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2 décembre 2024
Femmes
UN POIL À GRATTER POUR LES TABOUS
Féministe sénégalaise, passionnée de littérature, Ndèye Fatou Kane est allée à bonne école, en tant que petite-fille de Cheikh Hamidou Kane - Elle vient de lancer son second ouvrage chez l’Harmattan : "Vous avez dit féministe ?"
Ndèye Fatou Kane est une féministe sénégalaise, passionnée de littérature depuis son plus jeune âge. Il faut dire qu’en tant que petite-fille de l’écrivain Cheikh Hamidou Kane, elle est allée à bonne école. Elle a ainsi commencé par se faire connaître après ses études en France en rédigeant des chroniques dans son blog et divers webzines. En parallèle, elle a décidé de s’engager pour la cause des femmes et dans le sillage de « Balance ton porc », elle a lancé la campagne « balance ton saï-saï » (« pervers » ou « coureur de jupons » en wolof) qui fera d’elle une personnalité contestée dans son pays. Elle vient de lancer son second ouvrage chez l’Harmattan : Vous avez dit féministe ?
Sa vision du féminisme
Derrière ce terme souvent utilisé en réaction à un traitement condamnable de la condition de la femme, se cachent des luttes sociales, des questionnements des sociétés entières. Si les définitions et les approches sont diverses, une chose est certaine pour Ndèye Fatou Kane : la femme et son rapport au monde sont l’épicentre de la réflexion que chacun doit mener dans le cadre du féminisme. Elle s’y attèle dans ce nouvel ouvrage.
Jugeant que le terme féminisme est parfois entouré d’une forte connotation péjorative de nos jours, l’auteure se questionne : « Comment en est-on arrivés là ? ». En remontant le cours de l’histoire, elle constate que des femmes se sont battues de par le monde pour que les droits de leurs congénères soient reconnus. C’est aujourd’hui son tour !
Dans la lignée de grandes féministes
Dans ce livre, elle observe que lesdits combats ont été quelque peu dénaturés et qu’être féministe aujourd’hui, équivaut à être une femme acariâtre. Ce qui s’éloigne de l’essence même du féminisme à ses yeux. Elle s’appuie sur quatre grands noms du féminisme pour appuyer ses propos : Simone de Beauvoir, Chimamanda Ngozi Adichie, Awa Thiam, Mariama Bâ.
Vous avez dit féministe ? puise donc son inspiration dans les écrits de ces quatre femmes de lettres, en analysant les tenants et les aboutissants de leurs combats. De la France, en passant par le Nigeria pour arriver au Sénégal, la cause féministe a évolué. Tout en reconnaissant ne pas avoir fait le tour de la question féministe à travers ses chapitres, Ndèye Fatou Kane veut humblement être une contributrice à cette cause et montrer que le féminisme doit se redéployer.
GUERETI BADJI, ARTISTE MILITANTE DE LA PAIX EN CASAMANCE
Elle a décidé de consacrer sa vie pour que sa patrie retrouve le bonheur - Avec sa voix comme bâton de pèlerin, elle parcourt le Sud pour sensibiliser les populations sur la possibilité d’une vie meilleure - ENTRETIEN
Elle a décidé de consacrer sa vie pour que sa patrie (la Casamance) retrouve le bonheur. Avec sa voix comme bâton de pèlerin, elle parcourt le Sud pour sensibiliser les populations sur la possibilité d’une vie meilleure. Dans cet entretien, elle nous parle de la richesse culturelle de chez elle, de la « nuit du bougarabou » qui se prépare, etc.
Vous êtes une militante de la paix. Qu’est-ce que cela implique pour l’artiste que vous êtes ?
Beaucoup de choses, car le processus est souvent long et demande beaucoup d’actions. J’utilise mon art pour sensibiliser les gens sur la paix en Casamance. Je parcoure tous les coins de la Casamance pour parler aux gens y compris les membres du MFDC dans leurs bases. Je rencontre de jeunes filles et des femmes pour les motiver à s’investir dans le travail pour réussir. Je fais des plateaux pour dire au monde que ma Casamance peut connaître mieux et avoir mieux, car nous avons une richesse culturelle et économique énorme à valoriser.
Vous êtes une sorte d’Aline Sitoé Diatta moderne ?
Je suis déjà une grande fan de cette reine mythique. Pour moi c’est juste continuer son combat pour que ce qu’elle voulait pour la Casamance se réalise. D’ailleurs j’ai eu l’honneur de passer quelques jours avec les membres de la famille royale d’Aline Sitoé et j’ai beaucoup appris au contact de ce gens. J’ai même découvert que la reine était aussi une mélomane et que beaucoup de chansons de Kabrousse viennent d’elle. Nous avons donc des choses en commun elle et moi.
Aujourd’hui, vous préparez la « nuit du bougarabou », une continuité de votre combat ?
Oui, cette nuit est dédié à la promotion de la culture casamançaise, à la reconnaissance des îcones culturelles de la Casamance (l’illustre maître dans l’art du « Bougarabou » Feu Bakary « olé » Diédhiou), à la promotion des jeunes talents de chez nous. C’est aussi l’occasion pour tous les ressortissants du sud de se retrouver pour communier et présenter leur patrimoine à tous ceux qui sont sensibles à la culture casamançaise.
Qu’attendez-vous d’un tel évènement ?
Il y a tellement de choses à faire en Casamance que je ne pourrai pas citer tout ce que nous espérons réaliser au sortir de cette manifestation. Mais retenez que notre souhait est de réunir assez de fond pour accompagner la dynamique de réinstallation des populations des villages impactés par la crise, notamment les villages frontaliers, par un soutien dans l’acquisition de toitures pour couvrir les maisons qu’ils parviennent à construire avec de la terre.
Nous espérons aussi pouvoir organiser une tournée de sensibilisation sur les mutilations génitales. Initier les populations de la Casamance à des activités de développement durable par la capacitation entrepreneuriale de groupements féminins communautaires ciblés. Voilà entre autres les grands projets que nous avons pour nos frères et sœurs de la Casamance.
Vous avez parlé tantôt de la richesse culturelle de la Casamance.
Oui nous sommes immensément riche de ce côté-là. Si on s’arrête à la musique par exemple, je vous apprendrai que la Casamance n’a pas une musique, mais des musiques. Plus d’une vingtaine car chaque cérémonie à une musique propre, chaque ethnie compte plusieurs musiques identitaires. Nous sommes donc riches d’une vingtaine de styles musicaux, et notre rôle est de les faire connaître au monde.
Qu’est qui empêche les rythmes de Casamance de sortir du sud ?
Le manque de plateformes adéquates pour faire de la musique surtout. Nous avons beaucoup de talents, mais pas d’infrastructures pour faire de la musique ou pour la faire connaitre à l’extérieur. Il nous faudrait des studios, des maisons de productions, des promoteurs culturels, de la visibilité médiatique, etc.
Quels sont vos projets musicaux ?
Je suis en train de préparer mon prochain album dans lequel il sera beaucoup question de fléaux comme l’excision, la déforestation, les problèmes fonciers, entre autres. En attendant, je continue mes tournées pour aller au contact des populations.
ÉGALITÉ HOMME-FEMME
Vers un task force oun patronnat des femmes du monde rural - COMMUNIQUÉ
Le Gouvernement du Sénégal, l’Organisation internationale pour la Francophonie (OIF), le Réseau Francophonie pour l’égalité Femme – Homme (RF-EFH), l’Institut Francophone pour l’Education et la Formation (IFEF), le Bureau du Québec au Sénégal ont organisé un panel sur le droit à l'état civil des enfants, et les droits des femmes et des jeunes filles, en milieu rural.
Profitant de la visite de Madame Julie MIVILLE-DECHENE, Emissaire aux Droits et libertés de la personne, le RF-EFH, le Bureau du Québec, l’IFEF les membres du gouvernement intéressés, ainsi que la Société Civile, ont échangé sur les questions de nationalité, d’Etat Civil des enfants dans l’espace francophone, et des Droits des Femmes en milieu rural.
Cette rencontre entrait dans le cadre des conclusions issues de la 62e Session de la CSW, de l’Appel de Bucarest de l’OIF les enjeux relatifs aux Droits des Femmes rurales (accès à la terre et aux moyens de production), à leur autonomisation à l’atteinte d’une égalité effective entre les Femmes et les hommes, dans les pays africains, et surtout dans les pays francophones, ont été abordés, suivi d’un partage d’expériences avec des femmes actrices de développement, entrepreneures, chefs de projets et parties prenantes dans la lutte pour l’égalité femme-homme.
