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2 décembre 2024
Culture
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LES FONDAMENTAUX D'UNE LITTÉRATURE DANS LES LANGUES NATIONALES
EXCLUSIF SENEPLUS - Des travaux de Senghor à ceux de Boubacar Boris Diop sans oublier l'échec de l'école sénégalaise dans le processus d'alphabétisation, Elgas égrène les variables nécessaires à l'implémentation des langues nationales
Écrire en Wolof ou en Soninké est un objectif noble mais pas une finalité dans le processus de promotion des langues nationales, selon El Hadj Souleymane Gassama alias Elgas. L'auteur de "Un Dieu et des moeurs" estime en effet que la mise en place d'une architecture littéraire en langue nationale obéit à plusieurs variables dont l'une d'elles concerne la production des oeuvres. Mais ce n'est pas tout. L'école, les pouvoirs publics, de même que les autres acteurs doivent pouvoir y mettre des leurs au même titre que les écrivains. Elgas salue à cet effet le travail réalisé depuis plusieurs années par Boubabaar Boris Diop pour lequel il voue une réelle une admiration.
Son plaidoyer dans lequel il appelle à ne pas opposer les écrivains dans leur démarche de promotion de la langue nationale a été fait le 23 juin dernier lors de la séance de dédicace de son roman "Mâle Noir" publié aux Éditions Ovadia.
par Ousseynou Nar Guèye
APRÈS LA FÊTE DE LA MUSIQUE, QUID DES DROITS D'AUTEUR ?
Difficile de comprendre que la Sodav, pourtant dirigée par la productrice musicale Ngoné Ndour Kouyaté, ne soit pas encore parvenue à faire triompher les droits des artistes. L’organisme s’illustre par son immobilisme et dans de stériles querelles
À l’instar de nombreux pays à travers le monde, le Sénégal a célébré ce 21 juin la fête de la musique, une manifestation imaginée par l’emblématique ministre de la Culture de François Mitterrand, Jack Lang. Plus que le cinéma, la littérature, le tieboudiène ou encore le foot, c’est la musique qui fait le plus rayonner le pays la Téranga. De Baaba Maal – auteur de l’hymne tambouriné du blockbuster hollywoodien « Black Panther » – à Doudou Ndiaye Rose en passant par Akon, Wasis Diop, Youssou Ndour, Ismaël Lô, Omar Pène ou encore Thione Seck, Coumba Gawlo et Daara J Family…, elles sont nombreuses les voix célèbres qui ont permis au reste du monde de situer le Sénégal sur une carte.
Garantir des revenus aux créateurs
Et qui dit création artistique dit aussi droit d’auteur. En principe. Jusqu’en 2013, les droits d’auteurs étaient gérés par une entité publique, le Bureau sénégalais du droit d’auteur (BSDA). Il avait tutelle sur les œuvres, lesquelles « appartenaient » alors à l’État. C’est l’État qui décidait quel pourcentage des redevances perçues il reversait aux auteurs. De même, il déterminait, unilatéralement, quelles sommes l’audiovisuel public devait attribuer à ces auteurs. Rien de bien réjouissant donc pour ces derniers.
Le remplacement du BSDA par la Sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav), en 2013 donc, leur promettait de nouvelles et belles perspectives, la loi reconnaissant non seulement la propriété des auteurs et leur tutelle sur leurs propres œuvres, mais aussi une nouvelle catégorie de bénéficiaires de droits d’auteur, les interprètes et les producteurs. Les droits d’auteur devaient d’une part garantir des revenus aux créateurs d’œuvres de leur vivant ainsi qu’à leurs ayant-droits après leur disparition – ce qui permettait de préserver leur dignité -, de l’autre, les redevances qui en découleraient devaient financer et consolider l’industrie culturelle, dans ce pays où les musiciens représentent 80 % des membres de la Sodav, et la musique, 90 % des redevances.
Immobilisme et querelles stériles
Sauf que, plus de treize années après, les décrets d’application de la dite loi ne sont toujours pas pris. Résultat, la redevance pour copie privée, qui est aussi la mesure la plus significative – et potentiellement la plus profitable aux auteurs -, n’est toujours pas instaurée. Issue de taxes appliquées à l’entrée du territoire sur tous les appareils permettant la copie d’une œuvre, tels les smartphones, les clés USB, les disques durs externes, les laptops et autres ordinateurs, ladite redevance était supposée rapporter au Sénégal des milliards de francs CFA, répartis entre auteurs/éditeurs, interprètes et producteurs.
EXCLUSIF SENEPLUS - El Hadj Souleymane Gassama alias Elgas invite les lecteurs à découvrir son deuxième ouvrage, Mâle Noir, roman paru aux Éditions Ovadia dans lequel il navigue dans les eaux incertaines de l'amour
Le roman Mâle Noir est le premier guest-star de cette rubrique Les Notes des écrits. L'auteur Elgas, éditorialiste à SenePlus vient de publier ce roman aux Éditions Ovadia, son deuxième ouvrage après Un Dieu et des moeurs. Le livre évoque la problématique de l'Homme noir à travers l'amour.
Elgas était à Dakar le 23 juin pour la séance de dédicace de cette oeuvre, témoignage d'un auteur qui entend explorer tous les genres littéraires.
KARINE SILLA RESSUSCITE L’HEROÏNE DE CABROUSSE A ZIGUINCHOR
L’Alliance française de Ziguinchor a refusé du monde à l’occasion de la cérémonie de dédicace du livre que l’écrivaine Karine Silla a consacré à Aline Sitoé Diatta, figure emblématique de la résistance pacifique en Casamance, pendant la colonisation.
