Les causes du myome inquiètent de plus en plus les acteurs de la santé. Cette maladie si mal connue fatigue les femmes, entraîne d’énormes conséquences. Ce qui fait que son seul traitement, pour le moment, reste l’opération.
Le fibrome, c’est toute une histoire. Mais aussi que d’histoires à son propos. C’est du moins l’avis du gynécologue obstétricien Cheikh Atab Badji. Entre le vrai et le faux, l’imaginé et l’imaginaire, entre le su et le cru, le fibrome, cette pathologie bien de chez nous par sa fréquence, reste encore mal connue du grand public, scolarisé ou non. Fibrome, myome, myomatose. Tous ces noms, dit-il, renvoient à l’intrus, cet hôte indésirable.
Il faut préciser d’emblée, pour répondre à une question souvent posée ‘’hors antenne’’ par bien des conjoints, que le fibrome ne se contamine pas. Il s’agit d’une sorte de ‘’boule’’ qui se développe sur l’organe utérin de la femme, c’est-à-dire celui qui porte le bébé en cas de grossesse.
‘’Ces boules vont avoir tendance à devenir plus grosses, plus nombreuses au point de coloniser tout l’utérus, exposant ainsi la femme à un risque de concevoir difficilement, de faire des avortements répétés, d’accoucher prématurément, de saigner après l’accouchement, de s’imposer un accouchement par césarienne, du fait des obstacles qu’elles constituent ou de la mauvaise position qu’elles font adopter à l’enfant dans le ventre’’, explique Dr Badji.
Trois choses à préciser, en cas de fibrome
La taille, le nombre et la position. Plus il est gros, plus il peut entraîner une gêne en comprimant le voisinage, occasionnant ainsi des envies fréquentes d’uriner ou des constipations. ‘’En plus, un gros fibrome peut donner l’impression d’un ventre d’une petite grossesse.
Quant au nombre, il est évident que, plus les noyaux de fibrome (ou myomes) sont nombreux, plus le cas est critique’’, explique l’homme de l’art. Qui précise qu’il y a trois types de position pour le myome. Soit il est fixé sur l’utérus, mais se développe vers l’extérieur tout en restant accolé à la paroi, soit il se développe dans la paroi même, ou enfin il se développe carrément à l’intérieur même de l’utérus.
Ce dernier cas est plus dangereux car, souligne Docteur Atab, même s’il est de petite taille, il entraîne des saignements anormaux comme des règles prolongées ou répétitives et anormalement abondantes.
Le traitement
Un simple fibrome composé juste d’un seul ou deux petits noyaux, d’un ou deux voire trois centimètres, peut nécessiter juste une surveillance, sans traitement spécifique à condition qu’il n’entraîne aucune complication ou qu’il ne soit pas entièrement situé dans l’utérus.
Par contre, renseigne le gynécologue, s’il est gros, atteignant la taille d’une mandarine ou d’une orange ou plus, si les noyaux sont nombreux et importants, si le noyau est à l’intérieur de l’utérus, ou s’il entraîne un saignement génital important, perturbant sérieusement les règles, là, le traitement, c’est l’opération chirurgicale.
On parle de myomectomie dont le but consiste à enlever le ou les noyaux de fibrome en laissant l’utérus en place. Dans certains cas, les myomes sont tellement importants que le chirurgien est obligé d’enlever l’utérus. ‘’Il s’agit souvent du cas des femmes qui ont laissé évoluer leur fibrome, soit par négligence, soit par peur, soit sur mauvais conseils de charlatans qui leur ont fait perdre beaucoup de temps, en leur faisant croire pouvoir guérir le fibrome. Le traitement du fibrome, sous nos cieux, c’est l’opération’’
Quand le charlatanisme s’invite au traitement
‘’Le fibrome, c’est une marchandise prisée dans le marché florissant du charlatanisme. Ceux qui prétendent le guérir ne savent malheureusement pas ce que c’est. Le nom sonne et tonne tellement fort, dans l’entendement populaire, qu’il provoque anxiété et angoisse. Or, anxiété et angoisse sont des ressources pour ceux qui cherchent leur place sous le soleil de la maladie. Pour reconnaître le charlatan, son discours par rapport au fibrome suffit.
Pire encore, le discours anecdotique à partir de cas isolés d’ici et d’ailleurs constitue un véritable appât’’, prévient le médecin. De ce fait, poursuit-il, l’échographie brandie, certifiant initialement l’existence d’un fibrome et qui aurait secondairement disparu n’a aucune valeur car, explique-t-il, dans la pratique quotidienne, il existe parfois de faux diagnostics de fibrome non confirmés par un examen effectué par un plus expérimenté.
De plus, devant le caractère têtu de ces noyaux, la parade est souvent trouvée derrière le prétexte de leur régression. Or, là encore, met en garde Dr Atab Badji, il est important de savoir qu’un examen échographique fait par le même praticien chez la même malade et le même jour ne retrouve pas toujours exactement les mêmes mesures, à plus forte raison, quand il s’agit d’un tiers.
‘’Malheureusement, bien des femmes regrettent leur utérus pour avoir perdu beaucoup de temps avec leur fibrome. Autant dire que la véritable maladie et qui fait le lit de bien des maladies, c’est tout simplement l’ignorance, en partie imputable au manque de communication ou de contre-communication du corps médical’’.
MÈRE COURAGE
Le diagnostic de sa maladie - Sa longue période d’infertilité - Les infidélités de son mari jusqu’à son suicide - L’ablation de son utérus - Marie revient de l’enfer
Le diagnostic de sa maladie, sa longue période d’infertilité, les infidélités de son mari jusqu’à son suicide, l’ablation de son utérus, Marie revient de l’enfer. Aujourd’hui, ‘’mère’’ de deux enfants : Alexandra et Jules Diop, elle ne vit que pour eux et garde sa joie de vivre. Elle peut compter sur le soutien de sa famille.
