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2 décembre 2024
Diaspora
Par Elimane Haby Kane
OSEZ LA RÉVOLUTION CONSTITUTIONNELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - La souveraineté et la refondation supposent des changements au-delà des limites de l’héritage colonial et des déterminants de l’aliénation intellectuelle de l’élite occidentalisée qui détient le monopole de la conduite des affaires
Pour une gouvernance favorable à la refondation et la souveraineté
L’année deux milles quatre qui commémore le soixante quatrième anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale est également le moment de l’avènement de la troisième alternance démocratique avec l’élection du cinquième Président de la République du Sénégal depuis 1960. L’élection de ce dernier a un taux inédit de 54 % au premier tour d’un candidat de l’opposition lui confère un leadership suffisamment légitime et une grande opportunité pour bâtir un Sénégal nouveau. Une République démocratique à laquelle aspirent de larges dynamiques citoyennes qui proposent des mesures décisives à prendre pour mettre définitivement notre pays dans la perspective du progrès économique et social durable, à travers un mouvement collectif souverain et solidaire qui réunifie toutes les couches et tous les secteurs de notre société.
En analysant le programme du candidat de la coalition victorieuse Diomaye Président, nous avons relevé un certain nombre d’engagements et de mesures suffisants pour transformer en substance et dans l’approche le mode de gouvernance des affaires publiques au Sénégal. Déjà, le président de la République a annoncé des reformes dans son programme : « Nous réviserons et protégerons la Constitution en nous inspirant des conclusions des Assises Nationales et des réformes proposées par la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) ».[1] Également l’ancien candidat, étant dans les liens de la détention, avait procédé par délégation à la signature du « Pacte pour la Bonne Gouvernance Démocratique » proposé aux candidats à l’élection présidentielle par une coalition d’organisations de la société civile sur la base des conclusions des assises nationales et recommandations de la Commission nationale de reformes des Institutions.
Ces deux références suffisent pour espérer des réformes majeures du système de gouvernance de la République du Sénégal, capables de matérialiser la théorie de la nécessaire refondation confirmée par les conclusions des Assises nationales et bien d’autres propositions de chercheurs et organisations citoyennes[2]. Également la quête de souveraineté suppose la mise en œuvre d’une composante en charge des réformes nécessaires à son aboutissement.
Au moment où le gouvernement nommé par le président Bassirou Diomaye Faye travaille dans la matérialisation de la directive présidentielle énoncée depuis le Conseil des ministres du 9 avril 2024 pour l’élaboration d’un nouveau document de référence de politique économique et sociale en remplacement du Plan Sénégal Émergeant, il est important d’aborder les éléments de gouvernance qui sont décisifs dans la réussite des politiques publiques. Parmi les ambitions énoncées par le nouveau régime, figure en bonne place le renforcement de la « bonne gouvernance »[3], dans tous ses aspects (politique et démocratique, judiciaire, de gestion des finances publiques). Dans sa transversalité, la gouvernance adresse le cadre juridique et règlementaire, les institutions mises en place pour l’animer en vue d’atteindre la vision stratégique clairement annoncée, les processus de prise de décision et aussi les pratiques des acteurs au sein du système de gouvernance des politiques publiques.
De l’actualité des Assises nationales et de la CNRI
Les Assises nationales ont fait le bilan de cinquante ans de la république du Sénégal avant d’aboutir à une perspective de refondation[4] articulée autour d’une vision d’un État de droit sénégalais souverain « où la gouvernance est fondée sur l’éthique, la démocratie participative, la concertation, le respect des institutions et des libertés individuelles et collectives et la défense des intérêts nationaux ». Une vision qui prône la justice sociale, l’équité et l’égalité des citoyens en droit. Elle propose également un modèle de gouvernance consolidante et institutionalisant la démocratie participative basée sur une approche d’inclusion circulaire et multi-acteurs et un cadre institutionnel consacrant le dialogue entre l’état et les acteurs politiques, sociaux et économiques pour définir et évaluer régulièrement les orientations politiques.
Dans une perspective de refondation des institutions et de garantie des libertés, les assises ont donné une orientation fondamentale pour la constitution et la charte des libertés, tout en indiquant les principes d’une nouvelle gouvernance institutionnelle qui garantit les droits et libertés civils, politiques, économiques et sociaux. La souveraineté prônée nécessite dès lors une rupture avec le mimétisme mécanique des textes juridiques et la prise en charge de notre héritage politique spécifique pour enraciner la constitution dans les éléments endogènes qui fondent notre société. Ce qui suppose l’implication des citoyens dans sa conception, la simplification de la présentation du contenu dans les langues nationales pour faciliter l’appropriation du texte fondamental par les citoyens dont il organise et régule les interactions quotidiennes et les institutions qui les encadrent.
Les conclusions de la CNRI sont un prolongement de cette perspective de refondation appliquée sur les institutions de la République. Elles ont même abouti à un projet de constitution élaborée.
La nouvelle gouvernance institutionnelle proposée devrait faire le départ avec la concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif présidentiel pour favoriser un gouvernement fort et une indépendance des pouvoirs judiciaire et parlementaire. Le parlement devrait se transformer en un acteur institutionnel majeur pour impulser la vie politique, alors que la justice devrait jouir d’une autonomie totale et être accessible à tous les citoyens. La nouvelle gouvernance devrait ainsi permettre la redéfinition de l’architecture des pouvoirs, le renforcement des contre-pouvoirs et la décentralisation qui implique les citoyens à la base.
Pour un cadre réglementaire progressiste, souverain et refondateur
La souveraineté et la refondation supposent des changements en profondeur et audacieux devant aller au-delà des limites de l’héritage colonial et des déterminants de l’aliénation intellectuelle de l’élite occidentalisée qui détient le monopole de la conduite des affaires publiques depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Même si des changements significatifs ont été enregistrés au fil des régimes qui se sont succédé notamment avec le pluralisme intégral inauguré par le président Abdou Diouf en 1981 et sa réforme majeure du code électoral en 1992 qui a permis la première alternance démocratique avec l’arrivée au pouvoir du plus célébré opposant de l’époque, Me Abdoulaye Wade. Ce dernier a su impulser la gouvernance démocratique avec une nouvelle constitution progressiste en 2000 qui a pu consacrer les libertés individuelles et collectives et surtout inscrire la notion de la transparence, de l’accès à l’information, de la participation et de la «bonne gouvernance» dans le préambule de la loi fondamentale[5]. Cependant, c’est sous le magistère de Me Abdoulaye Wade que le Sénégal a ouvert la boite de pandore de la mal gouvernance avec tous les excès en matière de détournement de deniers publics, de grande corruption, de patrimonialisation de l’État et d’impunité. C’est ainsi que la lutte contre l’enrichissement illicite et pour la restauration des principes et instruments de « bonne gouvernance » a été au cœur du débat électoral à la suite duquel a été élu le Président Macky Sall en 2012. Ce dernier a ouvert son premier mandat avec des reformes renforçant la lutte contre la corruption, la gestion transparente des finances publiques et la redevabilité contre l’enrichissement illicite. Il a à cet effet renforcé le cadre juridique et institutionnel anti-corruption avec la création de l’OFNAC qui remplace la Commission Nationale de Lutte contre la Corruption et la Concussion mis en place par son prédécesseur en 2003 mais restée peu incisive. Il y a aussi la loi portant code de Transparence des finances publiques mise en place en même temps que l’Office National de lutte contre la Corruption, en décembre 2012 et plus tard celle sur la déclaration de patrimoine en 2013.
Macky Sall a aussi réactivé la loi de 1981 contre l’enrichissement illicite. Malheureusement tout cet arsenal d’instruments juridiques et institutionnels n’a pas permis de barrer la route à l’impunité qui a marqué le régime de Macky Sall. Ce dernier a même théorisé et pratiqué l’impunité en se prononçant publiquement en faveur de certains cadres politiques épinglés par des rapports de corps de contrôle, notamment l’IGE et l’OFNAC.
