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17 février 2025
Développement
AGNAM, DU NÉANT AU FIRMAMENT
En une décennie, Farba Ngom a métamorphosé cette localité méconnue en pôle de développement majeur, doté d'un hôpital ultramoderne et d'infrastructures essentielles. Sa chute potentielle soulève l'inquiétude d'une population qui lui doit son émergence
C’est aux dernières heures de la levée de son immunité parlementaire que l’honorable député Farba Ngom est rentré dans sa citadelle à Agnam, où il a reçu une gigantesque manifestation de soutien, jeudi dernier. Cette commune, dont il est le démiurge et le premier maire, veut lui renvoyer l’ascenseur, puisque Farba a réussi, en un temps record de douze ans, à hisser Agnam parmi les localités les plus célèbres du pays.
Avant l'an 2012, qui, en dehors de ceux qui vivent au Fouta, connaissait une localité qui s’appelait Agnam ? Quasiment personne. Aujourd’hui, même l'enfant d’un village lointain de la Casamance s'est familiarisé avec la prononciation d’Agnam. Une prouesse qui porte la signature exclusive de son actuel maire Mouhamadou Ngom, plus connu sous le nom de Farba Ngom, né un certain 5 mars 1971 à Nguidjilone.
Dans la province traditionnelle du Bosséa (regroupant les quatre communes de Orefondé, Agnam, Dabia et Thilogne), Agnam a toujours vécu sous l'ombre envahissante de Thilogne, Salndu Fouta (Pilier du Fouta), qui était la capitale économique de toute cette zone jusqu’à l’événement du phénomène Farba.
En 2012, Macky Sall accédait au pouvoir avec son homme à tout faire, membre fondateur de l’Alliance pour la République (APR). Un statut qui lui donne beaucoup de privilèges dont les populations d’Agnam vont beaucoup profiter.
Agnam, chef-lieu d’arrondissement éponyme, va se libérer, en 2013, du joug de Thilogne pour devenir une commune à part entière, grâce à l'acte 3 de la décentralisation. En 2014, Farba Ngom, entre-temps élu député à l’Assemblée nationale, deviendra le premier magistrat de cette ville. Cette nouvelle commune va polariser 16 villages officiels et six hameaux, une donne qui va lui conférer un certain poids électoral plus conséquent que celui de Thilogne, par exemple.
Une brigade de gendarmerie logée dans une de ses maisons
Farba Ngom, député-maire, va multiplier les chantiers dans son terroir. Il usera de tous ses pouvoirs et de toute son influence pour attirer projets et programmes dans sa région. Une brigade de gendarmerie sera implantée à Agnam. En attendant la construction des locaux, Farba mettra gracieusement une de ses maisons aux éléments de la nouvelle brigade de gendarmerie. ‘’Je tiens à la sécurité des populations. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre une de mes maisons à la disposition de la gendarmerie. Cette maison servira de brigade, en attendant la construction’’. Et pour motiver davantage ces forces de l'ordre, il s'engage à leur ‘’assurer gracieusement la restauration’’.
Un acquis qui serait obtenu au détriment de son voisin Thilogne. Des Thilognois avaient manifesté leur mécontentement, en vain. Mamadou Elimane Kane, l'actuel édile de la ville, avait crié au scandale. ‘’C’est un détournement d’objectif qui a été fait. La brigade de gendarmerie était initialement prévue à Thilogne. C’est Farba qui l'a détournée pour la ramener chez lui, à Agnam. C’est scandaleux’’, s’était-il emporté.
Agnam se dote d'un hôpital ultramoderne
Pour les populations d’Agnam, il fallait faire une courte distance de 6 km pour se rendre au district de Thilogne ou bien parcourir 60 bornes pour se soigner au centre hospitalier régional d’Ourossogui. Une souffrance que leur maire cherchera à abréger. Sans attendre l’État, il prit l’initiative de construire, pour un coût de deux milliards, un hôpital de niveau 1 ultramoderne sur fonds propres et avec l’appui de quelques partenaires. Ce joyau sera doté d’un service d’accueil et d’urgence (SAU), d’un bloc opératoire, d’une maternité, d’un service d’ophtalmologie, d’un centre d’hémodialyse, d’un bloc administratif et d’une cité pour l’hébergement du personnel de santé. Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé à l'époque puis Macky Sall étaient venus inaugurer cette infrastructure sanitaire. Une manière d'avaliser les initiatives du maire d’Agnam. Le ministre de la Santé dira solennellement que ‘’c’est un exemple à suivre pour les autres maires’’.
Lors de l’inauguration, Farba informera que ‘’trois ambulances, un corbillard et un véhicule pour la direction de l’hôpital ont été achetés par de bonnes volontés de la localité’’.
La croisade contre le chômage des jeunes
‘’Si tous les leaders politiques se battaient avec acharnement comme Farba pour trouver de l'emploi aux jeunes de leur localité, je pense sincèrement que la question du chômage serait résolue’’, avait soutenu en off un ancien ministre lors de son séjour à Matam.
En effet, Farba a offert une niche d'emplois aux jeunes de sa commune et même de son arrondissement. Avec le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac), il a joué des coudes pour obtenir une part bien importante pour ses jeunes. Selon Mamina Daffé, directeur technique à l'époque du Prodac, le Domaine agricole communautaire d’Agnam, qui va être le premier à Matam, va s’étendre sur 1 000 ha pour un coût global de plus de cinq milliards de francs CFA. À terme, il va employer environ dix mille jeunes, soit quatre mille emplois directs et six mille emplois indirects.
Au-delà du Prodac, qui n'a pas pu se concrétiser, Farba Ngom s’était rué sur les postes de chargé de mission dans les différents ministères pour offrir des emplois aux jeunes. Il frappait à toutes les portes des structures étatiques pour trouver des postes à sa jeunesse. Cela constitue la marque de fabrique qui le distingue des autres responsables politiques. Quand les autres leaders se contentaient d'assurer aux personnes de leur environnement immédiat une bonne situation, Farba Ngom, lui, cherchait des avantages pour sa communauté.
