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29 novembre 2024
Femmes
ABDOUL MBAYE JUGÉ À NOUVEAU LE 18 JUIN PROCHAIN
Abdoul Mbaye avait été relaxé en première instance, mais le parquet et son ex-épouse Aminata Diack avaient interjeté appel. Du coup, le dossier se jouera en deuxième round devant la Cour d’appel.
Le leader de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) sera devant la deuxième chambre de la Cour d’appel, le 18 juin prochain, pour répondre des délits de faux, usage de faux et tentative d’escroquerie. Il sera rejugé dans l’affaire de son divorce avec son ex-épouse, Aminata Diack.
Le dossier avait été évoqué récemment avant d’être renvoyé à cette date pour plaidoiries.
Abdoul Mbaye avait été relaxé en première instance, mais le parquet et son ex-épouse Aminata Diack avaient interjeté appel. Du coup, le dossier se jouera en deuxième round devant la Cour d’appel.
Abdoul Mbaye avait été inculpé et renvoyé devant le tribunal correctionnel par le doyen des juges.
Sur sa page facebook, sa cellule de communication réagit pour assurer que le combat va continuer.
LA SÉRIE QUI MET À NU LES TABOUS DE LA SOCIÉTÉ SÉNÉGALAISE
Le fait que "maîtresse d'un homme marié" montre - sous un jour parfois cru - la douleur des épouses délaissées, l'hypocrisie des hommes et les désirs d'émancipation des femmes, est précisément la raison de son succès
Cheikh soulève sa seconde épouse, la hisse sur son épaule avant de la jeter virilement sur un lit parsemé de pétales de rose.Le couple gloussant s'enlace, la porte se ferme sur une ultime image de chaussons blancs ondulant en cadence.
Diffusée depuis janvier sur la chaîne privée sénégalaise 2STV à une heure de grande écoute, la série "Maîtresse d'un homme marié" met en scène cinq jeunes femmes, indépendantes et urbaines, dont certaines fricotent avec des hommes mariés...et finissent parfois par les épouser, comme Marème.
Bien que les relations y soient suggérées - on ne verra que rarement un baiser à l'écran - elle provoque l'ire d'organisations musulmanes, dont les plaintes lui ont valu des rappels à l'ordre du Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA).
Dans le quartier Sicap Liberté 3, à Dakar, la famille Sène est, tous les lundis et vendredis soirs, religieusement réunie devant son poste de télévision pour son feuilleton favori.
Entre deux publicités dansantes vantant les mérites du riz local, Rose, pétulante mère célibataire, condamne la censure planant sur la série, en laquelle elle voit un miroir fidèle d'une société hypocrite.
- "Tu n'es rien" -
"Les hommes qui critiquent la série sont les mêmes que ceux qui ont des maîtresses et leur font bien pire que ce qui est montré à l'écran !", affirme Rose.
"On juge les femmes parce qu'elles habitent seules, parce qu'elles s'assument...Au Sénégal, si à la trentaine tu n'es pas mariée, tu n'es plus une fille bien.Ici, tu as beau tout réussir, si tu n'as pas d'homme, tu n'es rien", soupire-t-elle.
Chaque membre de la famille s'identifie à un personnage."La mienne, c'est Djalika", sourit la fille de Rose - qui, comme son personnage favori, élève seule ses enfants.Son voisin de canapé, un jeune homme drapé dans un survêtement noir, lui préfère l'ombrageux Birame."Il fait du mal aux femmes, t'aurais pu mieux choisir !" s'esclaffe l'une de ses cousines.n
Le fait que la série montre - sous un jour parfois cru - la douleur des épouses délaissées pour une plus jeune, l'hypocrisie des hommes et les désirs d'émancipation des femmes, est précisément la raison de son succès, au Sénégal et à travers l'Afrique de l'Ouest.
Sur Youtube, chaque épisode est vu entre un et deux millions de fois, et génère des tombereaux de commentaires élogieux.
L'engouement - et parfois le scandale - est tel qu'un des acteurs a reçu une gifle d'une femme qui aurait pu être sa mère alors qu'il faisait du sport sur la corniche de Dakar."Elle lui a dit :+Arrête de boire et occupe-toi de ta famille!+'", raconte, hilare, la productrice exécutive, Kalista Sy.
- "Apologie de la fornication" -
Mais les outrances de la série ne font pas rire tout le monde, notamment l'ONG islamique Jamra qui a saisi le CNRA dès janvier.
Le gendarme de l'audiovisuel a finalement autorisé le 29 mars la poursuite de la diffusion, à condition d'apporter des "mesures correctives" au scénario, sous peine de retardement de l'horaire, voire d'interdiction pure et simple.
Tout était rentré dans l'ordre, du point de vue des associations religieuses, jusqu'au 34e épisode, celui où l'on voit Cheikh et Marème folâtrer sur le lit conjugal, qui a suscité le 31 mai une "mise en demeure" du CNRA.
"La ligne rouge a été franchie.Ils ont offensé une grande partie des Sénégalais en diffusant du contenu quasiment pornographique pendant le mois béni du Ramadan", fulmine Mactar Guèye, représentant de Jamra.
"Force est de reconnaître que cette série dépeint très fidèlement la société sénégalaise, et le problème de l'infidélité chez les hommes", concède M. Guèye, interviewé par l'AFP dans sa maison où un écran géant diffuse ...une chaîne de telenovelas.
"Mais il est impensable que cette apologie de la fornication et de l'adultère continue en l'état", fulmine-t-il.
- Cinq femmes puissantes -
"Maîtresse d'un homme marié" se caractérise pourtant par un propos parfois moralisateur.Les briseuses de ménage se voient toujours dûment tancées par leur entourage.
Mais pour la militante féministe sénégalaise Fatou Kiné Diouf, "cette morale n'empêchera jamais les spectatrices de vivre leur vie".
"La série montre des femmes qui assument leur sexualité.On ne le montrera jamais à l'écran, mais on en parle : en cela, cette série est vraiment puissante", explique-t-elle.
Sur le plateau du tournage - des bureaux désertés le week-end, règne un joyeux brouhaha.Les chaises sont jonchées de grandes robes multicolores, le maquillage se fait à la va-vite, sur une table.
"On tourne douze heures par jour, six jours par semaine.Alors la polémique, on n'en entend pas parler, et c'est tant mieux", glisse l'actrice qui incarne Djalika avant de se faire redessiner les sourcils.