A l’issue du panel, les participants ont, entre autres, recommandé aux Etats membres de l’OIF en particulier le Sénégal, à la Société civile d’installer une Task Force ou un Patronnat des femmes du monde rural, de renforcer les partenariats entre le Sénégal et le Québec et l’OIF pour la résolution des problèmes spécifiques, identifiés lors des derniers évènements mondiaux .
PAR LA CHRONIQUEUSE DE SENEPLUS, AMINATA DIA
PRENDRE LE LARGE
EXCLUSIF SENEPLUS - LA LETTRE D'AMINATA - Pourquoi toujours chercher un coupable? Pourquoi simplifier à outrance des réalités et dynamiques bien plus complexes? Pourquoi?
Voyager élève l'âme, grandit l'esprit et éveille le cœur à l'amour, au beau, à la vie tout simplement dans ce qu'elle a de plus divers et de plus unique. Les choses ne sont jamais noires ou blanches et en voyageant, on le ressent, on le vit et on le comprend avec force et intensité.
Partout, il y a des gens bons et des gens moins bons suivant les situations que nous vivons et suivant les standards d'où nous pensons le bien et le mal. Partout, il y a de beaux endroits et de moins beaux, il y a des gens riches et des moins nantis, des gens qui s'aiment et d'autres qui se font la guerre.
Partout, la nature est belle. Partout le ciel, l'air, la terre et la mer sont les mêmes. Partout, les couleurs abondent dans les rues et les hommes se croisent et se recroisent à des détours et ruelles de rues.
Nous sommes les mêmes. Nous avons tous en nous le meilleur et le pire. Et le meilleur et le pire en nous se révèlent suivant les personnes ou les situations. Si nous avons le pouvoir de réveiller le pire en quelqu'un, cela veut dire que nous avons également le pouvoir de révéler le meilleur en chaque homme.
Et partout où j'ai été, j'ai vu des hommes qui dédient leur vie à révéler ce meilleur en chaque homme et d'autres qui ne manquent pas une occasion d'écraser et de réduire au stade de bassesse le plus absolu ceux qui les entourent.
Alors, à votre avis, qu'est ce qui nous différencie tant les uns des autres ? Comment deux personnes, qui lisent le même livre ou vivent la même expérience ou rencontre la même personne ou grandisse à l'ombre du même arbre ou au soleil du même ciel, peuvent se retrouver à deux extrêmes différents et à l'exact opposé l'un de l'autre ?
Chaque endroit que nous avons visité où serons amené à visiter est le reflet des hommes que nous sommes ou que nous cherchons à être. Alors, pourquoi toujours chercher un coupable ? Pourquoi simplifier à outrance des réalités et dynamiques bien plus complexes ? Pourquoi ?
DES FEMMES LEADERS PLAIDENT LA LEVEE DES «BARRIERES»
L’accès aux financements demeure une problématique pour les femmes entrepreneures africaines - Le sommet de Dakar, tenu hier à Toubab Dialaw à l’initiative de Women in africa, a été une tribune d’échanges
Les femmes africaines leaders venues de 15 pays ont pris part, hier à Toubab Dialaw, au sommet de l’organisation Women in africa sur l’entrepreneuriat féminin. Elles ont pu partager entre elles les succès des unes et les échecs des autres. La question qui revient tout le temps est la problématique de l’accès des femmes aux financements.
L’accès aux financements demeure une problématique pour les femmes entrepreneures africaines. Le sommet de Dakar, tenu hier à Toubab Dialaw à l’initiative de Women in africa, a été une tribune d’échanges entre les leaders féminins. Venues de 15 pays, ces femmes ont pu bénéficier de conseils tels que les opportunités liées à l’entrepreneuriat digital. Ce qu’on appelle encore le e-commerce qui permet d’écouler les produits à travers le net. Et pour une meilleure connaissance des produits, de leur gestion, du management et de l’environnement, les panélistes dont Fatou Sow Sarr ont exhorté leurs sœurs à miser sur l’éducation, la formation. Mais aussi, une orientation des politiques publiques a été suggérée. Un plaidoyer sur la transformation des produits et l’agrobusiness a été également porté à l’intention des participantes.
Par ailleurs, des intervenants ont évoqué les obstacles qui freinent le développement de l’entrepreneuriat féminin. La présidente de l’Union des femmes chefs d’entreprise du Sénégal déclare : «Nous estimons que l’entrepreneuriat féminin est très mal compris surtout au niveau institutionnel. Parce que jusqu’à présent, le simple fait d’ailleurs de nous loger dans le ministère de la Famille montre l’incompréhension de ce secteur d’activité. Nous ne faisons pas de la lutte contre la pauvreté. Nous sommes des créatrices de richesse.» Mme Nicole Gackou a également soulevé d’autres contraintes. «Nous n’avons pas de banque de développement.
Nous n’avons pas de fonds publics d’investissement», déplore-t-elle. L’entrepreneure a ainsi soumis quelques propositions pour faciliter l’accès des femmes aux financements. «Il faut coupler deux choses : les services non financiers et les services financiers (…) Donc il y a aujourd’hui, nécessité de mettre un link entre les deux qui va permettre à l’activité de la femme chef d’entreprise d’être organisée et d’accéder aux financements, parce qu’ayant une claire vision de ce qu’elle veut», propose-t-elle. Et d’ajouter : «Les dernières statistiques ont montré que sur plus de 450 mille entreprises au Sénégal, il n’y a que 12 mille qui sont dans le secteur formel. Pour l’économie dite informelle, 70% des actifs appartiennent aux femmes. Donc c’est dire l’importance des femmes au cœur de cette économie informelle.»
Le tatouage artificiel s'est généralisé au fil des années, au point de devenir un véritable atour esthétique pour les femmes sénégalaises.
Voir vidéo.
Par Sokhna Kiné Diouf
MACKY, LA GRANDE DIVERSION !
Macky Sall s’en fout du parrainage, il vous occupe Messieurs de l’opposition! Pendant ce temps, il a mobilisé toutes ses équipes sur le terrain pour inscrire ses militants
Les Sénégalais sont vraiment naïfs et nos partis politiques pas à la hauteur !
Depuis quelques semaines, tout le monde, et même cette opposition naïve ne fait qu’occuper son temps sur ce parrainage, mode de diversion trouvé par Macky Sall pour les empêcher de mobiliser leurs troupes avant la fin des inscriptions sur les listes électorales !
Par ailleurs, le véritable objectif de cette stratégie de Macky ce sera de donner l'impression sous peu de faire des concessions en retirant la partie sur le parrainage mais en maintenant la modification de l'artcle L57 du code électoral pour rendre Khalifa Sall et Karim Wade inéligible. C'est cela l'objectif de la manoeuvre. Le parrainage c'est tout simplement de l'enfumage et tout le monde semble tomber dans le panneau.
Macky Sall s’en fout du parrainage, il vous occupe Messieurs de l’opposition! Pendant ce temps, il a mobilisé toutes ses équipes sur le terrain pour inscrire ses militants ! Il retirera le projet de loi sur les parrainages une fois que les listes seront closes et qu’il aura fait le plein ! Une élection se gagne en amont et il vous aura diverti, il aura encore une fois battu amont cette opposition nulle !
LA CÉSARIENNE, NÉCESSITÉ OU EFFET DE MODE ?
Les femmes interrogées aussi bien dans les structures sanitaires que dans les rues confessent une fréquence des accouchements par césarienne - Seulement, le recours accru à cette technique contribue à la réduction de la mortalité maternelle et infantile
L’ère des césariennes. Ce n’est pas un abus de langage. Les femmes interrogées aussi bien dans les structures sanitaires que dans les rues confessent une fréquence des accouchements par césarienne. Seulement, le recours accru à cette technique contribue à la réduction de la mortalité maternelle et infantile au Sénégal.
Fatou Mbaye, trouvée à un arrêt d’autobus, tient son nourrisson dans les bras. Elle vient de sortir de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye. L’expression faciale voile la fierté d’avoir donné la vie. Elle affiche un entrain contrastant avec l’intervention chirurgicale qu’elle a subie. «Les césariennes, j’ignore pourquoi, sont devenues fréquentes. Après le respect de toutes les consultations prénatales, au bout du compte, j’ai accouché par césarienne », raconte la dame.