Rien chez elle n’indique la solitude dans laquelle elle vit depuis 2010. Son visage radieux et sa peau éclatante sont les témoins d’un courage pluriannuel. Pourtant sa souffrance a commencé en 2009, quand elle a perdu son mari.
Un mariage dont elle n’aime pas beaucoup parler. Ce, à cause des nombreuses situations traversées dans son ménage pour non-enfantement. ‘’Vous savez, confie-t-elle, le mariage n’est pas du tout facile. Quand on se marie, c’est pour toute une famille. Toute la lignée du conjoint gère le ménage et cela ne marche pas.’’ L’année suivante, elle a perdu son utérus.
‘’Mon calvaire’’
Frotte-dents entre les lèvres, elle affiche un petit sourire, juste pour cacher son amertume. Marie Badiane a vécu avec sa maladie sans le savoir. Durant de longues années. Lorsqu’elle a su qu’elle avait le fibrome, elle a eu peur de subir une opération. Pendant ce temps, les myomes ont continué leur progression, jusqu’à atteindre un certain niveau. Et voilà que l’heure de son mariage a sonné.
Elle avait presque 40 ans. Loyale et sincère, elle a fait part à son futur conjoint de sa maladie, avant de se lancer dans le mariage. ‘’Il n’a rien trouvé de grave. C’est lui-même qui m’a dit qu’il fallait que j’affronte ma peur et me fasse opérer. La nuit, je ne dormais pas. J’ai trop souffert avec ces fibromes. Mais mon mari m’a beaucoup soutenu, au début’’, raconte-t-elle.
Pour faire plaisir à son époux, la sexagénaire et originaire de Saint-Louis a décidé de se faire opérer, après deux ans de mariage, et de nombreuses fausses couches. Mais celui-ci, monté par sa famille, a retourné sa veste. Il n’a pas voulu payer les frais de l’opération ni verser un kopeck pour la prise en charge de cette dernière. Marie ne travaillait pas et n’avait aucune source de revenus.
‘’Je n’ai pas voulu en parler à mes parents. Je suis l’aînée d’une famille et mon devoir est de les aider. A chaque fois que ma maman me demandait quand aurait lieu l’opération, je lui répondais par, soit le médecin a voyagé, soit les travailleurs de la santé sont en grève. Parfois, je lui donnais une date pour échapper à ses interrogations.’’ Elle passait d’un ‘’mensonge’’ à un autre pour cacher à ses parents le calvaire qu’elle vivait dans son foyer.
Sans enfant après cinq cinq années de mariage, son mari n’assurait plus la dépense quotidienne. Il passait même ses nuits en dehors de la maison. ‘’Je vivais seule avec le poids de la douleur. Je me sentais délaissée, abandonnée. Ma belle-famille ne me supportait pas, parce que je n’avais pas d’enfants.’’
Prenant son courage à deux mains, elle est allée voir un gynécologue. Ce dernier lui a fait savoir l’état d’avancement des myomes qui étaient nombreux. La seule option, pour elle, était de se faire opérer le plus rapidement possible, vu son âge avancé et qu’elle voulait avoir des bouts de bois de Dieu.
‘’Nous avons commencé le traitement pour me donner une chance d’être mère. C’était en 2008. Deux années de tentatives vaines. Il m’a dit qu’il faut faire l’opération. Là, nous avons commencé les démarches.’’
‘’J’ai été très négligente’’
A ce moment, comme son conjoint cherchait à assouvir ses besoins ailleurs, il a fini par choper le VIH/Sida. Un jour, alors que Marie se préparait à aller à son rendez-vous, son mari la fit venir pour lui annoncer la nouvelle. ‘’Heureusement pour moi, nous n’avions pas eu d’intimité pendant plus de quatre mois. C’est ce qui m’a sauvée. Parce qu’il me lançait souvent des mots très choquants. Il me maltraitait’’, raconte-t-elle.
Contrairement à son conjoint, Marie lui a apporté tout son soutien. Mais hélas ! Il a fini par se suicider. ‘’C’était un jeudi. Je préparais la bouillie pour nos enfants Alexandra et Jules que nous avons adoptés. Nos voisins se sont mis à crier. L’un d’entre eux est venu me dire que mon époux est mort, qu’il s’est pendu’’, se remémore-t-elle.
‘’La courageuse’’ arrête les explications. Respire profondément. Sa mine devient pâle. Les yeux rougis, la tristesse se lit sur son visage. ‘’C’est inexplicable’’, ajoute-t-elle. C’était en 2009.
Ensuite, les choses sont allées de mal en pis. Car, après une année de veuvage, elle a subi l’opération du fibrome. On lui a enlevé son utérus. ‘’Imaginez qu’on l’enlève. J’ai été très négligente…’’.
Elle n’arrive pas à terminer sa phrase. Les larmes commencent à couler sur ses joues. Tout son corps tremble. Elle n’arrête pas de pleurer. Les minutes passent, Marie n’arrive toujours pas à se ressaisir. Finalement, c’est sa petite sœur Anna Badiane qui prend la relève. ‘’Elle s’en veut parce qu’elle dit qu’elle a négligé sa maladie. Elle a tout le soutien de sa famille. D’ailleurs, elle a passé son année de veuvage à la maison’’.
Selon Anna, sa sœur est une femme pétrie de courage. C’est pourquoi, elle a pu tenir. ‘’Elle adore ses enfants. Ils sont sa raison de vivre. En plus, elle travaille dur pour bien s’occuper d’eux et de nous en même temps. Nous sommes fiers de l’avoir comme grande sœur’’, s’empresse-t-elle de dire.
L’ENNEMI DES FEMMES
Une vraie enquiquineuse, le fibrome est de ces maladies qui pourrissent la vie des femmes
Le fibrome est un véritable casse-tête pour les femmes qu’il terrifie. Cette maladie échappe aussi aux serres de la science qui ignore encore des choses sur elle. Aussi, cause-t-elle d’énormes problèmes aux femmes. Non seulement, elle les empêche de vivre normalement et sereinement leur grossesse, mais, les exposent à un accouchement difficile, voire pire, une vie sans enfant. Reportage.
