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23 novembre 2024
Culture
par Amadou Diaw
DE LA NÉCESSAIRE MOBILITÉ, CIRCULER EST UN DROIT HUMAIN
EXCLUSIF SENEPLUS - Que d’obstacles vécus par les migrants. À travers chaque pas coûteux, chaque navigation périlleuse, les jeunes d'Afrique expriment leur désir de vivre. Honte à nous. Oui, nous sommes tous responsables
Guet Ndar. Quartier traditionnel de Saint-Louis. Les pirogues colorées portent des étendards de divers pays. Ce soir, elles descendront le long du fleuve avant d’affronter la barre. Quelques sages, sous des abris de fortune, observent le temps passer. Des jeunes, enfants insouciants, adolescents à la peau brûlée par ce mélange de sel et de soleil, des moins jeunes dans l’attente du prochain départ, envahissent les ruelles. Les demeures sur cette petite bande de terre attendent d’être rongées par les vagues de l’océan Atlantique.
Là, le murmure solennel d'un enfant du village des pêcheurs, l'écho de sa voix assurée résonne encore à mes oreilles : « Rien, absolument rien, ne saurait contenir l'écume des départs juvéniles. Nous nous en irons, toujours plus nombreux, portés par le regard de notre mère démunie, portés par les pleurs de nos sœurs. »
Telle une invitation à revenir à la réalité, un véritable coup de semonce, cette déclaration a métamorphosé ma perception du phénomène. Il me fallait accepter, me résigner, mieux encore, agir, inviter les décideurs, dirigeants de nos pays, ministres, diplomates et émissaires, à renoncer à promettre un arrêt de l'hémorragie. Mission impossible !
Oui, ces jeunes partiront. Ils partiront encore nombreux. Ils partiront encore plus loin.
Hier, ils étaient des dizaines, dans les cales de l’Ancerville. Ce navire mythique qui assurait la ligne de Dakar à Marseille, est à quai à Shekou, en Chine, Transformé en important centre de loisirs. Lui, il a eu droit à une autre vie.
Aujourd’hui, les pirogues géantes de Guet Ndar, de Mbour, vont vers les Canaries. Grandes et Petites. Aujourd’hui, des camions mènent cette jeunesse dans les prisons de Libye, puis dans le ventre des mers. Et Demain ?
Honte à nous. Oui, nous sommes tous responsables. Méditons.
Les yeux fermés. Expiration. Ouvrons les yeux. À travers les tumultes de l'histoire, des générations ont affronté les épreuves les plus ardues. Des arabes, puis des européens, puis des maures, en quête de richesses et de convictions, se sont aventurés au-delà des mers, des déserts pour « découvrir » les contrées lointaines : l'Afrique, l'Amérique et l'Asie. Les trois M (Militaires, Missionnaires et Marchands) à l'appétit insatiable, tous sont partis pour des voyages audacieux, des rencontres avec l'inconnu.
C’était hier. Sommes nous amnésiques ? Il n’y a pas si longtemps, pourtant. Ils ont détruit. Ils ont brûlé les villages. Ils ont effacé. Ils ont déchiré, et le Serment du Chasseur(1222) et la Charte de Kouroukan Fouga (1236). Ils ont déstructuré. Ils ont remplacé. Un Grand remplacement. Ils ont « civilisé ».
Quelques siècles après, la soif de découverte, l'insatiable besoin de réalisation poussent encore l'homme à traverser des déserts brûlants, des océans infinis et des mers déchaînées. La mobilité, intrinsèque à notre essence, transcende les frontières physiques pour atteindre l'ailleurs. Acceptons cela. Notre destin est forgé par un incessant désir de se connecter aux mondes lointains.
Repensons donc le statut des nouveaux citoyens. Les Citoyens du monde.
Que d’obstacles vécus par les migrants. À travers chaque pas coûteux, chaque nuit passée dans les prisons du Maghreb, chaque être violé, chaque navigation périlleuse, chaque embarcation avalée par la Méditerranée, les jeunes d'Afrique expriment leur désir de vivre et tendent cette main de l'espoir à l'humanité, qui trop souvent feint de ne pas la voir. Ouvrons nos yeux. Ouvrons nos bras.
Achille Mbembe nous interpelle. Il fait écho : « La circulation des hommes exige des politiques d'hospitalité, d'ouverture et l'invention de nouvelles formes de citoyenneté. »
Oui, mettons en œuvre de nouvelles formes de citoyenneté. Ouvrons nos bras. Redevenons humains. Et pensons plus aux ponts à installer qu’aux murs à construire. Et surtout, ré-enchantons le Monde.
Du rêve? Peut-être.
Mais, crions le, haut et fort, en espagnol et en sérere, en italien et en amharique, en anglais, en Kinyarwanda : « Circuler est un droit humain fondamental, n’en faisons pas une aventure mortifère. Être de quelque part, c’est avoir la possibilité de partir et d’y revenir »
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JUBBANTI, ÉLEVONS CETTE LANGUE EN ÉLEVANT SON ORTHOGRAPHE
«Jubbanti» et non Jubanti, «Ceddo» et non Cedo, «Siggi» et non Sigi ou encore Kër et non Keur . Adoptons la bonne orthographe. La parole d’Arame Fal, de Pathé Diagne, Cheikh Anta Diop ou d'Ousmane Sembène est souveraine. Explication de Mademba Ndiaye
Au moment où le débat sur l’introduction des langues nationales dans le système éducatif est très actuel, il n’est pas juste que des responsables au sommet ne respectent pas les normes orthographiques de ces langues dans leur communication officielle.