D'une voix lasse, la productrice énumère les difficultés rencontrées: machisme, pressions religieuses, problèmes techniques émaillant les tournages.
"Mais quand les jeunes femmes regardent la série et s'identifient enfin à des personnages qui leur ressemblent, elles en sont très émues", se réjouit Kalista Sy."Et ça, personne ne peut nous l'enlever".
"MAÎTRESSE D'UN HOMME MARIÉ", LA SÉRIE QUI DIVISE
La fiction, qui aborde notamment les thèmes de la sexualité et de la polygamie, choque une partie du pays, majoritairement musulman et très croyant
Le Monde |
Salma Niasse Ba |
Publication 09/06/2019
Nuisette légère, flirt au lit et moments de tendresse… Les anciens amants Marème Dial et Cheikh Diagne, désormais mariés, savourent leur lune de miel. Si l’épisode 33 de « Maîtresse d’un homme marié », série star au Sénégal, résonne pour une partie des téléspectateurs comme une revanche après un scénario alliant liaison secrète et mariage polygame, la scène choque une partie du pays. Au point que l’ONG islamique Jamra, qui s’était élevée contre cette fiction dès les premiers épisodes, a de nouveau saisi le Conseil national de régulation audiovisuelle (CNRA).
Avec ses millions de téléspectateurs hebdomadaires et ses 2,4 millions d’internautes, la série, diffusée sur la chaîne privée 2STV depuis le 25 janvier, est devenue un phénomène de société. Chaque lundi et vendredi, à 21 heures, le Sénégal attend fébrilement la suite des aventures de Marème Dial, Cheikh Diagne et Lalla Ndiaye. Mais au pays du sutura (pudeur), certains estiment la fiction scandaleuse. Qu’on soit fan ou critique, le sujet fait désormais autant parler que les débats politiques dont les Sénégalais sont si friands.
Le scénario, inspiré du quotidien de femmes sénégalaises, est simple et novateur. Il met en scène Lalla Ndiaye, une parfaite ménagère dont le mari a une liaison avec Marème Dial. C’est cette dernière qui est l’objet de toutes les polémiques. Son franc-parler comme ses rapports hors mariage, assumés, détonnent dans le paysage télévisuel sénégalais et divisent le pays. Il y a les pro-Lalla, touchés par son histoire ou partisans de la monogamie, et les pro-Marème, qui défendent la grande séductrice et, pour certains, la polygamie, puisqu’elle devient par la suite la co-épouse de Lalla.
Autour de ces personnages gravitent d’autres femmes, incarnant chacune un fait de société. Djalika Sagna joue la « working girl » qui s’occupe aussi de son foyer et subit la violence de son mari alcoolique. « Elle représente la société sénégalaise par excellence, explique la scénariste, Kalista Sy. C’est une victime. Elle encaisse beaucoup et pense que tout ce qui lui arrive est normal. Et comme les Sénégalais, elle est la première à juger les autres. » Pourtant, Djalika décide un jour de s’affranchir du poids de son mariage et du regard de la société. A ses côtés dans cette épreuve, sa meilleure amie, Dior Diop, encore traumatisée par son mariage forcé. Enfin, la cinquième femme à l’affiche de la série, Racky Sow, est hantée par un viol qu’on pensait jusqu’alors familial… « mais pas si sûr ! »,lance Kalista Sy, qui annonce que « la série réserve encore beaucoup de surprises ».
« La promotion de l’adultère et de la fornication »
Alors que « Maîtresse d’un homme marié » montre le quotidien des femmes et leur rôle dans la société, certaines de ses séquences sont vécues comme « offensantes » dans un pays à majorité musulmane et très croyant, au point que le CNRA a mis en demeure 2STV, le 31 mai, jugeant certains clichés « indécents, obscènes ou injurieux » et certaines scènes « susceptibles de nuire à la préservation des identités culturelles ».
La polémique a commencé dès la première diffusion, avec un dépôt de plainte du Comité de défense des valeurs morales du Sénégal auprès du CNRA, le 31 janvier. « Cette série fait la promotion de l’adultère et de la fornication. C’est une dérive audiovisuelle qui, à travers le scénario, propose un mimétisme déplorable des cultures occidentales », a déclaré le président de l’association, Mame Makhtar Guèye, le 19 mars sur la chaîne privée 7TV. Après délibération, le CNRA a décidé de laisser la diffusion se poursuivre, «sous réserve de mesures correctives à apporter ».
Kalista Sy, qui avait d’abord refusé de commenter la polémique, explique n’avoir aucune intention de bousculer les codes, mais la volonté de pousser à la réflexion. « Marème est la seule de la série qui pose problème, parce qu’elle est entière, non conventionnelle et représente cette part de nous, audacieuse, que nous préférons cacher. Elle a été créée pour le débat et ça marche », explique-t-elle. L’histoire de Marème sert de leçon à « certaines femmes, maîtresses, qui, en regardant la série, remettent en cause leur situation », témoigne Halimatou Gadji, l’interprète du rôle.
Alors que les Sénégalais se passionnent pour les novelas sud-américaines et regardent aisément des productions occidentales comprenant des scènes d’amour plus explicites, Marème ébranle et effraie une partie de la société qui assiste, impuissante, à l’évolution de ses valeurs traditionnelles heurtées de plein fouet par la mondialisation. Mais si le débat se cristallise sur Marème Dial et si la série a été médiatisée pour cette raison, « Maîtresse d’un homme marié » a aussi trouvé son public en valorisant les sociétés africaines à travers les tenues de créateurs locaux, les actrices aux cheveux crépus et les scripts en wolof.
Dépression, harcèlement scolaire et alcoolisme
Polygamie, dépression, sexualité, mariage forcé… Les thèmes abordés sont variés et, en filigrane, le spectateur en découvre d’autres. Comme le rôle du psychologue, la maladie d’Alzheimer, le harcèlement scolaire ou l’addiction à l’alcool. « Le but n’est pas de dénoncer, mais de faire prendre conscience », argue la scénariste, qui s’est mise à l’écriture parce qu’elle ne s’identifiait pas aux scripts généralement écrits par des hommes pour « valoriser la femme, trop souvent construite autour de son mari ».
