L’absence de toilettes ou leur manque d’hygiène influe négativement sur la fréquentation scolaire des filles, notamment celle des adolescentes. Elles ratent souvent les cours pendant leurs menstrues. Une situation qui risque d’être exacerbée par cette réouverture des classes en pleine pandémie du Covid-19. Le Chef de la section éducation du Fonds des nations unies pour l’enfance (Unicef), Matthias Lansard, trouve qu’il faut apporter des améliorations dans la prise en charge de cet aspect dans les écoles.
Ce 28 mai, date à laquelle est célébrée la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, coïncide cette année avec la propagation de la pandémie à Covid-19 et la reprise annoncée des cours, pour les élèves en classe d’examens, le 2 juin prochain. Une situation qui risque d’être inconfortable pour les potaches, notamment les filles en période de menstrues, à cause de l’absence d’un système d’assainissement adapté. Le Chef de la section éducation de l’Unicef, Matthias Lansard, en se fondant sur des données du ministère de l’Education nationale publiées en 2018, soutient que 69% des établissements préscolaires ont des latrines, et ces données sont portées à 77% pour l’élémentaire et 84% pour le moyen.
Par contre, ajoute-t-il, de fortes disparités existent selon les milieux urbain ou rural. En guise d’exemple dit-il, «seules 54% des écoles élémentaires ont des toilettes à Kédougou». En conséquence, il trouve que «les conditions d’hygiène sont malheureusement loin d’être optimales dans les établissements scolaires, et ce particulièrement en milieu rural. Cette situation s’illustre en termes de disponibilité de toilettes, mais c’est également le cas en termes d’accès à l’eau potable, et à des dispositifs de lavage de main».
Pis, ajoute-t-il, le nombre de toilettes est souvent insuffisant et les infrastructures qui existent ne permettent pas toujours d’offrir des toilettes séparées aux filles et garçons. Mathias Lansard déplore, en outre, le fait qu’au-delà de la disponibilité, ces équipements posent souvent la question de leur entretien et de leur utilisation. «Si les toilettes ne sont pas propres, elles ne sont forcément pas utilisées de manière optimale. L’usage du savon fait également souvent défaut et les environnements scolaires sont parfois sales, sans système de nettoyage vraiment effectif et systématique».
S’agissant des conséquences de ce manque d’hygiène sur la scolarisation, surtout sur chez les adolescentes en période de menstrues, il estime qu’il ne peut pas manquer d’avoir des répercussions sur leur présence à l’école. «Ce n’est pas encore bien documenté au Sénégal, mais il est indéniable que les filles, en période de menstrues, manquent régulièrement l’école lorsque les conditions d’accueil des établissements scolaires ne sont pas optimales», a-t-il soutenu.
Pour changer cette donne, Mathias Lansard juge qu’il faut promouvoir l’intégration de la gestion de l’hygiène menstruelle dans les établissements scolaires (élémentaire et moyen) avant que les filles n’aient leurs premières menstrues. Il trouve aussi qu’il faut donner une voix aux élèves pour qu’ils puissent exprimer leurs besoins et leurs demandes, notamment à travers la généralisation de la mise en place des gouvernements scolaires. Pour lui, il convient aussi de promouvoir le développement des réseaux d’enseignantes à travers le ministère de l’Education et la mise en place de modalités de soutien et d’entraide pour les filles.
par la chroniqueuse de seneplus, Rama Salla Dieng
FÉMINISME, RELIGION ET CULTURE AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - L’Islam est interprété pour asseoir la position dominante des hommes - Cette suprématie masculine est la cause de toutes nos revendications - ENTRETIEN AVEC MAIMOUNA E. THIOR ET ADAMA POUYE
Elles sont jeunes et pleines d’énergie. Débarrassées du complexe de la femme chosifiée auquel la gent feminine est souvent en butte dans la société sénégalaise, elles ont décidé d’épouser l’idéal féministe pour un changement de comportement à l'endroit de leurs paires. Entretien croisé avec Maimouna Eliane Thior, vivant en France et Adama Pouye, à Dakar.
Bonjour Maimouna et Adama, c’est un plaisir d’avoir récemment échangé avec vous au sujet de l’actualité sénégalaise. Pouvez-vous vous présenter s’il vous plait ?
Maimouna: Bonjour Rama, merci de nous offrir cette tribune pour pouvoir nous exprimer sur ces questions. Je m’appelle Maimouna Eliane Thior, j’ai vingt-six (26) ans. Je suis en deuxième année de doctorat en sociologie et je travaille sur l’histoire politique et socio religieuse des sénégalaises et leur rapport à la globalisation: entre féminisme occidental et féminisme islamique. Je m’intéresse à l’évolution et/ou au changement de l’identité des sénégalaises partagées entre la religion majoritaire du Sénégal qu’est l’Islam et le legs de la culture occidentale accentué par la mondialisation et la modernité à travers les médias sociaux.
Adama: Bonjour Rama, le plaisir est partagé. Je suis Adama Pouye et j’ai vingt-trois (23) ans. Je suis étudiante en master 2 communication, bibliothécaire de profession. J’ai commencé à réellement m’engager sur les questions féministes depuis peu. Je travaille actuellement, dans le cadre de mon mémoire de master, sur la place du corps féminin dans la publicité ces dernières années.
Quelle est votre définition du féminisme ? Et quelles sont vos influences et inspirations feministes ?
Maimouna: Ma définition du féminisme est très simple, j’emprunterai la réponse de Mariama Bâ dans Une si Longue Lettre: « Si défendre l’intérêt des femmes c’est être féministe, oui je suis féministe ». Je m’inspire des noires américaines, qui à elles seules peuvent subir toutes formes de discriminations qui puissent exister. Au-delà des discriminations dues aux rapports sociaux que chaque femme subit dans le monde, les américaines peuvent être confrontées aux discriminations liées à la race, à la religion, au capitalisme…Je vois les africaines en situation d’immigration subir ces mêmes injustices, et cela qu’elles veuillent conserver leur culture d’origine ou pas. Je convoque très souvent l’outil “intersectionnalité”, qui est en sociologie une notion de réflexion politique développée par une universitaire américaine (Kimberlé Crenshaw) pour évoquer la situation des personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification. Ce concept me permet donc, d’analyser les différentes oppressions des sénégalaises à un niveau local mais aussi les situer dans la hiérarchisation mondiale en terme de race.
Adama: Pour moi, le féminisme est une revendication des droits de la femme, une aspiration vers l’équité. Equité au lieu d’égalité pour être plus juste. L’équité fera que dans tous les domains, on verra la femme au-delà de son genre, rien ne sera plus basé sur le sexe. Le féminisme est une dénonciation pour tendre vers une société plus juste et plus humaniste. Une de mes grandes influences est Chimamanda Ngozi Adichie avec son “happy feminism” qu’elle a mentionné dans “nous sommes tous féministes”
Chaque mois, nous remarquons des scandales sexistes sur les plateaux d’émission télé. Nous nous rappelons toutes avec émoi l’affaire Songué, et il y a eu cette semaine l’émission de Sen TV qui a aussi été le théâtre de propos misogynes intolérables, quelle lecture faites-vous de ces événements?
Maimouna: Je trouve que ces émissions reflètent la réalité de nos sociétés actuelles. La plupart des « expressions choquantes » est ce que pense vraiment la majorité. Cela nous choque parce c’est à la télé et qu’on met des visages sur ces mots. Il faut regarder ces émissions pour savoir comment les gens pensent pour trouver des solutions de sensibilisation afin de changer certaines visions. La dernière émission sur le féminisme sur la SenTV a fait voir qu’il y avait différentes catégories de femmes, celles qui défendent la polygamie, celles qui veulent un époux possessif et rigoureux, celles qui ne travaillent pas pour être au service exclusif de l’époux, les plus diplomates, les féministes radicales… Sans oublier les deux hommes qui s’accrochent à leur pouvoir. Cela devrait nous rappeler qu’il y a encore du travail à faire en occupant l’espace public, les médias et même impacter l’éducation nationale. Nous n’avons plus le droit de baisser les bras et écourter les travaux entamés par nos aînées qui nous ont permis d’aller massivement à l’école. Maintenant qu’on a toutes massivement été l’école jusqu’à un certain niveau, le défi serait de rendre la prochaine génération plus autonome et plus libérée dans leurs choix de vie.