Dans le slogan de campagne en wolof «Jub Jubal Jubbanti » du Pastef, le mot «Jubbanti » est souvent écrit avec un seul « B ». Ce qui est une faute du point de vue des linguistes confirmés. Bien que les spécialistes eurent donné la règle juste, les membres du Pastef semblent persister à écrire ce mot à leur convenance, avec un seul « B » au lieu de 2 « BB ».
En répondant à notre entrevue sur le Pacte de Bonne gouvernance, Mademba Ndiaye invite les membres de Pastef à adopter humblement la bonne orthographe, celle retenue par les scientifiques qui font autorité dans ce domaine.
Mais quand on remonte l’histoire, cette question de l’orthographe juste de certains mots wolof n’est pas nouvelle comme le rappelle fort à propos Mademba Ndiaye.
Sous le magistère du président Léopold Sédar Senghor, bien des mots wolof ont ainsi fait l’objet de débat féroce entre intellectuels. Le président Senghor, poète confirmé et puriste s’était affronté au trio composé d’Ousmane Sembène,, Pathé Diagne et Cheikh Anta quant à l’orthographie des mots « Ceddo», « Siggi » par exemple.
Senghor, le poète, grammairien et puriste de la langue imposant de manière péremptoire sa volonté au linguiste Pathé Diagne, à l’écrivain-réalisateur Ousmane Sembène, ou à l’historien Cheikh Anta Diop, savant plutôt pluridisciplinaire, qui n’est pas un nain en matière de linguistique, lui qui a établi la patentée linguistique entre les peuples d’Afrique.
En somme, l’écriture du mot JUBBANTI » a amené le journaliste émérite Mademba Ndiaye, aujourd’hui consultant, à rappeler cette histoire entres ces géants intellectuels dans leurs domaines respectifs a ceux qui ont oublié ou à le faire savoir à ceux qui ne l’ont jamais appris, notamment les jeunes.
Suivez son explication dans cette vidéo.
PATRICK CHAMOISEAU, INSURGÉ DES LANGUES
Héritier de la "créolité", il appelle à faire voler en éclats les carcans linguistiques hérités du colonialisme. Une quête fertile d'un "imaginaire multi-trans-linguistique" pour briser les hiérarchies sclérosantes
(SenePlus) - Écrivain majeur des Antilles, Patrick Chamoiseau ne cesse d'interroger le rapport aux langues à travers son œuvre couronnée par le prix Goncourt en 1992 pour Texaco. Héritier d'Aimé Césaire et d'Édouard Glissant, il a contribué à forger le concept de "créolité", plaçant la langue créole au cœur d'un projet d'émancipation face à la domination du français.
Dans une interview parue sur le site de l'Unesco, l'auteur martiniquais revient sur son expérience fondatrice du "mutisme" scolaire, brutal heurt avec la norme linguistique imposée. "Le créole habitait mon esprit, structurait mon imaginaire. Me l'interdire revenait à me lobotomiser", confie-t-il, évoquant la violence de cette coupure d'avec sa langue maternelle.
"Pour justifier leur exploitation, les colonisateurs avaient développé un Grand Récit justificateur dans lequel ils avaient sacralisé leurs langues comme seuls moyens d'accès à la civilisation", décrypte le romancier. Une hiérarchisation cautionnée par les colonisés eux-mêmes dans un "contre-discours" visant à réhabiliter leur idiome.
Faire émerger une "parole vraie" dans ce contexto diglossique représentait un défi de taille. "Ce que j'ai appris, c'est qu'il ne faut pas hiérarchiser les langues, mais tendre vers un imaginaire multi-trans-linguistique, riche de toutes les langues du monde", plaide Chamoiseau.
Lui qui écrit "en présence de toutes les langues", à l'instar d'Édouard Glissant, prône la maîtrise d'un "langage" transgressant les carcans académiques. "Le langage brise l'orgueil des langues, leur sacralisation, pour les ouvrir à leurs insuffisances, leurs indicibles, et les forcer à désirer la présence d'autres langues."
Dépassant la simple réconciliation de l'oral et de l'écrit, l'auteur de Texaco appelle à un nouvel "imaginaire post-occidental" intégrant jusqu'aux langues du vivant - "des végétaux, insectes, animaux". Une quête de "Relation" brisant les séparations héritées de la pensée coloniale.
"À l'aube de tout geste créateur, il faut une catastrophe symbolique, une déroute de ce qui régente notre esprit", martèle Chamoiseau. La "nuit" du conteur créole désserrant l'étau pour laisser fleurir les possibles refoulés.
Si Frankétienne et Glissant ont ouvert la voie, le défi pour la nouvelle génération sera d'incarner cette "poétique du désir-imaginant de toutes les langues". Une ambition universelle, pardessus les "marqueurs identitaires", pour donner corps à la "Diversalité" chère à Chamoiseau.
Dans cette perspective, son dernier roman Le Vent du Nord explore la forme d'un "organisme narratif" décloisonnant les genres, par-delà la tyrannie du "récit" rassurant mais étriqué. Un pas de plus vers l'insurrection d'imaginaires émancipés, à l'opposé des "Grands Récits totalitaires" enserrant le réel dans leurs carcans.
