Se faire belle, aimer et être admirée, c’est le désir de toutes les femmes. Pour révéler sa beauté, la femme a recours à plusieurs astuces et artifices. De la coiffure à la pose des ongles, des cils, en passant par la pédicure, la manucure, tatouage… rien n’est négligé. Et la femme sénégalais ne déroge pas à cette règle. Mais, tout cela à un prix. Comme le dit un dicton, «Pour se faire belle, il faut souffrir», mais aussi cela demande parfois des sacrifices financiers qui peuvent parfois nuire à la santé, selon le médecin généraliste, docteur Ismaïla Ndour.
Le beau est communément défini comme la caractéristique d’une chose qui, à travers une perception sensorielle, procure une sensation de plaisir ou un sentiment de satisfaction. Et, pour cela, chez les femmes, particulièrement, tous les moyens sont bons pour se faire belle. En effet, la femme aime se faire remarquer, se sentir belle. Et pour ce faire, elles ont recours souvent à l’esthétique, faisant appel à des professionnels, pour celles qui en ont les moyens, et à ces nombreux jeunes qui ont investi ce créneau, sans aucune qualification, pour gagner leur vie.
Coiffures, pose des ongles, pédicure, manucure, pose des cils, maquillages, tatouages… tout y passe et rien n’est négligé. Ailleurs en occident surtout, au-delà de ces artifices qui s’élargissement jusqu’au fausses tailles (hanches et fesses) et poitrines (seins), des femmes (stars…) utilisent même la chirurgie esthétique pour se donner la forme et visage qu’elles veulent.
«Pour se faire belle, il faut souffrir», dit un dicton. Mais, cette beauté «artificielle et forcée» demande parfois des sacrifices financiers qui peuvent nuire à la santé. Bref, la beauté chez les dames à un coût. Et des femmes sont prêtes à mettre le prix, rien que pour se faire belle, remarquer et se sentir… aimée. Elles déboursent des sommes considérables à cette fin. «Je dépense 30.000 jusqu’à 50.000 F CFA par mois pour mes soins esthétiques», confesse Aminata, une cliente trouvée dans un salon de coiffure.
Dans un cadre élégant où règne une ambiance chaleureuse, les murs peints en mauve, des casques, des miroirs, des mèches et des greffages, des chaises bien rangées, tout un arsenal de matériels pour… sublimer les dames. A l’intérieur, des femmes sous casques, ou pieds dans l’eau, pour un petit massage, magazines de mode en main, sont en train de discuter des dernières tendances de la mode. Nous sommes dans un salon de coiffure sis à Liberté 6.
Fatim, la propriétaire des lieux, usant de son savoir-faire pour satisfaire une cliente qui fait un tissage, explique son métier. «Je fais des tresses, tissage, pédicure, manucure, maquillage, traitement de cheveux, tout ce dont la femme a besoin pour sa beauté», note l’esthéticienne. Aminata, la cliente, dit sa satisfaction. «Je suis toujours satisfaite en sortant de ce lieux, même si je dépense beaucoup ; c’est le résultat qui compte pour moi».
Pratiquant ce métier depuis 15 ans, Fatim soutient qu’elle s’en sort très bien. «Je reçois des clientes Sénégalaises, Burkinabè, Ivoiriennes, ça dépend. Ça va, je rends grâce à Dieu, je satisfais tous mes besoins avec mon métier». Apres 1h passée à se faire belle, Aminata jette un dernier coup d’œil au miroir ; la cliente sort du salon ravie. «Waouh ! Je me sens plus belle, Fatim vraiment, tu es une magicienne», s’exclame la dame.
16 heures 30 minutes, plus loin toujours à Liberté 6, à quelques minutes du centre-ville, Dakar, c’est une autre réalité. Cette fois-ci dans une ambiance moins chic, pas du tout discrète. «Sokhna si loo beugue ? Pose ?» («Entendez madame que désirez-vous ? Des poses ?» En wolof), questionnent des femmes assises dans un coin, avec à leur côté un panier contenant des produits et artifices de beautés qu’elles proposent aux passants. En face, des hommes, tenant chacun à la main un tube contenant une substance colorante destinée, par effraction cutanée, à créer une marque, des dessins sur des parties superficielles du corps, appelés tatouages. Nous sommes au marché HLM de la capitale Sénégalaise, au cœur du quartier et commune d’arrondissement du même nom (HLM).
Un marché grouillant, vivant et coloré, où on trouve des tissus de toutes sortes et marques et à tous les prix. Tailleurs et vendeurs s’activent côte à côte mais chacun dans son domaine. C’est un marché privilégié, incontournable ou presque, pour le shopping. Toutes les femmes ou presque, pour se faire belle, ont besoin d’y faire un tour.
Trouvée sur place, avec son panier contenant des faux ongles, faux cils, émaux (émail), bref toutes sortes de produits et artifices de beauté, Khady Dieng qui se présente comme une «spécialiste des ongles et des cils» dit que les femmes n’ont plus besoin de dépenser beaucoup d’argent pour se faire belle. «Maintenant, c’est facile de se faire belle. Par exemple, les poses-cils, je le fais à 1000 francs et les poses ongles à 2000 francs. Mes prix sont accessibles pour toutes les femmes. Et je rends grâce à Dieu, j’y gagne bien ma vie».
Khoudia Diop, la cliente de Khady, justifie que le recours à tous ces artifices, «c’est juste pour se faire plus belle. Tu sais, les faux cils, ça sublime le regard ; les longues ongles avec émail sont jolies à voir aussi. C’est juste pour accentuer notre beauté. Ce sont des accessoires qui nous embellissent», soutient la jeune femme qui dépense moins de 10.000 francs pour tous ses soins. «Les prix sont accessibles, c’est pour cela que chaque quinze jours, je viens ici pour changer de modèle».
Les femmes ne sont plus seules dans ce métier envahi de plus en plus par des hommes. D’ailleurs même les esthéticiennes laissent tout ce qui est tatouages à ces derniers. Babacar, qui a un master en poche, s’est reconverti en tatoueur professionnel, depuis 4 ans. Et il ne trouve pas d’inconvénients dans la cohabitation entre les hommes et les femmes. «Dans le secteur informel, il n’y a pas de jalousie, on s’entraide (avec les femmes). Chacun gagne ce qu’il a à gagner. Et, pour mon cas, je gagne entre 300.000 et 400.000 francs CFA par mois».
Tenant entre les mains un tube contenant un liquide noir et une lame, le jeune homme est en train de dessiner sur les mains d’une dame. Utilisant des objets tels que des lames, des ciseaux, des aiguilles, Babacar déclare qu’il ne badine pas avec la stérilisation de son matériels. «A chaque fois je change de lame, après utilisation, le stérilise : donc une lame, une personne. D’ailleurs même ce sont les clientes qui exigent ça parce qu’elles savent les conséquences de partager des objets tranchants», précise Babacar.
Selon Khady, il y a un peu de ralentissement dans leur travail. La cause, «ces temps-ci, beaucoup de femmes fuient les poses-cils et tatouages à causes d’informations véhiculées par des médias. On a dit télé et à la radio que les faux-cils et les tatouages ne sont pas bons pour la santé des femmes. Les docteurs en parlent, les ophtalmologues, tout le monde en parle. Conséquence, on ne gagne plus ce qu’on gagnait auparavant», se plaint la jeune femme.
DOCTEUR ISMAILA NDOUR, MEDECIN GENERALISTE : «Le tatouage ouvre des centaines de portes aux infections virales»
«Un tatouage n’est pas un simple dessin sur la peau. Il s’agit d’un geste médical qui consiste à introduire des pigments de couleurs dans le derme. L’introduction d’une substance étrangère n’est donc pas un geste anodin. Elle génère un phénomène d’inflammation et ouvre des centaines de portes aux infections virales. Le tatouage occasionne des centaines de petites plaies qui vont devoir se cicatriser. La personne récemment tatouée doit, par conséquent, suivre l’évolution de la cicatrisation et s’assurer qu’aucune infection liée au tatouage ne se développe.
