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16 février 2025
Economie
SONKO RENFORCE SON CONTRÔLE SUR LES MISSIONS À L'ÉTRANGER
Le texte limite notamment à trois le nombre de personnes par délégation et fixe une durée maximale de 21 jours pour les missions avec frais. Cette réforme s'accompagne d'un renforcement significatif du rôle des missions diplomatiques
(SenePus) - Le Premier ministre Ousmane Sonko vient de signer une circulaire fixant un cadre plus strict pour les missions à l'étranger des agents de l'État. Ce document, daté du 22 janvier 2025, établit de nouvelles règles visant à rationaliser les dépenses publiques et à renforcer l'encadrement des déplacements officiels.
La circulaire apporte des précisions majeures sur l'organisation et le financement des missions à l'étranger. "Une mission doit être un déplacement de travail entrant dans le cadre des actions programmées par le gouvernement dans ses relations avec les États, les organisations internationales et toute autre institution publique ou privée", stipule le texte.
Parmi les mesures phares, la taille des délégations est désormais strictement limitée. "La taille des délégations devant représenter le Sénégal à des rencontres internationales ne peut excéder trois personnes, sauf dérogation accordée par le Premier ministre", précise la circulaire. Le document encourage également une plus grande implication des missions diplomatiques pour "éviter des déplacements coûteux et non-indispensables".
"En tout état de cause, la durée d'une mission avec frais ne peut excéder vingt-et-un jours", indique le texte. Les demandes d'ordres de mission doivent être transmises "au moins quinze jours avant la date prévue pour le départ, sauf en cas de force majeure dûment justifiée".
La circulaire interdit formellement "la prise en charge des frais de mission des ministres, des membres du Cabinet, du Secrétariat général ou des autres services des ministères par les entités du secteur parapublic sous contrôle ou sous tutelle, sauf pour des missions organisées par lesdites entités". De plus, "la prise en charge de missions d'agents de l'État à l'étranger, par des structures ou organisations privées, est proscrite, sauf dans le cadre d'une convention dûment approuvée".
Le texte redéfinit également la notion de "mission sans frais" qui, selon la circulaire, "s'entend d'une mission dont la prise en charge financière n'est pas supportée par le budget de l'État ou de ses démembrements". Cette précision vise à éviter toute ambiguïté sur la nature des financements.
La mise en application de ces nouvelles dispositions est confiée au Secrétaire général du gouvernement, qui est "chargé de l'application rigoureuse des dispositions de la présente circulaire".
UNE MISSION PARLEMENTAIRE DEBARQUE A LA MINE DE DIOGO
Suite aux clichés alarmistes sur l’exploitation des sables minéralisés par Eramet Grande Côte, la Commission Energie et Ressources Minérales de l'AssembléeNationale s'est déplacée à la mine de Diogo, dans le cadre d'une mission parlementaire.
La mine de Diogo où les sables minéralisés sont exploités par Eramet Grande Côte est au-devant de l’actualité ces dernières semaines, avec une description alarmante de ses activités. Pour y voir plus clair, une mission parlementaire a débarqué sur le site de Diogo. Il s’agit d’une délégation de la Commission Energie et Ressources Minérales à l'Assemblée Nationale conduite par son président, l’Honorable député Babacar Ndiaye.
Suite aux clichés alarmistes sur l’exploitation des sables minéralisés par Eramet Grande Côte, la Commission Energie et Ressources Minérales de l'AssembléeNationale s'est déplacée à la mine de Diogo, dans le cadre d'une mission parlementaire. Selon le député Babacar Ndiaye, président de la Commission, qui conduisait la délégation, c’était pour voir de visu ce qui s’y fait et d’avoir des échanges avec le top management. Il renseigne que la visite a été surtout marquée par des échanges sans gants, sans tabou, sur toutes les questions de l’heure et devant une direction d’entreprise disponible. Parmi les questions abordées, il cite la problématique de la Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE), le contenu local, la réhabilitation des terres et tous les autres aspects liés à la mine. Il s’y ajoute l’affaire des conflits opposant l’entreprise aux populations riveraines, précisément à Lompoul qui, à l’en croire, a précipité la venue des parlementaires. «Avec la direction et les techniciens de GCO, nous avons fait le tour de la situation. Les honorables députés ont bien écouté, bien apprécié et bien posé beaucoup de questions. Ils ont aussi bien noté et une fois de retour à l'Assemblée nationale, il est clair que nous nous ferons notre propre vision de l'affaire. Cependant d’ici quelques jours, la commission parlementaire ira aussi à la rencontre des populations de Lompoul pour aussi les écouter, recueillir leurs avis, leurs doléances», a-t-il signifié.
En tout cas, il a indiqué que la visite a été fructueuse, car ayant permis à la délégation parlementaire de voir et de comprendre beaucoup de choses. Pour le moment, il y a des points de satisfaction comme la mise en place de l’Oasis Sénégal, qui devrait bientôt décrocher son autorisation, pour être opérationnel et que les populations puissent en bénéficier. Il s’y ajoute les sites de recasement et la façon dont les populations déplacées ont été accompagnées, mais aussi la réhabilitation des terres après l’exploitation. Il a par ailleurs mis l’accent sur le fait que la RSE est devenue une obligation pour toutes les entreprises. Et d'après l'article 32, il a été très bien et clairement mentionné que ce n'est pas l'entreprise elle-même qui oriente où met l’argent de sa RSE, mais ce sont les populations à qui revient de droit cet accompagnement, qui déterminent de façon très libre leurs besoins, leurs priorités et il appartient à l'entreprise d'exécuter selon le budget disponible à cet effet. «Nous sommes des tampons entre les populations et les zones minières. Nous sommes des représentants du peuple, nous sommes là pour le peuple, mais il ne faut pas oublier que ce sont des Sénégalais qui travaillent dans les zones minières, qui y trouvent donc leur gagne-pain. Donc, nous sommes un tampon entre ces deux. Nous avons besoin de nos matières premières pour se développer. Comme nous avons aussi besoin d’avoir des populations en bonne santé, avec des bras valides, parce que vivant dans un environnement propice. Donc il ne peut y avoir absolument rien d’autre que la paix », a-t-il expliqué. Et d’ajouter que l’Assemblée Nationale ne ménagera aucun effort pour qu’il y ait cette paix entre les mines et les populations impactées.
Pour Frédéric Zanklan Directeur Général d’Eramet Grande Côte, il faut bien se féliciter de cette initiative parlementaire, car il y a eu beaucoup de débats ces derniers temps autour de cette activité minière, notamment à Lompoul. Et à l’en croire, les échanges ont d’ores et déjà permis d’éclairer pas mal de points à la suite d’explications scientifiques, et la visite des différents sites a permis de lever certains doutes. Il a décrit Éramet Grande Côte sous les traits d’une entreprise minière où travaillent 2 000 personnes dont les 97% sont des Sénégalais et les 48% viennent du bassin local. « La visite donc d’une étape importante dans notre démarche de transparence. Nous sommes l'une des seules mines à ouvrir ses portes aux visiteurs, donc à plus forte raison des parlementaires qui représentent le peuple, qui sont là pour le peuple et qui ont besoin de comprendre ce qui se passe », a-t-il noté. Il laisse entendre que les réalisations de l’entreprise ont été détaillées aux parlementaires etil en ressort de façon indéniable qu’Eramet Grande Côte est une entreprise sénégalaise contributive. Il a aussi souligné devant les parlementaires que l’activité minière de la GCO n’a aucun impact négatif sur les nappes phréatiques. Au contraire, dit-il, un rehaussement de la nappe a été enregistré, favorisant ainsi l'agriculture, le maraîchage.
Dans ce même registre, il a fait savoir qu’il ne peut y avoir de pollution de l'eau ou de la nappe, pour la simple raison que l’entreprise n’a aucun produit chimique dans ses activités. Nous investissons aussi dans ce qu'on appelle les projets à impact. Nous avons décidé d'injecter près de 1,6 milliard de Fcfa sur les quatre prochaines années, sur des projets dans la zone de Louga et qui ont un lien avec le développement des compétences des maraîchers, des pêcheurs, mais aussi des éleveurs. Sur ce projet, il y a aussi un volet infrastructures, qui va consister à construire des entreprises frigorifiques, à investir sur du matériel pour pouvoir permettre aux éleveurs, aux pêcheurs, aux maraîchers de conserver leurs produits.