Ndèye Amy Sakho porte, elle, son bébé sur le dos. Elle avance, d’un pas discret, vers l’arrêt d’autobus. Cette femme de teint clair a accouché par voie basse. Mais, elle s’étonne que beaucoup de femmes subissent une intervention chirurgicale pour donner naissance. Dans la banlieue, d’autres personnes ont aussi constaté la fréquence de cette pratique. Comme par enchantement, beaucoup de bébés naissent par accouchement artificiel. Mame Diarra Fall, hésitante au premier contact, délivre une analyse similaire à celle de nos deux précédentes interlocutrices. « J’ai l’impression qu’il y a plus d’accouchements par césarienne que par voie basse. Il faut reconnaître que ce sont parfois les femmes qui l’exigent », confesse-t-elle. Au quai de débarquement de Hann village, le rivage grouille de monde. Les femmes marchandent les prix des poissons fraichement débarqués des embarcations. Yacine Wade, une vieille dame, s’éloigne de cette effervescence. Elle attend d’autres pêcheurs. Elle ne regarde pas plus loin pour expliquer la fréquence des accouchements artificiels. « De nos jours, il y a trop de problèmes sociaux au sein des familles. Lorsque vous baignez dans cette situation durant toute votre grossesse, il y a de fortes chances que vous ayez des problèmes lors de l’accouchement », analyse-t-elle.
Au bord de cette plage, où ne cessent de déferler des vagues, la brise transporte d’autres idées et apportent d’autres arguments. Mbodj Sow, plus jeune, ne rame pas à contre-courant de la vieille. Mais, elle nous plonge dans la modernité. Elle associe les complications évoquées par notre précédente interlocutrice lors de l’accouchement à l’usage des contraceptifs. « Auparavant, c’était rare d’entendre qu’une femme a accouché par césarienne. Aujourd’hui, c’est presque devenu normal. Je pense que c’est le planning familial qui est à l’origine de la fréquence des césariennes. Aussi, il est plus facile d’accoucher sans complications en étant plus jeune que lorsque l’on dépasse la trentaine », confie-t-elle.
Dans des postes de santé,comme celui de Yarakh, l’occurrence n’émeut pas les praticiens. La césarienne a sauvé des vies. La technique a fait chuter les taux de mortalité maternelle et infantile.
Les sages-femmes rencontrées veulent que l’on regarde plus ces aspects que la fréquence. Toutefois, cette fréquence est aussi symptomatique de l’accessibilité à cette pratique médicale. Le Sénégal a rendu gratuites les césariennes dans le cadre de la Couverture maladie universelle (Cmu).
TENDANCES : LES CÉSARIENNES DE CONVENANCE TIRÉES PAR LE NIVEAU DE VIE
Le requérant d’une prestation médicale a le droit de choisir son protocole de traitement. Les femmes jouissent de plus en plus de ce droit lors de l’accouchement : c’est la mode des accouchements de convenance.
Les césariennes de convenance sont un effet de mode dans les pays développés. Certaines femmes qui ont un certain niveau de vie optent pour l’accouchement artificiel. Elles se payent le luxe de se soustraire de la souffrance liée à l’accouchement par voie basse. « Il y a des femmes au niveau de vie élevé qui demandent presque, de façon systématique, d’accoucher par césarienne », rapporte le gynécologue Sédouma Yatéra, par ailleurs médecin-chef de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye.
Au Sénégal, dans des structures de santé comme Roi Baudouin, les femmes n’exigent pas pour le moment le recours à l’intervention chirurgicale pour donner naissance. Par contre, des intellectuelles ayant un certain pouvoir d’achat ont la liberté de faire le choix dans des cliniques. « Nous n’avons pas encore noté de femmes qui prennent la décision de recourir à une césarienne. Par contre, elles se rendent le plus souvent dans des cliniques pour cela », informe le gynécologue.
La fréquence des taux d’accouchement par césarienne est associée à la typologie de la population, à leur pouvoir d’achat. Le recours à cette technique est fréquent aussi bien dans les pays développés que dans ceux en voie de développement. Lorsqu’elle est médicalement justifiée, elle peut sauver des vies. Par contre, l’Oms n’a pas encore démontré que l’accouchement par césarienne, lorsqu’elle n’est pas nécessaire, a des effets bénéfiques. Pour l’Oms, « la priorité ne devrait pas être d’atteindre un taux spécifique, mais de tout mettre en œuvre pour pratiquer une césarienne chez toutes les femmes qui en ont besoin ».
ZOOM SUR… HOPITAL ROI BAUDOUIN : UNE RÉPUTATION BÂTIE SUR LE RECOURS ADÉQUAT À LA CÉSARIENNE
L’hôpital de niveau 1 Roi Baudouin change de statut et conserve sa bonne réputation. Le recours à la césarienne y a entraîné la baisse de la mortalité maternelle et néonatale. Un indicateur : sur 7000 accouchements en 2015, seuls 7 décès maternels ont été enregistrés. Et ces cas n’ont pas été suivis dans cette structure sanitaire.
Le temps est suspendu à la salle des post-opérées de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin situé à Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise. Deux femmes sont dans les couloirs. A travers la porte entre-ouverte, on aperçoit des sages-femmes assises. Derrière elles, des piles de papiers sont disposées sur des étagères. La plus âgée nous ouvre la salle. Celles qui viennent de subir la césarienne sont toutes allongées. Deux d’entre-elles se sont réveillées. L’une, Nogaye Guissé, affiche le sourire ; une de sage-femme soulève son nourrisson. « Oui, je me porte bien. Tout s’est bien passée », confesse la dame sur un ton encore empreint de fatigue.
Au fond, à l’angle opposé, Absa Sène pousse aussi un ouf. Son bébé dans les bras, elle laisse apparaître des traits de soulagement. Le temps de la peur est derrière elle. Mais, elle se rappelle encore de la décision des praticiens de faire recours à cette technique. « Lorsqu’on m’a annoncé que je devais faire la césarienne, j’avais peur. Mais finalement, ce n’est pas si compliqué. L’essentiel, c’est d’être bien portant et que l’enfant soit né dans les meilleures conditions », partage Mme Sène.
Ce compartiment est particulièrement calme. L’envers du décor au hall des salles de consultations et d’échographie. Ici, il n’y a pas de places assises sur les bancs attenants aux murs. Sur les bancs en bois jouxtant les 4 murs, des femmes, certaines la mine triste, sont visiblement impatientes. D’autres se plaisent à regarder les émissions matinales diffusées sur un écran suspendu.
Quelques unes sont debout ou s’adossent au mur près de la porte de la salle d’échographie. La maternité de Roi Baudouin conserve sa bonne réputation en matière de prise en charge des accouchements. « Entre les mois de juillet et novembre, nous sommes souvent débordés. Et lorsque nous évacuons les femmes vers d’autres structures où elles ne sont pas prises en charge, nous recevons des critiques. C’est un gros problème », informe le gynécologue Sédouma Yatéra.
Jusqu’à midi, les deux halls des salles de consultations refusent du monde. Cet Etablissement public de santé a bâti, au fil des années, sa réputation sur la prise en charge des bébés prématurés, les accouchements par césarienne. Le flambeau est entretenu, suscitant l’espoir dans un milieu défavorisé. « Sur 7000 accouchements en 2015, nous avons eu 7 décès. La pratique de la césarienne a contribué à la baisse de la mortalité maternelle et infantile à Roi Baudouin », affirme le Dr Yatéra.
Dans les couloirs, les sages-femmes échangent avec d’anciennes malades. La distance entre les praticiens et les malades semble s’effacer. Les allées sont aménagées et ornées de bois disposés en forme d’œuvre. Des plantes ornementales peuplent les jardins. Mais, l’embellissement va envahir les salles d’accouchement. Le décor devant, avant tout, avoir une incidence positive sur la prise en charge des femmes. « Nous allons humaniser les salles d’accouchement. Pour le bloc opératoire, nous venons de recevoir un équipement », révèle la directrice du centre hospitalier, Ramata Danfakha Bâ. La ruée vers Roi Baudouin ne date pas de l’effectivité de la gratuité des césariennes. Cette structure sanitaire, avec l’aide des partenaires, avait conçu des tarifs forfaitaires pour les césariennes avec une contrepartie des aides des partenaires. « Nous recevons des femmes, rapporte le gynécologue, qui nous viennent de Thiès, Rufisque et des autres parties de Dakar ». Le défi est de maintenir le cap.
RAMATA DANFAKHA BA : « LES GENS NE PRENNENT PLUS DE RISQUES »
L’administratrice du centre hospitalier Roi Baudouin de Guédiawaye analyse la fréquence des césariennes par la culture de la prévention des conséquences néfastes et pour la femme et pour l’enfant. « Les gens ne prennent plus de risques, parce que si les accouchements durent, cela peut avoir des conséquences pour la femme et l’enfant », explique Mme Bâ qui s’est d’ailleurs félicitée de la baisse de la mortalité maternelle et infantile à Roi Baudouin.