A travers des actes, le président de la République prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye a même sabordé la lutte anti-corruption à travers le choix et le renoncement de femmes et d’hommes qui animent ces institutions, y compris dans le système judiciaire. Les conditions de révocation de la première présidente de l’OFNAC et du premier procureur de la CREI en sont les illustrations. Tout comme la nomination à la tête de l’OFNAC de l’ancien procureur de la République qui n’a jamais voulu diligenter le suivi des rapports soumis par l’organe de lutte contre la corruption.
Il est pourtant établi un lien étroit entre les réformes démocratiques et l’efficacité de la lutte contre l’enrichissement illicite, la corruption et les infractions financières connexes et l’impunité. Les différentes reformes consolidantes ou dé-consolidantes intervenues dans la gestion du processus électoral ont surtout concerné les préoccupations électoralistes des partis politiques que le besoin de moralisation de la vie politique. L’application du parrainage et le relèvement de la caution aux différentes élections, l’élection au suffrage universel direct des présidents de conseils territoriaux (départemental et municipal) n’ont pas su réduire le nombre de candidats et ont favorisé la multiplication des coalitions de partis et amplifié les pratiques de clientélisme politique, d’accaparement et de partage du pouvoir, contribuant ainsi à faire émerger une nouvelle démocratie censitaire dans laquelle ceux qui ont la puissance de l’argent ont plus de chance d’être élus.
Une telle perspective qui maintient le pays dans le cercle des démocraties électoralistes historiquement marquées par la sauvegarde d’intérêts stratégiques extérieurs[6] a aussi favorisé de nouvelles formes de luttes politiques en Afrique notamment la vague de révoltes des jeunes qui aspirent à une authentique démocratie dans les anciennes colonies françaises en Afrique de l’Ouest. La non prise en charge du dividende démographique et la crise de l’emploi qui impacte surtout les jeunes ont favorisé l’émergence de nouveaux types de leaders politiques populistes qui exploitent la colère des jeunes désœuvrés et abusés par les effets de la mal gouvernance. Le populisme constitue ainsi une autre menace à la rationalisation de la vie politique et ses conséquences sur la qualité de l’action politique. Il favorise la manipulation des masses et le développement de pensées clivantes dans la convoitise du pouvoir. Des pratiques qui alimentent la logique partisane autour des enjeux de pouvoir et favorisent les comportements iniques comme le favoritisme sur la base de l’appartenance politique ; ce qui menace sérieusement le vivre ensemble et la stabilité de nos micro-états déjà menacés de l’extérieur.
Le contexte de la troisième alternance électorale et les perspectives du nouveau régime en matière de refondation commandent des ruptures majeures dans le sens d’une révision audacieuse des règles, des institutions et des processus de représentation. La réflexion a été particulièrement menée dans le cadre de l’initiative citoyenne MESURe[7], notamment dans le document intitule « 64 Mesures pour un Sénégal souverain et solidaire dans la prospérité durable » qui propose des réformes en profondeur pour refonder les institutions, renforcer l’État nation et l’équilibre des pouvoirs, les moyens d’action des citoyens et la famille, l’unité sociale éducative de base.
Le système politique de la démocratie libérale qui favorise le clientélisme et les comportements de patrimonialisation et d’accaparement du pouvoir est mis en péril à travers une révision profonde de mode de représentation politique, notamment le choix des délégués -citoyens dans les instances de prise de décision et de délibération. Il s’agit de désigner les représentants du peuple au lieu de les faire élire. Mais également d’enlever les avantages pécuniaires liés à des fonctions de représentation non permanentes et non exclusives.
La question de la réduction des pouvoirs du président de la République et celle du procureur de la République sont aussi primordiales pour améliorer la gouvernance démocratique. L’équilibre des pouvoirs à travers le retrait de l’exécutif dans la gouvernance judiciaire et le renforcement des pouvoirs de l’Assemblée nationale pour lui permettre de jouer pleinement son rôle de contrôle de l’exécutif, de législation et d’évaluation des politiques publiques.
La gouvernance transparente et inclusive comme levier de mobilisation citoyenne
La mal gouvernance qui s’est manifestée ces deux dernières décennies à travers des actes de malversation, de fraude, de concussion, de corruption a une échelle industrielle est le principal fléau économique et social dont le Sénégal fait face. Devenus endémiques, la corruption et la concussion, ainsi que les actes de malversations sont largement documentés par les différents rapports des organes de contrôle, de vérification des finances publiques et de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent[8]. Cette situation est surtout entretenue et perpétuée au sein de l’administration publique par l’impunité c’est-à-dire l’absence de suivi et de sanctions efficaces sur les cas d’infraction financière relevés par les différents corps de contrôle.
Pour arriver à une véritable refondation de l’Administration publique et rendre efficiente l’action publique, particulièrement l’utilisation de la commande publique et la gestion des finances publiques, les nouvelles autorités devront accorder une attention particulière à la pédagogie de l’intégrité et à la répression rigoureuse des infractions financières.
La transparence qui est érigée en principe dans le préambule de la Constitution depuis 2001 est davantage réaffirmée par la reforme référendaire de 2016 qui consacre à travers l’article 25.1. que l’exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence pour générer la croissance économique et promouvoir le bien-être de la population.
Ce même article qui consacre les devoirs du citoyen constitue un levier d’inclusion et de mobilisation citoyenne à travers l’alinéa 25.3. qui interpelle le citoyen sur son devoir de contribuer à la lutte contre la corruption et la concussion ; faire respecter le bien public ; préserver les ressources naturelles ;…
Au sein de l’administration, la loi portant code de transparence des finances publiques reste l’instrument le plus indiqué pour installer le système d’intégrité comme solution à la corruption et la mal gouvernance des finances publiques. S’y ajoute la loi sur la déclaration de patrimoine pour endiguer l’enrichissement illicite et le renforcement des pouvoirs de l’OFNAC et du Parquet pour mieux traquer et sanctionner les délits financiers.
L’application stricte, équitable et rigoureuse du cadre juridique existant contribue à rétablir la confiance du citoyen par rapport à la force publique dans sa volonté de promouvoir la transparence et de mettre fin à l’impunité. Le processus lancé par le président de la république pour l’adoption d’une loi qui protège les lanceurs d’alerte est un acte qui peut favoriser l’implication responsable et dé-risquée des citoyens dans la promotion de la transparence et la demande de redevabilité.
A l’issue des cent premiers jours du régime du président Bassirou Diomaye Faye, il est noté un certain nombre d’actes posés dans ce sens notamment les directives insistantes en Conseil des ministres et la lettre présidentielle adressée aux agents de l’administration publique le 8 avril 2024[9] exhorte vivement les agents de l’État à adopter un comportement exemplaire et transparent dans l’exercice de leurs fonctions.
Les efforts peuvent être poursuivis pour rendre plus incisive la promotion de la transparence à travers le renforcement des instruments de redevabilité citoyenne active notamment à travers l’institutionnalisation d’un mécanisme transversal et horizontal, en composante d’accompagnement de la mise en œuvre des politiques publiques. Il s’agit de faire du modèle du pacte d’intégrité[10], une approche systématique de gouvernance des affaires publiques en impliquant les acteurs indépendants issus des organisations citoyennes et professionnelles et des universités dans tous les processus de prise de décision et de surveillance de l’action publique.
