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28 novembre 2024
Femmes
J'AI VOULU PORTER UN COMBAT CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
Mbaye Thiam Babacar est ratrappé par l’écriture qui l’avait conduit au journalisme avant que son premier roman ne le ramène à ses premières amours. «L’agnelle du sacrifice», qui vient de paraître.
On l'a connu comme l’une des plumes du journal Le Populaire, Mbaye Thiam Babacar revient avec son premier roman «L’agnelle du sacrifice». Natif de Dakar, il est ratrappé par l’écriture qui l’avait conduit au journalisme avant que son premier roman ne le ramène à ses premières amours. «L’agnelle du sacrifice», qui vient de paraître aux éditions L’Harmattan Sénégal, est une œuvre engagée.
Vous venez de publier votre premier roman L’agnelle du sacrifice. Com ment êtes-vous passé du journalisme à l’écriture ?
Je pense que chez moi l’écriture a précédé mon entrée dans la presse. J’ai toujours aimé écrire, car enfant, je lisais beaucoup sous l’influence d’un père militaire, féru de romans policiers. Cette passion de la plume guidera mes pas vers le journalisme. En classe de quatrième, j’ai écrit une petite chronique et je suis parti la proposer à un journal, Info 7. Une journaliste du nom de Salimata Dieng l’a vue et m’a fait appeler. Elle ne croyait pas trop que c’était moi qui avais écrit ça. Quand elle en fut persuadée, elle me présenta à son directeur de publication qui était M. Pape Samba Kane avec qui je garde aujourd’hui encore d’excellentes relations.
Je peux dire que je lui dois mon amour pour le journalisme. Donc écrire m’a mené au journalisme et je dois beaucoup à la presse sénégalaise, surtout à l’école de formation qui s’appelle Populaire devenu Vox Populi. J’y ai été reporter au Desk économie et j’en ai surtout profité pour affiner mon style sous le regard avisé de grands noms de la presse comme Daouda Diarra et Harouna Dème.
Pourquoi avoir choisi une femme comme héroïne de votre œuvre ?
Ça s’est fait tout seul. La femme c’est la vie. En tant qu’homme, je suis très touché par ce que notre société fait vivre aux femmes. Quand j’ai voulu écrire un roman, j’ai voulu porter un combat contre les violences faites aux femmes en particulier et de la condition féminine en général.
Aujourd’hui encore, les femmes continuent de subir des violences à la maison comme dans la rue, en temps de guerre comme en temps de paix, aussi bien dans l’espace public que dans la sphère privée.C’est un sujet d’actualité qui ne doit laisser personne insensible. J’évoque beaucoup de sujets comme les violences conjugales, le mariage précoce, l’émigration, la polygamie, l’adultère et la justice.
Y a-t-il une part autobiographique dans le roman ou toute cette histoire est une fiction ?
Je pense qu’il n’y a pas plus autobiographique qu’un roman écrit à la troisième personne Quand on crée un personnage, on peut lui faire dire tout ce que l’on veut. On se sent couvert et là on se lâche. Alors, oui il y a une partie de moi dans le parcours de Tabara. Je n’ai pas pu m’en empêcher.
Vous évoquez également les conditions de la vie carcérale dans le pays. Avez-vous rencontré des gens qui sont passés par là ou vous faites seulement parler votre imagination ?
Oui, la partie de la prison m’a pris beaucoup de temps. Je voulais parler des dures conditions de vie carcérale au Sénégal. Cependant, je ne pouvais pas me limiter à mon imagination, surtout que je n’ai jamais fait la prison. Alors, je me suis rapproché d’une ex détenue et elle m’a raconté ce qu’on peut lire dans le roman.
Je pense que même mon récit ne résume pas assez ce qui se passe réellement derrière les murs des prisons sénégalaises, surtout celles accueillant des femmes. Mon ouvrage est un prétexte pour interpeller l’Etat et l’opinion sur ce que vivent les détenues.
Malheureusement peu d’efforts sont consentis. Et ce qui crève le cœur, c’est que sur dix femmes qui se retrouvent en prison, huit y sont par la cause d’un homme qui, le plus souvent, est libre. Pourquoi avoir choisi de terminer l’histoire par un drame ? Je commence à le regretter (rires). Beaucoup de personnes qui ont lu le roman me demandent pourquoi une telle fin.
Malheureusement, c’est une histoire qui montre que parfois la vie peut être très brutale. Il ne faut pas oublier que je raconte une histoire qui, en réalité, dure quelques secondes. C’est surtout l’histoire d’une mourante. Et qui, à la fin, n’a pas survécu à l’accident qui a tué ses deux enfants et son mari.
Dans le roman, on se rend compte que Tabara est sortie de prison sans jugement, mais grâce à l’intervention d’une femme influente qui a fait jouer ses relations. Est-ce une façon de dé noncer une justice à deux vitesses dans le pays ?
Peu de personnes l’ont remarqué, mais Tabara sort de prison sans procès. Oui, elle était innocente. Cependant, c’était à un juge de le confirmer. Mais Adja Fatim étant une femme très puissante, très resautée, va faire de sorte que Tabara recouvre la liberté sans passer par le Tribunal.
C’est dire que dans notre pays il y a deux types de citoyens. On a beau le nier, mais on vous traite différemment selon que vous soyez riche ou pauvre, selon que vous connaissiez quelqu’un ou pas. Il reste qu’il y a toujours des laissées-pourcompte et ça crée des frustrations. Nous avons des juges formidables et des officiers de justice chevronnés, mais les trafics d’influence ne cesseront pas pour autant.
Etes-vous féministe finalement ?
La définition que je garde du féminisme est la suivante : «Mouvement social qui a pour objet l’émancipation de la femme, l’extension de ses droits en vue d’égaliser son statut avec celui de l’homme, en particulier dans le domaine juridique, politique, économique.» Tant qu’on s’en tient à cette définition, je suis féministe à cent pour cent.
Mais je ne suis plus féministe quand on prône l’égalité homme femme dans la sphère religieuse. Je pense que Dieu a déjà bien prévu les choses. Nous devons respect, amour et protection aux femmes. Qu’on s’en tienne là ! Chacun a un rôle bien déterminé, il serait bien qu’il le respecte pour le bien de toute la communauté. Voilà pourquoi je reste dans l’humanisme
A-t-il été facile pour vous de faire éditer votre roman ?
En toute sincérité, non. Je n’ai pas eu beaucoup de problèmes à me faire publier. J’ai proposé mon manuscrit à L’Harmattan Sénégal et quelques semaines plus tard, on m’appelait pour me dire qu’il avait été accepté. J’en profite pour remercier le directeur M. Diallo qui fait beaucoup d’efforts pour faciliter aux jeunes auteurs l’accès à l’édition. Cependant, de façon générale, se faire éditer reste très cher au Sénégal.
Les éditeurs sont obligés de vendre cher le roman pour pouvoir rentrer dans leurs fonds. Et le prix élevé des œuvres décourage les Sénégalais qui, pour la plupart, ont un faible niveau de revenu. Finalement, personne n’y gagne. Ni l’éditeur ni l’auteur et ni le lecteur qui se retrouve privé du produit.
Vous avez choisi une écriture assez simple.Pourquoi ?
C’est purement politique et c’est voulu. Nous nous plaignons tous du fait que les jeunes ne lisent plus. La trouvaille que j’ai découverte pour tenter de réconcilier les gens à la lecture, c’est d’écrire simple. Je cherche à captiver mon lecteur et que pour lui, me lire ne nécessite pas d’aller chercher un dictionnaire toutes les trois pages. C’est pourquoi j’écris très simplement, car je vise tous les publics. Du grand intellectuel à l’élève de Ce2.
Le plus important pour moi reste le message que je cherche à faire passer. Je pense que nous jeunes auteurs devons porter ce combat de réconcilier les jeunes avec la lecture. Le marché est là, il suffit juste d’adapter le produit au nouveau type de consommateurs qui existent. Cela n’empêche pas de parler un bon français et de chercher quelquefois à enrichir le vocabulaire des lecteurs.
