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24 avril 2025
Développement
L'UNITÉ DE L'OPPOSITION À L'ÉPREUVE
En attendant le 12 septembre, jour de l’installation des nouveaux députés, la guerre des affiches et des slogans fait rage dans les rangs de l’intercoalition Yewwi-Wallu. Déjà, quatre candidatures sont agitées au sein même de Yewwi contre une pour Wallu
Les affiches sont assez révélatrices. Elles en disent long sur les ambitions des uns et des autres au niveau l’intercoalition Yewwi-Wallu. A tel enseigne que beaucoup se demandent s’il leur sera possible d’avoir un seul et unique candidat, pour espérer barrer la route à Benno Bokk Yaakaar pour la présidence de l’Assemblée nationale. Sans écarter totalement une telle éventualité, un des responsables de l’intercoalition confie à ‘’EnQuête’’ que la probabilité reste très faible. ‘’Cela m’étonnerait beaucoup, enchaine l’opposant. En fait, il ne faut pas oublier qu’il y a moins de deux ans qui nous sépare de la prochaine Présidentielle. Et comme chaque entité a des ambitions, il ne faut pas s’attendre à ce que les gens se fassent des cadeaux’’.
Déjà, c’est la guerre des slogans et des affiches. Laquelle se joue jusque dans les différents groupes WhatsApp de l’intercoalition. Notre interlocuteur avoue et dédramatise : ‘’C’est vrai que chacun est en train de vanter les mérites de son leader, dans la perspective de la Présidentielle de 2024. Mais jusque-là, ça se fait de manière civilisée, sur le ton même de l’ironie. Nous sommes quand même en politique et les gens sont libres d’avoir des ambitions. C’est même ce qui est normal.’’
Dans cette guerre de positionnement, c’est Yewwi Askan Wi qui risque le plus d’en pâtir. Déjà, pas moins de quatre candidats ont été signalés au sein de ce bloc le plus représentatif de l’opposition. Troisième à la dernière Présidentielle de 2019, figure de proue de l’opposition, Ousmane Sonko a été l’un des premiers à officialiser sa candidature. À peine sorti des Législatives de 2022, il a invité ses partisans à faire ‘’focus sur 2024’’. Dans la foulée, le président de Pastef avait annoncé une tournée nationale qu’il compte lancer à partir de ce mois de septembre. Aussi, prend-il un peu d’avance sur ses éventuels concurrents, de l’opposition comme du pouvoir.
Bien avant même les élections législatives, à la veille des Locales, l’autre grande figure de Yewwi Askan Wi, en l’occurrence Khalifa Ababacar Sall, avait lui aussi déclaré sa candidature, suite à une interpellation des journalistes de RFI et de France 24. Il disait sans ambages : ‘’Inch’Allah, je serai candidat en 2024.’’ Sans se faire prier, l’ancien maire de Dakar expliquait le deal au sein de la coalition naissante : ‘’Notre coalition Yewwi Askan Wi, qui est la coalition de l’espoir, a décidé d’aller ensemble pour les élections locales ; elle a décidé d’aller ensemble pour les élections législatives ; nous gouvernerons ensemble… Mais, pour la Présidentielle, c’est la pluralité qui est préconisée. C’est-à-dire tous les candidats se battront et au deuxième tour, on va se ranger autour du mieux placé.’’
Depuis quelque temps, certains de ses partisans sortent leur affiche avec le hachage SN2024KAS. ‘’Un président, lit-on dans une de leurs affiches, ce n’est pas un nom, c’est un comportement’’.
Mais à ce rythme, il risque de ne pas y avoir de deuxième tour pour aucun des candidats de Yewwi Askan Wi. En effet, à côté de Khalifa Ababacar Sall et Ousmane Sonko, d’autres profils ont déjà annoncé leur candidature. Soit directement, soit par le biais de leurs partisans. Candidat recalé à la Présidentielle de 2019, le patron du Grand parti, Malick Gakou, n’a pas tardé à emboiter le pas à Ousmane Sonko. Lors d’une rencontre organisée par les femmes de son parti, il s’est dit ‘’prêt’’ pour la bataille de 2024. Dans la foulée, des partisans de Déthié Fall sont montés eux aussi au créneau p
our vendre la candidature de leur leader. ‘’Déthié Fall, 2024 Yaw la (Déthié Fall, 2024 c’est vous)’’, scandent-ils. Last but not least, il y a le Parti de l’unité et du rassemblement qui a participé à toutes les élections depuis au moins 2017. Il ne serait donc pas surprenant qu’eux aussi viennent allonger la liste déjà assez longue de prétendants.
Dislocation des forces de Yewwi Askan Wi ?
Cette dislocation des forces de Yewwi Askan Wi, si elle se concrétise, pourrait constituer un lourd handicap pour ladite coalition. Elle pourrait profiter, en revanche, à Wallu qui reste malgré tout un bloc plus ou moins homogène, avec un seul candidat déclaré pour la prochaine Présidentielle. Sur les différentes affiches des partisans de Wallu, on peut lire : ‘’Cap sur Karim 2024’’ ou bien ‘’Karim, le candidat du peuple’’. Une candidature qui est loin d’être une surprise, mais qui fait face à un obstacle juridique, à l’instar de celle de Khalifa Sall.
En effet contrairement à Yewwi qui compte en son sein plusieurs fortes personnalités, au niveau de Wallu, il n’y a que le Parti démocratique sénégalais avec comme principal allié Mamadou Lamine Diallo.
C’est dans ce contexte de guerre de positionnement que se profile l’installation des députés de la 14e législature, avec comme point d’orgue le choix du futur président de l’Assemblée nationale. Qui va accepter de s’effacer pour mettre le ‘’rival’’ sous le feu des projecteurs ? Voilà toute la difficulté pour l’intercoalition d’avoir un seul candidat. C’est d’autant moins évident que celui qui sera choisi va diriger l’Assemblée pour toute la durée de la législature, s’il arrive à sortir victorieux de l’élection. Ce serait un butin de guerre non négligeable en direction de la prochaine Présidentielle.
En effet, la présidence de l’Assemblée nationale, c’est non seulement la deuxième personnalité de l’État, celui qui remplace le président de la République en cas d’empêchement, des compétences diplomatiques qui le mettent en selle sur la scène internationale, mais aussi, et surtout le contrôle effectif sur une manne financière de plus de 17 milliards F CFA...
AUTORISATION DES OGM, LE SÉNÉGAL FACE À SON DESTIN
Les OGM seront bientôt autorisés dans le pays, en attendant la promulgation de la nouvelle loi sur la biosécurité par le président de la République. Un choix déploré par beaucoup d’acteurs de la société civile
OGM. Rien qu'évoquer ces trois lettres suscite la peur chez beaucoup de personnes averties. L’être humain joue-t-il avec la création divine ? Ou trouve-t-il un moyen de répondre aux innombrables défis de cette vie (santé, souveraineté alimentaire, etc.) ? La question est loin d’être tranchée. Pendant ce temps, la science avance à grands pas et offre des possibilités toujours plus grandes, mais jamais sans risques.
Cette réalité atteint le Sénégal, à l’heure de répondre à cette question humaine qui ne nous épargne pas. La loi sur la biodiversité de 2009 a été modifiée et adoptée par l’Assemblée nationale. Désormais, les OGM vont bientôt être autorisés dans le pays, en attendant la promulgation du président de la République. Un choix que beaucoup d’acteurs de la société civile déplorent, tant dans la manière que dans les implications pour les populations. Cet article tente d’apporter quelques éclaircissements aux indécis sur la question des OGM.
ADOPTION D’UNE NOUVELLE LOI SUR LA BIOSÉCURITÉ
Un virage à 360°
Dans la plupart des pays développés, l’adoption des organismes génétiquement modifiés (OGM) s’est faite après bien des débats publics, vu la controverse que suscitent ces produits de ‘’nouvelle’’ nature. Toutefois, au Sénégal comme dans beaucoup de pays africains, la manipulation des gènes avance avec une communication très silencieuse.
