, Ibrahima Wane, qui enseigne la littérature Africaine à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), décèle deux niveaux de recherche du langage, notamment «l’annonciation et la dénonciation» dans Murambi qui constitue, selon lui, le tournant dans l’écriture de l’auteur. «Il a impulsé une quête du langage qui a permis à l’écrivain de faire la redécouverte d’une langue qui n’est ni de ses personnages, ni du public. Mais un écrit qui se détache des pâles copies, des ouvrages des auteurs africains. Mais c’est plutôt une réflexion sur : comment dire ? A qui ? Le cadre romanesque est un stade qui permet de prendre de la distance par rapport aux faits et au récit», souligne Monsieur Wane qui ajoute que les niches de résistance sont dans les œuvres artistiques et culturelles qui coupent le pont avec la colonisation. «L’auteur s’est rendu compte qu’on ne peut pas s’exprimer mieux que dans son propre langage ; c’est ce qui l’a amené à écrire par la suite trois livres en wolof. Effectivement, on ne peut pas raconter son peuple dans une autre langue. Et une langue est un choix pour sortir de la parenthèse coloniale.»
Dans son intervention, Boubacar Boris Diop a d’emblée souligné l’émotion que ces moments d’échanges lui ont procurée. «Cela ouvre les possibilités de se pencher sur la source du génocide rwandais. Nous avons écrit 09 romans-mémoires du génocide, une histoire singulière dans l’histoire du continent qui, 30 ans après les faits, ne livrent pas ses causes profondes. Depuis cette phase obscure, une fracture historique s’est dès lors déclinée suite à ces horreurs. C’est la première fois que les faits préexistent par rapport au récit ; tout ce qui est raconté sur le prêtre dans le récit est vrai, même s’il est un peu romancé. Le grand exécutant a été arrêté à Thiès. Les auteurs s’étaient réfugiés dans des pays francophones dont le Tchad. Murambi, c’est plus un compte-rendu journalistique qu’un roman. Le Rwanda a changé ma façon de penser. Il a accéléré le pas sur mon écriture en langue maternelle. La haine de l’autre est en réalité la haine de soi», raconte l’auteur qui n’a pas manqué de signaler que le prix Neustadt International lui était inconnu avant son sacre.
CARACTÉRISTIQUES DE L’ŒUVRE
La simplicité du style et l’esthétique caractérisent «Murambi». L’auteur, tout en restant le plus fidèle possible, tel un miroir, relate le génocide et frappe les consciences avec un langage et un style percutants. «C’est ce qui marque le renouvellement de l’écriture du «livre des ossements » avec la sobriété et la concision. A côté de cela, il y a un engagement politique dans la dénonciation de «la responsabilité de la France dans ce carnage». Professeur de littérature à l’Ucad, Mamadou Bâ relève que l’hypotypose qui est un excès du réel devient le style dans l’ouvrage (…). « Le récit nous amène de manière intime dans les engrenages des faits. Il est une arme d’extermination des faux arguments et démontre la puissance de résistance dans le récit. Ecrire, c’est tenir mémoire. Murambi nous apprend à comprendre et endurer notre histoire contemporaine. Le récit repart, reconstruit, recoud une cicatrice et est antidote du génocide…», explique l’enseignant Mamadou Ba.
LE COLLECTIF POUR LE RENOUVEAU AFRICAIN CÉLÈBRE BOUBACAR BORIS DIOP
Le Collectif pour le renouveau africain (CORA) a rendu un hommage à l’écrivain, journaliste et penseur Boubacar Boris Diop, à la suite de l’obtention de son lauréat du prix international Neustadt 2022
Le Collectif pour le renouveau africain a rendu un hommage à l’écrivain et journaliste, penseur panafricain Boubacar Boris Diop, à l’occasion de l’obtention de son prestigieux prix International de Littérature Neustadt 2022. A cet effet, une journée de réflexion autour de son roman intitulé Murambi, le livre des ossements a été organisé le samedi 26 février, à la place du Souvenir africain. Ainsi, étaient proposées lors des discussions des thématiques et esthétiques littéraires liées au génocide contre les Tutsi du Rwanda, les écritures de la résilience, le dire de l’innombrable, la violence et genre, les écritures mémorielles.