La rengaine ‘’Touche pas à Farba’’
Aujourd’hui, Agnam est une commune émergente qui dispose de quasiment toutes les infrastructures de base. Elle dispose notamment de l’écomusée des civilisations peules d'une valeur de deux milliards, qui est implanté au village d’Agnam Godo. Un patrimoine qui va cristalliser toutes les attentions des chercheurs et ethnologues spécialisés du pulagu de 28 pays d’Afrique, au grand bonheur des populations locales.
Avec tous ces privilèges obtenus grâce à leur maire, les populations d’Agnam se montrent bien reconnaissantes à l'endroit de leur mécène. À l'annonce de la procédure de la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom par la majorité, une gigantesque mobilisation a été organisée tout près de son domicile, à Agnam Ouro Ciré. Les Agnamois, en première ligne, se sont dressés contre les menaces qui pèsent sur leur ‘’bienfaiteur’’ avec le slogan ‘’On ne touche pas à Farba Ngom’’.
Pour beaucoup, le député-maire ne peut être incriminé du fait qu’il n'a jamais eu à gérer des deniers publics. ‘’C’est une injustice, ce qui est en train de se passer. Farba n'a jamais été épinglé par un rapport. Le nouveau régime veut s’acharner sur lui’’, clame Abdoul Djiby Ndiaye, un des jeunes lieutenants de Farba, par ailleurs adjoint au maire d’Orefondé. Des propos qui résonnent avec les prédictions d’Ousmane Sonko lors des dernières campagnes législatives : ‘’J’ai entendu qu’une personne sillonne le département, mallette à la main, distribuant entre 50 et 80 millions de francs CFA. Mais je vous garantis que ce sera la dernière élection au Sénégal à laquelle il prendra part en tant que candidat, à fortiori en tant que distributeur automatique de billets de banque’’, avait-il annoncé.
En attendant la suite des événements, le député-maire Farba Ngom, qui a déjà perdu son immunité parlementaire, s'est plongé dans sa bulle des Agnams, se déconnectant de la clameur et du tumulte. Il laisse son sort ‘’entre les mains de Dieu’’, comme l'avait avoué l’honorable députée Aissata Tall Sall, mais il sait compter sur les siens pour lui éviter les déboires de la justice.
GOMA SOUS LE FEU DU M23
Les hôpitaux sont débordés, comptabilisant déjà 17 morts et plus de 360 blessés. L'onde de choc se propage jusqu'à Kinshasa, où la colère populaire vise les ambassades occidentales
(SenePlus) - La situation s'aggrave dramatiquement dans l'est de la République Démocratique du Congo (RDC), où la ville stratégique de Goma est devenue le théâtre d'intenses combats entre les forces armées congolaises et les rebelles du M23, soutenus selon les autorités par l'armée rwandaise. D'après l'AFP, la ville d'un million d'habitants, qui accueille presque autant de déplacés, est sous le feu des combats depuis dimanche soir.
Les conséquences humanitaires sont déjà catastrophiques. "Nous avons vu des corps sur la route", témoigne auprès de l'AFP un habitant du quartier du marché de Kituku. La population, privée d'eau et d'électricité depuis trois jours en raison des bombardements, commence à sortir pour chercher des provisions essentielles. Selon Shelley Thakral, porte-parole du Programme alimentaire mondial, "les prochaines 24 heures seront cruciales car les gens commencent à manquer de provisions et devront voir ce qu'ils peuvent trouver pour survivre."
La situation sécuritaire se dégrade rapidement. Des témoins rapportent à l'AFP avoir vu "plusieurs dizaines de combattants du M23 reconnaissables à leurs tenues et équipements" remonter l'une des principales artères de la ville. Les pillages se multiplient, comme en témoigne Jospin Nyolemwaka, qui a fui son quartier : "Ils nous ont tout volé, nos téléphones, même nos souliers. On les a vus se déshabiller et jeter leurs tenues et leurs armes."
Les hôpitaux de la ville font état d'au moins 17 morts et 367 blessés au cours des deux derniers jours. L'armée sud-africaine annonce la mort de quatre soldats supplémentaires, portant à 17 le nombre de victimes parmi les forces de la SAMIRDC et de la Monusco.
À Kinshasa, la capitale, des manifestants ont pris pour cible plusieurs ambassades, notamment celles du Rwanda, de la France, de la Belgique et des États-Unis. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a qualifié ces attaques d'"inadmissibles".
Face à cette escalade, une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies est prévue. Selon l'AFP, le président Félix Tshisekedi devrait s'adresser à la nation dans la journée, alors que son gouvernement affirme vouloir "éviter le carnage". Une rencontre entre les présidents Tshisekedi et Kagame est également programmée à Nairobi mercredi, dans une tentative de désamorcer la crise.
Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, rapporte que "un demi-million de personnes de plus ont été déplacées rien que ce mois-ci". Le CICR alerte par ailleurs sur les risques de dissémination de virus, dont Ebola, à partir d'un laboratoire à Goma.
Cet embrasement survient après l'échec, mi-décembre, d'une médiation entre la RDC et le Rwanda sous l'égide de l'Angola, ravivant les tensions dans une région déjà marquée par plus de trente ans de conflits.
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LA SCÈNE POLITIQUE COMME THÉÂTRE
Face à Pape Alioune Sarr, Ndeye Astou Ndiaye et Fary Ndao livrent une analyse fine des enjeux contemporains du pouvoir. De la souveraineté africaine aux défis de la jeunesse, leur discussion dessine un portrait saisissant du Sénégal d'aujourd'hui
Dans le dernier épisode de l'émission Belles Lignes (BL) diffusé lundi 27 janvier 2025, Pape Alioune Sarr a reçu deux personnalités marquantes de la scène intellectuelle sénégalaise pour débattre de l'art politique et des discours ethniques. Face à lui, la Dre Ndeye Astou Ndiaye, enseignante en sciences politiques, et Fary Ndao, essayiste et romancier, ont livré une analyse approfondie des défis politiques contemporains.
La discussion s'est d'abord orientée vers la dimension artistique de la politique. S'appuyant sur la pensée de Bismarck, les intervenants ont souligné comment l'exercice politique requiert créativité et imagination, à l'instar d'un art performatif. Cette dimension théâtrale de la politique contemporaine s'illustre notamment à travers les figures de Barack Obama ou Jean-Luc Mélenchon, dont les qualités oratoires ont été évoquées.