Une révolution se prépare-t-elle dans l’agriculture sénégalaise ? Un pas décisif a été posé en ce sens. Pourtant, l’information est passée sans tambour, ni trompette. L’Assemblée nationale a adopté, le vendredi 3 juin 2022, en procédure d’urgence et sans débat, le projet de loi n°08/2022 portant sur la biosécurité. Celui-ci abroge la loi n°2009-27 du 8 juillet 2009 portant sur la biodiversité. Et ce qui interpelle dans cette nouvelle réglementation, c’est l’élimination de l’article 18 qui dispose : ‘’Il est interdit d’importer ou de mettre sur le marché des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou produits dérivés susceptibles de provoquer une dégradation de l’environnement ou un déséquilibre écologique ou de nuire à la santé humaine ou animale.’’
Défendant la nouvelle loi, le ministre de l’Environnement, Abdou Karim Sall, a souligné que cette disposition (l’article 18) ‘’outre qu'elle constitue un frein au développement des activités liées aux OGM, est difficilement conciliable avec le Protocole de Cartagena qui, au contraire, vise à assurer un degré adéquat de protection pour la manipulation, le transfert et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine’’.
Macky Sall : ‘’Il est indéniable que les OGM peuvent aider à relever les défis de l’heure…’’
Si les risques sur les OGM sont établis, le gouvernement évoque ainsi ses engagements internationaux pour justifier l’introduction de produits issus de ces manipulations génétiques au Sénégal. Mais il s’agit d’un long processus qui vient d’aboutir à l’Assemblée nationale. En 2017, le président de la République s’est prononcé pour la première fois en faveur de l’introduction des OGM au Sénégal. Lors de la 8e séance académique solennelle de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS), Macky Sall assurait : ‘’Il est indéniable que les OGM peuvent aider à relever les défis de l’heure, concernant la sécurité alimentaire, les problématiques de la santé publique, la conservation des ressources naturelles et la lutte contre les changements climatiques. Sans aucun doute, le Sénégal pourrait, à l’instar d’autres pays, tirer de ces technologies des avantages socio-économiques considérables. Il faut engager une réflexion sérieuse afin d’élaborer une stratégie permettant l’utilisation optimale des OGM, tout en atténuant les risques y afférant.’’
A cet effet, la rencontre d’alors permettait à l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS) de publier son rapport intitulé ‘’Les organismes génétiquement modifiés : état des lieux, enjeux et perspectives au Sénégal’’, résultat d’une étude de la problématique des OGM, sur instruction du président de la République, qui souhaitait disposer d’une base de données scientifiques permettant de prendre une décision concernant introduction des OGM au Sénégal.
Le rapport de l’ANSTS (2017) conclut ‘’qu’il n’y a aucun risque à consommer des aliments issus d’OGM’’. L’étude menée sur les OGM dans les 14 régions du Sénégal révèle que, globalement, 68 % des populations enquêtées, tous secteurs confondus (chercheurs, agents de l’Administration publique, acteurs de la société civile, secteur privé, acteurs du monde rural) sont ‘’pro-OGM’’ et, par conséquent, ils sont favorables à l’introduction, à la production et à la commercialisation des OGM au Sénégal.
Études contre études
Cependant, un passage du rapport affirme que les ‘’principaux acteurs du monde rural, notamment les agriculteurs, ont une connaissance très limitée de la question’’. Dans un article publié en 2018, le Comité ouest-africain des semences paysannes (COASP), qui lutte contre l’utilisation des OGM en Afrique, affirme que ‘’d’après les déclarations des paysans enquêtés, les enquêteurs (de l’ANSTS) n’ont pas utilisé le terme OGM, mais plutôt celui de ‘’semence de la recherche’’ et les paysans ont répondu en fonction de cette terminologie’’.
Dénonçant l’évocation légère de conclusions d’études ‘’françaises’’ et ‘’américaines’’ sans les citer, comme justification de l’absence de dangers majeurs dans l’utilisation des OGM, le COASP se fonde sur deux études pour affirmer les risques sanitaires liés aux OGM : un rapport de l’Académie américaine de la médecine environnementale (AAEM) publié en 2009, qui montre que les produits alimentaires génétiquement modifiés provoquent des dommages d'organes et les désordres de système immunitaire et gastro-intestinal, le vieillissement accéléré et l'infertilité. L’AAEM appelle à un moratoire immédiat sur les OGM et conseille aux docteurs de prescrire des régimes non-OGM pour tous les patients. Une étude publiée en 2012 par le professeur Giles-Eric SERALINI sur les effets à long terme (deux ans) des aliments transgéniques qui montre que la consommation par les animaux expérimentaux du maïs transgénique (le NK603) provoquait l'apparition de tumeurs, ainsi que des troubles hépatiques et rénaux.
La Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) est un cadre qui regroupe une diversité d’acteurs comprenant des paysans, des organisations communautaires de base, des collectivités territoriales, des organisations non gouvernementales, des chercheurs et des entreprises privées dans le but de contribuer aux réflexions de l’État sur la question de la transition agroécologique. En avril 2020, dans un document intitulé ‘’Contribution aux politiques nationales pour une transition agroécologique au Sénégal’’, elle affirmait déjà que ‘’les évolutions récentes du contexte réglementaire national et régional suggèrent qu’il existe un risque imminent d’introduction d’organismes génétiquement modifiés (OGM) au Sénégal. (…) Si elles sont introduites au Sénégal, les variétés OGM de cultures vivrières risquent de contaminer les semences natives, alors que les risques sanitaires, environnementaux, économiques et sociaux n’ont pas été évalués. Les OGM risquent d’affecter négativement la vie des producteurs et des consommateurs, comme ce fut le cas au Burkina Faso avec le coton BT (pour Bacillus thuringiensis, le nom d’une bactérie qui permet de résister à certains insectes)’’.
Ali Tapsoba (société civile burkinabé) : ‘’Le Sénégal va bientôt vivre les mêmes problèmes que les pays qui ont accepté cette législation’’
Un témoin de cet épisode burkinabé est Ali Tapsoba. Membre de la Coalition ouest-africaine pour la protection du patrimoine génétique (Copagen) il suit régulièrement la législation sénégalaise dans le cadre de l’autorisation des OGM. ‘’Quand j’ai vu que le Parlement sénégalais a adopté cette nouvelle loi sur la biosécurité, je me suis dit waouh ! Le Sénégal va bientôt vivre les mêmes problèmes que les pays qui ont accepté cette législation’’, alerte-t-il après l’adoption de la nouvelle loi sur la biosécurité.
Au Burkina Faso, d’autres expériences continuent d’être menées autour des OGM. Parmi les acteurs majeurs de la révolte contre le coton BT, Ali Tapsoba continue son combat. ‘’Dans la société civile, assure-t-il, nous menons des rencontres dans le but d’expliquer aux populations les enjeux autour de ces questions liées aux OGM et quelles stratégies mettre en place pour que ces OGM ne viennent pas envahir l’Afrique. Le Sénégal est pratiquement la capitale de l’Afrique. Si des choses sont implémentées ici, c’est le continent entier qui pourrait être tenté’’.
Un mois après son passage à l’hémicycle, la DyTAES a tenu un point de presse pour exprimer ses inquiétudes et son indignation pour la manière dont les députés sénégalais ont adopté, à l’unanimité, sans débat et en procédure d’urgence, la nouvelle loi sur la biosécurité. ‘’Cette loi n’a pas fait l’objet d’un vrai processus inclusif et participatif avec les différents segments de la société, en particulier avec les agriculteurs et une diversité de représentants de la société civile’, assure-t-elle, avant de demander au gouvernement de surseoir à sa promulgation, le temps d’ouvrir un débat populaire autour de ce texte, ‘’conformément aux exigences de l’article 13 de la Convention sur la biodiversité et de l’article 23 du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques’’.
