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25 novembre 2024
Culture
ESSAOUT, L'AUTRE ROYAUME DU KASSA
De 1993 à mars 2014, Essaout était longtemps resté dans l’anonymat. Mais, le 4 avril de la même année, le cours de ce « petit » village a complètement changé avec l’arrivée au trône de l’actuel Roi, Silondébile Sambou, qui inscrit sa démarche
De 1993 à mars 2014, Essaout était longtemps resté dans l’anonymat total. Mais, le 4 avril de la même année, le cours de ce « petit » village a complètement changé avec l’arrivée au trône de l’actuel Roi, Sa Majesté Silondébile Sambou, qui inscrit sa démarche et sa méthode dans la continuité. Voyage dans l’antre de l’autre Royaume du département d’Oussouye qui existe depuis des siècles.
Essaout, avec son paysage si attrayant, n’était pas trop connu du grand public avant 2014. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Perdu dans les forêts de rôniers, ce village si accueillant, situé dans la commune de Santhiaba Manjack et qui s’étend vers les rizières et le cours d’eau, abrite l’un des Royaumes du Kassa. Dans le département d’Oussouye, en plus de celui-ci, il y a le Royaume d’Oussouye dont le bois sacré se situe non loin de l’ancienne gare routière, celui de Mlomp, mais également de Kalobone dont le trône est en vacance (le Roi Sihang Ediam Djibalène étant décédé en octobre 2014). Pour s’y rendre, il faut, à partir du village de Diakène Diola, emprunter une route latéritique plus ou moins en bon état. Ce mardi 23 août, nous avons entrepris ce voyage vers ce Royaume. Sur le long de la route qui mène à Essaout, distante de moins de 10 kilomètres, des champs de patate, des plantations d’anacardiers et de vastes étendues d’arachide sont à perte de vue. Ce périple est loin d’être pénible. Après seulement quelques minutes de route, nous découvrons de loin de grands manguiers et fromagers géants. C’est « likoukine » (les premières habitations d’Essaout). C’est ici où les Essaoutois avaient habité en premier avant de se déplacer vers le site actuel. À gauche de cet endroit, aujourd’hui inhabité et englouti par les forêts, l’ancien bois sacré, mais aussi « sinkoo », leur cimetière. C’est une petite distance qui sépare « likoukine » au village d’Essaout. Nous dépassons ces anciennes habitations et continuons notre progression vers ce hameau qui compte en son sein cinq quartiers, dont Ekaffe, Etouta, Kheuneute, Djiloubougaye et Eguéguémosse. Deux minutes plus tard, nous entrons à Essaout. À notre montre, il faisait 10 heures 23 minutes. Juste à droite de l’entrée du village, une vaste forêt verdoyante au sein de laquelle trône de grands arbres. C’est le bois sacré ou la demeure de l’actuel Roi d’Essaout, Sa Majesté Silondébile Sambou.
UN MYTHE JAMAIS DÉSACRALISÉ
Bienvenue dans l’autre royauté du Kassa. L’une des plus anciennes. Dans l’histoire, Essaout avait été envahi à deux reprises par Oussouye, du temps du Roi Diankeubeu, puis par Niomoune. Et les habitants avaient été contraints de quitter leur village pour trouver refuge ailleurs. Cependant, ils trouvaient toujours le moyen de revenir sur les terres de leurs ancêtres. En cette matinée du mardi 23 août, un calme olympien règne dans Essaout. Dans une boutique implantée en face du bois sacré, nous y avons trouvé Néo Diédhiou. C’est lui qui nous a indiqué le chemin qui mène au domicile du Roi, là où il vivait avec sa famille bien avant qu’il ne soit désigné pour prendre les rênes du Royaume. Tout le village ou presque s’est vidé de ses occupants. C’est la période des travaux champêtres. D’ailleurs, la nuit de lundi 22 à mardi 23 août, le ciel y a véritablement ouvert ses vannes au grand bonheur des populations qui veulent terminer très vite la culture du riz avant le démarrage des événements festifs, notamment la lutte traditionnelle inter-villages et autres soirées culturelles. Ce jour-là, nous avons eu la chance de trouver le Roi Silondébile Sambou dans son ancienne demeure « liboutong » et non pas dans son Palais royal. Il était sorti pour aider les enfants à détacher son troupeau. S’il était à l’intérieur du bois sacré, il fallait faire appel à un membre de la Cour royale ou un initié pour nous y conduire. Il faut impérativement un intermédiaire, car personne n’y met les pieds sans être accompagné. C’est interdit (« nieyi nieyi », en diola), aux yeux de la religion traditionnelle. Dans toute la capitale départementale, et même au-delà, tout le monde le sait et nul n’est censé ignorer cette loi édictée par les ancêtres. Ce mythe ne sera jamais désacralisé, pour rien au monde. D’ailleurs, une fois à l’intérieur du bois sacré, il y a une cour exclusivement réservée aux visiteurs et les non-initiés dans la mesure où personne n’a le droit de pénétrer dans la résidence du Roi tenue secret et implantée loin des regards. C’est tout le sens du « nieyi nieyi », le maître-mot dans ce Royaume.
UN ROYAUME, MAIS PAS UNE MONARCHIE
Dans le département d’Oussouye, la royauté est différente de celles en Occident, par exemple, où depuis le XVIIe siècle, celles-ci sont considérées comme des régimes politiques. Pour ce cas précis, c’est seulement une personne qui exerce son plein pouvoir. Par contre, dans le Kassa, le Roi Silondébile Sambou a certes une autorité suprême, mais ne décide jamais seul. Au sein du bois sacré, il y a toute une organisation. Le Roi ne peut, en aucun cas, s’autoproclamer Roi. Pour le cas d’Essaout, c’est la famille Batéfousse qui installe le Roi. Avant de prendre une décision quelconque, Sa Majesté a l’obligation de consulter les membres de la Cour royale. Celle-ci est composée de trois familles. Il s’agit de Kheuneute, Ekaffe et Etouta. Le Royaume fonctionne comme un Gouvernement dont les Ministres sont nommés dans ces trois familles qui composent, en tout, la famille Batéfousse. Dans ce Gouvernement, tous les membres sont d’égale dignité. Mais, celui considéré comme le chef est celui qui est chargé de verser le vin de palme au moment de consulter le fétiche. Le trône est tournant, mais les fils du Roi ne seront jamais rois.
RÉGULATEUR SOCIAL ET MÉCANICIEN AU TRÔNE
Dans la société traditionnelle diola, le Roi a de lourdes responsabilités. Au-delà d’incarner un leadership fort et de gagner la confiance des populations, sur ses épaules, repose la mission de pacifier les nouveaux conflits qui surgissent au quotidien dans les villages qui sont sous sa tutelle. Chef coutumier suprême par excellence, il prie, tous les jours, pour que la paix règne dans tout le département, la région de Ziguinchor, la Casamance et tout le pays. De plus, Sa Majesté le Roi Silondébile Sambou use de toute sa diplomatie pour résoudre les différends, notamment les litiges fonciers. Il y a quelques années, il a définitivement réglé le problème entre Diakène Diola et Essaout qui se battaient pour le contrôle des hectares de terres. Avant de présider aux destinées du Royaume d’Essaout, le Roi Silondébile, auparavant Justin Sambou, intronisé le 4 avril 2014, après 21 années de vacance du trône, n’a jamais su qu’il allait porter un jour tout le peuple « essoubouhang » et agir en même temps sur certains villages qui se situent en terre bissau-guinéenne. Cette année-là, c’est un nouveau chapitre de sa vie qui s’est ouvert. Ainsi, il met une croix sur ses habitudes et occupations d’antan. Titulaire d’un Certificat de mécanique de la septième catégorie poids lourd et léger, le Roi Silondébile Sambou voulait s’exiler aux Pays-Bas, en 1996, au terme de sa formation. Sur place, il devait travailler comme transitaire. D’ailleurs, certains de ses camarades de promotion avaient été coptés par les Hollandais et un autre est parti en Belgique. Brillant mécanicien, il était le seul à être recalé. Pourquoi ? « À ce moment-là, j’avais du mal à comprendre. Je me disais, mais pourquoi mes camarades sont partis sauf moi. Ce n’était pas possible. J’avais remué ciel et terre pour pouvoir être de ce voyage. J’ai tout fait pour quitter au moins ma région natale et monnayer mon talent ailleurs. Mais, j’étais toujours à la case de départ. En revanche, au mois d’avril 2014, j’ai tout compris », confie-t-il avec un brin de sourire. Le fétiche ne voulait pas qu’il bouge. Dans sa famille, les sages savaient déjà que c’est lui qui allait diriger le Royaume. Mais, lui n’en savait rien du tout parce que ces derniers n’ont pas le droit de le lui dire.