Le débat s'est ensuite élargi aux relations complexes entre intellectuels et pouvoir politique au Sénégal. Les invités ont insisté sur la nécessité d'une synergie entre théorie et pratique pour une gouvernance efficace. Dre Ndiaye a particulièrement mis en avant l'importance de réconcilier la réflexion intellectuelle avec les réalités du terrain.
La question de la souveraineté africaine a occupé une place centrale dans les échanges. Les intervenants ont exploré les nouvelles dynamiques du nationalisme africain, notamment chez les jeunes générations qui aspirent à un dialogue d'égal à égal avec l'Occident. La discussion a également abordé les tensions récentes avec la France, suite aux déclarations du président Macron.
La démocratie sénégalaise et ses particularités ont fait l'objet d'une analyse approfondie. Les participants ont évoqué les alternances politiques de 2000, 2012 et 2024, tout en soulignant les défis persistants en matière d'égalité des chances et d'éducation. Les aspirations de la jeunesse sénégalaise ont été au cœur de cette réflexion.
L'émission s'est conclue sur la problématique des discours ethniques, considérés comme une menace potentielle pour la cohésion nationale. Les invités ont plaidé pour un renforcement du rôle de la presse dans le contrôle de l'information et pour des sanctions plus fermes contre les propos discriminatoires, tout en appelant à une scène politique plus apaisée et constructive.
RENFORCEMENT DE LA SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE DU SÉNÉGAL UN PROJET AMBITIEUX DE 650 MILLIARDS DE FCFA POUR LE TRANSPORT DE GAZ NATUREL
Le Sénégal poursuit son ambition de renforcer sa souveraineté énergétique grâce à un projet d’envergure visant à transporter le gaz naturel par canalisation sur une distance de 400 km
Le Sénégal poursuit son ambition de renforcer sa souveraineté énergétique grâce à un projet d’envergure visant à transporter le gaz naturel par canalisation sur une distance de 400 km. Le coût global de cette initiative stratégique est estimé à 650 milliards de francs CFA, soit environ un milliard d’euros, selon Pape Momar Lô, directeur général du Réseau gazier du Sénégal (RGS).
Lors d’un point de presse organisé après la signature d’un protocole d’accord entre APIX SA et le Réseau gazier du Sénégal, Pape Momar Lô a précisé que le premier segment, en cours de passation de marché, nécessitera environ 200 milliards de FCFA. Les travaux des autres segments débuteront en 2025.
Bakary Séga Bathily, directeur général de l’APIX, a souligné l’importance de ce partenariat, qui vise à garantir une libération fluide des emprises nécessaires à la construction du gazoduc. Ce protocole reflète l’objectif commun des deux entités : relever les défis liés à l’expropriation et à la gestion foncière tout en respectant les communautés impactées.
Le réseau gazier s’inscrit dans une vision globale visant à améliorer l’accès des populations sénégalaises à une énergie fiable et abordable. En substituant le fuel et le charbon par du gaz naturel dans les centrales électriques, cette initiative permettra de réduire de manière significative les coûts énergétiques et les émissions de CO₂, avec une diminution estimée à 30 millions de tonnes d’ici 2050.
« Ce projet est une étape majeure dans la transition énergétique du Sénégal », a déclaré Pape Momar Lô. « Il symbolise un engagement collectif à construire un avenir meilleur pour nos concitoyens et à positionner notre pays parmi les nations innovantes et audacieuses. »
Le préfet de Saint-Louis, Abou Sow, a mis en lumière les défis sociaux liés au projet, notamment la réinstallation des familles affectées. Il a appelé l’APIX à tenir compte des réalités culturelles et des structures familiales sénégalaises dans leurs plans de relogement.
« Déplacer une concession construite depuis des décennies pour une famille élargie et la remplacer par une seule maison risque de poser des problèmes », a averti M. Sow, tout en exhortant les populations à s’approprier ce projet national.
Ce projet de transport de gaz naturel représente une avancée majeure dans la quête du Sénégal pour l’autonomie énergétique. En réduisant la dépendance aux énergies fossiles importées, il permettra non seulement de booster l’économie nationale, mais aussi de contribuer à la lutte contre le changement climatique.
Avec un budget colossal et une portée stratégique, ce projet ambitionne de placer le Sénégal sur la voie de l’innovation énergétique tout en répondant aux défis sociaux et environnementaux liés à son déploiement.
L'ILLUSION DE LA RUPTURE
Alors que le nouveau régime affiche sa volonté de rompre avec la dépendance occidentale, les accords d'envoi de main-d'œuvre avec Madrid et Doha racontent une autre histoire. La ruée vers les guichets d'inscription contredit le discours souverainiste
Le Sénégal semble entrer dans une nouvelle ère avec l'avènement du nouveau régime incarné par le tandem Diomaye-Sonko qui donne une nouvelle impulsion à la souveraineté du pays. Mais entre ce désir de s'affranchir du joug occidental et les accords signés entre l'Espagne et le Qatar dans le but d'envoyer des travailleurs dans ces deux pays, le manque d'harmonie est manifeste.
L'image se passe de commentaires. Des milliers de jeunes qui se bousculent pour déposer leurs dossiers, dans le but d'espérer pouvoir décrocher le « Graal »: aller travailler pendant quelques mois dans les plantations d'Espagne. En effet, dans le cadre du Programme de Migration Circulaire Espagne-Sénégal, le ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, à travers le Secrétariat d’État aux Sénégalais de l’Extérieur et la Direction Générale d’Appui aux Sénégalais de l’Extérieur, a lancé un appel à candidature pour le recrutement d’ouvriers agricoles.
Cette information qui a été largement partagée dans les réseaux sociaux a poussé de nombreux jeunes qui y voient une chance inouïe de rejoindre l'Europe, à s'inscrire. Dans les relations bilatérales, cet accord peut sonner comme une chose banale. Sauf que les nouvelles autorités sont venues, disent-elles, pour asseoir la souveraineté du Sénégal sous toutes ses formes.