Le Collectif pour le renouveau africain (CORA) a rendu un hommage à l’écrivain, journaliste et penseur Boubacar Boris Diop, à la suite de l’obtention de son lauréat du prix international Neustadt 2022. Un prix qui récompense l’auteur pour son roman intitulé Murambi, le Livre des ossements (Edition Flore Zoa 2022). C’est ainsi que pour lui témoigner le sens profond de son engagement d’inlassable bâtisseur de vie, que le CORA a jugé opportun de l’honorer.
Selon le Collectif pour le renouveau africain, Murambi, ce n’est pas l’histoire d’un triomphe, mais celle d’une lutte politique, philosophique, quotidienne, réelle. Ainsi, pour rendre encore plus riche cet hommage dédié à ce monument de la littérature contemporaine, le CORA a organisé une journée de réflexion autour de son œuvre Murambi ou le Livre des ossements, et aussi saisir l’occasion de sa parution dans l’édition africaine (Flore Zoa, 2022).
En effet, Murambi, le Livre des ossements, est un roman qui a été écrit dans le cadre d’un voyage d’écrivains africains, quelques années après le génocide pour raconter autrement ladite catastrophe. Ce roman retrace selon l’auteur, « les faits préexistants du génocide ». Il s’agit selon Dr Mamadou Ba, enseignant chercheur à l’Ucad, au département de Lettres Modernes, d’ « un récit singulier qui est né après un génocide. Un génocide, qui est un événement sans réponses. Quelque chose qui défi l’imagination, qui défi la raison. Un meurtre en masse et dont on ne peut trouver aucune justification normale ».
Pour l’écrivain Boubacar Boris Diop, le génocide des Tutsi au Rwanda s’est inscrit comme un événement singulier dans l’histoire du continent africain. C’est pourquoi, d’après l’enseignant chercheur au département de Lettres, M. Ba, « Après un tel traumatisme, il y a besoin de faire un récit pour trouver du sens, organiser une valeur thérapeutique bien sûr, soigner l’esprit, retrouver ses marques et aussi empêcher que cela ne se reproduise ». Mais seulement là, il fallait trouver le langage qui permettrait véritablement de frapper les consciences.
Et l’auteur a su trouver les moyens de le faire. Parce que selon Dr Ibrahima Wane, également enseignant chercheur en littérature orale au département de Lettres Modernes, c’est ça le sens même du projet de l’auteur. « Le roman de Boris Diop, justement appartient à cette mention-là. Il a été peut être l’un des plus lus, un des plus appréciés par le langage que le romancier a utilisé. Ce langage dépouillé, ce langage simple, ce langage dont la seule ambition est de nommer les choses à leur nom», a-t-il expliqué. « Mais cette recherche du langage, de comment dire, à qui parle-t-on, l’a amené également à se rendre compte qu’on ne peut pas s’exprimer mieux dans sa langue. Il y a des choses qu’on arrive difficilement à traduire, parce qu’on les sent dans une langue. Parce que les personnages qu’on décrit parlent une langue qui est le bambara, le wolof, swahili etc. Est-ce qu’il est facile de rendre cette vie de ce langage dans une autre langue. Et, c’est ça qui la amené progressivement à aller vers le wolof, puisque après Murambi, il s’est mis immédiatement à publier des romans en wolof dont Domme Golo ensuite Bameel Kocc barma. Murambi est un tournant qui annonçait ce revirement au plan du support linguistique », a-t-il précisé.
LES PRINCES DE LA MUSIQUE EN LIGNE AU SÉNÉGAL
La plateforme streaming audio la plus connue au monde, Spotify, qui s’est installée depuis un an au Sénégal, a fait un classement des artistes les plus écoutés sur internet et des chansons qui y cartonnent
La technologie avance à grand pas et affecte tous les secteurs de notre vie. Un des secteurs d’activité dans lequel elle a posé beaucoup de torts (piratage, facilité d’échange des sons, etc.) est l’industrie musicale. Mais, de plus en plus, les acteurs apprennent à saisir les opportunités qu’offrent les innovations technologiques. Une entreprise qui en offre est la plateforme d'abonnement de streaming audio, Spotify. Présent au Sénégal depuis un an (février 2021), le site d’accès à la musique et aux podcasts le plus connu au monde a fait une échographie du paysage musical sénégalais sur sa plateforme. Occasion de révéler les artistes en vogue, les sons les plus écoutés et les villes les plus branchées côté musique.