Une vraie enquiquineuse de femmes. Le fibrome est de ces maladies qui pourrissent la vie des femmes dont les conséquences peuvent être dramatiques, lorsqu’il conduit à l’ablation de l’utérus, les empêchant de connaître les joies de l’enfantement. La maladie est d’autant plus dangereuse qu’elle passe souvent inaperçue.
Touchant près d’un tiers des femmes, le fibrome ou myome est mal connu des populations. Au courant de lannée 2016, 40 femmes ont subi une opération fibromateuse à l’hôpital de Mbour. Le nombre peut sembler petit, mais les fibromes sont très fréquents chez les femmes âgées de 35 à 40 ans. Ils ressemblent à des boules dures et blanches. Leur sévérité dépend de la taille, de leur emplacement et de leur nombre. Mais ils varient d’une femme à une autre.
Ils causent des douleurs pelviennes, parfois brutales et atroces au niveau du bas-ventre. La femme ressent une pression, une lourdeur au niveau du bassin. ‘’J’ai découvert mes fibromes par pur hasard. Quand je me suis mariée, j’ai commencé à ressentir de fortes douleurs. Je pensais que j’avais des problèmes de reins, car je ressentais les douleurs à cette hauteur.
Travaillant dans un cabinet médical, j’ai alors fait une échographie pelvienne. Je souffrais de règles abondantes et très douloureuses’’, explique Mme Ndao. Un médecin lui a prescrit des antalgiques mais les médicaments ne la soulageaient pas. 4 ans après, elle a subi une intervention. ‘’Je vais bien maintenant. Mais ça me laisse une vilaine cicatrice. C’est mieux que rien’’, dit-elle avec le sourire.
‘’Le matin, quand je me réveille, je me sens lasse’’
La quarantaine déjà sonnée, Oumy Samb a découvert son fibrome, il y a 5 ans de cela. ‘’On m’a dit qu’il faut que je me fasse opérer, mais j’ai peur. Une de mes nièces a découvert les siens, après moi, et elle s’est fait opérer. Bien que ça me fatigue, j’hésite encore à passer sur la table. Le matin, quand je me réveille, je me sens lasse et je ne parviens pas à sortir du lit’’. Il se trouve aussi que pendant les règles et les rapports sexuels, la femme ressent des douleurs. Pis, les fibromes causent de l’anémie et de la fatigue.
Le traitement est clair et net, pour venir à bout de ‘’cette vilaine maladie qui indispose la femme, il faut faire une opération, mais seulement lorsqu’elles commencent à faire mal, à saigner ou à comprimer un organe. Bien qu’il n’y ait pas de risque de développer un cancer de l’utérus, les douleurs qu’elles provoquent sont insupportables’’, explique un praticien. ‘’J’ai de terribles maux de ventre. Et je prends des cachets pour calmer les douleurs, en vain’’, renchérit une dame de 40 ans.
Depuis des années, elle suit un traitement médicamenteux qui ne fait que soulager ses douleurs. Pour régler le problème de manière définitive, elle doit se faire opérer. Mais, comme Oumy Samb, elle a peur. Dans le même quartier, deux jeunes femmes ont déjà subi l’opération. Pour les soigner, il faut nécessairement se soumettre à une opération chirurgicale. Ces fibromes qu’on appelle aussi myomes, explique une interlocutrice, enlèvent toute chance à une femme d'être mère. Cette maladie dont on parle rarement est un véritable adversaire pour les femmes qui veulent tomber enceinte.
Infertilité et fausse couche
Après son mariage, Kiné Ndiaye a eu toutes les difficultés du monde à tomber enceinte. Soucieuse de sa situation, elle est allée consulter un gynécologue. Le médecin lui a demandé de faire une échographie après consultation. ‘’Il a fini par découvrir que je souffrais de fibrome. Il y avait une rivalité entre un fœtus et les fibromes.
Ces derniers se sont logés à la place du bébé’’, narre-t-elle. En effet, au cours d’une grossesse, les fibromes peuvent entraîner des complications, comme un risque de fausse couche, d’accouchement prématuré ou une insertion anormale du placenta. ‘’Si le fibrome est volumineux, il peut aussi gêner le bon déroulement de l’accouchement’’, confie Oumy Samb, mère d’une fille de 14 ans. Elle n’arrive toujours pas à retomber enceinte, à cause de son fibrome.
Bien que la médecine soit très développée et avancée, la cause des fibromes reste encore méconnue. Selon un agent médical, on n’a pas encore avancé de causes claires de l’apparition des fibromes. Cependant, des facteurs probables de risques sont soulevés tels que l’hérédité.
‘’Une femme dont un membre de la famille au 1er degré (mère ou sœur) a eu un fibrome est plus susceptible d’en développer. Ou encore l’origine ethnique, les femmes d’origine afro-américaine et africaine présentent plus de risques de développer un fibrome utérin que les autres groupes ethniques tels que les Caucasiennes, Hispaniques, Asiatiques. De plus, les femmes noires ont des fibromes à un âge plus précoce et ceux-ci sont souvent plus gros et plus nombreux’’, dit-il.
VIDEO
PEAU NOIRE, MASQUES BLANCS
Beaucoup de femmes sénégalaises veulent embrasser, aujourd'hui, les canons de la beauté occidentale, arabe, brésilienne ou indienne. D'où vient cette obsession? Les réponses du professeur Massamba Gueye
Les canons de beauté de la femme sénégalaise ont évolué. Le professeur Massamba Gueye explique, dans cet entretien avec le site Setalmaa.com, les raisons qui poussent, aujourd'hui, beaucoup de femmes sénégalaises à vouloir ressembler à la femme occidentale, arabe, brésilienne ou indienne.
Voir vidéo.