Paru en août 2020, l'ouvrage «Aline et les hommes de guerre» a été présenté à Ziguinchor par l’auteure Karine Silla. La cinéaste, qui retrace dans son livre le parcours d’Aline Sitoé Diatta, a mis en exergue la bravoure de la prêtresse de Cabrousse et a invité la jeune génération à s’inspirer du combat qu’elle a mené pour l’émancipation de son peuple pendant la colonisation
L’Alliance française de Ziguinchor a refusé du monde à l’occasion de la cérémonie de dédicace du livre que l’écrivaine Karine Silla a consacré à Aline Sitoé Diatta, figure emblématique de la résistance pacifique en Casamance, pendant la colonisation. Historiens, hommes de culture, personnalités politiques, élèves et étudiants ont attentivement suivi l’auteure franco-sénégalaise exposer les grandes lignes du livre intitulé «Aline et les hommes de guerre ».
Dans l’ouvrage, la scénariste met en exergue le parcours remarquable de la prêtresse qui s’est érigée en bouclier contre l’oppression coloniale. « Les paroles de mon père, qui était socio-anthropologue et enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop, sur cette dame de valeur m’ont poussée à faire des recherches sur elle », explique Karine Silla.Née vers 1920 àNialou, dans le village de Cabrousse, Aline Sitoé Diatta s’est opposée à l’expansion de la colonisation en Casamance. La prêtresse, capable de faire tomber la pluie, avait appelé au boycott des produits français. La fille de Solossia et d’Assoléno Diatta s’est aussi opposée à la culture de certaines variétés et à l'effort de guerre que les colons exigeaient des populations durant la deuxième guerre mondiale. Ses idées réfractaires à toute forme de domination furent considérées comme dangereuses par l’administration coloniale qui ordonna son arrestation en 1943 pour rébellion et insoumission. Elle fut déportée à Tombouctou au Mali, où elle fut déclarée morte un an plus tard.
Selon l'écrivaine, le combat de l’héroïne est toujours d’actualité. « La jeune génération doit connaître davantage Aline Sitoé Diatta et les valeurs qu’elle avait incarnées. Les jeunes doivent avoir, en bandoulière, la résistance et le culte du travail. Mais surtout croire en eux. S'ils écoutent Aline Sitoé Diatta, ils abandonneront leur rêve d'aller mourir en mer en tentant de gagner un eldorado qui n’existe que de nom », renchérit la scénariste franco-sénégalaise. Karine Silla estime que la colonisation est une des pages les plus sombres de l’histoire. Pour elle, l'Afrique a été blessée et il faut que la jeune génération apprenne ce qui s’est réellement passé.
RAPATRIEMENT DES RESTES D’ALINE SITOE ET DE SIHALEBE
Présent à la cérémonie de dédicace du livre «Aline et les Hommes de guerre», le député maire de Ziguinchor a exprimé toute sa fierté. « C'est un honneur d’avoir assisté à cette cérémonie. Ce livre est une sorte de résurrection pour notre chère grand-mère qui n’a pas eu la reconnaissance qu'elle mérite», s’est réjoui Abdoulaye Baldé qui plaide pour la vulgarisation de l'ouvrage qui, selon lui, pourrait servir de repère à la jeune génération. L’édile de Ziguinchor a exprimé sa volonté de voir les restes de la prêtresse de Cabrousse rapatriés dans son village natal. «J’ai mené ce combat aussi bien à l’hémicycle qu’aux côtés du Président Wade. Nous sommes en train de nous constituer en comité pour réclamer le rapatriement des restes d’Aline, afin qu’elle puisse bénéficier de sépultures dignes de son rang. De même que le roi Sihalébé Diatta d’Oussouye dont les restes se trouvent au musée Grévin à Paris. C’est un combat que toutes les générations du Sénégal doivent mener », dixit le Maire de Ziguinchor.
SOULEYMANE BACHIR DIAGNE, LAURÉAT 2021 DU PRIX SAINT-SIMON
Le philosophe sénégalais, Souleymane Bachir Diagne, s’est vu décerner le Prix Saint-Simon 2021 pour son livre ‘’Le fagot de ma mémoire’’ paru aux Éditions Philippe Rey
Dakar, 23 juin (APS) – Le philosophe sénégalais, Souleymane Bachir Diagne, s’est vu décerner le Prix Saint-Simon 2021 pour son livre ‘’Le fagot de ma mémoire’’ paru aux Éditions Philippe Rey.
’’Le Jury du Prix Saint-Simon, sous la présidence de Marc Lambron, de l’Académie française, a décerné le 18 juin 2021, le 45ème Prix Saint-Simon, à Souleymane Bachir Diagne pour son livre, +Le fagot de ma mémoire+, aux Éditions Philippe Rey’’, indique un communiqué dont l’APS a eu connaissance, mercredi.
Le Professeur Diagne qui a enseigné à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) devient le 45ème lauréat de ce prix, doté d’un montant de 5 000 Euros (3 282 767 francs CFA), souligne la source.
Le prix sera remis à Souleymane Bachir Diagne, enseignant à l’Université de Colombia, aux Etats-Unis le 5 septembre 2021, à 16h30, sur les terres du Duc de Saint-Simon, à la Ferté-Vidame, dans le département de l’Eure-et-Loir, en France.
Le Prix Saint-Simon a été fondé en 1975, à l’occasion du tricentenaire de la naissance du mémorialiste Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, (1675-1755), sous les auspices de la Ville de La Ferté-Vidame, résidence d’élection et “favorite demeure”, où il écrivit une grande partie de son oeuvre.