L'ÉDITORIAL DE RENÉ LAKE
DÉCOLONISER LA JUSTICE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans un État démocratique et de droit, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement et l'indépendance de chaque institution
Aller chercher le savoir jusqu’en…Chine ! Cette recommandation de bon sens est une invite à aller au-delà des frontières de la vieille métropole coloniale pour chercher les meilleures pratiques (best practices), surtout quand, dans un domaine particulier, celle de l’ex-colonisateur n’est pas le meilleur exemple pour la bonne gouvernance à laquelle les Sénégalaises et les Sénégalais aspirent. S’il y a bien un domaine où la France n’est pas une référence à l’échelle mondiale, c’est bien celui de la Justice dans son rapport avec l’Exécutif.
Dans un État démocratique et de droit, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement et l'indépendance de chaque institution. Au lendemain de la remise au président Diomaye Faye du rapport général des Assises de la justice qui se sont tenues du 15 au 17 juin 2024, ce texte a l’ambition de mettre en lumière l'importance de cette séparation et pourquoi il est critiqué que le président de la République soit également le président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Prévention de l'abus de pouvoir. La séparation des pouvoirs empêche la concentration excessive de pouvoir entre les mains d'une seule personne ou d'un seul organe. Chaque branche agit comme un contrepoids aux autres, ce qui limite les abus potentiels et favorise la responsabilité.
Indépendance judiciaire. En particulier, l'indépendance du pouvoir judiciaire est essentielle pour garantir des décisions impartiales et justes. Les juges doivent être libres de toute influence politique ou pression externe afin de pouvoir appliquer la loi de manière équitable. En de bien nombreuses occasions, tout le contraire de ce que l’on a connu depuis plus de 60 ans au Sénégal et qui a culminé pendant les années Macky Sall avec une instrumentalisation politique outrancière de la justice.
Fonctionnement efficace du législatif. Le pouvoir législatif doit être libre de proposer, examiner et adopter des lois sans interférence de l'exécutif ou du judiciaire. Cela assure la représentation démocratique des intérêts de la population et la formulation de politiques publiques diverses et équilibrées.
Le président de la République et le Conseil Supérieur de la Magistrature -
Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) est souvent chargé de la nomination, de la promotion et de la discipline des magistrats. Dans de nombreux pays démocratiques, il est critiqué que le président de la République soit également le président de cet organe pour plusieurs raisons notamment celle du conflit d’intérêt potentiel et de la menace pour la séparation des pouvoirs.
En occupant simultanément ces deux fonctions, le président peut influencer directement les décisions judiciaires et les nominations de magistrats, compromettant ainsi l'indépendance judiciaire. Cette perversion n’a été que trop la réalité de la justice sénégalaise depuis les années 60 avec une accélération sur les deux dernières décennies avec les régimes libéraux arrivés au pouvoir après une alternance politique.
Cette situation a fortement affaibli la séparation des pouvoirs au Sénégal en concentrant trop de pouvoir entre les mains de l'exécutif, ce qui a régulièrement mené à des décisions politiquement motivées plutôt qu'à des décisions basées sur le droit.
La crainte d’une République des juges -
Les acteurs sociaux favorables à la présence du chef de l’État dans le CSM invoquent régulièrement la crainte d’une "République des Juges". Cette idée d'une "République des juges" où le pouvoir judiciaire dominerait les autres branches gouvernementales, n'est pas pertinente dans un système démocratique où il existe de multiples recours et des contrepoids aux potentiels abus des juges. Cette idée relève plus du fantasme jacobin que d’un risque réel dans une démocratie bien structurée, où il existe plusieurs niveaux de recours judiciaires permettant de contester les décisions des juges. Ces recours assurent que les décisions judiciaires peuvent être réexaminées et corrigées si nécessaire.
Par ailleurs, le pouvoir législatif a le rôle crucial de créer des lois et de superviser l'exécutif. En dernier ressort, le législatif peut modifier des lois pour contrer toute interprétation judiciaire excessive ou inappropriée, assurant ainsi un équilibre des pouvoirs.
Enfin, l'indépendance judiciaire signifie que les juges sont libres de rendre des décisions impartiales, mais cela ne signifie pas qu'ils sont au-dessus des lois ou qu'ils ne sont pas responsables. Les juges doivent toujours interpréter et appliquer les lois dans le cadre des normes constitutionnelles établies par le législatif.
La crainte d’une République des juges est un chiffon rouge agité en France depuis longtemps pour justifier un système judiciaire bien plus attaché à l’Exécutif que dans les autres démocraties occidentales.
Historiquement, le président de la République française a été le président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette pratique a été critiquée pour son impact potentiel sur l'indépendance judiciaire. Actuellement, la réforme de 2016 a réduit le rôle direct du président dans le CSM, mais des questions persistent sur l'indépendance réelle.
De son côté, le système américain illustre une stricte séparation des pouvoirs, où le président n'a qu’un rôle indirect dans la nomination des juges fédéraux. Dans ce processus le président est chargé uniquement de nommer et seul le Sénat américain détient le pouvoir de rejet ou de confirmation. Cela vise à maintenir une certaine distance entre l'exécutif et le judiciaire.