LA CEDEAO ACTE LE DÉPART DE L'AES
Si la rupture est consommée, l'organisation maintient une politique de portes ouvertes, avec des dispositions transitoires. Les dispositifs de libre circulation, les documents d'identité et les accords commerciaux sont maintenus jusqu'à nouvel ordre
(SenePlus) - La Commission de la CEDEAO a officiellement annoncé, dans un communiqué ce 29 janvier 2025, le retrait effectif du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger de l'organisation ouest-africaine. Cette décision historique s'accompagne toutefois de dispositions transitoires visant à préserver les intérêts des populations.
Dans un esprit de solidarité régionale et conformément aux directives de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement, l'organisation maintient ses portes ouvertes au dialogue. Des mesures spécifiques ont été édictées pour assurer une transition harmonieuse.
Parmi les dispositions principales, les passeports et cartes d'identité nationaux arborant le logo de la CEDEAO resteront valides jusqu'à nouvel ordre pour les citoyens des trois pays concernés. Les échanges commerciaux se poursuivront selon le Schéma de libéralisation des échanges (SLEC) et la Politique d'investissement de la CEDEAO.
La libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement sans visa demeurent garantis pour les ressortissants de ces pays. Par ailleurs, les fonctionnaires originaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger continueront de bénéficier du soutien nécessaire dans l'exercice de leurs missions communautaires.
La Commission précise que ces mesures resteront en vigueur jusqu'à l'adoption des modalités complètes régissant les relations futures avec les trois États. Une structure spéciale a été mise en place pour faciliter les discussions avec chacun des pays concernés durant cette période de transition.
Par Henriette Niang KANDE
DÉSERT D’OPPORTUNITÉS VERSUS MIRAGE DE PROSPÉRITÉ
Les rêves de startup agricoles font face à un écueil : « pas de marge de manœuvre ». L’eldorado promis s’avère être… une récolte de raisins en Espagne... Faute d'imagination, les solutions ressurgissent d'un passé qu'on aurait aimé oublier
C'était une époque pas très lointaine pleine de promesses, des discours et une campagne teintés d'idéaux flamboyants. Ils avaient su capter l'attention de toute une génération. Leur programme ? Simple : des emplois pour les jeunes, une économie indépendante des fluctuations internationales et une autosuffisance alimentaire qui nous ferait oublier l'existence même des importations.
L e tout emballé dans une rhétorique pleine d'élan patriotique et de slogans. Le programme initial, rappelons-le, était ambitieux. Un plan massif d’investissements, le développement de circuits courts, et des incitations à la création d’entreprises locales devaient redonner au pays un lustre économique qu’il n’avait jamais connu. Les jeunes, eux, étaient promis à des emplois dans les technologies, la recherche et l’innovation, ou encore des carrières exaltantes dans l’agriculture « modernisée ». En somme, on leur proposait la Silicon Valley version bio et terroir. C'était leur espoir, le grand souffle de renouveau. En élisant l’équipe de la "Souveraineté et de Rupture" (S&R pour les intimes), le pays semblait avoir trouvé la solution miracle : des emplois dignes et épanouissants pour sa jeunesse, une autosuffisance économique et alimentaire, et un avenir radieux sous un ciel bleu patriotique.
Les promesses étaient un brin trop ambitieux, les rêves de startup agricoles font face à un écueil imprévu : « pas de marge de manœuvre ». Les emplois pour les jeunes se feront finalement, au son du sécateur et du craquement des feuilles sous les pieds et des coups de bistouri dans les structures de santé qataries. Direction les vignobles espagnols, et les projets technologiques ou de médecine du Qatar donc. Nous n’avions jamais imaginé que la "souveraineté économique" consistait à mieux « rentabiliser » les exploitations agricoles espagnoles et combler le déficit de personnels qataris, à coups de maind’œuvre pas chère. En effet, après dix mois plus tard, d’exercice du pouvoir, la réalité s’est imposée avec toute la grâce d’un tracteur déraillant dans un champ de maïs. L’eldorado promis s’avère être… une récolte de raisins et de mandarines, en Espagne ou un travail de forçat « qualifié » au Qatar. L'espoir s'est transformé en une réalité plutôt... terre à terre. Très terre à terre. Terre aride même. Quand l'imagination fait défaut, les solutions viennent souvent d'un passé qu'on aurait aimé oublier. Nos dirigeants, viennent d'appliquer une recette déjà connue : envoyer nos jeunes concitoyens à l'étranger, dans des emplois qui n'ont rien de glorieux, mais qui font illusion sur le papier.
C’est le dernier coup d'éclat en date du ministre Abasse Fall à qui on peut donner le titre de « ministre du Travail et des Perspectives radieuses », qui, revenant du Qatar, brandit un accord comme s'il avait décroché la lune. Son trophée ? Exporter dans ce petit émirat un millier de travailleurs de divers secteurs tels que la technologie, la médecine et la logistique, dont la formation a coûté au Sénégal qui en a grandement besoin.
Dans la foulée, le gouvernement sénégalais a décidé de remettre sur la table un accord de migration circulaire avec l'Espagne. Traduction ? Des bras sénégalais pour aller cueillir fruits et légumes dans les champs espagnols. Oui, vous avez bien lu. La jeunesse, portée aux nues il y a peu, est aujourd'hui invitée à plier bagage et traverser les frontières pour participer aux vendanges et à la cueillette en Espagne. Les emplois promis sont bel et bien là, mais il faudra mettre des bottes, attraper un sécateur, vivre dans des cantonnements, et apprendre à dire "olé, viva Espaňa" sans sourciller
Pendant ce temps, l’opposition politique se frotte les mains. « Voilà où mènent les slogans populistes, à l’exil de notre jeunesse ! », tonnent d’anciens dirigeants gouvernementaux, qui n’avaient eux-mêmes pas mieux proposé quand ils étaient aux affaires. Et maintenant ? À bien y réfléchir, pourquoi la souveraineté à cors et à cris, sur tous les tons, ne nous fait-elle pas réclamer une réciprocité ? Le sens unique doit interroger, d’autant plus que les jeunes du monde entier, ont la mobilité en commun. Pourquoi les Espagnols ne viendraient-ils pas, eux, planter des cacahuètes dans nos campagnes ? À croire que l’équilibre agricole espagnol et le développement du Qatar, reposent sur une subtile stratégie de délocalisation des bras et des cerveaux. Et nos jeunes, le lubrifiant silencieux des rouages de leurs économies respectives.
Au pays pourtant, les terres cultivables s'étendent, désespérément inactives ou louées à des étrangers. Des milliers de kilomètres carrés de potentiel agricole qui attendent une maind'œuvre... qui part ailleurs. Les terres arables locales se couvrent d'herbes folles, d’épineux, repas de roi pour des troupeaux de chèvres, de sachets plastique que le vent accroche aux arbustes, et le pays importe à prix d'or des denrées qu'il aurait pu produire lui-même. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Les exploitants espagnols, eux, se frottent les mains : une jeunesse dynamique, prête à tout pour gagner quelques euros. Pendant ce temps, notre pays regarde ses enfants s’éloigner.
Cherchez l'erreur. Ah, ces pauvres gouvernants, bien plus doués pour planter des promesses électorales et des plants de salade ! Il n'y a pas si longtemps, des rêves nous étaient vendus : des rêves en technicolor : "En deux mois, tout sera réglé ».
À croire qu'il est plus simple de négocier des contrats saisonniers à l'étranger que de construire des infrastructures agricoles chez soi. Après tout, pourquoi ne pas se pencher sérieusement sur une économie locale au lieu de transformer sa jeunesse en travailleurs lowcost pour l'économie hors-frontières ? Une solution pratique : les jeunes travaillent, les statistiques de chômage baissent, et le gouvernement peut se féliciter. Pas mal, non ?
Le plus beau dans cette affaire, c'est le double discours. Officiellement, on nous parle de fierté nationale, de valorisation des talents locaux, de souveraineté alimentaire. Officieusement, on les emballe dans des charters direction l'Espagne avec, peut-être, un petit guide touristique pour se consoler : "L’Espagne et ses merveilles »."Qui croit aux promesses récolte l'exil."