Un prochain roman ?
J’écris tous les jours et je pense que des choses à dire ne manquent pas au Sénégal. Nous traversons un moment délicat où nous nous surprenons à nous demander ce qui nous arrive. Je pense que le rôle d’un écrivain est de conscientiser son époque et de s’engager pour sa société. Cependant, pour le moment, je me consacre à la promotion de L’agnelle du sacrifice afin de le faire connaître au grand public avant de penser à un deuxième roman.
AU-DELA D’UNE SIMPLE INTERDICTION DE LA PUBLICITÉ DES PRODUITS DÉPIGMENTANTS
Combattre le phénomène de la dépigmentation dans les communautés noires appelle, de l’avis du sociologue Innocent Laïson, à aller au-delà d’une simple interdiction de la publicité des produits dépigmentant.
Combattre le phénomène de la dépigmentation dans les communautés noires appelle, de l’avis du sociologue Innocent Laïson, à aller au-delà d’une simple interdiction de la publicité des produits dépigmentant. Ce combat exige une sincère réconciliation avec soi. Collectivement, il nécessite de la part du sociologue une repensée et une rééducation portant sur les normes et valeurs symbolisant la beauté noire africaine.
La mise en demeure adressée par le Conseil national de régularisation de l’audiovisuel (CNRA) à plusieurs organes de presse pour diffusion de produits dépigmentant et la sanction appliquée à Sen TV par l’arrêt de ses programmes pour sept jours (du 31 décembre 2019 au 6 janvier 2020) remettent au goût du jour, selon le sociologue Innocent Laïson, la question fondamentale de notre rapport au Noir. Car « il s’agit bien d’interroger les motivations profondes des hommes et des femmes noires à se dépigmenter ».
A quoi répond cette tendance à s’éclaircir la peau ? Notre source convoque d’emblée Frantz Fanon qui, en 1952 dans Peau noire, masques blancs, au chapitre 3 consacré à L’homme de couleur et la Blanche, avançait ceci : « De la partie la plus noire de mon âme, à travers la zone hachurée me monte ce désir d’être tout à coup blanc. Je ne veux pas être reconnu comme Noir, mais comme Blanc. ».
Pour soigner ce trouble de la personnalité, le Noir part à la conquête de la Blanche. Et Fanon de dire : « Son amour m’ouvre l’illustre couloir qui mène à la prégnance totale… J’épouse la culture blanche, la beauté blanche, la blancheur blanche. Dans ces seins blancs que mes mains ubiquitaires caressent, c’est la civilisation et la dignité blanches que je fais miennes. » On en est encore à ce stade, se désole le sociologue. Qui soutient que le traumatisme vécu pendant les siècles d’esclave et les années de colonisation a pour séquelles chez le Noir un déni de soi-même, un sentiment d’infériorité face au Blanc.
« La dépigmentation cosmétique est considérée comme une mue (renouvellement du plumage) et procède d’une thérapie qui apaise ce trouble de la personnalité » poursuit-il. Comme la fille noire du « test de la poupée » du couple de psychologues américains Kenneth et Mamie Clark, « nous attribuons sans hésitation la sagesse, la gentillesse, l’intelligence et la supériorité dans tous les domaines à la poupée pâle et refusons obstinément de ressembler à la poupée brune ». Il faut à tout prix se débarrasser de cette couleur qui fait tache…sombre. « On se souvient des joueurs de l’équipe du Zaïre qui s’étaient dépigmentés pour ‘’exprimer leur égalité’’ aux autres joueurs européens participant à la coupe du monde de 1974. Aujourd’hui, il est courant de voir des enfants que les parents dépigmentent, à leur insu, prétextant leur ‘’offrir plus d’opportunités dans la vie’’ en améliorant leur paraître », explique de diplômé de l’Université Gaston Berger de Saint Louis. Malgré les complications médicales connues et les coûts économiques onéreux qui en découlent, la dépigmentation est encouragée, selon lui, par le diktat des canaux de beauté dits modernes occidentaux. La beauté est blanche. Et nous l’acceptons intérieurement.
Et de s’interroger : « Combien sommes-nous à exhiber avec fierté notre compagne ou compagnon à peau blanche ou claire, voire xessalisée ? » Bien nombreux.
Ainsi, abstraction faite de quelques résistants, principalement idéalistes prônant une certaine authenticité africaine par la préservation de la peau noire, « un bon nombre a déjà fini de conquérir sa peau blanche ». Combattre le phénomène de la dépigmentation dans les communautés noires appelle, de l’avis du sociologue, à aller au-delà d’une simple interdiction de la publicité des produits dépigmentant.
« Ce combat exige, individuellement, une profonde introspection et une sincère réconciliation avec soi ; collectivement, une repensée et une rééducation portant sur les normes et valeurs symbolisant la beauté noire africaine ».
par Oumou Wane
MESDAMES, LA RÉPUBLIQUE VOUS PROTÈGE !
Je crois en nous, en notre avenir et en notre président. Il doit gouverner dans la transparence et la clarté, tel est l’enjeu. Rien ne doit être caché des difficultés auxquelles nous sommes confrontés
Parce qu'il faut en finir avec les violences faites aux femmes et à l’enfance, aujourd’hui, je suis fière d’être Sénégalaise. Lors de son discours de vœux à la nation, le président Macky Sall s’est félicité de l’adoption ce lundi 30 décembre du projet de loi qu’il avait lui-même soumis à l’Assemblée nationale, qui criminalise désormais les actes de viol et de pédophilie. Pour le chef de l’État : « la protection de la condition féminine et de l’enfance reste un défi de notre temps » et il a raison. Dire stop aux violences faites aux femmes et à l’enfance, c’est contribuer à éradiquer ce fléau qui court partout dans le monde et continue de sévir ici en Afrique et au Sénégal.
Souvenons-nous, encore en mai dernier, le corps de Bineta Camara, 23 ans, retrouvé à son domicile de Tambacounda. La jeune femme avait péri lors d’une tentative de viol.
« Les femmes, les filles, sont nos mères, nos épouses, nos enfants. Elles constituent l’autre moitié sans laquelle notre tissu social est incomplet et méconnaissable. Dès lors, violenter une femme, violenter un enfant, c’est froisser et abîmer notre tissu social », déclarait Macky Sall dans son discours de vœux à la Nation. C’est pourquoi, a-t-il dit, "les peines applicables à ces actes ont été considérablement alourdies, sans possibilité de sursis".
Jusqu'ici, le viol était considéré au Sénégal comme un simple délit, passible de cinq à dix ans de prison. Désormais, avec la loi votée à l'Assemblée nationale, les auteurs de ces crimes peuvent écoper de peines allant jusqu'à la perpétuité.
Fière d’être Sénégalaise, quand j’entend également Macky Sall réaffirmer son ambition de faire de l’éradication du « Fléau des Enfants-Talibés » une cause nationale : « je suis tout autant déterminé à poursuivre la lutte contre le phénomène des enfants de la rue et leur maltraitance », a t-il souligné lors de son adresse à la nation.
Un discours globalement placé sous le signe du dialogue, de la paix et de la protection des populations. Le chef de l’Etat a renouvelé mardi soir les "sentiments fraternels de solidarité et de compassion" du peuple sénégalais aux pays de la sous-région durement éprouvés par les attaques terroristes meurtrières. Selon le chef de l’Etat, "la violence qui secoue le monde doit constamment nous rappeler la chance que nous avons de vivre en paix, et la responsabilité qui nous incombe de la préserver".
Sans oublier personne, présentant à chacun ses vœux de paix, de bonne santé, de bien-être et de réussite, Macky Sall a réitéré son engagement à nous servir, sans manquer d’énoncer les résultats de l’effort de transformation du pays pour le rendre plus fort et plus juste.