Adama: Ces nombreuses sorties scandaleuses peuvent être vues comme encouragées par le peuple sénégalais lui-même. Plus les émissions choquent plus elles attirent le grand public. Les offenses faites aux femmes ne se limitent pas à la presse audiovisuelle. En décembre passé, le quotidien L’observateur, l’un des journaux les plus lus au Sénégal avait à sa une “Objet de tous les désirs: IPhone fait perdre la tête aux sénégalaises. Elles sont capables de vendre leur corps pour un IPhone”, quelques jeunes ont dénoncé par-ci par-là à travers Twitter, entre autres média social, mais sans résultat. Les auteurs s’en sortent pratiquement toujours indemnes. Pour revenir sur le plateau de cette semaine sur la SenTV, il y avait des femmes qui étaient sur le plateau qui semblaient même encourager ces dires. Une des femmes a d’ailleurs dit ouvertement “dama bëgg goor bu tang”, comme quoi certains sévices dont sont victimes nombre de femmes sont normalisés et mêmes appréciés. Un plateau où il y avait plus de cinq femmes n’a guère découragé le monsieur qui a comparé les femmes à des chiennes.
J’ai personnellement partagé les passages en question sur mon compte Twitter et sur mon statut Whatsapp pour m’en indigner. La majeure partie des réactions étaient du genre: “ils n’ont rien dit de grave, c’est à prendre au sens figuré”. Notre société elle-même a associé aux femmes l’acceptation, le silence et ces dernières l’ont accepté de la manière la plus naturelle.
Ces propos ne sont-ils que le reflet de la société sénégalaise? Pensez vous qu’ils sont dus à l’ambivalence de notre société à califourchon entre culture islamique et occidentale? Doit-on parler d’un patriarcat ou de plusieurs patriarcats?
Maimouna: Comme je l’ai dit plus haut, ces propos ne sont pas des révélations exclusives. Les personnes invitées dans ces émissions donnent leurs avis sincères sur les sujets liés aux rapports sociaux. En effet, le Sénégal est partagé entre héritage islamique et occidental. Ces propos choquent très souvent parce que dès lors qu’on évoque des questions féminines, nous sommes souvent renvoyé.es à des références religieuses pour essayer de bloquer un débat. Une bonne partie des sénégalais.es ont grandi donc avec ces rhétoriques et ont fini par croire qu’il n’y avait d’autres versions en dehors de celles rattachées à la religion. Or, j’estime que les sources religieuses font l’objet d’interprétations diverses dépendant de la culture, de l’époque, de la position géographique, etc. Il y a aussi ces sénégalais.es foncièrement coutumiers (ères) qui peuvent faire des amalgames entre des traditions et les préceptes de l’Islam. Ils/Elles ne croient pas à une quelconque évolution de la culture au nom de la modernité ou de la mondialisation. De la même façon, ils conservent le traitement d’un verset concocté pour un contexte ou une situation précise. Dans ces cas-là, le cocktail des us et de la religion peut être explosif.
Pour ce qui est des influences occidentales, bon nombre de sénégalais sont allergiques à des concepts modernes comme le féminisme. Il est vu comme un outil péjoratif qui cherche à détruire l’écosystème sénégalais. Dakar peut vivre au rythme de Paris en termes de mode, d’actualité, de façon de parler, de manger dans une famille nucléaire, mais se rétracte dès qu’il s’agit d’émanciper les femmes ou leur donner du pouvoir. Encore que le pouvoir des femmes dans des sphères professionnelles peut-être bien vu, mais la phobie réside principalement dans les répercussions au niveau des ménages ou la répartition des rôles.
Adama: Effectivement, comme l’a dit Maimouna, ces sorties reflètent la réalité sénégalaise. La condition de la majorité des femmes reste précaire malgré que les femmes ells-mêmes pensent le contraire. Beaucoup d’anti-féministes se fondent sur la religion pour rejeter la place que la femme doit occuper dans la vie sociale, professionnelle, religieuse. L’Islam est interprété pour asseoir la position dominante des hommes, assouvir les envies d’un mari irresponsable qui ne se base sur la religion que quand il a tort, conserver des privilèges qui ne reposent sur aucun mérite. La religion musulmane peut être vue comme l’une des plus féministes qui soit, la femme y occupe une grande place. D’aucun.es diront que la femme ne doit pas occuper de hautes responsabilités ou diriger un homme ; pourtant le prophète Mouhamed PSL travaillait pour celle qui devint son épouse (Khadija). Cette dernière était une très grande commerçante à l’époque et donc une entrepreneure ou businesswoman à la nôtre, pourtant elle était la femme modèle en Islam. Voyez la contradiction avec ce que veulent nous faire croire les prêcheurs et prêcheuses. Certaines sources notamment du côté du sociologue britannique et australien Bryan Turner en matière de sociologie des religions nous révèlent qu’avant l’arrivée de l’Islam, dans certaines tribus arabes, existaient des pratiques d’infanticides de filles et que le statut de la femme y était médiocre. Cela a été d’ailleurs rapporté que Ibn Abbas, un des compagnons du Prophète (PSL) en avait parlé « Si vous voulez découvrir l’ignorance des Arabes (avant l’Islam), lisez le verset de la sourate « El An’am» : « Ils sont perdus ceux qui ont tué leurs enfants par sottise et par ignorance et qui déclarent illicites les choses que Dieu leur a dispensées. Ils sont égarés et ne suivent point la bonne direction. » (Coran 6.140). L’Islam a permis d’abolir ce genre de pratiques, de valoriser la femme. La culture islamique ne peut donc être la raison d’une si grande méprise des relations de genre dans le discours de certains Sénégalais.
Nous devons dès lors chercher les raisons de cet acharnement du côté de la tradition sénégalaise et du côté des valeurs qu’elle inculque. Kocc Barma, cité comme une référence en matière de sagesse disait “Jigeen sopal te bul woolu”(Oumar Sall, a récemment montré qu’il pourrait s’agir d’une déformation, et plutôt: “Jigeen soppal, du la woolu”). D’autres expressions comme celles-ci sont répétées à longueur de journée aux hommes et aux femmes le fameux “jigeen moytul” ou encore “jigeen day mugn ngir am njabott bu baax” ou encore lorsque l’enfant commet des maladresses “doom ja, ndey ja”. Tous ces messages misogynes véhiculés dans l’apprentissage de comment devenir un(e) adulte, durant la circoncision (neegu goor), les discussions avant mariage pour la femme (yebb) et notamment dans l’affectation des tâches ménagères instaurent un subconscient arrêté qui ne peut concevoir une certaine égalité en droit, en dignité entre sexe féminin et masculin. C’est un message implicite, subtil, que les Sénégalais(es) se passent de génération en génération sans forcément s’en rendre compte.
Au Sénégal, quels sont les stéréotypes les plus établis qui sont associés aux féministes (colériques, mal-baisées, anti-hommes)? Qu’est-ce qui les explique? Pensez-vous qu’ils soient dus à la pseudo incompatibilité entre culture africaine ou sénégalaise et féminisme?
Maimouna: Je pense qu’on cherche à nous rabâcher un cliché qui vient d’ailleurs. Les premières féministes européennes étaient traitées d’hystériques, aujourd’hui on leur reproche de trop réfléchir parce que le féminisme est devenu un outil intellectuel admis à l’université. Dans une société où le mariage détermine la valeur de la femme, je ne vois pas comment les Sénégalaises peuvent être anti-hommes. Dans une société où l’éducation sexuelle (même sous l’angle religieux) est taboue, où l’aspect érotique du couple est réservé qu’aux femmes, je ne pense pas qu’elles se connaissent assez pour savoir si elles sont bien ou mal baisées. Les sénégalais.es ont besoin d’une définition spécifique du féminisme pour pouvoir l’adopter. Ce qui est très normal parce qu’il y a autant de féminisme(s) que de pays, il s’adapte selon les besoins et les urgences de chaque société. Si les sénégalais.es ont besoin qu’on leur explique que les féministes sénégalaises ne cherchent pas à copier le modèle occidental, nous devons recommencer à zéro. Il est très souvent dit que les africaines ont toujours été féministes dans la pratique, là où les européennes ont eu une liberté d’expression. Nous avons alors une base sur laquelle il faut ajouter des notions modernes à l’image des réalités de notre époque.