L'Allemagne pour sa part maintient également une séparation rigoureuse des pouvoirs avec des organes distincts pour l'exécutif, le législatif et le judiciaire, évitant ainsi toute concentration excessive de pouvoir et préservant l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Le modèle progressiste sud-africain -
L'Afrique du Sud offre un cas fascinant de respect de la séparation des pouvoirs, essentielle pour la stabilité démocratique et la protection des droits constitutionnels depuis la fin de l'apartheid. Suit une exploration de la manière dont la séparation des pouvoirs est respectée dans le système judiciaire sud-africain.
La Constitution sud-africaine, adoptée en 1996 après la fin de l'apartheid, établit clairement les pouvoirs et les fonctions de chaque institution de l’État : l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Elle garantit également les droits fondamentaux des citoyens et définit les principes de gouvernance démocratique.
La Constitution insiste sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, affirmant que les tribunaux sont soumis uniquement à la Constitution et à la loi, et ne doivent pas être influencés par des intérêts politiques ou autres pressions externes. Les juges sont nommés de manière indépendante, et leurs décisions ne peuvent être annulées que par des procédures juridiques appropriées, garantissant ainsi leur autonomie dans l'interprétation et l'application de la loi.
La Cour constitutionnelle est la plus haute autorité judiciaire en matière constitutionnelle en Afrique du Sud. Elle est chargée de vérifier la constitutionnalité des lois et des actions du gouvernement, de protéger les droits fondamentaux des citoyens, et de maintenir l'équilibre entre les pouvoirs. La Cour constitutionnelle a le pouvoir de rendre des décisions contraignantes pour toutes les autres cours, garantissant ainsi l'uniformité et la primauté du droit constitutionnel.
En plus de la Cour constitutionnelle, l'Afrique du Sud dispose d'un système judiciaire complet avec des tribunaux inférieurs qui traitent des affaires civiles, pénales et administratives à différents niveaux. Chaque niveau de tribunal joue un rôle spécifique dans l'administration de la justice selon les lois applicables.
La Cour constitutionnelle a souvent été appelée à vérifier la constitutionnalité des lois adoptées par le Parlement sud-africain. Cela démontre son rôle crucial dans le maintien de la séparation des pouvoirs en s'assurant que les lois respectent les normes constitutionnelles et les droits fondamentaux.
Les juges en Afrique du Sud sont nommés sur la base de leur compétence professionnelle et ne sont pas soumis à des influences politiques directes. Cela garantit que leurs décisions sont prises en fonction du droit et non de considérations partisanes ou externes.
La séparation des pouvoirs renforce la protection des droits fondamentaux des citoyens en permettant au pouvoir judiciaire d'agir comme un contrepoids aux actions potentiellement inconstitutionnelles ou injustes du gouvernement ou du législateur.
En respectant la séparation des pouvoirs, l'Afrique du Sud renforce la confiance du public dans le système judiciaire, crucial pour la stabilité politique, économique et sociale du pays.
Se référer aux bonnes pratiques –
La Fondation Ford a joué un rôle significatif et historique dans le processus d'élaboration de la Constitution sud-africaine de 1996. Franklin Thomas, président de cette institution philanthropique américaine de 1979 à 1996, a été un acteur clé dans ce processus. Avant les négociations constitutionnelles officielles qui ont conduit à la Constitution de 1996, l’institution philanthropique américaine a soutenu financièrement des recherches approfondies et des débats critiques sur les principes et les modèles constitutionnels. Cela a permis de jeter les bases d'une réflexion constructive et informée parmi les diverses parties prenantes en Afrique du Sud.
Des rencontres et des dialogues ont été facilités entre les leaders politiques, les juristes, les universitaires, ainsi que les représentants de la société civile et des communautés marginalisées. Ces forums ont joué un rôle crucial en encourageant la participation démocratique et en favorisant la compréhension mutuelle nécessaire à la construction d'un consensus constitutionnel.
Par ailleurs, plusieurs organisations de la société civile en Afrique du Sud ont joué un rôle actif dans les négociations constitutionnelles. Cela comprenait des groupes de défense des droits humains, des organisations communautaires et des instituts de recherche juridique.
En encourageant des initiatives visant à promouvoir la justice sociale, l'équité raciale et les droits fondamentaux, ces efforts ont contribué à ancrer ces valeurs dans le processus constitutionnel sud-africain. Cela a été essentiel pour contrer les héritages de l'apartheid et pour établir un cadre constitutionnel solide basé sur les principes de l'État de droit et de la démocratie.
Le rôle de ces initiatives dans l'élaboration de la Constitution sud-africaine a laissé un héritage durable de liberté et de justice en Afrique du Sud. La Constitution de 1996 est largement reconnue comme l'une des plus progressistes au monde, protégeant une vaste gamme de droits et établissant des mécanismes forts pour la protection de la démocratie et de l'État de droit.
L'expérience sud-africaine a souvent été citée comme un modèle pour d'autres pays en transition ou confrontés à des défis de consolidation démocratique ou de rupture systémique. Elle démontre l'importance du partenariat entre les acteurs nationaux dans la promotion de la bonne gouvernance et des droits humains.
Nécessité d'une transformation systémique au Sénégal –
Avec l'arrivée au pouvoir du mouvement Pastef, il est crucial pour l’administration Faye-Sonko de ne pas tomber dans le piège des petites réformes qui maintiennent intact le système ancien mais d'envisager une réforme judiciaire qui s'inspire des meilleures pratiques internationales, telles que celles observées en Afrique du Sud.