Une approche féministe que les comédiennes ont faite leur. « Je me considère comme un miroir de la société, estime Halimatou Gadji. Ce rôle n’a pas été facile à endosser. On confond souvent ma personne avec mon personnage et j’entends beaucoup de choses dures. Si c’était un homme, il n’y aurait pas les mêmes remarques. Toute femme est aussi libre de sa sexualité. » Pour Ndiaye Ciré Ba, qui interprète le rôle de Djalika, il s’agit en réalité de montrer les deux facettes de la société : « Nous sommes entre deux générations, l’ancienne aux normes traditionnelles, et la nouvelle, calquée sur le modèle occidental. Aux deux, nous tentons de porter un message. »
Et ce n’est pas terminé. Si le premier couple adultère est désormais marié, Kalista Sy promet l’entrée en scène d’« une autre maîtresse avec une histoire beaucoup plus rocambolesque ». La série n’a pas fini de faire parler.
DIOR FALL SOW, UN ENGAGEMENT ACHARNÉ POUR LA CAUSE DES FEMMES
Magistrate de formation, première femme nommée procureure de la République au Sénégal, cette tête de proue du combat pour la criminalisation du viol évoque dans cet entretien, l’engagement de toute sa vie
Magistrate de formation, première femme nommée procureure de la République au Sénégal, Dior Fall Sow a d’abord travaillé à la Direction de l’Education surveillée de la Protection sociale, puis à la Sonatel comme directrice des affaires juridiques. Elle travaillera au Tribunal pénal international sur la question rwandaise pendant huit ans. Dior Fall Sow est aussi membre fondateur de l’Association des Juristes Sénégalaises. Elle en a été la présidente pendant quelques années. Désormais, elle fait de la consultation internationale, notamment à la Cour pénale internationale. Dior Fall Sow est l’une des plumes du projet de loi visant à la criminalisation du viol et de la pédophilie au Sénégal. Cette initiative a été engagée en réponse aux mouvements de protestation qui ont suivi la tentative de viol et le meurtre de Bineta Camara. L'ancienne procureure de la République nous parle de l’engagement de toute une vie : la lutte pour la protection des droits des femmes.
LPJ : A quand remontent vos premières démarches militantes ?
Madame Dior Fall Sow : J’ai commencé à militer pour la protection du droit des femmes avec l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS). C’était en 1974, ça fait longtemps !
J’ai commencé sous le regard bienveillant de mes aînées, comme Mama Dior Boye, la première présidente de l’AJS. Au départ, c’était une amicale créée par quatre femmes : Mama Dior Boye, Maïmouna Kane, Madeleine Dewez et Tamara Touré. Les deux premières étaient magistrates, les deux autres inspectrices du travail. Elles ont créé une amicale des femmes juristes afin de porter le combat de l’égalité des droits hommes-femmes dans le milieu du droit, ce qui ne se faisait pas avant. C’était la première association féminine luttant pour l’égalité hommes femmes devant la loi. Face à l’engouement général, elles ont décidé de transformer celle-ci en association. C’est là que j’ai été sollicitée pour en être un des membres fondateurs.
Nous nous sommes surtout axées sur le code de la famille au départ. Nous y avions noté de nombreuses discriminations vis-à-vis des femmes. Peu à peu, nous avons réalisé que ces discriminations s’étendaient dans d’autres domaines. Cela nous a poussé à nous engager dans la promotion et la défense des droits des femmes. Cela s'est d'abord traduit par des actions de sensibilisation puisque la population ne connaissait pas très bien ces droits là. Il a fallu faire beaucoup de plaidoyers, nous faisions des conférences, des dîners débats, des réunions, des portes ouvertes, des consultations gratuites. A l’époque, avec la participation d’avocats volontaires, nous avions des spécialistes dans tous les domaines.
Cette action continue de nos jours et rencontre toujours beaucoup de succès. C’était l’occasion pour des personnes qui ne pouvaient pas avoir d’avocat de bénéficier de leurs conseils. Il s’agissait majoritairement de faire connaître aux femmes, mais aussi aux hommes, leurs droits. Il ne faut pas oublier que les droits des femmes, ce sont avant tout les droits humains. Certes, nous avons des droits spécifiques liés à la reproduction mais c’est tout. Tous les autres droits sont inhérents à la personne humaine.
Nous étions les seules et premières à travailler avec le droit comme instrument de travail. Etre une association indépendante a été notre plus grande force. Evidemment, nous travaillions avec les autorités mais lorsqu’il fallait dire quelque chose, nous le faisions. Pendant très longtemps, nous n'avons bénéficié d’aucun financement. Nous utilisions les cotisations, nos fonds. Parfois des mécènes ont financé certains événements comme des conférences ou des débats.
Quels constats faites-vous au sujet de l’évolution des droits des femmes au Sénégal ?
Il y a encore tellement à faire. Je suis toujours à l’AJS, mais j’ai quitté mon poste de présidente en 2002. Après mon départ, je suis restée membre d’honneur et les jeunes continuent de me solliciter. Il y a toute une nouvelle génération qui a pris la relève, c’est très encourageant.
Je crois que les choses avancent, mais pas assez vite. C’est peut-être parce que je ne suis pas patiente, mais je trouve qu’en prenant en compte tout l’arsenal juridique qui est le nôtre, nous ne sommes pas assez efficaces. Il y a les conventions ratifiées, certaines sont même entrées dans la législation nationale. Mais il n’y a pas d’harmonisation réelle entre les conventions ratifiées sans réserve et la législation nationale. Si on appliquait vraiment les conventions, nous n’aurions pas tous ces problèmes et nous ne continuerions pas à nous essouffler.
Nous avons beaucoup d’obstacles, de traditions, d’attitudes socio-culturelles, qui constituent des freins à l’application des conventions. Prenons l’exemple de l’avortement médicalisé : le Sénégal a ratifié le protocole de Maputo, qui stipule que l’avortement médicalisé doit être autorisé, mais jusqu’à présent, au Sénégal ce n’est pas appliqué.
Le projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie est venu d’un ras-le-bol qui dure et qui enfle depuis longtemps. Il y a toujours eu des viols, mais nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une recrudescence des violences basées sur le genre, et plus particulièrement des viols, qui se manifestent à différents niveaux : le viol au niveau de la famille, conjugal, celui qui se passe au niveau professionnel, ou dans les écoles, au niveau de la société… On constate cette violence tous les jours, et cela amène la population à ressentir une grande insécurité.
Avez-vous une idée des raisons de cette recrudescence ?