Le prix est attribué chaque année à ‘’un ouvrage de Mémoires (récit autobiographique, souvenirs, journal ou témoignage), publié au cours des deux dernières années, par un auteur vivant choisi pour l’empreinte de son oeuvre dans l’Histoire, la résonance avec l’oeuvre de Saint-Simon et la qualité de son style.
La distinction sera remise par le président du Jury, Marc Lambron de l’Académie Française, au cours d’une cérémonie dans le parc du Château de La Ferté-Vidame.
Le Rapporteur prononce un discours sur l’ouvrage primé, auquel répond le Lauréat. Un Salon du Livre et des rencontres littéraires accompagnent cette manifestation.
Parmi les récents lauréats figurent Benedetta Craveri ‘’L’âge de la conversation’’ (Gallimard), Philippe Sollers ‘’Un vrai roman’’, Mémoires (Plon), Claude Lanzmann ‘’Le Lièvre de Patagonie’’ (Gallimard), Bernard-Henri Levy ‘’Pièces d’identité’’ (Grasset), Marc Ferro ‘’Mes histoires parallèles’’ (Carnet Nord)
par Philippe N. Ngalla
MÂLE NOIR, LE TRAGIQUE ÉGAREMENT D’UN HOMME SUR LA VOIE DE L’AMOUR
Questionnant par sa radicalité nos conceptions de l’appartenance, de la liberté et de l’amour, Elgas, avec son premier roman, secoue une fois encore le confort de nos consciences pétrifiées
Il n’est pas d’introduction à un auteur qui ne formule d’invitation à découvrir le reste de son œuvre. Qu’elle soit facilitée par la renommée, la publicité ou occasionnée par le hasard, le lecteur n’y donne suite que si la découverte est engageante. Le talent est souvent pour quelque chose, le goût du lecteur toujours décisif. Je me souviens, en refermant Un dieu et des mœurs, avoir d’emblée accepté de cheminer avec la production d’Elgas. Le Zinguinchorois, depuis Parisien, alors écrivain neuf, n’offrait pas grand-chose pour satisfaire mon envie de compagnonnage avec son art. Et, quoique plaisantes par leur pertinence, attrayantes par le sens de la formule et la dextérité de sa plume, ses signatures dans la presse (Elgas est journaliste), fussent-elles portées sur la littérature, n’étanchaient pas la soif que son premier récit avait suscitée. C’est dire avec quelle impatience j’attendais le successeur de son carnet d’un séjour au Sénégal. Nourrir tant d’espérances coûte son prix : le plus accommodant des lecteurs ne demande pas moins qu’un ouvrage à la hauteur du précédent ; l’auteur, qui à son dernier a dévoué talent et énergie, se tourmente de ne pouvoir augurer de l’accueil du public. Elgas peut se rassurer. Mâle noir, sa deuxième publication et premier roman, récemment paru aux Éditions Ovadia, rembourse, avec de substantiels intérêts, l’escompte de ses admirateurs.
Ce premier roman se distingue par l’élégance et les enchantements de sa langue ; j’y ai puisé des bouffées de plaisir esthétique. Outre sa tonalité évocatrice des grands prêtres Italiens de la couleur (Titien et Véronèse) par le jeu de ce mystérieux rapport entre les arts, le mélange des registres y tisse le charme de bout en bout. Lui prêtant un cadre et une atmosphère, des descriptions font respirer la narration et, par leurs grâces, s’érigent en d’inestimables motifs décoratifs. Ménage à trois morganatique, soutenu, familier et vulgaire, imbriqué les uns dans les autres, prêtent à ce roman au style plus discursif que descriptif, un accent contrasté.
Dans un journal qui s’étend sur une année (décembre 2017- décembre 2018), le narrateur, un jeune homme noir, universitaire lettré et à l’armature intellectuelle solide, relate les faits marquants de sa vie dont l’amour occupe une place prépondérante. On ne lui connaît ni nom ni prénom. On sait seulement qu’il est Sénégalais, fraîchement docteur dans une discipline des sciences humaines, passionné de littérature…trentenaire. Tout comme Elgas. Sa trajectoire française épouse celle de l’auteur, ses préoccupations aussi. Élevé dans un milieu où la conception de l’amour diffère de l’occidentale, où précisément on ne montre pas ses émotions, le jeune homme, amateur de fredaines, se sent inapte à la noble émotion. Sa virilité épanouie, non seulement ne le porte pas au-delà de lui-même, mais, inféconde d’épanouissement, teinte son existence de monotonie, de tristesse, de solitude. Fatigué de ses cavalcades, le « mâle noir » (ainsi qu’il se définit lui-même) aspire à l’amour pour lequel il se sent mal équipé. « Aimer une famille, des amis, des proches. Un amour. Le grand. L’élu. Je n’en savais rien, mais j’en manquais fichtrement. Je voulais apprendre à aimer pour trouver cette clé libératrice de mon énergie » (P37). Entre ses réflexions sur son avenir post doctoral et ses enseignements, surgissent des aventures, puis une rencontre. D’abord envisagée comme les autres, sans perspectives, sa relation avec la dévouée Mélodie l’initie à la profondeur et à la mystique de l’amour. L’improbable peu à peu se produit. Il finit par aimer.