TRAJECTOIRE OU EN VEDETTE : HAWA CISSOKHO, SAGE-FEMME, UNE GARDIENNE DU TEMPLE SENSIBLE À L’ÉVOLUTION DE LA SCIENCE
Dans les couloirs de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin, Hawa Cissokho traine humblement sa silhouette qui en dit long sur son humilité. Pourtant c’est l’une des plus anciennes sages-femmes de l’établissement. Elle fait partie de la vieille garde ouverte à l’évolution des techniques des accouchements.
Hawa Cissokho regagne, presque sur la pointe des pieds, le gynécologue Sédouma Yatéra qui se dirige vers les salles des post-opérées. Le médecin la salue de façon amicale. La dame est souriante. Depuis une trentaine d’années, cette praticienne essaie de transmettre de l’entrain aux femmes qui arrivent dans cet hôpital parfois le visage fardé de frustration. L’entretien avec elle peut se résumer à revisiter l’histoire des accouchements au fil des années à Roi Baudouin. Elle campe sur les valeurs élémentaires de l’exercice de leur profession. « Une sage-femme doit être accueillante. Elle doit se mettre à la place de la femme qu’elle reçoit. Elle essaie de la comprendre », confie Mme Cissokho. Elle n’infléchit pas sur ses principes. Par contre, elle est ouverte aux flux de l’évolution des techniques et des sciences dans le domaine de la médecine.
L’un des plus anciens agents de Roi Baudouin nous plonge, avec humilité, dans l’histoire de la prise en charge des accouchements dans cette structure sanitaire. « Il y a eu toujours des affluences pour les accouchements. Je rappelle que, bien avant la gratuité, nous avons eu un forfait. Et des femmes venaient pour en bénéficier. C’est une structure sanitaire qui est connue pour son expérience en matière de prise en charge des accouchements ; même les taximen connaissent bien Roi Baudouin », explique-t-elle en souriant.
Des années 80 à nos jours, admet-elle, il y a une grande différence. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de femmes qui accouchent par césarienne. L’expérience inspire la sagesse, la prudence.
Hawa Cissokho parle doucement. Elle pèse et soupèse ses idées avant de les transmettre. Son débit lent est certainement symptomatique de sa timidité. Ce qui est clair, sa disponibilité ne fait pas l’ombre d’un doute. En plus d’avoir accepté l’interview presque sans protocole, elle nous conduira à la salle des post-opérées où elle rassure des dames à accepter d’échanger avec nous.
Dans sa blouse rose, un foulard voile sa tête. Elle sort de sa timidité lorsqu’on prête à toutes les sages-femmes des comportements peu catholiques. « Je pense qu’il faut relativiser. Les sages-femmes font beaucoup de sacrifices. Elles essaient d’offrir le meilleur d’elles-mêmes pour répondre aux besoins des femmes. Parfois elles sont débordées, elles sont surchargées sur le plan du travail. Les populations doivent les comprendre», analyse cette native du quartier Pont de Tambacounda. D’ailleurs, c’est dans cette ville que Hawa Cissokho est tombée sur le charme de ce métier en lisant le journal « Bingo ». « La passion du métier m’est venue en lisant le journal « Bingo » où une sage-femme de Dansi Camara racontait son travail. J’étais émerveillée. Je voulais être à sa place. C’est ainsi qu’en classe de Première je me suis présentée au concours d’entrée à l’Ecole des sages-femmes », se remémore-t-elle.
La passion nourrit cette dame qui est contente de soulager ses camarades. « Après les accouchements, certaines nous demandent ce qu’elles peuvent faire pour nous. Je leur réponds que votre paix intérieure est largement suffisante », dévoile la sage-femme dont la vocation est restée intacte malgré des décennies passées dans les maternités.
LA PAROLE À… DR SEDOUMA YATERA, MEDECIN-CHEF DE LA MATERNITE DU ROI BAUDOUIN : « L’AUGMENTATION DES CÉSARIENNES DOIT SERVIR À BAISSER LES MORTALITÉS MATERNELLE ET INFANTILE »
L’augmentation de la prévalence des césariennes doit servir à baisser la mortalité maternelle et infantile. C’est l’esprit que le gynécologue de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye, Dr Sédouma Yatéra, confère à l’inflation de cette technique médicale. Dans cet entretien, il révèle que les césariennes ont influencé la baisse des taux de mortalité maternelle et néonatale dans cette structure sanitaire.
L’hôpital Roi Baudouin a enregistré une baisse de la mortalité maternelle. Quels sont les facteurs qui ont été déterminants ?
Nous avons une longue tradition de prise en charge des accouchements de manière générale et des césariennes en particulier. Cela, depuis que l’établissement était un centre de santé. Nous enregistrons entre 4000 et 6000 accouchements par an. Pour l’année 2015, sur 4235 accouchements, il y a eu 1100 césariennes. Lorsqu’on le fait le ratio, on se retrouve avec un taux de césarienne qui tourne autour de 22 et 25 %. Mais, il convient de préciser qu’il y a des césariennes qui sont obligatoires. Pour ces cas, nous ne pouvons pas ne pas recourir à l’intervention chirurgicale. En fait, nous prenons en compte les indications liées soit à l’enfant, soit à la pathologie de la mère, et nous classons cette dernière dans la catégorie des césariennes de prudence. Pour ces cas-là, nous jugeons entre l’état maternel et l’état fœtal pour voir si c’est mieux de faire une césarienne pour sauver l’enfant ou encore voir est-ce que l’acte chirurgical ne va pas éviter que les complications de la mère n’évoluent vers une complication.
Est-ce qu’il y a une augmentation des césariennes au Sénégal ?
Il y a une inflation, une tendance à une augmentation des césariennes. Au cours des dix dernières années, l’OMS a établi une fourchette de 10 à 15% de taux de césarienne par rapport au nombre total des accouchements. Ces normes de l’Oms sont dépassées depuis longtemps dans les pays développés. Si nous prenons le cas de la France, elle avait un taux de césarienne de 10 %. C’était dans les années 80. En 2015, son taux est de 22%. La France avait la prévalence la plus faible en Europe. Le Royaume-Uni est à 33%. Dans l’Amérique du Nord, c’est la flambée. Le taux oscille entre 34 à 36%. Il y a des pays où des exemples sont frappants. Le Brésil est à 47 % de taux de césarienne alors qu’en Turquie, une femme sur deux accouche par césarienne. Au Sénégal, une étude réalisée par le Centre hospitalier universitaire Aristide Le Dantec dans les établissements sanitaires où la césarienne était pratiquée avait révélé une moyenne de 31% avec des extrêmes tournant entre 26 à 35%.
Est-ce que cette augmentation des césariennes a une influence sur la baisse de la mortalité maternelle et infantile ?
Il faut retenir que l’augmentation de la prévalence des césariennes n’est pas mauvaise si elle doit contribuer à baisser le taux de mortalité maternelle et néonatale. Le but recherché à travers la césarienne, c’est de baisser le taux de mortalité. Par contre, nous devons éviter que cette flambée n’influe sur la réduction de la mortalité.
Au Sénégal, selon l’EDS 5 (Enquête démographique et de santé), nous sommes à 392 décès pour 100.000 naissances vivantes. L’Afrique de l’Ouest est la région qui a le taux le plus élevé au monde. Au total, 1020 femmes décèdent sur 100.000 femmes qui accouchent chaque année, alors que ce ratio est de 36 femmes pour 100.000 naissances vivantes pour toute l’Europe. Comparaison n’est pas raison, mais il y a une grande différence. Le gap est énorme. Donc, nous avons besoin de cette pratique pour sauver davantage de vies. A Roi Baudouin, on a une longue tradition de la gratuité. Depuis 2004-2005, nous avons mis en place un kit forfaitaire pour les accouchements par voie basse et un autre pour la césarienne. Maintenant nous avons la politique de gratuité qui a facilité l’accessibilité. Je dois dire que la Cmu compense l’établissement après la présentation des états. Je dois aussi préciser que cette accessibilité est plus liée aux indications médicales qu’à l’accessibilité financière.
Lorsqu’une femme ne peut pas accoucher par voie basse et qu’on ne le fasse pas, quelles sont les conséquences auxquelles elle est exposée ?