En effet, se faire tatouer peut provoquer différentes complications de la peau comme : des risques infectieux locaux comme des granulomes ou des infections bactériennes à staphylocoques ; des risques infectieux viraux comme l’hépatite B, le VIH ou l’hépatite C ; des risques d’allergies dues à l’encre : les symptômes d’allergie au tatouage sont la peau qui gonfle et qui gratte. Il faut savoir qu’un traitement local à base de corticoïdes est souvent insuffisant, la source d’allergie restant active sous la peau. Dans certains cas extrêmes d’allergie, le tatouage doit être retiré soit par laser, soit par chirurgie», prévient docteur Ismaïla Ndour.
Toutes les femmes d’avoir un regard de biche. Pour nous satisfaire, les marques de cosmétiques inventent toujours plus de mascarades révolutionnaires : volume extrême, effet 3D, et j’en passe. Sauf que la tendance actuelle est à l’extension de cils. Une technique qui séduit de plus en plus de femmes, mais qui comporte aussi quelques risques.
Et pour cause, les cils sont censés protéger l’œil. «La longueur moyenne d’un cil correspond à un tiers de la largeur de l’œil (…), elle permet de réduire le flux d’air sur la surface de l’œil et limite donc la déshydratation et le dépôt de particules aériennes», explique médecin généraliste. Or, «plus les cils sont longs plus l’œil est exposé : dessèchement, picotements, infections du type conjonctivite, larmoiement, etc. Il est donc conseillé de porter des faux-cils occasionnellement, voire uniquement quelques heures».
COUMBA TOURÉ, LAURÉATE DU ’’PRIX MARTIN ET CORRETA KING POUR L’UNITE INTERNATIONALE’’
La présidente du Conseil d’administration du think thank Trust Africa, Coumba Touré, recevra le 1er mars à Selma, dans l’Etat d’Alabama aux USA, le prix ’’Martin et Correta King pour l’unite internationale’’ (The Martin and Coretta King International Unit
Dakar, 23 fev (APS) - La présidente du Conseil d’administration du think Thank Trust Africa, Coumba Touré, recevra le 1er mars à Selma, dans l’Etat d’Alabama aux USA, le prix ’’Martin et Correta King pour l’unite internationale’’ (The Martin and Coretta King International Unity Award), a appris l’APS.
Mme Touré recevra cette distinction lors de la célébration des Mouvements pour le droit de vote des Afro-américains, en présence d’illustres militants du monde entier qui vont revisiter les acquis démocratiques des manifestations de 1965.
Elle recevra sa distinction en même temps que Stacy Abram, la député de l’Etat de Gorgia, et trois autres nominés Martin Luther King III, son épouse et sa fille, indique le thinh thank TrustAfrica dans un communiqué.
La structure souligne que ce prix récompense ’’les efforts de Madame Coumba Touré pour faire avancer le respect des droits humains, en Afrique et ailleurs dans le monde’’.
Présidente du Conseil d’administration de TrustAfrica depuis 2018, Coumba Touré, par ailleurs Coordinatrice du Mouvement africans Rising, ’’s’illustre particulièrement dans les actions pour une Afrique unie, indépendante et prospère’’, rappelle la même source.
Le communiqué indique qu’’’au-delà de Madame Coumba Touré, de TrustAfrica et d’Africans Rising, c’est le Sénégal et toute l’Afrique qui seront honorés’’, le 1er mars 2020, dans la ville américaine de Selma, rendue célèbre par les marches de protestation menées en 1965 pour le respect des droits civiques des Afro-americains.
par Awa Ngom Diop Telfort
MOTION D’INDIGNATION
Notre société, que j’aime tant pour tout le bonheur qu’elle m’a procuré jadis, est devenue méconnaissable. Combien ? Combien de femmes, combien d’enfants seront sacrifiés à l’autel du « ndeyssane », du « tchey adina » et du « ndoguelou yalla » ?
Encore une fois, ma plume a tremblé, comme à mon habitude, comme à chaque fois que je suis sous le choc. A l’instar de ma plume, moi aussi, je tremble, sous l’emprise de l’affliction et de l’ire sourde qui battent dans ma jugulaire et résonnent dans mes tempes.
Africaine, Sénégalaise surtout, je suis issue d’un peuple, j’appartiens à une patrie, je fais partie d’une nation avec une diverse et riche culture. Cela représente un héritage précieux, indélébile, éternel, transcendant la simple mortelle que je suis. Je dis bien un héritage. Pas dans le sens d’un bien cédé mais d’un ensemble de valeurs à moi confié par des hommes et des femmes de qualité, proches et non proches, qui ont marqué toutes les étapes de ma vie.
De la maison à l’école, du bureau au marché, partout où je suis passée, dans ce pays où je suis née, où j’ai vécu, grandi et me suis accomplie, j’ai rencontré des gens formidables, Sénégalais et Sénégalaises extraordinaires, qui m’ont toujours fait ressentir une vraie joie de vivre et la grande chance d’être des leurs. De décrire l’attachement et l’estime que j’éprouve à leur égard, « samay nitt[1] », me fait plonger dans une émotion grisante, pour dire combien ils me sont chers, ceux que j’appelle affectueusement mes pairs de patrie, que je les connaisse de près, de loin ou pas du tout, juste parce que ce sont mes compatriotes, juste parce que je me sens liée à eux par ce fil abstrait mais profondément sacré, juste parce que me sentant partie de ce grand ensemble.
Au cours de mes voyages et dans toutes mes interactions, je ne taris pas d’éloges sur eux. Avec une mention particulière pour la Femme Sénégalaise, celle-là même dont j’aime évoquer avec fierté la combativité, la détermination et sa capacité à être une épouse modèle, respectée et convoitée jusque chez nos voisins. Cette mère dotée d’un sens du sacrifice sans pareille, cette amazone du travail qui ne rechigne à aucune tâche. Celle qui, bandant ses poings face à la misère, ne lésine sur rien pour préserver sa dignité et celle de sa famille, gardant toujours la tête haute, le sourire large et une bonne humeur contagieuse.
Je parle aussi des enfants de chez moi. Je décris leur beauté et leur intelligence, combien ils sont espiègles et amusants, vibrants de joie et de gaîté. Les regarder vivre et exister me remplit de bonheur. J’aime leur compagnie, j’aime me laisser corrompre par leur vitalité et leur insouciance.
Dans mes conversations enfin, j’invite toujours à visiter mon Sénégal, que je dépeins comme une terre bénie et guérisseuse, où tous les maux disparaissent tellement les gens sont accueillants, fins d’esprit, moulés de sagesse et de spiritualité.
Comme j’aurais voulu prêter à mes enfants mes yeux pour qu’ils voient le Sénégal de mon enfance et de ma jeunesse, où nous flânions à toute heure de la journée et sans crainte dans les rues de nos quartiers. Comme j’aurais voulu qu’il soit resté inaltéré !
Je suis nostalgique de ces années, où dans mon rituel de socialisation, je sillonnais les artères du centre-ville. Du Boulevard de la République où j’ai étudié et travaillé jusqu’au marché Soumbedioune où j’avais mes habitudes de ravitaillement, j’allais allègrement chaque jour, me faisant, avec beaucoup d’amusement, emboîter le pas par mon trio de petits talibés que j’aimais chouchouter ; m’arrêtant souvent pour rire des histoires de Seynabou, la vendeuse de légumes, qui prenait les symptômes de sa ménopause non diagnostiquée pour des tentatives de sorcellerie de sa coépouse. Saluant Diallo, le marchand de fruits en faction devant l’école Ste Jeanne d’Arc, qui m’avait vue grandir depuis la maternelle et chez qui j’ai acheté des fruits pendant 20 ans. Au détour, je me faisais gentiment harceler par Serigne, mon vendeur ambulant préféré, qui cherchait coûte que coûte à me refourguer sa quincaillerie contre un petit billet, et aussi pour alléger le poids de sa boutique mobile qu’il portait à bout d’épaule toute la sainte journée.