Cela ne déborde pas d’originalité, j’en conviens. Le roman n’eut-il navigué qu’autour de cette quête, qu’il serait pâle, malgré les évidentes qualités de l’écriture. Or, un roman, hormis le style, ne se juge pas à sa lisière, encore moins au pas de charge. Au fil des situations et des pérégrinations du narrateur, surgissent des personnages à travers lesquels se discernent, en filigrane ou en clair, des problématiques et des réflexions qui interdisent la réclusion de Mâle noir dans la catégorie bigarrée du roman d’amour pour le classer dans celle, plus appropriée à sa philosophie, du roman sur l’amour. Il ne complétera pas la liste infinie des semblables de Manon Lescaut, de Carmen, de La Dame aux Camélias et j’en passe. Esquissés plus que soulignés, les principaux protagonistes prêtent à l’identification : leurs fêlures, leurs forces, leurs illusions, leurs quêtes existentielles, en les animant, soulèvent, sympathie ou aversion. Subtilement insérés dans la narration, s’égrènent, entre autres, les difficultés de l’insertion des immigrés, leurs humiliations, leurs difficultés administratives, leurs compromis, des considérations sur la race (la noire en particulier) et toute une flopée de thématiques qui font de ce roman un panorama de l’individualisme, de la solitude, des quêtes et conflits identitaires, de l’intégration/assimilation dans un contexte racialisé. On se souviendra du dialogue du jeune homme et de Djitack. De ses échanges avec Désirée aussi.
L’écartèlement du « mâle noir » entre l’Afrique symbolisée par la figure de la mère, entre la culpabilité de la rupture avec les siens et son adhésion à la culture de son pays d’accueil, constitue l’autre axe du roman. Le mâle noir questionne son identité. « Et si j’étais coupable d’avoir quitté les miens ? Djitock en termes éblouissants me l’avait dit. Ma mère avait commencé avec ses accents religieux. Bazile, plus féroce, plus cruel, me voyait sinon comme un traître à tout le moins comme un garçon fragile. Mille pensées se cognaient contre les parois de mon cerveau, et je me dis que j’étais un Noir […] J’avais bien commis des imprudences à croire aux communions humaines, à croire que les hommes étaient les mêmes partout. J’avais appris cela des philosophes grecs, des anthropologues. La langue, la culture, les religions pouvaient différer, colorer les humeurs, tracer les destins, au fond l’essence humaine restait la même. Je pouvais, sûr alors de ma vérité, aimer tous les Hommes, pour ce qu’ils produisent et non ce qu’ils sont. Mais ce soir, cette certitude s’effritait » (pp158-159).
Au bout de cet accès de lucidité, il opère un choix. Transporté par l’amour complice et émancipateur de Mélodie, représentante de l’Occident et du monde blanc, il fait le procès (moral) de son lien avec sa mère, si ténu que, de son point de vue, il ne tient plus qu’à « sa dette de naissance ». En somme rien du tout, puisqu’il estime ne devoir rien à personne. En condamnant ce lien avec sa mère et sa dette, il crucifie ses origines. Dans le miroir tendu par la bienveillance, les attentions et l’affection désintéressée de Mélodie, les pesanteurs accablantes de sa culture d’origine, l’attentisme de ses acteurs et leurs amours dénués de tendresse présentent des visages repoussants. « Tu es devenu un blanc », remarque sa mère (p.206). Débordant de trésors, l’amour de Mélodie deviendra son unique horizon. C’était sans compter les ruses du destin. À la manière des dieux homériques obstructeurs de la geste des hommes ou des forces négatives de la tragédie qui, les aveuglant ou les entêtant, les expédient vers le drame, le ciel de cette relation à laquelle le « mâle noir » a sacrifié une partie de lui s’alourdit de sombres nuages.
Questionnant par sa radicalité nos conceptions de l’appartenance, de la liberté et de l’amour, Elgas, avec son premier roman, secoue une fois encore le confort de nos consciences pétrifiées.
LE FESPACO DANS DE NOUVEAUX HABITS
La 27e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) est prévue du 16 au 23 octobre 2021 sous le thème : «Cinéma d’Afrique et de la Diaspora : nouveaux regards, nouveaux défis.»
La 27e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a dévoilé hier la proposition artistique de cette nouvelle édition. Clou de la cérémonie, le dévoilement de l’affiche du festival, une œuvre de l’artiste peintre Christophe Sawadogo.
La 27e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) est prévue du 16 au 23 octobre 2021 sous le thème : «Cinéma d’Afrique et de la Diaspora : nouveaux regards, nouveaux défis.» A quelques mois de cette grand-messe du cinéma africain, la Délégation générale du Fespaco a dévoilé hier le programme artistique au cours d’une conférence de presse à Ouagadougou. L’affiche du 27e Fespaco est signée du peintre burkinabè Christophe Sawadogo. «On peut y percevoir une guerrière, juchée sur un cheval, une lance dans la main gauche, indiquant de l’autre main, une destination devant elle. L‘œuvre est en rapport avec le thème de la présente édition qui parle de nouveaux regards», explique l’artiste Christophe Sawadogo qui indique s’être inspiré de l’épopée de la princesse Yennenga, en associant l’image de la reine Guimbi Ouattara et celle d’une artiste contemporaine Sami Rama.
Cette nouvelle affiche est le symbole d’un sang neuf insufflé à ce festival qui a célébré son cinquantenaire il y a deux ans. Ce que confirme le Délégué général, Moussa Alex Sawadogo, arrivé à la tête du festival il y a quelques mois et qui, dans son discours, a émis le vœu que cette édition «apportera une nouvelle dynamique suivant les nombreuses recommandations issues des différentes réflexions menées lors des précédentes éditions du Fespaco». Au total, les organisateurs annoncent avoir reçu 1132 films inscrits et qui sont en cours de sélection par le comité international de sélection. Mais cette 27e Edition, en plus de son affiche, apporte de nouvelles innovations avec la création de nouvelles sections de films en compétition ou non. Il s’agit de la section Burkina réservée aux films du pays.
