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26 novembre 2024
Economie
LE SÉNÉGAL QUITTE LA ZONE GRISE DU GAFI
Cette liste identifie les pays dont le régime de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive présente des déficiences stratégiques.
Dans un communiqué publié ce vendredi 25 octobre 2024, le ministère des Finances et du Budget annonce le retrait du Sénégal de la “liste grise” du Groupe d’Action Financière (GAFI) qui identifie les juridictions dont les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) sont faibles dans deux documents publics du GAFI qui sont publiés trois fois par an.
“Le Sénégal vient d’être officiellement retiré de la liste grise, à l’issue de la réunion plénière du GAFI tenue ce jour à Paris. La liste grise appelée aussi « Liste des juridictions sous surveillance renforcée » identifie les pays dont le régime de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive (LBC/FT/FP) présente des déficiences stratégiques”, a affirmé le ministère dirigé par Cheikh Diba.
Qui rappelle que “le Sénégal, inscrit en février 2021 sur cette liste, avait pris l’engagement de remédier aux insuffisances identifiées par l’adoption d’un plan de vingt-neuf (29) actions déclinées en quarante-neuf (49) mesures. Le processus de mise en œuvre de ce plan d’actions s’est matérialisé par la présentation de neuf (09) rapports de suivi et d’un rapport de synthèse”.
Les services du ministère des Finances et du Budget d’ajouter: “A l’issue de ces revues documentaires, le Sénégal a reçu, du 12 au 14 août 2024 à Dakar, la visite des experts de l’International Cooperation Review Group (Groupe de Revue de la Coopération) du Groupe d’Action financière (GAFI), sous la présidence du Ministre des Finances et du Budget Monsieur Cheikh Diba en présence de ses collègues membres du Gouvernement en charge de la justice et de l’intérieur”.
LA BNDE ET KOPAR EXPRESS NOUENT UN PARTENARIAT
Le directeur général de la BNDE, Mamadou Faye, et le directeur général de Kopar Express, Mamadou Ndiaye, ont signé une convention de partenariat visant à mobiliser l’épargne de la diaspora pour soutenir la vision « Sénégal Vision 2050 ».
Le directeur général de la Banque nationale de développement économique (BNDE), Mamadou Faye, et le directeur général de Kopar Express, Mamadou Ndiaye, ont signé hier, jeudi, à Dakar, une convention de partenariat visant à mobiliser l’épargne de la diaspora pour soutenir la vision « Sénégal Vision 2050 ».
La mise en œuvre du nouveau référentiel économique du Sénégal, intitulé « Sénégal Vision 2050 », qui ambitionne de bâtir une économie endogène, nécessite des moyens financiers conséquents. À cette fin, l’apport de la diaspora est incontestablement attendu pour soutenir des investissements structurants susceptibles de concrétiser cette vision économique. C’est dans cette optique que la Banque nationale de développement économique (BNDE) et la néobanque destinée aux Sénégalais d’ici et de la diaspora, Kopar Express, ont officialisé hier, jeudi 24 octobre 2024, à Dakar, leur partenariat.
Dans le cadre du développement de services bancaires innovants, les deux institutions entendent collaborer pour créer prochainement une banque digitale, CP-BNDE-KP 2, accessible principalement via une application (ordinateur, tablette, smartphone), afin de proposer des services financiers numériques à la clientèle locale, ainsi qu’à la diaspora sénégalaise, au moyen de solutions simples et accessibles.
Les opportunités offertes par cet accord sont nombreuses et s’inscrivent dans une dynamique d’innovation et d’inclusion financière. Ce partenariat offrira, entre autres avantages, « un accès élargi aux services financiers pour les Sénégalais de la diaspora, où qu’ils se trouvent ; un appui et un accompagnement de la diaspora sénégalaise avec des solutions concrètes répondant aux besoins de cette cible ; l’innovation dans les services bancaires grâce à l’intégration de nouvelles technologies ; la réduction des coûts et l’optimisation des opérations ; ainsi qu’une meilleure satisfaction de la clientèle », peut-on lire dans un document transmis à la presse. Le Secrétaire d’État aux Sénégalais de l’extérieur, Amadou Chérif Diouf, a salué l’initiative, la qualifiant de contribution ‘’fort’’ appréciable à la recherche de solutions visant à mieux orienter l’épargne de nos compatriotes de l’étranger. Il a affirmé que cette initiative s’inscrit dans « la panoplie de réponses nationales concertées entre acteurs étatiques et non étatiques face à la problématique de la gestion des Sénégalais de l’extérieur, dans une dynamique de partenariat public-privé ».
Ainsi, « des sources de financement diversifiées, telles que celles proposées par cette alliance BNDE/Kopar Express, arrivent à point nommé et s’inscrivent en droite ligne avec notre orientation en matière de gouvernance de la migration », a-t-il déclaré. Le directeur général de la BNDE, en soulignant l’importance de ce partenariat, a expliqué que celui-ci permettra de mettre en place la banque digitale dans le cadre de ce partenariat, d’assurer la conformité avec la réglementation en vigueur, notamment celle relative à la monnaie électronique, d’offrir des services bancaires innovants et de garantir une gestion transparente des transactions financières. Selon lui, cette convention va « renforcer la position de la BNDE dans le domaine des services financiers numériques en collaboration avec Kopar Express, en mettant un accent particulier sur la diaspora sénégalaise et l’émission de monnaie électronique, tout en respectant les normes de sécurité et de régulation du secteur ».
Mamadou Ndiaye, directeur général de Kopar Express, a affirmé que ce partenariat permettra à l’État du Sénégal de mobiliser, à travers la BNDE, des fonds conséquents issus de la diaspora sénégalaise pour soutenir les investissements structurants liés au nouveau référentiel économique « Sénégal Vision 2050 ». Fort d’un portefeuille de 600 000 clients, Kopar Express espère même doubler ce nombre. Se voulant convaincant, le patron de Kopar Express a souligné que de nombreux « compatriotes investissent dans leur pays d’accueil, faute de structures capables de sécuriser leur investissement. Ainsi, grâce à ce partenariat, le Sénégal pourrait mobiliser plus de 1 800 milliards de francs CFA envoyés chaque année au pays », a-t-il déclaré.
LA SOLIDITÉ DE L’ÉCONOMIE SÉNÉGALAISE EN QUESTION
L'exercice de transparence voulu par le nouveau régime sénégalais se transforme en douche froide sur les marchés financiers internationaux
Deux des trois principales sociétés de notation financière à l’échelle mondiale, à savoir Moody’s et Standard & Poor’s, ont dégradé successivement la note du Sénégal à la suite de la publication du rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), remettant en cause la fiabilité des chiffres annoncés par le régime sortant de Macky Sall.