Il ne s’agit pas ici de rendre justice au meilleur des présidents possibles dans le meilleur des mondes possibles, non, il convient d’être juste et cohérent avec notre président.
Oui, je crois en nous, en notre avenir et en notre président. Il doit gouverner dans la transparence et la clarté, tel est l’enjeu. Rien ne doit être caché des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ne pas éluder les problèmes. Laisser libre court aux louanges et aux critiques de la presse, des opposants ou des observateurs.
Voilà ce en quoi je crois. Une campagne d’adhésion de la population à l’effort de la nation pour la réussite du projet « émergence 2035 ».
Pour cela, nous ne pouvons plus compter que sur les seuls politiques, nous devons compter sur nous-mêmes, citoyens et société civile. Remontons nos manches pour redresser le pays. Mobilisation générale, y-compris de la diaspora pour trouver les voies et des partenariats qui permettront de retrouver des marges de manœuvre et d’assurer le redressement.
Les femmes, mieux protégées et soutenues par la République prendront toute leur place dans ce dessein. Je souhaite que la jeunesse, majoritaire dans notre pays, joue aussi tout son rôle dans la décennie qui s’ouvre à nous.
« Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol » - Léopold Sédar Senghor.
LE TABOU DE L'AVORTEMENT
Face à la loi et à la religion, qui bannissent l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au Sénégal, les femmes entrent dans la clandestinité
Malgré les nombreux cas d’avortement et d’infanticide, la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) tarde toujours à se faire au Sénégal. La situation reste bloquée. Les femmes sont contraintes à avorter dans des conditions médicales dramatiques, à cause des lois très restrictives interdisant cette pratique. «L’Obs» a mené une enquête, non pas pour prendre position, mais pour voir s’il est aujourd’hui nécessaire de légaliser l’avortement, ne serait-ce que dans les cas de viol, d’inceste ou encore si la santé de la mère est menacée. Mais face à la loi et à la religion, qui bannissent l’avortement au Sénégal, les femmes entrent dans la clandestinité.
Pour Mame Awa Thiam, la vie semble s’être arrêtée. Attraite le mardi 17 décembre 2019 à la barre de la chambre criminelle de Dakar, la jeune dame n’a que ses larmes pour exprimer ses regrets. Son geste infâme a abrégé la vie de son nouveau-né, qui n’a commis que le seul tort d’être né hors des liens du mariage. Enceinte de huit mois, Mame Awa Thiam, 29 ans, avait décidé de se débarrasser de cette grossesse en buvant un sirop. Quelques jours après, elle accouche d’un mort-né, qu’elle met dans un sachet, avant de l’enterrer en cachette.
Les motivations de Mame Awa Thiam pour mettre un terme à sa grossesse sont le refus de la honte. Craignant l’opprobre de son entourage, après être tombée enceinte «par accident» de son petit ami, Mame Awa décide d’avorter. D’une voix basse que même les juges peinaient à décortiquer, elle raconte : «Je ne voulais pas que ma famille sache que j’étais enceinte et j’avais honte. C’est pour cela que j’ai agi de la sorte.» Des regrets, elle en a aujourd’hui. Pour un acte qu’elle avait commis en avril 2015, Mame Awa a payé le prix. Malgré les multiples tentatives de son avocat pour la tirer des griffes de Dame Justice, la jeune maman a été finalement envoyée en prison pour 7 ans de travaux forcés.
A l’image de Mame Awa Thiam, elles sont aujourd’hui plus d’une trentaine de femmes à croupir en prison pour des faits d’infanticide et/ou d’avortement clandestins. Les motivations invoquées par les femmes qui optent pour cette solution radicale sont principalement les souffrances liées au viol, à l’inceste et des relations difficiles avec le conjoint. Les mariages forcés, la pauvreté, l’ignorance ou la négligence des méthodes contraceptives, renforcent la tentation de l’infanticide, avec comme catalyseurs communs, la pression sociale et le refus de la honte. Me Ousmane Thiam, membre de l’Association des jeunes avocats sénégalais (Ajas), connaît bien les dossiers de ces femmes.
C’est vers son organisation que celles qui sont accusées d’avortement ou d’infanticide sont renvoyées le plus souvent. La robe noire explique ce phénomène par la recrudescence des viols dans certaines régions du Sénégal, mais également l’absence prolongée d’un mari, souvent émigré, pour les femmes mariées. «Ce sont des avortements faits de manière clandestine, qui échouent, qui sont souvent déférés devant le tribunal. La plupart du temps, l’homme ne veut pas prendre ses responsabilités. La femme est obligée, si elle est mariée, de cacher la grossesse jusqu’à terme ou de tuer le bébé. Même si parfois le gars décide de prendre ses responsabilités, il y a les pesanteurs sociales. Moralement, elle ne peut pas garder cet enfant. Ce sont ces deux circonstances qui poussent les femmes à recourir à l’avortement clandestin ou à l’infanticide», explique Me Thiam.
Entre 2017 et 2018, 35 cas d’infanticides jugés par les tribunaux au Sénégal
Des cadavres de bébés retrouvés dans des sacs en plastique dans des garages ou des dépotoirs d’ordures… Régulièrement, la presse se fait l’écho de ces découvertes macabres devenues au fil des années un fléau d’envergure au Sénégal. D’après l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), les procès de mères incriminées représentaient 25 % des affaires jugées dans les Chambres criminelles en 2012.
Pour le moment, face à ce crime, la prison reste la seule réponse apportée par la société. Le nombre de cas d’infanticides au Sénégal est alarmant, bien que cette pratique soit punie par la loi avec des peines de travaux forcés à perpétuité. Parce que l’infanticide est considéré comme un crime, donc elles prennent de lourdes peines. Les femmes qui ont recours ou ont tenté de recourir à des avortements clandestins risquent également jusqu’à deux ans de prison et une amende. Même chose pour le personnel médical. Les avortements clandestins et les infanticides constitueraient aujourd’hui 38% des causes de détention des femmes. Aujourd’hui, elles sont plus d’une trentaine à croupir dans la maison d’arrêt pour femmes de Liberté 6 à Dakar ou dans celle de Rufisque. En attendant que peut-être, un jour, la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (Ivg) évolue. «Nous avions fait un maillage national.
Entre 2017 et 2018, on avait traité plus d’une trentaine de cas sur les 35 qui ont été jugés. Les 90% étaient des peines qui étaient déjà couvertes. Parfois ce n’est plus l’infanticide qui a été retenu, mais l’infraction qui concerne la violation de la loi sur l’inhumation. Parce que l’enquête a permis de voir que le bébé était venu au monde mort-né et que la femme l’enterré sans que les gens le sachent», révèle Me Ousmane Thiam. Malgré cette interdiction de l’IVG, le taux d’avortement au Sénégal est très important. Beaucoup de femmes avortent clandestinement dans des conditions risquées. Les lois les plus répressives n’empêchent pas les femmes d’avoir recours à l’avortement, mais cela les pousse à recourir à des procédures dangereuses (médicaments, solutions toxiques, introduction d’objets dans l’utérus…), qui peuvent entraîner la mort. Dans le même rapport, l’on indique qu’environ 51 500 avortements ont été provoqués au Sénégal en 2012, selon les estimations, soit un taux de 17 avortements pour 1 000 femmes âgées de 15 à 44 ans.
La plupart des avortements ont été pratiqués clandestinement et dans des environnements non médicalisés. Ces femmes sont issues de couches sociales défavorisées et le géniteur n’assume pas son rôle. Cela aboutit à l’avortement ou à l’abandon du nouveau-né pour s’éviter des problèmes plus tard. Elles peuvent appartenir aussi à des familles religieuses où le fait de tomber enceinte est considéré comme un sacrilège, ou encore ce sont des grossesses issues d’incestes. Président du Groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar (Bby), Moustapha Diakhaté était favorable à une loi autorisant l’avortement médicalisé, pour éviter la prison aux victimes. Ou la mort. «Pour éviter à la femme victime de relations incestueuses ou victime d’un viol suivi de grossesse, la prison ou le cimetière, il faut à notre pays une loi permettant de subir un avortement médicalisé. D’autant plus que le Sénégal a signé des conventions internationales dans ce sens qui sont supérieures aux lois nationales. Il doit donc respecter sa signature en adoptant une loi qui autorise l’avortement médicalisé, conformément au protocole de Maputo», défend-il.