Vivant avec son temps, Dip Doundou Guiss est l’artiste le plus écouté sur Spotify au Sénégal. Une belle prouesse pour le rappeur de 29 ans qui, peu à peu, impose son style face à dictature du Mbalakh dans l’horizon musical sénégalais. Atout numéro un du Hip Hop sénégalais, celui qui est assimilé au ‘’Messi’’ du rap a su réconcilier l’ancien et la nouvelle génération dans son univers musical. Doué d’un flow hors pair, auteur de textes puissants, divers, choquants, emballants, ingénieux, Dominique Preira à l’état civil est ce qui se rapproche le plus d’un artiste complet.
Loin de se suffire d’un talent naturel indéniable, l’artiste soigne son image à travers des clips provocants. Il utilise les réseaux sociaux à son avantage et s’est créée une communauté acquise à sa cause. Être originaire du populeux quartier de Grand-Yoff a certainement aidé. Mais Dip est surtout un artiste auquel s’identifie la jeunesse sénégalaise et de grandes marques internationales l'ont bien compris en faisant de lui leur égérie.
Dip, l’artiste le plus écouté au Sénégal
Il faut dire que les Sénégalais sont en train de s’approprier la plateforme et les artistes y lancent leurs activités. En un an, 3 156 chansons y ont été ajoutés par les créateurs sénégalais. Les internautes sénégalais ont créé 110 600 playlists générées par les utilisateurs.
Si l’auteur de ‘’Lou Bandit di nirol’’ règne sur le mouvement Hip Hop, Wally Ballago Seck est bien l’artiste en vogue dans le genre musical le plus prisé au Sénégal. Le famararen est le chanteur Mbalakh le plus écouté et le deuxième artiste sur Spotify. Ses jeunes rivaux sur la bande passante le regardent de loin dans le streaming.
Adepte des lives et des soirées chaudes de la capitale sénégalaise, le fils de Thione Seck a subi, comme de nombreux artistes, les conséquences de la pandémie de coronavirus sur le monde du spectacle. Le numérique a été une solution, même s’il ne remplace pas les échanges réels avec le public. Mais son succès sur la plateforme de musique en ligne s’explique aussi par la diversification de son offre musicale. L’artiste s’essaie dans l’afrobeat, la pop, la techno également. Des genres qui touchent une plus grande communauté d'adeptes de technologies nouvelles.
Le roi du Mbalax vient en troisième position des artistes les plus écoutés sur Spotify. Malgré le poids de l’âge, Youssou Ndour reste la valeur sûre de la musique sénégalaise. Transcendant les époques, son public reste diversifié, fidèle et intergénérationnel. Peu importe les audiences et les supports, l’artiste multi récompensé est tout le temps parmi les mieux placés. Ce partage entre la jeunesse et l’expérience se poursuit avec les deux autres places. En effet, le rappeur Samba Peuzzi et l’artiste de Mbalax Omar Pene complètent le top 5 des musiciens les plus en vue sur la plateforme en ligne.
Akon, premier sur la scène internationale
Avec 406 millions d'utilisateurs actifs par mois et 180 millions d'abonnés Premium, Spotify détient une présence dans 184 marchés dans le monde entier, 3,6 millions de titres de podcasts et plus de 72 millions de pistes. Ce qui donne une capacité d’écoute et d’expansion dans le monde extraordinaire. Et sur le plan international, Akon reste l’artiste sénégalais le plus écouté. La culture américaine y est pour beaucoup pour ce chanteur, producteur, homme d'affaires.