Bref, j’ai eu des moments de bonheur simple, teinté de légèreté et d’insouciance, sans menace majeure. Une vie de « Mademoiselle Sans Soucis », ce surnom dont m’avait affublé M. Coly, mon professeur d’éducation physique au collège.
Cette époque, hélas, évoque un passé très récent mais qui, pourtant, s’éloigne à grand pas de façon inquiétante. Lorsque je détourne la tête de mes souvenirs d’enfance pour tenter d’entrevoir le futur, tous mes heureux repères ont changé. Ce que je vois à la place est un tableau de mauvais goût, un système à l’envers et méconnaissable qui renvoie à une image d’œufs brouillés. Ce que j’entends, ce sont des histoires sordides qui me donnent des spasmes et des insomnies. À les lire ou à les écouter, je ne peux m’empêcher d’invoquer la miséricorde divine en psalmodiant nerveusement « Soubhanallah, Soubhanallah, Soubhanallah », comme pour conjurer le mauvais sort.
Et je souffre. Dans mon âme.
Et je souffre encore. Dans ma tête.
Et je souffre toujours. Dans toute ma chair.
Je souffre en imaginant la misérable corvée de cette sage-femme mandatée pour constater les parties génitales défoncées de la petite fille de quatre ans qui a été violée hier.
Je souffre en imaginant la triste journée de travail de son collègue médecin légiste qui a examiné le crâne de la fille du maçon, fracassé pour une malheureuse pièce de 25 Fcfa, l’avant-veille.
Il y a trois jours, j’ai souffert de mon impuissance à m’interposer entre la receveuse de Dakar Dem Dikk et ce passager manifestement agité qui venait de l’empoigner et de lui asséner une violente gifle, avant de lui arracher sa perruque.
Il y a une semaine, ma douleur a atteint son paroxysme quand j’ai ressenti 64 coups de couteaux dans le ventre.
Je me souviens, encore fraîchement, des chaudes larmes que j’ai partagées, il y a quelques mois, avec Thiabe, pour pleurer la mort de notre sœur Dibe, retrouvée pendue, la tête ouverte et sanglante.
Et, oh comme j’aurais voulu m’agenouiller pour consoler la mère du petit Fallou, quand on est venu lui annoncer que son fils ne rentrera pas du Daara où il a succombé à des coups infligés à cause d’une désobéissance mineure.
Le coup de grâce m’est venu de Wuhan lorsqu’on m’a annoncé sans finesse que « sauver le soldat Ryan[2] » était « hors de portée » de mon Sénégal.
Notre société, que j’aime tant pour tout le bonheur qu’elle m’a procuré jadis, est à vrai dire devenue méconnaissable. Et je me pose bien des questions sur ce que nous avons fait de travers.
Une autre question me turlupine : combien ? Combien de femmes, combien d’enfants seront sacrifiés à l’autel du « ndeyssane[3] », du « tchey adina[4] » et du « ndoguelou yalla[5] ? Combien de femmes Sénégalaises devront se barricader chez elles pour ne pas devenir des Bineta, des Fatoumata, des Ndioba ? Ces survivantes-là, auront-elles alors au moins la sécurité quand il leur faudra aller acheter les linceuls de leurs fils, ramenés corps sans tête pour avoir eu le malheur de croiser un diabolique trafiquant d’organes sur le chemin de la boutique, ou ceux de leurs filles, fauchées par un chauffard sirouman[6] en revenant de l’école ?
Notre pays, le Sénégal, est-il en passe d’atterrir sur la liste des destinations infréquentables et à risques, où prendre une vie est devenu une banalité, un fait divers de plus à la rubrique des chiens écrasés ?
Une loi a été votée, me direz-vous. Protègera-t-elle vraiment nos enfants et nos femmes au-delà de l’effet d’annonce qu’elle a suscité ? Posons le débat autrement. En attendant que cette loi soit débattue, amendée, questionnée jusque dans ses points virgules, en attendant qu’elle soit réellement applicable et effective, dans cet intervalle où elle ne sera utile qu’à épaissir le registre de lois, que faisons-nous ???
Allons-nous abdiquer et reconnaître que nous avons failli dans la transmission de cet héritage à nous confié ? Allons-nous accepter de faire pour nos enfants moins que nos parents et grands-parents ont accompli ? Pourrons-nous assumer d’être la génération qui aura inscrit dans son passif la dérive et la déperdition de notre système social ?
C’est une question sérieuse qui exige une réponse de la même teneur !
Pour tenter d’y répondre, je suis allée puiser au plus profond de ma « Sénégalité » pour dénicher ce que je pense pouvoir faire la différence, juste en attendant que lois et règlements se mettent en place.
C’est ainsi que dans mon introspection, il s’est révélé à moi quelque chose de sublime, d’inédit, de parfait pour la circonstance. Une chose que nous avons tous en commun, à laquelle rien ni personne ne peut porter atteinte et dont, qui plus est, nous pouvons user sans risquer le couperet de l’offense à quiconque.
Cette chose, c’est notre droit inaliénable à l’indignation !
Car je considère que s’indigner est un bon début quand le corps social est en déluge. « La colère », écrira Victor Hugo, « peut être folle ou absurde ; on peut être irrité à tort mais on n'est indigné au fond que lorsqu'on a raison par quelque côté ».
Alors indignons-nous !
Indignons-nous d’abord, en tant que parents, pour être en train de faillir à transmettre avec décence et rigueur le trousseau des valeurs léguées par nos ancêtres ;
Indignons-nous, en tant que parents encore, de ne pas veiller scrupuleusement à l’éducation sociale et comportementale, à la protection, la sécurité et l’intégrité physique et morale de nos filles et garçons dans nos foyers ;
Indignons-nous, en tant que parents enfin, de ne pas contrôler et restreindre l’exposition pernicieuse de notre progéniture à des modèles importés de culture de masse ;
Indignons-nous, en tant que Père de la Nation, de céder à la renonciation et au fatalisme sur des questions vitales et de nous en contenter à défaut comme d’un pis-aller ;
Indignons-nous, en tant qu’enseignants, de ne pas persister à inculquer, de la Case des Tout-Petits à l’Université, la valeur du savoir, du respect de l’autre et du bien commun ;
Indignons-nous, en tant que tenants et conquérants du pouvoir, de ne pas nous associer, dans une démarche concertée, civile et sereine, pour ancrer dans la conscience citoyenne une notion objective de la normalité, sans chercher ni gloire, ni buzz, ni mandat ;
Indignons-nous, en tant qu’automobilistes, de faire fi de la prudence routière et par conséquent de la vie des piétons et des passagers ;
Indignons-nous, en tant que guides suprêmes religieux, Khalifes généraux et Cardinaux, de ne pas être farouchement inflexibles sur la préservation du patrimoine spirituel que les dévots reposant dans nos cimetières ont pétri au prix de leur liberté ;
Indignons-nous, en tant que leaders d’opinion et porte-voix, de manquer, dans nos débats, d’examiner les questions sociétales sous un angle rigoureusement sociologique et non politique, ni partisan, ni activiste ;
Indignons-nous en wolof, en pulaar, en diola, en soninké, en sérère, en toucouleur, en malinké, chez les Mourides, Tidianes, Khadres, Layènes et Niassène confondus et unis, dans nos chambres, salons et cours, dans nos bureaux et nos commerces, sur nos étals et nos boulevards, dans nos écoles et pendant nos assemblées de prières.