VIDEO
LES FEMMES SAOUDIENNES PRENNENT LE VOLANT
Un décret royal publié hier, mardi 26 septembre, autorise désormais les Saoudiennes à conduire
Les Saoudiennes vont être autorisées à conduire, selon un décret royal publié mardi soir par l’agence de presse officielle SPA. Le roi Salmane a ordonné «de permettre d’accorder le permis de conduire aux femmes en Arabie saoudite», indique le texte.
Ce royaume ultraconservateur du Golfe est le seul pays au monde où les femmes n’avaient jusqu’ici pas le droit de conduire. Elle sont également soumises à la tutelle d’un homme de leur famille - généralement le père, le mari ou le frère - pour faire des études ou voyager.
Mais dans le cadre de son ambitieux plan de réformes économiques et sociales à l’horizon 2030, Ryad semble assouplir certaines de ces restrictions et tente prudemment de promouvoir des formes de divertissement malgré l’opposition des ultraconservateurs.
Samedi, des centaines de Saoudiennes avaient pris place pour la première fois dans un stade de Ryad, à l’occasion de la fête nationale qui a donné lieu à des concerts et des feux d’artifice. Jusque-là, les femmes n’étaient pas admises dans les stades en application de la règle de séparation entre les sexes dans les espaces publics.
L'IMAM PREND DEUX ANS POUR VIOL
Le tribunal des flagrants délits de Dakar a condamné à 2 ans de prison ferme un imam d'un quartier de Diamaguène, reconnu coupable de viol
Le ciel s’est assombri sur l’Imam d’un quartier de Diamaguène, dans la banlieue de Dakar. Poursuivi pour charlatanisme, viol suivi de grossesse, O. Thioub a été condamné lundi par le Tribunal des flagrants délits de Dakar, à 2 ans de prison ferme.
Selon Les Echos, le mis en cause, marabout à ses heures perdues, avait reçu la victime pour une séance consultation. Seuls dans une chambrette du marché de Sicap-Mbao dans la localité de Diamaguène, il administra une potion magique à la dame, Nd. Khary. Le liquide ingurgité, celle-ci perd aussitôt connaissance à cause des effets de la potion dont O. Thioub avait seul les secrets.
Sur ces entrefaites, constatent nos confrères, il profite pour assouvir sa libido. Quelques minutes plus tard, le constat de la dame est douloureux. Le pagne presque dénoué, elle remarque des traces de sperme sur parties intimes. Ayant eu honte de s’en ouvrir à son vis-à-vis sur le chaud de l’action, elle reprend son chemin et rentre comme si de rien était.
Hélas ! La période des menstrues arriva et rien ne se signala. Un autre mois, rebelote. Elle sen ouvre finalement au septuagénaire qui, tout naturellement du monde, refusant que sa “notoriété” soit salie par cette affaire, nie en bloc les faits à lui reprochés.
Mais les démarches entreprises par les membres de la famille de la victimes, ont finalement eu raison de lui. Pour étouffer l’affaire et trouver une solution à l’amiable, l’imam propose la somme de 24 000 Fcfa et la prise en charge de tous les frais liés à la grossesse jusqu’à son terme. Pas suffisant, dit le canard de Front de Terre pour convaincre la famille de la victime. Qui a saisi la police. O. Thioub sera arrêté puis déféré au Parquet pour les faits précités.
Jugé lundi, à Dakar, il a reconnu coupable et condamné à 2 ans de prison ferme. Les plaidoiries de ses avocats qui ont dénoncé un coup monté puisque la victime ne produit aucun certificat médical attestant les faits allégués contre leur client, n’ont pas pesé lourd sur la balance.
UN «NOUVEAU-NE» DU PROCESSUS DE PAIX EN CASAMANCE
ZIGUINCHOR - FORUM DES FEMMES DE L’ESPACE SENEGAL/GAMBIE/GUINEE-BISSAU
Elles ne sont plus seules dans la recherche de la paix en Casamance, ces femmes de la Casamance. Leurs sœurs de la Gambie et de la Guinée-Bissau ont décidé de se joindre à elles pour jouer pleinement leur partition dans la résolution de cette crise en Casamance. Hier, elles ont ensemble formalisé le forum des femmes de l’espace Sénégal/Gambie/Guinée-Bissau, une structure déjà en gestation depuis des mois et qui est maintenant officielle. L’occasion a été saisie par les femmes des trois pays, à savoir le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau, pour décliner leur feuille de route. Un cheminement mis en place depuis 2014, après de multiples rencontres dans ces pays limitrophes.
«Nous avons travaillé spontanément; la Gambie avait son problème et les femmes de la Gambie et de la Guinée-Bissau nous ont rejoint dans notre combat pour la recherche de la paix. Quand il y a eu la crise postélectorale en Gambie, nous avons appuyé et soutenu les femmes de la Gambie. Et, avec elles, nous avons rendu visite à nos sœurs de la Guinée-Bissau», a lancé Madame Ndèye Marie Thiam, présidente de la Plateforme des femmes de la Casamance qui déclare avoir mené des actions ensemble, fruits de la formalisation de ce cadre qui œuvre pour la paix et la sécurité dans l’espace Sénégal/Gambie/Guinée-Bissau.
Cette nouvelle structure a été mise sur pied à Ziguinchor, en présence de quelques représentants du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) et avec le soutien de l’Etat du Sénégal représenté par l’adjoint au gouverneur de région. L’adjoint à l’exécutif régional estime «que le combat pour la paix vaut tous les sacrifices et le Sénégal est résolument tourné vers la consécration de la paix. Nous partageons les mêmes objectifs, les mêmes ambitions et les mêmes valeurs et nous devons comprendre que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous désunit…»
Avec ce cadre d’échange pour la paix mis sur pieds par les femmes des trois pays frontaliers, le combat pour la consolidation de la paix s’intensifie dans cette partie sud où souffle, depuis quelque temps, un vent de paix et de stabilité. Une structure portée sur les fonts baptismaux à la veille de la célébration de la Journée internationale de la paix. Une occasion saisie par les différents acteurs impliqués dans la recherche de paix en Casamance pour échanger et évaluer le processus qui avance doucement et lentement.