Lutter contre les résistances et pratiques réactionnaires
En matière de gouvernance, au-delà du cadre juridique, des institutions mises en place et des processus de prise de décision inclusifs, les pratiques des acteurs qui animent les systèmes constituent un élément déterminant dans l’intégrité du système. A cet effet, il est important d’accorder une importance capitale aux comportements des agents. Généralement, face à des reformes les acteurs dans le système développent des comportements de résistance face au changement. Les pratiques habituelles notamment celles qui entretiennent la corruption endémique et des facilités dans l’octroi d’avantages indus et d’accaparement du bien public, sont difficiles à combattre car basées sur une chaine de solidarité qui opère dans un cercle vicieux.
Toutefois, seules des mesures fortes et structurelles peuvent permettre de mettre fin à ces pratiques, notamment une politique audacieuse de modernisation de l’administration publique et une dématérialisation des procédures administratives et financières.
Les projets en cours à cet effet méritent d’être accélérés et mis en cohérence sous un leadership visible et affirmé au plus haut niveau de l’administration publique.
L’opportunité de la refondation : oser la révolution constitutionnelle
La troisième alternance intervenue au Sénégal après celle de 2000 et celle de 2012 qui avaient suscité des espoirs finalement déçus par les régimes de Me Abdoulaye Wade et puis de Macky Sall, se présente aux Sénégalais comme une nouvelle opportunité pour mettre définitivement fin à la mal gouvernance au profit du bien être des Sénégalais.
À cet effet et pour éviter une énième déception aux Sénégalais qui, du fait de leurs expériences avec les régimes précédents, ont fini de comprendre la puissance du pouvoir citoyen à travers le vote, une des impérieuses nécessités du régime en place est d’aller au-delà des reformes d’adaptation pour impulser une véritable refondation. L’ampleur des ruptures et changements radicaux à observer nécessitera certainement de larges concertations avec les différentes parties prenantes de la gouvernance pour une transformation structurelle profondément décisive de la constitution.
Le rapport général des Assises de la Justice tenues du 20 mai au 4 juin 2024 et présenté au président de la République le 7 juillet insiste sur le pouvoir indépendant de la justice et sur la nécessité de faire face au devoir de décolonisation juridique en changeant radicalement certaines pratiques et symboles et en mettant en place de nouvelles institutions. Le rapport qui prend en charge les différentes questions soulevées ces deux dernières décennies, notamment celles liées aux crises récentes entre 2021 et 2023 propose en réponse à la demande du président de la république un plan de réforme et de modernisation de la justice qui doit réparer et refonder pour aboutir à une institution forte, indépendante et républicaine, capable de préserver les droits fondamentaux et les libertés publiques et individuelles, renforcer l’État de droit, guider la démocratie et garantir la paix et la cohésion sociales.
Bien que le programme du président élu puisse proposer une série de réformes, celles-ci demeurent peu incisives et incomplètes. Elles manquent surtout d’aller en profondeur sur les véritables causes des problèmes de gouvernance notamment la pratique politicienne qui mobilise les partis politiques autour des enjeux de pouvoir et favorise une gestion partisane des affaires publiques. En effet, pour venir à bout du clientélisme politique qui constitue encore la cause de l’impunité et de la gestion népotique des ressources publiques à des fins de conservation du pouvoir, des mesures plus radicales s’imposent. Notamment la stricte séparation des pouvoirs avec plus d’autonomie du parlement et de la justice par rapport à l’exécutif. Également la mobilisation politique citoyenne est corrompue par les avantages pécuniaires et les privilèges exorbitants, pour un pays à revenus faibles, qui sont octroyés aux titulaires de fonctions publiques et parapubliques dont le recrutement est lié à l’engagement politique partisan. La promotion du mérite et l’ouverture transparente de la compétition aux différents postes publics peuvent constituer des palliatifs avant-gardistes face à la mal gouvernance et l’inefficacité de l’action publique.
Une lame de fond contre un système d’intégrité solide se trouve au niveau de l’organisation du système de la démocratie électoraliste qui alimente le clientélisme tel que mentionné plus haut et l’accaparement du bien public. Une rupture décisive qui pourrait améliorer la gouvernance de l’action publique consisterait à révolutionner le mode de représentation politique[11], en bannissant définitivement l’élection au suffrage universel direct des députés, des maires et du président. En effet, en permettant aux Sénégalais de choisir au lieu d’élire leurs représentants depuis l’échelle la plus proche à savoir le quartier et le village, les chances sont plus élevées de permettre aux citoyens les plus aptes, les plus engagés pour leur communautés et les plus intègres d’être choisis par leurs pairs-voisins pour les représenter au niveau des sphères qui en convergeant depuis les quartiers et villages vont constituer le spirale de prise de décision jusqu’à la désignation des conseillers municipaux et départementaux, des députés et du président de la république. Un tel système révolutionnaire permettra ainsi de démonétiser l’action politique partisane et de réduire considérablement les moyens engloutis dans les processus électoraux, mais surtout de réduire les risques de crises politiques souvent occasionnées par les échéances électorales et la compétition entre partis politiques autour des enjeux de pouvoir. L’adoption d’un tri-caméralisme homme/ femmes/jeunes depuis la nano représentation jusqu’à l’échelle nationale permettrait une gouvernance inclusive et une démocratie substantielle directe.
Elimane Haby Kane est analyste gouvernance et politiques publiques, président du think tank LEGS-Africa.
[1] Document de programme de la coalition Diomaye Président.
[2] Dont celles du mouvement Demain Sénégal, MESURe qui ont produit et publie des documents de propositions soumis aux différents candidats à l’élection présidentielle
[3] Dans une logique de refondation, le concept mériterait une définition précise à défaut d’être extrait du narratif de la rupture.
[4] Amadou Mahtar Mbow (dir.): Assises nationales. Sénégal, An 50. Bilan et perspectives de refondation. L’harmattan, 2011.
[5] Constitution votée par referendum le 20 Janvier 2001.
[6] Ndongo S Sylla et Fanny Pigeaud : De la démocratie en Françafrique. Une histoire de l'impérialisme électoral. Les cahiers Libres. La Découverte, 2023
[7] Mobilisation pour l’Engagement citoyen, la Souveraineté, l’Unité et la Refondation, une initiative citoyenne mise en place en février 2023
[8] Voir les différents rapports de l’IGE, IGF, Cour des comptes, OFNAC,ARMP, ARCOM, CENTIF
[10] Un pacte d'intégrité est un mécanisme de collaboration où les entités publiques, la société civile et les autres parties concernées s'engagent à renforcer la transparence et la redevabilité dans les processus de passation de marchés publics. Agissant en tant qu’observateur indépendant, une organisation de la société civile veille à ce que la réglementation applicable soit respectée et à ce que les risques de corruption soient pris en compte.
[11] Voir les recommandations de MESURe cites en référence plus haut.
par Abdou Fall
APRÈS LE TEMPS DES COLÈRES, LE MOMENT DU SURSAUT CITOYEN POUR UNE GOUVERNANCE DE RUPTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Un basculement absolu en faveur d'un camp au détriment des autres blocs serait fatal pour la stabilité du pays. Une initiative du comité national des Assises en direction des blocs politiques en lice serait salutaire pour le Sénégal
La forte colère citoyenne qui s’est exprimée le 24 mars 2024 par un vote massif en faveur du candidat Bassirou Diomaye Faye au premier tour de l'élection présidentielle passée est un indicateur on ne peut plus tangible de l'irrépressible aspiration aux changements qui s'est emparée de notre pays depuis un quart de siècle.
C'est pourquoi il était naturellement attendu de l'actuelle équipe dirigeante que soient dégagées en priorité des perspectives claires de réformes de fond parmi lesquelles les questions institutionnelles devaient occuper une place prépondérante au regard des crises politiques récurrentes que le Sénégal a traversées pendant ces décennies qui marquent notre entrée dans le siècle naissant.