Décoloniser et émanciper la justice au Sénégal implique de repenser et de réformer le système judiciaire de manière à renforcer l'indépendance, la transparence et l'efficacité. S'inspirer des meilleures pratiques internationales tout en adaptant ces modèles au contexte spécifique du Sénégal est essentiel pour promouvoir une gouvernance démocratique solide et durable, répondant aux aspirations des citoyens pour une justice juste et équitable. L’instrumentation politique de la Justice doit devenir une affaire du passé au Sénégal.
Réformer la Justice pour assurer la Rupture au Sénégal ne peut se concevoir que dans un cadre plus général de refondation des institutions. L’éditorial SenePlus publié sous le titre “Pour une théorie du changement“ développe cet aspect de manière explicite. L’ambition pastéfienne de sortir le Sénégal du système néocolonial est partagée par l’écrasante majorité des Sénégalais et des jeunesses africaines. Cette ambition doit cependant être exprimée dans la présentation d’un cadre général clair, discuté et élaboré avec les citoyens. Le processus doit être réfléchi, inclusif et sérieux. Cela aussi, c’est la Rupture exigée par les Sénégalaises et les Sénégalais le 24 mars 2024.
UNE ODE À L’UNITÉ NATIONALE
Pièce théâtrale «Aguène et Diambone» - Cette histoire de Aguène et de Diambone, écrite par Saliou Sambou, ancien Gouverneur de Fatick et de Dakar, a été adaptée par Mamadou Seyba Traoré
Le Théâtre national Daniel Sorano a offert, vendredi dernier, une représentation scénique de «Aguène et Diambone», une pièce qui a réuni la troupe nationale dramatique, les comédiens du ballet national La Linguère et l’ensemble lyrique traditionnel. Une fusion enchanteresse de danse, de chant et de théâtre mise en scène par le comédien Omar Ciss. Cette histoire de Aguène et de Diambone, écrite par Saliou Sambou, ancien Gouverneur de Fatick et de Dakar, a été adaptée par Mamadou Seyba Traoré.
Présentée au Théâtre national Daniel Sorano devant un public relativement nombreux, la pièce est interprétée par les trois entités de la compagnie du Théâtre national Daniel Sorano, à savoir la Troupe nationale dramatique, les comédiens du ballet national La Linguère et les éléments de l’ensemble lyrique traditionnel. Conçue et mise en scène par Omar Ciss, sur un texte adapté par Mamadou Seyba Traoré, la pièce a été servie «après un mois de préparation». D’une durée de 60 minutes, le spectacle raconte l’histoire poignante des sœurs jumelles Aguène et Diambone, filles de la Casamance et véritable fierté de leur village grâce à leur beauté et leur éducation exemplaire. Dans cette adaptation de l’œuvre de Saliou Sambou, l’intrigue se déploie autour de leur amitié avec le patriarche Kagoundia et leur tentative d’apprivoiser la sorcière Djibambou Kani qui, sous une apparence bienveillante, fomente en réalité une vengeance contre le village. Conseillées par Djibambou Kani, les jumelles vont à la pêche en mer un jour interdit et disparaissent, provoquant une grande tristesse parmi les villageois qui organisent leurs funérailles symboliques. Cependant, contre toute attente, Aguène et Diambone survivent et, après de nombreuses péripéties, donnent naissance aux peuples sérère et diola. Le déroulé du spectacle s’étend également aux aventures de leurs sœurs cadettes, Maan et Débo, dont les périples mènent à l’origine des peuples lébou et halpulaar. «C’est ainsi que Diolas et Sérères, Lébous et Halpulars sont cousins et, suivant la volonté de Kagoundia, tenus à un devoir de bonne humeur et d’entraide… Honte à qui se fâche en premier lieu», nous renseigne l’ouvrage illustré par la comédienne Yacine Félane Diouf.
A travers cette adaptation théâtrale mêlant drame social, touches d’humour et une fusion enchanteresse de danse et de chant, les comédiens ont su replonger les spectateurs au cœur-même des mythes des cousins sérères et diolas. Audelà du simple divertissement, cette pièce de théâtre démontre également que le cousinage à plaisanterie est le moyen que les ancêtres ont trouvé pour réguler les tensions sociales et prévenir les guerres entre voisins, comme l’avait envisagé Saliou Sambou, haut fonctionnaire sénégalais et artisan de la paix en Casamance. Et donc, à travers cette pièce de son ouvrage, c’est un message de solidarité et de compréhension mutuelle entre les différents groupes ethniques du Sénégal qui a été transmis par les comédiens de Sorano.