Après ce voyage avorté, il décida de rester dans le domaine de l’automobile. Il avait son propre taxi « clando » et travaillait pour son compte. En avril 2014, arrive le moment le plus redouté : son intronisation, synonyme de fin de carrière et d’une ère. Un autre devoir l’appelle. Un autre sacerdoce pas du tout facile. Une charge plus complexe. Neuvième Roi de la famille Kamanang et successeur du défunt Roi Sihangounew Diatta, de la famille Ekaffe (choisi par les sages parce que personne ne pouvait assurer cette fonction dans la famille Sambou), Sa Majesté le Roi Silondébile Sambou joue pleinement son rôle. Il dit ne rien regretter, bien au contraire. « J’ai quitté l’école en 1990, après l’obtention de mon Certificat de fin d’études élémentaires (Cfee). Ensuite, j’ai fait 10 ans dans la mécanique automobile. Vous savez, je n’ai jamais su que j’allais être porté à la tête du Royaume d’Essaout. Je n’y jamais pensé. Mais, de tous mes trois autres frères, j’ai été choisi par les sages et je ne peux m’y opposer. Cette chose est mystique. On ne peut vous l’expliquer. Cela fait huit ans que j’endosse cette responsabilité sans aucun regret. C’est une fierté », soutient le successeur du Roi Sihangounew Diatta.
Issue d’une fratrie de neuf personnes (quatre garçons et cinq filles), « Maane », comme l’appellent affectueusement les Diolas en signe d’allégeance et de respect, est le cinquième. Très jeune au moment de son intronisation, Silondébile Sambou se dit prêt à se battre au quotidien pour une Casamance et un Sénégal prospèrent.
CES IDENTITÉS REMPLIES DE MYTHES ET DE SENS
Au-delà de permettre la distinction entre les personnes, le nom constitue l’identité de chacun, du Peul au Sérère en passant par le Wolof et le Diola. Les religions révélées ont aussi joué leur partition dans le choix de ces dénominations
Un prénom raconte une histoire. Il est la première note dans la vie d’un enfant, le définit et le caractérise. Mais, derrière cette dénomination, se cache tout un mythe, selon les ethnies, car elle en dit plus que ce qu’elle veut montrer. Au-delà de permettre de faire la distinction entre un tel et un tel, le nom constitue l’identité de chacun de ses membres, du Peul au Sérère en passant par le Wolof et le Diola. Les religions révélées ont aussi joué leur partition dans le choix de ces dénominations souvent si singulières.
« Quel est ton nom ? » demande le surveillant en le fouettant sans pitié, et l’esclave de répondre : « Mon nom est Kunta Kinte », les pieds et les mains attachés. Le fouet s’abat de nouveau sur lui, jusqu’à ce qu’il dise que son nom est Toby et non Kunta Kinte. Cette scène de l’épisode 1 de la mini série sur l’esclavage, Roots (Racines), sortie dans les années 1970, montre l’attachement de Kunta Kinte à son nom de naissance. Cela reflète son appartenance ethnique et ses origines dont il n’était pas prêt à se départir pour adopter le nom Toby choisi par son maître. C’est ce qu’a aussi voulu montrer feu Abass Diao dans son Mémoire d’études publié à l’École nationale supérieure des bibliothèques en France, dans les années 80, sur l’étude des noms sénégalais. Le prénom est, d’après l’auteur, un signe d’appartenance ethnique. De ce fait, il remplit différentes fonctions. Il y a, selon lui, tout un symbolisme autour de la grossesse de la femme, de la naissance et du nom donné à l’enfant. Cela explique les choix des prénoms que l’on retrouve uniquement dans une ethnie bien donnée et dans un contexte précis.
Talisman contre la faucheuse
Bougouma (je ne t’aime pas), Amul Yakaar (sans espoir), Ken Bugul (personne n’aime), Biti Loxo (l’extérieur de la main), Yadikoon (tu étais venu) ou encore Sagar (tissu sans valeur) sont autant de prénoms qui, à première vue, font sourire et peuvent même susciter des moqueries, car inhabituels, voire rares. Mais, le prénom est un boubou qu’on peut difficilement enlever. Malgré sa singularité, il revêt un sens particulier. Ndèye Codou Fall Diop explique que ces dénominations ont la même source. L’enseignante en écriture wolof au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) renseigne que ces noms sont donnés à des personnes dont la mère accouche et que son enfant meurt de façon répétée ou perd des enfants à bas-âge. Les prénoms dits « yaradaal » sont toujours présents dans la société wolof et sont des noms conjuratoires attribués à des enfants pour éviter leur mort précoce dans un contexte familial de décès juvéniles à répétition.
Les anthroponymes antinomiques sont présents chez les Halpulaars et sont destinés à « vaincre » la mort. « Nous avons des prénoms tels que Tekkere, assimilé à un morceau de tissu sans valeur, ou encore Ndoondi qui veut dire cendre », affirme Papa Ali Diallo, spécialiste en sciences du langage. Il peut y avoir une motivation à l’antinomie pour décrédibiliser en apparence l’enfant et le dévaloriser. Mais, cela représente, selon le linguiste, une stratégie pour assurer sa survie.
Les Sérères ont aussi des prénoms ayant trait à la mort comme Gaskel, Honan ou encore Nioowi. « On exorcise la mort en l’intégrant dans le nom du nouveau-né pour tromper les forces de la mort », explique Sobel Dione, un adepte de la culture sérère aux textes très lus sur le réseau Facebook. Felwine Sarr, Mouhamed Mbougar Sarr ou encore Léopold Sédar Senghor sont des noms familiers et les personnes qui les portent ont brillé par leur intelligence. Cependant, derrière ces figures, se cachent des anthroponymes lourds de sens. Felwine désigne celui qui est aimé de tout le monde ; Sédar, celui qui n’aura jamais honte, et Mbougar signifie celui qu’on n’aime pas. Ils tracent, dès la naissance, la trajectoire des bambins et influent sur leur vie. Dans la culture sérère, ces noms sont très répandus, d’après Sobel Dione. Le passionné de la culture sérère soutient que le prénom et le nom sont constitutifs de la personne dans cette ethnie. Il est plus qu’un signe, il est une figuration symbolique de la personne. « Le prénom situe l’individu dans le groupe, il représente le corps, l’âme, le totem », fait savoir ce dernier. Sobel Dione cite comme exemples des noms comme Ngor qui veut dire le vrai homme, Sobel qui signifie celui qui précède tout, Fakhane pour désigner la gentille, la tendre, Mossane, la belle, ou encore Ñokhor, le bagarreur.
L’attribution du prénom intervient entre un et six ans chez les Diolas, d’après les explications de Paul Diédhiou. L’anthropologue de formation renseigne que cette singularité se traduit par le fait que par le prénom, on peut appréhender les notions d’enfer, de paradis et de réincarnation. Ceci renvoie également à la singularité du prénom diola qui « meurt » (kukét) avec la personne qui le porte si toutefois cette dernière décède à la fleur de l’âge. « C’est un sacrilège que de nommer une personne qui meurt jeune. C’est pour cette raison que l’on prend la précaution de prénommer les enfants entre un et six ans », relève-t-il.
Une marque distinctive
Les qualificatifs des prénoms sont aussi retrouvés chez les Peuls avec des anthroponymes honorifiques, tels que Ceerno pour dire savant/enseignant, Elimaan pour dire imam. Selon les explications de Pape Ali Diallo, spécialiste en sciences du langage, il existe, dans ce même registre, des appellations comme Malaado désignant celui qui est béni, Mawɗo signifiant homme mature, Cellu pour celui qui est en bonne santé, entre autres. Gora pour brave homme, Serigne désignant savant, Gorgui signifiant homme mature, Soxna pour désigner une épouse ou encore Magatte pour femme ou homme mature, sont autant de noms qualificatifs retrouvés chez les Wolofs.
Le prénom se basant sur un des traits de l’enfant est retrouvé également chez les Diolas. À titre d’exemple, Paul Diédhiou, anthropologue de formation, cite des noms tels que Djalissa qui désigne un enfant chétif, Djamissa qui signifie chétive pour une enfant, Akodji pour désigner le vilain ou encore Anatolediakaw pour la vilaine.
« Un des critères pour déterminer le moment à partir duquel on attribue un prénom à un enfant est la marche », explique Paul Diédhiou. L’enseignant-chercheur à l’Université Assane Seck de Ziguinchor relève que lorsqu’un enfant sait réellement marcher ou courir, il peut se voir attribuer un prénom. Ainsi, jusqu’à ce stade, le bambin n’en porte pas.