Par Penda MBOW
DU POUVOIR CONFIDENTIEL DES FEMMES AU SENEGAL !
Notre pays manque d’ambition en ce qui concerne les capacités et le pouvoir des femmes - Depuis l’indépendance de ce Sénégal, aucune femme n’a occupé un seul ministère de souveraineté
Au lendemain de la nomination des membres du gouvernement Dione II, il est peut être utile de s’arrêter un peu pour analyser le « pouvoir » des femmes au Sénégal, de réouvrir le débat pour qu’on puisse avancer.
Je ne reviendrai pas sur la parité dont je ne serai jamais une grande militante, car je sais que les fondamentaux seront difficilement en place pour permettre l’émergence de véritables figures de femmes capables de conquérir non pas un pouvoir d’influence mais un pouvoir transformationnel de notre société qui malgré son héritage historique, s’ancre davantage dans le patriarcat propre aux sociétés indo-européennes.
Dans un livre publié récemment par Elisabeth Badinter intitulé, « le pouvoir au féminin. Marie-Thérèse d’Autriche 1717-1780- L’impératrice- reine », l’auteure reprend une réflexion de Frédéric II de Prusse à propos de la reine: « le désir de dominer ne la quittera que lorsqu’elle ne sera plus ». Or dans une démocratie, une figure comme celle de Marie Thérèse ne peut exister que sous forme d’influence et cela peut se révéler à la longue nocif. Si le règne de la reine Elisabeth II d’Angleterre perdure c’est parce qu’elle a si peu de prise sur la marche des affaires.
Pour revenir à la réalité sénégalaise, notre legs historique à travers Nder, les Reines du Walo, les princesses du Baol, du Cayor, la résistante Aliin Sitoé relève d’un recours limité pour les femmes voulant conquérir le pouvoir au Sénégal. Ce pays est -il capable de générer Indira Gandhi, Sirimao Bandaranaye, Benhazir Bhuto, Angela Merkel, Michelle Bachelet ou même plus près de nous, une Eleen Sirleaf Jonshon.? Je le crois difficilement car plus on avance, plus on nous ancre dans la figure de la mère tutélaire pétrie de valeurs religieuses.
Et pourtant les valeurs de civilisation négro-africaines, pour paraphraser le poète et théoricien Léopold Sédar Senghor qui se fondent sur le matriarcat et le système matrilinéaire de transmission du pouvoir par les femmes constituent l’ossature de l’ouvrage de Cheick Anta Diop sur les « fondements d’un Etat fédéral » et la base d’un véritable pouvoir des femmes. Faut -il rappeler cette phrase magnifique de Pathé Diagne dans le pouvoir traditionnel : « c’est un bâton maternel qui a tracé le Sine »?
Notre pays manque d’ambition en ce qui concerne les capacités et le pouvoir des femmes. Depuis l’indépendance de ce Sénégal, aucune femme n’a occupé un seul ministère de souveraineté et pourtant cela existe dans d’autres pays africains. Les seules exceptions se limitent au cas du Ministère de la justice; et ce fut dans l’euphorie des alternances lorsque Mame Madior Boye fut nommée en 2000 à la justice pour préparer la réforme constitutionnelle et Aminata Touré en 2012 pour mener la traque des biens mal acquis. Elles ont certainement réussi leur missions sinon, on ne les aurait pas retrouvées Premier Ministre.
Le talent, l’accumulation de connaissances, la rigueur et la constance dans l’engagement ne constituent guère des gages de succès et de réussite. pour une femme au Sénégal, le pouvoir demeure fondamentalement masculin. Pourquoi par exemple, une Marie Angélique Savané n’a jamais pu être élue à la députation dans ce pays? Celles qui ont marqué le temps d’une législature l’Assemblée nationale ont toujours eu peu de chance de rempiler. On disserte encore sur le sort des femmes qui ont eu le privilège d’avoir été Premier Ministre, le temps d’une rose. Pourront -elles aller plus loin?
Au fond, on est toujours dans ce rapport ambiguë que l’on a avec les femmes dans l’espace public depuis la période coloniale, je vous renvoie aux « Mémoires » d’Adanson, où il explique que pour contrôler la société, il fallait passer par les mbotay des femmes ou encore le rapport que Lamine Guèye avait avec Soukeyna Konaré ou Senghor avec Adja Ndoumbé Ndiaye.
Il est encore difficile à des Thioumbé Samb ( PAI) d’émerger véritablement. La politique limitera toujours le pouvoir des femmes; seules des circonstances exceptionnelles bouleverseront l’ordre des choses. Le travail sera long, difficile, car la capacité de résilience des hommes est puissante. Le nombre de femmes ayant accès aux instances de décision ne signifie pas fondamentalement pouvoir des femmes.
Le problème qui se pose est surtout celui de la construction d’un leadership féminin porteur d’alternative. Cela se fait sur la longue durée et les questions de légitimité, de reconnaissance ne relèvent pas forcément du temps politique. L’apport aux dynamiques, changements sociaux et démocratiques sont aussi des éléments dont il faut absolument tenir compte lorsqu’on veut relever les défis.
Penda Mbow, Historienne
1 Ce texte, je le prépare surtout pour une encyclopédie sur le pouvoir et qui devra paraître à Oxford; évidemment après approfondissement. J’en profite d’ailleurs pour rendre hommage à une grande sénégalaise, le Professeur Eva Marie Coll Seck.
Elle a fait la fierté, des femmes sénégalaises sur le plan international; à l’instar de personnalités comme le Professeur Ndioro Ndiaye mais elle a surtout joué un rôle clé dans la société civile dans les années 90. Grâce à son engagement précoce, on a pu limiter le taux prévalence sida au Sénégal. Il est vrai que toute mission a une fin et le défi de la santé dans un pays comme le nôtre, malgré l’expérience d’Eva, ses réseaux et relations demeure une véritable gageure. Si on a pu confiner l’épidémie à virus Ebola dans les marges; nous le devons essentiellement au Professeur Eva Marie Coll Seck.