Texte Collectif
CE N'EST PAS À MACRON MAIS À L'UA DE S'EMPARER DE LA QUESTION MÉMORIELLE
Plutôt que de monter un nouveau comité d’historiens, il faut exiger l’ouverture de toutes les archives de la colonisation européenne et mettre sur pied un comité d’intellectuels africains qui y travaillerait, non pendant un an, mais cinq ans s’il le faut
Jeune Afrique |
Texte Collectif |
Publication 29/08/2022
« Je souhaite que nous puissions avoir et lancer ensemble un travail conjoint d’historiens camerounais et français. » C’est la proposition faite par Emmanuel Macron lors de sa visite des 25 et 26 juillet au Cameroun pour tenter de liquider un passé colonial qui ne passe pas. Il s’agit d’un passif considérable et de graves crimes commis sur les nations africaines, encore douloureusement ressentis par les populations, les familles de victimes et les humanistes. La France traîne depuis plus de soixante-dix ans ce boulet mémoriel et peine à se sortir honorablement de ce bourbier.
Massacres
Si le président Macron est revenu sur cet épineux problème, sa proposition irrite davantage qu’elle n’apaise. Les faits sont établis, répertoriés, connus, déjà publiés. La méthode choisie reste tout aussi contestable pour nombre de Camerounais et d’Africains, en particulier s’agissant des bilans chiffrés des événements sanglants qui ont rythmé la fin de la colonisation. Pour le seul Cameroun, le bilan est lourd, même si les spécialistes ne s’accordent pas tous sur les chiffres.
Par-delà les assassinats ciblés de leaders indépendantistes tels que Ruben Um Nyobé, Félix Moumié ou Castor Osendé Afana, l’écrivain et historien camerounais Jacques Kago Lélé va jusqu’à dénombrer entre 800 000 et un million de morts entre 1955 et 1960, lors de la guerre de libération, dans le département de la Sanaga-Maritime ou dans les villes de Douala, Nkongsamba, Sangmélima, Ebolowa, dont 8 000 personnes massacrées dans la localité de Yogandima et quelque 400 000 en pays bamiléké. Dans leur livre Kamerun. Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, paru en 2011, Manuel Domergue, Jacob Tatsitsa et Thomas Deltombe évoquent, eux, « plusieurs dizaines de milliers de morts ».
Qu’apporteraient les commissions d’historiens suggérées par le président Macron ? Certes des détails plus précis. Et, probablement, la révélation d’exactions commises par le camp nationaliste, voire de trahisons internes. Là n’est pas l’essentiel.
Le point de départ de toute action sur cette question mémorielle devrait être la reconnaissance, par l’État français, des crimes commis en son nom et la présentation d’excuses aux peuples outragés par un système criminel, néfaste, brutal et prévaricateur. Il a pour nom la colonisation et pour mobile l’exploitation. Il est, par sa nature même, juridiquement condamnable et moralement indéfendable. En outre, on peut douter de l’efficacité des travaux promus par le président Macron car le dispositif qu’il propose est non contraignant.
La colonisation en Algérie surpassa en effet en massacres, en drames, en tortures et en spoliations toutes les entreprises identiques, en raison du type particulier de colonie dont il s’est agi – une colonie de peuplement – ; en raison, aussi, de sa durée, de son intensité et des horreurs du système d’exploitation et d’assujettissement que le colonisateur exerça dans ce pays.
Mais, en évitant une approche globale (du moins continent par continent) de la colonisation, on tombe dans le piège tendu par la diplomatie de la commission Théodule ou dans celui du rapport commis par un savant amadoué. Elle s’apparente à une diplomatie de l’édredon et emprunte les allures du « colonisateur de bonne volonté », comme dirait Albert Memmi. Ce colonisateur-là admet moins par conviction que par tactique les crimes du passé colonial. Il cherche surtout à dissoudre ce méfait colossal dans le souhait de liquider davantage encore une prétendue « rente mémorielle ». Il évite d’entendre les blessés et les outragés de ce traumatisant épisode des relations internationales.
Cet empressement est fait pour redorer une image et repeinturlurer un drapeau sans condamner le système colonial et ses prolongements. Ses promoteurs ne visent pas un dialogue franc et sincère. Ils cherchent à éviter le procès post-colonial instruit par des peuples écrasés hier et spoliés à jamais. L’idée de créer un comité franco-camerounais est l’une des ficelles à partir desquelles on cherche à habiller de vertu une démarche qui n’utilise que la ruse pour gagner du temps. Cette approche apparaît donc pour ce qu’elle est : grotesque par ses finasseries, insupportable aux nations, aux populations comme aux familles martyrisées. Examiner les crimes coloniaux et post-coloniaux en les segmentant nation par nation serait un aveuglement et une grave entorse à la vérité globale.
Approche globale
Plutôt que de monter un nouveau comité d’historiens, il faut exiger l’ouverture de toutes les archives de la colonisation européenne et mettre sur pied un comité d’intellectuels africains qui y travaillerait, non pendant un an, mais cinq ans s’il le faut. L’Algérie, le Cameroun, le Nigeria, le Mali, le Maroc, l’Angola, le Mozambique, Madagascar, les Comores, la Guinée, la Sierra Leone, le Cap-Vert, le Kenya, les Congos, pour ne citer que ces pays, attendent une reconnaissance sans contorsions des terribles dommages que leur a causé le système colonial : massacres, violences, avilissement, spoliation.
Emmanuel Macron gagnerait à le dire sans tarder et à présenter, pour l’Histoire et non pour les seuls historiens, les sincères regrets qui s’imposent avant que ne débute l’examen global des désastres produits par la colonisation. Ne cédons pas au saupoudrage, en examinant les dégâts colon par colon, autrement dit, au cas par cas, logique que tente de mettre en œuvre M. Macron et qui renvoie au bilatéralisme. L’ampleur du phénomène autant que la nocivité du système colonial exigent une réflexion plus large et une approche multilatérale.
C’est donc l’échelon continental et une instance supranationale qui nous paraissent les mieux indiqués pour éviter le retour du refoulé colonial et la logique du dominant et du dominé. Ils sont les mieux à même pour traiter les vastes chahuts que causa l’usurpateur colonialiste et leurs effets, qui bouleversent encore tant d’existences. L’Union africaine (UA) est parfaitement qualifiée pour s’emparer de cette affaire. C’est à elle de mandater des intellectuels africains du continent ou de la diaspora pour analyser ce que la conférence de Berlin a institué, en 1884-1885, et ce qu’elle a produit durant une longue période sous la logique de l’impérialisme et des politiques suprémacistes.
L’UA proposerait à l’Union européenne le cadre de sa démarche, ses objectifs et un calendrier de travaux portant sur « la tragédie que fut la colonisation et les moyens à mobiliser pour l’apaisement des mémoires et le repos des morts ». Il s’agit de sortir d’un cycle infernal et de la distance naguère établie – et qui perdure – entre le colonisateur et le colonisé. Il n’y a rien de particulier à attendre des initiatives isolées de M. Macron, car il feint de solder le passif pour mieux se présenter en libérateur. Ce faisant, il n’entretient que le doute ou, pis, la distance.
Albert Memmi, dans Portrait du Colonisateur (1957), a écrit au sujet de la distance qu’entretien le colonisateur avec le colonisé : « Pour se justifier, [le colonisateur] est amené à augmenter encore cette distance, à opposer irrémédiablement les deux figures, la sienne tellement glorieuse, celle du colonisé tellement méprisable. »
Le couple soulèvement-répression, qui s’ouvrit à Thiaroye, au Sénégal, le 1er décembre 1944, se poursuivit à Sétif et à Guelma, en Algérie, le 8 mai 1945, avant de s’étendre à Madagascar en 1947 puis au Cameroun dans les années 1950 a laissé des traces et des traumatismes encore vifs. Il est temps que la mémoire réellement partagée s’en saisisse dans l’espoir d’une résolution durable de ce qui demeure une fracture profonde et douloureuse dans le cœur des nations hier exploitées et aujourd’hui souveraines. Les Africains sont prêts à faire cette anamnèse. Et l’Europe ? Elle doit clairement s’exprimer. Il faut que ceux qui veulent en finir avec les drames et le passé colonial examinent cette affaire en la plaçant au bon échelon, sous l’égide d’institutions politiques, et en mobilisant un collège de personnalités choisies par les instances continentales. Le moment est venu de réaliser ce travail.