«CONVERSATIONS FEMININES PARTICIPE A LA TRANSMISSION INTERGENERATIONNELLE»
Zoubida Fall est l’auteure d’un blog d’écriture dans lequel elle réagit à tout ce qu’elle observe et entend, tout ce qui l’interpelle, surtout lorsqu’il s’agit de violences et d’injustices. Un mardi sur deux, une nouvelle invitée converse pendant une heure et sur un ton intimiste, avec la créatrice du site Kokolam, une plateforme de production de contenus écrits et de créations sonores lancée en 2017.
Propos recueillis par Ousmane SOW – D’où vous est venue l’idée de faire ce podcast, «Conversations féminines», et pourquoi ?
De toutes mes conversations manquées. Je reste une grande nostalgique d’un temps que je n’ai pas connu. J’aurais aimé m’asseoir et converser avec toutes ces femmes qui ont, d’une manière ou d’une autre, contribué à faire de nous ce que nous sommes et qui ne sont plus de ce monde. Amplifier des voix, raconter nos histoires par nos voix et depuis nos centres sont la raison d’être de Conversations féminines.
Le monde du podcast est en effervescence. Quelles sont les principales raisons qui expliquent l’engouement autour ?
L’avantage du podcast réside dans le fait que vous pouvez le «consommer» en faisant autre chose. Dans un monde qui bouge de plus en plus et où nous disposons de moins en moins de temps libre, la possibilité d’apprendre, de découvrir, de lire, d’élargir son horizon de possibles, sans se couper de ce que nous sommes en train de faire, est immense. De ce fait, que ce soit au bureau, au volant, durant le ménage, au sport ou pendant une quelconque activité, il est possible de profiter d’un bon podcast.
Pensez-vous que l’avenir de cette technologie vocale est prometteur ?
Son présent l’est déjà même s’il reste encore très peu exploité dans nos pays. C’est un vrai marché avec près de 2,1 millions de podcasts à travers le monde et 424 millions d’auditeurs… Clairement, il y a de l’avenir.
Que préparez- vous pour les prochains podcasts ?
Encore plus d’épisodes, encore plus de rencontres avec encore plus de femmes inspirantes. Les femmes interviewées sont choisies parce qu’elles ont, à mon sens, marqué, d’une manière ou d’une autre, l’histoire du pays dans leurs domaines respectifs. Conversations féminines est un podcast qui participe au travail de documentation, de transmission dans le sens d’un dialogue intergénérationnel.
Pouvez-vous décrire les étapes de la conception d’un épisode ?
Il y a à peu près 5 étapes différentes, qui vont de la recherche de l’invitée à l’entrée en contact, suivie de la prise de rendez-vous avant d’espérer arriver au jour de l’enregistrement. Après l’enregistrement, arrive la partie «editing» que Mohamed Sow fait de fort belle manière. Ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il peut être envisagé une diffusion et une promotion autour de l’épisode. En résumé, beaucoup de préparations en amont, une méthodologie claire et définie, des étapes avec des porteurs dûment identifiés ainsi qu’une rigueur sans faille à chaque étape. Un mardi sur deux, une nouvelle invitée arrive. Le prochain épisode est prévu le 30 août prochain. Tous les épisodes déjà publiés sont disponibles sur toutes les plateformes de podcast et accessibles partout dans le monde sur www.dukokalam.com
Comment avez-vous découvert le monde des podcasts ?
Par curiosité devant tout ce que l’accès à Internet et à la technologie peut offrir, mais aussi par une exploration de nouvelles sources de connaissances, d’apprentissage et de voyage.
Pour revenir aux retours des auditeurs du podcast, avez-vous été globalement satisfaite ?
Nous avons une communauté formidable et des auditeurs fidèles. L’accueil qu’ils réservent à Conversations féminines à chaque nouvel épisode, est aussi ce qui fait l’essence même de ce podcast.
A quoi reconnaît-on un bon podcast ?
Un bon podcast est pour moi celui que je prends du plaisir à écouter et que je reviendrai écouter à l’occasion ou de manière continue.
Y’a-t-il une analogie entre le podcast et la lecture ?
Je considère juste que lire se fait de plusieurs manières. Ecouter en est une.
Vous êtes également auteure du recueil de nouvelles «Les miroirs du silence» ? De quoi parle-t-il ?
Ce titre était le plus indiqué pour ce recueil né de l’observation des passants dans les rues de Dakar depuis un rétroviseur. Derrière chaque silence, une vie, une tranche de vie, des histoires…
«DE TOUS NOS PRÉSIDENTS, MACKY SALL EST CELUI QUI CONNAIT LE MOINS SON PEUPLE»
De la culture à la politique, le cinéaste Moussa Sène Absa parle sans fard avec la franchise d’un homme libre qui s’intéresse au devenir de son peuple - ENTRETIEN
Le réalisateur sénégalais Moussa Sène Absa (64 ans) était l’invité d’honneur de la 16e édition du festival international cinémas d’Afrique de Lausanne, qui a consacré une Rétrospective à ses œuvres. Dans cet entretien, qui a eu lieu lundi dernier dans un hôtel lausannois, Moussa Sène Absa fait un plaidoyer pour la jeunesse et se prononce sur le débat sensible portant sur un éventuel troisième mandat de Macky Sall. De la culture à la politique, l’enfant de Yarakh parle sans fard avec la franchise d’un homme libre qui s’intéresse au devenir de son peuple.
Question - Votre travail cinématographique a été plébiscité à Lausanne lors du festival Cinémas d’Afrique. Quel est votre ressenti ?
Moussa Sène ABSA - J’ai la chance de recevoir un hommage de mon vivant. En général, les hommages se font à titre posthume. Cette rétrospective de mes œuvres cinématographiques mises en lumière par le festival international Cinémas d’Afrique de Lausanne me touche d’autant plus que mon travail a été reconnu et apprécié par des professionnels de ce métier que j’exerce depuis 1988. C’est dire que ça date... Il faut aussi rappeler que l’hommage du festival Cinémas d’Afrique de Lausanne était prévu en 2020 mais l’évènement a dû être reporté deux années d’affilée à cause de la crise sanitaire. Je me dois aussi de rendre hommage à des personnes extraordinaires que j’ai eu la chance de côtoyer. Je pense notamment à ma sœur de cœur Sam Genet et à Alex Moussa Sawadogo, respectivement coordinatrice générale et attaché artistique du festival lausannois. Malheureusement, Germain Coly, le directeur de la Cinématographie du Sénégal, n’a pas pu faire le déplacement car il a perdu sa maman 48h avant le départ pour la Suisse.
En parlant de Lausanne, que pensez-vous de cette ville ?
J’ai séjourné en Suisse en 1990 mais c’est la première fois que je mets les pieds à Lausanne. J’ai découvert une très belle ville avec des montées et des descentes incroyables ainsi qu’une propreté remarquable. J’ai découvert une ville avec beaucoup de verdure et ça me fait penser au contraste avec Dakar qui manque cruellement de verdure et de parcs. On parle de ce projet de vente à des privés de trois hectares de l’hôpital Le Dantec. Cela pourrait être une belle occasion de faire de ces trois hectares un parc arboré en face de l’océan. Dakar est une ville sans poumon vert. Il n’y a plus d’arbres dans cette ville. C’est regrettable et triste. Dans le Dakar de mon enfance, il y avait beaucoup d’arbres, des fruits sauvages dans la nature. Tout a disparu aujourd’hui.
Que dire de l’absence des autorités consulaires du Sénégal lors de cet hommage qui vous a été rendu ?
Il n’y a eu aucun officiel sénégalais qui est venu assister à ce festival. Cela veut dire beaucoup de choses. La culture n’intéresse pas les représentants de mon pays en Suisse. Pourtant, sur le plan international, le Sénégal est beaucoup respecté grâce à ses acteurs culturels.
Quelle est l’œuvre de votre filmographie dont vous êtes le plus fier?
La question est délicate. C’est comme demander à un parent de dire publiquement son enfant préféré. C’est très délicat. Mais on a tous un préféré. Je vais donc répondre. Je pense que « Yoolé » est un de mes films les plus touchants et les plus aboutis. Derrière les risques et les problèmes liés à l’émigration clandestine, j’aborde la politique de nos Etats. La politique au sens large du terme. D’ailleurs, même si, contrairement à « Madame Brouette » et « Tableau Ferraille », ce film est peu connu au Sénégal, il a été reconnu par les plus grands spécialistes du documentaire. Il a notamment été primé à l’IDFA, le festival international de documentaires d’Amsterdam ainsi qu’à New York.