L’ancien parlementaire s’était joint à l’Association des femmes juristes du Sénégal (Ajs) et avait invité, à l’époque, ses collègues députés, les membres de la société civile, à porter le combat. Il ajoute : «C’est le gouvernement, à mon avis, qui ne veut pas aller à l’encontre de la volonté de certains lobbys religieux. On refuse de légaliser l’avortement médicalisé, en ce moment, des centaines de femmes meurent du fait de l’avortement clandestin. C’est ça le drame. Les dégâts sont terribles. On pratique l’avortement dans des conditions extrêmement dangereuses.»
Seuls quatre pays africains ont légalisé l’avortement
Sur cette même lancée, l’Association des femmes de juristes du Sénégal (Ajs) poursuit les discussions avec les populations et les parlementaires. Selon Amy Sakho, responsable de la communication de l’Ajs, les femmes juristes font de leur mieux pour faire adhérer au projet de loi le maximum de personnes possibles.
«Il y a des femmes parlementaires qui soutiennent ce projet et avec qui nous avons pu discuter, mais elles sont divisées sur cette question. Il faut trouver un consensus, notamment avec les religieux. Mais les députés sont d’accord sur le fait qu’il faut plus d’actions de sensibilisation auprès de la population», révèle-t-elle. Amy Sakho garde espoir. Parce qu’au début de leur campagne de sensibilisation sur l’avortement, les gens étaient très réticents. Mais ils ont compris au fil des mois, l’intérêt de leur plaidoyer. Et de poursuivre : «L’avortement est un besoin. Même s’il est interdit au Sénégal, les gens le font clandestinement. Les populations et les décideurs vont comprendre que ce projet de loi doit être voté. Je respecte l’avis des religieux. Ils ont leurs convictions. Mais notre plaidoyer est logique, fondé juridiquement sur le protocole de Maputo.» Malheureusement, l’Afrique traine encore le pas pour la légalisation de l’avortement. Seuls quatre pays africains ont promulgué la loi pour l’autoriser. Après la Tunisie, l’Afrique du Sud et le Cap-Vert, le Mozambique est le quatrième pays africain où l’avortement volontaire est légalisé.
L’IVG, un enjeu de santé publique
Pour mettre fin à l’avortement clandestin et à l’infanticide, l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) ouvre le débat sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le Code pénal, en son article 305, interdit l’avortement, sauf si la vie de la mère est en danger. «Il y a ce qu’on appelle le protocole de Maputo, qui a été ratifié par le Sénégal. Et ce protocole prévoit le recours à l’avortement médicalisé. Mais malheureusement, ce protocole n’est pas appliqué. Parce que le code pénal, en son article 305, réprime toujours l’avortement, que ce soit médicalisé ou pas», confie Me Ousmane Thiam.
Le Sénégal a ratifié plusieurs chartes relatives aux droits des femmes et à leur santé sexuelle, dont le Protocole de Maputo en 2003, qui impose aux États de garantir le droit à l’avortement médicalisé en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la santé de la mère. Pourtant, le chemin vers l’avortement est encore long. Un comité a été mis en place par le ministère de la Santé du Sénégal pour travailler sur un projet de loi sur la légalisation de l’avortement médicalisé. En novembre 2014, il n’avait pas encore été adopté par le Conseil des ministres. Le gouvernement ne s’est pas non plus encore prononcé clairement sur son soutien à cette réforme, qui connaît toujours les réticences des autorités religieuses. Mais selon l’Ajs, l’accès à un avortement médicalisé est devenu un enjeu de santé publique et la pénalisation de l’IVG a des conséquences dramatiques sur la santé sexuelle et reproductive des femmes.
L’association mène donc une campagne pour la légalisation de l’avortement médicalisé en cas de viol ou d’inceste. Et rappelle que l’État sénégalais a ratifié sans réserve le protocole de Maputo, qui en son article 14, invite les États africains à autoriser l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale ou physique de la mère. «Le plus important est la modification de l’article 305 du Code pénal, qui interdit l’avortement, sauf en cas de danger pour la mère. Nous recevons dans nos boutiques de droit des jeunes filles de 11, 12, 16 ans, enceintes suite à des viols et qui morphologiquement, ne peuvent pas porter ces grossesses normalement. Elles sont aussi perturbées psychologiquement, puisqu’elles ne peuvent plus aller à l’école. On ne doit pas obliger une personne à porter une grossesse imposée. On ne peut pas parler de grossesse non désirée dans ce type de cas. Les mineures n’ont pas demandé à avoir d’enfants, c’est leur violeur qui leur a imposé cela. Il y a donc urgence à légaliser l’avortement médicalisé dans les cas que nous avons plaidés : inceste, viol et mise en danger de la mère», explique Mme Sakho. En attendant, des femmes continuent à mourir suite aux complications liées aux avortements non médicalisés. Tandis que d’autres, sous la pression sociale, commettent encore des crimes d’infanticide. Le débat est posé…
LA 21E ÉDITION DU FANAL REND HOMMAGE AUX FEMMES
La 21e édition du Fanal, une tradition saint-louisienne, a été célébrée dans la nuit de la Saint-sylvestre sur le thème "Femme et citoyenneté, à l’initiative de Jaloré production, une structure de spectacle dirigée par la comédienne Marie Madeleine Diallo
Saint-Louis, 1er jan (APS) - La 21e édition du Fanal, une tradition saint-louisienne, a été célébrée dans la nuit de la Saint-sylvestre sur le thème "Femme et citoyenneté, à l’initiative de Jaloré production, une structure de spectacle dirigée par la comédienne Marie Madeleine Diallo, a constaté l’APS.
Elle a rappelé que Jaloré production organise depuis 1999 le fanal pour revisiter le "riche patrimoine culturel de Saint-Louis", en réitérant son souhait de perpétuer cette fête pour que les jeunes puissent se l’approprier.
Le thème choisi pour l’édition 2019 vise à rendre un hommage à la femme garante de "l’équilibre et la bonne marche de toute société humaine", ajoute-t-elle.
Selon elle, les valeurs de citoyenneté participent à la "consolidation du pacte social", notamment la paix, la stabilité, le développement culturel et économique d’un pays.
Elle a salué le professionnalisme de Jean Pierre Leurse, maître d’œuvre des sons et lumières du fanal qui avait pour marraines la chanteuse Coumba Gawlo Seck et l’éditrice et écrivaine Aminata Sow Fall.
Le fanal est une tradition locale se traduisant par une grande procession de Signares portant des œuvres d’art avec lesquelles elles traversent les rues, chantant les mérites d’un parrain choisi parmi les personnalités.
LA PROTECTION DE LA CONDITION FÉMININE ET DE L’ENFANCE, UN DÉFI DE NOTRE TEMPS
Le chef de l’Etat Macky Sall a appelé mardi les Sénégalais à mettre fin aux violences faites aux femmes et aux filles et à mieux protéger les enfants, soulignant que c’est "un défi de notre temps".
Dakar, 31 déc (APS) – Le chef de l’Etat Macky Sall a appelé mardi les Sénégalais à mettre fin aux violences faites aux femmes et aux filles et à mieux protéger les enfants, soulignant que c’est "un défi de notre temps".
"Nous devons mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles, et mieux protéger l’enfance", a-t-il notammant lancé dans son message adressé à ses concitoyens à l’occasion du Nouvel An.
Pour le président Sall, "la protection de la condition féminine et de l’enfance reste un défi de notre temps".