Avec le régime socialiste d’abord en 2000 et les pouvoirs libéraux qui ont suivi en 2012 et 2024, trois alternances politiques ont été opérées à la tête du Sénégal, toutes principalement marquées par une forte aspiration citoyenne à la rupture dans la gouvernance des affaires de la nation.
Tout le monde l'aura remarqué, les sujets majeurs du débat politique national depuis 2000 ont porté pour l'essentiel sur des enjeux de gouvernance.
Chacun des pouvoirs déchus pouvant se prévaloir dans une très large mesure d'un bilan plus que respectable en matière de redressement économique et financier pour les socialistes en 2000, de grandes réalisations dans la construction des bases infrastructurelles du développement économique et social du pays pour les libéraux en 2012 et 2024.
Sous ce rapport, les 12 ans de magistère du président Macky Sall auront été particulièrement féconds dans tous les domaines ;
Et c'est pourtant là que le changement aura été quasiment opéré sur fond d'insurrection électorale.
C'est la raison pour laquelle il était dans l'espoir de tous de voir la nouvelle équipe dirigeante sortie victorieuse de la présidentielle de 2024 se saisir de l'opportunité de la transition vers les législatives pour faire l'état des lieux de la gouvernance politique, démocratique, économique et sociale du Sénégal, négocier avec toutes les forces vives de la nation les termes d'un large consensus sur les réformes majeures à entreprendre au premier desquelles les chantiers institutionnels, et enfin ouvrir au pays la perspective d'une gouvernance rénovée.
Et au-delà du contexte national, le Sénégal aurait fait encore une fois figure de précurseur en offrant une nouvelle perspective à l'Afrique où la crise de l'État post-colonial, notamment dans l'espace francophone, entraine des errements dangereux avec des conséquences désastreuses dans la marche de nos institutions communautaires sous-régionales
A cet égard, les crises lancinantes de régime que traversent les pays dits de l'alliance des États du Sahel (AES) méritent une attention toute particulière de la part des hommes politiques et des intellectuels du continent, en particulier chez nous, objectivement enfermés que nous sommes dans une véritable ceinture de feu.
C'est pourquoi l'occasion aurait été belle aujourd'hui si on allait à nos élections législatives du 17 novembre prochain dans le cadre d'une démocratie apaisée et d’une profonde mise à jour des institutions du pays.
Étant entendu que la seule perspective politique qui vaille est celle d'une société réconciliée avec elle-même et d'une nation rassemblée pour relever le défi de sa sécurité qui, comme aimait à le répéter le Professeur Cheikh Anta Diop, est la condition et le préalable de toute politique réussie de développement.
Nous sommes bien placés pour beaucoup en savoir sur les souffrances indicibles que vivent actuellement les peuples des nations sous l'égide des états dits de l'AES.
C'est la raison pour laquelle il importe peu pour nous d’en savoir outre mesure sur les raisons qui ont pu justifier les logiques ayant en définitive prévalu pour conduire à cet état de tensions entretenues en permanence et qui continue encore de régner dans notre espace public six mois après la présidentielle de mars 2024 et à quelques six semaines des législatives du 17 novembre prochain.
Ce qui est établi et constant, c'est que cette transition aura été une occasion manquée par les nouvelles autorités du pays de jeter les bases d'un authentique renouveau démocratique.
C'est dans cette circonstance exceptionnelle de mutations politiques inachevées que se tiendront les législatives en vue dans les six semaines qui nous séparent de cette échéance capitale.
Je dois dire sans ambages, en ce qui me concerne , que je suis de ceux qui pensent qu'au regard des faits observés sur les six mois de la gouvernance de la nouvelle équipe dirigeante et de la montée en puissance des crises politiques que traversent le monde avec leurs impacts sur nos pays, la simple sagesse devrait commander que tous les hommes et femmes de bonne volonté se mobilisent dans un vaste sursaut citoyen en faveur de politiques de vastes rassemblements pour faire face aux grands défis de notre époque.
Nos responsabilités nous dictent de tout entreprendre pour éviter que ces tensions permanentes dangereusement entretenues se transforment en crises insurmontables pour notre pays.
Et sous ce rapport, la lucidité politique devrait nous commander à tous de travailler à la construction d'un rapport de forces qui rétablisse les équilibres entre les principaux courants politiques qui traversent le pays, afin que selon le bon mot Montesquieu, "par la force des choses, le pouvoir puisse arrêter le pouvoir ".
Un basculement unilatéral et absolu en faveur d'un camp au détriment des autres blocs serait à notre sens fatal pour la stabilité du pays, l'unité et la cohésion de notre nation et la préservation des équilibres entre les courants et forces de diverses natures qui traversent la société Sénégalaise dans son ensemble.
Quatre blocs majeurs se disputent à ce jour les votes des citoyens pour cette échéance capitale du 17 novembre prochain.
L'issue de ce scrutin va déterminer dans une très large mesure la configuration des forces en charge de la gestion de notre statut nouveau de pays pétrolier et gazier dans un environnement de crises politiques et sécuritaires jamais vécues dans notre espace sous-régional.
Un tel contexte doit appeler de notre point de vue la hauteur et la sérénité d'une gouvernance de responsabilité que tout le monde sait incompatible avec une ambiance délétère de crispations, de tensions, de convulsions, de menaces et de controverses permanentes, sans retenue et totalement contreproductives.
C'est donc le moment, de ce point de vue, pour que toutes les communautés représentatives de la nation sénégalaise dans sa diversité et toutes les personnalités de bons conseils de rappeler aux acteurs politiques que notre pays ne saurait être livré à leur merci, quels que soient par ailleurs les mérites et talents des uns et des autres.
Il n'est établi nulle part que pouvoir leur est donné de disposer du droit exclusif de décider du sort de tous selon leurs ambitions de pouvoir au risque d'exposer le pays dans son ensemble à tous les périls possibles et imaginables.
En démocratie, majorité n'est pas unanimité !
Maître Babacar Niang aimait à rappeler : " la démocratie, c'est le gouvernement de la majorité, dans l'intérêt général et dans le strict respect des droits de la minorité ".
On est par conséquent dans le temps du sursaut citoyen, républicain et démocratique pour le retour aux fondamentaux d'une nation riche de sa diversité et forte de son unité, d'un peuple fier, travailleur, libre et confiant en lui-même, d'une société juste et solidaire, enfin d'un régime politique tournant définitivement le dos au pouvoir personnel sans partage et à l'exercice solitaire du pouvoir.
C'est sur la base d'une telle plate-forme qu'un vaste mouvement citoyen, républicain et démocratique doit construire un référentiel à soumettre à la classe politique dans son ensemble.
Il s’agit, à partir de là, de créer un rapport de force politique qui redistribue les rôles dans les différentes institutions du pays afin d'en garantir les équilibres entre les principaux courants qui traversent l'espace politique national.
Le 17 novembre prochain, le salut du Sénégal est dans le triomphe d'un vote de rééquilibrage entre les courants majeurs en lice dans le cadre de ce scrutin exceptionnel.
La configuration du prochain parlement devra rendre incontournable le cadre d'un dialogue qui s'imposera le moment venu à tous afin que soient renégociés les termes d'un pacte politique et social renouvelé autour d'un nouvel ordonnancement institutionnel qui exclut le pouvoir absolu d'un camp sur l'autre tout en garantissant un fonctionnement institutionnel à l'abri des vices des démocraties perverses.
Après la fièvre du 24 mars, le scrutin du 17 novembre devra être celui de la sérénité devant déboucher sur le salut d'un dialogue entre les quatre principaux blocs en lice dans ce moment exceptionnel de la vie politique du Sénégal.
Cette tendance lourde vers les grands blocs politiques, tout en reconnaissant aux autres entités en lice leur droit légitime à porter leur projet et afficher leurs ambitions, est le signe précurseur d'une perspective de recomposition politique de nature à donner lisibilité et cohérence dans l'espace démocratique du Sénégal.