Adama: Il faut savoir que la mentalité populaire sénégalaise place toute l’essence de la femme chez l’homme. Pour elle, femme épanouie est surtout une femme mariée avec des enfants. Toujours si l’on s’y base, lorsqu’une femme est heureuse elle n’a pas besoin de se plaindre et donc de se soucier de questions féministes “importées”. Le travail des féministes sénégalaises contemporaines devra s'intéresser à un processus de déconstruction de toutes ces idées faites. Le féminisme est large et mène plusieurs combats. A nous de contextualiser chacune des revendications, que les problèmes féministes soulevés soient les nôtres, conformes à notre société et exprimés dans un langage qui parle au Sénégalais. Ainsi, je pense qu’au fur et à mesure le large public s’y retrouvera et ces clichés disparaîtront peu à peu. Persévérance !
Un mot sur les violences basées sur le genre?
Maimouna: Les violences basées sur le genre sont de plus en plus dénoncées, la parole se libère avec l’arrivée des médias sociaux et des dispositifs mis en place par des hommes et des femmes pour éradiquer ce fléau. Cependant, il s’agit d’informer et d’éduquer les femmes afin qu’elles connaissent leurs droits juridiques pour leur propre bien-être mais aussi pour leur progéniture. Beaucoup de femmes hésitent à quitter leurs foyers, si oppressées, par faute de moyens. Elles ne savent pas si elles doivent bénéficier de pension ou non. Je suis contente de constater qu’il y a une sensibilisation progressive sur ce domaine parce que les violences physiques et sexuelles des femmes sont une atteinte à leur dignité, leur sécurité et leur autonomie.
Adama: Injustes ! Elles sont récurrentes, que ce soit dans la presse ou à travers les histoires rapportées dans les quartiers. Le travail à faire consiste à faire comprendre les limites du “muugn” et du”sutura” qui retiennent certaines femmes dans les ménages où elles en sont victimes. Les violences ne sont pas que physiques, elles peuvent être orales et tout aussi destructrices. Il faut que chaque femme soit consciente que c’est une offense à sa dignité qui doit être dénoncée, que la peur du “xawi sa sutura” ou du “je n’ai pas les moyens” ne soit pas une entrave à la traduction en justice. Les associations de femmes doivent réfléchir à un appui pour leurs paires, que ce soit en logement, en apprentissage de métier, ou sous forme de soutien social, moral et psychologique.
A votre avis, comment changer le discours, les normes et valeurs, et les réalités patriarcales?
Maimouna: Sensibiliser, communiquer, débattre. Ce sont les mots-clés pour un changement de paradigme social. Une culture n’est pas figée, mais un changement brusque pourrait heurter. Nous avons beaucoup de bonnes valeurs à conserver et à partager avec le reste du monde, ce qui ne devrait pas nous empêcher de nous ouvrir aux autres pour nous enrichir et évoluer dans le temps et l’espace.
Adama: Je dirai aussi qu’il faudra remonter jusqu’aux racines, changer l’éducation. Il est important, avant de dénoncer qu’on puisse comprendre et faire comprendre ce qu’est le patriarcat, ce qu’est le féminisme. Dans les foyers, il faudrait équilibrer les droits des uns et des autres et apprendre les tâches ménagères aux femmes comme aux hommes. Il est aussi important d’omettre ou de reformuler tous les proverbes sexistes du dictionnaire Wolof et d’avoir des interprétations du Coran faites par des femmes averties. Dans les écoles aussi, Il faut avoir des cours via lesquels faire passer des messages d’égalité homme/femme.
Quel est le rôle et la place de l’hégémonie masculine, acceptée et magnifiée par les femmes, et du capitalisme dans cette critique sociale de la société sénégalaise ?
Maimouna: Je dis très souvent que le patriarcat est une machine nourrie par des hommes et des femmes contre toutes les femmes. Ce sont les femmes qui entretiennent le patriarcat de façon consciente et/ou inconsciente pour véhiculer depuis plusieurs générations des pratiques qui portent atteinte à l’intégrité morale et physique des femmes. Même les hommes sénégalais sont victimes de ce système parce qu’ils sont élevés par les mères comme des rois, ne devant participer à aucune tâche domestique, entre autres. Les rares hommes qui participent aux tâches domestiques sont vus comme des peureux ou des « toubabs », d’autres pensent qu’ils « aident » ou font une « faveur » à leur épouse alors que c’est leur foyer à eux deux, leurs enfants à eux deux si progéniture il y a. Cette suprématie masculine est la cause de toutes nos revendications, mais je pense que les hommes sont tout autant prêts à en découdre avec nous pour préserver leurs privilèges.
Adama: Je suis d’accord avec Maimouna. C’est justement ce sur quoi toute cette critique est basée.
Pourquoi, à votre avis, y a t-il un tel tabou à parler de sexe et de plaisir féminin, entre femmes sénégalaises plus jeunes ?
Maimouna: Euuuh, personnellement je ne vois pas qu’il y’a un tabou à parler sexe. J’ai l’impression d’ailleurs qu’on ne parle que de sexualité dans les réseaux sociaux. Les jeunes filles en âge de se marier ont des bons plans pour attiser leur intimité. Si jadis, on préparait sérieusement les filles à affronter le mariage selon les règles de leur ethnie ou de leur famille, aujourd’hui on les outille de « feem » ou astuces pour retenir leur homme. C’est mon impression.
Adama: Tout ce qu’a dit Maimouna, en plus de la peur d’être taxée de “tiaga”, de dévergondée. La peur que les propos tenus soient rapportés aux parents (qui témoignerait d’une vie sexuelle active), le focus sur la chasteté de la femme. Le débat est pensé comme réservé aux femmes mariées.
Comment, à votre avis, la pandémie du coronavirus a-t-elle renforcé les inégalités de genre au Sénégal où vous vivez Adama? Et en France où vous vivez Maimouna?
Maimouna: En France, j’ai remarqué que les secteurs qui n’étaient pas concernés par les arrêts d’activité étaient souvent des lieux où travaillent des femmes. Parmi ces femmes-là, il y a beaucoup de noires ou racisées. Je les ai remarquées dans les grandes surfaces, les deux femmes de charge de mon immeuble n’ont pas été concernées par le confinement et une jeune étudiante d’origine sénégalaise à la station d’essence. Il y a aussi le taux de violence conjugale qui a accru à cause de la promiscuité. Des numéros secours ont été mis à disposition pour dénoncer son conjoint ou même sa voisine en situation de danger. Je n’aurai pas hésité à appeler au besoin parce que rien ne justifie une forme de violence basée sur le genre.
Adama: Déjà les femmes sont très exposées par rapport à cette maladie. Le corps sanitaire est majoritairement composé de femmes (53% de l’effectif global, selon l’audit genre du ministère de la Santé, 2015), elles sont donc au chevet des malades et fragilisées. Dans les ménages, c’est aussi les femmes qui font les courses au marché, s’occupent des tâches domestiques et sont encore fragilisées face à la menace. Un passage d’un article intéressant du Dr Selly Ba nous ramène aux effets de la «féminisation de la pauvreté ". En effet, dans ce récent article, elle analyse le fait que “ Covid-19 peut davantage renforcer la féminisation de la pauvreté qui à son tour peut limiter la participation des femmes au marché du travail et l’inégalité devant l’accès aux ressources et la jouissance de celles-ci”.
A celà s’ajoute les violences domestiques accentuées par la promiscuité de certains ménages où les humeurs ne tiennent plus avec la cohabitation familiale imposée par le couvre-feu.
Quelle est votre routine de bien-être?
Maimouna: Ma première source de bien-être, est de beaucoup communiquer avec mes proches au Sénégal. Le fait d’échanger avec mes parents me fait beaucoup de bien, ils supportent tous mes projets, connaissent toutes mes activités au détail près. Le simple fait de savoir que je peux compter sur eux à mon grand âge me fait beaucoup de bien.
Je suis passionnée d’images et de videos « vintage », j’aime tout ce qui est images, films, musiques rétro ayant trait au Sénégal. Je passe du temps à collecter ces belles archives.
La lecture et l’écriture sont aussi des thérapies pour l’apprenante que je suis. J’essuie mes larmes avec l’écriture, parce que je pleure très souvent quand je suis déprimée par la solitude, la morosité, la routine de la France.
J’aime aussi la mode, je tiens beaucoup à mon style vestimentaire parce que c’est une partie de mon identité. Dès que la météo me le permet, j’enfile mes tenues cousues au Sénégal et qui renvoie à l’Afrique de façon générale. Savoir que je fais des choses pour le Sénégal, au Sénégal, savoir que je m’habille Sénégal, que mes turbans renvoient au Sénégal… Tout cela me procure beaucoup de bien. Je suis une Sénégalaise dans l’âme, après plusieurs années en France, j’ai toujours l’impression de laisser mon âme à Dakar, et qu’elle ne se reconnecte à mon physique que quand je foule le sol dakarois. En gros, ma vie n’a de sens qu’au Sénégal.