«Le pays est un et indivisible»
A l’issue de la représentation, le professeur Maguèye Kassé a exprimé sa satisfaction. «C’est un sentiment de très grande satisfaction. Quand le Théâtre national Daniel Sorano prend le parti de mettre sur scène un ouvrage et une pièce aussi importante, d’une actualité sans conteste, pour que le pays sache qu’il est un et indivisible. Donc, nous avons intérêt à connaître notre passé pour pouvoir construire notre présent et nous projeter vers l’avenir. Il faut absolument que nous protégions notre mémoire collective qui est portée par les anciens», a déclaré Maguèye Kassé, estimant que le Sénégal est un pays de tradition culturelle où le cousinage à plaisanterie est très vivace. «Aguène et Diambone nous renvoie à notre commun vouloir de vie commune. Et nous devons le cultiver au niveau de nos enfants», fait-il savoir. De son côté, le comédien et metteur en scène, Omar Ciss, a partagé également son enthousiasme quant à la portée du spectacle. «Cette création est basée sur la paix parce que ça retrace un peu notre histoire. Et Sorano, étant une compagnie de théâtre nationale, doit s’intéresser à ce qui se passe dans son pays», a expliqué le metteur en scène.
RENDRE AUX ENFANTS AFRICAINS LA PAROLE À L'ÉCOLE
« les Africains sont les seuls au monde à commencer leur éducation avec une langue qui n'est pas celle qu'ils parlent à la maison »
(SenePlus) - La qualité de l'éducation en Afrique reste un sujet brûlant, notamment sur la place à accorder aux langues locales dans l'enseignement. C'est ce problème épineux que Gilles Yabi, responsable du Think Tank Wathi, a décortiqué lors de sa chronique hebdomadaire sur RFI.
Selon lui, l'enseignement dans les langues officielles héritées de la colonisation est un frein majeur aux apprentissages. "Les enfants apprennent mieux et sont plus susceptibles de poursuivre leurs études lorsqu'ils commencent leur scolarité dans une langue qu'ils utilisent et comprennent", souligne-t-il, citant un rapport de la Banque mondiale de 2021.
Son invité Hamidou Seydou Hanafiou, docteur en linguistique, abonde dans ce sens : "Les Africains sont les seuls au monde à commencer leur éducation avec une langue qui n'est pas celle qu'ils parlent à la maison".
Pourtant, malgré ce constat partagé par de nombreux experts, l'enseignement en langues locales peine à s'imposer. Gilles Yabi dénonce "l'absence de volonté politique, les changements réguliers d'orientation stratégique et l'incapacité des États à prendre le relais des financements extérieurs".
Cette réticence trouve parfois ses racines au sein même de l'appareil étatique selon le Dr Hanafiou : "Des hauts fonctionnaires sont parfois les plus hostiles à l'enseignement dans les langues premières. Il est difficile d'obtenir des résultats lorsqu'on applique des politiques auxquelles on ne croit pas".
Au-delà du simple apprentissage, l'enjeu est de taille pour Gilles Yabi : "C'est la préservation du riche patrimoine linguistique des pays africains qui est en jeu". Une vision partagée par le représentant de l'ambassade d'Irlande, qui a rappelé l'importance de valoriser sa langue nationale malgré la colonisation britannique.
L'animateur conclut avec lucidité : "Les peuples africains ne sont pas les seuls à avoir été victimes du crime de la colonisation. On s'en relève par l'obsession du bien-être des populations, le travail de longue haleine, la tempérance et l'adaptation au monde réel". Un message clair : les solutions toutes faites n'auront pas raison de ce défi éducatif de taille.
LA FATICKOISE MAME FAMA GAYE ÉLUE MISS SÉNÉGAL 2024
Agée de 24 ans, et mesurant 1 mètre 80, elle est une étudiante en master 2 à la faculté des sciences juridiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Dakar, 13 juil (APS) – Mame Fama Gaye, originaire de la région de Fatick, a été élue, vendredi soir, Miss Sénégal 2024 lors de la grande finale organisée au Grand théâtre national Doudou Ndiaye Rose.
Miss Sénégal 2024, âgée de 24 ans, et mesurant 1 mètre 80, est une étudiante en master 2 à la faculté de sciences juridiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Fatou Bintou Guèye, 22 ans, Miss Louga, a été élue première dauphine tandis que Maïrame Ly, de Dakar, 23 ans, complète le podium comme deuxième dauphine.
Miss Sénégal a reçu un terrain et une bourse de 17 millions. Les dauphines ont reçu chacune une bourse de 17 millions.
Mame Fama Gaye qui succède ainsi à Fatou Lo miss Sénégal 2021, a dit toute sa ”fierté de représenter” son pays dans le monde et de ”participer à des projets caritatifs’’.
La ministre de la Famille et des Solidarités Maïmouna Dièye qui a présidé la cérémonie a magnifié le thème de cette édition axé sur ‘’L’autonomisation de la femme’’.
‘’Nous sommes heureux d’avoir des Miss qui, en plus d’être belles, sont intelligentes’’, a-t-elle déclaré non sans les appeler à ne jamais perdre de vue les valeurs ancestrales sénégalaises de dignité et du travail où qu’elles soient.
‘’La Miss est comme est une athlète, elle doit être une vitrine pour vendre l’image du Sénégal à travers le monde”, a de son côté rappelé la ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Khady Diène Gaye, tout en demandant aux Miss d’être des leaders et des relais au sein de leur communauté.
L’organisation de ”Miss Sénégal 2024” a connu une innovation avec la mise en place d’un comité éthique, dirigé par l’ancienne députée Hélène Tine.
”Le comité éthique est mis en place pour rassurer les parents des participantes que leurs enfants sont en sécurité avec des personnes responsables et que leurs droits seront respectés”, a t-elle expliqué.
Les représentantes des 14 régions du pays ont participé à la compétition.