Les peines appliquées ne sont pas à la mesure des faits qui sont commis. Les peines ne sont pas dissuasives. Selon l’article 320 du code pénal sénégalais : lorsqu’il y a viol, la peine est de cinq à dix ans. On dit qu’il y a des circonstances aggravantes lorsqu’il s’agit d’un enfant âgé de moins de 13 ans, d’une femme enceinte, d’une personne qui vit avec un handicap ou d’une femme âgée. Le maximum de la peine reste le même : dix ans.
L’article 322 stipule que dans tous les cas, incluant le cas d’attentat à la pudeur par exemple, il ne peut pas y avoir de sursis à exécution. Cela veut dire qu’on ne peut pas appliquer de sursis. Pourtant, il y a des condamnations à deux ans avec sursis, six mois avec sursis, les peines sont vraiment courtes comparées au mal commis.
Pouvez-vous nous parler du mouvement Dafa Doy ? Comment en êtes-vous venue à l’écriture de cette loi ?
Il y a des organisations de femmes, ou plutôt des organisations de défense des droits humains qui se sont formées dans la société civile, à l'instar du mouvement Dafa Doy (“ça suffit” en wolof). Le week-end dernier, ils ont organisé un sit-in au niveau de l’obélisque, auquel j'ai participé. Sénéplus m’a interviewée et j’ai parlé de la nécessité de criminaliser le viol au Sénégal.
On a trop tendance dans ces cas là, médiatisés, spectaculaires, à s’acharner sur le violeur et à oublier la victime. Il y a de nombreuses femmes violées qui se prostituent par la suite, d'autres qui se suicident. Il arrive que des enfants naissent de ces viols, mais les femmes ne veulent pas les garder. Parfois elles les tuent et sont poursuivies pour infanticide. Il faut que cela cesse.
Pensez-vous que la promulgation de cette loi pourrait ouvrir la porte à d’autres politiques protégeant le droit des femmes ? Si oui, de quelle manière ?
Il faut battre le fer quand il est chaud. Quand on prône un pays en état de droit, on doit s’opposer à l’inégalité entre les hommes et les femmes. Ces inégalités ne doivent pas reposer sur des mots mais sur des actions. Je ne vois pas comment on peut développer un pays en excluant plus de la moitié de sa population du processus de développement. Les mentalités sont influencées par le statut de la femme dans la société : il s’agit d’un problème d’éducation. Il faut élever filles et garçons de la même manière, avec le respect de la différence.
De plus, pour que les femmes sénégalaises aient un statut égal à celui des hommes, elles doivent pouvoir intervenir et participer aux instances décisionnaires. Dans le gouvernement de Macky Sall, sur trente-deux ministres, on compte seulement six femmes. Ce n’est pas les femmes qualifiées qui manquent, mais on préfère choisir des hommes, malgré tout. On l’observe aussi au niveau des nominations dans les conseils de ministres.
Ce qui est un peu triste, c’est que le temps passe, on crée des lois, mais on soulève toujours les mêmes problèmes, à chaque sommet international : l’avortement médicalisé, la position de la femme dans les instances décisionnelles... C’est sans doute un problème de stratégie. Il y a des pays comme le Rwanda, où les femmes occupent des postes à responsabilités extrêmement importants, où l’Assemblée Nationale est à 61% féminine. Pourquoi ? Parce qu’on leur attribue des quotas. Maintenant elles ont un place légitime sur l’échiquier politique.
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DES FILLES MARIÉES AU NIGÉRIA POUR EFFACER DES DETTES
Les filles de la communauté Becheve sont parfois vendues à des hommes plus âgés pour effacer les dettes de leurs parents - Témoignage de Dorothy mariée à 7 ans
Au Nigeria, les filles de la communauté Becheve sont parfois vendues à des hommes plus âgés pour effacer les dettes de leurs parents. Voici le témoignage de Dorothy mariée à 7 ans.
C'est au milieu de ses enfants que Dorothy arrive à oublier ses blessures familiales.
A 7 ans à peine, cette Nigérianne a été mariée de force avec un homme de 50 ans.
Ses parents avaient ainsi régler une dette.
Avec son mari, elle a eu son premier enfant à l'age de 12 ans.
Dorothy AKPAN, "Money Woman" :
"Sans ma foi chrétienne, je me serais suicidé. On m'a plaqué et maintenu pour qu'un homme couche avec moi. Je ne peux pas oublier ça. Mais avec l'aide de Dieu, j'essaie d'oublier, mais ce mauvais souvenir me revient souvent".
Le cas de Dorothy est loin d'être unique. Dans le sud-est du pays, des milliers de femmes de la communauté Becheve ont été victimes d'un money mariage, ou mariage monétaire en français: une union forcée pour payer ses dettes.
Une tradition ancestrale que le mari de Dorothy critique aujourd'hui
Philip AKPAN, époux de Dorothy
"J'ai des remords sur ce que j'ai fait à Dorothy. Si vous m'achetez et me donnez une jeune fille en mariage, je refuserais aujourd'hui."
Le Nigeria a ratifié des conventions internationales protégeant les droits des enfants. Et pourtant le mariage forcé demeure une menace réelle pour les jeunes filles de la communauté Becheve.
FATMA SAMOURA, COUP DE COEUR OU COUP DE COM' D'INFANTINO ?
Elle en a surpris plus d'un en devenant numéro 2 de la Fifa en 2016, propulsée par le président de l'istitution - Mais trois ans après, l'action au quotidien de cette femme de caractère semble freinée, précisément par l'homme qui est venu la chercher
Pourquoi elle ? La désignation au poste de secrétaire générale de cette Sénégalaise alors âgée de 52 ans, transfuge de l'ONU où elle a passé 21 ans à travers l'Afrique, mais sans expérience préalable dans le sport, s'est faite au débotté, lors du congrès de Mexico.
Pour son recrutement, Infantino "a accéléré le processus qu'il avait lui-même annoncé", explique une source proche.
Selon des récits concordants, les deux se sont rencontrés en Afrique, à l'initiative du Malgache Ahmad Ahmad, futur patron du football africain, lors d'une visite d'Infantino qui mène alors campagne pour la présidence de la Fifa.
"S'il y a quelque chose qu'on ne peut pas lui reprocher, c'est qu'elle a du caractère", assure un bon connaisseur de la Fifa, à propos de cette mère de trois enfants.
- Femme "de caractère" -
Samoura a la lourde tâche de succéder au Français Jérôme Valcke, mis à pied puis suspendu 12 ans (peine réduite ensuite à 10 ans) notamment pour un trafic de billets.