L'accession à la magistrature suprême du président Bassirou Diomaye Faye est une victoire à la Pyrrhus, car nombreux de leurs militants et sympathisants ont vu certainement dans leur démarche des raisons d'espérer rompre définitivement les amarres avec le système néocolonial. Et ces mois, le gouvernement a fait des efforts, notamment avec la commémoration des massacres de Thiaroye et la décision de fermer la militaire au Sénégal, pour donner un nouvel imaginaire aux jeunes Sénégalais. Mais force est de constater que cette nouvelle dynamique est en déphasage avec la communication catastrophique faite sur cet accord avec l'Espagne.
Comme le dit le penseur italien Antonio Gramsci pour expliquer son fameux concept d'hégémonie culturelle, ce joug tient grâce à son emprise sur les représentations culturelles de la masse. Poussant même les dominés à adopter leur vision du monde et à l’accepter comme indépassable. Et pour changer de paradigme, Gramsci trouve que toute conquête du pouvoir doit d’abord passer par un long travail idéologique.
Ainsi, les nouveaux tenants du pouvoir ne peuvent pas vouloir un changement de '' tempo'' vis-à-vis des pays occidentaux tout en se targuant d'avoir signé des accords avec l'Espagne ou le Qatar pour envoyer des jeunes sénégalais travailler dans ces pays respectifs. Ce n'est pas en accord avec les promesses du Projet.
D'ailleurs ce que l'actuel Premier ministre et leader du Pastef a toujours déclaré en parlant aux jeunes, c'est de faire part de son désir de les voir rester au pays afin de participer à sa construction et à son développement. Donc, ce gouvernement ne peut pas se permettre d'encourager, de promouvoir voire de se pâmer d'avoir signé un accord qui permet l'émigration.
À défaut de ne pas avoir les moyens de son endiguement, le nouveau régime ne doit pas l'encourager. Ils ont été élus pour changer le pays, mais surtout pour susciter l'espoir. Et les images qui circulent sur les réseaux sociaux montrant des milliers de jeunes prendre d'assaut le lieu de dépôt des dossiers sont déconcertantes.
Il faut dire aussi que ces derniers jours, le tribunal de Dakar ne désemplit pas. Il refuse du monde car les jeunes sont venus chercher des casiers judiciaires pour compléter leurs dossiers. Tout cela est confus et en déphasage avec la nouvelle dynamique de souveraineté prônée par les tenants du régime. La dissonance est trop flagrante et le contexte trop inaudible pour encourager ces départs.
Par Mohamed GUEYE
LES NOUVEAUX TRAFIQUANTS D’ESCLAVES
Les accords de migration signés avec le Qatar et l'Espagne contrastent avec les promesses d'emplois locaux. Le ministre Abasse Fall présente comme une victoire ce qui ressemble aux errements des régimes précédents
Une fois de plus, il s’avère que notre Premier ministre avait parlé trop vite. Ousmane Sonko, président du parti Pastef, lorsqu’il soutenait la candidature de son poulain Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la présidence de la République, promettait aux jeunes gens, qui constituaient la grande masse de la troupe d’électeurs sur lesquels il comptait, qu’eux au pouvoir, l’horizon allait se déboucher pour les jeunes. Ces derniers n’auraient plus pour seules perspectives de conduire des motos Jakarta ou de tenter d’émigrer en prenant les routes de la mer ou le chemin du Nicaragua pour tenter de rejoindre les Etats-Unis d’Amérique.
On avait la garantie qu’avec Pastef et ses dirigeants dynamiques et incorruptibles au pouvoir, non seulement les prix des denrées de première nécessité allaient baisser, mais en plus, de nombreuses entreprises nationales allaient voir le jour, qui allaient embaucher l’abondante et entrepreneuse main-d’œuvre des jeunes laissés oisifs par le pouvoir incompétent de Macky Sall. Ces paroles sont tombées dans des oreilles si crédules que les nouveaux dirigeants ont obtenu, tant à la présidentielle qu’aux législatives, des scores de sénateur, et une majorité indiscutable. Las ! C’est juste en ce moment que de nombreux électeurs ont commencé à se rappeler que les promesses n’engageaient que ceux qui y croyaient.
Le pire est que nos dirigeants actuels, sans doute peut-être à court d’imagination, en sont venus à recourir aux mêmes expédients utilisés par les pouvoirs qu’ils avaient voués au peloton d’exécution. Ainsi, il y a quelques jours, le ministre Abasse Fall revenait du Qatar en exhibant fièrement un accord qu’il venait de passer avec les autorités de ce pays, permettant d’expédier dans ce pays du Golfe, un millier de travailleurs manuels pour des emplois pas nécessairement les mieux rémunérés.
Avant que l’enthousiasme ne refroidisse, le gouvernement et le Royaume d’Espagne annoncent la revitalisation d’un accord de migration circulaire, qui devrait permettre à certains Sénégalais d’aller cueillir des fruits et des légumes dans des champs d’Andalousie, de Galice ou de la Catalogne…
Une autre bonne trouvaille, mais qui, comme celle du Qatar, a déjà fait ses preuves dans ce pays. Nos dirigeants se rappellent certainement qu’en 2007, quand les premières pirogues ont commencé à prendre d’assaut les côtes des îles Canaries, le gouvernement espagnol de l’époque avait proposé un contrat de ce type au pouvoir du Président Abdoulaye Wade. Il s’agissait, une fois encore, de migration circulaire. Des Sénégalais, jeunes gens et femmes jusqu’à un certain âge, étaient encouragés à partir en Espagne avec un contrat de travail d’un an. A la fin du contrat, le candidat revenait pour laisser la place à un(e) compatriote qui reprenait le même parcours. L’idée a fait «flop», non pas à cause des Espagnols, mais simplement parce que les premiers bénéficiaires ne voulaient plus retourner. Pourtant, les autorités espagnoles avaient mis les moyens, allant jusqu’à appâter les dirigeants sénégalais avec une cagnotte de 13 milliards, qui devait servir à l’Agence nationale pour l’emploi des jeunes (Anpej), à créer des emplois au niveau local.