FAUT-IL LÉGALISER L'IVG AU SÉNÉGAL?
Les nombreux cas d'infanticides posent la question de la dépénalisation de l'avortement au Sénégal
Le Monde Afrique |
Marame Coumba Seck |
Publication 18/09/2017
En février, un corps de bébé a été retrouvé sous un camion dans le parking du stade Léopold-Sédar-Senghor, à Dakar. Le commissaire Mandjibou Lèye, alors en poste au quartier des Parcelles-Assainies, se souvient : « Le corps avait été placé dans un sachet en plastique puis déposé sous un camion. Des mécaniciens m’ont prévenu, et nous avons envoyé le corps à l’hôpital de Grand-Yoff pour une autopsie. Agé de trois jours, le nouveau-né était mort par suffocation. »
Le même mois, une découverte tout aussi macabre a été faite à la gare des maraîchers de Pikine, en banlieue de la capitale sénégalaise. Et depuis deux ans, quatorze cas similaires ont été recensés dans les décharges d’ordures de Mbeubeuss, selon Al-Hadji Malick Diallo, le président de l’association des récupérateurs, pour qui ces chiffres sont l’arbre qui cache la forêt, car certains corps sont rapidement dévorés par les chiens.
« Il arrivait que nous retrouvions une partie du corps du bébé, raconte M. Diallo. Parfois c’était une main, parfois un pied… Les récupérateurs les laissaient aux chiens ou les enterraient. A mon arrivée en 2012 à la tête de l’association, je leur ai demandé de m’informer de tous les cas de bébés ou de restes retrouvés. Désormais, j’alerte la police et les sapeurs pompiers à chaque nouveau cas. »
Sur la table de son bureau exigu, au milieu de documents poussiéreux et froissés, M. Diallo pose une feuille jaune intitulée « Réception de fœtus » et sur laquelle il tient le morbide décompte du cimetière de bébés qu’est devenue la décharge de Mbeubeuss. Date, sexe, lieu et observations : tout y est consigné. « Je disposais aussi des photos, mais je ne les ai plus », s’excuse-t-il.
Ignorance des méthodes contraceptives
Ces cas à répétition mettent au jour un phénomène préoccupant au Sénégal : l’infanticide. Selon la dernière enquête sur la situation économique et sociale du pays effectuée par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) en 2012, les cas d’infanticides représentaient 25 % des affaires jugées aux assises (devenues entre-temps chambres criminelles). La même année, la direction de l’administration pénitentiaire avait recensé 29 femmes détenues pour infanticide.
Dans la seule capitale, les répertoires des chambres criminelles du tribunal de grande instance font état de quatorze femmes condamnées ou en détention préventive pour infanticide, sachant que retrouver l’auteur d’un tel acte est souvent compliqué. « On peut recevoir un appel anonyme qui nous informe de l’accouchement d’une femme dont on n’a pas vu le bébé, explique M. Lèye. Ou bien cela peut être le petit ami qui vient porter plainte. »
En mars, une femme a été condamnée à sept ans de prison pour infanticide à Diourbel, à 150 km à l’est de Dakar. Le phénomène touche principalement les quartiers pauvres où les habitants vivent dans une forte promiscuité. « Cela explique grandement certains comportements tels que le viol, la pédophilie, l’inceste et la prostitution parfois déguisée », déduit M. Lèye. Des dérives qui, selon lui, encouragent l’infanticide.
Les motivations évoquées par les femmes qui prennent la décision de mettre un terme à la vie de leur progéniture sont en effet principalement les souffrances liées au viol, à l’inceste et des relations difficiles avec le conjoint. Les mariages non consentis, la pauvreté, l’ignorance ou la négligence des méthodes contraceptives renforcent la tentation de l’infanticide avec, comme catalyseurs communs, la pression sociale et le refus de la honte. « Ces grossesses non désirées surviennent dans un contexte d’hostilité morale et religieuse plongeant les femmes dans l’isolement, précise le psychologue Serigne Mor Mbaye. Abandonnées, elles se retrouvent fragilisées. »
M. Mbaye pointe une autre raison : l’adultère dans les zones de forte émigration. « On observe de nombreux cas dans les régions de Louga et de Tambacounda. Alors que les maris s’absentent pour une longue durée, il arrive que des femmes tombent enceintes à la suite de relations adultérines. Dans un inconfort psychologique fortement lié à la stigmatisation et à l’isolement, elles se débarrassent de leur bébé à sa naissance après plusieurs tentatives d’avortement. » L’infanticide est ainsi, à chaque fois, l’aboutissement d’un avortement manqué.
L’IVG, un enjeu de santé publique
Face à ces drames, d’aucuns, comme l’Association des juristes sénégalaises (AJS), veulent ouvrir un débat sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le Code pénal, en son article 305, interdit l’avortement, sauf si la vie de la mère est en danger. « Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen, aura procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte, qu’elle l’ait consenti ou non, sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 20 000 à 100 000 francs CFA [de 30 à 150 euros] », précise la loi.
De même, le Code de déontologie médicale du Sénégal accorde aux femmes l’avortement thérapeutique si cette intervention est le seul moyen de sauvegarder la vie de la mère. Mais cette exception est encadrée par des procédures longues et coûteuses. Trois médecins différents doivent attester que la vie de la mère est réellement en danger et qu’elle ne peut être sauvée que par une IVG, avant d’envoyer leur décision au président de l’Ordre des médecins.