La scène internationale est également dominée par la vielle garde, car le rappeur est suivi dans ce classement par Youssou N'Dour et Baaba Maal. Le mythique groupe Orchestra Baobab vient en quatrième place, et Osirus Jack est le cinquième. Lui, par contre, est né en 1995, à Dakar, et est un rappeur sénégalais d’origine camerounaise. Membre du collectif 667, son dernier album "Nouvel Ère" est sorti ce 22 février 2022.
D’ailleurs, le Mbalax, style musical le plus populaire au Sénégal, est en train de gagner du terrain sur la scène internationale. Sur Spotify, il est suivi par le Hip Hop Galsen, le Mande Pop, le Guinean Pop, et le Griot sur le classement des genres les plus appréciés. Et leur popularité est en hausse en France, avec aussi le Mbalax qui gagne du terrain en Italie où le meilleur artiste local, Dip Doundou Guiss, est le plus populaire.
‘’Xool Ma Ci Bët’’ et Jeeba cartonnent sur internet
Au niveau des tubes, les productions de Jeeba cartonnent. Son featuring avec Iss 814, ‘’Xool Ma Ci Bët’’ caracole en tête des chansons les écoutés sur la plateforme de musique en ligne. En 8 mois, le son a déjà atteint 10,2 millions de vues sur Youtube. Et les internautes Sénégalais ne se lassent pas de la voix suave du jeune Thiéssois. Car, son autre tube, ‘’Guuy’’, sorti il y a un an, occupe encore la deuxième place. Sur Youtube, cette chanson cumule plus de 17,3 millions de vues.
Les autres places sont trustées par les chansons des artistes les plus écoutés. ‘’Natural Love’’ de Wally B. Seck se place en troisième position, ‘’Oulalalah’’ de Samba Peuzzi est à la quatrième, alors que ‘’Musiba’’ de Dip Doundou Guiss complète le Top 5.
A côté de ces valeurs sûres, Spotify révèle que son lancement au Sénégal a permis à d'autres artistes moins connus de se frayer un chemin sur le streaming.Taal Bi est un exemple d’un artiste émergent, de même que Rijade et Zaga.
Un fait intéressant reste que Touba, ville où les prestations musicales sont proscrites, est la quatrième ville d’où les sénégalais écoutent de la musique sur Spotify. Elle est devancée par Dakar, Thiès, et Guédiawaye. Suit enfin Saint-Louis.
KEN BUGUL OU LA PAROLE LIBÉRÉE
L’autrice sénégalaise revient avec un nouveau roman, « Le Trio bleu ». Son thème central : les tourments engendrés par la migration
Le Point Afrique |
Carine Saint-Médar |
Publication 26/02/2022
Sept ans après Cacophonie, Ken Bugul, de son vrai nom Mariètou Mbaye Bileoma, signe en ce début d'année un nouveau roman, Le Trio bleu, paru aux éditions Présence africaine. Sous une plume plus que jamais aiguisée qui mêle réalité poignante, lyrisme poétique et univers fantasmagorique, la célèbre écrivaine sénégalaise s'attaque au sujet brûlant de la migration et « des systèmes pervers ».
L'exil et le rêve du retour
Dans chacun de ses romans, il existe toujours une partie d'elle. Et ce questionnement permanent qui la hante : rester, partir, pourquoi et pour où ? Dans ce nouveau roman, la quête incessante du lieu surgit de nouveau. Cette fois-ci, c'est sous l'angle de la migration forcée que l'écrivaine choisit de l'aborder. Ken Bugul mêle ici sa voix à celle de Goora, un jeune trentenaire, un « jolof-jolof » qui a quitté sous la contrainte sa province sénégalaise natale, le « Jolof », pour la France, « Réewma » (« le pays », en wolof). Une migration imposée et un déracinement douloureux qu'il a malheureusement du mal à supporter. Ainsi, durant toute la durée de son exil à Réewma, il place toutes ses espérances dans un seul et même objectif, celui de rentrer chez lui au Jolof et d'épouser Jojoo, « la plus jolie fille du monde ».