La section Perspectives est consacrée aux réalisateurs qui sont à leur 1ère et 2ème Longs métrages, cette section soutient les créateurs qui recherchent avec confiance leur propre expression artistique. Le Fespaco Classics avec des classiques en format 35mm restaurés numériquement, le Fespaco Sukabe sur des films qui prennent les enfants et les jeunes comme cible principale dans leur récit, leur langage et le sujet cinématographique et Le Fespaco d’Honneur, une section honorifique qui est dotée par l’Etalon d’honneur et qui va consacrer une grande personnalité du cinéma africain.
A côté, des évènements seront destinés aux professionnels. «Le Fespaco Pro va se déployer en un seul lieu, de façon intégrée et interactive sur le site qui lui sera affecté. Il est articulé en quatre composantes que sont le Mica, Les Ateliers Yennenga, Le Yennenga Liboni et le Yennenga Connexion», informe la Délégation générale. Selon M. Sawadogo, les salles de cinéma sont déjà identifiées et des sites seront également prévus pour les projections en plein air.
Macky Sall attendu au Fespaco
Le Sénégal est le pays invité d’honneur de cette 27e édition du Fespaco. Et selon la ministre burkinabè de la Culture, des arts et du spectacle, Dr Foniyama Elise Ilboudo Thiombiano, le Président Macky Sall est espéré au pays des hommes intègres. Selon la ministre, le soutien financier et technique du Sénégal est aussi attendu à cet évènement. Elle assure en outre que des mesures seront prises pour assurer le respect des protocoles sanitaires mais aussi la sécurité des festivaliers.
DES RECOMPENSES POUR LE CINEMA SENEGALAIS
Pour cette 2e édition des Teranga Movies Awards, prévue du 23 juin au 3 juillet 2021, au Grand Théâtre nationale, l’Association Cinéma 221 dont l’objectif est de promouvoir le cinéma sénégalais a annoncé une toute nouvelle formule
Pour la 2e édition des «Teranga Movies Awards», le comité d’organisation de l’Association Cinéma 221 sait désormais à quoi s’en tenir. Tous les critères de participation, de prestation, d’exposition et de distinction au cours de cette édition ont été revus. Ils ont été déclinés hier au Grand Théâtre nationale, sous la présidence de Hugues Diaz, l’actuel Secrétaire général, et devant le représentant de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire, pays invité d’honneur
Pour cette 2e édition des Teranga Movies Awards, prévue du 23 juin au 3 juillet 2021, au Grand Théâtre nationale, l’Association Cinéma 221 dont l’objectif est de promouvoir le cinéma sénégalais a annoncé une toute nouvelle formule pour tester plusieurs choses. «Cette édition est une édition assez hybride parce que la première édition a été une édition pilote», a annoncé Fatou Jupiter Touré, actrice, productrice et co-organisatrice des Teranga Movies Awards. La journée de demain sera consacrée à une exposition photos, vidéos autour du cinéaste sénégalais, Ababacar Samb Makharam, précurseur du cinéma en Afrique, a décliné Fatou Jupiter Touré. Ababacar Samb Makharam fait partie des précurseurs du cinéma sénégalais avec une première production réalisée en 1965. Toute son oeuvre est faite de questionnements sincères sur son peuple autour de thèmes encore d’actualité. L’exposition, qui se passera au Grand Théâtre du 23 juin au 2 juillet, est ouverte au grand public. «Il y aura également une soirée de projection de film suivie de débat autour de l’œuvre de Ababacar Samb Makharam», a-t-elle précisé.
Les Teranga Movies Awards, qui prennent le parti de célébrer les acteurs et techniciens du cinéma sénégalais et africain, veulent également fédérer toutes les initiatives en faveur de la promotion du cinéma. «Les écoles de formation professionnelle et d’enseignement supérieur sont mises à l’honneur pour participer à cette édition en vue de mieux connaître ce métier et susciter des vocations», a-t-elle fait savoir. «Nous terminerons par la grande soirée de récompenses, le samedi 3 juillet au Grand Théâtre, partenaire officiel du festival», a-t-elle indiqué. L’actrice et par ailleurs productrice prévoit une Assemblée générale qui réunira d’ailleurs tous les acteurs, les autorités du ministère de la Culture ainsi que de la Direction de la cinématographie pour statuer et trouver des solutions mais aussi des voies et moyens pour sécuriser leur art. «En faveur des acteurs, c’est ça l’acte majeur que les Teranga Awards comptent poser pour cette seconde édition», dira-t-elle. «Les attentes c’est vraiment de faire adhérer tout le monde, que toutes les parties prenantes de ce métier viennent participer. Mais également de faire signe au public, leur montrer qu’ils font partie de cet art. Nous invitons le public à venir prendre part parce que c’est l’occasion pour eux de venir rencontrer toutes ces personnes qui les font rêver, qui sont aussi dans l’ombre et qui amènent du rêve sur leurs écrans, de communier avec elles et les soutenir», a-t-elle lancé.