"Son arrivée a été perçue comme une bonne surprise, car pour une fois c'était une personnalité non issue du sérail", explique une autre source."Contrairement aux poids lourds de la Fifa, elle n'a pas cette culture de bulle parano".
Mais dès sa nomination, contraste la même source, "en interne, comme à l'extérieur, beaucoup se sont demandés si c'était un coup de relations publiques de la part d'Infantino".
En public justement, celui-ci avait insisté sur "l'expérience et la vision internationales" de la dirigeante, et justifié sa nomination par la nécessité pour l'instance de "s'ouvrir à des perspectives nouvelles, extérieures au réservoir traditionnel".
Sauf qu'en interne, dès ses premiers jours, en plus d'un mini scandale sur des notes de femme de ménage qu'elle aurait fait régler par la Fifa, Samoura se rend vite compte que sa tâche, qui consiste notamment à gérer l'administration de la Fifa, ne sera pas aisée, tant Infantino s'entoure à tous les postes d'une sorte de garde rapprochée.
"Son périmètre est limité car on l'empêche de travailler.Le souci c'est que le président s'implique dans des dossiers où elle pourrait apporter quelque chose d'autre", constate une source.
Ainsi est-elle bordurée par deux secrétaires généraux adjoints, l'Ecossais Alasdair Bell, venu de l'UEFA, et l'ex-star de l'AC Milan, le Croate Zvonimir Boban, chargé des dossiers sportifs.
Quel est son bilan après trois ans ? "Il y a une fierté pour nombre d'Africains de voir une des leurs occuper cette position", confie un spécialiste du football africain.
"Du point de vue symbolique, et étant une femme, il y a un impact indéniable", ajoute la même source qui explique qu'elle a joué "un rôle certain" dans l'élection du Malgache Ahmad Ahmad à la présidence de la Confédération africaine (CAF), homme qu'elle avait appris à connaître alors qu'elle était en poste pour l'ONU à Madagascar.
- Le foot féminin "coûte" -
Alors que le soutien des 56 fédérations africaines est fondamental dans la réélection à la présidence de la Fifa - Sepp Blatter avant Infantino l'avait bien compris - Samoura continue d'entretenir "une relation particulière et une proximité certaine avec Ahmad", même si l'aura de ce dernier commence sérieusement à s'étioler, en raison d'accusations répétées à son encontre de mauvaise gestion de la CAF.
Le développement du football féminin est l'un des crédos de la Sénégalaise."Aujourd'hui, le foot masculin ça paie, le foot féminin ça coûte.Ca devrait payer et ça va payer", répète-t-elle à l'envi, comme ce jour de février dernier. "Je n'ai qu'un regret, c'est que les dirigeants hommes ne se rendent pas compte de cette manne qui est devant eux et qui ne demande qu'à être exploitée".
La Fifa a certes désigné une responsable du football féminin, Sarai Bareman (Samoa) qui avait remplacé la pourtant très efficace et unanimement appréciée Suissesse Tatjana Haenni, "mais elle passe plus de temps à faire le tour du monde pour présenter le trophée" de la Coupe du monde, s'étonne un bon connaisseur.
PAR Ndèye Fatou Kane
IL EST URGENT DE VOTER UNE LOI CRIMINALISANT LE VIOL
Il faut désormais agir et sortir des indignations cycliques - A l’heure où l’on parle de dialogue national, la question des violences faites aux femmes doit être placée au cœur des débats
Depuis quelques semaines au Sénégal, on assiste à une recrudescence de viols et de meurtres dont les femmes sont les principales victimes. Le 21 mai au soir, le corps de Bineta Camara, 23 ans, a été retrouvé dans la demeure familiale à Tambacounda, dans le centre du pays. La jeune femme a semble-t-il été étranglée après que son agresseur ait tenté de la violer.
Le week-end suivant, le cadavre d’une femme dévêtue a été découvert à Ouakam, une commune de Dakar. Il ne s’agit pas de deux cas isolés. Des affaires similaires se sont enchaînées ces dernières semaines. En plus de cette flambée d’attaques, les violences verbales sexistes et les commentaires désobligeants à l’encontre des femmes pullulent sur les réseaux sociaux, particulièrement sur Facebook. Comme si l’on avait attendu ces moments pour déverser une bile contenue depuis longtemps.
Sortir des indignations cycliques
On s’invective, on s’insulte, on met en avant son appartenance ethnique, religieuse, clanique, ou même son sexe, pour justifier les dérives langagières. La mort de Bineta Camara a suscité de vives réactions d’indignation, de Dakar à Abidjan, ou à Paris, et dans de nombreuses autres villes du Sénégal, où les femmes ont manifesté pour exprimer leur ras-le-bol. Le mur du vivre-ensemble entre hommes et femmes, si fragile soit-il, était le socle de notre nation. Ce mur est en passe de s’effondrer pour laisser la place aux frustrations qui ne demandent qu’à surgir.
La triste nouvelle de la tentative de viol de Bineta Camara a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En 2018, l’épisode du professeur Songué Diouf avait choqué le Sénégal entier, mais nous étions vite passés à autre chose. Cet éminent professeur de philosophie avait déclaré, le plus tranquillement du monde dans une émission de télévision, que si les femmes sénégalaises se faisaient agresser sexuellement c’était de leur faute, provoquant l’ire de toute la population sénégalaise. Mais un an après, cette colère s’est dissipée et l’homme continue sa carrière d’enseignant.
Il faut désormais agir et sortir des indignations cycliques. Pour le moment, le débat tourne de manière stérile autour de deux idées : le rétablissement de la peine de mort pour punir les violeurs ou leur accompagnement psychologique. Il devrait se situer ailleurs, autour de la mise en place d’un arsenal législatif.
Au Sénégal, l’article 320 du code pénal stipule qu’il y a viol dès lors « qu’il y a un acte de pénétration de quelque nature que ce soit commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Les peines d’emprisonnement varient entre cinq et quinze années de réclusion. Bien que le sursis ne peut être appliqué dans ces cas, une dizaine d’années de prison constitue une goutte face à l’océan d’une vie gâchée.