Adama: Je n’en ai pas vraiment, je suis une grande “viveuse au jour le jour”. Ma routine du lundi peut différer de celle du mardi et de tous les autres jours de la semaine. Je suis mes envies au réveil, quand bien même je peux dire qu’un bon sommeil réparateur, une bonne douche chaude, une mise impeccable me font me sentir la plus heureuse !
Mes petits plaisirs tournent autour de la lecture, des photos, de la mode, des conversations avec mes proches.
Dr. Rama Salla Dieng est écrivaine, universitaire et activiste sénégalaise, actuellement maîtresse de conférence au Centre d'études africaines de l'Université d'Édimbourg, Ecosse.
Cette interview fait partie de la série d’entretiens sur les féminismes en Afrique: Talking Back, éditée par Rama Salla Dieng sur Africa Is A Country. Il sera publié en anglais sous peu. Rama est aussi la co-éditrice de Feminist Parenting: Perspectives from Africa and beyond avec Andrea-O’Reilly, ouvrage collectif qui a reçu les contributions de parents feministes du monde entier.
ROKIA TRAORÉ ROMPT SON CONTRÔLE JUDICIAIRE
La chanteuse franco-malienne a rejoint le Mali en violation d'une interdiction émise par la justice française, qui devait la remettre à la Belgique dans le cadre d'une procédure liée à la garde de sa fille
La chanteuse franco-malienne Rokia Traoré a rejoint le Mali en violation d'une interdiction émise par la justice française, qui devait la remettre à la Belgique dans le cadre d'une procédure liée à la garde de sa fille, a indiqué dimanche son avocat. "C'est une mère aux abois qui a peur qu'on lui arrache son enfant, c'est pour ça qu'elle est partie au Mali, où elle habite", a expliqué à l'AFP Kenneth Feliho."De retour au Mali. La quête de justice continue", indiquait déjà la chanteuse dans un message en anglais posté mardi sur son compte Facebook et repéré dimanche par le quotidien français Le Parisien.
Dans un post daté de vendredi, elle assurait ne pas être "une terroriste".La cour d'appel de Paris avait approuvé la remise de Mme Traoré à la Belgique fin mars, en vertu d'un mandat d'arrêt européen dans le cadre du litige qui l'oppose au père de sa fille. En attendant cette remise, elle avait d'abord été écrouée, avant d'être libérée sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la France. Le mandat d'arrêt qui la vise pour "enlèvement, séquestration et prise d'otage" a été émis par un juge d'instruction de Bruxelles et découle du non-respect d'un jugement rendu fin juin 2019 et exigeant la remise de sa fille de 5 ans à son père belge, dont Rokia Traoré est séparée. La chanteuse, qui affirme dans son message avoir quitté la France par un vol privé, conteste la décision de la justice belge de confier la garde exclusive de l'enfant à son père.
Selon son avocat, une décision de la justice malienne a accordé à la chanteuse la garde de sa fille. Le mandat d'arrêt émis par la Belgique entraîne l'inscription de Rokia Traoré au fichier des personnes recherchées mais elle a quitté le pays de façon régulière depuis l'aéroport du Bourget (nord de Paris), a rapporté une source policière française. Selon une source judiciaire, le parquet général de la cour d'appel de Paris est en attente d'éléments pouvant attester que Mme Traoré n'a pas respecté son contrôle judiciaire. Si cela est avéré, il requerra sa révocation auprès de la chambre de l'instruction, qui pourra ordonner un mandat d'arrêt contre Mme Traoré.
Rokia Traoré, chanteuse et guitariste, est aussi connue pour son engagement en faveur des réfugiés et pour avoir été nommée en 2016 ambassadrice de bonne volonté par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
SOLEIL ET RAYONS DE MAGUETTE
EXCLUSIF SENEPLUS - L’avant-garde, de toutes les élites dirigeantes, depuis les indépendances, est composée d’hommes - Si la gouvernance ne marche pas, c’est aussi parce que peu de femmes ont des rôles de direction dans notre pays
Y avait-il quelque chose à attendre ? Non, pas vraiment. Un peu de curiosité peut-être. Tout avait déjà fuité dans les médias. Mais faut-il que je sois aussi borné et impeccablement naïf pour attendre du chef de l’Etat un sens de l’alternative. Cette période d’incertitudes et de crise ne va pas aboutir à un vrai changement de cap. J’en suis maintenant persuadé. Dans notre pays, c’est sûr, le paradigme va demeurer. Nous n’avons pas à la tête de notre nation, un leadership fort et vraiment porteur de génie créatif. Capable de soutenir un idéal progressiste et de puissantes dynamiques de changements. Le président de la République ne veut pas briser les faux équilibres. En est-il simplement incapable ? Ou n'a-t-il pas l'intention de l'assumer, en définitive ?
Ce lundi 11 mai 2020, le chef de l’Etat a jeté un trouble, en faisant une volte-face et un revirement dans sa stratégie de lutte contre le Covid-19. Certains ont parlé d’ajustements, nécessaires, pour ne pas exacerber les frustrations. Certes, il y a des contradictions intenables pour tous les dirigeants du monde. Actuellement en « guerre » contre le coronavirus. Il faut arbitrer entre les intérêts sanitaires, économiques, sociaux. Évidemment, il faut écouter. Car l’opinion publique à son mot à dire. Mais il n’y a aucune cohérence entre les mesures prises et la situation sanitaire qui prédomine actuellement. Le président de la République a pris un verdict dilatoire. Les hôpitaux sont surchargés. La maladie gagne du terrain et l’on s’achemine inévitablement vers le pic de la pandémie au Sénégal. Visiblement, sans possibilité de résorber la courbe.
Macky Sall a décidé de laisser tanguer le navire. Dangereusement. Il ne l’a pas quitté, puisqu’il reste le commandant en chef. Avec toutes les prérogatives d’un chef d’Etat dans un régime présidentiel. Et tous les pouvoirs conférés par l’article 77 de la Constitution, en ce moment. C’est-à-dire dire qu’il exerce le pouvoir sans le consentement de l'Assemblée nationale. Ni de qui que ce soit d’ailleurs. Il est monarque. Mais un monarque, qui partage ses compétences avec d’autres seigneurs et qui le sait, et qui en profite peut-être. Sauf qu’à trop laisser de la place, à négocier et à ruser pour des ambitions personnelles et des combinaisons politiques, on finit par renier les principes qui fondent la souveraineté populaire et la République.
Faut-il vivre avec la maladie ? La question mérite d’être débattue. Tout simplement parce que personne ne sait si l’on trouvera, très prochainement, des solutions pour éradiquer le Covid-19. Aussi, parce que la peur ne doit pas l’emporter. Dans nos pays africains où très peu de moyens sont mis dans la recherche et le développement, où nous serons encore à la remorque, en regardant les autres mener une course au vaccin, nous ne pouvons pas rester indéfiniment les mains croisées. Les petites gens doivent survivre. C’est parfois la seule dignité qui leur reste. L’économie, surtout informelle ici, ne peut pas rester confinée en attendant une hypothétique réponse des pouvoirs publics. Il y avait certainement des aménagements à faire. Tout cela est vrai. Par contre, il y a beaucoup de choses réfutables, dont le fondement ne répond ni à la raison, ni à la science. Ni même à la spiritualité. En décidant de rouvrir les lieux de culte, le président de la République a abdiqué face à certaines pressions religieuses. Et peut-être a-t-il trouvé un moyen inespéré de desserrer l’étau économique. De ne prendre aucun risque. D’utiliser des circonstances favorables à ses seuls desseins politiques. Quoi qu’il en soit, cela en dit long sur la marche de notre pays. Qui fatalement va vers l’instabilité de ses institutions politiques. L’Etat ne peut pas continuer à instrumentaliser « la paix sociale » pour éviter de prendre des décisions courageuses. Sans s’en trouver diminué.