Des prix honorifiques seront décernés aux anciens
A noter que cette année, l’Association Cinéma 221 présentera au public 4 catégories : 3 officielles et une catégorie vote du public, a fait savoir Pape Abdoulaye Seck. «La première catégorie, ce sont les longs métrages sénégalais où seront primés la meilleure fiction et le meilleur documentaire sénégalais. C’est dans cette catégorie également qu’on donnera le prix du meilleur réalisateur de l’année. Ensuite, il y a la catégorie Série long, qu’on appelle la catégorie 26 où il y aura des prix techniciens et des prix acteurs avec le prix du meilleur rôle masculin, le prix du meilleur rôle féminin, le meilleur second rôle masculin et féminin mais aussi le prix de la révélation. Côté technique, on a meilleur son, image, costume, décor et meilleur maquillage.
Pour la troisième catégorie officielle, qui est la catégorie des séries courtes, on aura le prix de la meilleure série courte et le prix de la révélation. Et enfin le vote du public qui regroupe une sélection de 25 films et c’est clairement le public qui va déterminer les meilleures séries sénégalaises», a détaillé M. Seck. A l’instar des récompenses pour les meilleurs films, meilleurs acteurs, meilleurs réalisateurs, il y a aussi un prix honorifique pour le pays invité d’honneur, la Côte d’Ivoire, mais aussi 6 prix honorifiques pour les anciens à commencer par Souleymane Cissé, le président du jury long métrage, mais également, Abdoul Aziz Boye, à titre posthume pour ce qu’il a fait pour le cinéma sénégalais en tant que formateur, entre autres personnalités du cinéma et Marie Madeleine Diallo, a listé Pape Abdoulaye Seck
CES NOUVELLES PÉPITES DE LA LITTÉRATURE SÉNÉGALAISE
Ces jeunes qui ont pour noms Elgas, Falia, Mohamed Mbougar Sarr, travaillent admirablement aujourd’hui à débarrasser le champ littéraire de ses scories bien réelles
Les férus et puristes de la lecture ont toujours trop de mal à se défaire de la nostalgie des ouvrages des précurseurs. Cela, pour être bien assez subjugués par la délicatesse littéraire et le fond intellectuel de ces auteurs. À telle enseigne qu’ils ignorent certaines pépites de la nouvelle vague, surtout avec l’idée préconçue que cette génération est médiocre. Ces jeunes qui ont pour noms Elgas, Falia, Mohamed Mbougar Sarr, travaillent admirablement aujourd’hui à raturer cette croyance et contribuer à débarrasser le champ littéraire de ces scories bien réelles.
Une certaine critique populaire n’a que trop bien brocardé la jeune génération d’écrivains. Ces derniers sont accusés de révéler une inculture ennuyeuse et une niaise soif de notoriété, plutôt que cette maîtrise littéraire qui doit en faire des auteurs distingués et respectés. Il devient tentant de créditer ce sentiment à la lecture de certains ouvrages. Des lectures qui vous laissent au même lieu et dans le même temps. Des écrits qui ne bousculent pas vos états d’âme et ne provoquent encore moins de profondes interrogations, si ce n’est celle de savoir pourquoi avoir choisi de lire ces livres-là. Or, le livre, c’est d’abord la découverte et l’évasion.
Toutefois, le champ littéraire comporte quelques belles jeunes graines qui nourrissent l’appétence des puristes. Certains de ce groupe produisent des œuvres faisant les joies des lecteurs et critiquent littéraires qui ne tarissent pas leurs productions d’éloges. Ces récepteurs s’enthousiasment particulièrement du génie rédactionnel qui sert un texte passionnant et passionné. Ce qui dépare le ton soporifique et les dialogues stériles de certains ouvrages, souvent du fait d’un manque de vocabulaire. La créativité de ces «exceptions» leur permet ainsi de servir une intrigue alléchante, avec des sous-actions et des sous-quêtes pertinentes. Ces dernières agrémentent le récit, captivent le lecteur et le délectent, résolument.
Leur œuvre fait aussi remarquer un sens aiguisé de l’observation qui construit leur argument et suscite la curiosité du lecteur. En outre, ils ont l’audace comme principale caractéristique commune. Cela, en plus d’une bonne culture au travers d’une considérable expérience de lectures. Dans le lot de ces exceptions, les noms de Mouhamed Mbougar Sarr, Souleymane Gassama alias Elgas et Ndeye Fatou Fall Dieng alias Falia reviennent bien souvent. Au-delà de la sympathie du public lecteur, ces jeunes bénéficient aussi de la reconnaissance du milieu littéraire avec des prix aussi divers que prestigieux.
Elgas, l’intrépide et raffiné «Mâle noir»
Natif de Saint-Louis et ayant grandi à Ziguinchor, Elgas a du toupet à revendre. Dans ses écrits, il ose des sujets souvent considérés tabous.
Intrépide. Dans ses productions littéraires, Elgas s’y épanche avec une audace et une brutalité qui présentent la réalité dans toute sa franche splendeur. Dans son premier ouvrage, «Un Dieu et des mœurs : Carnets d’un voyage au Sénégal», Elgas offre une radioscopie crue de la société. Une société emprisonnée dans ses croyances à la tradition et la religion dont le peuple se voile pour fuir ses responsabilités et se lâcher paradoxalement à des opprobres. Après une longue absence du pays, Elgas revient de France et retrouve un Sénégal empoigné par le fatalisme, le fanatisme, l’homophobie, le déni, le cynisme moral, le phénomène des talibés errants, entre autres maux. Avec une relation fort descriptive et à l’aide du regard distant, il creuse des abcès et fait observer de subtiles curiosités sociales.