L’opprobre est jeté sur les femmes
Car la mort sociale qui suit l’acte de viol est un autre drame pour les victimes. Pour illustrer cette double peine, il y a quelques années, une affaire de viol avait opposé un journaliste sénégalais très connu d’un hebdomadaire panafricain installé à Paris à une jeune fille sénégalaise. Le violeur s’en était sorti indemne après trois ans d’emprisonnement, tandis que sa victime, elle, avait quitté le pays sur la pointe des pieds, emportant avec elle le poids du jugement de la société, qui avait fait des gorges chaudes de cette affaire, avec en boucle l’interrogation : « Qu’est-ce qu’elle faisait avec lui dans une chambre d’hôtel ? » Et pourtant, il a été prouvé que les deux entretenaient une relation amoureuse !
La loi doit donc être plus répressive. Pour aller plus loin, il faudrait urgemment mettre fin à une aberration : considérer le viol non pas comme un délit, comme c’est le cas aujourd’hui, mais comme un crime. Il est urgent de voter une loi criminalisant le viol !
Mais dans mon si beau pays, tout ce qui a trait aux débats en dessous de la ceinture est à proscrire. L’opprobre est jeté sur les femmes, elles qui doivent rester vierges, dans tous les sens du terme. En attestent les propos du père de feue Bineta Camara après les résultats de l’autopsie, qui a tenu à préciser que sa fille est décédée en ayant opposé une farouche résistance à son agresseur. Il ajoute que sa fille n’a pas été violée. Elle est donc partie rejoindre le royaume des cieux en emportant son hymen, symbole de sa pureté.
Ces précisions étaient-elles nécessaires ? L’honneur et le respect dont bénéficie le groupe familial, à l’aune du sutura – discrétion, propension à masquer, à maquiller en wolof – qui fait taire nombre de femmes, sont encore une fois brandis au-dessus de nos têtes. A l’heure où l’on parle de dialogue national, la question des violences faites aux femmes doit être placée au cœur des débats.
Ndèye Fatou Kane est écrivaine et chercheuse en genre à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris.
MACKY VEUT CRIMINALISER LE VIOL
Le président de la République a annoncé lundi qu’un projet de loi visant la criminalisation du viol et de la pédophilie sera prochainement soumis à l’Assemblée nationale
Le président de la République, Macky Sall, a annoncé lundi qu’un projet de loi visant la criminalisation du viol et de la pédophilie sera prochainement soumis à l’Assemblée nationale.
"J’ai donné des instructions fermes au ministre de la Justice, pour me présenter très prochainement en Conseil des ministres un projet de loi qui sera naturellement transféré à l’Assemblée nationale, visant la criminalisation du viol, mais également de la pédophilie", a-t-il dit.
S’exprimant à l’occasion d’une cérémonie de levée des couleurs qu’il présidait au palais de la République, le chef de l’Etat a réaffirmé sa détermination à protéger les familles, à travers "les éléments les plus fragiles de la société’’, que sont les enfants garçons et filles, ainsi que les femmes.
Des voix se sont dernièrement élevées au sein de l’opinion pour demander que le viol soit criminalisé, suite à une série de meurtres dont celui de Bineta Camara, le 18 mai dernier, une affaire qui a ému à travers le pays.
Le Collectif contre les violences faites aux femmes et aux enfants avait par exemple organisé un sit-in samedi dernier, un rassemblement au cours duquel ses responsables ont appelé à la criminalisation du viol et à la tolérance zéro dans ce domaine.
Selon le chef de l’Etat, le projet de loi annoncé constitue dans ce sens une ’’mesure forte’’ devant déboucher sur "des sanctions exemplaires’’.
"Cela pourra aider, mais il faut une mobilisation nationale parce que ces viols et ces violences se passent dans les familles", a indiqué Macky Sall.
Aussi a-t-il invité ses compatriotes à dénoncer les auteurs de violences dont les femmes et les jeunes sont victimes, assurant de la détermination de l’Etat de prendre "des mesures exceptionnelles dans le sens de rétablir non seulement la sécurité publique, des personnes et des biens, mais aussi de veiller à ce que des dispositions légales soient prises pour que ces actes puissent totalement être éradiqués".
DU "TABAC" DANS LE SEXE, UNE PRATIQUE DANGEREUSE POUR LES FEMMES
Dans le sud du pays, des habitantes utilisent un produit aux vertus supposées médicinales
Le Monde Afrique |
Chloé Lauvergnier et Seydou Tamba Cissé |
Publication 02/06/2019
Assise dans la cour d’une grande maison, Fatou* ouvre délicatement un sac en plastique. A l’intérieur, des dizaines de sachets laissent s’échapper une forte odeur de tabac. Chacun contient quelques grammes d’un produit semblable à du terreau. « Vous sentez cette odeur ? Elle n’a pas changé depuis une semaine : c’est le signe que le produit est de bonne qualité », affirme cette habitante de Sédhiou, une petite ville de Casamance, dans le sud du Sénégal.
Depuis quelques années, de plus en plus de femmes de la région consomment ce produit, qu’elles surnomment « tabac » en raison de sa composition. « Il m’a permis de soulager mes maux de ventre. Mais il sert aussi à traiter les douleurs aux articulations et l’anémie, à lutter contre la fatigue et à faciliter l’accouchement », assure Fatou, qui le vend à d’autres habitantes de Sédhiou. D’après elle, le produit permettrait même de soigner l’infertilité :
« Je connais une femme qui n’a jamais réussi à avoir d’enfants durant dix ans. Elle est tombée enceinte après avoir commencé à le consommer. »
C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont poussé Rokhaya*, la quarantaine, à tester le produit. « Des gens m’ont dit que ça allait m’aider à avoir des enfants », confie-t-elle à l’intérieur de sa maison, à la nuit tombée. Mais le produit est loin d’avoir eu l’effet escompté :
« J’en ai mis une petite quantité sur les lèvres du sexe, car les femmes l’utilisent comme ça généralement. Mais au bout de cinq minutes, j’ai commencé à vomir et à avoir des vertiges : j’ai cru que j’allais mourir ! Depuis, je ne l’ai plus jamais remis dans mon sexe. »
Rokhaya raconte qu’elle continue pourtant à utiliser le « tabac » lorsqu’elle a des crampes aux pieds, en le mélangeant avec du beurre de karité, ou encore pour nettoyer des plaies.