Peut-on dire que « Yoolé » s’adresse aux politiques mais aussi à toute la société, y compris la jeunesse ?
Tout à fait. D’ailleurs, j’ai été bouleversé par le témoignage d’un jeune de Pikine que j’ai rencontré dans un centre de rétention de migrants en Sardaigne, en Italie. Il m’a dit en wolof «Si j’avais vu ce film avant de quitter le Sénégal, jamais je ne me serais aventuré dans l’émigration clandestine». J’ai eu très mal pour lui. Nous devons aider nos jeunes à rester. Et pour cela, il faut leur offrir des perspectives d’avenir. Un pays dont la jeunesse ne s’épanouit pas est un pays à l’avenir compromis. Il y a un dépit amoureux entre les politiciens au pouvoir et la jeunesse sénégalaise.
Quel est le projet cinématographique sur lequel vous travaillez actuellement ?
C’est « Xalé » qui constitue la dernière partie d’une trilogie qui comprend « Tableau Ferraille » et « Madame Brouette ». Une sortie est prévue en Californie en octobre puis à Adelaïde, en Australie. La sortie officielle aura lieu après cette tournée internationale. « Xalé » a été réalisé par une équipe à 100 % sénégalaise. Du producteur aux techniciens en passant par les comédiens. Tout a été tourné à Tableau Ferraille, le quartier de Yarakh où j’ai grandi. C’est mon royaume d’enfance. « Xalé » parle du viol, un sujet tabou au Sénégal.
Que pensez-vous des dérives des jeunes sur les réseaux sociaux ?
Il faut d’abord comprendre et accepter qu’il est difficile aujourd’hui pour un jeune d’être en dehors des réseaux sociaux. Il faut aussi reconnaître qu’il y a beaucoup d’exhibitionnisme et beaucoup d’ego sur ces réseaux sociaux. Mais même s’il faut vivre avec son temps, il ne faut pas perdre de vue que la société sénégalaise a des valeurs cardinales qui sont aujourd’hui transgressées sur les réseaux sociaux. Les adultes constatent ces dérives mais n’osent même plus dire attention de peur d’être «lynchés» en public. Les jeunes ont besoin de balises. Ils ont besoin d’être orientés et conseillés. Il y a des valeurs qui sont intemporelles. Donc, ça ne peut pas être ringard de les adopter et de les transmettre aux générations futures. Moi, je rêve de plusieurs Mark Zuckerberg africains qui vont créer des plateformes africaines qui vont concurrencer un jour des géants comme Google, Netflix ou Facebook. Il n’y a aucun complexe à avoir car l’intelligence est une des choses les mieux partagées au monde. Nous importons énormément de produits. En misant d’avantage sur sa jeunesse, l’Afrique peut dominer le monde. Un jour, en allant dans un supermarché à Popenguine, j’ai constaté qu’aucun article ne provenait du Sénégal. Il faut inverser cette tendance.
Les salles de cinéma ont disparu depuis belle lurette au Sénégal, notamment à Dakar. Comment réagissez-vous à ce constat ?
C’est un constat douloureux. Par le passé, on avait un large choix de salles de cinéma dans plusieurs quartiers de Dakar et de sa banlieue. La capitale avait de nombreuses salles : Magic, Plazza, Rialto, El Mansour, Al Akbar, Liberté, Le Paris... Le regretté Oumar Ndao, ancien directeur de la Culture de la ville de Dakar, avait un projet dénommé «une commune, un cinéma». Malheureusement, il n’est plus de ce monde. L’attractivité de Dakar sur le plan foncier a fait que les anciennes salles de cinéma étaient devenues une mine d’or pour certains investisseurs, qui ont fait une croix sur le cinéma et se sont enrichis grâce à ces salles. Le Sénégal a toujours été un temple du cinéma africain. Lors de ses déplacements à l’étranger, Senghor voyageait toujours avec des acteurs culturels. Puis, Abdou Diouf est venu et a été le fossoyeur du cinéma sénégalais en adoptant sa politique du «Moins d’Etat, mieux d’Etat» alors que les pays occidentaux continuaient de subventionner leur cinéma. Mais il faut savoir que le cinéma est éternel. Le cinéma ne peut pas mourir.
Vous parliez de rupture avec les politiciens. Vous avez connu Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall, les quatre présidents du Sénégal depuis l’Indépendance. Selon vous, qui d’entre eux a été le plus remarquable ?
Incontestablement, c’est Senghor. Dans ma jeunesse, je le considérais comme un pion de la France et je le combattais. Mais Senghor avait un charisme qui faisait rêver. C’était un homme de culture qui faisait respecter le Sénégal à l’étranger. Lors de mon premier voyage en Suède, les gens me parlaient avec admiration de Senghor. Lors de ses déplacements officiels à l’étranger, il voyageait avec des sculpteurs, des peintres, des danseurs, des hommes et des femmes de théâtre. Senghor a été un précurseur du «soft power» avec la culture. Je retiens aussi que Wade était le président le plus ambitieux. Il était plein de bonne volonté mais était entouré de marchands de tapis qui ne pensaient qu’à s’enrichir. Macky Sall est le président en qui j’ai eu le plus d’espoir. Il avait tout pour réussir. Il est né au Sénégal après l’indépendance, il a fait toutes ses études au Sénégal, a vécu en campagne et en ville. J’ai curieusement l’impression que c’est le président qui connaît le moins son peuple. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, il semble être décalé des réalités. Les gens qui parlent pour Macky Sall sont nuisibles pour lui car, à chaque fois qu’ils parlent, la distance entre le président et le peuple augmente. Macky Sall est le premier président du Sénégal qui n’a aucune identité remarquable autour de lui. Moi, je peux lui tenir un discours de vérité car je ne veux recevoir ni argent ni poste de prestige. Il devrait sortir du Palais et aller plus souvent à la rencontre de son peuple, aller parler aux artistes. Les artistes que Macky Sall écoute ne sont intéressés que par l’argent et le pouvoir.
Et que pensez-vous du débat sur un éventuel troisième mandat de Macky Sall ?
C’est une perspective dangereuse pour Macky Sall et pour le Sénégal. Macky Sall devrait avoir pour principal objectif de quitter le Palais la tête haute. A sa place, je profiterais de ces derniers mois à la présidence pour quitter l’APR et apaiser le climat politique en rappelant qu’être des rivaux en politique ne signifie pas être des ennemis. Il doit être un président qui prend de la hauteur, qui se met au-dessus de la mêlée, qui ne cherche à humilier ni à piéger aucun adversaire. Actuellement, de ce que je constate de la part des proches de Macky Sall, je vois que du scénariste au décor, en passant par les acteurs, tout est mauvais. Cela ne peut donner qu’un mauvais film.
Sur un plan personnel, pourquoi vous faites-vous appeler Moussa Sène Absa et non Moussa Sène ?
Mon papa est décédé trois jours après ma naissance. C’est ma maman qui s’est occupée de mon éducation. Après le décès de mon papa, elle s’est remariée avec un des cousins de mon papa. J’ai décidé de rendre hommage à ma maman Absa. D’où le Moussa Sène Absa.
Vos liens avec votre quartier de Yarakh et le cinéma remontent à l’enfance. Pouvez-vous nous en parler ?
Absolument. Je dois d’abord signaler qu’au départ, j’étais destiné à ne pas fréquenter l’école française. Enfant, j’avais développé d’impressionnantes facultés de mémorisation du Coran. Curieusement, c’est mon maître coranique qui a conseillé à ma maman de m’inscrire à l’école française. J’habite Popenguine mais je reste lié à vie à mon quartier de Tableau Ferraille à Yarakh. Quant au cinéma, dès l’enfance, j’étais attiré par le théâtre d’ombres. Le cinéma m’obsédait. Il y avait une fille du nom de Mame Binta Ndiaye. Nos deux mamans étaient de grandes amies. C’est elle qui m’a fait aimer le cinéma. Un jour, je voulais voir un film hindou avec Hema Malini mais je n’avais pas d’argent. Alors, j’ai vendu une de mes chemises et suis allé voir le film. Chose curieuse, une fois, j’étais membre d’un jury en Inde au même titre qu’Hema Malini. Nous avons dîné ensemble. J’ai téléphoné à Mame Binta Ndiaye pour lui dire que j’avais rencontré Hema Malini !
Moussa Sène Absa en famille, ça donne quoi ?