"Les femmes, les filles, sont nos mères, nos épouses, nos enfants. Elles constituent l’autre moitié sans laquelle notre tissu social est incomplet et méconnaissable. Dès lors, violenter une femme, violenter un enfant, c’est froisser et abîmer notre tissu social", a insisté Macky Sall.
C’est pourquoi, le chef de l’Etat déclare avoir soumis à l’Assemblée nationale, qui l’a adopté ce lundi, un projet de loi qui criminalise désormais les actes de viol et de pédophilie.
Ainsi, a-t-il dit, "les peines applicables à ces actes ont été considérablement alourdies, sans possibilité de sursis".
Le président Sall se dit "tout autant déterminé à poursuivre la lutte contre le phénomène des enfants de la rue et leur maltraitance".
Le projet de loi qui criminalise désormais les actes de viol et de pédophilie. avait d’abord été adopté en Conseil des ministres le 27 novembre dernier. Il s’agit d’une loi modifiant celle du 21 juillet 1965, portant sur le Code pénal, relative notamment aux chapitres visant à durcir la répression du viol et de la pédophilie avec des peines pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité.
Jusque-là, le viol était considéré comme un délit, passible de cinq à dix ans de prison.
La criminalisation du viol était une demande des associations de défense des droits des femmes à la suite d’une série d’agressions sexuelles relevée ces derniers mois.
En mai par exemple, le corps de Bineta Camara, 23 ans, a été par exemple retrouvé à son domicile de Tambacounda (Est). La jeune femme avait péri lors d’une tentative de viol.
Au lendemain de ce drame, une manifestation avait rassemblé à Dakar 300 personnes pour dire ‘’stop aux violences faites aux femmes’’.
Le président Macky Sall avait alors demandé au ministre de la Justice de préparer un projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie.
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PEUT-ÊTRE QUE NOUS SOMMES MALADES !
EXCLUSIF SENEPLUS - C'est un Charles Faye, désabusé, presque sans mots, qui évoque le phénomène de la dépigmentation de la peau dont il interroge les soubassements et le complexe d'infériorité de l'homme noir vis-à-vis de son homologue blanc
''Peut-être que nous sommes malades. Peut-être que nous traînons ce complexe d'infériorité qui trouverait son origine dans notre propre histoire par rapport à ce blanc que nous voulons tant ressembler''. Après son ''coup de gueule'' dans un article paru sur SenePlus, intitulé ''Être clair à tout prix'', Charles Faye repose le débat sur le blanchiment de la peau à un moment où des voix s'élèvent contre cette pratique et que des médias renoncent à la diffusion des produits dépigmentants.
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LE VIOL ET LA PÉDOPHILIE DEVIENNENT DES CRIMES AU SÉNÉGAL
La loi sur la criminalisation du viol et de la pédophilie devrait permettre au Sénégal de garantir aux femmes et aux enfants ’’une plus grande protection’’, a salué, la présidente du Collectif des femmes parlementaires, Awa Guèye
L’Assemblée nationale à voté ce lundi à l’unanimité et par acclamation le projet de loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie.Ce projet de loi avait d’abord été adopté en Conseil des ministres le 27 novembre dernier. Il s’agit d’une loi modifiant celle du 21 juillet 1965, portant sur le Code pénal, relative notamment aux chapitres visant à durcir la répression du viol et de la pédophilie avec des peines pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité.
Jusque-là, le viol était considéré comme un délit, passible de cinq à dix ans de prison.
La criminalisation du viol était une demande des associations de défense des droits des femmes à la suite d’une série d’agressions sexuelles relevée ces derniers mois.
En mai par exemple, le corps de Bineta Camara, 23 ans, a été par exemple retrouvé à son domicile de Tambacounda (Est). La jeune femme avait péri lors d’une tentative de viol.
Au lendemain de ce drame, une manifestation avait rassemblé à Dakar 300 personnes pour dire ‘’stop aux violences faites aux femmes’’.
Le président Macky Sall avait alors demandé au ministre de la Justice de préparer un projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie.
Le projet de loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie prévoit un durcissement des condamnations, lesquelles pourront aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité à l’encontre d’éventuels coupables, a expliqué, vendredi à Dakar, le ministre de la Justice, Malick Sall.
’’Ce projet de loi a prévu de renforcer les sanctions. Il a décidé de criminaliser les viols et la pédophilie. Cela signifie que certains auteurs de ces actes horribles pourront être condamnés à perpétuité’’, a dit le Garde des Sceaux à un atelier consacré audit projet de loi avec le Collectif des femmes parlementaires.
’’Cela signifie que vous resterez enfermer dans une prison toute votre vie. Nous pensons qu’une perspective pareille serait de nature à faire réfléchir les gens dotés d’un esprit de discernement avant de commettre de tels actes’’, a ajouté Sall.
La loi sur la criminalisation du viol et de la pédophilie devrait permettre au Sénégal de garantir aux femmes et aux enfants ’’une plus grande protection’’, a salué, la présidente du Collectif des femmes parlementaires, Awa Guèye
La député Awa Guèye (majorité) a plaidé pour une application effective de cette loi, qui espère-t-elle ne sera pas une de plus.
Selon le député Mamadou Diop Decroix, ‘’le viol porte atteinte à la vie de l’être humain’’. L’Assemblée a rejeté son amendement portant sur une remise de peine.
’’Nous devons tous veiller à l’application de cette loi’’, a plaidé le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niass sous les regards des responsables des associations de lutte contre les violences faites aux femmes qui avaient pris place dans les box réservés au public.
Par Fatou NDIAYE
LA PROSTITUTION, LE REFUGE DE FILLES MIGRANTES A ZIGUINCHOR
Entre sévices corporels et business pas lucratif comparé aux années précédentes à cause de l’attrait d’étudiantes d’une université privée, les filles de joie exercent leur métier en toute tranquillité à Ziguinchor.
Le profil national de la migration de l’année 2018 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), montre une forte concentration des immigrés internationaux à Dakar. Selon le document, Dakar, la capitale du Sénégal, a une forte concentration de migrants, avec 57%. Elle est suivie de Ziguinchor qui en est à un taux de 6,7%. Dans cette dernière région, certaines femmes venues pour de supposées activités telles que le commerce ou les corvées domestiques, se retrouvent dans le travail de sexe. Entre sévices corporels et business pas lucratif comparé aux années précédentes à cause de l’attrait d’étudiantes d’une université privée, les filles de joie exercent leur métier en toute tranquillité à Ziguinchor.
Bar Chez Laurent ! Peu après 19 heures dans la soirée du 3 décembre, l’ambiance et au rendez-vous. C’est un bar situé au quartier Lindiane. Niché au bout d’une ruelle mal éclairée, il attire du fait de son animation avec de la musique à flot. Le seuil de la porte franchi, il se découvre à travers ses installations. Des sièges dans la cour, d’autres à l’arrière de la salle, les clients sont présents. L’odeur de la cigarette mêlée aux lampes clignotantes, plonge le visiteur dans l’ambiance des lieux fréquentés par les adeptes de la belle vie.
Assise à l’entrée, l’air insouciant, «Nadia», c’est l’appellation des filles de joie d’origine nigériane dans la capitale du Sud, semble inattentive au vacarme qui l’entoure. Et pourtant, la réalité est toute autre ! Tout son intérêt, c’est de rencontrer un client. Habillée juste d’un top qui a du mal à dépasser ses fesses, elle s’est à peine couverte le corps, malgré sa forte corpulence. «Je suis venue au Sénégal, en février 2017. J’ai choisi le Sénégal et je ne regrette pas. J’ai moins de problème au Sénégal que même dans mon propre pays. Je ne peux pas exercer ce métier au Nigeria, auprès de mes parents», soutient-elle.