Une bonne partie de ce montant a servi à lancer le Plan Retour des émigrés vers l’agriculture (Reva), qui devait servir à encourager les personnes refoulées d’Europe, à se former et à investir dans l’agriculture. Après plusieurs années, le fameux Reva, ne faisant rêver personne, a été transformé en Anida par Macky Sall. Sans doute échaudé par l’expérience de Wade, son successeur n’a pas relancé le projet de migration circulaire avec l’Espagne. Il faut dire que, à la même époque, le ministre français de l’Intérieur, un certain Sarkozy, était passé à Dakar pour tenter de vendre à son homologue Ousmane Ngom, l’idée d’une «immigration choisie», qui ambitionnait de piocher dans la crème des cadres bien formés chez nous, pour travailler dans les entreprises européennes avides de main-d’œuvre qualifiée. Mais là aussi, l’offre étant toujours supérieure à la demande, les portes de l’Europe se sont déplacées sur les côtes africaines, où l’agence européenne Frontex a voulu nous enfermer dans nos frontières. Avec souvent des complicités africaines.
Abasse Fall, qui est revenu du Qatar avec sa belle trouvaille, a sans doute oublié l’expérience du Koweït d’après-la guerre du Golfe, quand ce pays a voulu payer à Abdou Diouf la dette du sang de nos Jambaar tombés sur la route de la Mecque, après avoir pris leur part de la lutte contre Saddam Hussein, sous la couverture de Gorge Bush père. Plusieurs manœuvres ont pris le chemin de Koweït City. Les plus qualifiés étaient maçons, menuisiers, peintres, plombiers et autres. Nourrissant le rêve de faire fortune dans ce pays pétrolier, nombre d’entre eux ont vite déchanté devant les conditions de vie et de travail auxquelles ils étaient astreints. Et les choses ne se sont pas améliorées depuis.
Ceux qui ont suivi le processus d’attribution de la Coupe du monde de football au Qatar, ont aussi certainement à l’esprit les conditions dans lesquelles ont travaillé les migrants qui ont construit les beaux stades et les jolis immeubles qui ont accueilli les millions de visiteurs qui se sont rendus dans ce pays. Les médias occidentaux, mieux informés, n’ont pas hésité à parler des conditions proches de l’esclavage. Cela, sans parler des nombreux décès que ces constructions ont entraînés. C’est dire que les milliers d’emplois que fait miroiter Abasse Fall, devraient être scrutés avec beaucoup d’attention.
La première chose que notre ministre du Travail devrait éclairer est de savoir pourquoi cet accord, qui aurait été passé depuis 2014, sous le magistère du Président Macky Sall, n’a jamais vu un début d’application. Pourtant, Macky Sall a été confronté à des très sérieux problèmes d’emploi des jeunes. Cela ne l’a pourtant pas incité à enclencher cet accord signé avec ce pays ami, très riche en gaz et pauvre en population active. Si son régime n’était pas aussi désespéré, cette situation aurait dû mettre la puce à l’oreille de Abasse Fall.
A moins qu’il ne veuille reproduire le trafic d’esclaves de triste mémoire, qui a dépouillé nos pays africains d’une grande partie de sa jeunesse dynamique au bénéfice des Occidentaux et des esclavagistes arabes. En moins d’un an de pouvoir, le projet souverainiste en serait donc tellement à court d’énergie pour en venir à transformer ses ministres en trafiquants d’esclaves ? Où sont donc les brailleurs de «France Dégage» ? Ou alors l’Espagne et le Qatar ne sont pas concernés par ce slogan ?
LE RESTIC DEMANDE LA RELANCE DU CONSEIL NATIONAL DU NUMERIQUE
Le Rassemblement des entreprises du secteur des technologies de l’information et de la communication (RESTIC) appelle à «la réhabilitation du Conseil National du Numérique (CNN) comme organe de consultation et de veille»
Le Rassemblement des entreprises du secteur des technologies de l’information et de la communication (RESTIC) appelle à «la réhabilitation du Conseil National du Numérique (CNN) comme organe de consultation et de veille», en prélude au lancement du «New Deal Technologique», prévu pour le 24 février 2025.
Le «New Deal Technologique» est un projet d’envergure qui ambitionne de «moderniser l’Administration publique et renforcer l’efficacité des services administratifs avec des plateformes numérisées et digitalisées». Selon le RESTIC, cette initiative reflète «une volonté politique de faire des réseaux numériques et digitaux un outil de management public efficace et rapide, agile et transparent», lit-on dans un communiqué.
Aussi, pour atteindre ces objectifs, le RESTIC rappelle les directives données par le président de la République lors du Conseil des ministres du 12 juin 2024. Ainsi, parmi les mesures prioritaires identifiées, figurent : «Une bonne maîtrise du patrimoine numérique du Sénégal et la mise en place d’un modèle de gouvernance adapté des infrastructures numériques publiques ainsi que des données à travers un nouveau cadre législatif relatif aux données personnelles et à l’encadrement de l’hébergement des données nationales», précise la source. Il y a également «L’accélération de la digitalisation intégrale des administrations et la définition d’une Stratégie nationale avancée de cybersécurité afin de renforcer la confiance dans le secteur numérique».
Par ailleurs, le RESTIC estime que «la transformation numérique passera par la relance du Conseil National du Numérique», une commission consultative créée le 9 novembre 2018. En effet, cet organe doit «contribuer à accélérer le processus de transformation technologique, à travers la Stratégie “Sénégal numérique 2025” (SN 2025)», souligne le communiqué.
Dans cette perspective, le RESTIC, exhorte le ministre de l’Économie Numérique et des Télécommunications «à une évaluation exhaustive de la SN 2025, le cas échéant par un cabinet privé indépendant, afin de capitaliser sur les acquis indéniables mais aussi sur les limites et manquements».
LES INCONGRUITÉS DU SYSTÈME
Avec 3,9 millions de francs CFA mensuels, les ministres touchent moins que les directeurs généraux qu'ils sont censés superviser. De quoi pousser certains hauts fonctionnaires à préférer la direction d'une agence à un poste ministériel
Alors même qu'ils sont censés être les patrons des directeurs généraux, les ministres gagnent moins que les directeurs des structures relevant de la catégorie 1 et se retrouvent parfois à la merci des Dage pour faire face aux fins du mois difficiles et aux nombreuses sollicitations.
C'est un sujet qui revient périodiquement, toujours avec son lot d'incongruités. Dans une sortie sur Radio Sénégal international, hier, le ministre du Travail, de l'Emploi et des Relations avec les institutions, Abass Fall, est revenu sur ce que gagne un ministre de la République au Sénégal. Pour lui, c'est parce que les Sénégalais ne savent pas qu'ils les chargent tout le temps. “Est-ce que les Sénégalais savent ce que gagnent les ministres ? Je pense que s'ils le savaient ils vont les plaindre et non les charger”, assène-t-il, alors qu'il parlait de tout à fait autre chose, en l'occurrence des cotisations qu'ils sont appelés à faire pour la construction du siège de leur parti Pastef.