Selon Abdoul Aziz Kébé, le guide religieux joue un rôle d’orientation par lequel il amène le fidèle à prendre conscience de ses capacités et à exploiter ses talents sur le champ social notamment
La prière est le symbole que la religion marche sur ses deux pieds en même temps qu’elle constitue une invitation à l’action, a indiqué l’islamologue Abdoul Aziz Kébé, soulignant la nécessité d’un changement de paradigme visant à montrer que l’islam ne se résume pas seulement à des actes d’adoration.
Dans un entretien avec l’APS, Abdoul Aziz Kébé a insisté sur la nécessité d’un changement de paradigme dans une perspective visant à montrer que l’islam "n’est pas seulement des ibaadaat (actes d’adoration), mais une civilisation apte à procurer des solutions adaptables aux besoins du monde actuel, lequel fait face à d’énormes défis économiques et environnementaux".
"Dans la prière, quand on dit Allahouma (ô Seigneur), on invoque Allah et exprime des vœux. C’est comme si nous essayons de dire à Allah que nous sommes sur le chemin et cherchons son assistance. Donc la prière, c’est déjà une invitation à agir", a dit l’universitaire, par ailleurs délégué général au pèlerinage aux lieux saints de l’islam.
"Il y a peut-être une impression que les autorités religieuses n’ont pas fait de proposition à ce niveau mais je pense qu’il faut revoir cette impression", dit le chercheur.
Selon Abdoul Aziz Kébé, le guide religieux joue un rôle d’orientation par lequel il amène le fidèle à prendre conscience de ses capacités et à exploiter ses talents sur le champ social notamment.
"Cette action est d’autant plus nécessaire que le succès dans la vie ici-bas et dans l’au-delà ne pourrait se réaliser sans une autonomie de l’homme", a fait valoir l’islamologue.
Cette autonomie devant permettre à l’homme de vivre à la sueur de son front renvoie aussi à l’idée que "la dignité est consubstantielle à l’homme’’, comme enseigné dans le Coran, poursuit-t-il.
Mieux, dans le livre saint de l’islam, "le fait que le terme Imane (crainte révérencielle) s’accompagne très souvent du mot amal (action) montre à bien des égards que la prière n’est pas seulement une question de génuflexion et de prosternation", insiste le professeur Kébé.
D’après Abdoul Aziz Kébé, il est du ressort des autorités religieuses d’inviter les gens à comprendre ce qui est en eux-mêmes comme une chose pouvant les propulser et les amener à investir dans tous les domaines de la société.
Entre autres figures musulmanes qui se sont distinguées dans l’entreprenariat et l’investissement social au Sénégal, il a donné l’exemple de Cheikh Mbacké Gaindé Fatma, Serigne Mamoune Niass et Serigne Cheikh Tidiane Sy.
Ce dernier, a-t-il ajouté, au-delà de ses conférences publiques très courues, a été un grand industriel et un homme d’affaires prospère reconnu, qui a fait bouger beaucoup de repères.
"Il existe toujours des exemples que nous pouvons donner pour montrer que les autorités religieuses n’ont pas été que des dogmatiques qui se calfeutrent sur les tapis de prière, implorant Allah par le verbe", relève le délégué général au pèlerinage aux lieux saints de l’islam.
"Il nous revient de comprendre que la prière est une invitation à l’action", a-t-il insisté.
L'ÉCONOMIE SÉNÉGALAISE VICTIME COLLATÉRALE DE LA CHUTE DE L'EURO PAR RAPPORT AU DOLLAR
L’euro est passé, depuis mardi 23 août, sous le seuil de la parité avec le billet vert, cotant 0,9901 dollar. Une situation qui n’est pas sans impacts négatifs sur les économies de l’Afrique subsaharienne, dont le Sénégal
C’est inédit ! L’euro est passé, depuis mardi 23 août, sous le seuil de la parité avec le billet vert, cotant 0,9901 dollar, soit son plus bas niveau depuis le 29 novembre 2002. Une situation qui n’est pas sans impacts négatifs sur les économies de l’Afrique subsaharienne, notamment celle sénégalaise, ont alerté les autorités financières.
Les nuages s’amoncellent au-dessus de l’économie européenne. Après un coup de frein des indices des directeurs d’achats au mois d’août, la monnaie européenne continue d’évoluer sous la parité avec le dollar. Au plus bas depuis 20 ans, l’euro a remonté brièvement face au billet vert mardi soir et mercredi, sans vraiment retrouver de la vigueur. Depuis le début de l’année, il affiche une baisse de 12,5 % face au dollar. Au 1er août déjà, une unité de la monnaie européenne s’échangeait à 1,027 dollar, soit 639 F Cfa.
Mais cette situation n’épargne guère le Franc Cfa, qui est, aujourd’hui, arrimé, note le Ministère des Finances et du Budget, dans son dernier bulletin de veille et d’intelligence économique du 24 août 2022.
« Le changement de rapport de force entre les deux puissantes devises occidentales pourrait avoir un impact non négligeable sur des économies comme celle du Sénégal. La chute de l’euro par rapport au dollar devrait, par exemple, améliorer la compétitivité prix des biens exportés par le Sénégal, dans un contexte de hausse des cours des matières premières ».
Toutefois, elle alourdirait la facture des importations. Et, selon toujours le document, le renchérissement de ces dernières impacterait négativement la balance commerciale et entrainerait un amenuisement des réserves de change communautaires (les réserves de change de la Bceao ont chuté de 6,6 mois d’importation de biens et services à 5,2 mois d’importation au premier semestre 2022) ainsi qu’une augmentation du niveau général des prix, par le canal de l’inflation importée.
Pire, « cette situation pourrait engendrer des crises alimentaires ». De plus, « un alourdissement de 13,5% du service de la dette libellé en dollar est attendu en un an, suite aux pertes de change ».
Il est cependant à noter que la stratégie d’endettement du Sénégal, marquée par une réduction de la part d’endettement en dollar au profit de l’euro, a considérablement réduit l’exposition du pays au risque de change, rassure le ministère des finances, qui soutient que « les services compétents de gestion de la dette publique sénégalaise ont, de même, intégré dans leurs scénarios plusieurs hypothèses, dont une dépréciation vis-à-vis du dollar de 30%, dans une démarche proactive ».
Les raisons de la chute de l’euro
Le document relève que la récente consolidation du dollar par rapport à l’euro peut être expliquée par plusieurs facteurs. D’abord, des éléments d’ordre structurel, essentiellement liés à la composition de la zone euro et au rôle prépondérant du dollar dans le commerce international. Ensuite, des facteurs conjoncturels qui ont occasionné des fluctuations de l’économie mondiale, en rapport avec la situation géopolitique actuelle. En effet, la première cause de la chute de l’euro par rapport au dollar serait la conjugaison de l’ampleur et de la disparité des niveaux d’endettement de la zone euro. Même si le taux d’endettement des Etats-Unis (125% du pib) est supérieur à la moyenne de la zone euro (95,6% du pib), cette dernière reste élevée et cache une disparité importante entre pays, perceptible à travers un ratio dette sur pib de près de 150% en l’Italie contre 60% pour l’Allemagne. Cette hétérogénéité de niveau d’endettement, donc de solvabilité compte tenu du resserrement de la politique monétaire et de l’augmentation du «spread», provoque une fuite monétaire de l’euro vers le dollar qui devient, ainsi, une valeur refuge. La devise américaine est, notamment, préférée par les investisseurs et davantage utilisée en tant que réserve de change des banques centrales (59% en 2021, selon le Fmi). Par ailleurs, la cotation de la plupart des matières premières, particulièrement le pétrole, en dollar, fait mécaniquement augmenter la demande de cette devise et donc sa valeur par rapport aux principales monnaies concurrentes. D’un point de vue conjoncturel, la guerre russo-ukrainienne a concouru à la chute de la monnaie commune européenne (-9,11% depuis le début de la guerre).