Si elle ne peut accoucher par voie basse et qu’on ne le fasse pas, elle court le risque de rupture de son utérus. Parce qu’il y a des contractions. L’enfant ne peut pas passer par le bassin osseux. Il y a un conflit entre l’enfant et le bassin maternel. L’utérus ne va pas supporter les contractions. Il va se rompre. Et il y aura des conséquences comme l’hémorragie qui est la première cause de mortalité lors des accouchements au Sénégal. La deuxième cause, c’est l’hypertension artérielle et les autres complications. Si la femme a une hypertension artérielle, elle convulse, c’est-à-dire qu’elle fait des crises. Et si vous ne faites pas la césarienne dans l’immédiat, elle continuera à saigner, son placenta va décoller et s’en suivront des complications qui peuvent emporter l’enfant. La césarienne doit être faite au bon moment pour prévenir des conséquences fatales aussi bien pour l’enfant que pour la mère.
PAR AILLEURS… SAVOIRS ENDOGENES ET GESTION DES GROSSESSES : LE SECRET D’INVERSER LES CAS COMPLIQUÉS
Les détentrices des savoirs endogènes ont le secret d’inverser des cas de grossesse devant déboucher sur un accouchement césarisé. Fatou Cissé fait partie de celles qui ont réussi à soustraire des femmes des accouchements artificiels. Toutefois, elle n’a pas la solution à tous les cas.
Elles sont dans leur coin. Elles refusent de se mettre au-devant de la scène. A la Cité Fadia comme à Grand Yoff en face de l’arène Adrien Senghor, les femmes détentrices de savoirs endogènes gardent jalousement leurs secrets. Elles puisent dans leur riche patrimoine pour soigner des nourrissons et bien gérer des grossesses compliquées. « J’ai réussi à inverser certains processus d’accouchement par césarienne », confesse Fatou Cissé. Elle ne se glorifie pas de ses pouvoirs. A chaque cas inversé, elle est emplie de satisfactions. Le soulagement de ces dames traumatisées qui se présentent chez-elle est une fin en soi. La rentabilité financière n’est pas une primauté pour cette dame qui commence à blanchir sous le harnais. Mais, elle n’a pas la réponse à tout. « Je ne peux rien faire contre certains cas. Je conseille à la femme de se rendre à l’hôpital. Il y a aussi le fait que l’accouchement par césarienne peut intervenir au dernier jour avant l’accouchement », fait remarquer la conservatrice des savoirs endogènes. Elle a indexé au passage le régime alimentaire des femmes enceintes qui boivent abondamment de lait, s’alimentent avec beaucoup de viandes et de la pâtisserie qui font grossir l’enfant dans le ventre. « Je dis toujours aux femmes de prendre moins de lait, de pain et tous les aliments pouvant favoriser la prise de poids du bébé. Si ce dernier grossit dans le ventre, il est évident qu’il y aura toutes les chances que la femme accouche par césarienne », s’exprime la dame. Mme Cissé, appelée « mère jaboot », prodigue des conseils pour prévenir les accouchements artificiels. Elle regrette l’absence de collaboration entre les détentrices de savoirs endogènes et les professionnels de santé. « Les médecins nous dénient des compétences de bien prendre en charge des bébés et des grossesses. Or beaucoup de femmes viennent nous voir et sont satisfaites de notre travail », note-t-elle.
Du reste, les détentrices des savoirs endogènes jouissent encore d’une grande confiance auprès de beaucoup de femmes. La modernité n’a pas encore enterré le recours aux pratiques coutumières y compris dans de grandes villes comme Dakar.
ACCOUCHEMENT : LA CHIRURGIE PEUT S’IMPOSER À TOUT MOMENT ET EN TOUTE URGENCE
Deux modes d’accouchement, mêmes risques. Le gynécologue Cheikh Atab Badji minimise la différence des risques entre les deux voies de donner la vie. Au juste, il remet sur la table la probabilité de changer d’option pour un processus d’accouchement par voie naturelle déjà enclenché. « En cas de bonne maîtrise de la technique, les risques sont grosso-modo les mêmes que pour l’accouchement par voie basse. Par contre, le risque majeur de tout accouchement par voie basse, c’est de ne pas pouvoir disposer, dans un rayon acceptable, d’une unité de césarienne en cas de besoin. Car un accouchement par voie basse est en nature imprévisible. Et le recours à la chirurgie peut s’imposer à tout moment et en toute urgence », avertit-il.
UNE CONDITION POUR FAIRE 5 CÉSARIENNES
Contrairement aux idées reçues, une femme est en mesure d’accoucher par césarienne à cinq reprises et non deux fois. Mais, il faudrait qu’elle espace ses maternités. « Une femme peut subir 5 césariennes à condition que celles-ci soient espacées », précise le Dr Sédouma Yatéra. Toutefois, deux césariennes consécutives ouvrent la porte aux accouchements par voie haute. Autrement dit, il est déconseillé aux praticiens d’exposer une femme en voulant qu’elle donne la vie par la voie basse. Les deux premières césariennes consécutives ont des conséquences sur la physiologie de l’utérus. « Il y a des césariennes liées à la cause fœtale. C’est lorsque la femme porte dans son ventre un enfant de 4 à 4,5 kilogrammes. Si on fait le rapport entre le poids et les dimensions du bassin et que l’on se rende compte qu’elle ne peut pas accoucher par voie basse, on est tenu de l’opérer », indique le gynécologue.
Par la suite, il énumère les conséquences qui peuvent survenir en cas de non-respect de ces prescriptions. « Une femme qui a été opérée deux fois de suite pour césarienne ne pourra accoucher que par césarienne pour le reste de ses grossesses. Parce que l’utérus a été cicatrisé deux fois et s’est fragilisé. Il ne faudra pas l’exposer à des contractions qui peuvent être à l’origine de complications pouvant être fatales à l’enfant et à sa mère », avertit le spécialiste.
AVIS D’EXPERT… DR CHEIKH ATAB BADJI, OBSTETRICIEN : « LA CÉSARIENNE EST UNE ARME CONTRE LA FATALITÉ »
Le gynécologue-obstétricien Cheikh Atab Badji fait l’éloge du recours à la césarienne qui reste l’alternative dans bien des cas pour sauver la vie de la mère ou du bébé. Il s’éloigne naturellement de la dramatisation de l’augmentation des césariennes. Cette technique médicale est, à son avis, une arme aux mains des obstétriciens pour vaincre la fatalité imposée par certains cas de grossesse lors des accouchements.
Cheikh Atab Badji se fait l’avocat du recours à la césarienne. Il met en avant la primauté pour sauver des vies. Le gynécologue-obstétricien tranche donc, de façon nette, entre l’accouchement naturel avec des conséquences inattendues et celui artificiel sans séquelle aucune pour la mère et l’enfant. « Que vaudrait un accouchement par voie basse dont le produit est un mort-né, ou un décès maternel, ou une fistuleuse ? » s’interroge Dr Badji. Il répond par cette exclamation : « Un gros drame social ! »
Le spécialiste vante ainsi les bienfaits d’un acte chirurgical à présenter sous un angle plus social. D’autant plus que la césarienne pèse de tout son poids dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale. « La peur, pour ne pas parler de diabolisation de la césarienne, moyen de recours ultime de sauvetage maternel et fœtal, arme fatale du gynécologue-obstétricien contre la fatalité, doit bénéficier d’une bonne presse afin de sauver cette frange importante de femmes victimes de leur ignorance ou des préjugés », dit Cheikh Atab Badji qui conseille de recourir à cette technique en toute connaissance et responsabilité.
Il voit ainsi une once de logique dans la hausse de la prévalence. A vrai dire, l’accroissement de la population des femmes en âge de procréer induit inéluctablement une augmentation des besoins en soins en maternité. « La hausse de la fréquence de la césarienne est un phénomène tout à fait normal. Elle est tout simplement liée à l’augmentation de la démographie, donc à la population en âge de procréation, et logiquement à la hausse du besoin de césarienne. Il est bon de rappeler, en insistant, que la césarienne est un acte médico-chirurgical qui a pour but de sauver le bébé et/ou la mère », rappelle le spécialiste.
En toute objectivité, s’exprime-t-il, la hausse de la césarienne doit être corrélée à la baisse du taux de mortalité néonatale, c’est-à-dire celui des mort-nés à la naissance. Le gynécologue relativise, dès lors, l’observation d’une ascension du recours à cette technique médicale. Il fonde son argument sur la non-satisfaction des besoins dans beaucoup de zones du monde rural où les femmes continuent de perdre la vie en donnant la vie. « Malgré cette impression de hausse du nombre de césarienne en valeur absolue, en valeur relative, le taux est encore très faible, car beaucoup de femmes meurent encore, surtout en milieu rural, en donnant la vie pour causes évitables, notamment le défaut d’accès à l’offre de services de la césarienne », note Dr Badji.