Les affaires publiques sont complexes. C’est pourquoi les femmes et les hommes en charge de les mener sont dotés d’un pouvoir discrétionnaire. Un levier pour renforcer l’autorité des représentants du peuple. En optant pour la solution de la demi-mesure, le président de la République ne change pas seulement de ton et de direction dans la lutte contre le Covid-19. Il affaiblit le pouvoir de l’Etat. Il fait preuve de passivité. Il laisse torpiller l’armature des institutions politiques par des groupes de pression. Il démissionne. La prééminence de la République s’en trouve interrogée. Les cellules religieuses sont-elles, réellement, plus importantes et solides que l’Etat et ses représentants ? Le contrat social peut évidemment laisser une large place à la coutume, et instituer des relations cordiales. Mais il ne lui délègue pas des responsabilités et un droit de regard sur les politiques publiques. Au risque de dégrader sa confiance auprès des citoyens. Et d’aller vers toujours plus de compromissions. Vers la remise en cause de l’hégémonie politique de ceux qui ont été élus au suffrage universel. L’Etat a une vocation : celle de garantir la justice et le bien-être. Quelles qu’en soient les conséquences. Nous n’avancerons pas, si nous ne nous mettons pas d’accord sur les termes de notre contrat social. Sur la vraie nature des rapports entre le religieux et le politique. Il y va de l’avenir de notre nation.
Ouvrir l’avenir. L’Etat s’est débiné. Mais ce n’est pas la décision de rouvrir les lieux de culte seulement qui pose problème. Le retour des élèves, en classe d’examen, à partir du 02 juin, est difficilement compréhensible. Les garanties du ministre de l’Education nationale ne tiennent pas devant l’âpreté de la réalité. Les disparités entre les régions sont importantes. Certaines règles d’hygiène et de distanciation sociale seront difficilement respectées dans beaucoup de localités. Pourtant l’Etat tient à expédier l’année scolaire en cours. Pour quelles raisons ? Pourquoi faire fi du principe de précaution ? De l'impératif sanitaire et des inégalités ? Il n’y a aucune nécessité de précipiter la réouverture des classes. Ce sera encore désastreux au niveau des résultats scolaires. Cela va encore dévaluer la valeur intellectuelle de l'apprenant sénégalais. Mais certains veillent. Heureusement. Il en est du collectif des gouvernements scolaires. À la tête de celui-ci, une jeune fille. Active. La tête couverte d’énergie, de courage. D’aphorismes. Maguette Ba est l’une des lueurs d’espoir de cette nation qui ne sait plus où elle va vraiment.
Écoutons-la plutôt. « Sacrifier un élève, c’est sacrifier une famille ; sacrifier une famille, c’est sacrifier un quartier ; sacrifier un quartier, c’est sacrifier une ville, et sacrifier une ville, c’est sacrifier une nation », a-t-elle martelé. Maguette est déjà impressionnante, malgré son apparence frêle, de conscience intellectuelle et politique. Elle a 18 ans. Elle habite à Keur Massar-Village. Localité qu’elle quitte tous les jours, à 06 heures du matin, pour aller au lycée Seydina Limamoulaye de Guédiawaye. Elle y passe son baccalauréat, S2. Elle rentre tard le soir, à 22 heures. Des rêves pleins la tête. Plus tard, elle souhaite travailler dans l’intelligence artificielle. Elle veut aussi « protéger l’environnement et participer au bien-être de la planète ». S’occuper de sa communauté. En ces temps de doute et de crise, c’est une vraie bouffée d’espoir et de fraîcheur. Une surprise. Maguette est déjà brillante et passionnée. Comment entretenir son talent, pour qu’elle ne soit pas éclipsée dans quelques temps. En montant les étages de la vie associative, sociale et politique ? Cela appelle une question. L’avenir de notre pays peut-il se faire sans le retour du leadership féminin ? Non. Et, il n’y a absolument rien d’inédit en cela. L’on assisterait tout simplement au retour d’un héritage positif. Aujourd’hui, force est de constater une discrétion des femmes dans la sphère publique et les grands centres de décision.
Notre modèle social et politique, actuel, a presque rendu invisible le patrimoine politique des femmes. Or, elles participaient pleinement à la pratique du gouvernement dans nos sociétés matriarcales. Comme le précisait Cheikh Anta Diop, dans « Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique Noire ». « De l’étude de notre passé, nous pouvons tirer une leçon de gouvernement. Le régime matriarcal aidant, nos ancêtres, antérieurement à toute influence étrangère, avaient fait à la femme une place de choix. Ils voyaient en elle, non la courtisane, mais la mère de famille. […] Aussi, les femmes participaient-elles à la direction des affaires publiques dans le cadre d'une assemblée féminine, siégeant à part, mais jouissant de prérogatives analogues à celles des hommes. » Nos sociétés avaient ainsi mis en exergue un bicaméralisme, reposant sur l’égalité des sexes.
L’avant-garde, de toutes les élites dirigeantes, depuis les indépendances, est composée d’hommes. Et nous sommes encore englués dans l’impasse. Cela doit pousser à la remise en question de ce modèle. À l'invention d'un nouveau paradigme élitaire. Si la gouvernance ne marche pas, c’est aussi parce que peu de femmes ont des rôles de direction et d’influence dans notre pays. La maigre consolation de la loi sur la parité, et les quelques ministres dans les gouvernements ne doivent pas faire oublier que ce sont les hommes, en grande majorité, qui tiennent le gouvernail. Et, de fait, leurs orientations présentent des lacunes. Puisque l'horizon reste encore bouché. Puisque nous n’entrevoyons pas le bout du tunnel. Après 60 ans d’indépendance. La construction de la nation sénégalaise ne s’est pas faite avec « la moitié du ciel ». Ce qui est une hérésie. Le gouvernement des hommes, sans les femmes, est celui de l’âge archaïque. Celui de la colonisation. De l’absolutisme. D’une catégorisation sociale. Il favorise un amenuisement des valeurs démocratiques et un effacement des intérêts de la gent féminine. C’est un recul civilisationnel.
Il faut donc un retour aux sources. Les femmes doivent gérer. Co-gérer avec les hommes. Dans une relation de coopération redéfinie. Qui consacre la primauté de l’intelligence collective. Pour un épanouissement ordonné et juste de l’ensemble du corps social. Si notre nation veut constituer une vraie force motrice pour, dans l’avenir, affronter les problèmes du monde, cette direction sera celle de son destin. Non seulement ce sera une évolution de portée universelle mais aussi un élan d’humanité. Un pacte sur l’égalité des droits. Cette proposition ne va pas agréer les milieux conservateurs. Qui ne peuvent pas supporter le partage de pouvoir. Qui ne sont solidaires que dans leurs intérêts égocentrés. Qui ne voudront pas comprendre une nouvelle répartition politique et sociale, intégrant positivement les femmes. En associées majoritaires. C’est pourquoi, il faudra une vraie conspiration de la jeunesse. Pour nous sortir de la léthargie. Comme beaucoup de jeunes filles de son âge, Maguette est un soleil. Il reste maintenant à faire éclater ses rayons. Pour qu’ils ne restent pas seulement des lueurs de l’aube. Mais des zéniths toujours incandescents, accompagnant la marche de notre pays. C’est un enjeu de civilisation. Un investissement d’avenir. Une exigence civique et morale. Ce sera la voie de notre émancipation collective.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Au Ghana émerge une nouvelle génération de femmes qui débordent de projets pour écrire l'avenir du continent africain. Elles ont étudié à l'étranger avant de revenir travailler dans leur pays en tant que cadres, designers ou entrepreneuses
Au Ghana émerge une nouvelle génération de femmes qui débordent de projets pour écrire l'avenir du continent africain. Elles ont étudié à l'étranger avant de revenir travailler dans leur pays en tant que cadres, designers ou entrepreneuses. Parmi elles, Ama Boamah gère la toute première entreprise de jus de fruits bio à Accra, capitale en pleine expansion du Ghana.
Dans sa vie privée, cette jeune trentenaire a aussi suivi une voie peu conventionnelle en s’émancipant des diktats familiaux. GEO Reportage a accompagné Ama et ses amies dans leur quotidien trépidant, ponctué par une fête sur les toits d’Accra.
Reportage de Carmen Butta (2016)
Par Moussa KAMARA
DEBOUT MADAME !
Kayama …Après soixante ans d’indépendance, je pense qu’il est temps d’essayer la gestion de nos compléments à la tête de l’Etat.
Après soixante ans d’indépendance, je pense qu’il est temps d’essayer la gestion de nos compléments à la tête de l’Etat. Après tant d’années de règne des mecs, l’échec est patent. Nous sommes toujours sous-développés ou, pour faire tendance, en voie de développement. Nous avons été laissés en rade par la Corée depuis longtemps.