Je suis le papa de sept enfants et j’ai quatre petits-enfants. J’ai un projet de cinéma avec mon fils âgé de 25 ans. Il va rentrer définitivement au Sénégal après ses études de cinéma en France. Nous allons travailler ensemble. C’est une expérience à la fois bizarre et intéressante.
«CINÉ MIGRATION» MISE SUR L’ART COMME INSTRUMENT D’INFORMATION
La Caravane «Ciné Migration» de sensibilisation des populations sur les dangers et conséquences désastreuses de l’émigration clandestine et irrégulière au Sénégal, était avant-hier à Saint-Louis pour dérouler son activité.
La Caravane «Ciné Migration» de sensibilisation des populations sur les dangers et conséquences désastreuses de l’émigration clandestine et irrégulière au Sénégal, était avant-hier à Saint-Louis pour dérouler son activité. Celle-ci était marquée par une séance de mobilisation sociale et de projection d’un film sur les dures conditions de vie des jeunes candidats africains, à cette migration irrégulière. Ce film met en exergue les tranches de vies de ces derniers, confrontés à d’énormes difficultés pour traverser les frontières marocaines, mauritaniennes et algériennes dans le seul but de rallier les côtes espagnoles qu’ils considèrent comme étant l’eldorado.
En effet, Ciné migration vise à valoriser les communautés locales grâce à leur participation active aux activités et à soutenir la cohésion sociale et le dialogue intergénérationnel. Cette caravane s’inscrit dans le cadre du Projet «Gouvernance, Migrations et Développement» (GMD) qui est mis en œuvre par la Direction Générale d’Appui aux Sénégalais de l’Extérieur sur financement de l’Union Européenne.
Le représentant de GMD, Mamadou Diallo, a saisi l’occasion pour rappeler la mise en place d’un fonds d’un milliard de francs CFA pour renforcer la lutte contre la migration irrégulière. «Le projet GMD, prévoit, à travers des fonds régionaux et nationaux, d’appuyer les migrants de retour et les potentiels migrants issus de couches vulnérables, que sont les jeunes et les femmes mais aussi les associations de migrants. «Ces fonds pourront contribuer ainsi aux processus d’intégration et de réinsertion des migrants de retour et de potentiels migrants actifs dans les secteurs de l’agriculture, de l’artisanat entre autres. Ils seront octroyés suivant une procédure rigoureuse, et bien définie par un comité de sélection», a-t-il précisé tout en soutenant que cette vision de la lutte contre la migration irrégulière offre de «réelles perspectives aux populations pour renforcer leur formation, leur insertion professionnelle et contribuer également au développement du pays».
À en croire toujours Mamadou Diallo, l’art devient un instrument d’information pour transmettre des messages à un public très varié atteignant les communautés les plus sujettes à la migration, et informant aussi bien les jeunes que les familles, qui jouent généralement un rôle crucial dans la décision des migrants de partir. Le spectacle est poignant et désolant lorsqu’on les montre périr atrocement en haute mer, après avoir fait l’objet d’une surcharge inhumaine à bord des zodiacs vidés de leur air au bout d’un voyage d’une journée éprouvante en plein océan Atlantique.
LES ROMANS AFRICAINS DE LA RENTRÉE LITTÉRAIRE
Leurs nouveaux livres sont toujours très attendus : Jeune Afrique en a sélectionné cinq qui feront parler d’eux
Jeune Afrique |
Anne Bocandé, Fatoumata Diallo, Mabrouck Rachedi, Nicolas Michel |
Publication 25/08/2022
Que lire en cette rentrée littéraire ? Au milieu des 490 romans publiés, nous vous proposons cinq romans d’écrivains africains dont les signatures sont déjà des références.
À la vie, à la mort
« Tu ne cesses de te le répéter au point d’en être désormais convaincu : une nouvelle vie a débuté pour toi il y a moins d’une heure lorsqu’une secousse a écartelé la terre alentour et que tu as été comme aspiré par un cyclone avant d’être projeté là où tu te retrouves maintenant, au-dessus d’une éminence de terre dominée par une croix en bois toute neuve. Je respire ! Je vis ! T’étais-tu à ce moment-là murmuré en signe de victoire. Mais à présent, alors que la clarté du jour pointe à l’horizon, tu n’es plus du tout habité par cette certitude. Les images qui te hantent sont plutôt celles de tes dernières heures, celles d’un trépassé cloîtré dans un cercueil et conduit en grande pompe dans sa demeure finale, ici, au cimetière du Frère-Lachaise. »
Le décor est planté. C’est par un début tragique qu’Alain Mabanckou, prix Renaudot 2006, commence son roman. Liwa Ekimakingaï, un employé de cuisine d’un palace de Pointe-Noire connaît une fin tragique un soir du 15 août, fête d’indépendance du pays. Le jeune homme pense qu’il ne devait pas mourir ce jour-là et qu’il avait encore des affaires à régler sur terre. L’auteur remonte la vie et les heures qui ont précédé la mort de son personnage. Liwa cherche désespérément à comprendre pourquoi il a été si vite arraché à l’existence. Il assiste à sa veillée funèbre de quatre jours, ressent le chagrin de sa bien-aimée grand-mère Mâ Lembé, entend le chant des louanges de ses proches qui accompagnent son âme vers les cieux, et vit son propre enterrement.
Dans Le Commerce des Allongés, Mabanckou peint une société africaine où la vie et la mort se côtoient. Cette société qui mêle croyances ancestrales et religieuses, où le monde des vivants n’est pas l’aboutissement de l’existence. Fidèle à lui-même à travers son personnage, l’écrivain décrit également une société congolaise gangrenée par la pauvreté et où la lutte des classes fait rage.
Que peuvent les mots face aux guerres intimes et politiques ?
C’est l’histoire de trois amis d’enfance. Tarek, devenu berger, à qui les mots ont toujours manqué, contrairement à son frère de lait, Saïd, l’intellectuel parti étudier en Tunisie. À leurs côtés, Leïla, celle qui est restée dans leur village, El Zahra. Chacun vit ses guerres intimes parallèlement à celles traversées par l’Algérie entre 1920 et 1990. La colonisation, la Seconde Guerre mondiale, la guerre d’indépendance, le coup d’État de Boumédiene et l’arrivée au pouvoir des islamistes. Du village au Frontstalag allemand, du front de libération algérien, aux foyers de travailleurs migrants parisiens, Tarek choisit de cultiver le silence, jusqu’à le trouver pleinement lors d’une parenthèse italienne. Saïd, lui, écrit le premier roman algérien de langue arabe. Celui qui brise la vie de Leïla, sur le point de trouver refuge dans la lecture. « Dans tous mes romans, les générations n’arrivent pas à se parler », confiait Kaouther Adimi à propos de Nos richesses.
L’autrice algérienne continue de tirer le fil des mots qui manquent, à travers la solitude récurrente de ses personnages. Lesquels rencontrent, au cours de leurs vies, des figures réelles comme ici Pontecorvo et Saadi, co-réalisateurs du film mythique La Bataille d’Alger. Elle questionne aussi les mots qui trahissent, les récits qui déterminent et bouleversent les destinées. Comment, face au vent mauvais, tenir tête ? Avec une mise en abyme du roman qui se lit et celui qui s’écrit, dans un enchaînement de chapitres que l’on aurait parfois aimé voir se déployer davantage tant les riches références se succèdent, Kaouther Adimi signe un cinquième roman haletant et surprenant jusqu’à la toute dernière page.
Zoom sur des artistes du continent- Un peu partout en France, des lieux d’exception braquent leurs projecteurs sur les artistes du continent. Suivez le mouvement.
Un peu partout en France, des lieux d’exception braquent leurs projecteurs sur les artistes du continent. Suivez le mouvement.
Le Musée des arts d’Afri¬que et d’Asie de Vichy fête ses 100 ans. A cette occasion, une grande rétrospective de ce siècle d’Histoire est proposée au public. Un retour sur la création du musée et l’origine des collections parmi lesquelles figurent près de 5000 objets d’art rapportés par des missionnaires mais aussi issus de donations. Statuettes, mas¬ques, photographies, venus du Maghreb, d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, témoignent de la richesse et de la diversité des expressions artistiques du continent. «Aujourd’¬hui, avec toutes les études en histoire de l’art et en anthropologie, on a une meilleure connaissance de ces objets. Et puis surtout, les populations concernées participent à la connaissance de leurs arts», explique la directrice du musée, Marie-Line Therre.