Conséquence : dans l’impossibilité d’accéder à un avortement médicalisé, certaines femmes cachent leur grossesse pour se débarrasser de l’enfant au moment de l’accouchement, après plusieurs tentatives d’interruption manquées. Elles tombent alors sous le coup de l’article 285 du Code pénal, qui punit l’infanticide de cinq à dix ans de prison. A l’hôpital de Thiaroye, une sage-femme raconte : « Une jeune fille s’est présentée ici pour interrompre sa grossesse après avoir été violée par son père. Je l’en ai dissuadée et, après l’accouchement, nous avons envoyé le bébé à la Pouponnière de la Médina, à Dakar », un organisme tenu par des sœurs franciscaines.
Selon l’AJS, l’accès à un avortement médicalisé est devenu un enjeu de santé publique et la pénalisation de l’IVG a des conséquences dramatiques sur la santé sexuelle et reproductive des femmes. L’association mène donc une campagne pour la légalisation de l’avortement médicalisé en cas de viol ou d’inceste. Et rappelle que l’Etat sénégalais a ratifié sans réserve le protocole de Maputo, qui, en son article 14, invite les Etats africains à autoriser l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale ou physique de la mère.
Mais ce combat se heurte aux conservatismes religieux. « Il y a une forte résistance des responsables musulmans et catholiques, qui estiment que cette pratique n’est pas conforme à la religion », observe Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe parlementaire majoritaire à l’Assemblée nationale, devenu depuis chef de cabinet du chef de l’Etat, Macky Sall. Mais les choses évoluent : « Dans un pays où 95 % de la population est musulmane, notre plaidoyer doit passer par les marabouts, estime Ami Sakho, juriste membre de l’AJS. Et certains religieux, après nous avoir écoutées, sont favorables à notre campagne. »
Par Fatimé Raymonne Habré
DE L'INSTRUMENTALISATION DE LA JUSTICE
Dans l'arène politique, le prince au pouvoir cherche à assurer sa longévité, ou augmenter ses chances de l’emporter aux élections, non pas par sa capacité à gagner à la loyale, mais plutôt par sa détermination à affaiblir, à neutraliser ses rivaux
À l’intérieur du système politique, les jeux de pouvoir mettent en situation d’affrontements, les prétendants au trône. Les aspirations démocratiques ont entraîné une mutation dans l’art de gouverner, de faire de la politique, tout comme dans l’art de neutraliser les adversaires dans l’arène politique. De nos jours, la sophistication des moyens d’action contre l’adversité politique, est devenue la grande perversion des démocraties.
Plus d’une personne s’est interrogée sur la troublante coïncidence dans la révélation de ce que les journalistes ont appelé avec gourmandise, « Le Pénélope Gate « , au moment même, où le candidat François Fillon remportant la primaire de la Droite, se trouvait en pôle position pour la présidentielle française.
Par sa mise en examen, des magistrats ont changé le cours des élections. Ce n’est pas rien. La Justice et la Politique se sont télescopées dans un contexte électoral majeur. Une enquête menée tambour battant, presque à marche forcée, des magistrats pressés agissant sur la base d’un article de presse.
L’origine de la fuite a suscité des interrogations. Dans ce cas particulier, pouvait-on parler réellement de journalisme d’investigation ? Il serait plus juste de dire qu’il était question de journalistes, gestionnaires de fuites et surfant intelligemment, sur une sensibilité démocratique de citoyens encore sous le choc de l’affaire Cahuzac, et son discours sur la probité en politique que partageait, par ailleurs, M. François Fillon.
On constate donc que dans cette arène politique, face à ses adversaires, le prince au pouvoir cherchera à assurer sa longévité à la tête du pays, ou augmenter ses chances de l’emporter aux élections, non pas par sa capacité à gagner à la loyale, mais plutôt par sa détermination à affaiblir, à neutraliser ses rivaux. On est bien loin du gladiateur qui remportait le combat dans l’arène grâce à son courage, à son habilité et à sa force. Place donc aux intrigues savamment montées dans des shadow cabinets avec la contribution des professeurs de Droit, des ONG, des juristes et des spécialistes de la communication.
Tous détournés de leur mission première dans un Etat de Droit, où ils devraient tous concourir à sa consolidation par le respect des principes et valeurs d’une société démocratique. Désormais, recrutés dans les chapelles politiques, ils manœuvrent sans cesse et mettent leurs différentes expertises au service de la politique politicienne, trompant, tripatouillant les concepts pour installer de faux débats et de la confusion dans l’esprit des citoyens.
On les a vus accompagner l’action des Chambres Africaines Extraordinaires (CAE) grâce aux interventions d’un Consortium d’agences de communication assis sur un budget de plus de 500 millions de francs CFA, se positionnant à Bruxelles, Ndjamena et Dakar; et dont l’objectif affiché et assumé, était la mise en place d’une campagne de lynchage médiatique pour anéantir la présomption d’innocence dans le cadre d’un procès pénal, mais aussi pour opérer un balisage médiatique pour une lourde condamnation.
La justice est ainsi quotidiennement mise au service de la politique. Force est de relever que dans l’espace françafricain, Dakar, Cotonou, Ndjaména, Niamey émettent sur la même longueur d’ondes. Partout, la volonté de vaincre sans réellement combattre, a ouvert, grandes, les portes des prisons, pour y jeter les opposants politiques. De même, la volonté de conserver le pouvoir, passe par la satisfaction des réseaux françafricains et s’il faut pour cela, jeter en prison un homme qui ne vous a rien fait, ce sera fait.
La prison comme châtiment aux engagements politiques du Président Habré, c’est bien sûr, le deal Paris-Dakar. Bien avant la nomination des juges des CAE, lors d’une réunion du Comité de pilotage constitué avec les Ambassadeurs occidentaux, l’administrateur des CAE, M. Ciré Ali Ba déclarait : « Le Sénégal n’a pas d’argent à mettre dans le procès Habré, sa contribution sera de mettre à disposition 14 magistrats qui continueront à toucher leur solde (et donc garderont leur lien de subordination et d’obéissance à l’autorité politique), les CAE pouvant leur donner une indemnité. Le Sénégal vous donnera ensuite un terrain pour y construire une prison. » Donc, bien avant la désignation des juges, on annonce le châtiment ; le Président Habré ira en prison ! Sceller son sort, était très important pour le pouvoir au point qu’il s’y engagea avant même de commencer à réaliser ses projets nationaux les plus urgents.