Indignons-nous enfin pour reconquérir notre unicité Sénégalaise et redorer le blason de ce qui nous lie.
Puissions-nous tous user de notre capacité d’indignation et de notre droit à l’exprimer afin de déployer collectivement et froidement les fondations d’un modèle de société viable, qui nous soit propre et qui profitera à tous, Sénégalais, résidents, émigrés, visiteurs et sympathisants, par amour pour notre Sénégal. Que la paix soit avec nous.
Awa Ngom Diop Telfort est spécialiste en communication
[6] Rabatteur de véhicule de transport en commun qui n’est pas doté d’une grande expérience ou qui ne détient pas un permis de conduire en bonne et due forme
UNE FILLE DE 3 ANS LIGOTÉE, VIOLÉE ET TUÉE
Le corps sans vie d’une fillette âgée de 3 ans a été retrouvé, ce mercredi 12 février, dans une maison abandonnée dans le quartier N’Diourbel Extension de Rosso
Le corps sans vie d’une fillette âgée de 3 ans a été retrouvé, ce mercredi 12 février, dans une maison abandonnée dans le quartier N’Diourbel Extension de Rosso, au Sud-Ouest de la Mauritanie. Cette fillette a été violée puis tuée par un inconnu. Elle a été retrouvée ligotée et les yeux bandés.
Alertées, les autorités judiciaires et sécuritaires se sont rendues sur le lieu, où, une immense foule de personnes en colère s’était massée.
Après constat de la mort de la fille, les autorités ont ordonné à ce que les services de la police ouvrent une enquête et que l’auteur de ce crime soit déniché. Suite à ce crime qui plongé toute la ville dans la consternation, les populations exigent à ce que le malfaiteur soit arrêté et sévèrement châtié.
MARIAGES À TOUBA : LE KHALIFE GÉNÉRAL FAIT PASSER LA DOT DE 16 000 FCFA À 26 000 FCFA
Le Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a pris une décision de taille.
En recevant une délégation de religieux, il a fait annoncer, par la dahira Moukhadimatoul Khadma, le passage de la dot pour les mariages d’un montant de 16 000 F CFA à 26 000 F CFA, soit une hausse de 10 000 F CFA.
Une hausse qui s’explique par le fait que le montant précédent a été fixé du temps de Serigne Fallou Mbacké, Khalife général des mourides de 1945 à 1968.
Plus d’un demi-siècle plus tard, l’inflation est telle qu’une telle hausse est largement justifiée selon le porte-parole du jour : « Cela obéit parfaitement aux préceptes de l’Islam par rapport aux clauses du mariage.
Ce qu’on pouvait acheter il y a cinquante ans avec 16 000 F CFA, on ne peut plus l’acheter aujourd’hui avec la même somme. Quand le Khalife a consulté ses relais sur ces questions, il est arrivé à une telle décision sur cette question qui appartient à tous les musulmans.
Car la dot a été instituée pour permettre à la future épouse de pouvoir s’offrir quelque chose de symbolique... »
MINA LA VOILÉE, LA RÉSISTANTE DE LA SCÈNE HIP-HOP SENEGALAISE
On lui avait dit que le voile et le rap n'étaient pas compatibles : Mina la voilée a prouvé le contraire. Artiste et féministe revendiquée, elle défend, avec un flow percutant, la liberté et les droits des femmes
"Quand je chante, je ne suis pas musulmane, ni catholique, ni animiste. Je suis juste une femme qui fait du rap." À 27 ans, Mina la voilée s'est imposée comme une artiste incontournable du hip-hop "galsen" (verlan de "Sénégal"). Une bataille durement menée pour celle qui cumule deux "stigmates" : femme et voilée.
Le rap et le voile, "ça colle pas ensemble"
Pour Mina, le rap a toujours été synonyme de résistance. Elle tombe dedans en 2012, alors que le Sénégal est en proie à une fronde populaire depuis plusieurs mois. La rue s'oppose à la candidature d'Abdulaye Wade à la présidentielle et les rappeurs sont en première ligne de la contestation. Alors que leur lycée du quartier de Parcelles, à Dakar, est tout le temps en grève, Mina et sa bande s'infusent des sons des rappeurs Keur Gui, Fou Malade ou 5kiem Underground, chefs de file du collectif "Y'en a marre", mouvement d'opposition qui porte les revendications de la jeunesse dans la rue.
"L'école était tout le temps fermée et avec mes copains, on redoutait une année blanche", raconte Mina à France 24 (une année scolaire est considérée comme blanche quand il y a plus de jours de grèves que de jours de cours, entraînant l'annulation des examens). "Le collectif de rap du lycée a sorti une chanson pour dénoncer la situation. Ils m'ont invitée à chanter."
Seule fille du groupe, elle impose son flow percutant. Mais Mina porte le voile : "Le collectif trouvait que le rap et le voile, ça collait pas ensemble. Alors ils m'ont demandé de l'enlever". Ce qu'elle fait. Elle tourne son premier clip à tête découverte et fait une entorse à sa pratique religieuse pendant plus d'un an, concession indispensable pour se faire sa place dans le milieu. "Je n'étais pas très à l'aise mais mon envie de rapper était plus forte", explique Mina.
Artiste "en cachette"
Elle doit aussi surmonter les pressions familiales. Mina a grandi dans une famille qu'elle qualifie de "conservatrice", et son père ne voit pas d'un bon œil ses velléités artistiques. "Chez moi, on doit se lever tôt, travailler et se coucher tôt. Je n'avais pas le droit de sortir le soir", nous raconte la jeune femme. Elle se entame des études de communication, mais sa passion ne la lâche pas.
"Je séchais les cours pour faire du free style et avec la complicité de ma mère, j'arrivais à aller à quelques concerts. Pendant quatre ans, j'ai vécu ma vie artistique en cachette", se souvient-elle. Puis en 2016, elle se décide de s'imposer : elle arrête ses études, enregistre un premier titre et assume le port du voile.
Son premier single "Sale Rap Malékoum", écrit en wolof, est un cri de colère. "J'y dénonce le rap qui favorise le business plutôt que l'engagement, celui qui ne montre que des filles nues, qui ne m'accepte pas. Je dénonce ceux qui veulent me dicter ma conduite, mon style vestimentaire. Je leur dis 'basta'."
Ce titre lui vaut de violentes charges sur les réseaux sociaux et elle rencontre des oppositions de toutes parts. Soit on lui reproche le port du voile, "incompatible avec la scène hip-hop"; soit on lui reproche la scène, "incompatible avec l'islam". "Beaucoup d'hommes m'ont insultée, m'ont dit que je gâchais la religion, que j'étais l'incarnation de Satan, etc.", se souvient Mina.
Le rap, acte de résistance féministe
Mais plutôt que de la décourager, ces attaques la rendent plus combative ; elle intègre Gënji Hip Hop ("gënji" qui veut dire "femme", en wolof), un collectif de plus de 70 femmes militantes issues des cultures urbaines (rappeuses, vidéastes, slameuses, graffeuses, désigneuses, techniciennes, journalistes, etc.). Ensemble, elles défendent leur place dans un milieu encore très largement dominé par les hommes.
"Même si ça va mieux qu'avant, les femmes du milieu restent plus 'renouvelables'. L'injonction socio-culturelle reste forte. Dès qu'une femme se marie, elle doit arrêter de chanter. Dès qu'elle fait des études, elle doit arrêter. C'est difficile de s'imposer sur le devant de la scène", nous explique Mina. "Aujourd'hui, on a envie de montrer qu'on peut être au premier plan et qu'on peut exister durablement dans la musique."