Mais combien gagne donc un ministre de la République ? Selon Abass Fall, le salaire du ministre au Sénégal est de 2,900 millions F CFA. “Si vous y ajoutez l'indemnité de logement, ça fait 3,900 millions. Il y a des ministres dont les voitures sont en panne, à commencer par moi. Les gens sont en train de faire beaucoup d'efforts et les Sénégalais...”, soutient le ministre chargé du Travail. Est-ce une invite à la revalorisation desdites rémunérations ? Les ministres sont-ils insuffisamment payés par rapport à toutes les charges qui pèsent sur leurs épaules ? La question est à nouveau agitée avec cette sortie du nouveau ministre.
D'abord, il faut préciser que ces montants dont semble se plaindre Abass Fall ne datent pas d'aujourd'hui. Sous Macky Sall également, les ministres percevaient le même salaire. Cet ancien ministre confirme : “Ils viennent peut-être de se rendre compte qu'ils sont nombreux à s'appauvrir en rejoignant un gouvernement. Beaucoup le faisaient par patriotisme, surtout pas pour des privilèges financiers. C'est aussi valable pour certains directeurs généraux. Maintenant, une fois que l'on choisit d'être, je pense qu'il est un peu mal venu de se plaindre. Il faut gérer, comme on dit”, lance-t-il narquois.
Ministre Abass Fall : “Si les Sénégalais savaient ce que gagne un ministre...”
Cela dit, ce débat soulevé à nouveau par le ministre Abass Fall met à nu certaines incongruités. En effet, au moment où les ministres sont cantonnés à 3,900 millions pour la plupart, certains directeurs généraux et directeurs perçoivent au moins cinq millions F CFA, compte non tenu de certaines primes qui leur sont octroyées chaque année.
En effet, il résulte du décret 2012-1314 que la rémunération des directeurs généraux, directeurs, présidents et membres des conseils de surveillance, est fixée selon la catégorie à laquelle ils appartiennent. Aux termes de ce décret, à son article 1er, les agences d'exécution et structures assimilées sont classées en quatre catégories. Ces catégories, selon l'article 2 du même texte, sont déterminées en fonction de trois critères : le budget, le positionnement stratégique et l'effectif.
Ainsi, tous les directeurs généraux et directeurs d'agence relevant de la première catégorie perçoivent cinq millions de francs CFA, compte non tenu des primes. Même les directeurs des agences de catégories perçoivent plus que les ministres, soit quatre millions, selon le décret.
Pour leur part, les directeurs des agences et structures assimilées de la 3e et 4e catégorie perçoivent respectivement trois et deux millions de francs CFA.
Ce montant est constitué du salaire de base, de l'indemnité de fonction et de l'indemnité de logement. Il faut noter que depuis 2021, les directeurs n'ont plus droit à un véhicule de fonction et cela est compensé par des indemnités de transport. En sus de cette rémunération, il est prévu une indemnité différentielle accordée à certains DG, sur la base de leur ancienneté et des performances de l'agence. L'article 8 du décret de 202 prévoyait également une prime annuelle de rendement accordée pour le DG. Ladite prime est plafonnée à 35 % du salaire de base annuel. Son attribution est, toutefois, fonction de la réalisation des performances assignées à l'agence.
Certains préfèrent être des directeurs dans certaines structures plutôt que d'être ministres
Pour justifier ces niveaux de rémunération, il a souvent été évoqué le niveau de responsabilités de certains agents dans les agences d'exécution. Par exemple, pour l'Agence chargée de la régulation des télécommunications et des postes (ARTP), on a souvent parlé de l'importance des acteurs dans ce secteur névralgique. Face à la puissance des entreprises de télécommunications, il y avait nécessité à accorder au DG un traitement important pour ne pas l'exposer à la corruption. “Certains DG font entrer beaucoup d'argent dans les caisses de l'État. C'est donc compréhensible que l'État les mette dans les conditions d'exercer sereinement et de façon efficace leur mission. Mais cela ne suffit pas, à mon avis, pour lutter contre la corruption. Quelqu'un peut gagner 300 000 et être incorruptible. On peut avoir dix millions comme salaire et être corruptible”, constate cependant cet ancien ministre de Macky Sall.
Quid alors du ministre qui, statutairement, est le supérieur hiérarchique du DG et qui, dans certains cas également, est appelé à gérer des budgets de plusieurs milliards de francs CFA ? N'y a-t-il pas lieu d'harmoniser un peu plus ces traitements ?
Une chose est sûre : au Sénégal, certains préfèrent, de loin, être directeurs généraux dans certaines structures plutôt que d'être ministres. Parmi ces directions qui font plus courir que certains ministères, il y a le Port autonome de Dakar, la Senelec, l'Agence de régulation des télécommunications et des postes...
“Je connais un ministre qui, après son limogeage par Macky Sall, a retrouvé un poste dans le système des Nations Unies. Il gagnait presque cinq fois ce qu'il gagnait en tant que ministre. Les gens s'appauvrissent, en vérité, en acceptant d'être ministres. Je parle des fonctionnaires internationaux qui abandonnent tout pour venir occuper une fonction ministérielle, pas des politiciens qui n'ont souvent pas de compétences particulières”, témoigne un de nos interlocuteurs. C'est souvent le cas de ces nombreux Sénégalais qui quittent leurs postes dans des multinationales pour venir servir dans le public.
Le suivi et le contrôle des directions par les ministres en question
Récemment, à Diamniadio, lors de la Conférence des administrateurs et managers publics, le vérificateur général revenait sur des faits et pratiques qui réduisent l'efficacité et l'effectivité du contrôle et du suivi que doit effectuer la tutelle. Il évoquait, dans ce cadre, le fait que certaines directions prêtent à leurs ministères tantôt des personnels tantôt des véhicules. “La réalité est parfois aux antipodes de ce que certains peuvent croire, quand ils ne sont pas aux affaires. Certains ministres sont à la merci même de leurs Dage. J'en connais aussi des ministres qui étaient souvent dépannés par le président”, rapporte la même source.