Depuis deux ans qu’elle est au Sénégal, les problèmes ne manquent pas. «J’ai été abusée. Mes bourreaux m’ont demandé de ne pas m’en complaindre. J’ai été battue. Je me suis retrouvée avec une jambe cassée pendant trois mois». Cependant, dit-elle, ce travail est meilleure que les corvées domestiques et lui permet de subvenir à ses besoins. «Si je cherche un travail domestique, on va me payer entre 30.000 et 40.000 par mois. Or, avec mon travail, je peux gagner plus. Si je dois faire autre que le travail de nuit, je préfère retourner dans mon pays. Je ne peux pas dire combien je gagne. Mai, cela me permets de bien vivre, payer mon logement et mes frais».
Mieux, ajoute-elle, avec ce qu’elle gagne, elle envoie de l’agent à sa famille. L’intégration n’est pas trop compliquée au Sénégal, à son avis. «Je ne suis pas indexée. Souvent, les gens veulent m’associer, mais il se pose une barrière linguistique. Je ne parle pas bien le wolof. Je n’ai pas de problème avec mon bailleur. L’essentiel, c’est juste de respecter le contrat à chaque fin de mois». Malgré tout, le souhait de cette Nigériane est d’abandonner ce travail pour être au chevet de son petit-frère. «Mes parents sont tous décédés à mon absence. Je ne souhaite que rentrer auprès de mon frère qui vit seul présentement».
LE TRAVAIL DE DOMESTIQUE, JUSTE UN ALIBI
N.F. est d’origine Bissau-guinéenne. Elle est «Péré-Péré», c’est la dénomination des filles de joie originaire de la Guinée-Bissau. Elle est au Sénégal depuis plusieurs années. Avec ses dreadlocks, sa langue percée, son regard perçant, elle fait des va-et-vient entre les tables. Bien dotée par la nature, sa petite robe peine à contenir son «postérieur». «Je suis au Sénégal depuis 2009. En venant au Sénégal, mon intention c’était de travailler comme domestique. Mais, après quelques mois, j’ai viré vers la prostitution. J’ai abandonné le travail de domestique parce que c’est pénible et ce n’est pas bien rémunéré», soutient-elle, avec une voix à peine audible à cause de la musique.
Le virement dans la prostitution est motivé, dit-elle, par l’influence de compatriotes qui gagnaient plus que ses revenus de femme de ménage. «Parfois, à la fin du mois, certaines patronnes me faisaient courir. Quand j’ai commencé à me familiariser avec la vie, surtout avec l’influence des compatriotes qui étaient déjà dans le milieu de la prostitution et qui gagnaient plus que mon salaire, j’ai changé de travail».
La vie de travailleuse de sexe n’est pas de tout repos, pour elle. Entre disputes, récurrents déménagements, cachoteries, N.F. tente vaille que vaille de survivre dans la jungle des «belles-de-nuit». «Il m’arrive de me disputer avec mes ‘’collègues’’. Mais, si les échanges commencent à être tendus, je vide les lieux. Aussi, je déménage beaucoup. Après avoir habité quelques parts, si beaucoup de gens commencent à se rendre compte du travail que j’exerce, je change d’habitation. Au début, j’étais à Bignona ; après, j’ai migré vers Ziguinchor où j’ai habité la première fois que je suis venue au Sénégal».
Du fait des caractéristiques, contraintes et réalités de son métier, elle ne veut plus avoir à faire avec des proches, sauf celles avec qui elle partage le milieu. «Maintenant, je ne fréquente pas régulièrement mes parents. Jadis, j’hébergeais des filles. Mais, à cause des querelles, j’ai fini par y renoncer. Maintenant, quiconque souhaite venir habiter chez-moi, je lui dis que je voyage».
Ses activités ne sont pas connues de ses parents. Du moins, c’est son avis. «Mes parents ne savent pas ce que je fais comme travail. Jamais je ne le leur dirai». Le travail de sexe lui procurait des revenus conséquents à ses débuts. Mais présentement, le marché est saturé et le gain n’est pas consistant. «Le travail n’est pas très lucratif. Les clients ne viennent pas en masse et l’argent ne circule plus. Je ne sais pas si c’est dû au nombre élevé de travailleuses (de sexe), en ce moment. Maintenant, il y a plus de travailleuse de sexe qu’auparavant», constate-t-elle.
Les abus, la maltraitance, la Péré-Péré en a connu. Son attitude face à ces problèmes, c’est de faire face ou de prendre la poudre d’escampette. «Parfois, je rencontre des gens qui veulent abuser de ma personne, mais je me défends. Je n’accepte pas de dispute. Quand les échanges commencent à être tendus et que je sente que je ne pourrai pas faire face, je fuis».
ETRE SEXY, A N’IMPORTE QUEL PRIX
Le mode d’habillement indécent semble être un code chez les travailleuses de sexe. Aucune fille parmi toutes celles rencontrées ou presque n’avaient mis un pantalon ou quelque chose d’assez décent. Juste une petite couverture, qui laisse apparaitre des cuisses très claires ou un corps bien garni dont le moindre mouvement fait attirer le regard, suffit.
Autre place, même constat ! Nous sommes au bar Nakabi situé à Tillène, il est à l’intérieur de ce quartier de Ziguinchor. La pénombre qui sévit dans la ville de Ziguinchor aidant, le lieu semble être un «no man’s land». Et même le taximan du jour n’a pas voulu se pencher sur la question. «L’appellation du bar, que signifie Nakabi ? Est-ce du Macagne ?» «Je n’en sais rien, répond-il, sur un ton sec». Les nombreuses motos Jakarta stationnées à l’entrée, renseignent sur sa très grande fréquentation.
Les travailleuses de sexe y sont présentes. Elles sont à l’entrée du bar, vêtues presque toutes de petites robes qui dépassent à peine les parties intimes. Contrairement à celles rencontrées à Chez Laurent à Lindiane, celles trouvées au Nakabi (à Tillène) sont jeunes, très jeunes, en attestent les trais de leurs visages. Assises en groupes formées par nationalités, elles discutent à haute voix. La plupart d’entre elles sont des étudiantes, confie un habitué du coin. Nakabi est très large. Il y a des sièges presque partout.
Trouvée assise, seule à l’entrée du bar, B.G. n’est pas de ce vacarme qui accompagne la discussion de ses collègues. Elle est d’origine ghanéenne. A notre passage, ce jour-là, ses compatriotes n’y étaient pas encore. N’empêche, elle est dans son milieu, à l’attente de clients. Les boissons sucrées ne sont de ses habitudes. «Je n’en prends pas», dit-elle, répondant à notre invite pour un échange autour d’une table. Sa boisson, c’est du «Gin» dont la petite portion, vendue dans une tasse jetable, coûte 500 F CFA. L’évocation de son métier la met mal à l’aise et elle ne s’en cache pas. «Je suis venue au Sénégal pour étudier. Et je me demande si c’est interdit que je fasse autre chose. Je n’ai pas de problème avec mon travail», répond-elle sur un ton sec.
DES FILLES ABUSEES, MAIS OBLIGEES D’ETRE STOÏQUES
Moulin Rouge, dans le quartier Yamatogne ! Un autre bar, même décor, avec une musique de Youssou Ndour qui égaye l’assistance. Sous les jeux de lumières des lampes multicolores. Les filles de joie sont assises à l’arrière de la salle, en file indienne. «Toutes celles que tu vois là, sont à la recherche de clients», argue un jeune homme rencontré sur place.
L.G., une jeune femme âgée de 27 ans est venue de la Guinée-Bissau pour s’adonner au travail de sexe. Une activité qu’elle couvre par la pratique du petit commerce pour obtenir l’autorisation de ses parents à venir s’installer dans la capitale du Sud. «Je suis venue à Ziguinchor en octobre 2018. Je suis retournée à Bissau. Ma famille est à Bissau et faire ce genre de travail là-bas n’est pas du tout respectueux. En quittant Bissau, j’ai amené avec moi de l’huile de palme pour la vendre. Mais, j’ai arrêté ça, pour m’adonner au travail de sexe».