Un rêve qu'il aime à partager avec ses deux amis : François l'Auvergnat et Suleiman, un jeune réfugié politique syrien. Mais à son retour, rien ne se passe comme prévu. Des trahisons familiales et des déceptions l'attendent. Après un périple douloureux et des années d'inadéquation et de déracinement en Occident, Goora se trouve de nouveau confronté aux « langues déliées » et au « système pervers » qu'il avait préalablement fui. Sous ses yeux se déroule, en effet, le spectacle d'un pays qu'il ne reconnaît plus, en perte de valeurs, abruti par le capitalisme et l'argent. Une fois encore déraciné, Goora, l'immigré, est aussi un étranger chez lui.
LES AFRICAINS FURENT AU COEUR DE LA CONSTRUCTION DE NOTRE MONDE MODERNE
Howard W. French, journaliste américain devenu universitaire, prend à contre-pied l’orthodoxie historique dominante sur le rôle de l’Afrique et des Africains dans la construction de ce que l’on a appelé la « modernité » de l'Occident
Entretien. Dans un essai passionnant écrit en anglais, Born in Blackness, Howard W. French, un journaliste américain devenu universitaire, prend à contre-pied l’orthodoxie historique dominante. Grâce à une documentation riche, il démontre que l’Afrique et les Africains réduits en esclavage ont joué un rôle majeur dans la construction de ce que l’on a appelé la « modernité » de l’Occident.
Born in Blackness est un livre sensationnel qui n’a pour l’heure pas été traduit en langue française. Son auteur, Howard W. French, un journaliste américain devenu universitaire, prend à contre-pied l’orthodoxie historique dominante depuis plusieurs siècles en démontrant, de manière convaincante et à l’aide d’une documentation riche, que l’Afrique et les Africains réduits en esclavage furent au cœur de la « modernité » de l’Occident.
Les récits détaillés du processus qui a ruiné les sociétés complexes du continent africain et déshumanisé des millions d’hommes, de femmes et d’enfants noirs, mais aussi de l’avidité insatiable des marchands d’esclaves, des négociants et des chasseurs de fortune portugais, anglais, français, hollandais et espagnols, ou encore de la condition des « prisonniers » du sucre, du coton et du tabac, rendent la lecture tout à la fois douloureuse et compulsive.
L’Europe a effacé tout cela depuis longtemps – mais elle ne le peut plus aujourd’hui.
Ce livre est le fruit de dix années de travail, mais – c’est une coïncidence - il est publié à un moment où l’esprit du temps s’y prête. Dans le monde anglophone, il a été accueilli avec un profond respect et un enthousiasme rare. Aux États-Unis, une invitation à s’adresser à une seule classe dans le cadre d’un cours d’histoire à la fac s’est transformée du jour au lendemain, pour French, en un discours lu devant l’ensemble de l’université. Et au Nigeria, un homme a tout simplement commandé... 1 200 exemplaires de l’ouvrage.
Victoria Brittain : Le thème central et audacieux de votre livre consiste à réécrire l’histoire du monde, du XVe siècle à la Seconde Guerre mondiale, en plaçant l’Afrique et les Africains au cœur de la construction de l’économie capitaliste mondiale. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez entrepris un projet aussi vaste et ambitieux, et comment vous vous êtes plongé dans des archives rares à travers les continents pour faire de l’esclavage africain le pivot de la modernité ?
Howard W. French : Un certain nombre de facteurs se sont conjugués pour me pousser à effectuer cette recherche et m’amener à écrire ce livre. Le premier d’entre eux concerne mon histoire familiale. Je suis un Afro-Américain, dont les ancêtres ont été réduits en esclavage des deux côtés de ma famille. Le volet de cette histoire que je connais et qui est le plus significatif et le plus directement lié à ce livre remonte aux débuts de l’histoire des États-Unis et concerne un ami et un allié politique de Thomas Jefferson, le troisième président états-unien. Jefferson a eu des enfants d’une femme esclave qui lui appartenait, et il y a une histoire étonnamment similaire dans ma propre lignée, du côté de ma mère. L’ancêtre en question, une femme nommée Priscilla, a eu un enfant de son propriétaire, le gouverneur de l’État de Virginie, James Barbour [1775-1842]. Ses enfants métis ont mené une lutte acharnée pour se préserver de l’esclavage et obtenir finalement des terres en Virginie, et leur combat a été au cœur des discussions dans ma famille tout au long de ma vie. J’ai toujours essayé de comprendre l’esclavage et la résistance à la fois comme un travail intellectuel et comme une expérience humaine vécue.