Ce pays avec lequel nous étions dans la même galère aux premières heures de la décolonisation, a fini de faire sa révolution. Et nous, nous en sommes encore aux plans ! Du grammairien à l’ingénieur en passant par l’administrateur et le multi-diplômé de casa au cap, ils nous tous conté fleurette. Et pourtant chacun d’eux affichait des ambitions certaines pour ce pays parsemé de saints de l’islam et où tout citoyen non politicien qui s’en sort bien ne le doit qu’à lui-même.
La politique a tout envahi et avachi. Tout passe par la politique sous nos cieux où tout cadre fraichement émoulu de l’université ou d’autres centres de référence doit impérativement payer la carte du parti pour accélérer sa cadence d’intégration dans le monde de l’emploi. C’est comme si nos hommes d’Etat s’étaient entendus pour ce tout- politique.
Des slogans ronflants alignant la patrie et le parti, du moins d’Etat au mieux d’Etat et je ne sais quoi encore, de la simple littérature sans signature. Le temps des dames a sonné. ce pays en compte énormément qui peuvent le diriger. De grandes Dames, femmes accomplies et cadres de valeur sont dans le privé et le public où elles s’acquittent merveilleusement bien des taches qui leur sont confiées. Y aura pas à faire de la discrimination positive et autre parités, le curriculum et le background suffiront largement pour faire le tri.
Des situations vécues dans la famille, dans les ménages se posent à grande échelle au niveau national, qui mieux qu’une dame trouverait la solution sans tergiverser par la compétence et le plus féminin ? Ce plus féminin qui manque forcément aux hommes malgré leur désir de bien faire. Nous avons raté le coche de ne pas avoir élu la première femme présidente de la République en Afrique. le libéria constituant l’exception qui confirme la règle, bien sûr.
A l’impossible nul n’est tenu alors rectifions le tir, plutôt le vote, à la prochaine présidentielle. Ce mandat étant le dernier de Macky, point de parti-pris. La présence à l’esprit d’un troisième mandat ne m’effleure même pas. Deux mandats sont largement suffisants pour construire, pour bâtir, pour entrer dans l’Histoire et récolter la gloire. Assurément !!!
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LE TERRIBLE DILEMME DES FEMMES AFRICAINES
Face au Covid-19 et au confinement, parfois très dur, décidé par nombre de gouvernements, les femmes sont les premières touchées. La ministre conseillère chargée du Genre Euphrasie Kouassi Yao vante l’ingéniosité des Ivoiriennes
Sputnik France |
Christine H. Gueye |
Publication 07/05/2020
Face au Covid-19 et au confinement, parfois très dur, décidé par nombre de gouvernements africains, les femmes sont les premières touchées. Au micro de Sputnik France, la ministre conseillère chargée du Genre Euphrasie Kouassi Yao vante l’ingéniosité des Ivoiriennes et leur solidarité pour se protéger tout en continuant à gagner leur subsistance.
«C’est vrai qu’il faut manger, mais pour le faire, il faut d’abord être en vie. C’est pour cela que nous appliquons strictement les mesures barrières avec une relative facilité pour la distanciation car elle coûte zéro franc. Cet élément nous a permis de convaincre plus facilement les femmes dans la mesure où elles savent qu’elles n’ont rien à dépenser pour préserver leur vie et se battre pour l’entretenir. Et les résultats sont là, tangibles!», a expliqué fin avril l’invitée Afrique de Sputnik France, la ministre ivoirienne conseillère du Genre Euphrasie Kouassi Yao, confinée dans sa résidence de Cocody Riviera à Abidjan depuis le 17 mars.
Partout dans les grandes villes africaines, le même dilemme se pose. Faut-il laisser les habitants mourir de faim ou de maladie? Car enfermer les gens dans les bidonvilles sans eau, sans électricité et, bien souvent, sans recours médical ne peut être que la dernière option. Au Kenya ou en Afrique du Sud, qui reste le pays le plus touché par la pandémie à ce jour sur le continent avec 7.220 cas confirmés, des émeutes de la faim ont déjà eu lieu. Elles ont dû être réprimées sous les coups de bâton et à grand renfort de gaz lacrymogènes.
Pour les femmes africaines, ce dilemme est encore plus grave puisque le confinement est bien souvent synonyme de violences conjugales accrues. Alors que faire? Comment les mobiliser et les aider à lutter contre cette catastrophe sanitaire? Tout en évitant qu’elle ne se transforme en une catastrophe économique, puisqu’il leur est interdit de se déplacer, de commercer ou de vaquer à des activités génératrices de revenus pour nourrir leurs enfants.
Pour Euphrasie Kouassi Yao, la réponse est claire. Il ne s’agit pas de se lamenter mais de réagir en unissant ses forces. Le 24 avril dernier, cette militante de longue date pour l’autonomisation des femmes a lancé le projet BASE, dont l’acronyme signifie «Banque d’amour et de solidarité efficace». Une initiative qu’elle pilote avec la chaire Unesco «Eau, femmes et pouvoir de décisions» –dont elle est la titulaire– et l’Organisation de femmes du compendium des compétences féminines de Côte d’Ivoire (Cocofci) –qu’elle coordonne depuis neuf ans.
Une contribution de 1.000 francs CFA (1,50 euro) est demandée à chaque adhérent de BASE qui a obtenu le soutien des hommes pour la fabrication industrielle de masques. Une fois fabriqués, ceux-ci seront distribués gratuitement aux personnes les plus vulnérables, notamment aux diabétiques avec de l’insuline. Cette distribution s’accompagnera de transferts monétaires pour les plus nécessiteux grâce à des cartes prépayées éditées par les opérateurs téléphoniques.
«Face au Covid-19, il faut faire preuve de solidarité. Pas d’entraide sociale mais bien de solidarité, car c’est ce qui va nous apporter des solutions à long terme en Afrique. Ici, en Côte d’Ivoire, nous avons du coton, du fil et du caoutchouc à profusion. Qu’est-ce qui nous empêche de les transformer en masques au lieu d’en importer? En combinant nos ressources, sur le plan humain, et grâce aux contributions de nos membres et de ceux qui nous soutiennent, nous allons commencer en créant une usine pour fabriquer des masques», a déclaré Euphrasie Kouassi Yao au micro de Sputnik France.
Selon le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine, la Côte d'Ivoire avait enregistré, au 5 mai, un décès supplémentaire et 32 nouveaux cas de maladie à coronavirus, portant à 1.464 le nombre de cas confirmés et à 18 celui de décès.
Ce qui la met très loin, pour l’instant, derrière l’Égypte, deuxième pays le plus touché avec 6.813 cas recensés, suivie par le Maroc, l’Algérie, le Nigeria et le Ghana.
Grâce à quelques «mesures ingénieuses» –comme coudre ses propres masques ou faire soi-même son gel ou son savon pour se laver les mains–, la ministre conseillère du Genre se dit convaincue qu’il n’y a aucun obstacle que les quelque 15.000 femmes cadres, productrices et agricultrices, membres du Cocofci, ne puissent surmonter. Et ce, malgré le confinement et la recrudescence des violences conjugales et domestiques qu’il peut engendrer.
«Cette maladie est venue nous rappeler que l’être humain est au centre de toutes choses. On peut avoir des ressources financières ou être un homme politique bien placé et mourir du Covid-19. Amour, solidarité et audace, jamais les valeurs qui fondent notre action au compendium n’ont été aussi utiles. Les mesures ingénieuses pour les femmes ivoiriennes, c’est de faire au mieux avec ce que nous avons», a-t-elle ajouté.
Reste les violences domestiques qui défraient régulièrement la chronique en ces temps de confinement. Certes, la Côte d’Ivoire n’est pas le seul pays en Afrique à être confronté à ce phénomène, mais il semble s’aggraver.
Juguler les violences domestiques
Selon les associations de défense des droits des femmes présentes dans la capitale ivoirienne, –coupée du reste du pays depuis le début du confinement–, le contexte actuel, notamment les mesures édictées dans le cadre de la riposte sanitaire, contribuerait à amplifier les violences conjugales.
«Avec le ralentissement économique et le couvre-feu [de 21 heures à 5 heures du matin], Abidjan est chaque soir le théâtre de drames qui se déroulent à huis clos», selon Irad Gbazalé, la présidente de l’ONG Femmes en action.