Finalement, cette histoire de jeunesse exportée pourrait être une excellente comédie… si elle n'était pas si tragique. Que faire de cette situation ? Rire pour ne pas pleurer ? Peut-être. Mais il serait temps que nos gouvernants se rendent compte qu'un pays ne se construit pas en exportant ses forces vives. Les champs espagnols ont peutêtre trouvé nos bras, le Qatar nos cerveaux, mais notre pays, lui, risque fort de perdre son âme
Pour arriver au niveau de développement actuel, les Chinois pédalaient en uniforme Mao, une mode sobre qu’on pourrait qualifier d’anti-paillettes. Chez nous, les tenues d’apparat, les carrosses dorés et les privilèges clinquants, liés aux fonctions officielles, sont des arguments motivants pour les jeunes. Rien que ça fait germer l’envie de ne pas rester, mais plutôt de jouer les aventuriers sur des rafiots douteux ou de tester l’endurance dans le désert en mode « esclavage version hardcore ». Mais bon, pourquoi changer ? L’exemple vient d’en haut, et là-haut, on aime bien les paillettes. On garde les vieilles recettes foireuses, convaincus que le frein, ce n’est pas nous. Eh bien si.
Alors, qu'on se le dise : exportateur des travailleurs, c'est peutêtre efficace à court terme, mais ça ne nourrit pas les ambitions nationales. Si nos dirigeants actuels veulent vraiment marquer l'histoire, qu’ils sortent du cycle des idées réchauffées, se dévêtissent de leurs boubous froufroutants, des costumes près-du-corps, des chaussures dont le cuir bêle encore et qu’ils innovent. Sinon, leur place dans les livres d'histoire, risque de se limiter à une simple note de bas de page, juste après la recette du gaspacho espagnol et le majboos, le plat incontournable au Qatar. Ah ! j’oubliais, majboos signifie « être engagé » en arabe. Comme ces milliers de jeunes qui ont littéralement envahis les Bureaux d’Orientation et de Suivi (Baos) et les tribunaux du pays, chacun espérant faire partie du « peuple des élus ». Engagés à quitter ce désert d’opportunités pour aller vivre un mirage de prospérité ailleurs.
PAR Ismaila Madior Fall
L’AES, ENTRE LÉGITIMITÉ DU RETRAIT DE LA CEDEAO, EFFECTIVITÉ ET AVENIR DE L’ORGANISATION SOUS-RÉGIONALE
EXCLUSIF SENEPLUS - La désintégration par dénonciation du traité fondateur de la communauté peut-elle être mise en œuvre sans consultation populaire ni aval parlementaire, mais aussi des autres organes de l’organisation ?
Ce mercredi 29 janvier 2025 marque la date de formalisation du divorce du Mali d’avec la CEDEAO.
Un divorce regrettable
Pourtant, lors des réunions (ministérielles et de chefs d’Etat) de la CEDEAO de l’année 2023 sur les velléités des Etats de l’AES de quitter l’organisation, nous étions convaincus qu’ils n’allaient pas franchir le rubicond de claquer la porte de la maison communautaire et qu’ils allaient revenir sur leur volonté de se délier de l’organisation pour ne pas compromettre les acquis de plusieurs décennies de construction d’un modèle d’intégration, qui bien qu’imparfait, est bien meilleur que beaucoup d’autres expériences du genre sur le continent et dans le monde.
La lettre du président de la Commission (Docteur Omar Alieu Touray) (en date du 13 janvier passé) adressée au ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République du Mali, (Abdoulaye Diop) l’invitant à engager les formalités de séparation à compter du 29 janvier 2025 nous ramène à la dure et douloureuse réalité de l’effectivité du divorce avec plein d’incertitudes qui concernera aussi le Niger et le Burkina Faso.
Réserves sur des divorces engagés par des régimes de transition
Malgré le respect qu’il convient d’accorder à cette séparation qui constitue un risque sur la viabilité de l’organisation et l’avenir de l’intégration en Afrique de l’Ouest et, au-delà, en Afrique, l’on peut s’interroger sur le bien-fondé de la décision de retrait d’une organisation régionale de la part d’Etats dont les autorités sont dépourvues de la légitimité du suffrage universel et n’ont pas pris l’initiative d’une ratification populaire d’un acte de cette envergure de désaffiliation affectant le destin d’une communauté, quoi qu’on en dise, soudée par l’histoire, la géographie, la culture, l’économie et un ambitieux droit qui définit les principes de convergence constitutionnelle régissant le mode de vie politique de cet espace ; une communauté de droit qui récuse et sanctionne audacieusement la prise de pouvoir par des moyens portant atteinte aux bases ontologiques de l’intégration.
La décision unilatérale des juntes militaires de délier leurs Etats de leurs obligations vis-à-vis de la CEDEAO, même si elle est, bien sûr, conforme aux principes régissant les organisations internationales (dénonciation) et au traité fondateur de la Communauté (retrait), elle pose un problème de légitimité quant à la validité procédurale et substantielle de la démarche, tant en droit international qu’en droit interne. En effet, si, en droit international, l’effectivité du pouvoir peut parfois l’emporter sur la légitimité, en droit de l’intégration en revanche, on peut s’interroger sur l’admission automatique d’un retrait assumé par des autorités investies en violation des textes de la CEDEAO, notamment du Protocole de Dakar. Doit-on se limiter à la lettre du droit communautaire et laisser libre cours aux retraits ? Ou ne devrait-on pas, sans aller jusqu’à loi de l’enchaînement de l’Etat fédéré à l’Etat fédéral, davantage rigidifier la procédure de retrait, avec l’objectif de donner du temps et de la chance à la diplomatie intégrative. Ce qui pose le débat de la réforme institutionnelle de la CEDEAO après que le traité soit éprouvé par l’expérience.
Au surplus, la désintégration du processus d’intégration par des actions initiées dans le cadre de la dénonciation du traité peut-elle être accueillie et mise en œuvre sans consultation du peuple par voie référendaire, des parlements nationaux suspendus ou dissous, mais aussi des autres organes de l’organisation (Parlement au titre des saisines facultatives au moins, Cour de justice) ? Ces derniers devraient aussi, au nom de la logique institutionnelle, avoir leurs initiatives à prendre et leur mot à dire, même si le dernier mot revient à la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement.
A dire vrai, au-delà de la légalité de la démarche, ces retraits, spectaculaires et inédits depuis le départ en 2000 de la Mauritanie qui a envisagé heureusement son retour par la signature en 2017 avec l’organisation d’un accord d’association, doivent être pris au sérieux et subir le traitement juridique et politique requis. Ils pourraient souffrir d’un déficit de légitimité apaisante lié à l’absence d’onction démocratique tirée du défaut d’élection des dirigeants de la transition et de la non tenue de consultation référendaire, comme on l’a vu par exemple dans le cadre du Brexit où après le référendum, la Cour suprême britannique avait exigé l’approbation parlementaire, avant d’activer l’article 50 du Traité de Lisbonne sur les négociations de sortie. A juste titre, car le référendum reste le procédé de droit commun de validation et de légitimation d’une décision d’un pays décidant se retirer d’un projet d’intégration cinquantenaire, dont l’Etat en question est membre fondateur.
Les réserves de principe démocratique sur l’initiative de désaffiliation de la CEDEAO de la part de régimes à vocation transitoire sont également valables pour celle de leur affiliation à l’AES. En tout état de cause, il est clair qu’après 50 ans de vie dans une organisation d’intégration, se retirer de celle-ci signifie tourner le dos à une expérience de fraternité africaine cinquantenaire, pourtant citée en exemple par les benchmarkings de fonctionnement de modèles d’intégration.
Une opportunité pour sécuriser le droit de retrait et sauver l’intégration
Bien entendu, le propos ne consiste pas ici à délégitimer ou à contester la décision de retrait des Etats de l’AES ou à critiquer la mise en branle de la procédure de séparation, mais plutôt à inciter la CEDEAO à transformer cette crise en opportunité pour sécuriser le processus d’intégration et éviter d’ultérieurs retraits liés notamment à des changements anticonstitutionnels de gouvernement (on le sait doublement condamnés par la CEDEAO et l’Union Africaine) qui peuvent se révéler des parenthèses bien circonscrites dans des périodes de transition d’une durée limitée. Ce besoin de sanctuarisation de l’organisation ne répond pas seulement aux Etats théâtres de coup d’Etat, mais à tous types de manifestations de volonté de rompre avec celle-ci. Il faut, à cet égard, prêter attention à la récente déclaration du ministre togolais des affaires étrangères Robert Dussey qui n’exclut pas une adhésion de son pays à l’AES. A l’évidence, un autre retrait et une éventuelle attractivité de l’AES (avec l’intention prêtée au Tchad d’y adhérer) seraient un coup dur pour les efforts méritoires de construction de l’intégration des Etats et des peuples de l’Afrique de l’Ouest.