Les nouvelles autorités politiques du Sénégal ont décidé de faire le point sur la situation économique du pays. Ainsi, un audit de l’IGF, commandité par le Président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a révélé que le déficit budgétaire serait de 10,4 % du Produit Intérieur Brut (PIB) et la dette publique de 83,7 % du PIB en 2023, contre respectivement 5,5 % et 65,9 % annoncés précédemment par le régime de Macky Sall. Ce diagnostic des finances publiques, établi par l’IGF et soutenu par le chef du gouvernement, Ousmane Sonko, privilégiant la transparence budgétaire au risque de voir la note du Sénégal abaissée, a rapidement produit des effets. Dix jours seulement après la publication du rapport de l’IGF, l’agence Moody’s, spécialisée dans les solutions de gestion des risques et l’analyse financière, plus connue pour ses notations financières standardisées, a dégradé la note du pays de deux crans à B1. Comme si cela ne suffisait pas, un peu plus de deux semaines plus tard, l’agence américaine Standard & Poor’s, réputée pour ses analyses financières sur les actions et les obligations, a placé le Sénégal sous perspectives "négatives". Toutefois, l’agence S&P précise que la note sur les emprunts à long et court terme du pays a été maintenue à "B+/B".
Elle (agence S&P) estime que cette «incertitude importante sur les données budgétaires réelles » ainsi que le « manque de clarté sur le profil d'endettement, d'amortissement et les besoins de financement » menacent la solvabilité du pays.
Cependant, l’agence de notation précise qu’elle pourrait « relever la note du Sénégal ou réviser les perspectives à "stables" si les indicateurs budgétaires et extérieurs s'améliorent plus rapidement que prévu grâce à la mise en œuvre de mesures correctives énergiques ».
Comprendre la baisse de la notation souveraine du Sénégal
L’économiste du développement et de l’incertain, non moins assesseur à la faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG), a d’emblée précisé que la notation souveraine donne une idée du niveau de solvabilité d’un pays. En matière de notation, les pays peuvent être considérés soit comme des voitures neuves, soit comme des voitures d’occasion, en termes de fiabilité. Convaincu de l’importance de la note attribuée par ces agences de notation, il soutient que les agences de notation (comme Moody’s, S&P ou Fitch) fournissent des scores et des classements qui permettent d’évaluer la solvabilité d’un pays. Ces notations influent sur le taux d’intérêt auquel un pays peut emprunter. Les notations de Moody’s comprennent deux grandes catégories : le grade "investment" (investissement) pour les pays réputés très sûrs et solides, et le grade "speculative" (spéculatif) pour les pays risqués.
La première catégorie est composée de 10 niveaux et la seconde de 11 ; au total, il faut donc gravir 21 échelons pour atteindre le sommet (pays très sûr).
Il convient de noter que tant qu’on n’a pas encore dépassé le 11e niveau, on est encore considéré comme un véhicule d’occasion, qui peut être en bon état ou présenter une défaillance cachée.
Le Sénégal était classé Ba3, c’est-à-dire au 9e niveau ; il vient d’être rétrogradé à B1, soit au 8e. Mais il fait toujours partie des véhicules d’occasion. Selon le professeur titulaire des universités, lorsqu’un pays est classé Ba (Ba1, Ba2 ou Ba3 avec Ba1 étant le meilleur), prêter de l’argent à ce pays implique déjà la présence d’éléments spéculatifs et de risques de crédits importants. Lorsqu’il est classé B (B1, B2 ou B3, avec B1 étant le meilleur), le prêteur sait que le risque est carrément spéculatif et élevé. Dans les deux cas, les taux d’intérêt peuvent être conséquents.
Une baisse de notation à prendre au sérieux, mais à relativiser
L’économiste agrégé rappelle que c’est en 2017 que le Sénégal est passé de B1 à Ba3. En 2024, il y retourne ; ce qui n’est pas une bonne nouvelle, et cela fait consensus. Mais cette baisse résulte d’un exercice de communication du gouvernement sur les finances publiques ; elle est donc mécanique. De plus, le Sénégal devance toujours un pays comme le Rwanda, souvent cité en exemple en termes d’attractivité en Afrique.
Entre 2003 et 2019, la Banque mondiale a publié chaque année le fameux classement "Doing Business", qu’elle a abandonné en 2020 après des révélations sur des manipulations de données visant à faire apparaître certains pays comme plus attractifs que d’autres en matière d’investissement (soit 17 ans de tromperie !).
Aujourd’hui, le Sénégal est classé B1, mais devance toujours un pays comme le Rwanda, qui est classé B2, malgré sa réputation positive sur le plan économique en Afrique.
par René Lake et Elhadji M. Mbaye
DE LA LÉGITIMITÉ DE LA SOCIÉTÉ CIVILE FACE AUX ÉLUS
EXCLUSIF SENEPLUS - Reconnaître la légitimité de la société civile en tant qu’acteur moral et social, sans chercher à la réduire ou la marginaliser. À son tour, elle doit comprendre que son rôle n’est pas de se substituer aux élus
René Lake et Elhadji M. Mbaye |
Publication 24/10/2024
Le débat sur la légitimité de la société civile, en opposition ou en complément à celle des élus, a traversé l’histoire politique du Sénégal depuis les indépendances. Depuis l’accession au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, le 24 mars 2024, survenue après de longs mois de combats menés concomitamment par des acteurs politiques et ceux de la société civile, la légitimité de ces derniers est au centre de l’actualité en raison de leur détermination dans la lutte pour le changement de régime et du traitement auquel ils font l’objet dans le champ politique.
La société civile sénégalaise a ainsi activement contribué à la sauvegarde des fondements démocratiques du Sénégal, à un moment où le pouvoir de Macky Sall cherchait délibérément à empêcher une alternance politique par la voie des urnes. Elle a, au même titre que d’autres acteurs politiques, mobilisé des ressources humaines, financières, intellectuelles, logistiques pour éviter le recul démocratique du pays.
Ainsi, depuis l'élection au premier tour, avec plus de 54 % des voix, du président Bassirou Diomaye Faye, cette légitimité se pose avec acuité, que ce soit de manière explicite ou de façon plus insidieuse dans l'espace public. Le risque est réel de voir des acteurs politiques s’octroyer cette victoire et oublier tout le processus et l’engagement de tous les acteurs, y compris ceux de la société civile (universitaires, journalistes, religieux, avocats, médecins, syndicalistes, artistes…) qui ont aussi apporté leur contribution à la victoire contre le régime de Macky Sall, sans compter les luttes démocratiques menées depuis de nombreuses décennies.
Le Sénégal avait besoin de changement, et l’appartenance à un parti politique n’était pas un critère de légitimité dans la lutte pour ce changement. Cette victoire n’est pas seulement celle des acteurs politiques, elle est celle de tous.