La collectif, qui a l'ambition de créer, à terme, des structures autonomes 100 % féminines, a élargi son combat pour défendre plus largement les droits des femmes au Sénégal. Dans leurs titres, les rappeuses du Gënji Hip Hop dénoncent les mariages précoces, l'excision ou les violences sexuelles. "La musique m'a forgée, m'a rendue plus combative, assure Mina. Je ne me laisserai plus jamais dicter ma conduite. C'est ce message de femme libre que je veux faire passer".
L’EXCISION ALTÈRE LA SANTE DE LA MÈRE ET DE L’ENFANT
Beaucoup de personnes, surtout celles qui ne connaissent pas la pratique, n’entendent parler de l’excision qu’à travers la presse ou dans les discussions de salon, mais elles ne savent exactement pas à quel point c’est horrible.
Beaucoup de personnes, surtout celles qui ne connaissent pas la pratique, n’entendent parler de l’excision qu’à travers la presse ou dans les discussions de salon, mais elles ne savent exactement pas à quel point c’est horrible. La vidéo choquante qui circule sur le Net nous laisse sans voix. Le Témoin, à l’occasion de la célébration de la journée de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines (Mgf), célébrée chaque année le 06 février, revient sur la douleur sans complexe infligée à ces femmes, et qui ne manque pas de conséquences sanitaires, sociales comme psychologiques. Elles pourrissent même la santé de la mère et celle de l’enfant, selon le gynécologue Dr Abdoulaye Diop.
Les images sont horribles, et les cris stridents de la jeune fille glaçants. Jambes maladroitement écartées de force par quatre femmes qui lui bloquent également les deux mains et la tête, la tortionnaire s’apprête à lui couper une partie d’elle. En une fraction de secondes, la jeune fille va se retrouver avec une moitié de clitoris et le tiers et ses deux lèvres supérieures. Couteau presque rouillé et sans désinfectant à la main, l’exciseuse procède à l’amputation d’une bonne partie du clitoris de la jeune fille bien retenue. De même que les deux lèvres supérieures. Ces membranes, éliminées du corps de la jeune fille larmoyante, le sang gicle. Tout devient rouge autour d’elle, sur le couteau et sur les doigts de la femme exciseuse. Ce, sans anesthésie locale ! la jeune fille ne pouvant plus résister à la pratique plus que barbare, hurle de toutes ses forces. Elle pleure de rage. Des cris stridents, car ne pouvant plus calmer la douleur. Tellement elle est atroce. « Je suis morte », crie-t-elle de toutes ses forces. Oui, elle est « morte » ! Car son âme, -pour ne pas dire son corps toute entière-, lui a été volée par des femmes insensées. Lesquelles, en voulant respecter une tradition culturelle moyenâgeuse, font fi des conséquences physiques, psychologiques et sanitaires que peut engendrer une telle pratique inhumaine. La scène est horrible, indigne et plus que choquante. C’est à la limite une abomination.
Quelle épouvantable et abominable pratique !
La suppliée subit l’acte sans soins. Juste un petit pagne qu’on étale entre les deux jambes comme un « nguimb » d’un lutteur avant de l’aider à se relever, lui demandant d’être forte. Car « elle est devenue une grande fille maintenant. Mais elle a très mal, et peinait à marcher. Elle a subi et a survécu de cette torture à vie. Encore qu’elle est « chanceuse », comparée à ces milliers de femmes qui décèdent suite à une hémorragie. la vidéo dans laquelle on procède sans cœur à la mutilation d’une bonne partie de son sexe ; son clitoris et ses lèvres supérieures, ne constitue qu’un petit exemple dans la grande forêt de femmes qui ont traversé ce moment douloureux dans leur enfance. on leur a coupé leur féminité, leur intimité, et toute leur chair. Au nom d’une tradition, elles font aujourd’hui face à une déchirure hémorragique extrêmement douloureuse. C’est le cas de cette dame nouvellement mariée et qui a aussi subi cette atrocité. Qui l’aurait empêché de vivre pleinement. « Je me sens handicapée à vie. Cela m’a créé un énorme blocage. Ma nuit de noce a été un enfer », a témoigné cette femme dans l’anonymat.
«Les justifications aboutissent à l’effet inverse»
Le poids de la coutume semble être l’explication la plus fréquente pour justifier les mutilations génitales féminines. Seulement, les arguments avancés sont nombreux. D’aucuns pensent que la finalité de l’excision serait de « contrôler » la sexualité féminine. Elle permettrait de préserver la chasteté par l’inhibition du plaisir et du désir sexuel. Selon le docteur Abdoulaye Diop, « on voit dans ces pratiques le symbole de l’oppression masculine. Mais il est intéressant de noter qu’elles sont perpétuées essentiellement par les femmes, - mère ou grand-mère-, et le geste réalisé par des femmes ».
Concernant l’argument selon lequel, l’excision accroit la fécondité et protège le nouveau-né à l’accouchement ou assainit les organes génitaux de la femme, le gynécologue explique que « ces justifications aboutissent à l’effet inverse puisque, dit-il, ses actes altèrent aussi bien la santé de la mère que celle de l’enfant ». Toutefois, il tient à rappeler que « des milliers de femmes au Sénégal, où la pratique est interdite depuis le 13 janvier 1999, ignorent que les mutilations et leurs conséquences peuvent désormais être réparées pour leur permettre de retrouver une dignité perdue ».
À LA RECHERCHE DU PLAISIR PERDU
Excisée à la naissance, Fatoumata Tamba lutte contre les mutilations génitales féminines, qui touchent près de 200 millions de femmes dans le monde. Pour cette Sénégalaise, l’abolition de cette pratique ne peut passer que par l’éducation des jeunes
Excisée à la naissance, Fatoumata Tamba lutte contre les mutilations génitales féminines, qui touchent près de 200 millions de femmes dans le monde. Pour cette Sénégalaise, l’abolition de cette pratique ne peut passer que par l’éducation des jeunes. Dans sa consultation de Sédhiou, en Casamance, elle casse les mythes sur la sexualité féminine.
"Quand tu es excisée, il faut mettre en place des stratégies pour trouver le plaisir !" Fatoumata Tamba n’est pas revêche à la confidence. Après quelques minutes de conversation, cette Sénégalaise au sourire mutin envoie valser un tas d’idées reçues sur la sexualité et l’excision. Notamment celle qui voudrait que cette mutilation – qui consiste en l’ablation partielle du clitoris, le seul organe entièrement consacré au plaisir – empêcherait celles qui en ont été victimes d’avoir une sexualité épanouie.
À 37 ans, Fatoumata revendique une sexualité heureuse. Pour autant, ce n’est pas elle qui va défendre cette pratique traditionnelle, dont elle a fait les frais à sa naissance. Elle a même fait la route depuis Sédhiou, ville et district de sa Casamance natale, pour représenter l’Amref, ONG africaine de santé publique, à Paris lors de la Journée internationale de lutte contre les mutilations génitales féminines, le 6 février. Au nom de croyances ancestrales et patriarcales, de conventions culturelles et sociales, ce fléau affecte toujours près de 200 millions de femmes, filles et fillettes dans le monde, selon l’Unicef.
Remise en cause de leur intégrité physique et morale, l'excision entraîne aussi de graves conséquences sanitaires, parmi lesquelles : infections, fuites urinaires, douleurs chroniques, hémorragies, fistules, complication à l’accouchement, etc. Quant au plaisir, certes l’excision ne l'interdit pas – seule la partie "émergée" du clitoris est coupée, le reste de cet organe d’une dizaine de centimètres restant innervé et donc sensible. Mais les rapports restent douloureux pour beaucoup. "Je rencontre des filles qui redoutent leur nuit de noce ou des femmes mariées qui se refusent à leur mari parce que ça leur fait trop mal", constate Fatoumata.