L’organisation communautaire devrait, donc, marquer le coup en engageant, sans remettre en cause la souveraineté des Etats qui restent maîtres des traités, la réflexion sur la sécurisation de la clause du droit de retrait et définir une doctrine préventive y relative pour endiguer quelque tentation de cascades de décrochages qui saperaient la dynamique intégrative, mais aussi les efforts collectifs de construction de la paix et de la sécurité de la sous-région.
En définitive, parce qu’il y va de la survie de l’organisation, cet ajustement institutionnel salvateur de l’intégrité de l’organisation devrait être un des points de l’Agenda attendu des réformes de la CEDEAO.
L’urgence d’engager la réforme de l’architecture institutionnelle
Au total, pour éviter de se désagréger et plutôt s’élargir en se consolidant, la CEDEAO doit, d’urgence, se réformer dans le sens d’une meilleure balance entre la sauvegarde des principes constitutionnels, la gestion des susceptibilités souverainistes et l’atteinte des objectifs économiques.
Ismaila Madior Fall est Professeur des Universités, ancien ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur.
AGNAM, DU NÉANT AU FIRMAMENT
En une décennie, Farba Ngom a métamorphosé cette localité méconnue en pôle de développement majeur, doté d'un hôpital ultramoderne et d'infrastructures essentielles. Sa chute potentielle soulève l'inquiétude d'une population qui lui doit son émergence
C’est aux dernières heures de la levée de son immunité parlementaire que l’honorable député Farba Ngom est rentré dans sa citadelle à Agnam, où il a reçu une gigantesque manifestation de soutien, jeudi dernier. Cette commune, dont il est le démiurge et le premier maire, veut lui renvoyer l’ascenseur, puisque Farba a réussi, en un temps record de douze ans, à hisser Agnam parmi les localités les plus célèbres du pays.
Avant l'an 2012, qui, en dehors de ceux qui vivent au Fouta, connaissait une localité qui s’appelait Agnam ? Quasiment personne. Aujourd’hui, même l'enfant d’un village lointain de la Casamance s'est familiarisé avec la prononciation d’Agnam. Une prouesse qui porte la signature exclusive de son actuel maire Mouhamadou Ngom, plus connu sous le nom de Farba Ngom, né un certain 5 mars 1971 à Nguidjilone.
Dans la province traditionnelle du Bosséa (regroupant les quatre communes de Orefondé, Agnam, Dabia et Thilogne), Agnam a toujours vécu sous l'ombre envahissante de Thilogne, Salndu Fouta (Pilier du Fouta), qui était la capitale économique de toute cette zone jusqu’à l’événement du phénomène Farba.
En 2012, Macky Sall accédait au pouvoir avec son homme à tout faire, membre fondateur de l’Alliance pour la République (APR). Un statut qui lui donne beaucoup de privilèges dont les populations d’Agnam vont beaucoup profiter.
Agnam, chef-lieu d’arrondissement éponyme, va se libérer, en 2013, du joug de Thilogne pour devenir une commune à part entière, grâce à l'acte 3 de la décentralisation. En 2014, Farba Ngom, entre-temps élu député à l’Assemblée nationale, deviendra le premier magistrat de cette ville. Cette nouvelle commune va polariser 16 villages officiels et six hameaux, une donne qui va lui conférer un certain poids électoral plus conséquent que celui de Thilogne, par exemple.
Une brigade de gendarmerie logée dans une de ses maisons
Farba Ngom, député-maire, va multiplier les chantiers dans son terroir. Il usera de tous ses pouvoirs et de toute son influence pour attirer projets et programmes dans sa région. Une brigade de gendarmerie sera implantée à Agnam. En attendant la construction des locaux, Farba mettra gracieusement une de ses maisons aux éléments de la nouvelle brigade de gendarmerie. ‘’Je tiens à la sécurité des populations. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre une de mes maisons à la disposition de la gendarmerie. Cette maison servira de brigade, en attendant la construction’’. Et pour motiver davantage ces forces de l'ordre, il s'engage à leur ‘’assurer gracieusement la restauration’’.
Un acquis qui serait obtenu au détriment de son voisin Thilogne. Des Thilognois avaient manifesté leur mécontentement, en vain. Mamadou Elimane Kane, l'actuel édile de la ville, avait crié au scandale. ‘’C’est un détournement d’objectif qui a été fait. La brigade de gendarmerie était initialement prévue à Thilogne. C’est Farba qui l'a détournée pour la ramener chez lui, à Agnam. C’est scandaleux’’, s’était-il emporté.
Agnam se dote d'un hôpital ultramoderne
Pour les populations d’Agnam, il fallait faire une courte distance de 6 km pour se rendre au district de Thilogne ou bien parcourir 60 bornes pour se soigner au centre hospitalier régional d’Ourossogui. Une souffrance que leur maire cherchera à abréger. Sans attendre l’État, il prit l’initiative de construire, pour un coût de deux milliards, un hôpital de niveau 1 ultramoderne sur fonds propres et avec l’appui de quelques partenaires. Ce joyau sera doté d’un service d’accueil et d’urgence (SAU), d’un bloc opératoire, d’une maternité, d’un service d’ophtalmologie, d’un centre d’hémodialyse, d’un bloc administratif et d’une cité pour l’hébergement du personnel de santé. Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé à l'époque puis Macky Sall étaient venus inaugurer cette infrastructure sanitaire. Une manière d'avaliser les initiatives du maire d’Agnam. Le ministre de la Santé dira solennellement que ‘’c’est un exemple à suivre pour les autres maires’’.
Lors de l’inauguration, Farba informera que ‘’trois ambulances, un corbillard et un véhicule pour la direction de l’hôpital ont été achetés par de bonnes volontés de la localité’’.
La croisade contre le chômage des jeunes
‘’Si tous les leaders politiques se battaient avec acharnement comme Farba pour trouver de l'emploi aux jeunes de leur localité, je pense sincèrement que la question du chômage serait résolue’’, avait soutenu en off un ancien ministre lors de son séjour à Matam.
En effet, Farba a offert une niche d'emplois aux jeunes de sa commune et même de son arrondissement. Avec le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac), il a joué des coudes pour obtenir une part bien importante pour ses jeunes. Selon Mamina Daffé, directeur technique à l'époque du Prodac, le Domaine agricole communautaire d’Agnam, qui va être le premier à Matam, va s’étendre sur 1 000 ha pour un coût global de plus de cinq milliards de francs CFA. À terme, il va employer environ dix mille jeunes, soit quatre mille emplois directs et six mille emplois indirects.
Au-delà du Prodac, qui n'a pas pu se concrétiser, Farba Ngom s’était rué sur les postes de chargé de mission dans les différents ministères pour offrir des emplois aux jeunes. Il frappait à toutes les portes des structures étatiques pour trouver des postes à sa jeunesse. Cela constitue la marque de fabrique qui le distingue des autres responsables politiques. Quand les autres leaders se contentaient d'assurer aux personnes de leur environnement immédiat une bonne situation, Farba Ngom, lui, cherchait des avantages pour sa communauté.
La rengaine ‘’Touche pas à Farba’’
Aujourd’hui, Agnam est une commune émergente qui dispose de quasiment toutes les infrastructures de base. Elle dispose notamment de l’écomusée des civilisations peules d'une valeur de deux milliards, qui est implanté au village d’Agnam Godo. Un patrimoine qui va cristalliser toutes les attentions des chercheurs et ethnologues spécialisés du pulagu de 28 pays d’Afrique, au grand bonheur des populations locales.
Avec tous ces privilèges obtenus grâce à leur maire, les populations d’Agnam se montrent bien reconnaissantes à l'endroit de leur mécène. À l'annonce de la procédure de la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom par la majorité, une gigantesque mobilisation a été organisée tout près de son domicile, à Agnam Ouro Ciré. Les Agnamois, en première ligne, se sont dressés contre les menaces qui pèsent sur leur ‘’bienfaiteur’’ avec le slogan ‘’On ne touche pas à Farba Ngom’’.