Comme c’est le cas des femmes «meurtries» et l’exploitation sexuelle du personnel domestique féminin. Dans son nouveau livre, «Mâle noir», à paraître ce 21 juin, Elgas partage encore ses réflexions sur les sujets de société qui le traversent et le dépassent, tels le racisme, le mouvement décolonial, l’immigration. Encore «cynique, mélancolique, tendre ou euphorique» (ainsi dit dans le quatrième de couverture), Elgas nous invite dans sa vie d’immigré en France, en quête de l’amour des autres et de soi. Pour Elgas, l’écriture est un moyen de raconter et de se raconter. Mais pas n’importe comment. Une approche qu’il explique. «L’écriture est une sensibilité personnelle. On ne peut avoir un gouvernement général et commun à tous. Il est bon que les styles et les perceptions varient pour rendre l’écosystème plus riche», nous répond-il quand nous l’interrogeons sur sa singularité.
Journaliste, docteur en sociologie, diplômé en communication et en sciences politiques, Elgas dit puiser à différents registres «où il faut toujours plonger dans les textes, les faits, les émotions pour espérer sublimer par le jeu avec la langue sans perdre la vérité comme horizon et l’authenticité comme boussole».
Justement, Elgas indique que son expérience personnelle et son rapport à l’écriture procèdent d’un attachement aux textes qui, nous dit-il, «demande d’abord et avant tout beaucoup de lecture». C’est selon lui le «prérequis absolu, de consommer énormément de livres, se forger, souffrir très tôt de savoir qu’on vient après des monstres sacrés qu’on égalera jamais». Ça, et puis «s’enhardir et tracer son chemin dans ce respect qui n’est pas défaite mais acte de fraternité littéraire», conçoit-il humblement. C’est un moyen, selon lui, d’entretenir une lucidité sur les fondements, les rudiments et les exigences de l’écriture qui est «un douloureux acte de gestation». Voilà les secrets du génie littéraire.
Ndeye Fatou Fall Dieng alias Falia Une âme bien née, et génie bien forgé
Avec une plume enchanteresse trempée dans une encre créative, Ndèye Fatou Fall Dieng alias Falia inspire respect dans le milieu littéraire.
Pour Ndèye Fatou Fall Dieng alias Falia, la lecture est le secret. Sa seconde œuvre, «Ci-gisent nos dieux» (2020, Editions L’Harmattan Sénégal), est d’une grande succulence. Le roman a été d’ailleurs retenu dans la présélection du Prix Les Afriques de la Cène littéraire. On y découvre surtout la grande culture de Falia (sa nouvelle signature d’auteure) et sa plume enchanteresse.
«Je crains de n’y être pas pour grand chose. J’ai eu la chance d’être née dans un centre culturel et ai très tôt eu un grand nombre de livres à ma disposition. Mon père m’a transmis son goût immodéré des livres et ma mère m’a donné les moyens d’y accéder. À partir de là, c’était facile», avoue, modeste et reconnaissante, la native de Louga. Toutefois, a-t-elle grandi dans plusieurs villes du Sénégal et, ce faisant, n’a de sentiment d’appartenance pour aucune contrée. Un avantage, car cela lui a permis d’être «curieuse et avide des autres». Ensuite, signifie-t-elle avoir lu tôt et longtemps et n’a écrit que très tard. La jeune juriste d’entreprise, titulaire d’une maîtrise en Droit privé à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, assure que même après avoir fini «Ces moments-là», son premier roman qui lui a valu le prix Aminata Sow Fall de la Créativité, elle restait dans le doute.
Pour «Ci-gisent nos dieux», l’assurance et le cran en font grandement le souffle. Mais aussi cette maîtrise littéraire et ce front éclairé de l’artiste qui se fait écho de nos affections et illumine la piste. Falia remet en question la sacralité du foyer maraboutique, le conservatisme exagéré et impertinent d’us non seulement caducs mais inhumains, ainsi qu’elle célèbre l’amour dans un récit tout aussi poétique que délirant.
Falia avertit également quant à la porosité de nos frontières et de nos mœurs face aux menaces extrémistes et renie l’idée d’inviolabilité de notre «terre sainte». «Le champ littéraire est un espace de liberté, il peut arriver qu’on censure un artiste pour plusieurs raisons, mais ce que je ne peux concevoir, c’est qu’un artiste décide de s’autocensurer. C’est pour moi, presque une trahison», plaide l’artiste et juriste, qui pense qu’il «ne devrait y avoir de limite que la légalité».
Pour elle, il ne peut y avoir de tabous dans l’art déjà, car «le tabou ne l’est que dans un espace temporel et/ou spatial bien déterminé, et l’art transcende ces limites». La preuve, Soljenitsyne a écrit son «Archipel du Goulag» dans la clandestinité, et aujourd’hui l’ouvrage est enseigné dans les écoles russes. Ensuite, poursuit-elle, certaines pratiques considérées taboues existent malgré cela. «Or tout ce qui existe est susceptible de se retrouver dans le champ artistique car, dans l’art, il n’y a de vulgaire ou de choquant que ce qui est mal conçu ou mal exécuté», selon la jeune femme. Et elle, Falia, a le constant souci de bien concevoir ses œuvres et de laisser son lecteur, capable, percevoir cette «curiosité saine». Elle affirme être encore en quête de sa «voix particulière» et son «signe distinctif», quoique d’illustres critiques lui en témoignent de bien marquants.
Mohamed Mbougar Sarr, le prodigieux artiste
Auteur de quatre chefs-d’œuvre littéraires, Mohamed Mbougar Sarr dessine une trajectoire en lettres capitales.