Face aux demandes répétées de la société civile pour le respect des engagements du candidat Diomaye, il est nécessaire de s’arrêter pour faire le point sur le rapport entre société civile et acteurs politiques, entre ceux qui sont élus ou nommés et ceux qui contribuent à l’action publique par d’autres moyens. La promotion du nouveau référentiel des politiques publiques qui appelle à la mobilisation de tous pour faire face aux problèmes dont souffre notre pays nécessite l’implication de toutes les forces vives de la nation, qu’elles soient politiques ou issues de la société civile. Mais pour cela, il est important de mieux préciser le rôle, la place, la légitimité de la société civile et les ponts qu’elle doit établir avec les acteurs politiques au service de la Nation.
L’objectif de cet article est d’abord de rappeler les fondements historiques, sociaux et politiques des deux pouvoirs, politiques (partis politiques) et civils (société civile), ensuite d’expliquer comment ils coexistent, se complètent et enfin peuvent parfois entrer en conflit lorsque l’intérêt général est menacé.
Certains acteurs politiques tentent d’aborder cette question sous l’angle de savoir si la légitimité des acteurs civils peut rivaliser avec celle conférée par les urnes. Ce sujet mérite une réflexion approfondie. Cependant, l'objectif de cet article n'est pas d'opposer de manière binaire ces deux formes de légitimité, mais plutôt de comprendre comment elles coexistent, se complètent et, parfois, entrent en conflit.
Cette réflexion propose une analyse détaillée de ces deux formes d’autorité, en tenant compte de leurs fondements, de leurs rôles respectifs face aux enjeux démocratiques contemporains.
Les fondements de la légitimité élective : une autorité issue du processus démocratique
La légitimité élective repose, de manière formelle, sur l’expression de la volonté populaire à travers le vote. Ce processus est central dans toute démocratie, car il permet de conférer une autorité politique aux élus, chargés de représenter l’intérêt général. Le mandat électif, obtenu par la voie des urnes, est perçu comme la validation ultime d’une autorité. Il est souvent présenté comme l’incarnation même du pouvoir démocratique. Pourtant, cette légitimité n’est pas sans limites ni contestations.
L'une des critiques les plus récurrentes est que la légitimité élective repose sur un moment précis — l’élection —, mais qu'elle peut rapidement s’éroder si l’élu échoue à transformer cette légitimité en action concrète au service de la population. Des exemples emblématiques, comme celui d’Abdoulaye Wade ou encore, plus récemment, de Macky Sall, illustrent comment une légitimité électorale solide peut être mise à mal par des scandales éthiques. Élus légitimement et avec un enthousiasme populaire incontestable, leur autorité s’est effondrée significativement du fait de leur gestion solitaire et parfois autocratique, qui a révélé les failles morales de leur administration respective. Ce type de situation pose une question cruciale : l'élection suffit-elle à garantir la légitimité ?
Dans de nombreux cas, les élus sont tentés de faire des compromis pour conserver leur position, ce qui peut les conduire à adopter des stratégies politiques déconnectées des attentes de leurs électeurs. Cela est particulièrement visible dans des systèmes politiques où la réélection devient un objectif en soi, souvent au détriment du bien commun. Ainsi, la légitimité élective peut parfois être en porte-à-faux avec l'intérêt collectif, surtout lorsque la survie politique devient prioritaire pour l’élu.
En outre, il faut aussi préciser qu’il y a une évolution historique de l’acteur politique. Des travaux dans le domaine de la science politique ont démontré que les acteurs politiques se sont professionnalisés au fil de l’histoire. Ainsi, la rationalité première de l’Acteur Politique Professionnel (APP) est d'abord d'accéder au pouvoir et ensuite de le conserver. Cette rationalité prime parfois sur l’intérêt collectif, en raison notamment des logiques en jeu dans la carrière professionnelle de l’APP.
Si la présidentielle permet, en cas d’élections justes, libres et transparentes, la désignation d’un homme ou d’une femme politique issu(e) des urnes, la manière dont les élections législatives sont organisées ne permet pas la représentation d’élus issus du peuple, élus par le peuple et pour le peuple. Les listes nationales des partis et des coalitions donnent l’opportunité à des femmes et des hommes politiques d’être représentés à l’Assemblée nationale, non pas parce qu’ils ont été choisis pour défendre les intérêts des populations, mais plutôt ceux des leaders politiques qui les ont nommés. Ils sont ainsi assujettis aux ordres de leurs partis et coalitions plutôt qu’à ceux des citoyens. Ils peuvent ainsi être élus, même sans que les gens qu’ils comptent représenter n’aient voté pour eux. Comment voulons-nous alors qu’ils défendent leurs intérêts ?
Toutes ces réalités démontrent les limites de la représentation électorale comme unique légitimité au service de l’intérêt général.
La légitimité de la société civile : une autorité morale enracinée dans l'engagement éthique et l’expertise citoyenne
Contrairement à la légitimité élective, la société civile tire sa légitimité de sa capacité à incarner des valeurs morales, éthiques et des engagements qui transcendent les cycles électoraux. Cette légitimité n’est pas conférée par un vote, mais par l’expérience, l’expertise et l’engagement sur des questions au service de l’intérêt général. Les membres de la société civile ne cherchent pas une légitimité électorale, ils préfèrent défendre l’intérêt général à partir d’expertises spécifiques (artistiques, scientifiques, médiatiques, religieuses, sociétales…) et de valeurs universelles, adaptées au contexte national (les droits de l’homme, la liberté de la presse, l’état de droit, la bonne gouvernance, etc.).
La société civile regroupe une diversité d’acteurs — leaders religieux, syndicalistes, artistes, militants, intellectuels — qui incarnent ainsi des intérêts collectifs et ne sont pas nécessairement mus principalement par des ambitions personnelles. Leur légitimité repose sur un référentiel moral, non sur un mandat électif, et c’est précisément cette distinction qui leur confère une force incontestable. Ils transgressent les intérêts partisans des partis et coalitions politiques. Ces acteurs se situent en dehors des jeux de pouvoir traditionnels, et leur autorité se renforce d’autant plus qu’elle s’engage dans des combats porteurs de valeurs enracinées dans notre histoire.
Dans ce cadre, des figures telles que Serigne Cheikh Gaïnde Fatma ou Amadou Makhtar Mbow ont incarné cette légitimité morale. Leur engagement sur des questions politiques, sociales et culturelles a consolidé une autorité bien plus durable que celle des acteurs politiques. À travers le monde, des personnalités comme Nelson Mandela, avant même d’accéder à une légitimité élective, ont d'abord obtenu leur autorité par des combats moraux, incarnant des aspirations collectives. Au Sénégal, la liste pourrait être longue si l’on souhaitait mentionner des figures comme Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Ly, Babacar Niang, Tidiane Baïdy Ly, Seydou Cissoko, Aminata Sow Fall, Lamine Senghor, Seyni Niang, Eugénie Aw, Omar Blondin Diop, Mariama Bâ, Serigne Babacar Matouty Mbow, Makhtar Diack, Babacar Ndiaye, Mamadou Dia, Annette Mbaye d’Erneville, Mohamadou Billy Gueye, Charles Gueye, Babacar Touré, Waldiodio Ndiaye, Sidy Lamine Niass, Moussa Paye, Ousseynou Beye, etc.