Des recours fondés sur des exigences médicales
Il objecte le rapport entre la maîtrise de cette technique médicale et une hausse de la prévalence. Pour lui, ces actes médicaux sont fondés sur les indications médicales. « La maîtrise de la technique opératoire ne saurait justifier en aucun cas un recours non motivé. La césarienne obéit à ce qu’on appelle des indications, c’est-à-dire des situations en face desquelles elle s’impose. Dans les cas où elle s’impose, elle devient obligatoire, car la vie de la mère est directement menacée », indique le gynécologue.
Son argument est corroboré par des exemples. Il ne voit pas d’autres options que l’accouchement artificiel de la femme qui a une petite taille avec un petit bassin que ne saurait traverser un bébé de poids normal. Dans ce cas précis, affirme-t-il, l’accouchement par voie basse est impossible et toute tentative dans ce sens entraîne une déchirure de l’utérus de la femme, une hémorragie interne massive, une mort rapide du bébé et, fort probablement, celle de la maman en dehors d’une intervention rapide. En outre, l’expérience a montré que même les femmes qui ont donné la vie par voie basse à plusieurs reprises ne sont pas à l’abri d’un accouchement artificiel. « Les femmes ayant antérieurement une ou plusieurs fois accouché par voie basse peuvent se retrouver avec un gros enfant dans le ventre. Ici, les risques chez la mère et le bébé sont identiques au cas précédent. Bref, il y a plusieurs indications de césarienne obligatoire », poursuit le spécialiste des soins obstétricaux.
Dans d’autres cas, l’accouchement artificiel est motivé par le souci de sauver l’enfant. En fait, physiquement, la femme peut accoucher par voie basse. Toutefois, la probabilité de la mort du bébé à la naissance ou une situation de « détresse avancée » avec une admission à la crèche pour les soins intensifs incite les praticiens de santé à ne pas prendre des risques. « Nous mettrons également dans ce registre les cas de césarienne de prudence où l’accoucheur, en parfaite connaissance des aléas de tout accouchement par voie basse, prend l’option de sortir le bébé par voie haute pour ne pas prendre de risque. C’est le cas des grossesses dites « précieuses ». Comme exemple, nous donnerons la femme de la quarantaine, presque aux abords de la ménopause, qui fait sa première grossesse soit du fait d’une longue stérilité, soit d’un mariage tardif, situation devenue fréquente, car les femmes se marient de plus en plus tardivement », détaille le gynécologue.
Les spécialistes font aussi recours à cette technique pour les femmes au seuil de la ménopause et qui n’ont pas beaucoup de chances d’avoir plusieurs grossesses. L’obstétricien, confie Cheikh Attab Badji, se dit qu’il est plus prudent de sécuriser cette naissance par césarienne, car une prochaine chance reste biologiquement peu probable.
L’heure des naissances sécurisées
L’argument du gynécologue-obstétricien sent l’invite à suivre l’évolution du temps. Il ne sert à rien d’exposer la femme aux complications et à faire souffrir le bébé. « L’époque n’est plus celle des accouchements par voie basse coûte que coûte au risque de s’en sortir avec des séquelles comme des fistules ou les souffrances du bébé. L’heure de la qualité des naissances a sonné avec l’issue d’un bon produit de conception, d’un enfant qui naît sans grand dommage », déclare Dr Cheikh Atab Badji. Pour lui, cette technique médicale reste le remède de cheval contre les complications liées à l’accouchement et aussi « l’arme » inespérée pour combattre les mortalités liées à la naissance. C’est pour toutes ces raisons que la société doit avoir un regard positif sur l’augmentation des césariennes. « Il faut concevoir la césarienne comme une solution et non un problème. Beaucoup de vies de mères et de bébés tombent parce que ces braves femmes n’ont pas la chance de bénéficier de la césarienne. La question doit porter plutôt sur comment faire pour que la femme puisse bénéficier de la césarienne en cas de besoin. C’est cela qui permet de gagner la bataille contre la mortalité maternelle », oriente-t-il.
RENDEZ-VOUS AVEC… PR CHEIKH NIANG, SOCIO-ANTROPOLOGUE A L’UCAD : « IL Y A UN ÉCHEC DANS LA PRÉPARATION PHYSIQUE DE LA FEMME »
Dans son bureau-bibliothèque au Brgm (Bureau des recherches géologiques et minières) de l’Ucad, le socio-anthropologue Cheikh Niang nous expose d’emblée 4 livres qui brossent le sujet des accouchements. En se fondant sur les auteurs et sur les travaux, le chercheur fait une analyse sans complaisance de la délivrance artificielle. La hausse de cette dernière est la résultante de l’échec de la préparation physique et physiologique de la femme à subir l’exercice initiatique.
Professeur, dans le cadre de vos recherches, vous vous êtes intéressés aux questions liées à la santé comme la maternité. Quelle analyse faites-vous de l’augmentation des accouchements par césarienne au Sénégal ?
Il y a d’abord le fait que ce n’est pas un accouchement naturel. Il n’est certainement pas sans conséquence sur le corps de la femme et sur son vécu d’une manière générale. Mais, pour comprendre le phénomène, il faut le contextualiser et voir par quel processus on est arrivé à cet état de fait. A l’échelle internationale, nous avons des taux d’acception complètement différents au Brésil, en Hollande, en Suède… Je pense qu’il y a un engouement, une tendance à accepter la césarienne du fait qu’il y a une préparation, des influences de la promotion et de sa médiatisation. Donc, il y a une sorte de conditionnement. Ensuite, l’image de la césarienne qui a été projetée est celle d’une pratique médicale pratiquement sans risque. On n’a pas suscité la vigilance, la suspicion sur la césarienne. En plus, il y a le fait qu’elle est réservée à une catégorie de la population considérée plus ou moins éduquée et privilégiée. Or si nous reposons le problème sur un autre angle, nous pouvons bien promouvoir l’accouchement par voie naturelle. Mais, cela suppose un suivi qui va bien au-delà de la grossesse.
Pouvez-vous être plus explicite sur le suivi qui va au-delà de la grossesse ?
Si nous regardons dans des cultures africaines, la préparation à l’accouchement commence dès l’enfance. Cette phase de préparation et ce processus de socialisation ne sont pas reconnus par les systèmes officiels.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Si nous regardons dans la littérature anthropologique, de façon spécifique l’anthropologie physique, l’accouchement est un produit social. Des changements ont commencé à s’opérer dès le paléolithique. L’Homo sapiens a pris la posture debout. Il s’est posé un problème de délivrance. Cette posture debout de l’homme va être accompagnée de l’augmentation de la taille du cerveau alors que la place de l’utérus va changer. Ce processus n’est pas suivi par l’augmentation de la taille de l’utérus. L’augmentation du cerveau n’est pas accompagnée par l’élargissement de l’utérus. C’est pour cela que les femmes africaines ont travaillé depuis des millénaires à résoudre ce problème. Il fallait conditionner la femme, la préparer physiquement dès la naissance, développer certaines parties de son corps et travailler sur les techniques d’accouchement, notamment la posture accroupie. Lorsqu’on parle d’accouchement, on dit que l’enfant est tombé. C’est comme un fruit mûr qui tombe. Et il y a une personne qui vient le ramasser. Il est attiré vers le bas par l’attraction universelle. Il y avait une préparation physique et physiologique de la femme pour faciliter l’accouchement. C’est un long processus. Je peux aussi ajouter que durant la grossesse, l’un des défis, c’est le contrôle de la respiration. La femme va subir des pressions. Elle sera formée pour qu’elle puisse contrôler sa respiration par la pratique du puisage, le fait de piler. Les vieilles femmes ont réussi à cultiver les interdits alimentaires. La femme enceinte est tenue de ne pas prendre des aliments qui la font grossir et fait grossir le fœtus. En somme, il y a beaucoup d’exercices physiques auxquels elle était soumise et qui l’aidaient le jour de la délivrance. Mais, on a reproché au système traditionnel de surmener des femmes. Ces reproches sont formulés par le système dit moderne.