Les services du Ministre Abdoulaye Daouda Diallo rappellent également que les sanctions sur la Russie ont, en effet, raffermi les prix de l’énergie et provoqué un choc négatif sur la balance courante des pays européens ainsi qu’une pression à la baisse de l’euro. L’Allemagne a, dans ce cadre, connu son premier déficit commercial depuis sa réunification. Dans ce contexte de forte inflation en zone euro et aux Etats-Unis, la Fed a été plus réactive en relevant ses taux directeurs à plusieurs reprises à partir du mois de mars 2022, jusqu’à atteindre un niveau sans précédent depuis 1994. La différence de taux d’intérêt qui en a découlé a participé au renforcement du dollar vis-à-vis de la monnaie européenne.
En outre, la crise de confiance notée en zone euro a négativement impacté la devise européenne. Elle découle, en partie, de la non-optimalité de la zone monétaire, caractérisée par une absence de convergence budgétaire qui a créé des dissensions entre Etats européens, particulièrement sur la question de la dette publique que certains pays ont creusée durant la période du covid-19.
Par Madiambal DIAGNE
SONKO OU LE MONSTRE DE FRANKENSTEIN
Les médias s’offusquent que le leader de Pastef les insulte, les méprise et les prenne pour des moins que rien. Franchement qu’est-ce qu’il y a de nouveau sous notre soleil ?
C’est comme si de nombreuses voix importantes des médias, de la société civile et de l’opposition politique, sortent subitement d’un long sommeil, aux semblants d’un coma éthylique, pour enfin découvrir le véritable visage du leader de la formation politique Pastef. Ou bien que ces personnes soient rattrapées par le phénomène du retour brusque d’un déni d’une réalité qui, selon des réminiscences de quelques lectures freudiennes, est l’attitude consistant à refuser de voir les choses telles qu’elles sont réellement. Cela peut avoir une raison d’ordre idéologique, si cette réalité va à l’encontre de ses propres opinions. La nouveauté est que Ousmane Sonko trouve de moins en moins grâce dans les espaces publics. Désormais ses attitudes, frasques et autres déclarations font plus qu’émouvoir, elles indignent jusque dans les milieux qui lui passaient toutes ses incartades ou grossièretés, qui l’excusaient de tout en un mot.
Ousmane Sonko avait pu constituer un parfait client pour tout ce beau monde. Il était un gros épouvantail dressé face au régime du président Macky Sall. Les opposants trouvaient en lui la personne qui pouvait tout dire sans scrupules, comme mentir, calomnier, affabuler et ainsi susciter l’aversion des populations et les braquer contre Macky Sall. La fin justifiant les moyens. La Société civile, dans une posture de rentière des tensions ou des crises, pour reprendre l’expression de Yoro Dia, trouvait en Ousmane Sonko le bon pyromane pour entretenir, alimenter les tensions politiques et ainsi justifier l’intervention de secouristes pour sauver un Sénégal en péril. Les médias trouvaient en Ousmane Sonko leur meilleur client car ses déclarations tonitruantes, en veux-tu en voilà, font régulièrement les choux gras. Alors découvrent-ils tous que leur créature a pris de l’envergure et qu’elle s’est révélée effrayante ? On réalise en effet, au lendemain des élections législatives du 31 juillet 2022, que ce nouveau monstre est aux portes du pouvoir et la panique semble s’installer !
C’est en quelque sorte l’allégorie du Monstre de Frankenstein ! Dans une fiction de la romancière anglaise, Mary Shelley (1818), le Dr Victor Frankenstein avait fabriqué un être, dans le langage moderne on dirait un humanoïde, à partir de différents membres de cadavres. Une fois son œuvre terminée, il découvrit la laideur et le caractère hideux de sa créature qui l’effraya. Il l’abandonna et s’enfuit. La créature entra dans une phase de révolte et sombra dans une folie meurtrière pour attaquer et tuer son créateur qui ne l’acceptait plus, la reniait et contre la société tout entière qui la rejetait. «La morale de cette histoire est que nous engendrons souvent nous-mêmes les monstres qui nous hantent (…) Toute proportion gardée, des monstres de Frankenstein, la société en façonne tous les jours.» Mais le phénomène Ousmane Sonko aura aussi l’avantage d’être un pertinent révélateur des parjures, des reniements, de l’hypocrisie et des lâchetés des médias, de la Société civile et de la classe politique.
Qu’est-ce que les journalistes croient découvrir enfin sur Ousmane Sonko ?
Les médias s’offusquent que Ousmane Sonko les insulte, les méprise et les prend pour des moins que rien. Franchement qu’est-ce qu’il y a de nouveau sous notre soleil ? Ousmane Sonko a toujours traité de corrompus tous les journalistes qui écrivaient ou disaient des choses qui n’étaient pas conformes à sa propre vision. Déjà, avant d’entrer en politique, en 2014, il insultait les journalistes qui évoquaient les opérations de prévarications foncières menées par l’ancien directeur du Cadastre, Tahibou Ndiaye, arrêté et finalement reconnu coupable par la Justice. Les médias avaient fini par découvrir les fortes accointances et collusions entre Ousmane Sonko et Tahibou Ndiaye.
En 2017, Ousmane Sonko déversait sa bile sur les médias qui relevaient les incohérences, l’absence de preuves et le manque de rigueur de son livre «Pétrole et gaz, chronique d’une spoliation». Il n’hésitait pas à porter de fausses accusations contre les journalistes et les désignait à la vindicte de ses militants. Il triait au volet les journalistes admis à ses rencontres avec les médias. En 2019, il a fait interrompre la publication des résultats de l’élection présidentielle par les radios et télévisions qui diffusaient des résultats défavorables à l’opposition. Des hordes de militants qu’il avait chauffés à blanc avaient attaqué des maisons de presse et brutalisé des journalistes. Ils ont récidivé en mars 2021 pour empêcher les médias d’évoquer les accusations de viols et sévices sexuels portés par la dame Adji Sarr contre leur leader, faits qui seraient commis dans le lupanar de «Sweet beauty» où il avait ses habitudes et aises. Les médias ont été d’une prudence incompréhensible dans cette affaire et ont même épousé, les yeux fermés, la thèse du complot brandie par Ousmane Sonko et ses proches. On a même pu lire dans certaines colonnes des papiers dithyrambiques lui taillant, qui un manteau de héros, qui une posture d’immaculé qui pouvait jeter la première pierre à Marie Madeleine.
D’ailleurs, depuis l’éclatement de cette affaire en février 2021, jamais Ousmane Sonko n’a accepté une quelconque interview avec un média sénégalais. Les quelques entretiens qu’il a accordés l’ont été à des médias étrangers pour ne se limiter qu’à parler de son parcours politique et jeter l’opprobre sur le régime de Macky Sall. Il n’existe pas une rédaction au Sénégal qui n’ait pas essuyé de la part de Ousmane Sonko, un refus d’une demande d’interview. L’homme organise à sa guise ses sorties médiatiques sous forme de déclarations, sans aucune possibilité pour les journalistes de lui poser la moindre question. Ainsi, ces médias restent de simples caisses de résonnance de ses diatribes. Il reste que chacun peut être maître de son mode de communication mais les médias qui s’indignent aujourd’hui de cette façon de faire de Ousmane Sonko ne sont nullement obligés de traiter ses points de presse sans commentaires ou même de les couvrir. De même que ces médias ne sont pas obligés de relayer systématiquement des propos qu’ils savent pourtant totalement faux. Quel est le professionnalisme médiatique de colporter des déclarations mensongères en s’interdisant tout acte de «facts checking» ?