Cette légitimité morale est d’autant plus précieuse qu’elle est ancrée dans les réalités du terrain. Contrairement aux élus, souvent perçus comme déconnectés des préoccupations quotidiennes des citoyens, les acteurs de la société civile sont au cœur des luttes sociales, économiques et culturelles. Leur influence dépasse les frontières électorales, car elle repose sur un engagement continu, souvent à long terme, en faveur de causes spécifiques. C’est ainsi qu’au niveau international, des personnalités, y compris très jeunes, comme Greta Thunberg, sans mandat électif, ont su s’imposer sur la scène internationale grâce à leur engagement moral pour des causes universelles, comme le climat. Loin des contraintes électorales, ces figures peuvent agir librement, en s'appuyant sur des valeurs partagées par la société.
Ainsi, l’expertise et la popularité ne suffisent pas à légitimer les acteurs de la société civile. La connexion avec les citoyens, leur écoute, leur confiance, leur plébiscite sont nécessaires pour renforcer la légitimité de la société civile. Même si celle-ci est très peu mobilisée, elle est capitale pour leur légitimité auprès des acteurs politiques, souvent intéressés par la collaboration que lorsqu’ils pensent pouvoir en tirer profit dans leur rationalité d’accéder et de conserver le pouvoir.
La société civile face au danger de la politisation : le risque d’une perte de légitimité
L’une des grandes questions que pose la légitimité de la société civile est celle de son entrée dans l’arène politique. Lorsque des personnalités issues de la société civile choisissent de se lancer en politique, elles peuvent perdre la légitimité morale qui les caractérise. L’exemple de Youssou Ndour au Sénégal est à cet égard édifiant. Leader populaire et reconnu pour ses engagements artistiques et sociaux, son entrée en politique n’a pas réussi à capitaliser sur sa popularité. Il a vu son image se diluer, ce qui soulève une problématique majeure : la société civile peut-elle maintenir son influence en s’engageant dans la compétition électorale ?
Cette question ne concerne pas uniquement Youssou Ndour. De nombreuses figures publiques à travers le monde ont connu des destins similaires. En France, Bernard Kouchner, après avoir été une figure éminente de la société civile en tant que fondateur de Médecins Sans Frontières, a vu son influence décliner en rejoignant le gouvernement. Aux États-Unis, des personnalités comme Michael Bloomberg ou Cornel West, en entrant en politique, ont également rencontré des difficultés à maintenir leur légitimité d'origine.
La société civile, en entrant en politique, adopte nécessairement les codes du pouvoir électoral, ce qui l’oblige à faire des compromis et parfois des compromissions. Or, c’est précisément ce qui érode sa légitimité morale. L’autorité de la société civile repose sur sa capacité à rester indépendante des logiques partisanes et électorales. Dès lors qu’elle entre dans le jeu politique, elle s’expose aux mêmes critiques que les élus : opportunisme, compromission, perte de valeurs, rationalité électorale…
Il faut cependant noter que dans certains cas, la politisation de figures de la société civile peut aussi être un moyen de renforcer leur influence, à condition qu’elles parviennent à maintenir leur intégrité morale et, le plus souvent, à refuser de s’insérer dans les jeux partisans. Sauf que, lorsqu’elles s’engagent dans l’arène politique, il leur est souvent difficile d'être indépendantes, car soumises à l’autorité des hommes politiques élus et à la contrainte de la solidarité partisane.
La société civile comme contre-pouvoir et partenaire dans la gouvernance démocratique
Malgré les risques liés à la politisation, la société civile demeure un partenaire privilégié de l’acteur politique dans tout système démocratique. Son rôle ne se limite pas à la critique des actions politiques ; elle est aussi un partenaire essentiel pour l’identification des problèmes publics, la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. La société civile agit ainsi comme un régulateur, un acteur qui veille à ce que l’action politique soit conforme aux intérêts collectifs. Aujourd’hui, le paradigme dominant des politiques publiques est la gouvernance, en raison d’une part de la complexité des enjeux et défis auxquels les gouvernements sont confrontés, mais aussi de la nécessité d’impliquer d’autres acteurs, dont la société civile, dans la gestion des affaires publiques. La gouvernance démocratique est devenue une exigence aussi bien des citoyens que des partenaires techniques et financiers de nos États.
Dans ce domaine, l'une des principales forces de la société civile réside dans sa capacité à incarner une vision à long terme, au-delà des impératifs électoraux, à mobiliser son expertise et à s’exprimer et défendre l’intérêt général. Là où les élus sont souvent limités par des objectifs de résultats immédiats, ou confrontés au hiatus entre leurs promesses électorales et leurs réalisations liées aux contraintes de leur réélection, les acteurs de la société civile peuvent se concentrer sur des enjeux structurels, des réformes profondes et une vision globale des transformations nécessaires et des mesures qui peuvent paraître impopulaires mais au service de l’intérêt général. Cela en fait une source précieuse de propositions intellectuelles et de mobilisation autour des grands débats publics.
Toutefois, pour que cette relation soit constructive, il est nécessaire que les deux sphères — société civile et politique — se respectent mutuellement et soient conscientes des attributs de l’une et de l’autre. Les élus doivent reconnaître la légitimité de la société civile en tant qu’acteur moral et social sans chercher à la réduire ou à la marginaliser, mais aussi reconnaître sa contribution au service de l’intérêt général. Parallèlement, la société civile doit comprendre que son rôle n’est pas de se substituer aux élus, mais d’accompagner et d’orienter l’action publique, tout en restant dans une position critique, indépendante et constructive. Dans le management des politiques publiques, elle doit jouer un rôle de veille et de rappel des priorités des citoyens, de surveillant du processus décisionnel, d’acteur dans la mise en œuvre de politiques, là où les compétences de l’État sont limitées, et de chargée du suivi et de l’évaluation des engagements pris par les femmes et hommes politiques.
Les dangers de la remise en question de la légitimité civile : un signe avant-coureur de l’autoritarisme
Lorsque les régimes politiques cherchent à saper la légitimité de la société civile, ils s’engagent généralement sur une voie dangereuse, celle de l’autoritarisme. L’histoire a montré que l’attaque contre la société civile est souvent l’un des premiers signes d’une dérive autocratique. Des régimes comme ceux de Robert Mugabe, Donald Trump ou encore Abdoulaye Wade et Macky Sall, ont tous cherché à affaiblir les contre-pouvoirs civils, qu’il s’agisse de la presse, des intellectuels, des syndicats, des artistes ou des associations.