"Le plaisir, ça dépend de la manière de faire"
Fatoumata consacre chacune de ses journées, depuis près de 20 ans, à militer pour l’abandon de cette pratique. Elle fait un travail de sensibilisation dans les quartiers de Sédhiou et les villages environnants, dispensant aux jeunes filles et aux garçons une éducation à une sexualité heureuse et respectueuse du droit de chacun(e) à disposer de son corps. "Ce n’est pas facile d’aborder ces questions avec ses parents. Mais les jeunes savent que chez 'Tata Fatoumata', on peut tout dire, et surtout, tout demander."
Adossée à un lycée de Sédhiou, sa consultation ne désemplit pas. Pour cette ancienne laborantine, ces rendez-vous sont devenus un observatoire des lentes mutations qui s’opèrent dans l’intimité des jeunes Sénégalais. "L’excision fait partie de nos valeurs. Les anciens pensent que si on ne coupe pas les femmes, elles auront trop d’appétit sexuel et iront sans cesse chercher les hommes. C’est considéré comme un rite de purification", explique-t-elle.
Mais pour la nouvelle génération, mieux informée, plus éduquée et biberonnée à Internet, ces mythes ont fait long feu. "Les jeunes filles excisées prennent plus de risques et multiplient les partenaires pour rechercher le plaisir et celui qui saura leur donner", analyse Fatoumata, qui observe une augmentation des grossesses précoces chez les jeunes filles mutilées.
"Il faut dire que beaucoup d’hommes ne font pas attention au plaisir de leur partenaire !", ajoute-t-elle. Mais pour les intéressés, Fatoumata a un argument massue pour faire évoluer les mentalités : "J’explique aux jeunes hommes tous les efforts qu’ils devront faire pour satisfaire leur partenaire excisée". Aux jeunes femmes, elle distribue des vidéos érotiques, comme une sorte de manuel où piocher idées et positions qui ouvriraient les portes de l’orgasme malgré un sexe amputé. "Après on en reparle et on voit ce qui marche et ce qui ne marche pas ! Le plaisir, ça dépend de la manière de faire…"
L'avenir porteur d'espoir
En Afrique, près de trois millions de femmes subissent cette mutilation chaque année. Néanmoins, Fatoumata a bon espoir de voir la pratique disparaître dans sa région d'ici à la prochaine génération. Elle salue le travail d’éducation mené dans les écoles et la volonté politique des autorités. Le Sénégal a pénalisé l'excision en 1999 à la suite du lobbying intensif de femmes parlementaires. Et si la prévalence de l’excision reste élevée dans la région de Sédhiou - où elle atteint encore 43% des filles de 0 à 14 ans, les chiffres ont diminué de moitié en dix ans. "Ma mère a fait exciser ses cinq filles mais mes sœurs n’ont pas fait exciser les leurs. Et je ne leur ferai certainement pas."
À ce jour, Fatoumata n’est pas encore mère. Par choix. Par crainte aussi. Derrière l’humour et la langue déliée, se cachent les peurs et les cicatrices intimes. Elle redoute de subir à son tour le calvaire que peut être un accouchement sur une vulve cicatricielle. "Quand mon gynécologue me dit ‘Alors Fatoumata, quand est-ce que je te vois en salle d’accouchement ?’, je pars en courant !", raconte-t-elle en riant. Mais la féministe revendiquée n’est pas de celles qui se laissent guider leurs choix par des lois patriarcales. Ses droits ont été bafoué, alors qu’elle n’était qu’un bébé. Depuis, elle a repris le contrôle de son corps et de sa vie. Elle envisage donc des enfants avec l’homme qu’elle s’apprête à épouser. "Mais pas plus de deux !", avertit-elle. L'heureux élu n’a qu’à bien se tenir.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
FATIMATA DIALLO & BITY KEBE, LETTRES JUMELLES
EXCLUSIF SENEPLUS - Professeures de Lettres, écrivaines, féministes, amies voire complices, elles présentent tous les traits de la gémellité littéraire. Un tandem au cœur d’une littérature nationale en quête de renouveau - INVENTAIRE DES IDOLES
Professeures de Lettres, écrivaines, lectrices, féministes, dakaroises, mères de famille, amies voire complices, Bity Kebe & Fatimata Diallo présentent tous les traits de la gémellité littéraire. Un tandem au cœur d’une littérature nationale en quête de renouveau. Portrait croisé.
Au numéro 10 de VDN (Voie dégagée Nord) à Dakar, la façade du local de la maison d’édition l’Harmattan Sénégal est discrète. Sur l’auguste avenue qui fend la capitale en deux, on voit à peine les lettres vertes capitales orner la devanture sur une pâle peinture blanche. Au rez-de-chaussée, une fois le seuil franchi, le rayon des parutions récentes, les stocks de bouquins, un comptoir discret, donnent à la librairie des airs rustiques. Une fois dedans, on est saisi par la profusion et la vitalité productive de la littérature sénégalaise dont l’Harmattan Sénégal, non sans essuyer des critiques assassines, s’est fait le moteur et le catalyseur. Au premier étage, comme salle témoin de cette nouvelle vie des lettres nationales, une pièce où beaucoup de cérémonies de présentations de livres prennent place, comme cet après-midi d’avril 2019, où celle qui est l’affiche est une romancière qui vient d’offrir au public, un roman remarqué, Des cris sous la peau, publié aux éditions Presses Panafricaines en juin 2018. Fatimata Diallo Ba est presque noyée dans l’effervescence de son évènement, qui a rassemblé une partie du gotha des lettres locales : entre autres Pape Samba Kane écrivain, Kibili Demba Cissokho, journaliste culturel, Abdoulaye Diallo, docteur en littérature et boss de la maison Harmattan Sénégal, sont de la partie. Connaissances et anonymes garnissent aussi l’affluence. Dans le public, très endimanché, l’évènement ne manque pas de drainer une certaine solennité, et sur la scène ont déjà pris place les acteurs du jour qui doivent débattre du livre. Les choses se font en grand comme le veut la tradition des séances de lancement, au risque d’une atmosphère parfois un peu guindée. Un pupitre est dressé d’où le maître de cérémonie, à la manière d’une réunion politique, déroule le menu. Se succède ensuite série d’intervenants. Fatimata Diallo est en retrait. Sur son visage, la vedette du jour alterne des moues de pudeurs et de gratitude, habillée dans la majesté simple d’une tunique sénégalaise jaune et d’un foulard assorti. Elle scrute la salle, salue, congratule, du haut de ses 50 ans révolus, avec son visage sérieux où perce une joie notable.
Livres de femmes « empêchées »
Les avis sur ce livre ont été unanimes ou presque. Des échos de la rencontre le confirment, où on salue cette écriture visuelle, et la grande pondération dans la dénonciation de la condition des femmes. Des cris sous la peau est en effet un livre qui, sous de fausses apparences poétiques, glisse immanquablement dans l’abîme. On rencontre les tourments d’une « petite fille de 45 ans » qui tient la narration, le drame de sa cousine Arame, la rétrospection dans le drame fondateur, la pénétration presque surnaturelle avec un personnage venu des âges qui se nomme Saran. Tout à la fois féminin et féministe, le texte charrie une grande violence, même si – miracle - il ne tombe pas dans le précipice. L’écriture campe les paysages extérieurs comme intérieurs, dresse la psychologie des personnages, tous frappés par des malédictions indicibles. Roman de femmes, où les rares apparitions masculines sont minorées ou anonymes, il prend la société par le col, pour la forcer à voir comment la destruction des corps et des esprits peut être causée par le viol. Un traumatisme fil conducteur sourd, progressif et épilogue du livre. En période de procès de la domination masculine, l’art du récit fournit quelques pièces à convictions supplémentaires, dans une société conservatrice où la femme paye un double tribut, celui de la misère des corps et des âmes. L’intrigue est lente à être percée à jour, et tout au long des 150 pages ou presque, c’est le roman des vies volées. La violence sociale étouffée émerge comme un cri libérateur. La tentation est grande de dresser un parallèle entre cette « fille de 45 ans », et l’autrice d’une cinquantaine d’année. Elle balaie pourtant : « ce n’est pas elle, mais son avatar ». Des éléments biographiques ? « Oui », comme toujours. Mais ce qui a déclenché l’écriture de ce livre, qui a séduit jusqu’au jury du prix Les Afriques, où il a figuré sur la liste des sélectionnés, c’est un épisode récent, d’apologie du viol dont s’est rendu coupable un chroniqueur très écouté de la place dakaroise. Eprouvée par cette violence, la romancière agrège diverses expériences, pour expulser ce « cri » qui la démangeait.