Le bloc Pastef du duo Diomaye/Sonko, celui de Sàmm sunu kaddu avec le trio Khalifa Sall, Barthélémy Diaz, le PUR de Serigne Moustapha Sy et les jeunes leaders dits radicaux, la coalition Jàmm ak Njarin̈ autour d’Amadou Ba avec ses alliés de l'AFP, du PS et des partis de gauche et enfin le regroupement de presque toute la famille libérale wadiste dans Takku wallu Sénégal autour du président Macky Sall et de l'APR avec Karim Wade, Idrissa Seck, Pape Diop, Omar Sarr, Modou Diagne Fada, Abdoulaye Balde et les autres, il se dessine là quatre courants majeurs à partir desquels il devient possible de construire un dispositif cohérent de régulation du jeu politique.
Il devient difficilement envisageable dans le cadre d'une telle configuration l'émergence d'une force hégémonique capable de dicter à elle seule sa loi dans le cadre d'une représentation nationale ainsi configurée par le vote citoyen.
Ces quatre principales forces dignement représentées dans la future Assemblée, sans l'exclusion des autres listes donneraient la chance exceptionnelle au Sénégal d'une démocratie de compromis qui est dans les circonstances historiques actuelles la seule voie d'une gouvernance apaisée, stable et durable du pays.
Nous nous attacherons naturellement en ce qui nous concerne à porter en toute modestie la voix de ces réformes de fond dans le cadre du programme de législature de la liste Takku Wallu Sénégal placé sous le leadership du président Macky Sall.
C'est par conséquent le moment d 'inviter à un large consensus de tous les acteurs sur les exigences d'une gouvernance rénovée de nos institutions dans le sens de réconcilier gouvernants et gouvernés et dans le cadre d'une vision qui place le citoyen au cœur du projet de construction national .
Il convient de toujours rappeler à cet égard que le développement d'un pays, c’est certes l'affaire de l'État et des dirigeants, mais c'est aussi et surtout l'affaire des peuples et des organisations populaires.
Et ce moment où le monde entier célèbre la disparition de la figure exceptionnelle de Monsieur Amadou Moctar, le Sénégal ne lui rendrait meilleur hommage que de répondre à son appel constant en faveur de la cause qui a incarné le dernier grand combat de sa vie, la rénovation institutionnelle de notre pays.
Une initiative du comité national des Assises soutenue par toutes les forces républicaines et démocratiques du pays en direction des blocs politiques en lice serait salutaire pour le Sénégal si elle débouchait sur un pacte d'engagement de tous pour des réformes institutionnelles actées pour être traduites en lois constitutionnelles au sortir des élections législatives du 17 novembre prochain.
Abdou Fall est ancien ministre, président du Mouvement Alternatives Citoyennes Andu Nawle.
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MACKY SALL PRIS À PARTIE DANS UN AVION
Une altercation a éclaté lundi 7 octobre à bord d'un vol de la Royal Air Maroc, impliquant directement l'ex-président, son épouse et Mme Kamara. Cette dernière aurait en effet interpellé M. Sall en lui demandeur : "Pourquoi avez-vous tué nos enfants ?"
(SenePlus) - Un vol Casablanca-Paris de la Royal Air Maroc (RAM) a été le théâtre d'une confrontation inattendue entre l'ancien président du Sénégal, Macky Sall, son épouse et une passagère sénégalaise, Aïssa Kamara. L'incident, qui s'est déroulé le 7 octobre 2024, a conduit à l'arrestation de Mme Kamara et à son passage devant un juge.
Selon les témoignages recueuillis, une vive altercation a éclaté à bord de l'appareil, impliquant directement l'ex-chef d'État, son épouse et Mme Kamara. Cette dernière aurait en effet interpellé M. Sall en lui demandant : "Pourquoi avez-vous tué nos enfants ?" Face au mutisme de l'ex-chef d'État, c'est son épouse, Marème Faye Sall, qui aurait réagi vivement, déclenchant un échange d'insultes entre les deux femmes.
La situation s'est rapidement dégradée avec l'intervention des gardes du corps et d'accompagnateurs, créant une agitation à bord. Mme Kamara a finalement été débarquée de l'appareil, apprenant par la suite qu'une plainte avait été déposée contre elle.
Face à cette situation, la ministre de l'Intégration Africaine et des Affaires Étrangères du Sénégal a réagi rapidement en mobilisant les représentations diplomatiques sénégalaises au Maroc. L'Ambassadeur du Sénégal à Rabat et le chargé d'affaires du Consulat général à Casablanca ont reçu pour instruction d'apporter une assistance juridique à leur compatriote.
Après son passage devant le juge le jour même, Mme Kamara a pu recouvrer sa liberté. L'Ambassade du Sénégal à Rabat a confirmé dans un communiqué que la ressortissante sénégalaise a été autorisée à poursuivre son voyage.
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LE DUEL SALL-SONKO RELANCÉ
Entre le retour surprise de l'ancien président de la République et la stratégie audacieuse de Pastef, les enjeux de ces législatives n'ont jamais été aussi élevés. Décryptage d'un scrutin qui pourrait redessiner l'avenir du pays
Ce lundi 7 octobre 2024, les experts Maurice Dione, professeur de Sciences politiques, et Mamadou Seck, politiste spécialiste des questions électorales, ont décrypté sur TFM les enjeux des prochaines élections législatives anticipées.
La course est lancée : sur 49 dossiers déposés, 41 listes ont été validées par la Direction générale des élections. Les recalés disposant de 24 heures pour saisir le Conseil constitutionnel. De quoi marquer le début d'une bataille juridique et politique intense.
Le retour fracassant de Macky Sall sur la scène politique, en tant que tête de liste de la coalition Wallu Senegal, électrise le débat. Selon les analystes, cette décision pourrait être motivée par une volonté de "laver l'affront" et de protéger ses arrières face aux menaces de poursuites judiciaires.
Face à cette reconfiguration, la stratégie de Pastef, le parti au pouvoir, intrigue. En décidant de concourir sous sa propre bannière, Ousmane Sonko prend un risque calculé. Cette décision, qualifiée de "retour à l'orthodoxie" par les experts, vise à consolider sa base et à sécuriser ses futurs élus à l'Assemblée nationale.
L'enjeu est crucial pour la nouvelle majorité présidentielle qui cherche à obtenir une majorité parlementaire pour mettre en œuvre son programme. Cependant, elle fait face à une opposition recomposée et déterminée, avec notamment la coalition de Macky Sall qui promet une compétition féroce.
Sur le plan logistique, les discussions se poursuivent autour de l'utilisation des bulletins de vote en petit format, une mesure qui pourrait permettre une économie de 8 milliards de francs CFA. Pendant ce temps, la distribution du matériel électoral touche à sa fin dans presque toutes les régions du pays.
LA GAUCHE PLURIELLE MONTE AU CRÉNEAU
La coalition d'organisations de gauche fustige les "menaces à peine voilées" du gouvernement envers le Parti de l'Indépendance et du Travail (PIT). Elle accuse le régime actuel de vouloir instaurer "une dictature de type nouveau"
La Gauche plurielle lance un cri d'alarme face à ce qu'elle perçoit comme une dérive autoritaire du pouvoir, cristallisée par des menaces envers le Parti de l'Indépendance et du Travail. La déclaration, empreinte d'un ton combatif, rappelle le rôle historique de la gauche dans l'instauration de la démocratie au Sénégal et dénonce une tentative d'instaurer "un régime de terreur".
"Déclaration des organisations membres de la Gauche plurielle
Dans un communiqué, en date du 1er octobre 2024, le Porte-parole du gouvernement répond, avec des menaces à peine voilées, à la déclaration du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT) diffusée le 27 septembre 2024.