Pour beaucoup, le député-maire ne peut être incriminé du fait qu’il n'a jamais eu à gérer des deniers publics. ‘’C’est une injustice, ce qui est en train de se passer. Farba n'a jamais été épinglé par un rapport. Le nouveau régime veut s’acharner sur lui’’, clame Abdoul Djiby Ndiaye, un des jeunes lieutenants de Farba, par ailleurs adjoint au maire d’Orefondé. Des propos qui résonnent avec les prédictions d’Ousmane Sonko lors des dernières campagnes législatives : ‘’J’ai entendu qu’une personne sillonne le département, mallette à la main, distribuant entre 50 et 80 millions de francs CFA. Mais je vous garantis que ce sera la dernière élection au Sénégal à laquelle il prendra part en tant que candidat, à fortiori en tant que distributeur automatique de billets de banque’’, avait-il annoncé.
En attendant la suite des événements, le député-maire Farba Ngom, qui a déjà perdu son immunité parlementaire, s'est plongé dans sa bulle des Agnams, se déconnectant de la clameur et du tumulte. Il laisse son sort ‘’entre les mains de Dieu’’, comme l'avait avoué l’honorable députée Aissata Tall Sall, mais il sait compter sur les siens pour lui éviter les déboires de la justice.
L'ILLUSION DE LA RUPTURE
Alors que le nouveau régime affiche sa volonté de rompre avec la dépendance occidentale, les accords d'envoi de main-d'œuvre avec Madrid et Doha racontent une autre histoire. La ruée vers les guichets d'inscription contredit le discours souverainiste
Le Sénégal semble entrer dans une nouvelle ère avec l'avènement du nouveau régime incarné par le tandem Diomaye-Sonko qui donne une nouvelle impulsion à la souveraineté du pays. Mais entre ce désir de s'affranchir du joug occidental et les accords signés entre l'Espagne et le Qatar dans le but d'envoyer des travailleurs dans ces deux pays, le manque d'harmonie est manifeste.
L'image se passe de commentaires. Des milliers de jeunes qui se bousculent pour déposer leurs dossiers, dans le but d'espérer pouvoir décrocher le « Graal »: aller travailler pendant quelques mois dans les plantations d'Espagne. En effet, dans le cadre du Programme de Migration Circulaire Espagne-Sénégal, le ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, à travers le Secrétariat d’État aux Sénégalais de l’Extérieur et la Direction Générale d’Appui aux Sénégalais de l’Extérieur, a lancé un appel à candidature pour le recrutement d’ouvriers agricoles.
Cette information qui a été largement partagée dans les réseaux sociaux a poussé de nombreux jeunes qui y voient une chance inouïe de rejoindre l'Europe, à s'inscrire. Dans les relations bilatérales, cet accord peut sonner comme une chose banale. Sauf que les nouvelles autorités sont venues, disent-elles, pour asseoir la souveraineté du Sénégal sous toutes ses formes.
L'accession à la magistrature suprême du président Bassirou Diomaye Faye est une victoire à la Pyrrhus, car nombreux de leurs militants et sympathisants ont vu certainement dans leur démarche des raisons d'espérer rompre définitivement les amarres avec le système néocolonial. Et ces mois, le gouvernement a fait des efforts, notamment avec la commémoration des massacres de Thiaroye et la décision de fermer la militaire au Sénégal, pour donner un nouvel imaginaire aux jeunes Sénégalais. Mais force est de constater que cette nouvelle dynamique est en déphasage avec la communication catastrophique faite sur cet accord avec l'Espagne.
Comme le dit le penseur italien Antonio Gramsci pour expliquer son fameux concept d'hégémonie culturelle, ce joug tient grâce à son emprise sur les représentations culturelles de la masse. Poussant même les dominés à adopter leur vision du monde et à l’accepter comme indépassable. Et pour changer de paradigme, Gramsci trouve que toute conquête du pouvoir doit d’abord passer par un long travail idéologique.
Ainsi, les nouveaux tenants du pouvoir ne peuvent pas vouloir un changement de '' tempo'' vis-à-vis des pays occidentaux tout en se targuant d'avoir signé des accords avec l'Espagne ou le Qatar pour envoyer des jeunes sénégalais travailler dans ces pays respectifs. Ce n'est pas en accord avec les promesses du Projet.
D'ailleurs ce que l'actuel Premier ministre et leader du Pastef a toujours déclaré en parlant aux jeunes, c'est de faire part de son désir de les voir rester au pays afin de participer à sa construction et à son développement. Donc, ce gouvernement ne peut pas se permettre d'encourager, de promouvoir voire de se pâmer d'avoir signé un accord qui permet l'émigration.
À défaut de ne pas avoir les moyens de son endiguement, le nouveau régime ne doit pas l'encourager. Ils ont été élus pour changer le pays, mais surtout pour susciter l'espoir. Et les images qui circulent sur les réseaux sociaux montrant des milliers de jeunes prendre d'assaut le lieu de dépôt des dossiers sont déconcertantes.
Il faut dire aussi que ces derniers jours, le tribunal de Dakar ne désemplit pas. Il refuse du monde car les jeunes sont venus chercher des casiers judiciaires pour compléter leurs dossiers. Tout cela est confus et en déphasage avec la nouvelle dynamique de souveraineté prônée par les tenants du régime. La dissonance est trop flagrante et le contexte trop inaudible pour encourager ces départs.
Par Mohamed GUEYE
LES NOUVEAUX TRAFIQUANTS D’ESCLAVES
Les accords de migration signés avec le Qatar et l'Espagne contrastent avec les promesses d'emplois locaux. Le ministre Abasse Fall présente comme une victoire ce qui ressemble aux errements des régimes précédents
Une fois de plus, il s’avère que notre Premier ministre avait parlé trop vite. Ousmane Sonko, président du parti Pastef, lorsqu’il soutenait la candidature de son poulain Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la présidence de la République, promettait aux jeunes gens, qui constituaient la grande masse de la troupe d’électeurs sur lesquels il comptait, qu’eux au pouvoir, l’horizon allait se déboucher pour les jeunes. Ces derniers n’auraient plus pour seules perspectives de conduire des motos Jakarta ou de tenter d’émigrer en prenant les routes de la mer ou le chemin du Nicaragua pour tenter de rejoindre les Etats-Unis d’Amérique.
On avait la garantie qu’avec Pastef et ses dirigeants dynamiques et incorruptibles au pouvoir, non seulement les prix des denrées de première nécessité allaient baisser, mais en plus, de nombreuses entreprises nationales allaient voir le jour, qui allaient embaucher l’abondante et entrepreneuse main-d’œuvre des jeunes laissés oisifs par le pouvoir incompétent de Macky Sall. Ces paroles sont tombées dans des oreilles si crédules que les nouveaux dirigeants ont obtenu, tant à la présidentielle qu’aux législatives, des scores de sénateur, et une majorité indiscutable. Las ! C’est juste en ce moment que de nombreux électeurs ont commencé à se rappeler que les promesses n’engageaient que ceux qui y croyaient.
Le pire est que nos dirigeants actuels, sans doute peut-être à court d’imagination, en sont venus à recourir aux mêmes expédients utilisés par les pouvoirs qu’ils avaient voués au peloton d’exécution. Ainsi, il y a quelques jours, le ministre Abasse Fall revenait du Qatar en exhibant fièrement un accord qu’il venait de passer avec les autorités de ce pays, permettant d’expédier dans ce pays du Golfe, un millier de travailleurs manuels pour des emplois pas nécessairement les mieux rémunérés.