En prenant la responsabilité de relayer des informations qu’ils savent totalement mensongères sans pour autant les corriger, rectifier, les journalistes sont absolument complices de la forfaiture et de grossières manipulations de l’opinion. Chaque journaliste a pu compter plusieurs fois des mensonges et des manipulations orchestrées par Ousmane Sonko, comment peuvent-ils alors continuer à accorder le moindre crédit à ses dires ?
Le plus renversant dans tout cela est que ces médias et autres journalistes, qui montent sur leurs grands chevaux, ont vertement pourfendu leurs confrères et consœurs qui pouvaient se permettre de dénoncer par exemple les dérives ethniques et régionalistes de Ousmane Sonko.
Si cela peut nous consoler, ces nouvelles réactions et postures peuvent être le signal que les gens sont en train de se réveiller car «on ne peut pas tromper tout le peuple, tout le temps». Les médias réaliseraient-ils qu’ils ont plus à redouter de Ousmane Sonko que de tout autre acteur politique ? Le mépris ou le dépit est tel qu’il considère que «les réseaux sociaux sont plus importants que les médias».
La Société civile qui lui a tout passé, se retrouve dans sa ligne de mire
D’éminents leaders de la Société civile ont fait des sorties pour flétrir les dernières déclarations de Ousmane Sonko sur la situation au Mali et qui ont suscité la vive réaction des autorités militaires. Viendraient-ils de découvrir que Ousmane Sonko n’a jamais rien respecté ? N’avait-il pas déjà accusé le gouvernement du Sénégal et ses militaires d’épuration ethnique en Casamance sous le prétexte d’opérations de sécurisation ? On s’indigne maintenant que Ousmane Sonko s’en prenne à l’Armée nationale alors qu’il a toujours insulté la Justice, les magistrats, le président de la République, ses collègues députés, la police et la gendarmerie. Jamais cette Société civile effarouchée n’avait trouvé à objecter. Ousmane Sonko a insulté les autorités religieuses et coutumières et joué sur des fibres ethnicistes et régionalistes. Il a préconisé la remise en cause de l’intégrité du territoire national et a poussé le bouchon jusqu’à assumer les revendications de la rébellion armée sous l’égide du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), sans fâcher cette Société civile, le moins du monde. Qui ne peut se rappeler l’attitude de Ousmane Sonko devant le meurtre de quatre soldats et la prise d’otage de sept de leurs camarades par des éléments du Mfdc en janvier 2021 ? Ses partisans criaient à un complot fomenté pour justifier une opération militaire en Casamance ! Ousmane Sonko ne se démarquera jamais de cette forfaiture et quand on exigeait des condamnations de cette humiliation à notre Armée nationale et qu’on s’interrogeait sur certains liens troubles avec le Mfdc, ce sont les mêmes personnalités de la Société civile qui nous tançaient, demandant de ne pas mêler l’Armée ou la question casamançaise à ce qu’elles voulaient voir, avec une malhonnêteté déconcertante, comme des offensives politiques contre Ousmane Sonko. On peut s’amuser à relire certains tweets et autres publications, encore que ce sont ces mêmes personnalités qui jouaient aux Vrp de Ousmane Sonko avec le président de Guinée Bissau, Umaro Sisoco Embalo, pour aider à étouffer l’affaire Adji Sarr. Ce sont les mêmes qui ont aidé à faire la jonction ou raffermir des liens avec des putschistes de Conakry et de Bamako qu’ils applaudissaient du reste en chœur.
Dans une autre posture, cette société civile, plus d’une fois, a appelé à mettre de côté les lois de la République pour satisfaire aux desiderata de Ousmane Sonko comme l’enterrement de son dossier judiciaire avec la dame Adji Sarr ou encore tordre le cou aux lois électorales pour effacer les propres turpitudes et fautes de Ousmane Sonko et de son camp et leur permettre de participer à des élections. Ainsi, au nom d’une paix civile menacée par Ousmane Sonko, qui n’a de cesse d’appeler, publiquement, à la violence, à l’insurrection et à déloger le président de la République, la Société civile a préconisé en quelque sorte d’appliquer les lois selon la tête du client. Cette même Société civile qui parle de veiller sur le patrimoine foncier de l’Etat, n’a jamais cherché à fouiner dans les innombrables parcelles octroyées à Ousmane Sonko, aux cadres de son parti et pour le financement du syndicat qu’il dirigeait et jusqu’à son actuel parti Pastef. Pourtant, des médias ont publié des titres de propriétés indûment octroyés dans ces opérations de prédation foncière.
Au demeurant, le déchaînement de violences, diatribes et insanités contre les personnalités, qui ont eu le toupet de commettre le crime de lèse-majesté en cherchant à remettre Ousmane Sonko à sa place, leur aura certainement montré qu’ils ont en face d’eux une bande de voyous qui sont dans une position de chercher à braquer la République. La Société civile semble connaître le sort de l’arroseur arrosé.
Quand des leaders féministes supplient Anna Diamanka de rester stoïque devant les violences conjugales
L’affaire Adji Sarr aura surtout ruiné le combat, de toute une vie, de femmes qui portaient en bandoulière la défense des droits de la femme. Elles sont nombreuses à avoir détourné le regard et s’être bouchées les oreilles pour éviter soigneusement de prendre en charge le combat de cette pauvre femme presque abandonnée à elle-même. Sans l’écouter, l’entendre et l’approcher, des féministes, qui ont fait leur réputation sur le registre des droits des femmes, ont traité Adji Sarr de menteuse, d’affabulatrice, de comploteuse. Une telle attitude est sans doute commode pour s’épargner des insultes et d’être pris à partie par la meute du leader de Pastef. Mais on a aussi vu des féministes, jusqu’au bout des ongles, travailler à sauver le ménage de Ousmane Sonko avec Anna Diamanka, qui est victime de graves violences conjugales répétées. Elles demandaient à l’épouse éplorée de rester stoïque, résiliente et de demeurer dans son foyer comme «une bonne épouse», d’autant que son homme serait promis à un avenir grandiose. Anna Diamanka rit encore de l’une d’elles, députée de son état et qui participait à lui prodiguer des conseils pareils avec toujours une cigarette à la main. On ne peut pas être plus émancipé des codes sociétaux sénégalais pour qu’une femme grille une clope en public. Quelles marches ou manifestations ces bonnes dames n’avaient-elles pas organisées dans ce pays pour dénoncer des violences conjugales ? Une amie, espiègle, qui a des fréquentations dans le milieu, me faisait remarquer : «Quel combat pour le féminisme ou le droit des femmes quand on appelle ses domestiques avec une cloche ?»
Gabrielle Kane a raison, l’Etat du Sénégal s’est montré lâche !
On ose espérer que l’activiste Gabrielle Kane aura réussi, grâce à sa sortie de la semaine dernière dans le journal Source A, à secouer les autorités de l’Etat du Sénégal pour qu’elles daignent s’occuper du traitement judiciaire de l’affaire Adji Sarr. Oui, Mme Gabrielle Kane a raison quand elle parle de lâcheté et de couardise de l’Etat du Sénégal qui ne prend pas les dispositions nécessaires pour faire comparaître l’auteur présumé des viols répétitifs et sévices sexuels, alors que tous les autres protagonistes ont, depuis belle lurette, fini d’être entendus par le magistrat instructeur ! Cette situation est d’autant plus inacceptable que Ousmane Sonko continue de braver la Justice et de violer (sans aucun jeu de mots) allégrement les conditions fixées par le juge lors de sa mise sous contrôle judiciaire en mars 2021. Quid de ces opposants qui découvrent sur le tard les travers de Ousmane Sonko pour dénoncer son cynisme et lui enjoignent de respecter les institutions de la République. Ils ont pu expérimenter que Pastef et ses sbires utilisent contre les opposants les mêmes armes de l’injure, de la calomnie, de la manipulation, de l’intimidation et des menaces, que contre le camp du Président Macky Sall. Finalement, tout le monde a fini de mesurer le risque d’avoir un fascisant de cette trempe à la tête du Sénégal ! Il n’est jamais trop tard !