Les organisations membres de la Gauche plurielle, après avoir réitéré leurs félicitations au PIT, parti membre fondateur de la Gauche plurielle, pour la qualité de ses positions courageusement exprimées, tient à rappeler au pouvoir que les militantes et les militants de nos partis et mouvements ont consenti toutes sortes de sacrifices pour l’avènement, au Sénégal, d’un régime démocratique qui garantit la libre expression des opinions.
Acteurs et témoins de toutes les luttes couronnées, actuellement, par le pluralisme politique, syndical et médiatique les responsables et militants de nos formations politiques ont fait face à toutes les intimidations et vaincu les partisans de la pensée unique. Ce n’est donc pas, aujourd’hui, que des apprentis-dictateurs, surgis de nulle part, l’insulte à la bouche, réussiront à museler nos partis. Toute tentative de confiscation des libertés et droits des citoyens conquis de haute lutte est vouée à l’échec. Qu’ils se le tiennent pour dit, et définitivement !
Analysant les déclarations des plus hautes autorités du pays sur l’état des finances publiques et les mesures qu’elles envisagent, le PIT n’a fait qu’alerter le peuple sénégalais sur l’éventualité d’une difficile situation économique et sociale à venir.
Plutôt que de tenter vainement d’intimider un parti politique qui exprime librement ses opinions sur la gouvernance du pays, le pouvoir actuel devrait s’atteler, enfin, à apporter des solutions aux problèmes que rencontrent nos concitoyens : la cherté de la vie, le chômage, l’émigration irrégulière, etc.
Devant son impuissance à satisfaire les légitimes aspirations du peuple, le pouvoir s’efforce d’instaurer un régime de terreur pour bâillonner les voix dissonantes : activistes, journalistes et politiques sont traqués, arrêtés, mis en détention ou interdits de sortie du territoire. C’est peine perdue !
Les organisations de la Gauche plurielle expriment toute leur solidarité aux camarades du PIT et, au-delà à tous les citoyens victimes de la dictature du pouvoir actuel et engagent les militants à rester mobilisés pour préserver tous les acquis démocratiques et vaincre ce régime dont le « Projet » insidieux est d’installer, au Sénégal, une dictature de type nouveau."
par Alioune Dione
LA TÉLÉVISION SÉNÉGALAISE, UN DANGER POUR LES LIBERTÉS
L’information est une arme nocive quand celui qui la donne la déforme à ses souhaits et intentions. Elle ne doit point servir d’instrument de diabolisation ou de production de sensation. L’apport des médias dans une société doit être décisif
Dès l’année 1995, K. Popper mettait en garde la société contre les dangers de la télévision pour la démocratie. Lieu par excellence du débat et de la contradiction pour faire jaillir la lumière sur les faits sociaux, les médias au rang desquels la télévision occupe une place particulière dans l’influence sociale sont devenus des instruments de propagande dénués de toute neutralité axiologique. La télévision sénégalaise au-delà de son impact sur la passivité citoyenne est devenue le lieu par excellence de la médiocrité et de la prostitution visuelle.
Des descendants de Goebbels qui font partout la propagande politique mais dénués d’intelligence et de charisme comme le fut le Volksaufklärung und Propaganda, des charlatans, des comédiens, des morues aux mœurs légères dont l’inculture froisse toute conscience avertie devenus analystes politiques ou économiques, suivis de partout par une classe sociale sans portée épistémique pour analyser le discours des médias. Popper disait qu’il ne peut y avoir de démocratie si on ne soumet pas la télévision a un contrôle, ou pour parler plus précisément, la démocratie ne peut substituer durablement tant que le pouvoir de la télévision ne sera pas complètement mis à jour.
Le pouvoir colossal des médias ne doit pas être affaibli mais encadré car une nation qui se veut forte et transparente ne peut recourir qu’à la force médiatique pour accéder au stade suprême de développement. Mais, le temps social appelle à un assainissement rigoureux des médias sénégalais. En effet, si le gouvernement sénégalais opte pour une rupture structurelle, il est appelé à prendre des mesures fortes pour rendre le milieu journalistique professionnel, de garantir une liberté d’expression aux médias dont les critiques permettent d’éclaircir les zones d’ombres des politiques et finances publiques, de bannir toute forme d’intox des médias politisés pour leurrer la masse.
Un État politique préfère la propagande à la critique mais un État-provident n’a pas besoin de médias propagandistes car ses actes se font ressentir socialement par le peuple, il préfère la critique constructive à l’éloge d’une flatterie destructive puisque quand les analyses politiques ou économiques pointent du doigts les manquements, incohérences ou les ambiguïtés de l’action gouvernementale, elles interpellent en quelque sorte le gouvernement non pas à la remise en cause mais à la vigilance dans ses faits et actes montrant qu’il y a des instances de contrôles sociales qui l’incitent à la transparence.
L’immense influence qu’exerce la télévision sur la conscience collective mérite une fois une épuration du milieu médiatique de toute personne dont la formation intellectuelle et journalistique n’est pas aboutie pour parler des faits sociaux, politiques ou économiques. L’information est une arme nocive quand celui qui la donne la déforme à ses souhaits et intentions. Elle ne doit point servir d’instrument de diabolisation ou de production de sensation. Il y a une nécessité absolue de retourner à une formation rigoureuse des journalistes pour la neutralité, la déontologie, l’éthique, les biais du narcissisme mais surtout l’acquisition des connaissances en sciences humaines et sociales. D’ailleurs, le retrait des accréditations des écoles privées de formation sur le métier de journalisme est une nécessité sine qua non pour la régulation du métier de médias. L’exigence de la visibilité comme le disaient les auteurs de l’ouvrage sous la direction de N. Aubert et C. Haroche a pris le dessus sur la pertinence de l’analyse des faits. La créativité artistique, intellectuelle et culturelle perd sa place dans les médias pour ne divulguer que du sensationnel, de l’insignifiance, des clichés mais surtout des stéréotypes qui peuvent porter atteinte à la cohésion sociale.
L’apport des médias dans une société doit être décisif enfin non seulement de conscientiser mais de donner les moyens et instruments pour diagnostiquer l’état socio-politique de la du pays comme étant un vecteur social d’analyse de l’état de développement. Malheureusement, le recrutement médiatique est devenu un concours de mannequinat et de vulgarité dont le corps et la fourberie sont mis en avant et non le savoir.
L’absence de perspicacité de nos médias reflète en quelque sorte le mal profond de l’état arriéré de notre construction sociale et de la précarité de nos institutions de socialisation (primaire et secondaire). Au fait, l’imaginaire médiatique a créé des types de référence dont le seul mérite est de déformer les faits pour plaire à une classe politique adulée par le peuple. Les médias ont cultivé dans les consciences collectives des adolescents une dévalorisation de l’intelligentsia qui a débouché à une prise de soin du corps et à la manifestation de la vulgarité au détriment de la fortification des facultés de la raison et de l’esprit.
Dans ce sillage, la télévision au Sénégal est considérée comme un lieu de divertissement, de charlatanisme, de militantisme politique…, rare que l’action citoyenne et patriotique y trouve sa place, de fait, elle est un instrument passif qui n’appelle pas toujours à la prise de responsabilité chez les jeunes, à la valorisation du mérite et à la stimulation des consciences dans la réflexion pour relever les défis auxquels le peuple est appelé à faire face. Responsabiliser citoyennement la société passe d’abord par faire de la presse une vitrine de démocratie et non un instrument de propagande car comme disaient N. Aubert et C. Haroche : « l’injonction à la visibilité semble concomitante de l’avènement d’une société de l’image, dont l’écran est le symbole majeur. Cette société ‘‘ qui met le monde sur écrans, prend l’écran pour le monde et se prend elle-même pour ce qu’elle a mis sur l’écran ’’ est une société de l’exhibition ou tout savoir est devenu tout voir », nous sommes passé du cogito ergo sum de Descartes au narcissisme de l’exhibition que l’on peut traduire par l’expression latine videor ergo existo.