Chez Presses panafricaines, maison canadienne fondée par des expatriés sénégalais, c’est comme si on s’était donné le mot. Quelques mois plus tôt, en janvier 2018, paraissait un autre ouvrage où on retrouve sinon les mêmes tonalités, au moins la même fibre du cri et le souci de l’esthétique. Mes vicissitudes, signé Bity Kebe, renoue avec un art poétique qui plante la plume dans le drame des amours contrariées, sans rien laisser des sentiments annexes, comme la gratitude, l’hommage, l’amitié. Le recueil de Bity Kebe, divisé en six parties, étend l’horizon de Fatimata Diallo et celui du roman. Dans ces tableaux dakarois, plane l’ombre de Baudelaire dont elle cite de mémoire les passages quand on pointe des affinités. Avec la souplesse des vers, l’incursion dans les calligrammes, une puissance de la simplicité coule le long des pages, où la pudeur et une certaine élégance viennent empêcher l’explosion finale. Au cœur du texte, la condition féminine, l’éloge de la femme, la thérapie face aux drames de la vie, tout se bouscule dans ces vers où le jeu avec la langue, marque une certaine maîtrise des petites subtilités linguistiques, au risque même de paraître parfois, scolaire. Bity Kebe a l’habitude des lettres, inculquées très tôt par un père comptable, avec une grande inclination littéraire et journalistique. Lire, elle en fait son hobby, sa routine, jusqu’à devenir une régulière de l’émission de TV Impressions de Sada Kane, où elle présente plusieurs ouvrages, ceux de Felwine Sarr notamment, dont elle admire l’œuvre. C’est sur cette scène, avec un visage calme qu’un ouragan ne saurait perturber, que le public sénégalais l’a découverte. Lectrice consciencieuse, elle entre dans les textes avec la minutie nécessaire et l’honneur de la restitution fidèle. Bity Kebe a des élans de grande royale, une pudeur naturelle, inculquée très jeune, un port et une tenue qui inspirent le respect. A 50 ans, la mère de 4 enfants cultive une élégance, celle de la mère sénégalaise marquée par le soin et la grande retenue. Toutes vertus que l’on retrouve dans son livre, au risque parfois d’être tenté, comme lecteur, par la frustration, tant l’on s’imagine, ce que pourrait donner plus d’audace.
Deux livres, accords et à cris
Lire ces deux ouvrages, à un intervalle rapproché, c’est expérimenter une télépathie peu commune, tant les deux livres paraissent avoir été écrit à quatre mains, par le même cœur et la même âme, comme en miroir dans des genres différents. Par leur âge, leurs affinités professionnelles - toutes deux sont professeurs de lettres à Dakar avec plus de 20 ans de métier - par leurs sujets, par une saisissante ressemblance physique et une amitié qui s’est déclarée sur le tard, comme par vocation, les deux femmes présentent tous les traits de la gémellité littéraire, qui dépasse le cadre de la simple intuition. Elles sont des ambassadrices des lettres sénégalaises actuelles, inscrites - à l’instar de Sokhna Benga - dans un calendrier national. Elles disent et perpétuent cette longue fibre présente dans la littérature sénégalaise, dont Mariama Ba fut l’une des pionnières et Fatou Diome, une autre réplique récente. A la tentation de dresser des filiations, les deux femmes ont deux réactions sensiblement différentes face à ces idoles devenues classiques. Bity Kebe a été, jeune lectrice, « choquée » par le Babob Fou de Ken Bugul, par sa liberté de ton, son impudeur, même si, elle a reconsidéré cette ancienne appréciation ; Fatimata Diallo elle, a été « surprise », mais adopte l’inclassable autrice dans ses références. Leurs tempéraments, même si Fatimata a eu la révolte précoce et encore tonique, font d’elles plutôt des héritières d’Aminata Sow Fall, dont la douceur et la componction toute bourgeoise ont créé un genre plus en phase avec l’image de sagesse maternelle. Elles s’en nourrissent, mais cultivent aussi, au milieu de la ressemblance, des trajectoires uniques. Le poids des contraintes, les conditionnements sociaux, pèsent de leur poids sur ces deux femmes mariées, tenues par une obligation de rassurer les inquisiteurs, et qui ne peuvent se permettre, au vu de ce pedigree, de s’autoriser les embardées d’une Ken Bugul ou d’une Fatou Diome chez qui, le cri avec forces et faiblesses mêlées, s’émancipe du qu’en dira-ton. Ce qui forge encore plus leur complicité, c’est que les deux femmes ont publié relativement tard, pour deux férues de lettres, lectrices précoces, qui citent volontiers Senghor et Victor Hugo dans leur panthéon commun. Si elles n’ont pas écrit plus tôt, peut-être la raison se trouve-t-elle dans des parcours atypiques, des contraintes conjugales. La conséquence elle, c’est que leurs livres portent le sceau de la maturité de l’âge mais aussi parfois celui de ses renonciations.
Jumelles précoces et tardives
C’est à Dakar, à la fin des années 60 que les deux femmes voient le jour. Fatimata grandit entre Liberté 5 et Baobab, deux quartiers dakarois. Scolarité sans secousses pour cette jeune fille brillante qui très tôt se révolte contre « l’assassinat des moutons pour la tabaski ». Expérience dont elle garde un souvenir précieux, comme l’annonce d’une vie de bienveillance au service des plus faibles. Cette fille d’enseignants fréquente tôt la bibliothèque, obtient son bac au Lycée Kennedy, une institution réputée de la capitale qui forme l’élite féminine. Elle enchaine avec une prépa en lettres à Poitiers. L’école normale supérieure se refuse à elle, elle est reçue toutefois au CAPES (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) mais un imprévu se dresse sur son chemin : elle n’est pas française et ne peut être titularisée. Elle devient donc professeur contractuelle à l’académie de Paris, dans les prestigieux lycées comme Henry IV où elle enseigne les lettres, étudiées successivement, dans son cursus précédent, à la faculté de Poitiers et ensuite à la Sorbonne. En 99, elle obtient enfin cette nationalité et, bonne joueuse, repasse le CAPES qu’elle revalide, avant d’être affectée à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. Comme contractuelle ou titulaire, elle transmet son savoir pendant plus de 15 ans en France, avant de demander un détachement à Dakar où depuis 2007 elle fait le bonheur des élèves du lycée français Jean Mermoz de Dakar. Ce même lycée, où Bity Kebe fait aussi des piges en 2019, après un parcours bluffant de ressemblance avec celui de Fatimata.