Cette dynamique est récurrente et doit servir d’alerte pour les démocraties modernes. Toute tentative de détruire ou de marginaliser la société civile doit être perçue comme une attaque directe contre la démocratie elle-même et l’intérêt général qu’elle incarne. La société civile est la garante d’un équilibre nécessaire entre pouvoir et contre-pouvoir, entre légitimité élective et morale, entre intérêt partisan et intérêt général. La démocratie ne peut s’épanouir pleinement que lorsque ces deux sphères collaborent, tout en respectant leurs rôles respectifs.
En clair, la légitimité de la société civile, bien qu’elle ne repose pas sur des élections, est tout aussi cruciale que celle conférée par les urnes. Elle joue un rôle de contre-pouvoir, de vigie, mais aussi de partenaire dans l’élaboration des politiques publiques. En garantissant un équilibre entre la légitimité élective et celle morale de la société civile, les systèmes démocratiques modernes peuvent espérer répondre aux aspirations de leurs citoyens de manière plus juste et plus durable.
Ce dialogue entre ces deux formes de légitimité est essentiel pour la stabilité des institutions et la pérennité des régimes démocratiques.
Le 24 mars 2024 doit marquer un tournant historique, permettant au Sénégal de s’engager sur cette voie de collaboration entre les politiques et les différents segments de la société, qui souhaitent ardemment que cette troisième alternance réussisse et permette à notre cher pays de s’engager résolument sur le chemin de l’éradication de la pauvreté endémique, de la souveraineté, de l’équité et de la justice.
Les deux auteurs sont membres du Groupe de réflexion et d’action pour la sauvegarde de la démocratie et de l’État de droit, Sursaut Citoyen.
- René Lake est journaliste et analyste politique.
- Elhadji Mamadou Mbaye est enseignant-chercheur en sciences politiques à l’UGB.
SONKO-BA, LE DÉBAT DE LA DISCORDE
Malgré l'opposition du CNRA au nom de l'égalité de traitement des candidats, les deux hommes maintiennent ce face-à-face de 90 minutes, prévu à l'EAO : debout derrière leur pupitre, sans notes ni documents
(SenePlus) - L'annonce d'un débat télévisé historique entre le Premier ministre actuel Ousmane Sonko et son prédécesseur Amadou Ba enflamme la scène politique sénégalaise, même si le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA) tente d'y mettre un frein. Cette confrontation, prévue initialement pour les 28 ou 29 octobre, pourrait marquer un tournant dans la pratique démocratique du pays.
L'initiative revient à Cheikh Omar Diallo, fondateur de l'École d'art oratoire et de leadership (EAO) de Dakar et ancien conseiller d'Abdoulaye Wade. Le format proposé se veut sobre et rigoureux : 90 minutes d'échange dans les locaux de l'EAO, les deux candidats debout derrière leur pupitre, sans documents ni supports, uniquement munis de "quatre feuilles vierges, un stylo et une bouteille d'eau", selon les informations rapportées par Jeune Afrique (JA) mercredi 23 octobre.
La controverse s'est intensifiée avec l'intervention du CNRA, dont le président Mamadou Oumar Ndiaye justifie son opposition : "Un des principes cardinaux de la loi, c'est l'égalité de traitement entre les candidats à quelque élection que ce soit. Organiser un débat uniquement entre deux d'entre eux romprait cet équilibre."
Malgré cette position, les deux protagonistes maintiennent leur volonté de débattre. Amadou Ba a ainsi officialisé son accord via Facebook ce jeudi : "J'accepte l'invitation de M. Sonko à un débat public. Nous discutons des rapports évoqués et de sujets cruciaux comme l'économie, les libertés et les ressources naturelles, pour confronter nos idées au service du peuple."
La réponse d'Ousmane Sonko ne s'est pas fait attendre, non sans une pointe d'ironie : "Je suis étonné qu'il ait attendu des rumeurs d'interdiction du débat par le CNRA pour donner une réponse somme toute timorée", avant d'ajouter que "les stigmates de mauvaise gestion de l'ancien Premier ministre seront aussi criants que les rayures d'un zèbre."
Le groupe E-Media, via sa chaîne ITV, s'est quant à lui positionné comme diffuseur principal, s'engageant à mettre "à disposition de tous les médias et plateformes son signal pour une diffusion intégrale et accessible à tous", selon son directeur général Alassane Samba Diop.
La question reste maintenant de savoir si le CNRA peut effectivement empêcher la tenue de ce débat si les deux candidats décident de passer outre son avis. Pour Sonko, "les éventuelles lacunes du code électoral ou de la loi sur le CNRA avec des dispositions obsolètes [...] ne sauraient constituer un obstacle à sa tenue."
LE SYSTÈME DE LA COMMANDE PUBLIQUE À BOUT DE SOUFFLE
Les acteurs du secteur, réunis hier dans la capitale sénégalaise, ont dressé un constat alarmant de la situation lors d'un atelier de dialogue stratégique
Le marché de la commande publique s'avère très contraignant pour les acteurs du système de passation des marchés publics, principalement en raison de problématiques liées à la planification. C’est pourquoi ces derniers plaident en faveur d’une réforme en profondeur du dispositif de la commande publique.
L’exécution de la commande publique représente un fardeau pour les acteurs du secteur, qui peinent souvent à surmonter ces obstacles. Cette situation est largement imputable aux carences de planification de la commande publique par le ministère des Finances et du Budget, lesquelles demeurent souvent opaques pour les soumissionnaires, faute de visibilité sur la priorisation des dépenses. Afin d'améliorer l’efficience et l’efficacité dans l’exécution des commandes publiques, les acteurs ont plaidé, hier, mercredi 23 octobre, à Dakar, lors d’une rencontre organisée par l'ONG International Budget Partnership Sénégal, en faveur d’un dialogue constructif entre les parties prenantes, visant à structurer plus efficacement la plateforme multipartite de la commande publique.
L’atelier de dialogue stratégique, intitulé « Enjeux du système de passation des marchés publics et opportunités de l’audit public dans le secteur de la santé », a mis en lumière les contraintes pesant sur le marché de la commande publique. Il en ressort que le principal obstacle à l’exécution des commandes publiques réside dans la planification, notamment en raison de difficultés budgétaires. En effet, les soumissionnaires ne disposent d’aucune visibilité sur les montants alloués et les délais de mise à disposition des budgets afférents aux marchés concernés. Cette situation a des répercussions sur la conformité des commandes, les délais d’exécution, ainsi que sur les enjeux de performance et d’efficience. Concernant la performance, Aissatou Diop, spécialiste en politiques publiques et responsable principale du Programme de crédibilité budgétaire au sein de l’ONG International Budget Partnership (IBP) Sénégal, a affirmé que cette rencontre se veut un cadre interactif permettant aux acteurs du système de passation des marchés publics de procéder à un diagnostic des contraintes existantes, dans le but de « lever les goulots d’étranglement et de dégager des pistes de solutions que l'IBP se fera un plaisir d’accompagner, afin de garantir un meilleur accès de nos populations aux services sociaux de base et une gestion optimisée de nos ressources publiques ».