Alioune Dione : Socio-anthropologue est auteur de : Afrique et contemporanéité.
LE GRAND TRI DES CANDIDATURES
Sur 51 listes déposées, seules 41 ont survécu au crible rigoureux du code électoral, laissant 10 formations sur le carreau pour diverses infractions. Le paysage politique qui se dessine promet une bataille électorale acharnée
(SenePlus) - Le ministère de l'Intérieur et de la Sécurité publique a dévoilé ce 7 octobre 2024 la liste officielle des candidatures pour les élections législatives anticipées du 17 novembre. L'arrêté signé par le ministre Jean Baptiste Tine offre un aperçu détaillé du paysage électoral à venir.
Sur 51 listes déposées, 41 ont été déclarées recevables. Parmi les partis et coalitions retenus, on note la présence de formations majeures telles que Pastef, mais aussi de nouvelles entités comme "And Liguey Sunu Rew" et "Jubanti Senegal". La liste complète comprend des coalitions comme "Takku Wallu Senegal", "Samm Sa Kaadu", et des partis comme "Bes Du Niakk".
Cependant, l'arrêté met en lumière le rejet de 10 listes pour diverses infractions au code électoral. Les motifs de rejet sont variés et spécifiques :
La coalition "Alliance Samm Sunu Senegal" a été écartée pour une liste incomplète au scrutin proportionnel.
L'entité "Front Ethique Republicain Avec Mamadou Sidibe" a été rejetée pour une liste proportionnelle incomplète, ne présentant que 15 titulaires sans suppléants.
Le parti "En Avant Ca Kanaam" n'a pas fourni la quittance du cautionnement requis.
"En Marche Pour La Renaissance Du Senegal" n'a pas déposé de liste de suppléants.
L'entité "Parti Pour La Renovation Et L'Emergence Du Senegal" a déposé sa candidature hors délai.
La coalition "RV Naatangue" n'a pas respecté la parité sur la liste des suppléants.
Des rejets partiels ont également été prononcés. La coalition "Takku Wallu Senegal" a vu ses candidatures invalidées dans les départements de Bakel entre autres pour non-respect du nombre de candidats requis. De même, la coalition "Defar Sa Gokh" a été rejetée dans le département de Pikine pour absence de liste de suppléants.
Les 41 listes retenues vont maintenant entrer dans une phase intense de mobilisation et de communication pour convaincre les électeurs sénégalais.
Ces élections, convoquées suite à la dissolution de l'Assemblée nationale le 12 septembre, représentent un moment crucial pour la démocratie sénégalaise. Elles interviennent dans un contexte de renouvellement politique, après l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence en avril 2024.
L'enjeu est de taille : la composition de la nouvelle Assemblée nationale déterminera la capacité du gouvernement à mettre en œuvre son programme. Dans un paysage politique fragmenté, comme en témoigne la diversité des listes retenues, la formation d'une majorité stable pourrait s'avérer un défi majeur.
Alors que le Sénégal s'engage dans cette nouvelle phase électorale, tous les regards sont tournés vers le 17 novembre, date qui pourrait redessiner les contours politiques du pays pour les années à venir.
par Birane Diop
LE DERNIER DES ARTS DE FARY NDAO
Grâce aux pouvoirs de la littérature, notamment du roman, l'auteur soulève une réflexion sur la politique et ses implications, posant des questions philosophiques et existentielles : pourquoi la politique est-elle comparée à un art ?
J’ai lu Le dernier des arts, le premier roman de l’écrivain Fary Ndao. L’auteur du livre est ingénieur et économiste de l’énergie, travaillant au service de l’État sénégalais. Mais il est bien plus que cela : Fary Ndao est un hussard noir de la République, l’un de ces hommes valeureux dont parlait Charles Péguy, l’auteur de l’essai politique Notre jeunesse, car c’est un haut fonctionnaire qui a la mystique républicaine chevillée au corps, à l’ère du populisme omniprésent. De plus, c’est un intellectuel organique engagé pour la cité. Il a offert à son pays, et au-delà, au reste du monde, trois livres majeurs : Politisez-vous !, L’or noir du Sénégal et Le Dernier des arts, son œuvre la plus récente.
Que dire de ce livre édité par la maison d’édition Présence Africaine ? Le dernier des arts est un magnifique ouvrage, d’une grande érudition à tous égards, le tout enveloppé d’un humour percutant. Grâce aux pouvoirs de la littérature, notamment du roman, il soulève une réflexion sur la politique et ses implications, posant des questions philosophiques et existentielles : pourquoi la politique est-elle comparée à un art ? Cet art fait référence aux stratégies de communication déployées lors des campagnes électorales, où les partis présentent leur candidat et partagent sa vision économique, culturelle, sociale, écologique et sanitaire avec les électeurs, qui ont le dernier mot et sur qui repose finalement l’exercice du pouvoir. Ce don de soi, dont le
but ultime est de changer radicalement la vie des gens, requiert-il de la diplomatie, de l’humour — la « meilleure arme » de tout homme politique ? Peut-on réellement faire de la politique et conquérir le pouvoir sans être cynique, démagogue ou populiste ?
Toutes ces questions trouvent leurs réponses à travers les personnages qui peuplent ce roman. Sibi, figure principale et candidat à la présidentielle, fait comprendre à Coulibaly que la politique, c’est d’abord le peuple, c’est-à-dire une entité sociale sur laquelle s’exerce le pouvoir par le biais de ses représentants. Par conséquent, il faut être « proche d’eux », ne pas les prendre de haut, pour espérer gagner l’élection au soir du second tour. Sans leurs voix, ils ne seront jamais aux affaires sérieuses pour conduire les politiques publiques. Leur communication doit avoir deux objectifs principaux : convaincre et plaire, ce dernier étant souvent le plus décisif. C’est cela qui créera la différence entre leur approche et celle de leurs adversaires – le camp de la présidente Aminata Sophie Cissé. Qu’ils soient des populistes tout simplement, pour être dans l’air du temps.
De plus, un politicien aguerri est un diplomate drapé d’un humour exquis, quelqu’un qui a les talents d’un artiste, c’est-à-dire un génie qui inonde de bonheur et d’excitation le corps social par ses discours anti-élite, son rapprochement avec celles et ceux que les privilégiés appellent avec dédain, dans leurs discussions privées ou lors de dîners mondains : les petites gens, les invisibles, les sans-rien. C’est cela aussi la politique, Le dernier des arts.
Dans ce roman intimiste, à certains points, Sibi et Zeynab, après avoir partagé de bons moments de plaisir charnel, interrogent ce métier exigeant, éreintant et parfois ingrat à travers une dispute de haute intensité. L’activité politique doit-elle s’immiscer au cœur de la famille ? Comment faire pour qu’elle ne perturbe pas l’équilibre familial ?
Face à ces questions existentielles, tout homme politique est tiraillé, voire bouleversé, c’est le cas de Sibi. Sa femme Zeynab — la plume — est désormais la seule qui s’occupe de leurs deux enfants, notamment la petite Sarah Victorine Fall, qui voit son père comme un héros, un homme parfait. Mais ce père n’est jamais à la maison pendant les moments importants. Il a dédié sa vie à d’autres enfants qu’il ne connaît pas, pour apporter un peu de douceur à leur quotidien, pour que demain ils deviennent des transfuges de classe. Autrement dit, pour qu’ils n’aient pas des destins broyés par la misère, la souffrance et la douleur. Il veut faire vivre la promesse républicaine, celle de l’égalité des chances dans le cœur de chaque enfant. La politique, ce n’est pas une question esthétique, ce sont des enjeux de vie et de mort pour beaucoup de gens. Peut-être est-ce là le prix de l’engagement politique. Hélas.