LE CNRA MET EN DEMEURE LES MÉDIAS DE VEILLER À LA PRÉSERVATION DES VALEURS
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel dit avoir constaté, ces derniers temps, une recrudescence d’insultes et d’insanités dans des séries télévisées, des plateaux et débats et en est régulièrement interpellé.
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) met en demeure les médias de veiller à ce que les propos, comportements et images indécents, obscènes, outrageants ou injurieux ainsi que les scènes et propos susceptibles de nuire à la préservation des valeurs, sensibilités et identités culturelles sénégalaises ne soient plus diffusés.
Dans un communiqué rendu public, mardi, le CNRA dit avoir ‘’constaté, ces derniers temps, une recrudescence d’insultes et d’insanités dans des séries télévisées, des plateaux et débats et en est régulièrement interpellé’’.
Il rappelle que ‘’le constat, qui s’accentue, de la présence d’insultes, vulgarités et autres propos, déclarations ou présentations visuelles qui offensent la morale en général, dans les contenus audiovisuels avait justifié la diffusion de communiqués en date du 03 décembre 2020 et du 28 janvier 2021 pour mettre en garde les médias sur les conséquences de telles pratiques’’.
Par ce communiqué, le CNRA ‘’met en demeure les médias audiovisuels, quel que soit leur mode de diffusion, et les producteurs, de veiller à ce que les propos, comportements et images indécents, obscènes, outrageants ou injurieux ainsi que les scènes et propos susceptibles de nuire à la préservation des valeurs, sensibilités et identités culturelles sénégalaises ne soient plus diffusés’’.
Il signale que ‘’le non-respect de la présente mise en demeure expose les médias et les productions concernés aux sanctions prévues par la réglementation pouvant aller de l’interdiction de diffusion des séries, productions et émissions en cause au prononcé d’autres sanctions contre les chaînes qui diffusent lesdits programmes’’.
LA VISION RENOUVELÉE DU TOURISME DE DOUDOU GNAGNA DIOP
Un autre tourisme existe au Sénégal. Un tourisme intégré et durable qui valorise les cultures et le patrimoine local. Doudou Gnagna Diop, un acteur du tourisme fait découvrir à travers son ouvrage « Sénégal, l’autre tourisme »
Un autre tourisme existe au Sénégal. Un tourisme intégré et durable qui valorise les cultures et le patrimoine local. Doudou Gnagna Diop, un acteur du tourisme fait découvrir à travers son ouvrage « Sénégal, l’autre tourisme » cette mamelle qui, selon lui, doit être un moteur de progrès social et économique.
A Thiès ce samedi 13 juillet, Doudou Gnagna Diop va présenter son ouvrage « Sénégal, l’autre tourisme ». A partir d’une trajectoire de plus d’une quarantaine d’années dans le secteur du tourisme local et en France, Doudou Gnagna Diop, par ailleurs président de l’Organisation nationale pour l’intégration du tourisme du Sénégal (Onits), a décidé de présenter à l’opinion nationale et internationale une vision renouvelée du tourisme dans notre pays. L’auteur dépeint un secteur vibrant de potentiel inexploité, pouvant stimuler un développement économique significatif au Sénégal. Il critique l’approche actuelle du tourisme, souvent élitiste et isolée des réalités des communautés locales et propose un modèle de tourisme intégré et durable qui valorise les cultures et patrimoine local. Le fondateur à Thiès de l’Elite Ecole Hôtelière et Tourisme (EEHT), qui offre une formation diversifiée dans les secteurs du tourisme pour des élèves niveau BFEM et BAC, note que si le Sénégal dispose de pôles naturels comme le Lac Rose, Gorée, Saint-Louis, la Casamance, il n’a jamais pu créer d’autres pôles d’attraction. Or, insiste Doudou Gnagna Diop, « le tourisme est un facteur de développement socio-économique qui, indiscutablement, réduit la pauvreté quand il est en croissance et la favorise lorsqu’il est en décroissance. Non maîtrisé, il déclenche systématiquement d’énormes impacts négatifs sur l’environnement de la société et des ressources naturelles. Le tourisme est l’affaire de tous, quel que soit le terroir où il est pratiqué. Il est centré sur l’homme au milieu de son patrimoine naturel, il doit être sur le respect aussi bien aux visiteurs qu’aux visités. Sa durabilité et son développement dépendent de 3 dimensions : l’accessibilité, l’accommodation et l’attraction qui nécessitent des actions innovantes majeures à tout moment ». « Sénégal, l’autre tourisme » est un condensé qui retrace une série d’initiatives personnelles et communautaires de l’auteur. Doudou Gnagna Diop montre ainsi comment le tourisme peut être un moteur de progrès social et économique en mettant un accent sur l’innovation, l’engagement communautaire et la conservation de l’environnement. Ce livre est essentiel pour quiconque s’intéresse à transformer le tourisme en une force bénéfique pour tous au Sénégal.
Par Penda MBOW
MOMAR COUMBA DIOP, L’ARISTOCRATE DE LA PENSÉE
La dimension intellectuelle de l’individu primait chez ce grand penseur. Sociologue de renommée internationale, mentor passionné, il a consacré sa vie aux savoirs et à la production de connaissances sur le Sénégal et l'Afrique
Momar Coumba Diop, devant la profondeur de la pensée d’Achille Mbembe, le surnommait l’aristocrate de la pensée. Mais faisant face au côté prolixe des travaux de Momar, sa perspicacité, sa domination des sciences sociales, ses multiples initiatives, il nous revient de déceler en lui, le véritable aristocrate de la pensée. Un homme de savoir, féru de culture mais d’une humilité et générosité extrêmes.