Avant que l’enthousiasme ne refroidisse, le gouvernement et le Royaume d’Espagne annoncent la revitalisation d’un accord de migration circulaire, qui devrait permettre à certains Sénégalais d’aller cueillir des fruits et des légumes dans des champs d’Andalousie, de Galice ou de la Catalogne…
Une autre bonne trouvaille, mais qui, comme celle du Qatar, a déjà fait ses preuves dans ce pays. Nos dirigeants se rappellent certainement qu’en 2007, quand les premières pirogues ont commencé à prendre d’assaut les côtes des îles Canaries, le gouvernement espagnol de l’époque avait proposé un contrat de ce type au pouvoir du Président Abdoulaye Wade. Il s’agissait, une fois encore, de migration circulaire. Des Sénégalais, jeunes gens et femmes jusqu’à un certain âge, étaient encouragés à partir en Espagne avec un contrat de travail d’un an. A la fin du contrat, le candidat revenait pour laisser la place à un(e) compatriote qui reprenait le même parcours. L’idée a fait «flop», non pas à cause des Espagnols, mais simplement parce que les premiers bénéficiaires ne voulaient plus retourner. Pourtant, les autorités espagnoles avaient mis les moyens, allant jusqu’à appâter les dirigeants sénégalais avec une cagnotte de 13 milliards, qui devait servir à l’Agence nationale pour l’emploi des jeunes (Anpej), à créer des emplois au niveau local.
Une bonne partie de ce montant a servi à lancer le Plan Retour des émigrés vers l’agriculture (Reva), qui devait servir à encourager les personnes refoulées d’Europe, à se former et à investir dans l’agriculture. Après plusieurs années, le fameux Reva, ne faisant rêver personne, a été transformé en Anida par Macky Sall. Sans doute échaudé par l’expérience de Wade, son successeur n’a pas relancé le projet de migration circulaire avec l’Espagne. Il faut dire que, à la même époque, le ministre français de l’Intérieur, un certain Sarkozy, était passé à Dakar pour tenter de vendre à son homologue Ousmane Ngom, l’idée d’une «immigration choisie», qui ambitionnait de piocher dans la crème des cadres bien formés chez nous, pour travailler dans les entreprises européennes avides de main-d’œuvre qualifiée. Mais là aussi, l’offre étant toujours supérieure à la demande, les portes de l’Europe se sont déplacées sur les côtes africaines, où l’agence européenne Frontex a voulu nous enfermer dans nos frontières. Avec souvent des complicités africaines.
Abasse Fall, qui est revenu du Qatar avec sa belle trouvaille, a sans doute oublié l’expérience du Koweït d’après-la guerre du Golfe, quand ce pays a voulu payer à Abdou Diouf la dette du sang de nos Jambaar tombés sur la route de la Mecque, après avoir pris leur part de la lutte contre Saddam Hussein, sous la couverture de Gorge Bush père. Plusieurs manœuvres ont pris le chemin de Koweït City. Les plus qualifiés étaient maçons, menuisiers, peintres, plombiers et autres. Nourrissant le rêve de faire fortune dans ce pays pétrolier, nombre d’entre eux ont vite déchanté devant les conditions de vie et de travail auxquelles ils étaient astreints. Et les choses ne se sont pas améliorées depuis.
Ceux qui ont suivi le processus d’attribution de la Coupe du monde de football au Qatar, ont aussi certainement à l’esprit les conditions dans lesquelles ont travaillé les migrants qui ont construit les beaux stades et les jolis immeubles qui ont accueilli les millions de visiteurs qui se sont rendus dans ce pays. Les médias occidentaux, mieux informés, n’ont pas hésité à parler des conditions proches de l’esclavage. Cela, sans parler des nombreux décès que ces constructions ont entraînés. C’est dire que les milliers d’emplois que fait miroiter Abasse Fall, devraient être scrutés avec beaucoup d’attention.
La première chose que notre ministre du Travail devrait éclairer est de savoir pourquoi cet accord, qui aurait été passé depuis 2014, sous le magistère du Président Macky Sall, n’a jamais vu un début d’application. Pourtant, Macky Sall a été confronté à des très sérieux problèmes d’emploi des jeunes. Cela ne l’a pourtant pas incité à enclencher cet accord signé avec ce pays ami, très riche en gaz et pauvre en population active. Si son régime n’était pas aussi désespéré, cette situation aurait dû mettre la puce à l’oreille de Abasse Fall.
A moins qu’il ne veuille reproduire le trafic d’esclaves de triste mémoire, qui a dépouillé nos pays africains d’une grande partie de sa jeunesse dynamique au bénéfice des Occidentaux et des esclavagistes arabes. En moins d’un an de pouvoir, le projet souverainiste en serait donc tellement à court d’énergie pour en venir à transformer ses ministres en trafiquants d’esclaves ? Où sont donc les brailleurs de «France Dégage» ? Ou alors l’Espagne et le Qatar ne sont pas concernés par ce slogan ?
C’EST LE RATIO DE PARTAGE DE LA RENTE QUI EST IMPORTANT ET NON LE NIVEAU DE PARTICIPATION DANS L’ACTIONNARIAT
Les ressources minières du Sénégal font rêver, mais qu'en est-il vraiment ? Moussa Sylla, géologue et ancien patron des Mines, dresse l'inventaire réel du sous-sol sénégalais dans cet entretien accordé à Sud Quotidien
Les spéculations sur le potentiel du Sénégal en ressources extractives se multiplient. L’Amicale des ingénieurs diplômés de l’École Nationale Supérieure des Mines et de la Géologie – Ex IST (ADEMIC), est sortie de sa réserve pour apporter des éclairages. Dans cet entretien exclusif accordé à Sud Quotidien, son Président d’honneur, l’ingénieur géologue, minier et minérallurgiste, ancien Directeur des Mines et de la Géologie, le Dr Moussa Sylla, fait un diagnostic sans complaisance de la situation nationale. L’affaire GCO, les renégociations des contrats, les impacts du pétrole et du gaz sur la pêche, ADEMIC partage son point de vue.
On constate beaucoup de spéculations sur le potentiel du Sénégal en ressources extractives. Qu’en est-il exactement ?
Le Sénégal a un important potentiel en ressources extractives, mais pas au point d’être considéré comme un « scandale géologique », expression réservée à des pays tels que la RDC, l’Afrique du Sud ou la Guinée, etc. Les ressources minières du soussol sénégalais se répartissent entre le bassin sédimentaire qui occupe les 4/5e du territoire et le socle ancien qui occupe le 1/5e restant et qui est situé essentiellement dans la région naturelle du Sénégal Oriental (régions de Tambacounda et de Kédougou)
Les ressources minières du bassin sédimentaire sont le phosphate, le calcaire, les marnes, les argiles (attapulgites et argiles céramiques), le zircon, les minéraux du titane (ilménite, rutile, leucoxène) tandis que le socle recèle des ressources en or, fer, manganèse, uranium et marbres auxquelles s’ajoutent des indices de lithium, cuivre, chrome, étain, tantale, tungstène ainsi que des anomalies géochimiques et/ou géophysiques, reflétant la présence de sulfures de plomb, zinc, nickel et platine etc. Selon les données du Rapport 2023 de l’USGS Mineral Commodity Summary, le Sénégal est 13e producteur mondial de phosphate (devant le Togo et derrière la Tunisie), 6e producteur de zircon et 8e producteur d’ilménite.
Le bassin sédimentaire abrite également, dans son prolongement sous-marin, d’importantes ressources gazières et pétrolières découvertes à partir de 2014, constituées par le gisement de gaz de classe mondiale dénommé Grand Tortue/Ahmeyim (GTA) en partage avec la Mauritanie dont l’exploitation vient de démarrer, le gisement de pétrole de Sangomar exploité depuis juin 2024 avec une capacité nominale de production de 100.000 barils par jour et les gisements de gaz de Yakaar et Téranga situés au large de Kayar, également de classe mondiale. Comme vous pouvez donc le constater, le Sénégal dispose de ressources extractives diversifiées, minières, pétrolières et gazières dont l’exploitation intégrée, devrait permettre dans le cadre de la Vision Sénégal 2050, de jeter les bases d’une véritable économie industrielle capable de générer plus de valeur ajoutée, de richesses et d’emplois.
Le Sénégal maîtrise-t-il son sous-sol pour mieux négocier les contrats ?
Cette question est très pertinente car, dans la Vision Minière Africaine adoptée par l’Union Africaine en février 2009, la connaissance par les États du potentiel de ressources de leurs soussols a été identifiée comme une nécessité pour avoir une meilleure posture dans les négociations contractuelles.