Le dernier des arts est un chef-d’œuvre, un roman absolument passionnant par sa sensibilité, sa justesse et sa langue. La belle ode à la kora, cette musique qui envahit tout notre être pour réparer les blessures invisibles, nous perturbe ou nous fait oublier, le temps d’un instant, l’hystérie de nos sociétés, nous faisant voyager dans le royaume de l’enfance — l’époque de l’insouciance.
En lisant Le dernier des arts, on découvre un écrivain fertile, drôle, d’une grande culture. On trouve des références à Nicolas Mathieu, Boubacar Boris Diop, Albert Einstein, Cheikh Anta Diop, Spinoza, Aristote, Krishnamurti, Jack London, Balzac, Rûmî, Luis Sepúlveda Calfucura. Fary Ndao nous a offert un beau roman d’une grande érudition. C’est un livre sur la politique dans toute sa splendeur. Ici, même l’amour est hautement politique.
Bienvenue en littérature, Fary Ndao. Le dernier des arts, disponible dans toutes les bonnes librairies.
Post-scriptum : Ce passage du livre ci-après m’a fait penser à la meute inculte, médiocre et violente qui avait attaqué Mohamed Mbougar Sarr, brillant romancier sénégalais, quand il a reçu le Goncourt : « Notre pays avait changé. On y détestait désormais la culture, les idées nouvelles, la liberté artistique et la nuance, signe universel d’intelligence, sauf, évidemment, aux yeux des cons. Les conservateurs associés aux faux progressistes avaient plastifié notre imaginaire, préparant le terrain à des individus bien plus radicaux qu’eux : les djihadistes. »
L'HISTOIRE AU SERVICE DU POUVOIR
De l'Ukraine à Gaza, le passé est constamment réinterprété pour justifier les actions du présent. Les commémorations, les résolutions parlementaires et même les manuels scolaires deviennent des vecteurs de révision historique
(SenePlus) - Dans un monde où l'information circule à la vitesse de l'éclair, l'histoire est devenue un terrain de lutte idéologique âprement disputé. C'est le constat alarmant que dresse Le Monde diplomatique dans son édition d'octobre 2024, mettant en lumière les enjeux complexes de l'instrumentalisation du passé dans les conflits contemporains.
De l'Ukraine à Gaza, en passant par les commémorations du débarquement de Normandie, l'histoire est constamment réécrite et utilisée comme une arme pour justifier des actions présentes ou délégitimer des adversaires. Comme le souligne l'article, "Que des commémorations offrent un miroir déformé du passé, seul un naïf pourrait s'en étonner. Celles-ci servent avant tout à mettre en scène un récit qui correspond aux intérêts de ceux qui les organisent."
L'exemple du 80e anniversaire du débarquement de Normandie est particulièrement révélateur. Le journal rapporte que "Pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, aucun représentant russe n'est convié, pas même un conseiller d'ambassade." Cette exclusion délibérée de la Russie, justifiée par l'Élysée en raison de "la guerre d'agression qu'elle mène contre l'Ukraine", illustre parfaitement comment les événements historiques sont réinterprétés à la lumière des conflits actuels.
Le Monde diplomatique met en garde contre une tendance inquiétante à la réécriture de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. L'article souligne que "La Russie a, depuis longtemps, pris l'habitude de voir son rôle minimisé au profit de la contribution américaine. Elle est désormais jugée coresponsable du désastre, sur un pied d'égalité avec l'Allemagne." Cette révision historique s'est propagée de l'Europe de l'Est à l'Ouest, culminant avec une résolution du Parlement européen en 2019 qui établit que la guerre fut "la conséquence immédiate du tristement célèbre pacte germano-soviétique de non-agression ".
Face à cette offensive idéologique, le président russe Vladimir Poutine n'est pas en reste. Le journal rapporte que : "Le révisionnisme historique, dont on observe les manifestations en Occident, surtout concernant la seconde guerre mondiale et ses conséquences, est dangereux parce qu'il déforme de manière grossière la compréhension des principes de développement pacifique définis lors des conférences de Yalta et de San Francisco en 1945." Cependant, l'article souligne que Poutine lui-même n'hésite pas à déformer le passé pour servir ses intérêts, notamment en contestant l'existence historique de l'Ukraine.
Le journal évoque comment cette manipulation de l'histoire s'étend au-delà des conflits en Europe de l'Est. Dans le contexte du conflit israélo-palestinien, par exemple, l'article note que « L'attaque du 7 octobre devient ainsi dépourvue de raison, si ce n'est ethnique ou religieuse. Une tuerie de Juifs, un « pogrom », et même «le plus grand pogrom depuis la Shoah», comme aura tôt fait de le dire journalistes et dirigeants politiques, recevra ainsi l'événement dans la longue histoire de la persécution des Juifs.
Face à cette manipulation généralisée de l'histoire, Le Monde diplomatique propose une approche critique et réflexive. La dernière partie de l'article, intitulée "Une méthode pour briser la gangue des idées reçues", est particulièrement éclairante. Le journal cite l'historien américain Michael Parenti : "Les contestataires doivent constamment se défendre et étayer minutieusement toutes leurs manifestations." Cette nécessité découle du fait que les idées reçues, "jamais examinées mais communément admises", forment une barrière à la compréhension critique de l'histoire.
Pour contrer cette tendance, Le Monde diplomatique a publié en septembre un "Manuel d'autodéfense intellectuelle". Cet ouvrage vise à "fournir une méthode et des outils permettant à chacun de briser la gangue des idées reçues et de s'orienter dans le maquis des récits". L'objectif est de donner aux citoyens les moyens de déconstruire les narratifs dominants et de développer une compréhension plus nuancée et contextualisée de l'histoire.
En conclusion, l'article du Monde diplomatique lance un appel à la vigilance intellectuelle. Dans un monde où l'histoire est constamment manipulée pour servir des intérêts politiques, il est plus que jamais nécessaire de développer un esprit critique et une capacité à remettre en question les récits dominants. Le manuel d'autodéfense intellectuelle proposé par le journal se veut un outil concret pour relever ce défi, permettant à chacun de naviguer dans le dédale des récits historiques et de résister à la manipulation de la mémoire collective.
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LE MIRAGE SAOUDIEN DU FOOTBALL S'ESTOMPE
La Saudi Pro League, censée rivaliser avec l'élite européenne, révèle ses failles. Les salaires mirobolants tardent à être versés, les transferts s'essoufflent, et le public reste timide
Un an après l'arrivée fracassante des stars mondiales, le football saoudien se heurte à une réalité moins reluisante. Les pétrodollars, qui semblaient couler à flots, se tarissent dans les caisses de nombreux clubs. Ronaldo, Benzema et Neymar brillent toujours, mais dans un championnat qui chancelle.
La Saudi Pro League, censée rivaliser avec l'élite européenne, révèle ses failles. Les salaires mirobolants tardent à être versés, les transferts s'essoufflent, et le public reste timide. L'équipe nationale, loin de profiter de cet afflux de talents, peine à convaincre sur la scène internationale.
Ce projet pharaonique, lancé à grand renfort de publicité, semble avoir négligé les fondations. Absence de contrôles financiers, déséquilibre flagrant entre les clubs, et manque de vision à long terme : le château de sable vacille.
L'Arabie Saoudite, qui rêvait d'une Coupe du monde, se retrouve face à un dilemme. Le football, utilisé comme vitrine, pourrait-il devenir un miroir gênant ? L'heure des choix approche pour le royaume, entre prestige éphémère et développement durable de son football.