L’objectif principal est d’élaborer un plan d’action destiné à améliorer le système de passation des marchés publics dans les secteurs de l’assainissement et de la santé, en prenant en compte les défis spécifiques identifiés lors des discussions entre les acteurs.
Pour ce qui est de ces deux secteurs précités, des difficultés ont été relevées quant à la capacité des responsables de la commande publique à mener à bien leurs projets sans entrave.
Il convient de noter que le Sénégal s’est engagé depuis plusieurs années dans des réformes profondes de la gestion de ses finances publiques, afin de renforcer l’efficacité des dépenses publiques, d’améliorer la gouvernance et de progresser vers les objectifs de développement durable. Parmi ces réformes figurent l’adoption d’une gestion axée sur les résultats et la mise en œuvre du budget-programme, qui constituent des avancées majeures. L’objectif principal de ces réformes est d’assurer une gestion plus rigoureuse des ressources publiques tout en évaluant l’impact des dépenses sur le développement économique et social du pays.
LES NOMINATIONS AU CONSEIL DES MINISTRES DU 23 OCTOBRE
SenePlus publie ci-dessous, les nominations prononcées au Conseil des ministres du mercredi 23 octobre 2024.
"AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES,
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Présidence de la République :
Monsieur Abdoulaye TINE, Avocat, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société de Gestion du Patrimoine bâti de l’Etat (SOGEPA-SN), en remplacement de Monsieur El Hadji Seck Ndiaye WADE.
Ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires :
Monsieur Samba NDIAYE, Ingénieur en génie Civil, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société nationale des Habitations à Loyer modéré (SN-HLM), en remplacement de Monsieur Moustapha FALL ;
Monsieur Ousseynou FAYE, Architecte urbaniste, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société immobilière du Cap Vert (SICAP)-SA, en remplacement de Monsieur Mamadou FAYE ;
Monsieur Ibrahima THIOYE, Administrateur civil principal est nommé Directeur général de la Société d’Aménagement Foncier et de Rénovation urbaine (SAFRU SA), en remplacement de Monsieur Maissa Mahécor DIOUF ;
Ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique :
Madame Mané THIAM, Expert-comptable, est nommée Président du Conseil d’Administration de la Société nationale La Poste (SN-LA POSTE) en remplacement de Monsieur Lansana SANO ;
Monsieur Oumar WATT est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société nationale Sénégal Numérique (SENUM SA), en remplacement de Monsieur Diégane SÈNE ;
Monsieur Sadikh TOP est nommé Président du Conseil d’Administration de l’Agence de Presse sénégalaise (SN-APS), en remplacement de Monsieur Moustapha SAMB ;
Ministère des Finances et du Budget (MFB) :
Monsieur Boubacar SOLLY, Docteur en géographie, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société de Gestion des Infrastructures publiques dans les Pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose (SOGIP – SA), en remplacement de Monsieur Meissa Ndao WADE ;
Madame Ndèye Fatou FALL, titulaire d’un diplôme d’études approfondies en droit économique et des affaires, est nommée Président du Conseil d’Administration de la Société nationale de Recouvrement (SNR), en remplacement de Monsieur Pape DIOUF ;
Monsieur Moustapha Camara, titulaire d’un master 2 en ingénierie des systèmes d’information, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Loterie nationale sénégalaise (LONASE), en remplacement de Monsieur Ciré DIA ;
Monsieur Sidy FALL, Opérateur économique, est nommé Président du Conseil d’Administration du Fonds de Garantie automobile (FGA), en remplacement de Monsieur Mor Dia THIAM ;
Monsieur Momath CISSE, Ingénieur statisticien, est nommé Directeur général Adjoint de l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), poste vacant ;
Monsieur Oumar REMY, Expert en Commerce international, est nommé Président du Conseil d’Administration du Fonds de Garantie des Investissements prioritaires (FONGIP), en remplacement de Monsieur Oumar NDOYE ;
Ministère des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens :
Monsieur Laurent SINA, Consultant en système de management qualité, est nommé Président du Conseil d’Administration du Laboratoire national de référence dans le domaine du Bâtiment et des Travaux publics (LNR-BTP) (ex CEREEQ-SA), en remplacement de Monsieur Dame DIOP ;
Monsieur Youssoupha CISS, Enseignant, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société nationale Les Autoroutes du Sénégal (SN-LAS), en remplacement de Madame Ndèye Saly Diop DIENG ;
Ministère de la Santé et de l’Action sociale :
Monsieur Mamadou SANE, titulaire d’un doctorat en Pharmacie, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Pharmacie nationale d’Approvisionnement (PNA), en remplacement de Madame Aïssatou Mbéne Lo NGOM ;
Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Elevage :
Monsieur Famara MANÉ, Enseignant, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société d’Aménagement agricole des Grandes Vallées rizicoles (SODAGRI), en remplacement de Monsieur Cherif SABALY.
Ministère de la Famille et des Solidarités :
Madame Mame Mbissine NDIAYE, Technicienne Supérieure en commerce international, est nommée Président du Conseil d’Administration de l’Office national des Pupilles de la Nation (ONPN), en remplacement de Monsieur Abdou Aziz NDIAYE."
CES CONTRAINTES QUI PLOMBENT LA FILIÈRE ARACHIDIÈRE
À Ziguinchor, l'usine historique n'a collecté que 3500 tonnes de graines lors de sa dernière campagne, un chiffre dérisoire face à une production régionale abondante. La concurrence étrangère, principalement chinoise, asphyxie l'industrie locale
Le volume de collecte des graines d’arachide par l’usine Sonacos de Ziguinchor ne cesse de chuter d’année en année. La faute à une concurrence des exportateurs étrangers qui ont une véritable main mise sur le marché de la commercialisation. Aujourd’hui la filière arachide est dans une situation plus qu’alarmante dans la partie sud du pays. La Sonacos, seule industrie qui peut absorber la production, peine à atteindre ses objectifs de collecte.
Les huiliers de Ziguinchor ont vécu il y a deux ans l’une des pires campagnes de commercialisation arachidière. L’usine n’avait collecté que 3500 tonnes de graines d’arachide ajoutées aux 5500 tonnes recueillies à Kolda, la région sud avait elle seule engrangé la moitié du volume de collecte nationale. « Très insuffisant » avaient déploré les huiliers. Pourtant, avec la bonne production arachidière fruit d’un bon hivernage dans la région, les producteurs continuent à vivre des difficultés. Les écueils sont nombreux.
La concurrence des exportateurs étrangers suscite souvent l’ire des travailleurs de la Sonacos qui craignent pour leurs emplois. La matière première exportée, l’usine peine à atteindre son volume de collecte normal, ce qui contraint les travailleurs de l’usine à n’être actifs que quelques mois seulement. Récemment en tournée à Ziguinchor le Directeur Général de la Sonacos Abdou Ndane Diagne a souligné avoir identifié les problèmes majeurs de la campagne en rencontrant les différents acteurs. « La présence des Chinois, nous l’avons constatée. Nous n’avons pas peur de la concurrence et nous sommes capables d’aller au-delà de ce que nos concurrents sont capables de faire » a-t–il déclaré avant de juger inadmissible et inacceptable que la production se retrouve exportée sans valeur ajoutée.