Diomaye et Sonko dépannent-ils leurs hommes et avec quels sous ? C'est en tout cas des défis auxquels vont faire face les chantres du ‘’Jub, Jubal, Jubanti’’.
Il y a quelques années, lors des Concertations nationales sur la modernisation de l'Administration, le président Macky Sall avait d'ailleurs soulevé certaines disparités dans la rémunération des agents de l'État. Il disait, à propos de la masse salariale : “Je dois m'arrêter un peu pour faire part de mon étonnement devant les disparités entre les agences d'exécution et l'Administration centrale. Alors qu'il s'agit de la même caisse, du même argent public, des mêmes missions, même s'il est vrai que les agences ont été mises en place pour accélérer les procédures. Il y a des disparités qu'il urge de réguler.”
Par Vieux SAVANE
DE QUI SE MOQUE-T-ON ?
Drôle de pays que le nôtre où l’on fait mine de ne pas se rendre compte qu’il est gangrené par une gestion prédatrice et clientéliste des deniers publics. Tout ce tapage alentour semble bien dérisoire lorsqu’il est question de la reddition des comptes
Les rapports de la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (Centif) transmis au Procureur de la République qui font étalage de crimes économiques présumés donnent froid dans le dos.
A bien des égards ils sont révélateurs du rapport au pouvoir qui travaille ce pays qui est le nôtre. Aussi, en lieu et place des indignations, des cris d’orfraie et des mouvements de soutien qui s’époumonent ici ou là, il conviendrait plutôt de s’interroger sérieusement sur une réalité indéniable qui le gangrène et plombe l’économie nationale.
Depuis ces dernières années en effet, le compteur de l’impunité et de la prédation s’affole en attendant que la justice fasse enfin son travail dans le respect de la séparation des pouvoirs. Dernier rempart susceptible de garantir la cohésion sociale, elle a l’obligation, à travers les personnes qui sont censées la dire au nom du peuple sénégalais, de rester fidèle à son serment. Et cela, conformément à l’idéal de la balance, symbole d’équilibre qu’elle incarne, parce que censée ne pencher ni d’un côté ni de l’autre. En dehors de toute connivence, refusant d’être aux ordres, il lui revient de dire le droit en ayant pour seule boussole, une conscience trempée dans l’éthique et la déontologie. C’est à ce prix qu’elle pourra contribuer à l’éveil d’une nouvelle confiance citoyenne autour de laquelle pourra s’édifier et se consolider le vivre-ensemble.
Et cette dernière, convient-il de le rappeler, se noue autour de l’exemplarité. Les dirigeants actuels doivent par conséquent montrer qu’ils incarnent au premier chef, la rupture systémique à laquelle ils appellent. Aussi, importe-t-il qu’ils nous montrent de la simplicité, de l’humilité et de l’ardeur au travail en prônant une vigilance à toute épreuve, refusant de succomber à cet ego hypertrophié qui aveugle et fait sombrer dans l’hubris d’un pouvoir fait d’arrogance et d’irresponsabilité.
Au premier chef sont-ils donc appelés à s’éloigner de cette culture de l’apparat voire du m’as-tu vu avec ces énormes bolides en provenance des usines de l’Occident décrié et/ou d’Asie, et qui coûtent aux deniers publics. L’Asie aurait dû au contraire, servir plutôt de modèle, pour avoir montré sa capacité à compter sur ses propres forces. Voilà un continent qui a misé sur l’ingéniosité et le sens de l’engagement et du don de soi des citoyens guidés par la volonté patriotique de transformer positivement un espace, naguère humilié par la domination étrangère, en pays qui emprunte avec panache le chemin de la souveraineté économique.
Déprivatiser les trottoirs du palais
A rebours de tout cela, la gouvernance impériale semble prendre ses quartiers sous nos cieux. Les tenants du pouvoir sont encore dans un m’as-tu vu, fait de sirènes, de gyrophares et de cortèges tapageurs. Avec en prime, pour le chef de l’État, des déplacements sur des parcours jalonnés par un impressionnant dispositif des forces de l’ordre. Sans compter cette régression démocratique qu’on peine à comprendre et que même les régimes précédents n’avaient osé imposer et qui consiste en la privatisation des trottoirs qui bordent le Palais présidentiel, c’est-à dire la maison des Sénégalais. Ils sont interdits à la circulation piétonne; mesures inadmissibles en dehors des périodes de crise, puisqu’il s’agit d’un espace public. Aussi, est-il souhaitable que le gouverneur du Palais puisse corriger ce qui ressemble à un abus de pouvoir d’un autre temps. Et pour tout clore, tout dernièrement le chef de l’État a présidé un séminaire relatif à l’administration pour appeler à plus d’efficacité, oubliant de relever que la première mesure à prendre car commandant tout le reste, et que les autorités doivent incarner au premier chef, est de rompre avec l’heure sénégalaise. Cet alibi paresseux qui pétrifie la ponctualité et ouvre un grand boulevard au laxisme, jusqu’à pas d’heure.
Il urge alors que les mots épousent les choses dans le sens d’une rupture qui refuse de se complaire dans l’incantation, oubliant que la puissance performative est de l’ordre du champ mystico-religieux, contrairement à celui de la réalité concrète qui nécessite que l’on se confronte à elle. En dehors des mots, des belles promesses et des décisions sans lendemains qui chantent. Une manière de s’inspirer ainsi de Thomas Sankara, une des références du pouvoir actuel, qui lui avait l’honnêteté de se conformer à l’idéal auquel il appelait. Avec simplicité et humilité, il circulait dans une petite voiture, incitait avec vigueur à une consommation endogène, à l’image du port « Faso danfani ».