A travers cette analyse, on peut comprendre pourquoi la femme traditionnelle n’est pas encline à favoriser la césarienne. Parce que quelque part, la femme sort diminuée de l’accouchement artificiel. La césarienne, c’est aussi l’échec de la préparation physique et physiologique, de sa capacité à connaître son corps, à l’écouter, à faire des diètes alimentaires. Le phénomène ne doit pas être perçu comme un indicateur de performance, mais un échec de la préparation physique de la femme. C’est un échec de ce qu’on devait faire avant et pendant la grossesse. La césarienne devrait être la toute dernière opération à faire lorsqu’on n’a pas le choix, lorsqu’il faut sauver des vies. Elle ne doit pas servir à soustraire la femme des douleurs.
Pouvons-nous déduire que la construction de l’image de cette pratique médicale s’est faite au détriment de nos savoirs endogènes ?
D’une manière générale, la « modernité » est construite sur la base de la dévalorisation de nos savoirs traditionnels. On ridiculise les pratiques de préparation et les méthodes traditionnelles de délivrance des sociétés africaines. On considère ces organisations comme primitives. En fait, cela prolonge les rapports culturels politiques projetés dans des sciences médicales. Les sciences biomédicales ne sont pas neutres. Elles portent une charge coloniale. C’est précisément contre cela qu’il faut se réorganiser et montrer qu’il faudrait les améliorer du point de leur opérationnalisation, mais ils sont pertinents du point de vue des concepts. La « modernité » a été construite en dévalorisant notre héritage, notre savoir traditionnel et des héritages non européens. Nous avons un système qui évolue dans une société en crise en prenant le parti pris de ce qui domine. Ce n’est pas étonnant que l’Afrique reste le continent qui a le taux de mortalité le plus élevé au monde. Aujourd’hui tout doit être débattu et de manière approfondie.
Beaucoup de femmes accouchent par césarienne. Est-ce qu’il n’y a pas un effet de mimétisme ?
Les sociétés ne sont pas homogènes. Certaines femmes éduquées ont tendance à préférer la césarienne. Elles peuvent, dans une certaine mesure, influencer d’autres parce que dans une société, il y a souvent une quête de modèles. On veut souvent imiter les comportements auxquels on aspire. Cette influence peut être observée chez la catégorie intermédiaire, c’est-à-dire chez celles qui ont un niveau d’études moyen. Par contre, il est fort probable que plus le niveau d’instruction est élevé et moins elles vont accepter la césarienne. Les deux extrêmes vont se toucher. Mais, cela ne suffit pas pour enclencher la manière de voir les choses.
TRANCHE D’HISTOIRE… HOPITAL ROI BAUDOUIN : LE BÉBÉ DE LA COOPÉRATION BELGE
Créé au début des années 80, l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye est le berceau de la lutte contre la mortalité maternelle et infantile dans la banlieue dakaroise. Il ne faut pas y voir un lien avec le Roi Baudouin qui était orphelin de mère à l’âge de 5 ans et l’enfant mort-né de la Reine Fabiola en février 1962 et ses deux fausses couches.
L’hôpital Roi Baudouin a été fabriqué de toute pièce par les Belges. L’ancien centre de santé de référence était la limite du quartier de Guédiawaye. C’était dans les années 1980. L’établissement qui dépendait du grand département de Pikine avait une vocation précise. « Le centre de santé de référence a été construit et équipé par la Coopération technique belge. Les médecins étaient des Belges, les infirmiers et les sages-femmes étaient des Sénégalais », informe Ndiamé Sow qui avait travaillé dans le grand district de Pikine.
Implanté dans un milieu défavorisé, l’établissement avait une mission de dimension sociale et sanitaire. L’accessibilité financière et géographique aux soins de santé des habitants de cette partie de Dakar avait guidé le choix du site et fondé sa mise en place. « Roi Baudouin a été réalisé dans le but de faciliter l’accès aux soins, la lutte contre les maladies hydriques. L’établissement avait une longue tradition dans ce domaine. Mais, la structure s’est distinguée, depuis sa création, dans la lutte contre la mortalité maternelle et infantile », rapporte M. Sow.
La dimension particulière accordée à la lutte contre la mortalité maternelle et infantile peut rappeler la perte de la mère du parrain et les fausses couches de la reine Dona Fabiola de Moya.
Cette bonne réputation a été conservée au fil des années. Les Belges avaient préparé les praticiens sénégalais à prendre leur destin en main. Juste avant la fin de la coopération, les sages-femmes et les infirmiers avaient pris le soin de former des Sénégalais. « Avant la fin de la coopération, entre 1992 et 1993, les Belges ont formé tous les sages-femmes et les infirmiers du département de Pikine dans un grand institut de formation en Belgique. Ils ont reçu des formations en médecine tropicale et en santé publique », raconte Ndiamé Sow.
L’espacement des naissances et la lutte contre la malnutrition faisaient partie des axes d’intervention prioritaires du centre de santé érigé en hôpital de niveau 1 à la faveur de l’application des revendications des organisations syndicales. C’est le décret n°2010-774 du 15 juin 2010 qui a changé le statut de Roi Baudouin en même temps ceux de Youssouf Mbargane de Rufisque, de l’Institut d’hygiène et de Santé (ex-Polyclinique), de Ndamatou de Touba ainsi que des centres de santé de Tivaouane, Mbour, Linguère, Kaffrine, Richard-Toll et Sédhiou.
LE LEADERSHIP DES FEMMES DANS L'ÉLABORATION DE STRATÉGIES POUR JUGULER LE MAL
Bâtir une réponse régionale et internationale contre le terrorisme et l’extrémisme violent
Dakar abrite depuis hier, mardi 10 avril 2018, une conférence de haut niveau sur «Femmes, violence et terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel: bâtir une Réponse ré- gionale et internationale». Cette rencontre qui se termine ce mercredi, vise à assurer et renforcer la participation effective et le leadership des femmes et des organisations de femmes dans l'élaboration de stratégies de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent pouvant mener au terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel.
L e terrorisme est devenu une menace importante pour la paix, la stabilité, la sécurité et le développement en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Et, les femmes ont été les plus touchées par ce terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Elles subissent des actes méprisables d’abus physiques, psychologiques et de torture, surtout du groupe Boko Haram. Ainsi, dans le cadre de ses activités régionales, le Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS), organise en partenariat avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), le G5 Sahel, le Groupe de Travail Femmes, Jeunes, Paix et Sécurité en Afrique de l'Ouest et le Sahel, le Bureau des Nations Unies Contre le Terrorisme, avec la participation du ministère ministre de la Jeunesse, de la Construction citoyenne et de la Promotion du volontariat, une conférence de haut niveau les 10 et 11 mars à Dakar. La rencontre de deux jours ouverte, hier mardi au King Fahd Palace, à pour thème «Femmes, violence et terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel: bâtir une Réponse régionale et internationale» Partant de ce constat, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mohamed Ibn Chambas, regrette que des femmes subissent d’actes mé- prisables. «Si nous observons la région de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel, nous conclurons que les femmes sont directement touchées par le terrorisme. Elles subissent d’actes méprisables de torture et autres abus physiques et psychologiques. Les femmes, y compris les jeunes filles, y ont été tuées, violés ou enlevées par Boko Haram, AQMI, EI et d’autres organisations terroristes œuvrant vicieusement dans l’Afrique de l’Ouest et le Sahel».
IMPACT NÉGATIF DU TÉRRORISME SUR LES FEMMES
Par ailleurs, Mouhamed Ibn Chambas déplore le forcing dont font objet les femmes sous le joug des terroristes qui les poussent à commettre des crimes. «Sous un autre angle, les femmes, ont participé, parfois malgré elles, et souvent dans l’ignorance, à des attaques terroristes en tant que combattantes, kamikazes, porteuses de munitions lors d’opérations, de recruteuses, de domestiques, de cuisinières et d’esclaves sexuelles». Par ricochet, ces actes terroristes influent considérablement sur l’économie de ces pays. «Les femmes jouent un rôle actif dans l’agriculture et les moyens de subsistance ruraux. Mais, la crainte des attaques du groupe des terroristes a conduit beaucoup d’entre-elles à se cacher ou fuir dans des camps pour personnes déplacées à l’intérieur du pays», renseigne-t-il.
DE LA NÉCESSITÉ DE COORDONNER LES INTERVENTIONS
Pour sa part, la Commissaire des affaires sociales et genre de la CEDEAO, Madame Siga Fatima Jagne, appelle à une mutualisation des actions dans la lutte contre l’extrémisme violent afin de juguler le mal à la racine. «Je vous invite à vous approprier le plan d’action 2017-2020 pour la composante Femmes, Paix et Sécurité du cadre de prévention des conflits de la CEDEAO (CPCC), adopté en février 2017, par les ministres en charge du Genre et de la Femme des 15 états membres. Il met en exerce l’importance de placer les femmes dans des positions centrales dans des questions de paix et de sécurité et souligne l’urgence de trouver des solutions aux facteurs structurels qui déterminent leur exclusion auxdits processus».