Par ailleurs, en faisant passer ses adversaires par la case prison, que cherche un pouvoir politique? Par la prison, l’adversaire est soustrait physiquement du corps social mais aussi de la visibilité publique. Il perd ainsi son droit à l’action et à la parole. C’est un atout majeur pour le rival politique et pour la Françafrique qui souhaite donner des leçons à la jeunesse africaine dans l’affaire Habré.
La prison est un coup d’arrêt pour l’homme politique, privé de mouvement sur le terrain, privé aussi de sa liberté d’agir et d’échanger avec ses militants. Autrefois, cette sanction passait par une prise de corps, et on marquait l’individu au fouet et au fer rouge pour démontrer le droit de vie et de mort du prince sur ses sujets. Le silence du Président Habré, sa non-participation, sa position de refus face à la mascarade judiciaire exaspéraient, au plus haut point, ceux qui voulaient l’humilier, le détruire par ces poursuites judiciaires.
N’ayant pas réussi à briser sa détermination, ils initièrent des brutalités sur sa personne, exprimant ainsi leur volonté irrépressible de s’approprier, de maîtriser son corps pour y inscrire leur domination. Dans cette guerre politique, médiatique et judiciaire, le corps du Président Habré était un trophée qu’il fallait exhiber et montrer au monde entier par l’objectif politique des caméras de la Radio Télévision Sénégalaise (RTS), faisant preuve ainsi d’une violence institutionnelle absolue.
On peut souligner en comparaison, qu’aucune photo de Karim Wade plaqué à terre, en pleine salle d’audience, par les gendarmes, n’a été rendue publique! C’est dire à quel point, de simples petits détails peuvent éclairer sur l’état des droits d’une personne entre les mains d’un pouvoir représenté par un ministre de la Justice plein de haine.
Le pouvoir politique doit désormais gérer un esprit qui dérange, et, la prison est devenue une machine à contrôler, mesurer et surveiller. Un isolement total, des caméras de surveillance, des portiques de sécurité sont partout au Cap Manuel, où est détenu le Président Habré. Seulement voilà, là où il y a abus de pouvoir, il y a des résistances.
Et les affrontements et les luttes de pouvoir vont créer une articulation entre l’intérieur de la prison et l’extérieur. L’homme politique destitué de sa liberté de communiquer, va essayer de transformer ce lieu de discipline, d’écrasement et de déshumanisation en un espace de résistance, en un point d’appui pour une action politique et militante, comme un levier, un instrument d’engagement et de mobilisation politique (par exemple ; les séjours d’Abdoulaye Wade en prison sous le règne d’Abdou Diouf, ou encore, récemment, le jour de la récente décision de la Cour Suprême, les militants de Khalifa Sall, Maire de Dakar en prison, se sont positionnés sur la corniche, au rond point de la Cour Suprême, portant un tee-shirt avec les symboles des 100 jours de détention, et ont utilisé l’image des menottes pour les zéros du nombre 100). Une action de communication politique qui a fait mouche sur la corniche.
Par ces actions de résistance, l’homme politique emprisonné aura réussi à souligner les lignes de fragilité des tenants du pouvoir. La prison est un lieu où l’on cherche à dissoudre une identité, le pouvoir politique s’attaque avant tout, à l’homme et non à ses crimes vrais ou faux (qui s’intéresse à l’argent dépensé dans l’affaire Khalifa Sall?). Il est évident que la prison pour le Président Habré, révèle une volonté de le priver de sa liberté de mouvement, mais aussi de le détruire tout simplement.
L’homme politique en prison, par sa détermination à continuer un combat politique dans ce lieu de privation, grâce à des manœuvres politiques (visites nombreuses de militants, de chefs religieux, de comptes rendus de sa vie en détention, de lettres ouvertes), aura réussi à faire bouger les lignes, les jeux de pouvoir se trouvant brouillés, les rapports de force ne sont plus tout à fait du côté du pouvoir, qui se voit forcé de travailler à une évolution (exemple : Karim vers le Qatar).
Tout peut alors basculer, les frontières sont mouvantes et vont contribuer à redéfinir le cadre des affrontements, car les rôles peuvent s’inverser, le prisonnier peut être applaudi et le prince fustigé (Khalifa SALL est élu député en prison). Le Président Habré est applaudi à son entrée dans la salle n° 4 du Palais de justice et à sa sortie. Les juges des CAE et les responsables de la Radio Télévision Sénégalaise( RTS), ont convenu d’extraire ces parties des vidéos du procès qui témoignaient pour l’Histoire, que leurs initiatives contre le Président Habré étaient fustigées par les applaudissements de la salle. Mis en prison, privé de sa liberté, dans sa résistance, le Président Habré a, quant à lui, refusé jusqu’au bout, le jeu du pouvoir.
Sa condamnation à la prison à vie par le pouvoir du Président Macky Sall troublera, pour longtemps encore, la conscience morale de ceux que la politique a rendu aveugles, au point d’avoir un trou de mémoire sur le sort d’un homme en prison depuis plus de quatre années. Le couple maudit « Justice et Politique » a enfanté la justice politique, véritable arme de répression aux mains de magistrats soumis aux pouvoirs établis.
Le Président français Emmanuel Macron a expliqué récemment, qu’il fallait des héros en politique pour la France. Plus que jamais, nous aussi, il nous faut, en Afrique, des héros pour la défense de la Vérité, pour une fidélité à la République, en respectant ses principes de démocratie, d’éthique, de justice, de développement et en combattant l’esprit de défaite devant les challenges.
Pour relever un tel défi, nous Africains, devons accompagner notre quotidien d’actes à la hauteur de cette ambition que nous devons porter, nous aussi, en tant que citoyens, et pas seulement nos Chefs d’Etat.