« Il est inadmissible qu’un pays finance et subventionne une production et que cette production se retrouve exportée sans valeur ajoutée ni création d’emplois. Ces étrangers ne créent aucun emploi dans ce pays, ils n’ajoutent aucune valeur sinon ils transfèrent les subventions de l’Etat que nous avons déjà mises dans ce secteur. Aujourd’hui, l’Etat du Sénégal a relevé le niveau de subvention de cent à cent vingt milliards de francs CFA. » a-t–il laissé entendre, non sans souligner les tâtonnements et autres flottements des précédentes campagnes. Si les Opérateurs Privés stockeurs agitent souvent la lancinante question du financement et de la dette (celle-ci a été ailleurs largement épongée par les nouvelles autorités qui ont réglé une grande partie de la dette, les producteurs eux, ne sont pas souvent emballés par le prix du kilogramme fixé par les autorités. A Ziguinchor, la bonne production arachidière contraste souvent avec le grand nombre de difficultés qui affectent la filière qui reste tout de même très demandée.
LA SONACOS, UNE SOCIÉTÉ MYTHIQUE À L'AGONIE
Cette usine qui fournissait jadis la meilleure huile d'arachide au monde a vu son histoire basculer avec la privatisation de 2000. Réduite aujourd'hui à 50 employés contre 2800 à son apogée, elle tente une renaissance
Née dans les années 1935/37 à la veille de la Seconde guerre mondiale, l'usine de réception de Lyndiane alors appelée Société de décorticage (Sodec) était sous la gérance française. A cette époque, elle avait non seulement la vocation d'acheter l'arachide en coque aux nombreux producteurs sénégalais, de la transformer sommairement, mais aussi et surtout, elle l’exportait en France. Puis, la direction (française) de la Sodec a alors décidé de relancer le système de transformation des graines en huile. Elle importa les machines et la technologie nécessaires à cette option à caractère industriel. La qualité de l’huile produite qui en avait fait un produit d’exportation prisé comme son label de meilleure huile traitée dans le monde et sa valeur ajoutée parce que classée parmi les produits exportés, ont fait les beaux jours de l’entreprise. Produite et identifiée au Sénégal, il n’en demeure pas moins que sa vente dans notre pays était difficile, vu sa cherté et la faiblesse du pouvoir d'achat, l'approvisionnement du marché local était difficile. Pour y remédier, l'entreprise importait d'autres qualités d'huile, dont l’huile de soja, pour permettre aux consommateurs sénégalais, d'être ravitaillés selon leurs bourses et leur pouvoir d'achat.
A cette époque, l'usine réceptionnait 1500 à 1600 t/ jour et en moyenne 250 mille tonnes par an. En termes d'emplois, le personnel comptait en moyenne 1000 travailleurs dont 800 permanents et 2000 saisonniers. Ce taux d’emploi résorbait à peu près 30 % du gap du sous emploi dans le centre du pays.
Chaque année après la récolte, les nombreux ruraux qui migraient en ville à la recherche de travail se tournaient vers la Sodec où ils étaient très souvent employés comme saisonniers durant toute la saison sèche.
En 1977, sous la présidence de L. S. Senghor, l'État décide alors de racheter l'entreprise et d'en faire une société nationale. Cette acquisition offrait non seulement une stabilité sociale et le maintien de son équilibre économique, mais surtout une stratégie pour résoudre ses besoins politiques surtout électoraux dans une entreprise considérée comme la vache laitière de millions d'individus résidant au moins dans les quatre (4)régions implantées dans le centre. L'usine est alors rebaptisée Société Nationale de Commercialisation des Oléagineux du Sénégal (Sonacos). Elle est confiée à un proche du Premier ministre d’alors, Abdou Diouf, Abdoulaye Diop a été le premier directeur général sénégalais de l'entreprise. Les choses allaient bien pendant de nombreuses années, de la réception des graines, à la transformation. Le niveau d’emplois a connu de grands moments. Seule unité de transformation sur l'étendue du territoire national, sans concurrent direct ou indirect, l'usine transformait, mais achetait aussi une production uniquement réservée à l'exportation et siégeait au Comité national interprofessionnel de l'arachide (Cnia) où elle participait à la fixation des prix destinés aux producteurs. 2000,
Une année où tout chamboule à la Sonacos
Pour la majeure partie des travailleurs de la SONACOS, c'est au cours de la première alternance politique au Sénégal qui a eu lieu en 2000, que les difficultés ont commencé. La décision prise par le président Wade de privatiser la société au profit d’un certain Jabert, a sonné comme une alarme. Cette privatisation de la Sonacos, comme l’avaient prédit une grande partie du personnel de l’usine et des partenaires, a engendré des tensions jamais vécues pendant plus de 40 ans. A la diminution de la capacité de réception s’ajoutent les bons impayés. La production se réduit sensiblement. Certaines machines tombées en panne ne sont pas réparées pour faute de pièces de rechange. Et la société de manière générale tend vers la faillite.
Avec l'arrivée du Président Macky Sall au pouvoir, aucun changement d'envergure n'a été opéré. Face à un marché extérieur imposant qui lui réduit depuis quelques années déjà ses chances en termes de réception, la Sonacos s'enfonce de plus en plus. Aujourd'hui, elle peine à collecter une production de 30 mille tonnes. Et obligée de se départir de ses charges salariales, elle ne se contente que de 50 employés environ.
La Sonacos est-elle sur la voie de renaître de ses cendres ?
Restée ces derniers mois sans activités, compte tenu de l’énorme déficit en matière première auquel il faut ajouter la vétusté de ses machines, la Sonacos réduisait drastiquement ses capacités de production d'huile. Est-elle en mesure aujourd’hui de renaître de ses propres cendres ? C'est en tout cas la question que tous ses travailleurs et partenaires se posent. Avec l'arrivée du Président Bassirou Diomaye Faye au pouvoir et, le nouveau directeur général Ndane Diagne qui assure que le redémarrage opérationnel des unités est imminent, les travailleurs espèrent donc.
Dans l'entreprise industrielle de Dakar (EID) les activités de raffinage ont repris et vont se poursuivre dans les usines de Diourbel, de Louga, et dans celle de Ziguinchor. A Kaolack, cela se fera d'ici mi-novembre. Sur le terrain, les travaux de fin de campagne ont débuté sur tout le territoire national et se poursuivent dans les régions de Kaolack et de Kaffrine. Histoire de rencontrer les producteurs et opérateurs pour permettre à la société d'entrer dans ses prévisions et d’absorber l'intégralité de la production en matière première requise pour mener ses opérations industrielles.