En effet, les exigences des investisseurs pour un régime fiscal favorable et une quote-part élevée sur les rentes minières futures, sont d’autant plus fortes que le risque est élevé c’est-à-dire que le potentiel et la valeur de la ressource sont moins connus. A contrario, l’Etat est d’autant plus fondé à limiter les exonérations fiscales et à relever sa quotepart sur les rentes que le risque est amoindri par l’existence d’une connaissance préalable sur le potentiel de ressources. D’où l’important pour l’Etat d’investir dans les travaux d’infrastructure géologique et de recherches préliminaires. Le Sénégal dispose d’une infrastructure géologique de base constituée par des cartes géologiques et géophysiques thématiques, mais celle-ci reste incomplète et ne lui permet pas de prétendre avoir une maîtrise totale de son sous-sol.
En effet, seules les régions de Dakar et de Thiès sont aujourd’hui couvertes par une cartographie géologique et géotechnique détaillée à l’échelle du 1/50 000. Les autres régions à fort potentiel minier comme le Sénégal Oriental (Tambacounda et Kédougou) et la région du Fleuve (Matam) ne sont couvertes qu’à 1/200 000 et le reste du pays à 1/500.000. Il faut signaler que les travaux ayant permis de constituer les données actuelles ont été réalisés principalement grâce à des financements extérieurs (PNUD, France, Union Européenne, etc.) et aux activités d’exploration des sociétés privées
Cependant, depuis quelques années, les politiques gouvernementales sont orientées vers le renforcement des capacités de l’Etat à acquérir des données par ses propres moyens et à développer et exploiter, seul ou en association avec des investisseurs privés, les richesses de notre sous-sol. C’est ce qui a justifié la création d’une part, de la Société des Mines du Sénégal (SOMISEN), chargée de la gestion de la participation de l’Etat ainsi qu’à la recherche et à l’exploitation de mines au Sénégal au nom et pour le compte de la puissance publique et, d’autre part, du Service Géologique National du Sénégal (SGNS) qui a pour vocation la réalisation de travaux d’infrastructures géologiques et de recherches pour l’amélioration des connaissances du sous-sol.
Le concept de zones promotionnelles introduit par le Code minier de 2016 donne à l’Etat la possibilité de définir des zones à potentiel et d’engager le SGNS à y mener des travaux préliminaires de recherche aux termes desquels pourraient être lancés des appels à concurrence pouvant aboutir à des contrats plus avantageux. Il convient également de signaler que ces trois dernières années, le ministère chargé des Mines, à travers la Direction de la Géologie, a lancé d’ambitieux projets d’inventaires de matériaux de construction et de cartographie géologique couvrant plusieurs régions du Sénégal. A terme, les résultats de ces projets renforceront la connaissance du sous-sol.
L’existence de diamant au Sénégal est souvent agitée par certains observateurs. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire par rapport à ces assertions ?
La recherche de diamants a été menée au Sénégal Oriental, depuis les années 1950 avec des campagnes systématiques initiées d’abord par le BUMIFOM, puis à partir de l’indépendance et sur financement du PNUD, par le BRGM puis par les Soviétiques. Ces travaux ont permis de trouver quelques petits diamants dans les alluvions du secteur de Wansangara et près du cours supérieur de la Gambie. Toutefois, les résultats de ces recherches ont été médiocres puisque moins de 10 petites pierres totalisant moins de 2 carats (0,4 gramme) ont été trouvées au cours de 20 ans de prospection. Par ailleurs, ces travaux ont conclu que ces diamants, en raison de leur morphologie très roulée due à un long transport, proviendraient de la Guinée.
D’autres minéraux marqueurs de kimberlites (roches primaires à l’origine des diamants) tels que les ilménites magnésiennes et les spinelles chromifères ont été identifiés dans les bassins du Koila Kabé, du Boboti et de la Daléma. Toutefois, vu la faible résistance de ces minéraux à un transport long, leur présence suggère l’existence possible de structures kimberlitiques. Ces structures pourraient être une extension du champ kimberlitique mis en évidence dans le Kéniéba, au Mali. Cependant, aucune intrusion kimberlitique n’a été directement confirmée sur le territoire sénégalais. Il reste entendu que, par nature, toutes les kimberlites ne sont pas nécessairement diamantifères. En conclusion, les résultats des recherches de diamant ont été jusqu’ici décevants et, en tout cas, n’ont pas été assez encourageants pour attirer les compagnies minières internationales.
Les premiers contrats négociés pour l’exploitation des ressources ont-ils été avantageux pour le Sénégal, au regard de la faible participation de l’Etat dans les sociétés extractives ?
Les avis sont partagés voire divergents, selon que l’on est du côté de l’Etat ou de la société civile ou des compagnies extractives, ou selon que l’on est bien imprégné des réalités du secteur ou non. Pour mieux apprécier les choses, il faut d’abord prendre en considération le fait que ce sont les investisseurs privés qui prennent seuls le risque de financer l’exploration minière ou pétrolière avec aucune certitude d’aboutir à une découverte économique. Ensuite, en cas de mise en exploitation d’une découverte, ils sont seuls à financer les investissements qui sont très lourds.
C’est compte tenu de ces paramètres que dans l’actionnariat de base l’Etat n’a que 10% sans contrepartie financière avec possibilité d’une participation additionnelle onéreuse qui peut aller jusqu’à 25%. L’Etat a donc la possibilité de porter sa participation dans les sociétés minières jusqu’à 35%, mais il s’est jusqu’ici abstenu de le faire, sans doute parce qu’il n’en voit pas l’opportunité car ce qui importe le plus, c’est de maximiser sa quote-part dans le partage de la rente extractive, après recouvrement par l’investisseur de ses investissement et coûts opératoires, à travers les redevances ou parts de production, les impôts et taxes et les dividendes.
C’est le ratio de partage de la rente qui est important et non pas le niveau de la participation dans l’actionnariat, car celle-ci ne garantit même pas les dividendes dont la distribution est laissée à l’appréciation de l’actionnaire majoritaire, en vertu du Droit OHADA.
En tout état de cause, les dispositions juridiques, fiscales et douanières des premiers contrats sont, en règle générale, alignées sur le Code minier de 2003 ou sur le Code pétrolier de 1998, sans aucune possibilité de dérogation, avec des clauses de stabilisation sur de longue période. Par conséquent, on ne peut pas dire que ces contrats ont été mal négociés, en prétextant qu’ils ne sont pas assez avantageux. On peut toutefois regretter que ces contrats de première génération n’aient pas contenu des clauses d’adaptation permettant par exemple à l’Etat de renégocier un partage plus avantageux des superprofits résultant de hausses substantielles des cours mondiaux
L’exploitation du zircon et des minéraux titanifères par la société Grande Côte Opération (GCO) est décriée par des activistes qui jugent qu’elle porte atteinte à l’environnement. L’entreprise se défend par ses réalisations dans le cadre de la RSE et l’instauration d’une oasis pour reloger les activités touristiques. Quel regard portez-vous sur cette question ?
Je ne pense pas que c’est pour se défendre que l’entreprise a fait des réalisations dans le cadre de la RSE ou ce relogement d’activités touristiques dans un oasis restauré car ces activités s’inscrivent dans un cadre normatif (RSE) ou réglementé (mesures compensatoires ou d’indemnisation, Fond d’Appui au Développement Local). Ceci n’a rien à voir avec les obligations environnementales. Cela dit, je voudrais d’abord rappeler que ce projet avait, dès le départ, suscité des inquiétudes et parfois même fait l’objet d’une forte opposition de la part de certaines parties prenantes de l’administration, de la société civile et même de la part de certains pays qui avait une coopération avec le Sénégal dans le domaine de l’environnement et de la foresterie. Ces inquiétudes portaient surtout sur l’impact de l’exploitation des minéraux lourds sur les programmes de reboisement pour la fixation des dunes, mais aussi et surtout son impact sur les activités maraîchères dans une région des Niayes considérée, à juste titre, comme le grenier horticole du Sénégal, à travers l’occupation du sol par l’emprise minière et les effets potentiels sur les ressources en eau des nappes phréatiques.