LA SENSIBILISATION, UN FACTEUR IMPORTANT
Quant à Madame Marie-Josée Kandanga de l’ONU Femmes, elle est revenue sur le rôle de sensibilisation et de prévention des femmes contre l’extrémisme violent et l’absence de ressources financières et matérielles qui amoindrissent leur chance d’y parvenir. «C’est important de tenir compte du rôle clef que doivent jouer les femmes dans cette lutte. Elles ont le potentiel. En tant que citoyenne, mère, elles peuvent bien jouer le rôle de prévention dans la lutte contre l’extrémisme violent mais aussi pour l’accompagnent et la réintégration de toutes ces personnes qui ont été affectées. C’est l’occasion de mener un plaidoyer en faveur d’appuis pour les femmes, pas seulement avec la bouche et les bonnes intentions mais par des appuis techniques et financiers».
L’ÉDUCATION DOIT JOUER UN RÔLE DE PREMIER PLAN
Venu représenter le ministre de la Jeunesse, de la Construction citoyenne et de la Promotion du volontariat, Madame Aminata Diongue, conseillère technique chargée du genre au dit ministère, aborde l’approche éducation comme un des meilleurs moyens pour lutter contre ce phénomène qui sévit en Afrique. Pour elle «au plus bas niveau, la lutte contre ce phénomène commence par l’éducation des enfants, leur surveillance, leur sensibilisation. Mais surtout leur dire ce qu’il en est. Parce que l’éducation, c’est un problème de société mais ça débute d’abord dans le ventre de la maman, la cour puis la rue avant d’aller sur la place publique, avant que l’enfant ne prenne le chemin de l’école ou de l’atelier pour aller chercher du travail».
LA PEAU DURE DES STÉRÉOTYPES
La place des femmes dans la politique est à l’image de ce qu’en pensent les Sénégalais - Une partie des citoyens doute encore de leurs capacités de gestion, d’autres sont convaincus
La place des femmes dans la politique est à l’image de ce qu’en pensent les Sénégalais. Si une partie des citoyens doute encore de leurs capacités de gestion, d’autres, par contre, en sont convaincus, même si une frange de cette dernière catégorie pense que le pays n’est pas encore prêt à être dirigé par une dame.
La dame Salimata Diallo tient son petit commerce dans un populeux quartier de la commune de Pikine-Nord. Elle ne donne pas l’air d’avoir soufflé ses 75 bougies, tant elle déborde d’énergie. Elle est d’autant plus enthousiaste à aborder la question de la place de la femme dans la politique, qu’elle est convaincue, depuis bien longtemps, qu’en matière de capacité de gestion, la femme est l’égale de l’homme. ‘’Je le dis toujours, nous les femmes devons être responsabilisées davantage dans la gestion de la cité. Nous savons gérer. C’est pour cette raison que je peine à comprendre pourquoi leurs candidatures ne passent pas. Je vote depuis les années 80, mais ça n’évolue pas. Dans la dispersion, nous n’allons jamais obtenir la majorité. Les femmes sont dans les partis politiques, mais elles y jouent les seconds rôles’’, se désole celle que l’on surnomme affectueusement ‘’Mame Diallo’’. Pour remédier à la situation, elle préconise une synergie des forces afin d’éviter d’aller au front en rangs dispersés.
Elève en classe de terminale au lycée Seydina Limamoulaye de Guédiawaye, Sokhna Awa Makalou Mbow passerait pour quelqu’une qui a une dent contre des hommes politiques. Elle ne comprend pas pourquoi la gent féminine ne parvient pas à se faire une place au soleil des instances de décision. ‘’En tant que femme, si j'ai l'occasion de voter pour une femme, je le ferai, parce que la femme a les mêmes capacités que l’homme. Quand elle veut, elle peut. Avec l'émancipation de la femme, on la retrouve dans tous les domaines de la vie. Avec ses qualités, son savoir-faire, sa pudeur, sa force, son honnêteté et son intelligence, elle peut bien gérer un pays’’, déclare cette nouvelle mariée. (…)
Abdoulaye Ba, la trentaine sonnée, trouvé dans une boutique sise aux Almadies en train de faire ses achats, est catégorique sur la question. Chauffeur de profession depuis 20 ans, il pense qu’il faut attendre encore pour voir une femme présidente de la République. ‘’Arrêtez de chercher l’impossible ! Les Sénégalais ne sont pas encore prêts à mettre à la tête du pays une femme’’, déclare le jeune homme. Selon lui, cela est dû à plusieurs paramètres. ‘’Socialement parlant, nous ne sommes pas encore prêts à le faire. Il y a des choses que les politiciens font et dont les femmes ne pourront pas faire. Tout ce qui est trahison, deal et combines ne collent pas à la femme sénégalaise. Du coup, même si je le souhaite, je sais que ce n’est pas demain qu’on aura un Sénégal dirigé par une femme’’, pense-t-il.
Technicienne de surface et originaire d’un village du Sine-Saloum, Maïmouna Sène est contre toute idée de mettre une femme dans la gestion des affaires. En fait, son vécu et ses origines lui font croire qu’une femme ne fera pas l’affaire. ‘’Je suis foncièrement contre. A chaque fois que je vote, ma carte va à un homme. Nous les femmes aimons trop les détails et cela ne fait pas bouger un pays. La gestion demande beaucoup de rigueur et d’abnégation que nous n’avons pas. Pour dire vrai, la place de la femme, c’est dans son ménage. Du moins, c’est ce que j’ai connu et vécu depuis ma tendre enfance. En ville, la réalité est autre’’, laisse entendre cette demoiselle dont l’accent laisse aisément deviner son appartenance ethnique sérère. Avant de presser le pas pour rejoindre son lieu de travail à Fann-Hock.
Professeur de français dans un établissement scolaire privé de la ville de Rufisque, M. Ba se donne à cœur joie sur la question. Et contrairement à Maïmouna Sène, non seulement il est pour la promotion des femmes, mais il trouve même faible la place qu’elles occupent actuellement. ‘’Je juge anormal que, sur les 4 grandes institutions du pays, il n’y ait qu’une seule femme à la tête (Aminata Tall, Présidente du Cese) de l’une d’elles. Les femmes doivent se mobiliser davantage. Je pense que c’est la seule façon de changer la donne. Elles sont minoritaires dans toutes les instances de représentation et de décision, et pourtant, elles sont plus nombreuses. Donc, où se trouve le problème ?’’, se demande-t-il. M. Ba a sans doute réponse à sa propre question, puisqu’il conseille aux femmes de ne plus accepter d’être ‘’du bétail électoral’’. Avec sa voix rauque et imposante, il croit dur comme fer qu’un jour, une dame sera au palais.
‘’Depuis 60 ans, les hommes dirigent et rien ne marche’’
A Thiès, la ville rebelle, des femmes ont été rencontrées non loin de la promenade des Thiessois, dans les quartiers Médina Fall, Guinaw Rails, Diakhao, mais aussi au ‘’Bayalou ya Khoudia Badiane’’. Les positions sont plutôt partagées. Si les unes sont pour qu’une femme préside aux destinées des Sénégalais, les autres ont quelques réserves. ‘’Mettons les hommes au-devant pour diriger. Nous, de notre côté, nous allons les accompagner’’, disent quelques-unes. Non ! Rétorque les autres. ‘’Depuis 60 ans, les hommes dirigent et rien ne marche. Donc, essayons avec les femmes pour voir. Elles vont mettre le pays sur les rampes de l’émergence. Nous devons croire en nous-mêmes. On ne doit plus accepter de jouer aux applaudisseuses, encore moins de passer tout notre temps à remplir les salles de réunion ou les meetings ; bref, d’être à la solde des hommes’’, répliquent des dames qui s’activent dans la vente des produits locaux.
‘’Franchement, nous sommes dans une société qui a ses normes. Les femmes doivent se limiter à la gestion du ménage, à l’éducation des enfants. Il faut qu’on arrête d’être des suivistes. Nous sommes au Sénégal, donc, on ne devrait pas s’aventurer dans certaines considérations du genre : donner plus de pouvoir aux femmes. Ça va nous créer plus de problèmes que de solutions’’, soutient, par contre, un habitant de Tassete, dans la région de Thiès.
Selon le vieux Aymirou Sylla, chacun doit jouer sa mission dans la société. Et celle de la femme, d’après lui, est de rester à la maison !