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ABDOUL MBAYE APPEL À ROMPRE AVEC L'HYPERPRÉSIDENTIALISME
L'ancien Premier ministre, président du parti ACT et membre de la coalition Yewwi fait le tour de l'actualité sociopolitique nationale au micro de Baye Omar Guèye dans l'émission Objection de Sud FM
L'ancien Premier ministre, président du parti ACT et membre de la coalition Yewwi fait le tour de l'actualité sociopolitique nationale au micro de Baye Omar Guèye dans l'émission Objection de Sud FM.
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NGUGI WA THIONG'O, LE COMBATTANT DES LANGUES
Dans son ouvrage Décoloniser l’esprit paru en 1986, ce romancier et théoricien post-colonial analyse la violence et « l’asservissement mental » qu’a représenté l’imposition des langues européennes dans les sociétés coloniales
Ngugi wa Thiong’o est un penseur kenyan né en 1938. Romancier et théoricien post-colonial, il est notamment l’auteur d’un essai majeur paru en 1986, Décoloniser l’esprit. Dans cet ouvrage, véritable plaidoyer en faveur des langues et cultures africaines, il analyse la violence et « l’asservissement mental » qu’a représenté l’imposition des langues européennes dans les sociétés coloniales.
Dans ses romans, et à travers son théâtre, Ngugi Wa Thiongo, développe une critique virulente de la bourgeoisie issue des indépendances et de l’oppression des classes ouvrières africaines. Influencé par la pensée marxiste et Franz Fanon, il est aussi un penseur du panafricanisme et de l’émancipation de l’Afrique.
Dans Pour une Afrique libre, essai paru en France en 2017, il développe des thèmes qui lui sont chers : la nécessité de l’estime de soi chez les Africains, le rapport de l’écrivain africain à sa ou ses langues, l’héritage de l’esclavage ou l’écriture comme instrument de paix et d’émancipation des peuples.
PAP NDIAYE, KYLIAN MBAPPÉ, QUAND LA FRANCE PRONONCERA-T-ELLE ENFIN CES PRÉNOMS CORRECTEMENT ?
Papé Ène-Diaye, Kylian Ème-Bappé, Denis Sassou Ène-guesso… En France, ces patronymes sont souvent écorchés. Comme si l’apprentissage des usages linguistiques et phonétiques africains était un défi insurmontable
Le premier a des origines à la fois françaises et sénégalaises ; l’autre est le fils d’un père né à Douala (Cameroun) et d’une mère d’origine algérienne, elle-même née à Bondy (Seine-Saint-Denis).
Ène-golo Kanté ou Abdoulaye Vade
Mais au cours de la semaine écoulée, un point en commun a réuni Kylian Mbappé et Pap Ndiaye : l’incapacité congénitale des commentateurs français à prononcer correctement leurs noms de famille respectifs. Et pourtant, c’est dès 1659 que les Français ont établi un premier comptoir à Ndar, cette ville sénégalaise qu’ils allaient rebaptiser du nom d’un de leurs rois et dont ils allaient faire ultérieurement la capitale de l’Afrique-Occidentale française (AOF) : Saint-Louis. Une ville où chaque habitant ayant « fait les bancs » est, lui, en mesure de prononcer correctement le nom de son ancien bourreau colonial, qui a laissé son nom en héritage au pont emblématique qui relie le continent à l’île abritant la ville historique : Faidherbe.
À la loterie franco-africaine, l’auteur de ces lignes peut s’estimer heureux. « Ba », n’est-ce pas le premier phonème enseigné aux écoliers français, dès le cours préparatoire ? B-A : BA. Les choses sont en revanche bien plus délicates pour Pap Ndiaye et Kylian Mbappé, sans parler de quelques-uns de mes amis de jeunesse : l’écrivain Wilfried N’Sondé (né au Congo), le photographe de presse Vincent Nguyen (au patronyme vietnamien), mon presque frère Ulysse N’Goubayou (grec d’adoption) ou encore ma collègue à Jeune Afrique Aurélie M’Bida (ces deux derniers patronymes étant d’origine camerounaise).
Anonymes ou célèbres (le footballeur Ène-golo Kanté, le président congolais Denis Sassou Ène-guesso ou même, dans une autre configuration, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Vade – le « W » de son nom étant lu comme comme dans « Wagon » et non comme dans « Western »), combien sont-ils, sur le continent, à se faire « tympaniser » quotidiennement par ces distorsions ineptes dont les toubabs ont le secret ?
Pas d’effort d’adaptation
Pour un Français, la prononciation correcte de deux consonnes consécutives au début d’un patronyme africain semble en effet un défi bien plus difficile à relever que remporter la Coupe du monde de football ou combler le trou de la Sécu. Aussi les associations de consonnes en début de mot (« Ng », « Nd », « Mb ») sont-elles régulièrement dénaturées par les Français de France. Il était donc temps, concomitance de l’actualité entre Kylian et Pap oblige, de crier ce ras-le bol : « Doy na ! » (en wolof) ; « Ya Basta ! » (en espagnol)… Bref : « Ça suffit ! »
« La prononciation défectueuse des patronymes africains, commençant par Mb-, Nd- ou Ng- notée chez les Français peut être liée à une absence de conscience phonologique, analyse Sému Juuf, doctorant en sciences du langage et traduction à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, au Sénégal. Dans le système éducatif français, la bonne articulation de certains sons n’est pas enseignée, ajoute-t-il. Dans les substantifs et noms propres français, l’on ne retrouve pas ces phonèmes. »
De 1993 à mars 2014, Essaout était longtemps resté dans l’anonymat. Mais, le 4 avril de la même année, le cours de ce « petit » village a complètement changé avec l’arrivée au trône de l’actuel Roi, Silondébile Sambou, qui inscrit sa démarche
De 1993 à mars 2014, Essaout était longtemps resté dans l’anonymat total. Mais, le 4 avril de la même année, le cours de ce « petit » village a complètement changé avec l’arrivée au trône de l’actuel Roi, Sa Majesté Silondébile Sambou, qui inscrit sa démarche et sa méthode dans la continuité. Voyage dans l’antre de l’autre Royaume du département d’Oussouye qui existe depuis des siècles.
Essaout, avec son paysage si attrayant, n’était pas trop connu du grand public avant 2014. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Perdu dans les forêts de rôniers, ce village si accueillant, situé dans la commune de Santhiaba Manjack et qui s’étend vers les rizières et le cours d’eau, abrite l’un des Royaumes du Kassa. Dans le département d’Oussouye, en plus de celui-ci, il y a le Royaume d’Oussouye dont le bois sacré se situe non loin de l’ancienne gare routière, celui de Mlomp, mais également de Kalobone dont le trône est en vacance (le Roi Sihang Ediam Djibalène étant décédé en octobre 2014). Pour s’y rendre, il faut, à partir du village de Diakène Diola, emprunter une route latéritique plus ou moins en bon état. Ce mardi 23 août, nous avons entrepris ce voyage vers ce Royaume. Sur le long de la route qui mène à Essaout, distante de moins de 10 kilomètres, des champs de patate, des plantations d’anacardiers et de vastes étendues d’arachide sont à perte de vue. Ce périple est loin d’être pénible. Après seulement quelques minutes de route, nous découvrons de loin de grands manguiers et fromagers géants. C’est « likoukine » (les premières habitations d’Essaout). C’est ici où les Essaoutois avaient habité en premier avant de se déplacer vers le site actuel. À gauche de cet endroit, aujourd’hui inhabité et englouti par les forêts, l’ancien bois sacré, mais aussi « sinkoo », leur cimetière. C’est une petite distance qui sépare « likoukine » au village d’Essaout. Nous dépassons ces anciennes habitations et continuons notre progression vers ce hameau qui compte en son sein cinq quartiers, dont Ekaffe, Etouta, Kheuneute, Djiloubougaye et Eguéguémosse. Deux minutes plus tard, nous entrons à Essaout. À notre montre, il faisait 10 heures 23 minutes. Juste à droite de l’entrée du village, une vaste forêt verdoyante au sein de laquelle trône de grands arbres. C’est le bois sacré ou la demeure de l’actuel Roi d’Essaout, Sa Majesté Silondébile Sambou.