Divorcée et mère de deux enfants, elle compte sur son activité, soutient-elle, pour l’éducation de sa progéniture. «Avec l’argent que je gagne ici, je paye la scolarité de mes enfants. Je donne aussi de l’argent à mes parents». Les sévices corporels et les abus sont le lot quotidien des problèmes qu’elle vit, avec stoïcisme. «Parfois, je passe du bon temps avec un homme, après il me crée des histoires, il me frappe, il ne me paie ou s’empare de mon argent ou de mon téléphone».
Le comble dans ce genre d’activités, c’est aussi que les victimes ont très souvent peur de porter plainte, souligne-t-elle. «Souvent, j’ai peur d’aller à la Police. En plus, on ne connait pas le lieu de résidence de notre bourreau. Donc, l’ester en justice s’avère difficile». L’autre souci, soutient la travailleuse de sexe, c’est que certains hommes prennent des aphrodisiaques avant de passer à l’acte. Conséquence, elles sortent des rapports sexuels totalement exténuées par le client. Pour exercer son travail, elle a pris l’option de ne pas vivre avec des proches.
Toutefois, l’arrivée massive de jeunes filles qui se prostituent dans la clandestinité n’est pas pour leur faciliter la tâche. Les recettes sont en baisse et la concurrence est rude. «Avant, je gagnais 30.000 à 40.000 F CFA, mais actuellement même si je m’en sort avec 10.000 ou 15.000 F CFA, c’est bon. Les filles sont nombreuses, surtout les Nigérianes. Certaines mêmes n’ont que 15 ans, or cela n’est pas normal. Et c’est risqué. Même nous qui sommes mures, nous sommes fatiguées. Imaginez ce que doit vivre une petite fille ? Les clients aussi préfèrent ces jeunes filles. Et pour cette année 2019, on note une arrivée massive de jeunes Nigérianes», a-t-elle soutenu. A l’en croire, le travail de sexe est un choix par défaut. «J’ai des enfants à nourrir. Mes revenus de commerçantes ne me permettaient pas de couvrir mes besoins. Je songe vraiement à quitter ce milieux, si je trouve mieux».
STRATEGIE DES NIGERIANES... POUR FAIRE FACE A LA CONCURRENCE
Clin d’œil, c’est aussi le nom d’un bar fréquenté par les travailleuses de sexe. Ouvert au quartier Santhiaba, les habitants de Ziguinchor ont fini par faire du coin un repère de «belle-de-nuit». Elles sont assises à l’entrée, des boissons alcoolisées sur la table. Mieux, le bar Clin d’œil est attrayant. Situé en plein centre du quartier, il est à certaines heures de la nuit d’une affluence monstre. «Il faut faire attention. Tu risques d’y être agressée», nous prévient le journaliste Ibrahima Gassama.
Les étrangères professionnelles de sexes ont fini par être la marque de choix dans certains quartiers de Ziguinchor. Elles prennent ne location des appartements, à défaut des chambres, qui servent d’habitations mais aussi de chambres de passe. La location est prise en charge par le nombre d’occupants. Il suffit juste d’un matelas et quelques ustensiles de cuisine et le tour est joué. «Elles préfèrent les quartiers de Tilléne, Goumel, Kandjalan. En somme, les quartiers qui ne sont pas peuplés», soutient la Badiénou Gokh régionale de Ziguinchor, Fatou Cissé.
Les filles viennent principalement de la Guinée-Bissau dont la frontière avec le Sénégal, Mpack, est à seulement un peu plus d’une dizaine de kilomètres. Le coût du transport, de Mpack à Ziguinchor, est de 500 F CFA en taxi clandos et 250 F CFA pour les minibus Tata. L’immigration vers la région sud est devenue importante, plusieurs nationalités y sont rencontrées. Dans le milieu des travailleuses de sexe, la concurrence est très rude à Ziguinchor, surtout depuis l’arrivée de nouvelles vagues de migrants notamment les Nigérianes.
Ainsi donc, pour mieux attirer la clientèle, les travailleuses de sexe ont développé une stratégie leur permettant de mieux tirer profit de leur job. Le procédé, explique-t-on, c’est que ces dernières ont créé un système visant à rendre la passe moins couteuse. Alors que la passe était de 5000 F CFA l’heure, maintenant toutes les offres sont bonnes. Les filles se donnent aux clients moyennent 2000 F CFA, 1500 F CFA et parfois même 1000 F CFA la passe.
PROXENETISME ET TRAITE DES PERSONNES
Fatou Cissé est la Badiénou Gokh régionale de Ziguinchor. Dans la soirée du 6 décembre, elle nous reçoit à son domicile, à Colobane, non loin du Collège Saint Charles Lwanga. Les migrantes travailleuses de sexe, elle en est au courant. Mieux, précise-telle, la pratique est devenue beaucoup plus récurrente ces dernières années. «Avec l’ouverture des universités privées, la pratique est devenue beaucoup plus accrue. Certaines filles l’exercent pour payer leur scolarité et subvenir à leurs besoins. Elles sont nombreuses aussi à déclarer qu’elles travaillent comme domestiques, mais, en réalité, elles sont des travailleuses de sexe. Des Bissau-guinéennes, des Nigérianes, pratiquement beaucoup de ressortissants de pays de la sous-région sont là.»
Fatou Cissé révèle qu’avec la prostitution, certains proxénètes abusent des jeunes filles. «En 2017, j’ai eu un cas. Un groupe déjà de jeunes Nigériannes présent à Ziguinchor a dit à une fille qu’un travail lui a été trouvé. Au moment de venir au Sénégal, la fille pensait que c’est un travail correcte. C’est une fois arrivée, qu’elle a constaté que c’est de la prostitution. Elle était forcée d’avoir des relations multiples avec des hommes. Au finish, elle a pris la fuite pour se réfugier chez les voisins qui ont contacté le chef de quartier qui a porté plainte. Quand j’ai été saisie, j’ai informé le parquet qui a ouvert une enquête. 3 personnes ont été arrêtées par la suite».
Pour rappel, en mai 2016, quatre filles d’origine Bissau-guinéennes avaient été attraites à la barre du Tribunal de grande instance de Ziguinchor pour répondre des délits de prostitution clandestine, non inscription au fichier sanitaire et social et défaut de carnet sanitaire. Face à cette situation de vulnérablité, la Badiénou Gokh trouve que les autorités locales doivent prendre des mesures pour lutter contre la présence des travailleuses de sexe. Il s’agit, dit-elle, de faire un contrôle régulier des bars et auberges et autres lieux de fréquentation des travailleuses de sexe. La Badienou Gokh demande également aux populations de Ziguinchor de dénoncer tout comportement qui peut porter atteinte à l’image de la région. Selon elle, la pratique du travail de sexe par des ressortissantes de la région, peut consituer un influence négative.
EXERCICE LEGAL DE LA PROSTITUTION : 274 personnes régulièrement suivies par les services sanitaires
Pour effectuer le travail de sexe légalement, il faut un carnet de santé délivré par les autorités médicales et faire la visite régulièrement. Pour le moment, informe l’infirmière chef du poste de santé, Angélique Bassène, 274 personnes sont régulièrement suivies dans toute la région. Colette Senghor est le centre de santé de référence pour traiter les infections sexuellement transmissibles (Ist) à Ziguinchor. Les lieux de consultation ne sont pas différenciés pour éviter la stigmatisation des travailleuses de sexe. Angélique Bassène signale qu’il y a aussi des centres de consultation secondaire au Cap Skiring, à Kafountine, à Bignona, à Abéné et à Elinkine.