En effet, chaque œuvre d’art donnée à découvrir est illustrée de la photo du missionnaire à l’origine de l’apport de l’objet, de sa signification et de sa provenance. Pour compléter cette célébration, le musée propose deux expositions temporaires autour de deux thèmes à l’honneur : «Voyages» et «Touaregs». Un parcours dans l’immensité du Sahara à travers les œuvres de trois pays, Algérie, Mali, Niger, c’est ce que propose l’exposition «Touaregs. Objets nomades». Le musée conserve depuis sa création, une riche collection d’art touareg dont des cuirs anciens et une donation récente de bijoux en provenance du Niger. Une plongée au cœur de cette culture et de ses valeurs dont la sobriété des formes, l’art épuré et raffiné ainsi que l’équilibre des décors correspondent à un idéal de retenue et de noblesse en société de ce peuple nomade.
Abbaye de Daoulas, «Afrique : les religions de l’extase» dans le Finistère
Quand un patrimoine tel que l’Abbaye de Daoulas et une exposition sur les richesses des religions africaines viennent à se rencontrer, l’expérience est tout simplement inédite et inoubliable. Situé sur les chemins du Patrimoine du Fi¬nistère, cet ancien monastère au charme et patrimoine exceptionnels, avec ses jardins botaniques et son architecture qui a su conserver sa splendeur initiale, accueille cette année le Musée d’ethnographie de Genève (Meg) pour une plongée dans le mysticisme et la ferveur religieuse africaine autour de l’angle central de l’extase. Une exposition qui invite au voyage des sens et de l’esprit et qui vise, pour Boris Wasttiau, le commissaire de l’exposition, à «faire réfléchir aux aspects subjectifs de l’expérience religieuse dans ce qu’elle a d’incarné individuellement ou collectivement, les sentiments et les émotions qu’elle procure».
La scénographie, qui a été confiée à Franck Houn¬dégla, propose ainsi un parcours visuel sur fond sonore, autour de quatre thématiques centrales : les religions monothéistes, les religions autochtones (divination, sacrifice, culte des ancêtres), les cultes de possession et, enfin, les cultes magico-religieux. Au total, ce sont près de 200 pièces venues de tout le continent, des portraits, des vidéos, des objets de culte de toutes sortes, d’artistes et d’ethnologues tels que Théo Eshehu, Jacques Faublée, Jean-Pierre Grand¬jean, Chris¬tina Lutz, Mahau Modisakeng. Plus qu’une exposition, «Afrique : les religions de l’extase» est une invitation à comprendre la puissance de l’élan religieux. Le public est amené à vivre et à ressentir au fur et à mesure de son parcours, la richesse des émotions que suscite l’extase religieuse : la contemplation, le ravissement, la béatitude, l’enivrement, l’exaltation et l’ivresse. Une immersion exceptionnelle au cœur des richesses et pratiques religieuses africaines.
La Grande Orangerie, «Congo Paintings, une autre vision du monde» à Dijon
La fine fleur de la scène artistique de Kinshasa est à l’honneur cet été à Dijon. A l’occasion de la 7e Biennale d’art singulier qui se déroule du 28 juin au 28 août 2022, l’exposition «Congo Paintings, une autre vision du monde», après Namur et Vichy, s’installe cette année à la Grande Orangerie à Dijon. Cette exposition, haute en couleur et en images, rassemble, grâce aux prêts de trois collectionneurs passionnés français, Philippe Pellering, Boris Vanhoutte et Bernard Sexe, les œuvres de plusieurs générations d’artistes majeurs qui témoignent de la vie bouillonnante de la scène artistique kinoise. En tout, ce sont 80 toiles exposées, des peintures qui osent tout : satire politique, érotisme, parodie sociale et religieuse, sous le regard corrosif d’artistes peintres talentueux et de renommée mondiale qui partagent leur regard sur Kinshasa, leur vision de l’art et leur rôle en tant qu’artiste. Parmi les artistes exposés : Mwenze Kibwanga, Cheri Cherin, Chéri Samba, Pierre Bodo…
Mudaac, Musée départemental d’art ancien et contemporain, Epinal
Quand on lui pose la question : «pourquoi l’Afrique ?», William Ropp raconte l’histoire de celui qui a construit son imaginaire, celle de son trisaïeul, Louis Jacolliot, et de ses voyages en Afrique, une légende dans sa famille. Voilà donc d’où lui vient cette envie irrépressible d’Afrique. Connu pour ses séries de portraits, ses photographies en noir et blanc et ses récits de voyage en Afrique consignés dans son livre Mémoires rêvées d’Afri¬que, il revient quelques années plus tard avec une série de portraits saisis cette fois-ci, dans la corne de l’Afrique, en Ethiopie. C’est là qu’il choisit de camper son appareil photo, sur cette terre qu’il considère comme le «berceau de l’humanité». Il y capture une terre faite de gris, un ciel rose, des forêts denses, des eaux profondes, des enfants, des vieillards, des autochtones. Des images hors du temps, autochromes réinventées, pensées, rêvées, imaginées par le portraitiste et accompagnées des poèmes de l’écrivain Philippe Claudel, pour une traversée onirique en «Uthiopie». Une exposition à découvrir au Musée départemental d’art ancien et contemporain d’Epinal, qui s’inscrit dans le cadre de l’édition 2022 du Festival des mondes imaginaires, Les Imaginales, organisé chaque année par la ville.
Luma «Stories. Le portfolio 1947-1987», à Arles
C’est la première grande rétrospective en France de James Barnor. Présentée à Luma dans le cadre des Rencontres d’Arles, l’exposition, consacrée au photographe ghanéen, retrace 40 ans de l’œuvre de l’artiste à travers une sélection inédite de 100 ima¬ges choisies par l’artiste lui-même. «Un portfolio stories» délicieusement «barnorien» exceptionnel et unique que l’on découvre suivant un déroulé chronologique et sur fond de photographies de James Barnor, de tirages originaux, de documents d’époque, de revues et de magazines pour lesquels il a collaboré. D’Accra à Londres, de son studio Ever Young à sa collaboration avec le magazine sud-africain et anti-apartheid, Drum, en passant par les célèbres photographies d’un Swinging London joyeusement multiculturel, l’exposition offre un regard kaléidoscopique sur l’œuvre du photographe, sur sa vie, son histoire et tout simplement sur le témoignage d’une époque. Une exposition-hommage à cet artiste transcontinental qui continue à inspirer de nouvelles générations d’artistes.
Luberon : «Kaléidoscope», Apt
Une exposition sur l’art africain contemporain résolument urbaine, c’est ce que propose la Fondation Blachère à Apt, dans le Luberon. Et sous l’objectif, deux villes bouillonnantes : Dakar et Kinshasa. Thématique fortement appréciée de la création contemporaine, la ville est le lieu de tous les possibles, de tous les rêves éveillés. Elle se transforme, s’étend, se distend, elle est en perpétuel mouvement. Chaque artiste, au total 27 dont beaucoup de Séné¬galais et de Congolais, interprète à sa manière sa ville, tour à tour joyeuse, inquiétante, colorée et bruyante. Sculptures, maquettes, street art, peintures, photographies, mais aussi bande sonore et musique plongent le visiteur dans l’ambiance de ces deux capitales reflétant l’expérience kaléidoscopique et multisensorielle des villes par les artistes. Parmi les artistes présentés : Daouda Ba (Séné¬gal), Adama Bamba (Mali), Mamadou Cissé (Sénégal), Docta (Sénégal), Cheikh Ndiaye (Sénégal), Dawit Abebe (Ethiopie)…
Le Point
PETIT-PARIS DU BOUNDOU, UNE VILLE LUMIÈRE EN PLEINE BROUSSE
Dans ce village de Kidira, écoles, poste de santé, sièges administratifs, lieux de culte, logements des fonctionnaires… Tout est l’œuvre des émigrés. Un système de cotisation mensuelle permet notamment d’envoyer des fils du village en France
Comme les Almadies à Dakar, Petit-Paris est un paradis au cœur du Boundou. Une ville lumière en pleine brousse. Dans ce village de Kidira, écoles, poste de santé, sièges administratifs, lieux de culte, logements des fonctionnaires… Tout est l’œuvre des émigrés. Un système de cotisation mensuelle permet d’envoyer des fils du village en France, avec l’ordre d’inscription sur la liste, le seul et unique critère qui vaille.