UN MYTHE JAMAIS DÉSACRALISÉ
Bienvenue dans l’autre royauté du Kassa. L’une des plus anciennes. Dans l’histoire, Essaout avait été envahi à deux reprises par Oussouye, du temps du Roi Diankeubeu, puis par Niomoune. Et les habitants avaient été contraints de quitter leur village pour trouver refuge ailleurs. Cependant, ils trouvaient toujours le moyen de revenir sur les terres de leurs ancêtres. En cette matinée du mardi 23 août, un calme olympien règne dans Essaout. Dans une boutique implantée en face du bois sacré, nous y avons trouvé Néo Diédhiou. C’est lui qui nous a indiqué le chemin qui mène au domicile du Roi, là où il vivait avec sa famille bien avant qu’il ne soit désigné pour prendre les rênes du Royaume. Tout le village ou presque s’est vidé de ses occupants. C’est la période des travaux champêtres. D’ailleurs, la nuit de lundi 22 à mardi 23 août, le ciel y a véritablement ouvert ses vannes au grand bonheur des populations qui veulent terminer très vite la culture du riz avant le démarrage des événements festifs, notamment la lutte traditionnelle inter-villages et autres soirées culturelles. Ce jour-là, nous avons eu la chance de trouver le Roi Silondébile Sambou dans son ancienne demeure « liboutong » et non pas dans son Palais royal. Il était sorti pour aider les enfants à détacher son troupeau. S’il était à l’intérieur du bois sacré, il fallait faire appel à un membre de la Cour royale ou un initié pour nous y conduire. Il faut impérativement un intermédiaire, car personne n’y met les pieds sans être accompagné. C’est interdit (« nieyi nieyi », en diola), aux yeux de la religion traditionnelle. Dans toute la capitale départementale, et même au-delà, tout le monde le sait et nul n’est censé ignorer cette loi édictée par les ancêtres. Ce mythe ne sera jamais désacralisé, pour rien au monde. D’ailleurs, une fois à l’intérieur du bois sacré, il y a une cour exclusivement réservée aux visiteurs et les non-initiés dans la mesure où personne n’a le droit de pénétrer dans la résidence du Roi tenue secret et implantée loin des regards. C’est tout le sens du « nieyi nieyi », le maître-mot dans ce Royaume.
UN ROYAUME, MAIS PAS UNE MONARCHIE
Dans le département d’Oussouye, la royauté est différente de celles en Occident, par exemple, où depuis le XVIIe siècle, celles-ci sont considérées comme des régimes politiques. Pour ce cas précis, c’est seulement une personne qui exerce son plein pouvoir. Par contre, dans le Kassa, le Roi Silondébile Sambou a certes une autorité suprême, mais ne décide jamais seul. Au sein du bois sacré, il y a toute une organisation. Le Roi ne peut, en aucun cas, s’autoproclamer Roi. Pour le cas d’Essaout, c’est la famille Batéfousse qui installe le Roi. Avant de prendre une décision quelconque, Sa Majesté a l’obligation de consulter les membres de la Cour royale. Celle-ci est composée de trois familles. Il s’agit de Kheuneute, Ekaffe et Etouta. Le Royaume fonctionne comme un Gouvernement dont les Ministres sont nommés dans ces trois familles qui composent, en tout, la famille Batéfousse. Dans ce Gouvernement, tous les membres sont d’égale dignité. Mais, celui considéré comme le chef est celui qui est chargé de verser le vin de palme au moment de consulter le fétiche. Le trône est tournant, mais les fils du Roi ne seront jamais rois.
RÉGULATEUR SOCIAL ET MÉCANICIEN AU TRÔNE
Dans la société traditionnelle diola, le Roi a de lourdes responsabilités. Au-delà d’incarner un leadership fort et de gagner la confiance des populations, sur ses épaules, repose la mission de pacifier les nouveaux conflits qui surgissent au quotidien dans les villages qui sont sous sa tutelle. Chef coutumier suprême par excellence, il prie, tous les jours, pour que la paix règne dans tout le département, la région de Ziguinchor, la Casamance et tout le pays. De plus, Sa Majesté le Roi Silondébile Sambou use de toute sa diplomatie pour résoudre les différends, notamment les litiges fonciers. Il y a quelques années, il a définitivement réglé le problème entre Diakène Diola et Essaout qui se battaient pour le contrôle des hectares de terres. Avant de présider aux destinées du Royaume d’Essaout, le Roi Silondébile, auparavant Justin Sambou, intronisé le 4 avril 2014, après 21 années de vacance du trône, n’a jamais su qu’il allait porter un jour tout le peuple « essoubouhang » et agir en même temps sur certains villages qui se situent en terre bissau-guinéenne. Cette année-là, c’est un nouveau chapitre de sa vie qui s’est ouvert. Ainsi, il met une croix sur ses habitudes et occupations d’antan. Titulaire d’un Certificat de mécanique de la septième catégorie poids lourd et léger, le Roi Silondébile Sambou voulait s’exiler aux Pays-Bas, en 1996, au terme de sa formation. Sur place, il devait travailler comme transitaire. D’ailleurs, certains de ses camarades de promotion avaient été coptés par les Hollandais et un autre est parti en Belgique. Brillant mécanicien, il était le seul à être recalé. Pourquoi ? « À ce moment-là, j’avais du mal à comprendre. Je me disais, mais pourquoi mes camarades sont partis sauf moi. Ce n’était pas possible. J’avais remué ciel et terre pour pouvoir être de ce voyage. J’ai tout fait pour quitter au moins ma région natale et monnayer mon talent ailleurs. Mais, j’étais toujours à la case de départ. En revanche, au mois d’avril 2014, j’ai tout compris », confie-t-il avec un brin de sourire. Le fétiche ne voulait pas qu’il bouge. Dans sa famille, les sages savaient déjà que c’est lui qui allait diriger le Royaume. Mais, lui n’en savait rien du tout parce que ces derniers n’ont pas le droit de le lui dire.
Après ce voyage avorté, il décida de rester dans le domaine de l’automobile. Il avait son propre taxi « clando » et travaillait pour son compte. En avril 2014, arrive le moment le plus redouté : son intronisation, synonyme de fin de carrière et d’une ère. Un autre devoir l’appelle. Un autre sacerdoce pas du tout facile. Une charge plus complexe. Neuvième Roi de la famille Kamanang et successeur du défunt Roi Sihangounew Diatta, de la famille Ekaffe (choisi par les sages parce que personne ne pouvait assurer cette fonction dans la famille Sambou), Sa Majesté le Roi Silondébile Sambou joue pleinement son rôle. Il dit ne rien regretter, bien au contraire. « J’ai quitté l’école en 1990, après l’obtention de mon Certificat de fin d’études élémentaires (Cfee). Ensuite, j’ai fait 10 ans dans la mécanique automobile. Vous savez, je n’ai jamais su que j’allais être porté à la tête du Royaume d’Essaout. Je n’y jamais pensé. Mais, de tous mes trois autres frères, j’ai été choisi par les sages et je ne peux m’y opposer. Cette chose est mystique. On ne peut vous l’expliquer. Cela fait huit ans que j’endosse cette responsabilité sans aucun regret. C’est une fierté », soutient le successeur du Roi Sihangounew Diatta.
Issue d’une fratrie de neuf personnes (quatre garçons et cinq filles), « Maane », comme l’appellent affectueusement les Diolas en signe d’allégeance et de respect, est le cinquième. Très jeune au moment de son intronisation, Silondébile Sambou se dit prêt à se battre au quotidien pour une Casamance et un Sénégal prospèrent.