« C’est comme une drogue »
A Sédhiou, d’autres femmes décrivent des effets secondaires semblables : vomissements, étourdissements, diarrhée… L’une d’elles confie avoir fait une « nuit blanche » après avoir consommé le produit, qu’elle décrit comme « chaud et piquant ». « Ma langue est devenue lourde, j’ai eu le corps abattu, comme si j’étais anesthésiée : c’était comme une drogue », se souvient cette femme. Même son de cloche du côté de Rokhaya :
« C’est comme la cigarette : certaines femmes ne peuvent plus s’en passer. »
Plusieurs femmes de l’entourage de Rokhaya utilisent ce produit. L’une d’elles s’approvisionne auprès de trois fabricantes qui vivent dans un village voisin et viennent le vendre à Sédhiou. Elles ont commencé à fabriquer le produit trois ans plus tôt, après l’avoir découvert à Kandiénou, un petit village proche de la frontière avec la Guinée-Bissau, d’où il serait originaire.
« Pour le produire, il faut piler des feuilles de tabac et deux autres plantes, lekankouran mano et le koundinding, jusqu’à obtenir une poudre. Ensuite il faut mélanger le tout, rajouter un peu d’eau et laisser reposer. Puis nous mettons le produit dans des petits sachets en plastique : c’est très rapide », détaille l’une d’elles. D’autres disent que de la soude serait aussi ajoutée.
L’activité est très rentable. Le coût de production est faible, puisqu’elles achètent uniquement les feuilles de tabac et les sachets en plastique. Ensuite, chaque sachet est vendu 50 francs CFA (0,08 euro) à des consommatrices ou à des vendeuses, qui le revendent ensuite 100 francs CFA.
Selon les trois fabricantes, au-delà de ses supposées vertus médicinales, leur produit serait aphrodisiaque, puisqu’il permettrait aux femmes de se procurer un certain bien-être lorsqu’elles sont seules. « Quand elles l’utilisent, c’est comme si elles faisaient l’amour avec un homme. Donc après, elles n’ont plus envie d’avoir de rapports sexuels avec leurs maris », racontent-elles en gloussant, avant d’ajouter : « Cela a d’ailleurs fragilisé beaucoup de couples. »
Menaces de répudiation
Plusieurs habitants confirment des tensions dans les ménages. C’est le cas de Boubacar Faty, secrétaire général du lycée Ibou-Diallo :
« Certaines femmes n’ont plus de contact physique avec leur mari, ce qui crée des frustrations. Un jour, j’ai entendu une femme dire à son mari : “Ce que le tabac me procure comme plaisir, tu ne m’en procures même pas la moitié !” »
Maïmouna Camara, ex-assistante sociale à l’hôpital de Sédhiou, assure que « certains hommes menacent de répudier leurs femmes s’ils découvrent qu’elles consomment le produit ». Celui-ci est donc vendu en cachette : les rencontres entre fabricantes, vendeuses et clientes ont systématiquement lieu dans les foyers, pour éviter d’attirer l’attention des hommes ou des autorités.
Mais au-delà des problèmes conjugaux causés par le produit, c’est surtout son impact sur la santé des femmes qui inquiète. Ngima Coly, une sage-femme de Sédhiou, estime que la consommation du « tabac » s’est considérablement développée depuis qu’elle l’a découvert, en 2010 :
« Quand j’examine des femmes qui l’utilisent, je vois un produit noirâtre accolé à leurs parois vaginales. Je constate cela presque tous les jours, y compris chez les jeunes, alors qu’auparavant c’étaient surtout des femmes assez âgées qui consommaient ce produit. »
Et même si elle reconnaît en ignorer les effets précis à long terme, elle martèle qu’« il ne faut pas l’utiliser », car elle estime qu’il pourrait entraîner des cancers du col de l’utérus : « Actuellement, j’en dépiste au moins cinq cas chaque année. »
De son côté, Ndèye Sarr, infirmière au poste de santé de Karantaba, une petite ville voisine, souligne l’addiction au produit :
« Quand on dit aux femmes d’arrêter de le consommer, elles sont d’accord mais elles continuent malgré tout. »
Risque de cancer du vagin
Le « tabac » est désormais arrivé à Dakar, où il a attiré l’attention de Cheikh Ameth Tidiane Diarra, un gynécologue-cancérologue de l’Institut Curie. L’utilisation de ce produit reste toutefois beaucoup plus marginale dans la capitale, puisque ce sont essentiellement des femmes originaires de Casamance qui l’achètent ou le vendent. Le docteur Diarra explique qu’il pourrait exister une corrélation entre l’utilisation de ce produit et les cancers du vagin :
« J’ai fait une dizaine d’années en gynécologie, durant lesquelles je n’ai jamais vu de cancer du vagin. Mais depuis deux ans, j’ai été confronté à treize cas. C’est peut-être lié au fait que je fais beaucoup plus de cancérologie actuellement, mais ce qui est sûr, c’est que letabagisme favorise le développement de cancers. Donc si les femmes mettent un produit à base de tabac dans leur sexe, cela peut augmenter le risque de cancer du vagin. De plus, mettre ce genre de produit dans le sexe peut provoquer des infections et affecter la fertilité. »
oncernant les effets bénéfiques supposés du produit, le docteur Diarra reconnaît qu’il existe probablement un « effet placebo » et que sa composition à base de tabac peut amener ses utilisatrices à avoir « des sensations pouvant être confondues avec de l’excitation ». Il espère présenter les premières conclusions de son étude d’ici à 2020. En attendant, lui aussi exhorte les femmes « à ne pas mettre n’importe quoi dans leur vagin ». De son côté, le ministère de la santé dit avoir connaissance du produit mais n’a entrepris aucune étude à ce sujet.
Au-delà du Sénégal, le « tabac » serait désormais exporté en France et dans certains pays frontaliers, si l’on en croit plusieurs habitants de Sédhiou. Une salariée de l’Unesco, qui a travaillé à Dakar durant plusieurs années, assure qu’il serait notamment vendu à Bordeaux.
* Les prénoms ont été changés.
L'AFRIQUE SUR ORBITE DU MONDIAL DE FOOT FÉMININ
Trois équipes africaines sont qualifiées pour la Coupe du monde féminine de football en France : le Nigeria, le Cameroun et l'Afrique du Sud - Revue des troupes
Déjà sur le toit du football continental avec leur onzième victoire lors de la Coupe d'Afrique des nations féminine 2018, les Super Falcons du Nigeria sont l'équipe la plus titrée et la plus attendue d'Afrique pour ce Mondial. Car les Super Falcons ont bataillé dur pour décrocher le dernier titre continental et s'envoler pour une nouvelle qualification.