La gouvernance n’est pas un gâteau à partager
L’actuel pouvoir avait par ailleurs promis de se démarquer du népotisme et de toute forme de tribalisme en ayant recours à des appels à candidature pour là aussi, finir par se noyer dans le poto-poto partisan, oubliant que la gouvernance n’est pas un gâteau à partager, ni une récompense pour services rendus mais question de compétence et de sens aigu du service public. Ce qu’on attend de nos dirigeants c’est de transpirer, de voir leurs cheveux blanchir sous le harnais, leurs mines préoccupées, à cœur de sortir le Sénégal de l’ornière. On attend d’eux qu’ils révolutionnent notre rapport au pouvoir. Que l’on n’ait plus à se réjouir de la nomination d’une tierce personne à un poste de responsabilité signifiant par-là, qu’elle va avoir accès aux ressources. Les urgences devraient pourtant être ailleurs au regard des problèmes de santé, de l’emploi, de la promotion positive des femmes dans les sphères de décision, des enfants talibés qui se voient voler leur avenir, etc. Alors que l’école est obligatoire ne les voilà-ils pas jetés dans la rue à la merci de toutes sortes de prédateurs sexuels et autres usuriers ? Autre signe inquiétant, on voit se poursuivre en dépit de toutes les campagnes de prévention et des mesures de répression, des vagues de départ de jeunes par pirogues, au risque de leur vie, en dépit des rêves et du « Projet », à la recherche d’une bouée d’espérance. Sans compter que le front syndical est entrain de se réchauffer, du fait de l’impatience qui commence à gagner certains secteurs sociaux.
La rupture systémique promue doit donc impérativement s’éloigner de la fétichisation des slogans pour avoir l’obsession de dérouler un chemin autre, en n’ayant pas en ligne de mire un second mandat car cela implique des calculs politiciens avec tout ce que cela suppose comme renoncement à des principes. Qu’importe du reste ce qui adviendra, car s’impose un sens du sacrifice, puisqu‘il faudra balayer toutes les mauvaises habitudes acquises durant ces dernières années, lesquelles se sont sédimentées autour du clientélisme et de la prédation.
Assurément, le souverainisme ce n’est pas passer son temps dans une conflictualité de dénonciation, mais s’inscrire dans une démarche de compter sur ses propres forces, comme axe central articulé autour de l’ouverture aux autres. Il s’agit en effet d’inverser la donne de l’échange inégal en se focalisant sur ce qui permet d’être maître de son destin. En somme consommer ce que l’on produit et produire ce que l’on consomme, car liberté ne peut être sous tutelle
L’impératif de justice
Drôle de pays que le nôtre où l’on fait mine de ne pas se rendre compte qu’il est gangrené par une gestion prédatrice et clientéliste des deniers publics ! Pour s’en convaincre, il suffit tout simplement de se souvenir de ce président de la République issu de la première alternance démocratique proférant ces paroles effarantes dès l’acceptation de sa défaite par l’opposition. « Nos problèmes d’argent sont maintenant terminés » avait-il clamé. Avec une brutalité teintée d’un cinglant cynisme, il posait ainsi un désastreux rapport au pouvoir ressemblant à un nid de la poule aux œufs d’or qui ne demande qu’à être pillé.
En réalité il ne faisait que mettre en exergue une vision qui s’est infusée dans le corps social et qui se traduit par le fait que, dès lors qu’une personne est nommée à un poste de responsabilité, ce qui intéresse d’emblée, ce ne sont pas les défis à relever mais la cagnotte qu’elle va devoir gérer. On se souvient aussi d’un autre président issu de la deuxième alternance qui se targuait d’avoir mis sous le coude des dossiers diligentés par l’inspection générale d’Etat (Ige), dans l’optique de neutraliser des adversaires politiques potentiels. Il menaçait aussi de se défaire de tout directeur de société nommé par ses soins en cas de défaite électorale, incitant ainsi à puiser allègrement dans les ressources publiques. Pourvu que ça rapporte gros sur le plan électoral !
A l’évidence, il est attendu ici que la justice s’empare des dossiers qui lui sont soumis par la Centif et puisse les instruire équitablement. A charge et à décharge, loin des calculs et des pressions politiques. Tout ce tapage alentour semble bien dérisoire lorsqu’il est question de la reddition des comptes. A se demander de qui se moque-t-on ?
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
FATOU NDIAYE SOW, UNE POÉSIE POUR LA MÉMOIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Sa poésie minimaliste capture l'essence même de l'histoire africaine, des souffrances de l'esclavage à l'espoir de la renaissance. Dans "Gorée", chaque mot est pesé, chaque image est ciselée pour porter la mémoire d'un continent
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Fatou Ndiaye Sow nous entraîne dans son univers poétique de simple manière. Les images sont épurées, touchant l’essence du verbe « dans les hauteurs célestes », aboutissant à la pureté de la parole.
Cette poésie minimaliste évoque la minutie du graveur de pierres, elle laisse des traces sur les rochers lisses par la « mer immense, mer sans limite ».
Le style est intensément poétique, retenu et déployant des figures scintillantes comme « les vagues nacrées ». Cette poésie, qui inspire la beauté de l’aube et l’infini de l’horizon, porte en elle une unité émotionnelle qui bâtit un ton personnel.
Puis l’imaginaire de la poétesse se métamorphose, le « je » devient un autre. On remonte le courant de l’histoire, « un soir sans lune », pour suivre le récit insoutenable de la déportation, de l’esclavage et de l’exploitation qui perdure.
Gorée, texte poétique à la beauté saisissante, est la somme de la douleur du génocide, du sang qui jonche la poussière « de routes inconnues », de l’espoir qui renaît à relever la tête, à dire la vérité, sa conviction, à ne pas laisser se briser les liens de l’histoire, à retrouver le corps meurtri de l’Afrique qui a laissé son souffle dans les Caraïbes et aux Etats-Unis d’Amérique.
La renaissance africaine est contenue dans cette élévation de la mémoire, dans les chants amers et féconds du monde noir qui résonnent sur toute la terre. L’âme africaine est dans toutes les musiques du monde, elle se livre pour répandre l’histoire des royaumes déchirés, la longue traversée mortelle, la fougue du désir retrouvé, la dignité à se connaître et la grandeur à renaître.
Née en 1937 à Tivaouane (Sénégal), Fatou Ndiaye Sow a été professeure à l’école primaire. Elle a publié de la littérature pour la jeunesse, « Takam-takam », éditions N.E.A., 1981 et a composé des nouvelles encore inédites. Elle est membre fondatrice du comité international des femmes écrivaines. Elle est décédée subitement le 23 octobre 2004, alors qu’elle participait à un congrès de femmes écrivaines africaines à New York.