LE PAIEMENT DES FRAIS MEDICAUX FAIT FUIR LES CLANDESTINES
Le problème dans la prise en charge sanitaire des travailleuses de sexe, c’est au niveau de celles qui exercent dans la clandestinité. Elles ne se présentent pas au niveau des services sanitaires pour diverses raisons. La peur d’être connue comme travailleuse de sexe, mais aussi il ya l’absence de moyens pour prendre en charge les frais médicaux. Dans la passé, explique Angélique Bassène, des médicaments étaient donnés par Enda gratuitement, à travers le Fonds mondial, à tout membre de la cible soufrant de maladie sexuellement transmissible qui n’a pas de quoi acheter des médicaments.
Mieux, il y avait aussi des cliniques mobiles pour consulter les clandestines. Mais, regrette-t-elle depuis l’arrêt de ce projet, certaines travailleuses de sexe qui opérent dans la clandestinité n’ont plus accés aux soins. Une difficulté que vivent aussi les ressortissantes étrangéres.
Les oficielles, elles, sont obligées de faire un suivi régulier des visites. Or, précise l’infirmière chef de poste, l’inscription pour le carnet de santé et volontaire. En conséquence, les professionnels du sexe ne sont pas forcés à ouvrir des dossiers. La cause de cette clandestinité, soutient Angélique Basséne, c’est que certaines ignorent ce qui est prévu par la loi, d’autres, par contre, estiment que si elles ont des carnets, leur travail sera connu. Il y a aussi les inaptes à pratiquer le travail de sexe. Ce sont les jeunes filles âgées de moins de 21 ans.
La présence de filles étrangères dans l’exercice de la prostitution est connue des services de santé. «Les étrangères travailleuses de sexe sont principalement des Bissau-guinéennes, des Guinéennes de Conakry, des Gambiennes, des Libériennes, des Sierra Léonaises…» Cependant, précise Angélique Bassène, cette année est marquée par la présence massive de Nigérianes. «Au temps, c’était les Bissau-guinéennes, mais actuellement, les nigérianes sont beaucoup plus nombreuses, pour cette année 2019».
Pour l’infirmière chef de poste de Colette Senghor, certaines pratiquent le travail de sexe jusqu’à l’âge de 60 ans, mais les 21 - 30 ans sont beaucoup plus nombreuses dans l’exercice du métier. Les moins de 21 ans, elles, ne fréquentent pas le centre de santé, car elles exercent dans la clandestinité. La requérante du carnet sanitaire, s’elle est d’origine sénégalais, doit déposer 2 (deux) copies de pièces d’identité nationale plus 4 photos. Des documents auxquels il doit joindre un agreement du formulaire de consentement et des analyses médicales. Les étrangères devront, à la place de la carte d’identité nationale, joindre une copie de leurs passeports.
DES ETUDIANTES SE PROSTITUENT POUR... VIVRE
Des étudiantes venues de la sous-région s’adonnent à la prostitution pour vivre, informe le point focal VIH de la région médicale de Ziguinchor, Maïmouna Gueye Tall. «Actuellement, il y a des étudiantes qui ont des besoins existentiels. Elles n’ont pas de bourse et se prostituent pour satisfaire leurs besoins».
Parlant toujours de la prostitution, Maïmouna Gueye Tall, précise que les étrangères ne sont pas les seules dans le métier et à l’exercer dans la clandestinité. «De manière générale, les travailleuses de sexe, il n’y pas d’âge. Mais il y a beaucoup de jeunes. Et, parlant de la clandestinité, c’est plus les originaires de la région. Une personne avec multi rapports sexuels, c’est de la prostitution clandestine, même si elle n’est pas dans les campements et autres», explique-t-elle.
Il y a aussi des femmes mariées qui s’adonnent à cette activité clandestinement, ajoute-t-elle. «Elles ne peuvent pas avoir de cartes. On ne peut pas être mariée et se déclarer être une prostituée qui doit être suivie». Comme facteurs expliquant la prostitution, il y a la pauvreté dans la région, la présence d’activités telles que la pêche et le tourisme. Des activités qui font courir les travailleuses de sexe.
«LE VIOL ET LA PEDOPHILIE SERONT ENTIEREMENT CRIMINALISES DANS LA DERNIERE VERSION»
En 2019, ce sont 14 femmes qui ont été tuées suite à un viol et 3 femmes sont des mineures, les deux étaient en état de grossesse », s’émeut Fatou Ndiaye Dème.
Mame Diarra DiEnG et Abou Sy |
Publication 28/12/2019
En partenariat avec le ministère de la Justice, le Collectif des femmes parlementaires a organisé hier un atelier pour cerner les innovations du projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie.
Suite aux évènements malheureux de mai 2019 caractérisés par les meurtres de Coumba Yade et Bineta Camara et la vaste mobilisation des acteurs de défense des droits de la femme, le président de la République avait annoncé, le 3 juin, l’introduction d’un projet de loi portant criminalisation du viol et de la pédophilie. Un texte qui serait très prochainement soumis à l’Assemblée nationale. C’est pour s’imprégner des grandes lignes de ce texte que les femmes parlementaires et le ministère de la Justice ont organisé hier un atelier sur la criminalisation du viol et de la pédophilie. Occasion saisie par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Me Malick Sall, pour soutenir que le viol et la pédophilie seront entièrement criminalisés dans la dernière version du projet de loi. « Les femmes pourront faire des propositions pour modifier en mieux le contenu du texte. Après cela, elles porteront cette loi parce que ce texte deviendra une loi à partir de lundi prochain.
Les femmes parlementaires sont les mieux indiquées, étant les victimes premières pour porter effectivement cette loi, pour la vulgariser, non seulement au niveau national mais également, au niveau international pour qu’elle puisse servir d’exemple en Afrique et partout dans le monde », affirme le garde des Sceaux qui précise que l’initiative gouvernementale a prévu de renforcer les sanctions. « Dans le cadre de ce projet de loi, il est prévu de criminaliser le viol et la pédophilie. Cela signifie que certains auteurs d’actes particulièrement horribles pourraient être condamnés à perpétuité. Cela signifie qu’ils resteront en prison toute leur vie dans une cellule de prison », dit-il avant d’ajouter : « Quand on définit ou qu’on propose une loi, on espère surtout qu’elle soit dissuasive mais également qu’elle soit appliquée dans toute sa rigueur dans le cas où les gens ne seraient pas sensibles à la dissuasion et passeraient à l’acte. »
DIOR FALL SOW, PRESIDENTE D’HONNEUR DE L’AJS «NOS PREOCCUPATIONS ONT ETES PRISES EN COMPTE»
Les femmes juristes ont affiché leur satisfaction hier à l’annonce faite par le ministre de la Justice de criminaliser le viol et la pédophilie. « Nous avons été associées à plusieurs réunions sur ce projet de loi portant criminalisation du viol et de la pédophilie. Je peux dire aujourd’hui qu’après la pluie, c’est le beau temps. Cela veut dire que nos préoccupations ont effectivement été prises en compte. A l’heure actuelle, il y a effectivement dans le projet de loi une criminalisation du viol et de la pédophilie ; maintenant, reste à voir quelques modifications ou amendements que l’on pourrait apporter à ce projet de loi pour qu’une lecture beaucoup plus facile et beaucoup plus cohérente puisse se faire au niveau de l’Assemblée nationale », a soutenu Dior Fall Sow, présidente d’honneur de l’Association des Juristes du Sénégal (Ajs).
LE VIOL EN CHIFFRE
La directrice de la Famille, Fatou Ndiaye Dème, est revenue sur les chiffres effrayants du viol sur les 3 dernières années. «Selon l’Ajs, sur les 6 289 cas de violence en 2018, les 1 321 portent sur des cas de viol. Et dans la période 2017-2018, 565 dossiers sont liés aux infractions sexuelles. Le Comité de lutte révèle que rien qu’entre 2017- 2018, ce sont 706 femmes et filles qui ont été victimes de viol au Sénégal. Pire, il souligne que la plupart des viols sont suivis de meurtres. En 2019, ce sont 14 femmes qui ont été tuées suite à un viol et 3 femmes sont des mineures, les deux étaient en état de grossesse », s’émeut Fatou Ndiaye Dème.