Le deuxième grand fil directeur est lié à mon expérience de journaliste. Au cours de ma carrière de correspondant à l’étranger pour le New York Times, j’ai travaillé très fréquemment dans le monde atlantique, qui est le théâtre de mon livre. J’ai notamment travaillé en Afrique occidentale et centrale, durant deux longs séjours, mais aussi aux Caraïbes et en Amérique latine. J’ai en outre mené des missions dans le sud des États-Unis et en Europe. Je parle plusieurs des langues qui sont au centre de cette histoire globale, notamment l’anglais, le français et l’espagnol, ainsi que le portugais, langue dans laquelle je me débrouille.
Le dernier aspect qui mérite d’être mentionné est que, pendant les onze dernières années de mon travail à l’étranger pour le Times, j’étais basé en Asie, d’abord au Japon, puis en Chine. Cette expérience m’a ouvert les yeux à bien des égards, mais le plus frappant fut que le thème de l’ascension de l’Occident, qui a réussi à éclipser temporairement l’Asie en termes de richesse et de pouvoir, demeure un sujet très sensible en Asie de l’Est, et même en Inde. Mon précédent livre, Everything Under the Heavens : How the Past Helps Shape China’s Push for Global Power [Knopf, 2017], était en majeure partie un ouvrage d’histoire et, en même temps, une exploration de cette question. Au cours de mes recherches pour ce livre, j’ai approfondi l’histoire de la navigation portugaise aux XVe et XVIe siècles, et j’ai été stupéfait de découvrir, à partir de récits contemporains, que les Portugais avaient passé des décennies à privilégier l’exploration maritime de l’Afrique avant de se lancer en Asie.
Pourquoi, me suis-je demandé, moi qui suis une personne cultivée et raisonnablement instruite, n’avais-je jamais appris cela ? En fait, ces récits sapent et contredisent fondamentalement le récit conventionnel et omniprésent que nous avons tous appris, selon lequel la modernité est née de l’obsession européenne d’atteindre l’Asie par la mer. L’Afrique, selon ce récit classique de l’histoire, était sans intérêt intrinsèque et ne représentait guère plus qu’un obstacle. La construction d’un tel scénario a été le premier acte d’un projet séculaire d’effacement de l’Afrique et des Africains dans notre histoire commune de la modernité.
Victoria Brittain : L’or a amené le Portugal en Afrique de l’Ouest à la fin du XVe siècle. Pourriez-vous nous parler d’Elmina, le fort situé dans l’actuel Ghana que les Portugais ont construit en 1482, et de la nature des relations de négoce de l’or avec les dirigeants africains locaux au cours du siècle qui a précédé le remplacement du commerce de l’or par celui des Noirs ?
Howard W. French : Le Portugal a été poussé à explorer la côte ouest-africaine dans les premières décennies du XVe siècle à la suite de la révélation, en Europe, d’une formidable manœuvre géopolitique menée par le dirigeant de l’empire du Mali au début du siècle précédent, dans le but de renforcer les liens de l’Afrique de l’Ouest avec le monde arabe musulman, et en particulier avec le sultanat mamelouk en Égypte. Ce dirigeant malien, Mansa Musa [dixième mansa de l’empire dans la première moitié du XIVe siècle], a parcouru 5 600 kilomètres jusqu’au Caire avec un énorme cortège transportant 18 tonnes d’or, qu’il a distribué dans des gestes de patronage et générosité extraordinaires.
Cela a fait baisser le prix de l’or sur les marchés méditerranéens pendant de nombreuses années, et les récits de la richesse du Mali se sont rapidement répandus en Europe, où les cartographes se sont affairés à essayer de localiser le royaume de Musa. Au début du XVe siècle, la jeune et pauvre dynastie portugaise des Aviz était obsédée par la recherche de cette source d’or et par la création d’un commerce avec l’Afrique de l’Ouest, dans le but de prospérer et d’assurer sa domination sur les autres couronnes ibériques qui convoitaient son territoire.