Le manque de structures d’accueil pour ces femmes n’aide pas, même s’il existe déjà à Abidjan un Centre de prévention et d'assistance aux victimes des violences sexuelles (Pavios) qui recueille des femmes victimes de violences domestiques. Que pourraient faire les autorités ivoiriennes pour y remédier ?
«Ce genre de centre doit être mieux équipé et réorganisé, comme en France, pour répondre aux besoins. Même s’il n’y a que 10% des femmes qui sont violentées en Côte d’Ivoire, il faut que l’on s’organise pour les accueillir au cas où ce phénomène s’amplifierait. Nous travaillons également à un numéro vert qu’elles pourront appeler en toute confiance», répond Euphrasie Kouassi Yao.
Elle insiste, toutefois, sur le fait que le ministère ivoirien de la Femme préfère quant à lui travailler de façon globale dans le cadre d’un programme de lutte contre les violences faites au genre. «Un peu comme la Côte d’Ivoire l’avait fait pour la santé de la reproduction», rappelle-t-elle.
A MBALLING, DES TRANSFORMATRICES SOLLICITENT DES FINANCEMENTS POUR SORTIR LA TÊTE DE L’EAU
Les transformatrices de poisson regroupées au sein des groupements d’intérêt économique (GIE) de Mballing (Mbour) ont appelé à la mise en place de financements, en vue de les aider à mieux faire face aux répercussions liées à la pandémie de COVID-19.
Mballing (Mbour), 7 mai (APS) – Les transformatrices de poisson regroupées au sein des groupements d’intérêt économique (GIE) de Mballing (Mbour) ont appelé à la mise en place de financements, en vue de les aider à mieux faire face aux répercussions liées à la pandémie de COVID-19.
Par la voix de leur porte-parole, Maguette Diène, elles se disent "inquiètes, parce que surprises par l’apparition (...) du coronavirus qui a mis à genoux toutes’’ leurs activités.
"C’est pourquoi nous sollicitons du président Macky Sall la mise en place d’un mécanisme de financement, qui pourrait être un plan de résilience économique et sociale’’, a lancé Mme Diène.
S’exprimant lors d’un point de presse organisé sur le site de transformation de Mballing (Mbour, ouest), elle a révélé que les femmes transformatrices ont subi des ‘’pertes énormes’’. Elle affirme qu’elles n’ont pu vendre les produits halieutiques qu’elles avaient transformés et qui, aujourd’hiui, pourrissent entre leurs mains.
‘’Certaines d’entre nous ont même donné à crédit leurs produits à des revendeurs sénégalais et d’autres de la sous-région (...)", a-t-elle ajouté. Elle déclare qu’avec l’arrivée du Covid-19 qui a entraîné la fermeture des frontières, les traformatrices ne savent plus "où donner de la tête’’.
Elles disent beaucoup compter sur les autorités à la tête desquelles le président Macky Sall. Elles souhaitent à cet effet que leurs produits en souffrance depuis plus de deux mois dans les magasins de stockage, soient achetés et mis à la disposition des ménages devant bénéficier de l’aide alimentaire d’urgence.
‘’Nous femmes transformatrices et autres actrices de la pêche souffrons atrocement, alors que les populations ont besoin de nos produits. De grâce, aidez-nous Monsieur le Président à sortir la tête de l’eau’’, a imploré Maguette Diène.
Le président de l’Association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime (APRAPAM), Gaoussou Guèye, a déploré ‘’une situation catastrophique’’. Il a pointé les ‘’mauvaises conditions’’ de travail de ces braves femmes et hommes des sites de transformation, surtout dans un contexte de COVID-19.
‘’A l’image de la plupart des sites de transformation, celui de Mballing est confronté à des problèmes d’eau, entre autres, alors que leur travail a besoin d’hygiène. Ici, le poisson est manipulé de manière hors norme’’, s’est indigné M. Guèye.
‘’Dans un passé très récent, on nous parlait de la modernisation des sites, avec la construction d’aires modernes, mais aujourd’hui, il n’en est rien’’, a regretté M. Guèye.
Pour lui, ce qui se passe actuellement au niveau des sites est ‘’déplorable et honteux’’ pour le Sénégal.
La valeur n’attend point le nombre d’années ! A 28 ans déjà, elle gère son propre business. Elle est également à la tête de l’Association « Les Racines de l’Espoir ». Ce, depuis 2013 date de sa création. Toujours en tenues de terrain, pantalon jean assorti d’un body, teeshirt ou Lacoste, Safiétou Guèye avec les autres membres des « Racines de l’Espoirs », « travaillent sans répit pour un lendemain meilleur ».
Les « Racines de l’Espoir », du nom de l’association qui vise à « redonner espoir aux personnes qui l’ont déjà perdu ». Ce, à travers des actions à caractère social. D’une localité à une autre, d’une région à une autre, et jusque dans la Diaspora en passant par la sous-région, Safiétou Guèye ne veut voir aucun enfant souffrir d’une quelconque maladie ou être toujours dans le besoin. Sur son chemin, elle s’arme toujours de courage, et ne manque pas parfois d’ôter une épine du pied. Eviter un bâton, entrer dans la boue ou glisser sur une terre argileuse juste pour aider son prochain. Une activité qu’il a embrassée depuis 17 ans. « Depuis ma tendre enfance », dit-elle.
De 2013 à 2020, elle a usé beaucoup de chaussures pour un objectif bien défini dans la passion et le don de soi. Le partage avec l’autre ! Née en 1992, celle que ses potes appellent tendrement, Sophie, a fait ses études supérieures à l’université catholique de l’Afrique de l’Ouest (Ucao) après son baccalauréat à l’école Alwar.
Puis s’ensuivirent un Bts, Dts, Licence et Master en marketing communication. Une spécialisation qui lui a ouvert les portes de plusieurs agences de communication et d’organisations non gouvernementales (Ong) avant de créer son propre business. Une structure qu’elle gère en même temps que l’Association les « Racines de l’Espoir » dont elle est la présidente-fondatrice. Une aventure qu’elle dit avoir commencé depuis sa « tendre enfance » avec des amis d’enfance. Avant de l’étendre jusqu’au fin fond du pays à Saint- Louis, en Mauritanie et dans la Diaspora.
Une décentralisation pour un maillage élargi. Sophie raconte que « tout est parti d’une petite discussion avec des amis d’enfance après un échange sur des stratégies de mise en place d’une association qui se fixe comme objectif principal de venir en aide aux personnes qui sont dans le besoin notamment les enfants de la rue. Et c’est de redonner espoir à toutes les personnes qui l’ont perdu et de lutter contre les inégalités sociales et de soutenir les enfants qui sont dans la rue partout dans le pays ».
Médecin du social
une grande ambition que s’est fixée cette jeune fille de moins de 30 ans qui rencontre aussi des difficultés liées parfois à la prise en charge médicale d’un enfant malade. « Lorsque je n’arrive pas à retrouver une somme pour soigner un enfant malade, cela me pince le cœur ». Un rétrécissement de cœur, certes. Mais qui n’atteindra jamais le niveau de l’expérience douloureuse qu’elle a vécu avec le décès de son « camarade de guerre » du nom de Fama avec qui elle a cheminé pendant trois ans. Depuis lors, elle ne cesse d’essuyer ses larmes. « Une perte lourde. J’ai pleuré et je continue de pleurer cette amie qui m’a accompagné pendant trois bonnes années », a dit Sophie, le cœur meurtri et à la voix rauque qui semble tout de même garder en esprit que rien n’est gratuit. Surtout les bonnes actions ! Lesquelles actions ont été récompensées à l’occasion de la soirée dénommée African Women Leadership Awards. Une étoile que l’on peut présenter comme une lumière pour beaucoup de personnes. Exemplaire pour la société sénégalaise car elle fait honneur à la femme. Elle est également reconnue comme la lionne de l’humanisme. Sophie, c’est une tête qui supporte des locks toujours attachés. Elle vit pour le bien de l’autre.
Un meilleur avenir. L’espoir jamais perdu. « Chaque jour qui passe, nous nous rendons compte à quel point aider est important car les sourires dessinés sur les visages des gens, les désespoirs effacés nous poussent à nous sacrifier pour notre prochain », fait-elle savoir sur la page facebook des « Racines de l’Espoir ». Une page sur laquelle on y résume les actions réalisées et les activités menées au quotidien. C’est la distribution de denrées alimentaires dans les « daaras », le renforcement de l’hygiène sanitaire pour maintenir ces enfants dans ces écoles coraniques afin de leur éviter de choper le virus dans leurs moments de recherche de la pitance quotidienne. Sans compter la distribution de masque de protection. Et l’activité annuelle du « Soukerou koor » version les « Racines de l’Espoir ».