Elgas dit qu’il est le «meilleur de sa génération». Falia estime que c’est un honneur d’être citée à côté de son nom. Ce nom, Mohamed Mbougar Sarr, est certes significatif. Tant son porteur a bien prouvé, sans conteste, une grande maestria littéraire qu’on soupçonnait peu à notre ère. Âgé de 31 ans, le jeune originaire de Diourbel, ancien enfant de troupe du Prytanée militaire de Saint-Louis, a déjà signé quatre chefs-d’œuvre littéraires. Une nouvelle, «La Cale» (2014), qui a gagné l’illustre prix Stéphane-Hessel. Son premier roman, «Terre ceinte», publiée l’année suivante et qui confirmait le talent majuscule du jeune homme à 25 ans. L’œuvre lui vaut le prix Ahmadou Kourouma, le Grand prix du roman métis et le Prix du roman métis des lycéens la même année.
En 2017, il publie «Silence du chœur» qui est distingué du Prix littéraire de la Porte dorée, du prestigieux Prix Littérature monde 2018 et du Prix du roman métis des lecteurs de la ville de Saint-Denis. Le même livre l’amène, fait historique, en finale du Prix des Cinq Continents de la Francophonie. En 2018, il sort son dernier roman, «De purs hommes». Le parcours de son œuvre parle assez pour le brio de celui qui a subi ses études supérieures à l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess).
Abdoulaye Racine Senghor, coordinateur du Comité de lecture Sénégal du Prix des Cinq Continents de la Francophonie, s’enthousiasme du génie de Mbougar Sarr. «Bien que jeune, il fait preuve d’une maturité étonnante. Maturité dans les sujets très sérieux qu’il aborde, la finesse de son approche des sujets souvent délicats et surtout son écriture qui révèle, par ailleurs, un très riche intertexte scientifico-philosophico-littéraire à vous saisir pour de bon», témoigne le critique littéraire. Celui-ci pense que le jeune auteur va aller plus loin au vu des esquisses qu’il distille de temps en temps dans les réseaux sociaux et du rythme de ses publications.
BABA MAAL PLAIDE POUR LA TENUE DES ASSISES DE LA MUSIQUE SENEGALAISE
La situation des jeunes artistes ne laisse pas insensible le lead vocal du « Daande Leñol ». Baba Maal plaide pour leur cause.
La vingt-neuvième édition du festival international de jazz de Saint-Louis a été marquée par la prestation du leadvocal du« Daande Leñol », Baba Maal. Lors du deuxième jour, il a assuré devant un public métissé. Leader d’opinion,l’ancien pensionnaire du lycée charles De Gaulle a plaidé pour la tenue des « assises de la musique sénégalaise», voire africaine. Pour lui, c’est une façon de soutenir les jeunes artistes durement touchés par la pandémie de covid-19.
La situation des jeunes artistes ne laisse pas insensible le lead vocal du « Daande Leñol ». Baba Maal plaide pour leur cause. « Je le dis très fort : il faut que des gens comme moi qui travaillent dans l’industrie de la musique, de la culture, que nous puissions prendre notre temps, faire un arrêt, nous asseoir, faire des assises de la musique sénégalaise, voire africaine pour nous ouvrir aux plus jeunes et leur faire comprendre ce qu’est le showbiz», a déclaré Baba Maal qui a tenu en haleine le public pendant plusieurs dizaines de minutes, à travers un showacoustique offert sur la scène du festival de jazz de Saint-Louis. Il a revisité son riche répertoire.
Poursuivant, le roi du «Yéla» a ajouté : « Les jeunes sont certes très talentueux, veulent promouvoir leur musique et s’afficher, mais très souvent ils ne comprennent pas comment fonctionne l’industrie de la musique, qui est producteur, qui est éditeur, réalisateur, etc. Je pense que si on ne connaît pas l’industrie de la musique, on ne peut pas vendre son travail. C’est là où se trouve le problème ».
Selon lui, la tenue des assises se justifie maintenant. « Des jeunes talents, très promoteurs avant le Covid-19, sont durement frappés par les conséquences de cette crise sanitaire mondiale qui n’a épargné aucun pays. La pandémie nous a appris de nous adapter et à coup sûr, la façon de faire la musique a changé. Le digital a été une chance pour la musique africaine. Si nous l’utilisons, nous pouvons donner plus de chance à la musique africaine. Mais ce qui m’a touché durant cette pandémie, ce sont les jeunes artistes qui avaient commencé à briller, à travailler avec des gens qui s’intéressaient à eux et tout à coup, il faut qu’ils recommencent à zéro, c’est pénible », s’est-il désolé. Baba Maal travaille pour assurer la relève. D’ailleurs, il a été accompagné durant sa prestation par les jeunes instrumentistes, Moussa Sy de la Mauritanie à la guitare solo, Franky, un Saint-Louisien à la basse et Ndiaga Mbaye à la batterie.
L’artiste-compositeur de renommée internationale a fait voyager avec son groupe le public du Saint-Louis jazz tout au long du fleuve, du Fouta Djallon, en Guinée, en passant par le Mali, le Sénégal et la Mauritanie. « Ce fleuve n’est pas seulement de l’eau à boire, c’est un trait d’union entre les peuples. Ce fleuve est ce qui va nous permettre de nous développer, c’est un levier pour le développement avec l’agriculture, la pêche et l’élevage. C’est un format assez atypique initié un peu partout dans le monde. Je reviens à quelque chose de plus simple, plus dénudé, cela va très bien avec le festival de Saint-Louis qui a besoin d’être soutenu », a-t-il dit. Pour lui, il y a un manque criard de moyens. « Certes, le festival a souffert du manque de soutien mais ce n’est pas un festival qui doit mourir, il doit vivre et accueillir d’autres artistes de renom et de jeunes talents », a-t-il conclu.