Des Nigérianes en mode conquête
Après avoir terminé deuxièmes de leur poule derrière l'Afrique du Sud, elles ont dû passer deux fois par la séance des tirs au but. Tout d'abord en demi-finale contre le Cameroun, puis en finale contre les Sud-Africaines, deux adversaires qui seront également présentes en France cet été. Mais elles ont de bonnes raisons d'y croire. Il faut savoir que les Super Falcons (un surnom qui rappelle celui des Super Eagles du Ghana, leurs concurrentes de toujours, NDLR) ont participé à toutes les Coupes du monde depuis la première édition en 1991, mais n'ont dépassé le premier tour qu'une seule fois pour atteindre les quarts de finale en 1999. Le tournoi qui s'ouvrira vendredi 7 juin en France marquera donc leur huitième participation à la plus prestigieuse compétition de football féminin au monde. La NFF (Fédération de football nigériane) espère maintenant que les Super Falcons pourront transférer leur succès continental sur la scène mondiale et au moins sortir de la phase de groupes. Les dames de l'entraîneur suédois Thomas Dennerby affronteront la France, favorite, la Norvège et la Corée du Sud dans le groupe A.
Et, s'il y avait un nom à retenir dans cette superbe équipe désormais de plus en plus soudée, ce serait celui d'Asisat Oshoala. Après avoir remporté le ballon d'or et le ballon d'or Fifa U20 en 2014, Asisat a ajouté trois trophées de footballeuse africaine de l'année, a joué pour Liverpool, Arsenal, pour enfin atterrir à Barcelone ! Asisat Oshoala a inscrit sept buts en sept matches de championnat pour Barcelone, devenant ainsi la première Africaine et Nigériane à marquer dans une finale de la Ligue des champions féminine. Elle est également la première joueuse africaine et nigériane à figurer en finale de la Ligue des champions féminine de l'UEFA. À ses côtés figure en place la joueuse Onome Ebi. À 36 ans, c'est sa cinquième Coupe du monde en tant que défenseuse.
Quatre ans après, revoilà les Lionnes en Coupe du monde
Pour la première fois de son histoire, l'équipe nationale féminine de football camerounaise s'est qualifiée pour la Coupe du monde de la Fifa en 2015 au Canada. Les joueuses avaient créé la surprise en battant la Suisse en phase de groupes et avaient constitué la deuxième équipe africaine à atteindre les huitièmes de finale. Malheureusement, l'aventure de l'équipe s'est terminée au deuxième tour après sa défaite face à la Chine. Cette fois-ci, les Lionnes « blessées » espérent surpasser leur record face au Canada, aux Pays-Bas et à la Nouvelle-Zélande dans le groupe E. « J'étais très fière de participer à cette Coupe du monde parce que c'était une première. C'est le rêve pour tout footballeur. Ça a été positif pour le Cameroun, pour l'Afrique en général et pour moi en particulier », souligne l'attaquante Gaëlle Enganamouit au micro de Fifa.com. « Nous serons attendues et tout le monde voudra nous battre. Nous devrons être au top physiquement et tactiquement. Nous voulons faire mieux ou au moins aussi bien qu'il y a quatre ans. J'espère que notre préparation commencera le plus tôt possible, car l'exigence de résultat sera là, de toute façon. Et, si nous ne sommes pas performantes, les supporteurs jugeront sans chercher à connaître les raisons. « Dans tous les cas, le retour du Cameroun, qui s'est qualifié pour la France après avoir battu le Mali dans le match pour la troisième place de la Coupe d'Afrique des nations féminine au Ghana, renforce son ancrage dans le football international. Le pays s'est même qualifié pour chacune des deux dernières Coupes du monde des moins de 17 ans ! Sur les 13 joueurs qui ont passé du temps sur le terrain lors de la huitième de finale perdue contre la Chine en 2015, 12 font partie de la formation 4 ans plus tard.
Gabrielle Onguéné est la joueuse à suivre dans cette équipe. Remarquée lors de la dernière Coupe du monde, elle est aussi l'un des meilleurs buteurs du championnat russe ces dernières années. Plus récemment, elle a marqué le but vainqueur du match contre le Mali, qui a permis la qualification pour la Coupe du monde grâce à une superbe frappe au-delà de 20 mètres.
Premier test pour les footballeuses sud-africaines
Les Banyana Banyana se sont qualifiées pour leur première Coupe du monde après une excellente performance à la Coupe d'Afrique des nations 2018, où elles sont arrivées deuxièmes après les Super Falcons du Nigeria. Cependant, la phase de groupes s'annonce très difficile, d'autant plus qu'elles devront affronter les favoris du tournoi, l'Allemagne, la Chine et l'Espagne, dans le groupe B de la mort. Les joueuses emmenées par la capitaine Desiree Ellis, 56 ans, devront miser sur Thembi Kgatlana, l'une des footballeuses africaines les plus talentueuses tenante en 2018 du prestigieux prix de footballeur africain de l'année après avoir terminé meilleure buteuse de la CAN 2018. Actuellement à Beijing avec BG Phoenix en Chine, la joueuse, âgée de 22 ans, compte déjà plus de 50 sélections pour son pays et entend bien faire du rendez-vous français un tremplin pour briller sur la scène mondiale.
Les footballeuses de l'équipe nationale d'Afrique du Sud qualifiée pour le Mondial 2019 ont déjà gagné un premier match, celui des primes. Puisqu'elles recevront des bonus « quasiment équivalents » à ceux de leurs collègues masculins qui participeront à la Coupe d'Afrique des nations en Égypte cet été. « Les primes pour la participation à la Coupe du monde dames sont quasiment les mêmes que les bonus des Bafana Bafana (l'équipe nationale masculine) » à la CAN, a déclaré le porte-parole de la Fédération sud-africaine de football, Dominic Chimhavi. Une décision prise au moment où le combat pour l'égalité salariale est très vif au sein de certaines fédérations de football.
Les joueuses des Banyana Banyana percevront une prime individuelle de 320 000 rands (20 000 euros) si elles passent le premier tour, de 420 000 rands (26 000 euros) en cas de qualification pour les demi-finales et de 670 000 rands (42 000 euros) si elles parviennent en finale, a-t-il précisé. En cas de sacre, la prime sera de 950 000 rands (59 000 euros). Interrogé sur les raisons de cette quasi-parité financière, Dominic Chimhavi a répondu : « C'est la première fois que les Banyana Banyana sont qualifiées pour une Coupe du monde. Du coup, ça a généré de l'argent » de la part des sponsors.