En allant à Petit-Paris, on se perd facilement. Roulant à vive allure, le motocycliste, guide d’une journée de découvertes, finit sa course au village appelé Sinthiou Dialiguel. « Non, vous n’êtes pas à Petit-Paris », sourit un vieux mâchant sa cola. Puis, il entame une séance d’explications. « Si vous voyez une rangée d’étages, sachez que vous êtes arrivés à destination », indique-t-il. Il a fallu encore appuyer sur l’accélérateur. Après une course d’un quart d’heure, on finit par découvrir l’architecture décrite par le notable de Sinthiou Dialiguel. La température avoisine les 42 degrés en cette matinée du mardi. Un groupe de jeunes et de vieux profitent de l’ombre d’un grand arbre en face du poste de santé. Pendant ce temps, un bruit assourdissant provenant d’une menuiserie métallique rend difficile ou impossible toute discussion. Le vieux a raison. Le visiteur est tout de suite frappé par la floraison d’étages. Les ruelles sont ceinturées par des bâtiments en R2+, R+3, aux carreaux luisants et éclatants. Il n’y a plus de maison en paille ou en zinc dans ce village créé en 1840 sous l’appellation de Ouro Himadou. Ce nom est presque aux oubliettes depuis 2013. Et c’est grâce au génie d’une griotte venue de Kidira. « Avec toutes ces jolies villas, nous sommes à Petit-Paris », s’est-elle exclamée, selon les confidences d’un des notables. L’ancien ambassadeur de la France au Sénégal, Christophe Ruffin, en visite sur cette contrée du Boundou en 2014 est allé plus loin. « Ce n’est plus Petit Paris mais Grand Paris », avait dit le diplomate. Une réputation qui a failli leur priver d’une sélection au programme « L’eau pour tous ». « Quand le responsable est venu ici, il nous a dit ‘’mais vous, vous n’avez plus besoin de rien, vous avez tout’’ », rappelle l’un des notables du village, Sada Ly, par ailleurs secrétaire chargé des relations extérieures du village de Petit-Paris.
Méthode, organisation et une caisse pour l’émigration
« C’est le paradis en pleine forêt », rigole un vieux du nom de Demba Ly, en pleine discussion sous un arbre. Ainsi, l’homme en caftan blanc fait allusion à l’organisation et à la vie dans ce village de l’arrondissement de Bellé. Pour une population de 2.000 habitants, Petit-Paris compte plus de 150 émigrés en France. Amadou Tidiane Ly en est un. En djellaba noir, il mène une visite guidée du village commençant par sa propre demeure construite grâce à l’émigration. « Je suis cheminot en France. Ce qui m’a permis de construire cette terrasse entièrement carrelée », explique-t-il. La prochaine étape est la présentation du premier étage du village construit en 2002. La façade est carrelée en bleue, les pourtours peints en jaune et rouge. Ici, la première maison en dur a été construite en 1980, la deuxième en 1986. Le premier étage a été bâti en 2002. Aujourd’hui, on en compte plus de 50. Cette transformation fulgurante est propulsée par une organisation qui promeut la réussite sociale et un investissement dans la famille. Ainsi une caisse de solidarité est mise en place pour envoyer les jeunes en France. « La caisse est tout le temps alimentée. Quelqu’un qui veut aller trouver un emploi en France s’inscrit sur la liste. Le voyageur est choisi selon l’ordre d’inscription. La caisse gère tous les frais du voyage », explique M. Ly. À l’en croire, l’émigré prend ensuite le temps de travailler et de rembourser. « Il n’y a aucune pression, il rembourse à son rythme, car l’intégration n’est pas toujours facile », ajoute M. Ly.
2013, l’année des lumières
Avant 2013, ce n’était pas encore Petit-Paris, mais Ouro Himadou. Le changement n’est pas seulement que de nom. La localité a franchi un cap. L’émigration s’est développée. La lumière a jailli. Les rues et ruelles sont jalonnées de poteaux et de lampadaires. « La nuit, la lumière fuse de partout. Tous les coins sont éclairés », signale le jeune Moussa, à l’aise en face du Poste de santé. Sada Ly embouche la même trompette. « C’est en 2013 que nous avons eu l’électricité. Et nous sommes le premier village du département à en bénéficier. Avant 2013, nous avions des papiers sénégalais, mais nous ne nous sentions pas Sénégalais. C’est lors du Conseil des ministres décentralisés de Tambacounda que nous avons envoyé un mémorandum. Deux mois plus tard, notre requête a été satisfaite », souligne-t-il. Cette lumière, indique Amadou Tidiane Ly, a favorisé le développement économique avec l’installation de plusieurs ateliers et commerces. « On est passé de zéro à sept ateliers de couture. Ce qui constitue un record. Des salons de coiffure, des menuiseries s’installent presque tous les jours, sans oublier les restaurants et fast-food qu’on trouve rarement en brousse », explique l’émigré.
« De la glace partout »
À Petit-Paris, il ne neige pas, mais la glace est bien présente. Après l’électrification du village en 2013, le premier réflexe des émigrés était d’acheter 300 congélateurs pour permettre aux femmes de vendre de la glace aux villages environnants. Aujourd’hui, plus de 2000 congélateurs sont utilisés d’où l’expression « la glace partout » utilisée par les habitants. Les femmes s’épanouissent et se font de l’argent. Les principaux clients sont les villages maliens dépourvus d’électricité. « En période de chaleur, nous pouvons vendre le morceau entre 300 et 500 FCfa. Les Maliens traversent le fleuve pour venir s’approvisionner. C’est la principale activité des femmes qui gagnent bien leur vie », dit Aïssa Ly mobilisée par la préparation du déjeuner. Sa voisine va dans le même sens. À ses yeux, l’électricité contribue à l’autonomisation des femmes. « En période de chaleur ou durant le Ramadan, nous nous en sortons bien avec des gains journaliers supérieurs à 3000 FCfa », assure-t-elle.
«IL FAUT QUE LES CHIFFRES DE LA MORTALITÉ MATERNELLE NOUS REVOLTENT»
Engagée dans la lutte contre la mortalité maternelle, la Docteure (elle insiste sur le e) Ndèye Khady Babou, médecin spécialisée en santé publique, est indignée que les chiffres de la mortalité maternelle ne révoltent pas plus que cela les Sénégalais
La cause féministe embrasse de nombreux segments de la vie de la société. La première édition de «Jotaay ji», le festival féministe sénégalais, a installé le débat sur des questions qui touchent spécifiquement les femmes. Engagée dans la lutte contre la mortalité maternelle, la Docteure (elle insiste sur le e) Ndèye Khady Babou, médecin spécialisée en santé publique, est indignée que les chiffres de la mortalité maternelle ne révoltent pas plus que cela les Sénégalais. Un combat légitime dans un pays où, chaque année, ce sont 236 femmes qui meurent pour 100 000 naissances, alors que l’Oms attend un chiffre de 70 décès maternels pour 100 000 naissances.
Vos recherches portent surtout sur la problématique de la mortalité maternelle au Sénégal. Est-ce un engagement féministe pour vous ?
C’est un engagement féministe pour moi parce qu’à travers le monde, les femmes qui sont en état de grossesse et qui accouchent ont les mêmes complications que les femmes du Sénégal ou de l’Afrique. Mais ailleurs, les femmes n’en meurent pas et des solutions pratiques et peu coûteuses sont trouvées. Mais si aujourd’hui, dans nos pays, nous continuons à avoir des mortalités aussi élevées, autant chez la mère que chez l’enfant, c’est problématique. Il faut quand même qu’on se pose des questions par rapport aux politiques mises en place pour lutter contre cette mortalité maternelle, leur application et leur applicabilité et les ressources qui sont mises en place pour lutter contre ce fléau. C’est juste une aberration qu’en 2022, que l’on soit encore à 236 femmes qui meurent pour 100 000 naissances, là où on a promis à l’Oms d’être à 70 décès maternels.
Pour vous, l’Etat ne fait pas ce qu’il faut ?
Il y a des politiques mais derrière chaque politique, derrière chaque financement, il faut un suivi. Par exemple, sur plein d’études, on a montré que le fait de résoudre la problématique de la mortalité maternelle dans un pays résolvait presque tous les problèmes de santé. C’est un système tellement bien réfléchi, pensé et applicable que sa résolution améliorerait toutes les autres problématiques de santé. Pour la mortalité maternelle par exemple, il y a l’exemple des banques de sang. Parmi les causes de la mortalité maternelle, il y a les hémorragies de la femme enceinte pendant l’accouchement ou après. Et rien qu’en réglant ce problème de l’hémorragie, on règlerait tous les problèmes de banque de sang au Sénégal. Et là, il y a des politiques qui sont faisables. Pourquoi on ne les applique pas ? En tant que population sénégalaise, en tant qu’homme ou femme du Sénégal, on n’est pas plus exigent que ça par rapport à la mortalité maternelle. On a beau avoir réussi son système de santé, mis des choses en place, comme dans les pays du Nord par exemple, mais des gens vont quand même mourir du cancer. Mais la mortalité maternelle, on n’en meurt plus, c’est ça la différence. On a des morts évitables, des raisons pour lesquelles plus personne ne meurt aujourd’hui et nous, on continue d’en mourir. Des femmes continuent d’en mourir.