C’est aussi à Dakar que la professeure de Lettres naît, dans la banlieue à Pikine. Elle grandit sous la protection et l’influence de sa grand-mère, quand ses parents vivent eux à HLM Guédiawaye. Elle fréquente l’école Pikine, ensuite le CEM Canada, et le lycée Limamou Laye. En 88, l’année blanche a raison de son Bac. Par un stratagème savant, grâce à une connaissance de la famille, elle finit, avec ses résultats brillants, au lycée Kennedy. Comme un écho primal, les deux femmes manquent à peine de se croiser dans l’institution pour filles. Bity Kebe poursuit en Lettres à Dakar à l’université Cheikh Anta Diop, après avoir hésité entre le Droit, l’Anglais et la Sociologie. Elle décroche sa maîtrise mais suit son mari en France. Son mentor Bassirou Dieng, homme de lettres, lui conseille alors de tenter l’ENS de Dakar. Elle a aussi en vue le métier de journaliste avec le CESTI en ligne de mire. Elle est enceinte pendant la période du concours auquel elle renonce donc, et c’est finalement l’ENS qui la reçoit dans un scénario digne d’un film loufoque : alors que son nom est dans la liste des admis, elle ne le découvre qu’un mois après la rentrée, informée par des amies. Elle en sort avec le CAEM (Certificat d'Aptitude à l'Enseignement moyen), enseigne 10 ans dans son ancien lycée Limamou Laye dans un retour prodigue. Mais la jeune femme se sent incomplète, elle repasse à l’ENS pour décrocher le CAES qui lui permet de monter en grade, soutient un mémoire de DEA. Elle postule ensuite à une thèse à laquelle elle doit partiellement renoncer, à l’affut des dispositions idoines pour réveiller cette ambition. Restée à Dakar, elle n’est pas enchantée par une affectation à Diourbel qui se profile, elle la refuse, risquant ainsi sa place et une radiation. C’est finalement par un savant arrangement qu’elle obtient gain de cause : elle enseigne au Lycée Blaise Diagne. Depuis 2018, elle est formatrice, n’a plus les craies en main, mais ne renonce pas. Elle a un livre à paraître, son deuxième, incessamment sou peu chez Presses Panafricaines.
On s’imagine bien la réaction alors de Bity Kebe, quand Fatimata Diallo lui a proposé d’enseigner à Jean Mermoz en 2019. Elles y travaillent toutes deux désormais, Bity Kebe encadre les élèves en difficulté dans un programme « Mieux réussir ». Un signe ? Pour ces deux femmes, les signes sont se sont multipliés en réalité. C’est curieusement sur Facebook, très récemment, par post interposés, que les deux jumelles se sont mutuellement séduites. Fatimata admire alors « la précision des formules de Bity, et sa grande érudition sur les subtilités de la langue » ; Bity elle, « apprécie le don pour narrer les paysages » de Fatimata. Même virtuelle, l’amitié est scellée. Pour des jumelles, la vraie naissance est tardive, retardée seulement de cinquante années qui ont mûri une affection mutuelle. Elles ont fait leur entrée en littérature en même temps, chez le même éditeur, dans la même collection Soleil d’hiver, et continuent d’écrire cette histoire de la femme au cœur de la littérature, avec chacune une fibre qui fait écho en l’autre et surtout, un grand talent de plume. A Dakar, cette ressemblance commence à s’ébruiter de plus en plus, au-delà du trait physique. Leur regard sur la société sénégalaise est désenchanté mais elles confient leur espoir aux livres. Pourquoi écrire le cruel en le dépouillant, ce vernis d’une langue douce sur un épiderme malade ? Des cris sous la peau, l’image ne dit-elle pas le bâillonnement ? Fatimata plaide « l’intelligence des situations », la volonté de ne pas « heurter », de ne pas donner de la « matière pour les détracteurs de ne pas juger l’œuvre mais la personne ». Bity abonde dans le même sens, elle tient aux « liens de parenté, au tact », et recourt à cette anecdote sur ses frères qui avaient fait preuve de courage pour la protéger d’une agression contre des malfrats entre Niayes et Cambérène quand elle était jeune fille. La « franchise » et la « gratitude » en valeur cardinales, elle les partage avec Fatimata Diallo. Il y a chez elle, naturellement, « une mesure » jusque dans le regard à la fois magnétique et timide, qui n’est pas une fuite lâche, assure-t-elle. Elle parie sur la « force des écrits » pour sédimenter dans la société, dont toutes les deux fustigent le patriarcat.
Références classiques
A part les classiques français du 19e siècle qu’elles citent en chœur, les deux jeunes filles de 50 ans, citent volontiers des écrivains actuels comme lectures enrichissantes. Fatimata évoque Sami Tchak, singulier auteur togolais, même si elle n’a pas toujours aimé son œuvre, Mbougar Sarr et Khalil Diallo dont elle aime beaucoup l’écriture. Bity Kebe dit son admiration pour Felwine Sarr, Fatou Diome, Aminata Sow Fall… Les critiques de leurs livres ne sauraient manquer. Appréciations qui pourraient, légitimement, questionner l’ambition des deux textes dont l’écriture peut paraitre à certains « sirupeuse ». La littérature peut-elle frayer avec la volonté de maintenir certaines pudeurs, sans y perdre la force de son authenticité ? Le compromis n’est-il pas toujours au profit de l’ogre régnant ? Comment dire la vérité, sa vérité, si on doit faire une halte face au tribunal des élégances ? L’appréhension de la réaction du lectorat, ou des proches, n’est-elle pas signe d’autocensure ? La nuance est-elle un moyen temporaire ou l’horizon final, au risque d’être une sagesse de la démission ? Voilà autant de questions que les deux livres éludent partiellement tout en gardant une belle vigueur. Mais ils participent, mutatis mutandis, à l’édification de nouvelles lettres, avec leurs lieux, leurs temps forts, leur habitus, leurs thèmes forts inscrits au cœur du drame social, au cœur du pays et du continent. Fatimata Diallo s’est d’ailleurs un peu plus engagée dans la vulgarisation des activités littéraires d’une institution naissante, très volontariste, la CENE Littéraire. L’association, avec son prix Les Afriques, contribue au rayonnement des lettres africaines, sous la houlette de sa cheffe camerounaise, basée en Suisse, Flore Agnès Nda Zoa. Bity Kebe aide à faire infuser une tradition des livres, grâce à ses nouvelles fonctions et à sa présence à la télé comme chroniqueuse.
C’est sur le plan de la littérature, comme conscience du monde lointain et proche, qu’il s’agit de questionner ces deux livres qui en annoncent d’autres, pour les lire avec l’exigence, la critique, l’intransigeance, dont dépend toute véritable vie littéraire respectable. Au milieu de leur complicité, les deux jumelles divergent pourtant sur une question quand on les pousse dans leurs retranchements. Une question présente seulement en filigrane dans leurs livres : celle de la polygamie. Alors que la jeune génération s’accommode de plus en plus de la polygamie comme en attestent les statistiques affolantes de l’ANSD (Agence nationale de la statistique et de la démographie), les jeunes femmes n’y voyant pas une régression, les deux écrivaines disent elles, leur dégoût de ce fait patriarcal. Chacune cependant à sa manière, comme une métaphore de leur légère différence. Fatimata juge que la polygamie est « une trahison impardonnable » ; le jour où elle se présente dans son couple, elle y met fin déclare-t-elle. Pour Bity, la réaction est plus nuancée, « à son âge » dit-elle, son dégoût, bien que potentiellement réel, n’irait peut-être pas jusqu’à cette « extrémité ». C’est la seule éventualité de nature à séparer ces sœurs presque siamoises dans leurs conceptions. Peut-être un livre à quatre mains sur le sujet, un jour ? Quatre comme le chiffre maudit des droits maritaux de l’homme sur la femme…
EXCLUSIF SENEPLUS - Marie Angélique Savané, Penda Mbow, Selly Ba et Charles Faye, ont longuement discuté dans la nouvelle émission Sans Détour, des multiples crises que vit le pays au plan social, éducatif, politique, culturel, etc. - BANDE ANNONCE
Pour le premier numéro de l'année, l'émission Sans Détour a innové dans le respect de sa tradition. Présentatrice pour l'occasion, notre éditorialiste Penda Mbow, était en compagnie de l'invitée Marie Angélique Savané avec les partitions de hautes factures de Selly Ba et Carles Faye. Une discussion riche et agrémentée sur plusieurs sujets d'intérêt national.