La décision d’autoriser le lancement du projet a été fondée sur le fait que, de par la nature des terrains exploités et la méthode d’exploitation utilisée, il a été démontré que les impacts sur les activités maraîchères ou horticoles sont localisés, temporaires et réversibles et que, par conséquent, les deux activités peuvent parfaitement cohabiter dans le temps et l’espace dans le cadre d’une planification concertée de l’avancement des opérations. En effet, il y a le fait que l’exploitation minière cible les dunes suffisamment minéralisées et notamment les plus grandes d’entre elles. Or ces dunes sont impropres aux cultures car elles sont couvertes de sols Dior très pauvres tandis que les activités agricoles sont pratiquées en contrebas des dunes, dans les zones de transition vers les bas-fonds qui abritent les tourbières qui sont également impropres aux cultures en raison de leur acidité. Ensuite, l’exploitation elle-même consiste à extraire par une drague suceuse seulement 2% en poids de minéraux et à rejeter immédiatement les 98% de sables restants à l’arrière de la drague et puis à reconstituer progressivement la dune par reprofilage. Une fois la dune reprofilée et stabilisée, elle est végétalisée pour la fixation des dunes puis remise aux communautés.
En ce qui concerne les ressources en eaux de la nappe phréatique utilisée par les exploitants agricoles à partir des puits traditionnels ou «céanes», les pertes d’eau par évaporation au niveau du lac artificiel sur lequel flotte la drague sont compensées grâce à une réalimentation à partir de forages captant les eaux profondes du maestrichtien. Il convient de signaler que des opérations identiques d’extraction de minéraux lourds et de réhabilitation sont pratiquées à grande échelle dans des environnements dunaires similaires en Australie, en Afrique du Sud, au Mozambique, au Brésil et, plus près de chez nous, en Sierra Leone. Au Sénégal, ces opérations sont menées conformément aux meilleurs standards internationaux
Qu’est-ce que le protocole signé entre le Sénégal et la Mauritanie pourrait changer sur le revenu attendu de GTA notamment lié au contenu local ?
Partageant le même gisement, en l’occurrence GTA, le Sénégal et la Mauritanie ont signé le 09 février 2018 un Accord de Coopération portant sur le développement et l’exploitation des réservoirs du champ de GTA. Cet accord a établi une base de coopération sur plusieurs sujets tels que l’extraction et la liquéfaction du gaz, la quote-part de gaz pour le marché local des deux pays. Il comporte des diverses autres dispositions dont celles relatives au contenu local. En matière de contenu local, il est stipulé que les deux Etats veillent à ce que les contractants et sous-contractants accordent une préférence aux ressortissants des deux Etats et aux biens et services locaux ; ce qui s’inscrit dans la ligne de la loi 2019-04 relative au contenu local dans le secteur des hydrocarbures.
C’est dans la même ligne que s’inscrit le protocole signé le 13 janvier 2025 par les ministres sénégalais et mauritaniens en charge des hydrocarbures qui vise l’optimisation du contenu local à travers la création d’opportunités d’emploi, la valorisation des expertises locales, la formation d’une main-d’œuvre locale qualifiée et compétitive, le renforcement des capacités nationales par le transfert de technologie et de connaissances, l’accompagnement des entreprises nationales pour accroître leur compétitivité internationale. Ce protocole prévoit également la mise en place d’un mécanisme de suivi transparent des engagements pris en matière de contenu local.
Les rapports sur la production de Sangomar font état de chiffres supérieurs à ce qui était attendu. Comment évaluez-vous ces résultats ? Le Sénégal peut-il tirer profit de cette situation et comment ?
On ne qu’applaudir pour ce surplus de production car c’est à l’avantage du Sénégal. En effet, notre quote-part dans le partage de production augmente à mesure que l’on monte dans les tranches de production indiquées dans le contrat. En réalité, dans l’industrie pétrolière et dans les toutes industries de façon générale, la production, avec tous les aléas qui l’accompagnent, ne peut être stabilisée qu’au bout de 2 à 3 ans, étant donné qu’on a affaire à de nouveaux équipements qui démarrent pour la première fois, et que leur mise au point se poursuit durant cette première période. Le grand défi de la production est de réussir à faire l’équilibre entre le volume produit et l’efficacité opérationnelle de l’infrastructure.
Les pêcheurs à Saint-Louis se font beaucoup d’appréhensions sur le GTA. Pensez-vous que la pêche pourra cohabiter avec l’exploitation gazière des champs gaziers ?
Dans beaucoup de pays du monde comme la Norvège, qui est un pays de référence pour les bonnes pratiques, la pêche et l’exploitation pétro gazière cohabitent de façon harmonieuse. Pour cela, il faut qu’il y ait des mesures de sécurité adéquates, une formation et une sensibilisation des pêcheurs sur l’activité et les contraintes en termes de respect des distances de sécurité mais aussi des mesures pour la préservation de la biodiversité et le maintien des zones de pêche, sans compter l’implication du secteur de la pêche dans le développement du contenu local. La communication, la concertation et l’inclusion de toutes les parties prenantes dans les processus de prise de décision sont les gages d’une cohabitation apaisée de l’exploitation gazière et de la pêche.
Saint-Louis souffre aussi de l’avancée de la mer. La mise en service de GTA peut-elle avoir des conséquences ?
Il convient de rappeler que de manière générale, l’avancée de la mer résulte d’un phénomène plus global lié au réchauffement climatique de la planète et, subséquemment, à la fonte des glaciers et à l’augmentation du volume des eaux des océans qui sont interconnectés. Ce phénomène qui frappe quasiment tout le littoral du Sénégal, a été accentué par la brèche qui a été creusée dans la langue de barbarie. En ce qui concerne la mise en service de GTA, l’étude d’impact environnemental et social qui a envisagé l’ensemble des scénarii lié à l’environnement, n’a pas identifié une conséquence majeure qu’elle pourrait avoir en termes d’aggravation de l’avancée de la mer.
LE SENEGAL LANCE UN PROJET DE GAZODUC DE 400 KM
Le Sénégal poursuit résolument son objectif de renforcer sa souveraineté énergétique à travers un projet ambitieux de transport de gaz naturel par canalisation sur une distance de 400 km.
Le Sénégal poursuit résolument son objectif de renforcer sa souveraineté énergétique à travers un projet ambitieux de transport de gaz naturel par canalisation sur une distance de 400 km. D’un coût global estimé à 650 milliards de francs CFA, soit environ un milliard d’euros, cette initiative stratégique a été détaillée par Pape Momar Lô, directeur général du Réseau gazier du Sénégal (RGS).
Lors d’une conférence de presse qui a suivi la signature d’un protocole d’accord entre APIX SA et le Réseau gazier du Sénégal, M. Lô a précisé que le premier segment du projet, actuellement en phase de passation de marchés, nécessitera un investissement d’environ 200 milliards de FCFA. Les travaux des autres segments débuteront dès 2025.
Bakary Séga Bathily, directeur général d’APIX, a souligné l’importance de ce partenariat pour garantir une gestion efficace des emprises nécessaires à la construction du gazoduc. Ce protocole d’accord marque un objectif commun : surmonter les défis liés à l’expropriation et à la gestion foncière, tout en prenant en compte le respect des communautés locales affectées.
Le projet de réseau gazier s’inscrit dans une vision globale de développement, visant à améliorer l’accès à une énergie fiable et abordable pour les populations sénégalaises. En remplaçant le fuel et le charbon par du gaz naturel dans les centrales électriques, cette initiative permettra de réduire les coûts énergétiques et de diminuer les émissions de CO₂, avec une prévision de baisse de 30 millions de tonnes d’ici 2050.
« Ce projet marque une étape déterminante dans la transition énergétique du Sénégal », a affirmé Pape Momar Lô. « Il incarne notre engagement collectif à bâtir un avenir meilleur pour nos citoyens et à positionner notre pays parmi les nations les plus innovantes et audacieuses. »
Le préfet de Saint-Louis, Abou Sow, a également souligné les défis sociaux posés par ce projet, en particulier la réinstallation des familles affectées. Il a appelé APIX à tenir compte des réalités culturelles et des structures familiales sénégalaises lors de la mise en place des plans de relogement. « Déplacer une concession ancienne, construite depuis des décennies pour une famille élargie, pour la remplacer par une seule maison, pourrait poser de sérieux problèmes », a averti M. Sow, tout en encourageant les populations à s’approprier ce projet national.
Ce projet de transport de gaz naturel représente un tournant majeur dans la quête du Sénégal pour son indépendance énergétique. En réduisant la dépendance aux énergies fossiles importées, il stimulera non seulement l’économie nationale, mais contribuera également à la lutte contre le changement climatique.
Avec son budget colossal et son impact stratégique, ce projet ambitionne de positionner le Sénégal sur la voie de l’innovation énergétique, tout en relevant les défis sociaux et environnementaux liés à sa mise en œuvre.