On continue encore d’évoquer le péché originel, les croyances culturelles pour expliquer ces morts…
Dans nos représentations populaires, quand une femme tombe enceinte, on commence déjà à formuler des prières pour elle, parce que sa vie serait en jeu. Mais ailleurs, c’est un évènement heureux que d’attendre un enfant. Parce que tu sais que tu ne vas pas en mourir, tu ne t’attends pas à mourir en donnant la vie. C’est dans nos cultures, dans nos sociétés, qu’on te dit : «Daguay mouth !» (Tu vas être sauvée). Du coup, on est tellement imprégné de ces notions de destinée qu’on ne se pose pas de questions. Et dès l’instant où on ne le fait pas, on remet tout entre les mains de Dieu. Et on ne se pose plus de questions sur nos responsabilités personnelles, sur celles de l’Etat, des professionnels de soins pour aujourd’hui oser se plaindre. Il faudrait que l’on puisse en arriver là parce que ça ne ferait qu’améliorer le système de santé.
Vous pensez à une action d’envergure des femmes ?
Pas porter plainte à proprement parler, mais être plus exigent. J’évoquais tantôt les décès liés au manque de sang. Le sang n’est pas produit par l’Etat. Mais ce que peut faire l’Etat, c’est de mettre sur pied des centres de transfusion, les fonds nécessaires pour rendre disponibles les poches de sang et pour que la population à son tour, aille donner du sang de manière régulière et ne pas seulement attendre que les banques soient vides pour le faire. Il faut qu’on ait cette culture et c’est ce qu’on appelle responsabilité partagée. Il y a une part que l’Etat doit faire, il y a une part que la gouvernance sanitaire doit faire et il y a notre responsabilité. Moi, en tant qu’homme dont la femme est en état, qu’est-ce que je fais pour concourir à son bien être ? Est-ce qu’elle fait ses consultations ? Son alimentation, sa prise en charge ? Il faut qu’on apprenne à être exigent et que les chiffres de la mortalité maternelle nous révoltent. Tant qu’on n’en sera pas là, on risque de ne pas changer les choses. On risque de penser que c’est la destinée, que c’est Dieu. C’est prouvé maintenant qu’une femme qui meurt, c’est une grosse perte pour l’économie parce qu’elle pèse très lourd pour tout ce qui concerne la prise en charge de la famille, le développement économique du pays.
Est-ce la même chose pour les violences conjugales ? Vous disiez dans votre intervention qu’il y a un protocole de prise en charge et une autre paneliste disait qu’il n’y en a pas…
Il y a un protocole par rapport à la prise en charge des violences basées sur le genre. C’est un modèle qui a repris ce que l’Oms avait mis en place mais que les autorités ont adapté à nos réalités. Main¬tenant, il faudrait juste démocratiser cela. Ces protocoles doivent pouvoir être fonctionnels pour tout le personnel médical et paramédical. Aujourd’hui, vu le nombre de personnes victimes de violences basées sur le genre, il ne devrait plus seulement s’agir de dire qu’on va former un groupe de personnel et laisser les autres. Cela devrait même être dans les curricula du personnel soignant de manière générale. Et qu’on puisse l’appliquer. Sinon, si une personne n’est pas outillée pour diagnostiquer ou détecter ces violences faites à une victime, celle-ci n’est pas prise en charge à temps ou n’est pas prise en charge du tout. Et c’est ce qui explique parfois les cas de féminicide ou de violences physiques beaucoup plus graves et qu’on aurait peut-être pu éviter.
Une femme victime de violence, il y a moyen de la repérer ? Comment ?
Au niveau du personnel médical par exemple, ce qui est sûr, c’est que quand il y a des victimes qui ont été brutalement abusées, il y a des signes physiques. Pour ces victimes-là, prendre le temps de discuter avec elles et voir les causes de ces blessures pourraient être plus faciles que pour une victime qui est sous le coup de violences verbales, psychologiques ou économiques. Et par rapport à ça, il y a aussi des choses à faire, pas seulement par le personnel médical, mais par tous les relais communautaires comme les badienou gox, etc. Pour le médecin par exemple, ce serait de se dire que cette femme, c’est la 3e ou la 5e fois que je la vois. Et chaque fois, ce sont des céphalées alors qu’au niveau physique, il n’y a rien. Peut-être qu’il y a autre chose. Et il prend le temps de l’écouter et de l’examiner, de chercher des blessures de défense qui sont localisées sur certaines parties du corps quand la personne essaie de se protéger des coups. Ce sont des formations à avoir avec le personnel médical mais surtout les déconstruire. Nous appartenons tous à un système où, plus ou moins, on banalise la violence et le personnel médical n’est pas épargné. Il faut donc faire en sorte que toutes les personnes, qui sont dans le circuit de prise en charge, puissent accéder à ces modules et prendre en charge d’éventuelles victimes. Parce que rien que dans l’écoute, l’information, dire à la victime ses possibilités, c’est un grand pas. Et les victimes de violence n’ont pas cela actuellement.
LE GRAND BOND DE LA PRODUCTION LOCALE DE SÉRIES TÉLÉVISÉES
Les séries sénégalaises connaissent une forte ascension. Elles sont très suivies et même parfois au-delà du territoire national. Les vues sur YouTube, aidant, le secteur est devenu est véritable business
Les séries sénégalaises connaissent une forte ascension. Elles sont très suivies et même parfois au-delà du territoire national. Les vues sur YouTube, aidant, le secteur est devenu est véritable business. Elles seraient même en passe de supplanter les telenovelas et feuilletons hindous.
Le temps où les télénovelas sud-américaines et autres feuilletons hindous crevaient les petits écrans sénégalais en s’invitant dans nos salons semble révolu. Depuis quelques années, le cinéma local est en pleine effervescence avec des produits qui sont consommés même en dehors du territoire national.
Après la série «Un Café Avec», le premier long métrage diffusé par une télévision privée nationale (TFM), la naissance de la maison de production Marodi Tv a placé le Sénégal parmi les pays à grande production après le Nigéria et le Ghana. Maitresse d’un homme marié (2STV) écrit par le journaliste Kalista Sy et produite par cette maison de production, a porté au pinacle le cinéma sénégalais. Traduite en français en diffusée même sur A+, maitresse d’un homme marié, a conquis le public africain même si sa troisième saison n’a pas été au top.
Toujours pour le compte de Marodi, des séries comme Karma, Impact, l’Or de Ninki Nanka ou encore Virginie, ont eu une grande audience. Il y a aussi Emprise en encore Golden. Cependant, le reproche fait à Marodi est que souvent ses séries ne sont pas développées jusqu’à terme. Marodi n’est pas seule structure de production qui est sortie du lot. Il y a également Evenprod dont les réalisations accrochent. Après la série Idoles qui a laissé ses marques après la diffusion de ses saisons 1 et 2, Evenprod a bien assuré ses débuts. Sa transmission sur Wido a freiné sa popularité avant la mise en ligne de ses dernières saisons sur YouTube.
Mœurs, la brigade des femmes est arrivée par la suite, moins populaire mais, a été une réalisation suivie. Avec Infidèles, Evenprod, a réussi à ressortir la présence de la sexualité dans la société. Malgré les critiques et réticences, Infidèles continue d’être diffusé. L’activité de cette maison de production reste aussi marquée par des séries comme Ndiabaar, Vantours et tout récemment Munal. A côté de ces maisons de production, il y a des structures qui s’activent dans le domaine et qui visent plus l’audience locale.
Avec la diffusion de Dikoon, Famille Sénégalaise entre autres, Pikini production, s’est fait une place dans le secteur. Seulement, ses séries qui abordent souvent les faits de la société sénégalaise, ne sont pas traduites en français et ne peuvent donc, être s’exporter facilement. A travers son jeu d’acteurs, la simplicité du décor et le sujet abordé, le Polygame de senepeople, en un peu de temps, a accroché les Sénégalais. Récemment, la série Salma, une chronique whatpad transformée en une production audiovisuelle aiguise les appétits. Sa force, la présence remarquée de la religion dans le scénario.
Après maitresse d’un homme marié, Kalista Sy est revenue sur scène avec un nouveau concept Yaye2.0. Miroir d’une société trop existante envers les femmes, fait son bonhomme de chemin. La liste des séries très suivies d’ailleurs, est loin d’être exhaustive.