En vrai esthète, il aimait l’art, le beau, les habits raffinés et pouvait chanter la beauté de la femme sénégalaise. Rien n’échappait à l’oeil de l’érudit qu’il était ! Nous venons de perdre un véritable frère. Au moment, où nous aurions commenté les résultats des élections législatives françaises, tel un couperet, la nouvelle tomba : Momar Coumba Diop, le grand sociologue est décédé ! Dès que l’appel de son frère Yabsa s’afficha sur l’écran de mon portable- il était 18H 45- nous comprîmes tout de suite que le pire était arrivé car vers 13h, nous avions parlé à sa fille Mamy qui veillait à son chevet à Paris. Cela fait plus d’une semaine que nous le savions aux soins palliatifs mais nous refusions obstinément la réalité : Momar ne pouvait pas mourir comme ça; nous en avions perdu notre énergie. Il est parti un peu trop tôt car il avait encore des chantiers à achever . Par exemple celui de la réédition de cet ouvrage collectif si important : « le Sénégal et ses voisins ou encore l’histoire de l’Université de Dakar».
La vie de Momar se résumait à la production scientifique sur le Sénégal contemporain, l’édition chez Khartala et la relecture sans complaisance des textes de ses collègues, des jeunes chercheurs. Nous concernant, il fut un formateur en permanence, tel un mentor de la jeune assistante au département d’Histoire à partir de 1986. Dans les années 90, Momar, avec insistance nous orienta vers le CODESRIA . « Tu iras aux études sur le genre et Aminata Diaw vers la gouvernance ».
D’ailleurs nous finîmes par y diriger deux gender Institute. Il veillait aussi sur nos lectures d’honnête citoyenne. ‘As- tu lu, Penda les travaux d’Abdoulaye Ly par exemple, le premier docteur d’Etat en Histoire? interrogea t-il. Sachant que notre période d’études et d’enseignement est le Moyen âge et ayant une vocation « politique », il nous suggéra d’étudier continuellement selon sa perspective, celle de la période contemporaine. Parfois, il s’agit d’auteur qui sort complètement de notre champ intellectuel comme le philosophe italien Domenico Losurdo. Ce dernier est aussi historien.
En tant que communiste, il a produit une contre histoire du libéralisme remarquable! Momar appelait affectueusement ses collègues ; Mamadou Diouf devenait Modou, Djibril Samb Djiby, Mamadou Mbodji , Mamaadou, Mahtar Diouf, Abdoulaye Bathily, Boubacar Barry, Charles Becker, Mouhammed Mbodj , Ebrima Sall ou encore Ibou Diallo…
La dimension intellectuelle de l’individu primait chez ce grand penseur. Pour lui, par exemple Aminata Diaw , philosophe fut forte, même Abdoulaye Ly l’avait écrit soulignait-il. Il aimait Gaye Daffé avec lequel, il a entretenu une relation de complicité et qui le qualifiait d’intellectuel passionné et discret. Il aimait travailler avec Francois Boye, Alfred Inis Ndiaye, etc. Ibrahima Thioub fit une remarque fort appropriée après son départ à la retraite en 2015. « L’évaluation des nombreuses contributions reçues a confirmé l’existence d’une véritable famille intellectuelle qui s’est créée durant les trois décennies au cours desquelles Momar Coumba Diop , en puissant inspirateur de recherches, a impulsé sans relâche la production des savoirs sur le Sénégal et l’Afrique».
Momar fut le premier à avoir attiré notre attention sur les travaux de l’anthropologue et activiste sud africain Archie Mafeje de l’Ougandais Mahmoud Mamdani, penseur de la liberté académique ou encore de notre regretté Sam Moyo du Zimbabwe, qui nous fit saisir l’enjeu de la terre , Afrique australe.
Momar vouait une grande admiration pour Tandika Mkandawere, un des plus grands secrétaires exécutif du CODESRIA Nous échangions beaucoup sur la vie politique au Sénégal et l’ouvrage qu’il a co-publié avec Mamadou Diouf, le Sénégal sous Abdou Diouf, en 1992 est un incontournable pour comprendre les mutations rapides de la société sénégalaise on encore, l’ouvrage collectif qu’il a dirigé le Sénégal, trajectoire d’un Etat. Il a beaucoup aidé le Ministère de l’Economie avec plusieurs études prospectives, des analyses, etc. Momar Coumba, un esthète qui aimait le beau, l’art, le raffinement. Il a inculqué à ses enfants , Mamy , Gnilane, Ada, une excellente éducation. Il aimait beaucoup sa famille, ses frères et sœurs. Il vouait à feu son père , El hadj Nieul Diop et sa mère Madjiguène Diop, un respect quasi religieux. Une grande complicité le liait à son oncle feu Maguatte Lo, grand homme politique et ministre sous LS Senghor. Il a étroitement travaillé avec ce dernier au moment où il rédigeait ses mémoires. Momar va nous manquer et j’espère que l’Etat du Sénégal lui décerner à titre posthume, l’ordre national du Lion. Décoration méritée et qu’il a tant attendue.