« Lorsqu’on fait du social, Dieu est notre principal bailleur de fonds »
Au-delà des actions liées à l’alimentation, à l’hygiène sanitaire et à la prise en charge médicale des cibles de « Racines de l’Espoir », cette passionnée du tennis n’a qu’un seul rêve. C’est de finir les travaux de la Maison de l’Espoir et construire d’autres centres d’accueil pour enfants démunis. un rêve qu’elle entend réaliser car, « il n’y a pas de force plus puissante que celle du cœur », soutient Sophie qui reste convaincue que « chacun de nous est une racine de l’espoir ». A la fleur de l’âge dans ses actions à caractère social, Sophie s’est vu honorer de trois homonymes. « Une de mes homonymes vit avec les enfants talibés. C’est la fille d’un imam. L’autre est la fille d’un baye Fall. J’avais aidé son enfant, il y a quelques années. La troisième est la fille ainée d’un militaire qui ne me connait ni d’Adam ni d’Eve », s’est-elle réjouie pour cette reconnaissance qui, dit-elle, l’encourage à aller de l’avant. Sa philosophie, elle la résume par ces mots : « lorsqu’on fait du social, Dieu est notre principal bailleur de fonds » !
Ensemble, les « Racines de l’Espoir » pour ne pas dire ces « médecins du social » d’ici et d’ailleurs continuent tant bien que mal de « soigner la faim » chez ces couches vulnérables de la société, - daaras et familles démunies- , qui ont toujours souffert et dont la crise sanitaire marquée par la présence de la pandémie du Covid-19 est venue accentuer leur douleur. Toujours pertinente et cohérente dans toutes ses interventions sur le petitécran de la Sen Tv, elle a fini de rassurer les téléspectateurs. Quelqu’un parlant de cette fille, en déduit ceci, « elle a dû être élevée par une grand-mère tellement elle est pertinente ». Pourtant non, « j’ai été éduquée par mon père », a dit-elle toute souriante. Une battante aux actions désintéressées et dont le seul réconfort est de voir l’autre heureux.
«J’AVAIS ENVIE DE FAIRE EN SORTE QUE CE CORPS, UNE FOIS OUVERT AUX FEMMES, NE SOIT PLUS REFERME»
Présidente de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), Aby Diallo, poursuit son combat pour la reconnaissance des droits des femmes. Un pari engagé alors qu’elle était dans la Police nationale
Présidente de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), Aby Diallo, poursuit son combat pour la reconnaissance des droits des femmes. Un pari engagé alors qu’elle était dans la Police nationale. En fait, elle fut une des premières femmes à la tête de ce corps. Ses batailles d’aujourd’hui prolongent ses combats d’hier. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir intégrer la Police ?
Je ne suis pas entrée dans la police par vocation. Je voulais être magistrat. J’ai fait des études en Droit jusqu’à la maitrise. A l’époque, pour être magistrat on était admis sur titre après la Licence en Droit l’Ecole de magistrature (Enam). Mais en 1978-1979 on a commencé à instaurer un concours d’entrée. La première année, il n’y avait que dix places et cela n’a pas marché pour moi. Mais comme je suis fille de policier, ma famille m’a poussé à faire le concours de commissaire en 1980, quand une loi a réformé l’entrée dans les corps de comme la police pour l’étendre aux candidatures féminines. Dans un premier temps je voulais attendre encore. Mais comme j’avais l’encouragement de la famille, je me suis lancée. C’était assez sélectif, mais j’ai réussi.
Ce n’était pas votre vocation, mais elle vous a mené loin. Qu’est-ce qui explique cette réussite dans la Police ?
Encore une fois ce n’était pas mon premier choix de devenir commissaire de police. A l’époque, il n’y avait pas de femmes dans ce corps. Mais j’ai vite eu la pleine conscience que j’étais une pionnière dans un métier alors réservé aux hommes. J’étais consciente de ce que je devais faire. C’est-à-dire assumer une responsabilité historique, en pensant que l’avenir allait aussi dépendre de mes performances. Je suis entrée avec conviction à l’Ecole nationale de police (Enp) et elle ne m’a jamais quitté. Avec un encadrement et une formation adéquate, j’ai pu commander. J’avais envie d’assumer et de faire en sorte que ce corps, une fois qu’il est ouvert aux femmes, ne soit plus fermé.
Avez-vous bénéficié de privilèges dans votre formation ?
Je n’ai pas eu de privilège dans la formation. Quand nous faisions le concours, nous étions deux femmes à être admises. Deux jeunes dames mariées et vivant avec leurs époux. A l’Enp, le régime de l’école était l’internat, la seule dérogation dont nous avons bénéficié c’est l’externat. Et cela veut dire que nous étions à l’école de 6 heures du matin jusqu’à 18 heures. A 6 heures, nous devrions être à l’école faire le sport comme tout le monde avant d’entrer en salle de cours. Je pense qu’on a la même formation et la même rigueur dans tout le circuit.
Avez-vous été victime d’un traitement discriminant à cause de votre féminité ?
Non. La police, c’est comme l’armée. C’est un corps hiérarchisé. C’est le grade qui prime dans les relations professionnelles. Personnellement, je n’ai pas subi de discrimination. J’ai eu le privilège d’entrer dans la plus haute hiérarchie, le corps de commissaire de police. Nous n’avons donc pas rampé. J’avais la maitrise de Droit avant de faire le concours et avec mes autres collègues qui étaient du même niveau on n’a pas trop souffert. Mais il faut savoir que dans le commandement on entre en tant que femmes, mais quand on commande on oublie qu’on est femme. C’est le commissaire qui parle à ses hommes. On ne voyait que le grade et le commandement.
Qu’est-ce qui vous le plus marqué dans votre carrière ?
Je ne peux pas en parler en raison de l’obligation de réserve. Mais, il y a eu de situations extraordinaires comme les événements politiques de 1988 (Ndlr : contestations et troubles post-électoraux) et même en 1987 (Ndlr : grève dans la police et radiation de milliers d’agents). Ces événements me marquent jusqu’à présent. J’étais commissaire au commissariat centrale de Dakar. J’ai eu à mener des auditions de personnalités sur des questions politiques, des questions de sécurité. J’ai pas mal d’anecdotes. Mais l’obligation de réserve ne me permet pas de tout dire.
Quel regard portez-vous sur la présence féminine dans les rangs ?
Avec ma collègue Codou Camara, nous qui sommes les premières femmes de la Police, nous nous sommes toujours dits que nous avions une responsabilité historique. Il ne fallait jamais prêter le flanc, ne jamais donner l’occasion qu’on dise : «c’est parce que c’est une femme que la mission n’a pas été bien menée ». Notre doyen Amath Khary Béye, qui était directeur de l’Ecole de police à l’époque, nous avait dit le jour de la sortie de notre promotion : «Rappelez-vous toujours que le jour où devant une mission vous vous diriez que nous sommes des femmes, ce jour-là vous avez échoué. Vous devrez rendre les épaulettes et rentrez chez vous». Ce conseil ne m’a jamais quitté. J’ai eu à gérer des situations compliquées à Saint-Louis où j’ai été la première femme commissaire de police, en tant que commissaire d’arrondissement de Sor. J’ai eu à assurer la sécurité pendant les événements d’avril 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie. Bien après, il y a eu des événements plus ou moins similaires, mais de moindre ampleur avec le quartier de Guet Ndar. Mais jamais je n’ai mis les hommes devant et moi en arrière.
Avez-vous connaissance de promotionnaires ou d’autres policières qui ont eu à s’illustrer dans la profession ?
Des femmes ont été dans le système des Nations Unies comme Aminata Thiaw. Elle a marqué de façon pertinente ses missions. Ma collègue, avec qui j’ai été première femme commissaire, Codou Camara, a été aussi dans le système des Nations Unie comme formatrice. Elle a été la première femme africaine et Sénégalaise à avoir été décorée de la Médaille des Nations Unies. Récemment on a eu l’adjudant Seynabou Diouf, qui a eu être décorée de la Médaille des Nations Unies. D’une manière générale, les femmes sont brillantes dans la police. On pas sur le dos des faits scandaleux qui portent atteinte à l’image de la femme. Les jeunes que nous suivons maintiennent le flambeau très haut.