Pour l’heure, le budget prévu pour la réhabilitation infrastructurelle et matérielle de la Sonacos est inconnu. La Sonacos se dit prête à se retourner vers ses partenaires financiers afin de disposer du maximum de ressources pour le renouvellement de son parc et l'augmentation de sa capacité de production à tous les niveaux au sein de ses unités. Selon son directeur général, ces opérations sont précédées par le recrutement, l'embauche et la réhabilitation de certains membres du personnel pour avoir les ressources nécessaires de remise en service, surtout pour la relance des activités de l'usine partout au sein de ses annexes disséminées dans différentes régions du territoire national.
UNE FILIÈRE EN QUÊTE D’UN SECOND SOUFFLE
De culture ancestrale à pilier économique, l'arachide traverse aujourd'hui une crise profonde dans son bassin historique. Depuis le désengagement de l'État en 2000 et l'arrivée massive des acheteurs chinois, le secteur s'enfonce dans le chaos
La culture de l’arachide a été et reste encore importante dans le bassin arachidier qui couvre l’ouest et le centre du pays. Dans ces zones, près des trois quarts des exploitations familiales s’adonnent à cette activité agricole et l’arachide est leur principale source de revenus. Elle occupe une place importante dans le régime alimentaire des familles et ses sous-produits (fanes) sont utilisés à nourrir le bétail. Avec le désengagement de l’Etat à partir de 2000, la filière traverse une crise profonde, caractérisée par une anarchie dans la commercialisation des graines. L’ouverture du marché aux exportateurs étrangers notamment les Chinois a contribué à ce désordre. Conséquence : les unités locales de transformation peinent à collecter suffisamment de graines. Ce qui les plonge dans d’énormes difficultés.
La culture de l'arachide est très ancienne au Sénégal. Introduite par les Portugais au 17ème siècle (1659), elle était une « culture de case », c’est-à-dire pour la consommation, sans commercialisation Le choix de la culture de la graine d’arachide au Sénégal parle colonisateur français, au 19ème siècle, tient au fait qu’à partir de 1820, la métropole découvre progressivement l’utilité de l’arachide en tant qu’apéritif, aliment de bétail et source de matière grasse (huiles, savon). L’arachide devient ainsi rapidement une économie de substitution et les colons lui donnèrent le nom d’ « Or du Sénégal »
Sa culture de l’arachide est entièrement pluviale et traditionnelle et demeure importante dans toutes les régions du pays. Mais l’essentiel de la production destinée au marché provient de la partie centrale du pays communément appelée bassin arachidier (régions de Louga, Diourbel, Thiès, Kaolack et Fatick, où elle occupe 45 à 60 % des terres cultivées et une partie de la Casamance.
La filière de l'arachide rencontre d'énormes contraintes freinant sa productivité. Pour rappel, le Sénégal a connu une sécheresse assez marquante en 1970 qui a entrainé une baisse de la productivité. Depuis lors, les pouvoirs publics mettent en place des politiques pour la relance du secteur. La baisse de productivité s'explique par la mise en place de politiques successives « instables » : suppressions de tarifs préférentiels, alignement des prix au producteur sur les cours mondiaux, intervention de l’Etat puis libéralisation de la filière, endettement des producteurs, perturbations climatiques, dégradation des sols et du capital semencier, réduction des surfaces cultivées en arachide, difficulté d’accès aux intrants (semences-engrais produits phytosanitaires), absence de renouvellement et d’entretien du matériel agricole qui est vétuste.
60 à 70% de la production arachidière est vendue par les canaux formels. Les trois grands huiliers industriels sont SUNEOR, NOVASEN, et CAI Touba et sont orientés vers l'exportation.
Les prix aux producteurs sont uniformes sur l'étendue du territoire. Ils sont fixés durant la période de commercialisation (octobre à avril) par le gouvernement et le Comité National Interprofessionnel de l’Arachide (CNIA). Environ 30 à 40 pour cent des arachides produites au Sénégal sont vendues par canaux informels. Dans ce cas précis, les producteurs peuvent vendre les arachides à tout moment de l'année. Ils sont généralement inférieurs au prix du secteur formel.
La transformation artisanale fournit de l’huile et les tourteaux (pour la consommation animale) aux ménages et villes secondaires. L’huile de fabrication artisanale est jugée de qualité inférieure par rapport à l’huile des canaux formels. Depuis 2014, la Chine s’est positionnée comme un grand importateur de graines. Les Chinois proposent d’acheter les graines d’arachide à un prix plus élevé que celui pratiqué sur le marché sénégalais.
Les producteurs leur cèdent volontiers alors leur production au détriment des industriels locaux. Ces derniers ont souvent des difficultés à s’aligner sur ces prix et se retrouvent dans l’incapacité de s’approvisionner en arachide en quantité suffisante.
Sidy Ba, porte-parole du CNCR : «Depuis la libéralisation de la filière, les choses vont de mal en pis»
« Depuis la libéralisation de la filière, les choses vont de mal en pis. On a constaté beaucoup de couacs sur le plan de la production, de la commercialisation et de la transformation de l’arachide ». Ces propos sont de Sidy Ba, porte-parole du Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux (Cncr) qui a été joint au téléphone par la rédaction de Sud quotidien. « Pour ce qui est de la production, la mauvaise qualité des semences et la baisse de la fertilité des terres sont à l’origine des mauvais rendements. La reconstitution du capital semencier a été toujours un problème. Il y a le manque de moyen de l’Isra (Institut sénégalais de recherche agricole) qui doit produire des semences de pré base. Le capital semencier de l’arachide est estimé à 150 mille tonnes mais ces 150 mille tonnes ne sont jamais produites », a-t-il relevé. Concernant la commercialisation, il a fait remarquer que depuis l’ouverture du marché aux étrangers, il y a beaucoup d’anarchie. « Le système n’est pas très organisé et la structure qui était censée accompagner l’organisation de la commercialisation à savoir le Comité national interprofessionnel de l’arachide (Cnia) n’est pas tellement à la hauteur. Il n’a pas les moyens. Les huiliers qui sont dans la transformation sont laissés pour compte Les usines qui sont là ne peuvent pas concurrencer les étrangers qui exportent les graines », a-t-il souligné. Selon M. Ba, ces problèmes méritent de grandes réflexions et concertations afin d’apporter des solutions. « Il faut de grandes concertations dans le secteur des semences, de la fertilité des sols, dans le domaine de la transformation de l’arachide. Je pense qu’il faut soutenir les unités de transformation notamment Sonacos. Il faut aussi accompagner les organisations professionnelles agricoles et les inciter à se regrouper en coopérative. Il faut également faire la promotion de l’arachide du Sénégal et ne pas promouvoir les huiles importées », suggère-t-il. De manière globale, il invite l’Etat à organiser les assises sur le secteur agricole afin de redynamiser la filière.